Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education de mai 2017 à mai 2022, était l'invité du"8h30 franceinfo", samedi 21 octobre 2023. Lutte contre le terrorisme, laïcité… Il répondait aux questions d'Agathe Lambret et Jean-Rémi Baudot.
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00:00 Bonjour Jean-Michel Blanquer.
00:02 Bonjour.
00:03 Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:04 Vous étiez aux responsabilités il y a trois ans lors de l'assassinat de Samuel Paty.
00:08 Trois ans après, c'est donc un autre professeur, Dominique Bernard, qui a été assassiné.
00:12 Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, il serait encore là.
00:16 Voilà ce qu'a dit la sœur de Samuel Paty.
00:18 Qu'est-ce que ça signifie ?
00:19 Est-ce que ça signifie qu'en trois ans, il n'a pas été fait de choses suffisantes ?
00:23 Alors s'il y avait un remède pour éviter tout assassinat de la part du terrorisme islamiste,
00:28 évidemment il faudrait l'appliquer, mais ça n'est pas si simple, bien sûr, chacun peut le comprendre.
00:33 J'ai d'abord ressenti un sentiment d'horreur, le même que lorsqu'il y a eu l'assassinat de Samuel Paty.
00:39 Et ma deuxième réaction, c'était de me dire qu'il ne faut surtout pas banaliser ça,
00:42 ce qui vient de se passer est d'une gravité extrême.
00:46 Vous savez, en science politique, il y a une expression qu'on appelle la fenêtre d'Overton,
00:50 c'est-à-dire le fait d'habituer les gens, de commencer à habituer les gens à des choses extrêmes.
00:56 Et plus il y a des choses extrêmes, plus on s'habitue à n'importe quoi.
00:59 Et là, c'est ce qui est en train de se passer.
01:01 – On s'habitue à la menace terroriste ou on s'habitue au drame ?
01:04 – Non, on accepte l'inacceptable, on finit par accepter l'inacceptable.
01:08 Regardez ce qui nous est arrivé ces dernières années, qu'on pense à Charlie, qu'on pense au Bataclan,
01:13 que l'on pense à Samuel Paty, que l'on pense à l'hyper-Kasher,
01:17 que l'on pense là maintenant à ce qui vient de se passer à Arras avec Dominique Bernard.
01:22 C'est l'horreur, et bien entendu ce qui s'est passé en Israël aussi,
01:25 cette horreur, nous ne devons pas nous y habituer,
01:29 et nous devons avoir conscience que tout simplement,
01:31 il y a un islamisme fanatique qui nous fait la guerre,
01:34 et qu'il faut donc réagir en tant que tel.
01:37 Cette guerre fait des victimes, et c'est évidemment dramatique.
01:40 Nous devons faire le maximum pour les éviter,
01:43 mais surtout nous devons être sur un mode à la fois psychologique et pratique
01:47 pour faire face à cela, donc en prenant des mesures.
01:49 Des mesures ont été prises, bien sûr.
01:51 – On va en parler à Jean-Michel Blanquer,
01:52 on essaie de comprendre ce qu'il s'est passé, vous parliez d'horreur,
01:56 et effectivement ce qu'ont dit les professeurs d'Arras à Gabriel Attal,
02:00 votre successeur à l'éducation, est terrifiant.
02:02 Ils lui ont expliqué qu'il y a trois ans, au moment de l'assassinat de Samuel Paty,
02:06 il s'était dit que ça pourrait leur arriver un jour à eux, avec un élève,
02:09 celui qui a fini par tuer Dominique Bernard.
02:12 Et quand ils ont entendu l'alerte intrusion le jour de l'assassinat,
02:16 ils ont tout de suite pensé à lui.
02:18 Ça veut dire que ces professeurs, ils vivaient avec cette peur intégrée ?
02:22 Comment c'est possible ça ? Ils n'étaient pas protégés ?
02:25 – Cet homme a été fiché, là on n'est plus sur un sujet de la police,
02:30 évidemment l'enquête démontrera l'ensemble du déroulement des choses.
02:34 – Oui parce qu'il avait été signalé à plusieurs reprises.
02:36 – Ce qui a été mis en place depuis 2017, et avant l'assassinat de Samuel Paty,
02:40 c'est un système de signalement systématique.
02:43 Quand je suis arrivé, j'ai dit que le pas de vague s'était fini
02:46 et qu'il fallait signaler tous les problèmes.
02:48 Et un système de signalement a bel et bien été mis en place,
02:51 de sorte que toute personne, et ça reste vrai aujourd'hui évidemment,
02:54 qui a un problème, petit, moyen ou grand,
02:57 vis-à-vis d'un sujet de respect de la laïcité,
02:59 vis-à-vis à fortiori d'un problème de radicalisation islamiste,
03:02 est en situation de le signaler.
03:05 Et ce signalement doit ensuite provoquer une chaîne de réaction.
03:09 – Il y a une chaîne éducation, police, justice.
03:11 – Bien sûr, ce que nous avons renforcé…
03:12 – Et parfois cette chaîne elle est défaillante ?
03:14 – Oui, elle peut être défaillante aussi dans une phase
03:16 qui ne concerne plus l'éducation nationale.
03:18 C'est-à-dire qu'il y a le moment où les professeurs signalent à l'institution,
03:20 c'est-à-dire à la fin de leur rectorat, puis leur rectorat à la police.
03:23 Ensuite la police, elle a aussi ses obligations,
03:26 c'est-à-dire qu'elle ne peut pas dire tout à tout le monde,
03:28 elle doit travailler dans un certain secret pour réussir à être efficace.
03:31 Et donc dans l'affaire d'Arras, il est évidemment beaucoup trop tôt
03:34 pour faire des commentaires, il faut attendre l'enquête.
03:37 Mais la question qui semble-t-il se pose, c'est de savoir que s'est-il passé ?
03:40 On sait qu'il a été interpellé, en tout cas interrogé, la veille de l'assassinat.
03:45 C'est donc bien qu'il y avait eu un signalement,
03:48 que maintenant pourquoi n'a-t-on pas pu prévoir qu'il allait faire cela ?
03:52 C'est une question qui n'est pas facile, mais évidemment elle va se poser, bien sûr.
03:56 – Mais dans ces procédures…
03:57 – On ne peut pas dire que le signalement n'a pas eu lieu, apparemment, c'est ça ?
03:59 – Oui, mais il y a un signalement, mais ensuite l'équipe pédagogique
04:01 n'a pas de retour de ce que fait la police,
04:03 elle ne sait pas si le signalement a eu des conséquences,
04:06 si l'élève en question est fiché, suivi, c'est normal ça ?
04:09 – Ce qui est tout à fait évident dans une affaire comme cela,
04:12 c'est qu'un être comme cet assassin n'aurait jamais dû être sur le territoire français.
04:17 Ça nous renvoie à des problèmes qui dépassent largement l'éducation nationale,
04:21 c'est-à-dire qu'on le sait, cette famille aurait dû être expulsée.
04:24 – Oui, mais sur le fait que l'équipe pédagogique ne soit pas informée
04:27 du fait qu'un élève soit fiché S par exemple, est-ce que c'est normal ?
04:30 – Là encore, la suite permettra d'en savoir davantage,
04:34 mais ce n'est pas forcément anormal, puisque vous avez un suivi par la police.
04:38 Si la police dit à répandre les fichés S,
04:42 bien entendu que les fichés S vont se savoir repérer,
04:45 et que ça crée évidemment des choses qui ne vont pas.
04:48 Alors bien sûr, on peut considérer que de ce fait,
04:51 il faut en quelque sorte isoler les fichés S,
04:53 ça fait partie des idées qui ont lieu,
04:55 mais enfin tout ceci pose un certain nombre de problèmes,
04:58 mais en tout cas le principe du signalement, il existe,
05:01 et évidemment tout signalement doit se faire.
05:04 Et chaque fois il doit y avoir communication de l'éducation nationale vers la police,
05:07 je pense que c'est ce qui s'est passé aussi.
05:09 – Jean-Michel Blanquer, votre prédécesseur,
05:11 Gabriel Attal a annoncé cette semaine… – Successeur.
05:13 – Pardon, excusez-moi, ce successeur, excusez-moi.
05:15 Gabriel Attal a donc annoncé travailler à des mesures pour sortir,
05:18 je cite, "les plus dangereux des établissements".
05:20 Que pensez-vous d'une telle idée, d'une telle proposition ?
05:23 Est-ce que c'est possible, souhaitable ?
05:25 – Il y a des structures qui sont faites pour les élèves violents,
05:29 de façon générale, on appelle ça les institutions au relais.
05:33 On peut, en général, elles ont une capacité d'accueil d'environ 1500 élèves,
05:39 on peut imaginer avoir des dispositifs de ce type.
05:43 Il va de soi qu'il faut ensuite introduire un peu de précision
05:47 quand on dit ces choses-là, c'est-à-dire, il y a un degré de radicalisation
05:50 qui peut être différent d'un élève à l'autre,
05:52 il faut faire attention à ne pas faire, un peu comme avec les prisons,
05:56 des lieux qui deviennent des nids de radicalisation.
05:59 Donc il y a un certain nombre de questions que cela pose.
06:01 – Il y a une question éducative derrière ça quand même ?
06:03 – Avec un enfant toujours, bien sûr, par définition.
06:06 Et puis, vous savez, il y a tellement d'adolescents
06:08 qui sont tentés par des soleils noirs, il faut absolument les en détourner.
06:12 Ça passe par plusieurs approches.
06:15 Mais en tout cas, le fait de se poser la question
06:18 et d'avoir des dispositifs spécifiques, c'est évidemment une bonne chose en soi.
06:22 – Jean-Michel Blanquer, on va se retrouver dans quelques instants
06:24 après le Fil info de Diane Ferchita, à 8h39.
06:27 [Générique]
06:28 Deux otages américaines libérées par le Hamas.
06:31 Emmanuel Macron souligne le rôle très important du Qatar dans cette opération
06:34 et concernant les 7 disparus français, le chef de l'État se dit confiant
06:38 dans les canaux utilisés par la France pour les faire libérer
06:41 et face à un risque d'extension du conflit.
06:43 Israël appelle ce matin ses citoyens à quitter immédiatement l'Égypte ainsi que la Jordanie.
06:49 À l'Assemblée nationale, rejet des motions de censure
06:51 du Rassemblement national et de la France insoumise.
06:53 Motions déposées après l'utilisation de l'article 49.3
06:56 par la Première ministre pour faire adopter sans vote le premier volet du budget 2024.
07:01 Six mois après sa rétrogradation par l'agence de notation Fitch,
07:05 la France conserve sa note A2 du côté de l'agence Moody.
07:08 C'est l'une des meilleures notes possibles pour le ministre de l'Économie.
07:12 Bruno Le Maire, cette notation témoigne de la crédibilité de la signature souveraine française.
07:18 Match nul 0 à 0 entre le Havre et Lens,
07:20 hier soir en ouverture de la 9e journée de Ligue 1 de football.
07:23 De rencontres à suivre aujourd'hui, d'abord à 17h, le Paris Saint-Germain reçoit Strasbourg.
07:28 Les Parisiens entendent mettre la pression sur le leader Monaco
07:31 et puis à 21h, Marseille se déplacera sur le terrain de Nice.
07:35 France Info
07:39 Le 8.30 France Info, Agathe Lambret, Jean-Rémi Baudot.
07:43 Toujours avec Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l'Éducation nationale,
07:46 professeur à l'Université Paris II.
07:48 Votre parole est désormais rare, mais vous vous exprimez aujourd'hui
07:51 alors que la situation est grave.
07:53 On parlait des professeurs, est-ce qu'il y a des mesures immédiates,
07:56 des mesures d'urgence à prendre pour protéger l'école ?
07:59 Il y a d'abord le renforcement de mesures existantes.
08:03 Vous savez, depuis 2017, il y a eu 100 millions d'euros dépensés
08:06 pour la sécurisation des établissements.
08:08 Pour tout ce qui a trait aux mesures matérielles,
08:10 type vidéosurveillance et autres, beaucoup a été fait.
08:13 Les collectivités locales sont en pointe sur ces sujets.
08:16 On peut faire davantage encore.
08:18 Je pense par exemple aux policiers municipaux qu'une ville comme Nice
08:21 a su mobiliser autour des écoles primaires.
08:23 – Il faudrait le généraliser.
08:25 – Vous savez, il faut raisonner quand même au cas par cas.
08:27 La situation n'est pas la même dans un village et dans une ville.
08:29 Il faut beaucoup faire confiance aussi au lien entre collectivités locales,
08:34 notamment les communes, en l'occurrence, police et éducation nationale.
08:38 Ce lien a été très renforcé.
08:40 Vous avez maintenant des comités qui existent localement,
08:42 de sécurité, pour analyser ces sujets-là.
08:44 Il faut donc faire confiance aux réalités de terrain.
08:48 Il faut que les responsables locaux continuent à prendre les mesures de sécurité,
08:52 mais elles existent.
08:53 En réalité, dans tous les événements que l'on a pu vivre ces derniers temps,
08:56 c'est moins sur les structures que sur les individus que le sujet porte.
09:01 Autrement dit, que fait-on avec un individu qui se radicalise ?
09:04 Il y a un sujet qui peut être du côté des personnels.
09:07 Nous en avons exclu un certain nombre de l'éducation nationale
09:10 pour radicalisation ces dernières années.
09:12 Il y a tout un travail qui ne se voit pas qui est fait,
09:14 pour empêcher un certain nombre de problèmes.
09:17 Et puis il y a, nous en parlions tout à l'heure,
09:19 ce qui peut être fait avec les élèves radicalisés.
09:21 Et là, en effet, c'est le travail du signalement,
09:24 le travail éducatif et le travail de sanctions qui doit s'accomplir.
09:28 On ne part pas du tout de zéro, mais on peut accentuer les dispositifs existants.
09:32 Et puis il y a des craintes de la part de certains professeurs.
09:34 Des professeurs, un enseignant sur deux, qui affirment se censurer.
09:37 Vous parliez tout à l'heure d'arrêter le pas de vague.
09:40 Le pas de vague s'est fini, a tenu Gabriel Attal, cette semaine,
09:43 après l'attaque contre Dominique Bernard.
09:47 Cette phrase, vous l'aviez donc déjà prononcée, mais on affiche de la fermeté.
09:50 Et au final, malgré tout, c'est difficile, concrètement,
09:53 sur le terrain, que les professeurs se sentent rassurés
09:56 de parler de laïcité, de parler de religion.
09:58 – Parce que le sujet n'est évidemment pas que le fait d'un ministre,
10:01 que ce soit moi-même ou aujourd'hui Gabriel Attal.
10:04 Bien sûr, nous avons dit l'un et l'autre, moi-même en 2017,
10:07 lui-même ces jours-ci, le pas de vague s'est fini.
10:10 Et ça a eu beaucoup d'importance de le dire, quand je l'ai dit,
10:13 comme lorsqu'il le dit, parce qu'il faut en effet le répéter sans arrêt.
10:16 Mais vous avez après des millions de gens qui sont concernés par cette phrase.
10:19 Et donc, vous ne changez pas les esprits, toujours à 100% du premier coup.
10:23 Ce qui est certain, c'est qu'il y a eu des avancées considérables.
10:27 On oublie comment c'était avant 2017.
10:30 Les signalements de ce type n'existaient pas.
10:32 Vous n'aviez pas ce lien "Éducation nationale-police".
10:35 Vous n'aviez pas tout un tas de réflexes qui sont désormais installés.
10:38 Maintenant, c'est dans tous les esprits qu'il doit y avoir la fin du pas de vague.
10:42 Et plus globalement, un état d'esprit, tout simplement,
10:45 de savoir contrer ce terrorisme islamiste.
10:48 C'est pour ça que le sujet…
10:49 – Ça c'est toute la société en réalité, ce n'est pas qu'une question d'éducation.
10:52 – Bien sûr, ce n'est pas que l'éducation nationale.
10:54 Vous savez, l'éducation nationale, elle a parfois un peu bon dos.
10:56 D'ailleurs, les professeurs le savent bien,
10:58 puisqu'ils sont toujours un peu réceptacles des problèmes de la société.
11:01 Et la société doit donc être très solidaire des professeurs.
11:04 Le sujet d'une société à qui la guerre est faite,
11:06 comme c'est le cas pour nous depuis maintenant de nombreuses années,
11:09 c'est des réponses techniques et pratiques, bien sûr, et politiques.
11:13 Mais c'est aussi des réponses psychologiques.
11:15 C'est l'unité d'un pays, c'est le calme, la sérénité et la force.
11:20 – Vous avez l'impression que les Français se sentent en guerre contre les islamistes ?
11:23 – Je trouve.
11:24 – Ce que les islamistes nous font en réalité la guerre ?
11:26 – Oui, et je pense que ce qui se passe surtout,
11:28 c'est qu'il y a un but du terrorisme qui est le but classique,
11:31 c'est-à-dire nous faire peur.
11:32 Et avec la peur, nous faire perdre notre confiance en nous-mêmes,
11:35 en tant que démocratie, en tant que république.
11:38 Et aujourd'hui, nous devons affirmer haut et fort l'amour de notre pays,
11:42 la force de la république, la force de la démocratie, la force de nos valeurs.
11:46 – Parce que ce n'est pas évident, pardon Jean-Michel Blanquer,
11:48 mais justement, le professeur d'histoire en Seine-Saint-Denis,
11:50 Agnès Roder, estime qu'il faudrait que les enseignants comprennent bien
11:53 qu'ils ont affaire à un projet politique
11:55 et que beaucoup de Français ne mesurent pas ce à quoi nous avons affaire,
11:59 c'est-à-dire que les islamistes sont en guerre contre nous.
12:02 Il y a encore un aveuglement ou une part de déni chez les Français
12:05 et dans l'éducation nationale ?
12:07 – En tout cas, Yanis Roder exprime parfaitement bien
12:10 ce que je pense aussi sur ce sujet.
12:12 Je pense que c'est vraiment extrêmement juste de le dire ainsi.
12:15 Il est d'ailleurs membre de ce Conseil des sages de la laïcité
12:17 que vous avez créé pour précisément avoir une vision systémique globale du problème.
12:22 Mais en effet, nous devons être tout simplement forts et sereins.
12:26 Ça veut dire par exemple, solidaires de tous les professeurs,
12:29 mais ce n'est pas seulement sur le sujet du terrorisme,
12:31 c'est sur tout sujet confondu.
12:32 Une société qui va bien, c'est une société qui aime ses professeurs
12:35 et qui soutient ses professeurs.
12:37 Et donc, tous les Français sont responsables de leur façon d'être
12:41 vis-à-vis de l'éducation nationale et vis-à-vis des professeurs.
12:44 Et ensuite, entre tous les professionnels, en l'occurrence les professeurs,
12:47 les autres personnels qui travaillent pour l'éducation,
12:50 tout le monde doit être dans cet état d'esprit de solidarité,
12:53 d'unité face à ce danger, mais aussi d'avoir certains réflexes du quotidien
12:58 et qui passent en particulier par le signalement,
13:00 qui est un point très important.
13:02 Mais en effet, le pas de vague, c'est un travail de très longue haleine
13:05 pour arriver à y mettre fin totalement.
13:07 Le pas de vague a diminué au cours des dernières années,
13:10 mais il reste du chemin pour en finir
13:12 et c'est important d'afficher notre volonté en la matière.
13:15 Vous dites dans le Figaro, dans une tribune,
13:17 "Quand cesserons-nous de nous vouloir coupables de tout ?"
13:20 Que voulez-vous dire ?
13:21 Là aussi, c'est un sujet très global, c'est-à-dire, vous savez,
13:25 les terroristes, ils cherchent à nous faire peur,
13:27 ils cherchent aussi à nous faire culpabiliser.
13:29 Regardez ce qui se passe après chaque attentat,
13:32 on se pose plein de questions sur nous-mêmes,
13:34 mais parfois on oublie même de désigner l'ennemi et d'attaquer l'ennemi.
13:38 C'est comme ce qui s'est passé au Proche-Orient.
13:40 Il y a une sorte de pogrom qui a eu lieu au Proche-Orient, gravissime,
13:46 une attaque de civils, voulues, des femmes violées,
13:48 des enfants décapités, des choses abjectes.
13:51 Eh bien, cette attaque est une attaque terroriste,
13:54 elle doit être qualifiée comme telle.
13:56 Et maintenant, il est tout à fait normal pour Israël de se défendre.
13:59 Israël doit le faire, évidemment, avec des moyens appropriés,
14:02 en épargnant au maximum les civils.
14:05 Mais aujourd'hui, on voit tout de suite que ce qu'on cherche à désigner
14:08 comme coupable, c'est Israël.
14:10 De même que là, on cherche à désigner comme coupable l'éducation nationale.
14:13 Alors que vous dites, c'est la même idéologie, c'est ça l'ennemi ?
14:15 Bien entendu, il y a un ennemi.
14:17 On aimerait bien que cet ennemi n'existe pas.
14:19 Par exemple, aujourd'hui, le Hamas est un ennemi,
14:21 il doit être éliminé, c'est une évidence.
14:24 Soit on pratique le déni, on ne dit pas ces choses-là,
14:27 très clairement, ce que malheureusement un bout du spectre
14:31 de la classe politique française a fait ces derniers temps.
14:34 Soit on est lucide par rapport à cela, et nous serions plus forts
14:38 si on avait, par exemple, une unanimité politique française
14:42 pour dire des choses aussi simples que ce que je viens de dire.
14:45 – Est-ce que cet ennemi, par exemple, pardonnez-moi,
14:47 est-ce qu'il a aussi des méthodes, au-delà de la violence
14:50 que vous dénoncez évidemment, des méthodes plus discrètes,
14:54 plus culturelles, plus au lieu de la mode ?
14:56 On pense évidemment au débat qu'il y a eu sur l'Abaya,
14:59 et d'une partie de la gauche qui a voulu minimiser l'enjeu de cette question-là.
15:03 Est-ce que pour vous, par exemple, typiquement l'Abaya,
15:06 c'est une forme de clé d'entrée dans le débat ?
15:11 – En effet, il y a une pression permanente.
15:14 On a beaucoup parlé du djihadisme d'atmosphère,
15:16 expression utilisée par Gilles Kepel en particulier,
15:19 de façon générale, il peut y avoir un islamisme d'atmosphère
15:22 au-dessus de ce djihadisme d'atmosphère.
15:24 Je l'ai combattu autant que j'ai pu, vous vous souvenez sans doute
15:27 des fluides critiques que j'ai eues lorsque j'ai dit des choses sur cela.
15:30 En disant cela, je pense à tous nos compatriotes,
15:33 je pense à nos compatriotes musulmans, qui sont très majoritairement républicains,
15:37 et qu'il faut justement presque protéger par rapport à cela,
15:42 éviter à la fois les amalgames, comme on le dit souvent,
15:45 mais tout simplement pour éviter qu'on confonde tout.
15:48 Je pense à nos compatriotes juifs, depuis ce qui s'est passé il y a dix jours,
15:52 il se passe des choses ignobles en matière d'antisémitisme en France.
15:55 Il faut le dire, il faut le combattre, il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt.
15:59 À force, si vous voulez, d'édulcorer les choses, de se tromper
16:03 quand on veut réagir aux événements en désignant de faux coupables
16:08 ou des problèmes qui sont secondaires par rapport aux problèmes principaux,
16:11 et bien d'une certaine façon, quand on fait cela, on donne un peu de victoire à l'ennemi.
16:16 – Ça veut dire que interdire l'Abaïa, ce n'est pas islamophobe, comme disent les insoumis ?
16:20 – Non, je rappelle que l'Abaïa, elle était interdite
16:22 quand j'étais ministre de l'Éducation nationale, rappelons-le quand même,
16:25 parce que parfois, il y avait tous les signes ostentatoires,
16:28 l'Abaïa en est un parmi d'autres,
16:30 il y a une sorte de casuistique des mouvements islamistes
16:33 et qui parfois testent l'école, ils ont testé l'école une fois que j'étais parti,
16:37 il a fallu peut-être redire les choses très clairement récemment,
16:40 mais il est évident que les signes ostentatoires depuis la loi de 2004
16:44 sont très clairement interdits,
16:45 et que ce soit l'Abaïa ou d'autres signes ostentatoires,
16:47 ils doivent continuer à l'être, mais vous savez,
16:49 plus la République se montre calme et ferme, juste, plus elle sera respectée,
16:54 et c'est particulièrement vrai des adolescents,
16:56 c'est pour ça que la loi de 2004 est une telle réussite,
16:59 c'est parce qu'elle dit des choses très simples, très claires
17:02 et qui sont conformes à nos valeurs, et ça, ça se comprend et ça se respecte.
17:05 – Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l'Éducation nationale,
17:07 on se retrouve dans un instant après le Fil info à 8h50 avec Diane Ferchit.
17:11 [Générique]
17:12 – Les fausses alertes à la bombe et 22 enquêtes sont en cours
17:15 selon le garde des Sceaux, un homme a été arrêté hier soupçonné
17:18 d'être l'auteur d'une de ces fausses alertes au château de Versailles
17:21 qu'il sera à déférer devant un juge dans la journée.
17:23 Le château de Versailles évacué au total 5 fois depuis une semaine.
17:27 Israël appelle ses citoyens à quitter immédiatement l'Égypte
17:30 et la Jordanie ce matin, l'ONU de son côté indique que 17 de ses employés
17:34 en charge des réfugiés ont été tués depuis le début du conflit
17:37 il y a deux semaines et sur France Info, un observateur permanent
17:40 de la Palestine aux Nations Unies dénonce la présence
17:43 de centaines de camions d'aide humanitaire qui attendent à la frontière
17:46 avec la bande de Gaza, un non-sens absolu selon lui.
17:50 Mobilisation ce samedi contre le projet d'autoroute à 69 entre Castres et Toulouse,
17:54 les autorités craignent des tensions, de nombreuses organisations de défense
17:58 de l'environnement seront présentes dont les soulèvements de la terre.
18:01 1600 policiers et gendarmes sont déployés sur place.
18:05 Qui de l'Angleterre ou de l'Afrique du Sud se qualifiera ce soir
18:08 pour la finale de la Coupe du monde de rugby ?
18:10 Les deux équipes s'affrontent au Stade de France.
18:12 A partir de 21h, le vainqueur retrouvera la Nouvelle-Zélande en finale.
18:16 Toujours avec Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l'éducation nationale,
18:28 professeur à l'université Paris 2.
18:30 Quand vous étiez à l'éducation nationale, vous aviez choisi d'incarner ce combat de la laïcité.
18:35 On vous l'a d'ailleurs reproché à l'époque jusque dans votre camp.
18:39 Est-ce que vous estimez qu'on a perdu du temps ?
18:42 Vous parliez à l'instant de votre départ.
18:44 Est-ce que la nomination aussi de Pape Diaye après votre départ
18:47 a pu envoyer un signal à ceux qui veulent déstabiliser l'école ?
18:51 Je pense que de façon générale, c'est depuis une vingtaine d'années
18:55 qu'on a perdu du temps.
18:56 C'est-à-dire que des voix ont su se faire entendre suffisamment tôt.
19:00 Je parlais de Gilles Kepel tout à l'heure, il vient de sortir un livre "Prophète en son pays"
19:05 où il rappelle tout ce qu'il disait depuis 20 ans.
19:07 Je fais partie des personnes qui, avec lui et d'autres, voyaient ce problème.
19:12 Dans quelques responsabilités que j'ai pu exercer, j'ai toujours dit les choses.
19:16 Là encore, très calmement, mais avec une forme de fermeté.
19:20 Quand j'ai écrit récemment "Quand cesserons-nous de nous sentir coupables de tout ?"
19:26 c'est aussi cela que je voulais dire.
19:27 C'est-à-dire qu'à un moment donné, il faut arrêter avec la culpabilité,
19:31 ce que Pascal Brutner avait appelé "le sanglot de l'homme blanc",
19:35 cette recherche permanente de nos faiblesses,
19:38 alors même que des ennemis sont en train de se repaître de nos faiblesses.
19:42 Regardez les différents théâtres de guerre,
19:44 il y a une forme d'unité entre ces différents éléments qu'il y a aujourd'hui.
19:47 Regardez l'Ukraine, regardez l'Arménie.
19:49 150 000 personnes ont fait l'objet d'un nettoyage ethnique
19:52 il y a trois semaines dans le silence général du monde.
19:55 C'est même la France qui a réagi le plus et le plus fort,
19:58 mais ce n'est évidemment pas assez par rapport à ce qui s'est passé.
20:02 Plus personne ne se scandalise de ce genre de choses, ce qui est tout à fait anormal.
20:06 Regardez le Kurdistan, dont on ne parle plus tellement,
20:08 mais qui lui aussi fait l'objet d'un expansionnisme.
20:10 Regardez ce qui s'est passé en Israël.
20:12 Dans les exemples que je suis en train de citer,
20:14 il y a des chrétiens, il y a des juifs, il y a des musulmans, comme au Kurdistan.
20:18 Le sujet, ce n'est pas un sujet de guerre des religions,
20:20 ou d'une religion l'une contre l'autre, loin sans faux.
20:22 Et encore moins de la laïcité contre la religion.
20:25 Pas du tout, ça c'est nos ennemis qui essayent d'installer cette façon de raconter les choses.
20:29 C'est au contraire la démocratie face à la dictature.
20:33 C'est les droits de l'homme face à la violation des droits de l'homme.
20:36 Dans les exemples que je viens de donner, comme dans le domaine interne en France,
20:41 c'est les principes de liberté face à ceux qui n'aiment pas la liberté.
20:44 Et on voit bien que cette liberté aujourd'hui, elle est menacée à l'échelle de la France
20:48 comme à l'échelle du monde, et que les partisans de la liberté,
20:51 c'est-à-dire l'immense majorité de la population française,
20:53 l'immense majorité de la classe politique, doivent réagir en disant des choses simples, claires,
20:58 et en ne se cachant pas derrière le petit doigt quand il faut désigner un ennemi,
21:01 parce que c'est toujours un élément de faiblesse.
21:03 – Et il y a la question notamment de l'importation du conflit,
21:06 notamment vous parliez d'Israël, de l'importation du conflit sur notre territoire.
21:10 Vous parliez de liberté, la liberté par exemple des manifestations pour la Palestine,
21:15 à différencier évidemment des manifestations éventuelles pour le Hamas.
21:20 Mais aujourd'hui, est-ce que vous pensez qu'il est normal que des Français,
21:24 des gens sur notre territoire puissent manifester pour la Palestine ?
21:27 – C'est toujours le problème de la liberté et de l'asymétrie
21:30 entre les démocrates et les antidémocrates.
21:32 Nous, par définition, nous voulons la liberté, y compris la liberté, évidemment,
21:36 des gens qui ne pensent pas comme nous.
21:38 Mais en même temps, il faut un cadre.
21:40 Ce cadre définit des limites de ce qui est acceptable ou inacceptable.
21:44 Par exemple, des slogans antisémites dans une manifestation,
21:48 par exemple la promotion du terrorisme.
21:50 Quand vous avez quelqu'un qui vient avec un drapeau palestinien
21:54 dans une université, le lendemain des massacres,
21:56 ce n'est évidemment pas la même chose que d'avoir un drapeau palestinien
21:59 le reste du temps, si vous voulez.
22:01 Ce qui est évidemment tout à fait libre, mais il faut savoir interpréter ce qui se passe
22:06 et là aussi ne pas faire semblant de ne pas comprendre certaines choses.
22:09 Donc il est tout à fait normal de réguler les manifestations.
22:12 Il faut le faire avec beaucoup de discernement,
22:14 parce qu'en effet, il ne faut pas être contradictoire avec nous-mêmes
22:16 et tous les points de vue doivent s'exprimer.
22:18 Et puis il est tout à fait normal que certains veuillent être,
22:21 il faut l'être en effet, vigilants sur ce qui se passe pour les civils palestiniens,
22:25 faire la grande distinction entre le Hamas d'une part et les Palestiniens d'autre part
22:30 et justement détacher là aussi tout un peuple de ces faux bergers.
22:34 – Elle n'était pas contre-productive quand le gouvernement s'est montré très ferme
22:36 sur ces manifestations par exemple ? Ça n'a pas envoyé un signal ?
22:39 – Je n'ai pas tendance actuellement à penser que la fermeté soit contre-productive
22:42 ou quoi que ce soit, il faut évidemment que ce soit au service de la liberté,
22:45 au service de la démocratie, mais qu'il y ait de la fermeté.
22:49 Vous savez, il y a beaucoup de secteurs, y compris dans la politique interne française,
22:53 ou dans la société, qui testent la République, qui regardent si elle est molle.
22:58 Aujourd'hui, il faut être clémenciste, il faut être capable de montrer
23:01 qu'on est à la fois généreux, ouvert, militant des droits de l'Homme
23:07 et en même temps complètement ferme sur nos convictions et ne nous laissant pas faire.
23:11 Et donc tout ce qui va dans ce sens est bon.
23:13 – Et quand Marine Tondelier, la patronne des écologistes,
23:16 dit que "clamer à la Wack-Bar dans une manifestation est débile et choquant",
23:20 est-ce que vous êtes d'accord ?
23:21 Elle s'est excusée d'avoir prononcé ces mots depuis ?
23:24 – Alors, il y a des moments où je suis…
23:26 comme il y a des montagnes russes de ses positions,
23:28 je suis d'accord avec elle à certains moments de sa montagne russe.
23:31 Quand elle dit ça, je suis évidemment d'accord avec elle.
23:34 – C'est débile et choquant de dire "à la Wack-Bar" ?
23:37 – Mais c'est pareil que ce que je disais sur le drapeau palestinien tout à l'heure,
23:39 tout dépend du contexte.
23:41 Dans un contexte théologique, c'est totalement normal de le dire,
23:45 c'est partie de la religion musulmane et évidemment de la liberté d'expression.
23:49 Quand vous le dites dans une manifestation accolée à des slogans antisémites,
23:53 il y a évidemment un sens, c'est quand même le mot utilisé
23:56 par l'assassin de Dominique Bernard avant de l'assassiner.
23:59 Donc ces mots ont un sens et parfois cela peut paraître un tout petit peu complexe,
24:05 peut-être, mais il faut évidemment contextualiser.
24:08 Ce n'est pas "à la Wack-Bar" en soi qui est un problème,
24:10 mais c'est le contexte dans lequel c'est dit.
24:12 Et il ne faut pas là aussi faire semblant de ne pas comprendre certaines choses.
24:16 Donc oui, il y a des gens qui font l'apologie du terrorisme en France aujourd'hui,
24:19 oui, il faut être ferme avec eux, et donc elle a eu raison de dire ce qu'elle a dit.
24:23 Il aurait été préférable qu'elle ne participe pas à ce que j'ai appelé tout à l'heure
24:26 l'islamisme d'atmosphère cet été en invitant le rappeur Médine,
24:30 et il aurait été préférable qu'elle ne se renie pas ensuite
24:33 en s'excusant d'avoir dit enfin quelque chose de valable.
24:36 – Jean-Michel Blanquer, merci beaucoup d'avoir été notre invité.
24:39 Je rappelle que vous êtes ancien ministre de l'Éducation nationale.
24:42 Merci d'avoir été sur France Info.
24:44 Merci Agathe de m'avoir accompagné.
24:45 On se retrouve évidemment demain pour une nouvelle interview
24:48 et on se retrouve dans un instant pour un nouveau point sur l'info.