"Iphigénie" (de Racine), celle qui dit "oui" - La chronique de Juliette Arnaud

  • l’année dernière
Juliette Arnaud nous fait voyager dans le temps avec Iphigénie, tragédie de Jean Racine datée de 1674. Un gros plan sur "celle qui dit oui", alors que la Guerre de Troie s'apprête à éclater.

Retrouvez Juliette Arnaud sur le site de France Inter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-de-juliette-arnaud

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Transcript
00:00 Juliette Arnault, l'air du temps, achez-vous des résonances avec ifigénie de racine ?
00:07 - Et allez, d'accord !
00:09 - Les débats d'actu dans le bureau avec Juliette, c'est un ifigénie de racine, bien sûr !
00:13 Et vous nous faites voyager dans le temps, dites donc, on se retrouve donc en 1674.
00:19 - Oui, et on va faire une première étape avec Jean Anouilh,
00:22 que à peu près tout le monde doit connaître ici, après tout il n'y a que des profs.
00:25 Jean Anouilh qui avait fait d'une adolescente grecque, Antigone, celle qui disait non.
00:31 Et je la cite, "Qu'est-ce que vous voulez que ça me fasse à moi, votre politique, vos nécessités, vos pauvres histoires ?
00:38 Moi, je peux dire non encore à tout ce que je n'aime pas et je suis seule juge."
00:43 Et bien trois siècles plus tôt, un autre Jean, auteur dramatique également, Jean Racine,
00:48 avait fait d'une autre adolescente grecque, ifigénie, celle qui dit oui.
00:52 Antigone dit non à son potentiel beau-père créon et à ses lois, elle en meurt.
00:57 Ifigénie dit oui à son père agamemnon et à ses lois, elle dit oui pour la mort, la sienne, et elle ne meurt pas.
01:04 De là, on pourrait se dire que tiens, tiens, l'ironie de la vie est décidément bien ironique.
01:08 Ou alors, on peut se dire que décidément, ce qu'on attend éternellement de la jeunesse,
01:13 c'est qu'elle se soumette à la loi des adultes, quitte à sacrifier sa vie avec.
01:18 Allez, on fait un gros plan sur Ifigénie, celle qui dit oui, la guerre de Troie va commencer.
01:23 Les grecs unis autour d'Agamemnon, leur roi, vont avec leur navire traverser la mer Égée et attaquer Troie.
01:30 Le prétexte officiel, car oui, il en faut toujours un, Paris, un des fils de Priam, roi de Troie,
01:36 a enlevé Hélène, la femme de Ménélas et frère d'Agamemnon.
01:40 La réalité, bon ben Troie, c'est une cité riche, les grecs et les troyens aussi,
01:45 ils aiment bien la guerre, la conquête et la gloire.
01:48 Tout est bien installé, mais voilà, bam, pas un pic de zèf, y a pas de vent.
01:54 Les navires sont coincés sur les rivages grecs.
01:56 Agamemnon en demande la raison à l'oracle, Calchas, et Calchas est formelle,
02:02 les dieux réclament un sacrifice humain, les dieux demandent la vie d'Ifigénie,
02:07 et à partir de là, les adultes s'embrouillent.
02:10 Agamemnon aime beaucoup sa fille, mais il aime aussi beaucoup être chef.
02:14 Clytemnestre, la mère d'Ifigénie, veut absolument sauver sa fille.
02:18 Achille, le fiancé d'Ifigénie, qui est aussi demi-dieu,
02:22 lui est prêt à en venir aux mains avec son beau-père,
02:25 et Ifigénie s'interpose et elle s'oppose à Achille de la sorte,
02:31 avec cette crème d'Alexandrin,
02:33 car enfin, ce cruel que vous allez braver,
02:36 cet ennemi barbare, injuste, sanguinaire,
02:39 songez, quoi qu'il ait fait, songez qu'il est mon père.
02:43 Barbare, injuste, sanguinaire, oui mais voilà,
02:46 c'est mon père, ma patrie, nos lois, nos dieux, ma loyauté à tout ça,
02:49 et au nom de ça, je sacrifie ma vie.
02:52 Racine, avec un trou de passe-passe entre cruelle et gênant à mes yeux,
02:56 la sauve, mais pas d'inquiétude, c'est une tragédie,
02:59 c'est une autre qui y laisse sa peau, une autre tout aussi innocente,
03:03 mais tout est bien, puisque la guerre de Troie peut commencer.
03:06 Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants
03:09 est forcément purement fortuite,
03:11 et ne peut être que le fruit d'une pure coïncidence.
03:14 Merci, bisous, merci.
03:16 (Applaudissements)
03:23 Et comme tous les dimanches, nous vous proposons une suite, bien sûr.
03:27 Ifigénie est celle qui dit oui,
03:29 et dans une petite pièce radiophonique,
03:31 vous allez entendre ce qu'il serait advenu
03:34 si Ifigénie n'avait pas dit oui.
03:37 Nous sommes dans l'Antiquité,
03:40 et si vous entendez quelques rires dans la salle,
03:42 c'est qu'il faut imaginer chez vous
03:44 les personnages en toge blanche.
03:47 Moi, je les vois sur des draps de lit,
03:49 pas très bien repassés,
03:50 et je vois qu'ils galèrent à se les accrocher
03:52 avec des empereurs de la nourrice.
03:55 Ifigénie est interprétée par Juliette,
03:58 Emerick est à gamènes noms,
03:59 Guillaume est Achille,
04:01 et Christine est Clytemnestre.
04:03 (Musique)
04:07 Les navires grecs, faute de vent,
04:10 ne peuvent gagner les rives troyennes,
04:13 et l'oracle consulté a statué.
04:15 Les vents reviendront si les grecs sacrifient
04:18 la fille chérie de leur chef.
04:21 Voici le jour du sacrifice d'Ifigénie.
04:24 Tous les grecs sont réunis près de l'autel,
04:27 et dans un silence déchirant et solennel,
04:29 le sacrificateur va prendre la vie de la jeune fille.
04:33 (Musique)
04:38 - Euh, non, en fait, j'ai changé d'avis.
04:41 - Oh mais quelle infamie !
04:42 Ce n'est pas le moment de nous livrer ton opinion.
04:45 - Ah, bah si, un peu, vous êtes à deux doigts de me sacrifier,
04:47 c'est maintenant ou jamais, en fait.
04:48 - Vous, non, eux, oui, parce que moi je ne suis pas d'accord.
04:51 En fait, je ne suis jamais d'accord avec mon mari.
04:53 - Écoute, Ifi, écoute, Ifigénie...
04:56 - Ifigénie !
04:58 - Quoi ?
04:59 On appelle notre fille comme un magasin ?
05:01 - Un magasin ?
05:03 - J'y fais les idées de génie.
05:06 - Oh, mais Dieu, mais qu'il est lourd !
05:09 - Mais pourquoi me sacrifier, moi ?
05:11 Pourquoi pas toi, par exemple, papa ?
05:13 - Oh là là, écoute-moi bien, ma petite séphilis.
05:15 J'y ai...
05:17 J'y ai...
05:19 Non, oui, c'est ce que demande l'oracle.
05:21 On doit sacrifier un être pur, innocent et jeune.
05:24 - Eh bah forcément, ça ne peut pas être lui.
05:27 - Non, mais en plus, moi, ça ne m'arrange pas trop,
05:29 parce qu'en termes de timing,
05:30 parce que demain, j'ai un brainstorming avec Alshass,
05:31 et après, j'ai un squash avec Tycho Saliagas.
05:33 - Non, mais il y en a marre, il y en a marre,
05:34 il y en a vraiment marre, en fait.
05:35 C'est toujours les jeunes qu'on sacrifie
05:37 dès qu'il faut aller à la guerre.
05:38 - Ouais, attendez, elle a carrément raison.
05:40 Parce qu'en plus, moi, ça ne m'arrange pas,
05:41 cette histoire de sacrifice,
05:42 parce que je dois l'épouser, à la base.
05:43 Et si on la bute,
05:44 je n'ai plus personne pour la maison, moi,
05:46 pour venir à la baraque.
05:47 - Mais il est sérieux, lui ?
05:48 - Bienvenue dans mon monde, ma fille.
05:50 - Eh bah quoi, tu veux prendre sa place, Achille ?
05:51 - Ah non, non, non, non, non.
05:52 Après, non, non, non, non, après,
05:53 si l'oracle, il a dit qu'il faut la sacrifier, elle...
05:56 En plus, c'est la dernière version de l'oracle.
05:58 C'est 3.0.
05:58 - 3.0.
05:59 - 3.0, bah...
06:00 - Ah non, non, ça, il ne faut pas contredire l'oracle, hein.
06:02 - Bah si !
06:03 - Ah non ?
06:03 - Bah si, si, on va le contredire.
06:05 Ma vie n'est pas votre bien.
06:07 Déjà, j'ai accepté l'époux que vous m'avez promis.
06:10 Râlez couette,
06:11 je ne serai pas une victime obéissante.
06:12 - Écoute-moi bien, Elphidji.
06:14 Il va falloir le faire, ce sacrifice.
06:16 - Et pourquoi ?
06:17 - Mais parce qu'on a toujours fait comme ça.
06:18 - L'histoire de ma vie sexuelle.
06:20 - Bon, ça suffit, Phil Collins.
06:23 On n'a plus beaucoup de temps.
06:24 Allonge-toi,
06:25 sacrifie-toi,
06:26 et on en reparlera plus tard.
06:27 - Ah, c'est exactement ce que dit Stéphane Plataz.
06:29 J'ai compris.
06:33 - Ouais, le gendre plus beauf que le beau-père.
06:35 Sympa.
06:36 - Non, bah ça suffit.
06:37 Ça suffit.
06:38 Râle bol,
06:39 on se lève,
06:40 et on se casse.
06:41 - Eh bah...
06:46 Pas de...
06:48 Pas de sacrifice,
06:49 pas de sacrifice,
06:50 pas de vent,
06:51 pas de vent,
06:51 pas les bateaux, les avances...
06:52 Pas de bateau,
06:53 pas de bateau, pas de guerre,
06:55 pas de guerre,
06:55 pas de guerre.
06:56 - Ouais.
06:57 C'est lui le stratège.
06:59 - Bah...
07:00 Comment on va faire pour aller à Troubaix, du coup ?
07:02 - Bah vous allez qu'aller en pédalo !
07:04 Pédalo.
07:07 - Oh, les femmes !
07:10 - Merci,
07:17 Juliette Arnaud,
07:18 et sa petite troupe.
07:20 Et merci à Baptiste Collion
07:22 pour avoir prêté sa voix.
07:24 Ça m'a rappelé les plus belles heures
07:26 de la fête de l'école.
07:27 Merci beaucoup.

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