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Clément Méric reçoit Véronique Louwagie, députée Les Républicains de l'Orne.

Elle aime manier les chiffres et éplucher les projets de loi de finances. Son passé d'expert-comptable y est sans doute pour quelque chose. Mais avec le temps, la technicienne est devenue plus politique, au point de s'imposer aujourd'hui comme l'une des figures incontournables de la droite à l'Assemblée.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00 -Elle aime manier les chiffres,
00:01 éplucher les projets de loi de finances,
00:04 mais avec le temps, la technicienne est devenue plus politique,
00:07 au point de s'imposer aujourd'hui
00:09 comme une figure incontournable de la droite à l'Assemblée.
00:13 Musique intrigante
00:15 ...
00:25 Bonjour, Véronique Louvaji. -Bonjour.
00:28 -Vous siégez à l'Assemblée depuis 2012,
00:30 sous les couleurs du groupe Les Républicains.
00:33 Il a fallu attendre votre troisième mandat
00:35 pour que Le Figaro vous consacre un article
00:38 avec pour titre, Véronique Louvaji,
00:40 "Révélation de la droite à l'Assemblée".
00:42 C'est pas un peu vexant pour vous, après plus de 10 ans,
00:45 qu'on vous qualifie de révélation ?
00:48 -Non, pas du tout. Je crois qu'on peut exister
00:51 sans pour autant faire la une des médias.
00:53 Effectivement, je suis une passionnée des chiffres,
00:56 c'est mon métier, expert comptable.
00:58 J'aime aller au bout des choses et je pense qu'on prend du temps
01:01 à comprendre les mécaniques des finances publiques,
01:04 les mécaniques d'un projet de loi de finances,
01:07 d'un budget de l'Etat.
01:08 -Et d'une institution comme celle de l'Assemblée nationale ?
01:12 -Oui, tout à fait. J'ai voulu, en 2012,
01:14 faire partie de la Commission des finances
01:17 aussitôt quand je suis arrivée ici,
01:19 et je n'ai pas pu immédiatement,
01:21 parce qu'en 2012, parmi les députés de la droite,
01:25 il y avait un grand nombre d'anciens ministres,
01:28 et l'accès à la Commission des finances leur a été réservé.
01:31 J'ai dû attendre un peu.
01:33 -En gros, les barons de la droite
01:35 trustaient les places, occupaient la première ligne.
01:39 -Oui, c'était ça, parce qu'il y avait, je dirais,
01:42 une certaine envie, en tout cas, une certaine fierté
01:45 d'être à la Commission des finances, un certain prestige,
01:49 et j'ai dû attendre 2014, où là, François Barmoin,
01:51 qui faisait partie de la Commission des finances,
01:54 est parti au Sénat, et donc là, il y a eu une place,
01:57 et comme le lait sur le feu,
01:59 j'ai pu accéder à la Commission des finances.
02:01 -Ce terme de révélation, employé par le Figaro,
02:04 peut surprendre, et en même temps,
02:06 dans cette assemblée sans majorité absolue,
02:09 vous avez pris une dimension nouvelle,
02:11 que ce soit sur la remise sur les prix du carburant
02:14 au début de la législature ou sur la réforme des retraites.
02:17 C'est vous, avec Olivier Marlex,
02:19 qui êtes allé discuter, négocier, en tout cas,
02:22 à Matignon, avec Elisabeth Borne,
02:24 ou à Bercy, avec Bruno Le Maire.
02:27 C'est un nouveau rôle, ce sont de nouvelles responsabilités
02:30 qui vous ont plu ?
02:32 -Oui, effectivement, sur les deux mandats précédents,
02:35 la situation était différente.
02:37 Là, nous nous retrouvons avec un paysage politique
02:40 particulier à l'Assemblée nationale,
02:42 et donc, le gouvernement essaie de discuter
02:45 avec un certain nombre de groupes,
02:47 dont le groupe Les Républicains,
02:49 et Olivier Marlex m'a associée
02:51 à tout ce qui est concerné les finances
02:53 et m'a laissée mettre pour discuter
02:55 sur le premier projet de loi de finances,
02:57 qui concernait le pouvoir d'achat.
03:00 Je me suis trouvée à discuter avec la Première ministre,
03:03 et ensuite, avec Bruno Le Maire,
03:05 lors du débat, lors de l'examen de ces textes.
03:08 C'était assez inédit,
03:09 à la fois dans la forme, parce que nous ne le connaissions pas,
03:13 et puis, moi, me retrouver ici,
03:15 je dirais que c'était un peu particulier.
03:18 -Ca vous a plu ?
03:19 Vous avez pris du plaisir à vous retrouver
03:21 en première ligne au coeur du pouvoir ?
03:23 -Dire que j'ai retrouvé du plaisir à être en première ligne,
03:27 non, mais j'ai trouvé beaucoup de satisfaction
03:30 à pouvoir être active, finalement,
03:32 et à pouvoir avoir les mains dans le cambouis,
03:35 être proche pour discuter,
03:37 être le relais de mon groupe,
03:40 et j'ai essayé de le faire au mieux.
03:42 Je me souviens que quand, un jour,
03:44 le ministre m'a demandé de le retrouver
03:46 à l'Assemblée nationale,
03:48 en m'indiquant qu'on était au bureau des ministres,
03:51 j'ignorais... -Un bureau des ministres ?
03:53 -J'ignorais, après 10 ans de présence ici,
03:56 qu'il y avait un bureau des ministres,
03:58 c'est dire que ça n'était pas habituel.
04:01 -Vous l'avez trouvé ? -Oui, j'ai demandé
04:03 à Olivier Marlex où était ce bureau,
04:05 et c'est lui qui me l'a indiqué,
04:07 parce que finalement, il n'y avait que les députés
04:10 qui étaient là au moment où ils appartenaient à la majorité,
04:14 donc pas beaucoup à droite,
04:16 mais on laissait l'existence de ce bureau des ministres
04:19 ou des personnes plus proches de la manne politique.
04:22 -Sur les retraites,
04:23 vous avez trouvé un compromis avec le gouvernement,
04:26 sauf qu'une partie des députés LR a refusé de voter cette réforme,
04:30 alors que vous étiez engagée auprès d'Elisabeth Borne,
04:33 vous avez donné votre parole au nom du groupe Les Républicains.
04:37 Vous l'avez vécu comme un échec personnel ?
04:39 -Non, je crois que ce n'est pas un échec personnel.
04:42 Nous avons, en fait, une nouvelle méthode
04:45 à construire au niveau de l'Assemblée nationale,
04:48 et nous apprenons.
04:49 Je crois que l'exécutif aussi, le gouvernement, apprend,
04:52 et nous, les groupes de l'opposition, nous apprenons.
04:56 Moi, je veux construire.
04:57 Nous avons ici cinq ans, le pays a besoin de nous,
05:00 il faut que nous puissions avancer,
05:02 donc je ne renonce aucunement à mes convictions,
05:05 parce que c'est important, je les porte de manière très forte,
05:09 mais je crois que quand quelque chose est bien,
05:12 il faut pouvoir avancer.
05:14 Il faut que nous tirions des enseignements
05:16 de nos erreurs, de nos échecs,
05:18 parce qu'il faut reconnaître que...
05:20 -Sur ce sujet, ça n'a pas fonctionné.
05:23 -Non, ça n'a pas fonctionné, nous en sortons affaiblis,
05:26 donc il faut rebondir, mais tirer des forces de ces échecs.
05:29 C'est ce que nous essayons de faire avec Olivier Marelex
05:32 et Eric Ciotti.
05:34 -Vous êtes l'une des députées les plus assidues dans l'hémicycle.
05:37 Vous vous êtes retrouvée à siéger toute seule sur les bancs de la droite
05:42 quand vos adversaires ont rebaptisé votre groupe LR
05:44 du nom de vos initiales, VL, pour Véronique Louvégie.
05:48 C'est vrai, ça ?
05:49 -Oui, c'est vrai, parce que l'examen d'un projet de loi de finances,
05:53 c'est quelque chose qui dure assez longtemps.
05:55 -On vous voit sur cette image.
05:57 -Oui, vous avez des séances qui commencent le lundi à 16h
06:02 et qui se terminent quelquefois le samedi ou le dimanche,
06:06 donc, effectivement, je me suis retrouvée quelques fois seule,
06:09 et donc, voilà, un petit peu par sourire,
06:12 par rire, les députés des autres groupes m'ont appelée le groupe VL.
06:17 -Qu'est-ce qui vous fait tenir dans des séances de nuit,
06:20 jusqu'à 1h du matin, à défendre des amendements
06:23 qui ne sont pas forcément les vôtres,
06:25 mais ceux de vos collègues du groupe LR ?
06:27 -Je pense que j'ai un peu le sens de la perfection,
06:30 en tout cas, le sens de l'engagement.
06:32 Quand je m'engage, et là, je me suis engagée
06:35 au nom du groupe des députés les Républicains,
06:38 sur cette question du projet de loi de finances,
06:41 et donc, je vais jusqu'au bout, en tout cas.
06:44 Je suis revenue plusieurs fois, les dimanches, notamment,
06:47 pour être l'orateur du groupe Les Républicains
06:50 au moment des discussions générales sur les motions de censure.
06:53 En tout cas, je suis très attachée à ça,
06:56 parce que j'ai une valeur très importante
06:58 sur la notion d'engagement.
07:00 C'est quelque chose de fort.
07:01 -Vous faites partie du petit club des spécialistes
07:04 des finances publiques.
07:06 Vous êtes vice-présidente de la commission des finances.
07:09 Les finances publiques, ça ne fait pas révéler les députés.
07:12 C'est jugé technique, un peu rébarbatif.
07:14 Qu'est-ce qui vous plaît ?
07:16 C'est votre passé d'expert comptable
07:18 qui vous a attiré vers ça ?
07:20 -Quand on est expert comptable, on est proche des chiffres.
07:23 On aime les chiffres, sinon, ce serait une catastrophe.
07:26 Voilà, donc, on a une attirance.
07:29 Voilà, j'ai beaucoup appris, aussi,
07:33 avec Gilles Carez, à partir de 2014.
07:35 J'ai beaucoup aimé... -Ancien président
07:37 de la commission des finances. -Oui, un spécialiste
07:40 des finances publiques.
07:41 Véritablement, les finances publiques,
07:44 c'est la déclinaison de toutes les politiques publiques
07:47 qui parlent au quotidien aux Français
07:49 sur la question de la santé, de l'éducation nationale,
07:52 du logement. Je pense qu'au travers,
07:54 les chiffres, derrière, je dirais,
07:56 il y a des orientations, des prismes
07:58 qui concernent tous les Français.
08:00 Je veux modifier, améliorer un certain nombre de points
08:04 qui concernent la vie des Français, c'est mon objectif,
08:07 d'où cette importance des comptes publics.
08:10 -Votre premier engagement politique remonte à 1983.
08:14 Vous aviez 22 ans, à l'époque, je crois.
08:16 Vous avez été élue conseillère municipale
08:18 d'un petit village dans l'Eure, là où vous habitiez.
08:21 On vous voit en photo, à cette époque,
08:24 dans une course de sac.
08:25 C'est la jeune conseillère municipale,
08:28 sauf qu'ensuite, plus rien, jusqu'aux années 2000. Pourquoi ?
08:31 -Alors, j'ai été effectivement conseillère municipale
08:35 sur un mandat qui a duré six ans.
08:39 Et ensuite, je me suis trouvée...
08:41 Enfin, juste avant de finir ce mandat,
08:43 j'ai eu deux enfants, j'attendais un troisième,
08:46 j'ai eu trois enfants en trois ans.
08:48 Je me suis engagée dans une activité d'expert comptable,
08:51 où j'ai créé mon cabinet d'expertise comptable.
08:54 J'ai eu beaucoup d'engagements familiaux,
08:56 à la fois professionnels,
08:58 et ayant déménagé, je n'avais plus aucun attrait
09:01 dans cette commune où j'avais été élue.
09:03 Du coup, je me suis retrouvée à m'occuper de mes enfants
09:07 et de mon cabinet d'expertise comptable,
09:09 où j'y ai passé beaucoup de temps,
09:11 j'y ai trouvé beaucoup de plaisir et je me suis engagée.
09:14 -La politique est revenue dans votre vie,
09:17 et tout s'est accéléré pour vous à partir de 2010.
09:19 En trois ans, vous avez été élue
09:21 conseillère régionale, départementale,
09:23 puis députée en 2012.
09:25 Pour ce qui est des législatives,
09:27 vous y êtes allée contre l'avis de vos enfants et de votre mari.
09:30 -Ils voulaient pas. -On a fait un petit conseil
09:33 de famille avec mon époux et mes trois enfants,
09:36 et tous les quatre m'ont dit qu'il ne fallait pas y aller,
09:39 donc je les ai laissés parler, ça a duré une petite heure,
09:42 et je leur ai dit que j'irais.
09:44 -Vous y êtes allée, vous avez été élue,
09:46 vous en êtes à votre troisième mandat.
09:48 Vous dites que le plus dur, ce n'est pas la première élection,
09:52 c'est la deuxième. Pourquoi ?
09:54 -La première élection,
09:55 vous n'êtes pas élue, je dirais, sur un bilan.
09:59 Vous bénéficiez, je dirais,
10:02 de la méconnaissance de votre personne,
10:06 et donc on peut faire confiance.
10:08 La deuxième, vous êtes élue sur un bilan,
10:11 sur un passé, avec quelques fois des prises d'opposition
10:14 qui ne correspondent pas forcément à ce qu'attendent les citoyens,
10:18 donc je dirais que c'est beaucoup plus difficile
10:21 parce que vous n'avez plus le bénéfice du doute.
10:23 Je le dis d'ailleurs à tous mes collègues,
10:26 la deuxième élection, pour moi, c'est la plus difficile.
10:29 -Localement, vous avez mis en place un dispositif
10:31 assez original de démocratie participative,
10:34 vous appelez ça les conseils de circonscription.
10:37 Ca fonctionne comment ?
10:38 -Alors, j'ai voulu, effectivement,
10:40 faire en sorte que ce fossé qui existe
10:43 entre les citoyens et le député,
10:46 ou les élus, d'une manière générale,
10:48 qu'on fasse en sorte qu'il soit moins important.
10:51 Et donc, je suis créée un groupe
10:53 avec 70 personnes,
10:55 donc je fais des appels à candidature,
10:58 les personnes ont répondu.
10:59 Nous avons ensuite fait une sélection,
11:01 en fonction notamment des âges,
11:03 pour avoir autant de femmes que d'hommes,
11:05 de répartition aussi sur la circonscription,
11:08 de profil, et ces personnes
11:11 se réunissent régulièrement en conseil de circonscription
11:15 avec une déclinaison en commission.
11:17 Il y a aussi commission, économie, santé, etc.
11:20 -Et vous les faites travailler sur des sujets comme ça ?
11:23 -Là, nous avons travaillé sur la fin de vie.
11:25 -Et ils votent ? -Pas toujours,
11:27 mais le dernier conseil de circonscription,
11:30 je l'aurais fait voter. -Ces votes,
11:32 vous en faites quoi ? Ca vous engage ?
11:34 -Ca ne m'engage pas,
11:36 parce que je suis libre de mes convictions,
11:38 mais en revanche, ça m'alimente,
11:40 et je crois que c'est très important,
11:42 en tout cas, que nous ayons un point de discernement
11:46 du terrain, des remontées du terrain.
11:48 Je crois que c'est fort.
11:50 -On va passer à notre quiz.
11:52 Vous allez devoir compléter les phrases
11:54 que je vais vous proposer. -D'accord.
11:56 -C'est parti.
11:57 "Je pourrais rallier Emmanuel Macron."
11:59 -Pas possible. -Pas possible.
12:01 Votre nom circule parfois comme ça.
12:03 -Oui, mais laissez les noms circuler.
12:05 -La meilleure blague entre experts-comptables.
12:09 -Alors, vous savez, les experts-comptables,
12:12 on est assez sérieux, on est basés un peu sur le réel,
12:15 puisque finalement, on constate la réalité
12:17 à travers des bilans, un compte de résultat,
12:20 et souvent, on se dit "à quoi servent les économistes ?"
12:23 Notre blague, c'est de dire qu'ils sont là
12:25 pour faire des émissions rires.
12:27 -Les économistes partent dans des théories loin de la réalité.
12:30 -Les comptables, nous ne sommes pas forcément
12:33 des gens très drôles, en général.
12:35 -Quand je ne serai plus député, je pourrai enfin...
12:38 -Pouponner auprès de mes petits-enfants.
12:40 J'ai 10 petits-enfants, ce sera un bonheur.
12:43 -C'est compliqué avec votre engagement.
12:45 -Vous savez, je le disais à mes collègues députés,
12:48 je leur disais "faites comme moi, ayez 10 petits-enfants,
12:51 "il n'y aura plus de réformes des retraites."
12:54 -Voilà. -Merci beaucoup, Véronique Louvaji,
12:56 d'être venue dans "La Politique et moi".
12:59 -Merci à vous.
13:00 [musique]

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