La politique et moi - Kévin Mauvieux

  • l’année dernière
Clément Méric reçoit Kevin Mauvieux, député Rassemblement national de l'Eure.

A 10 ans, il voulait devenir maire de sa commune. A 18 ans, il a pris sa carte à l'UMP... pour finalement rejoindre le Rassemblement national. Kévin Mauvieux en est aujourd'hui l'un des porte-paroles à l'Assemblée.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcript
00:00 -Mon invité a la politique dans le sang.
00:02 A 10 ans, il voulait devenir maire de sa commune.
00:05 A 18 ans, il a pris sa carte à l'UMP
00:07 pour finalement rejoindre le Rassemblement national.
00:10 Musique intrigante
00:13 ...
00:25 Bonjour, Kévin Mauvieux. -Bonjour.
00:27 -La première prise de parole d'un député dans l'hémicycle,
00:30 c'est rarement une partie de plaisir.
00:32 La voix tremble, la bouche est sèche, la sueur perle au front.
00:36 Quand on a des notes à la main, on voit la feuille qui tremble.
00:39 J'ai voulu voir comment ça s'était passé pour vous.
00:42 J'ai retrouvé les images, pendant le projet de loi
00:45 sur le pouvoir d'achat face à la France insoumise.
00:48 -Permettez-moi de vous renommer le groupe "Enfumage",
00:51 parce que vous prétendez défendre le pouvoir d'achat des Français.
00:55 En réalité, ça fait pas très longtemps qu'on a commencé à voter,
00:58 mais tout ce qui va dans le sens du pouvoir d'achat,
01:01 vous votez contre.
01:02 Vous êtes là pour faire le cirque,
01:04 faire un maximum d'amendements, être visibles,
01:07 mais les électeurs ne s'y tromperont pas.
01:09 Ils vous voient et vous entendent,
01:11 et ils voient que vous êtes contre tout ce qui peut augmenter
01:15 le pouvoir d'achat, que ce soit vos mesures ou pas.
01:18 C'est inadmissible.
01:19 -Vous parlez sans notes, vous avez la voix qui est parfaitement posée.
01:23 Vous vous semblez très à l'aise, comme si vous aviez fait ça.
01:26 -Alors non, j'ai pas fait ça toute ma vie, mais...
01:29 -Vous avez des prédispositions pour vous exprimer en public ?
01:33 -Peut-être. Peut-être que dans la nature de chacun,
01:36 on a tous une prédisposition pour quelque chose.
01:38 Des personnes sont plus artistiques que d'autres.
01:41 Peut-être que j'ai plus une prédisposition
01:44 pour prendre la parole devant un public.
01:47 -Parce que vous aviez pas de vraie carrière politique
01:50 avant ce jour-là, avant votre élection à l'Assemblée.
01:53 Vous avez eu un engagement local,
01:55 mais comme simple conseiller municipal d'opposition.
01:58 -En fait, là, ce qui a fait, je pense,
02:00 la réussite de cette prise de parole,
02:02 c'est que j'ai juste parlé avec mes tripes.
02:05 Quand on m'a proposé d'être candidat aux élections législatives,
02:08 je me suis posé la question, j'ai réfléchi,
02:11 et j'ai toujours été motivé par mes convictions,
02:14 j'ai toujours défendu au sein de ma famille,
02:16 de mon entourage, mes convictions.
02:18 Ce jour-là, j'ai été dépassé par le fait
02:21 que je devais agir pour les Français.
02:23 Je pense que c'est ça, je me suis levé
02:25 et j'ai parlé avec mes tripes,
02:27 donc pas besoin de papier.
02:28 -Visiblement, cette première prise de parole
02:31 n'est pas passée inaperçue.
02:32 Dans les jours suivants, on a commencé à vous voir à la radio,
02:36 à la télé, alors qu'il y avait une consigne
02:39 qui avait été donnée au sein du groupe Rassemblement national.
02:42 Les petits nouveaux devaient se faire discret,
02:45 le temps d'apprendre le métier,
02:47 et laisser la parole à ceux qui s'étaient déjà engagés
02:50 dans la présidentielle.
02:51 Qu'est-ce qui s'est passé ? On vous a donné un bond de sortie.
02:55 -Je ne sais pas si c'est un bond de sortie,
02:57 mais à la rentrée, au mois de septembre,
03:00 on est venu me proposer
03:01 "Est-ce que tu veux tenter les médias ?
03:03 "T'as une bonne prise de parole dans l'hémicycle."
03:06 -Vous avez été repéré, quand même, à ce moment-là ?
03:09 -Oui, certainement.
03:10 J'avais eu des compliments après cette prise de parole,
03:13 et après les quelques prises de parole que j'avais faites
03:16 en juillet, juste après l'élection,
03:19 j'ai eu quelques compliments qui m'avaient été remontés
03:22 et que j'avais surpris par ma façon ou mon aisance
03:24 à parler dans l'hémicycle.
03:26 On m'a proposé, au mois de septembre,
03:28 "Est-ce que tu veux tester les médias ?"
03:30 On a commencé par une petite radio, avec LCP,
03:33 et ça a fonctionné.
03:34 De fil en aiguille, j'ai fait un peu plus de médias,
03:37 ce qui a abouti à ma nomination
03:39 porte-parole du groupe Rassemblement national,
03:42 le vendredi du week-end des estivales à Bocaire.
03:44 -Si on veut être exact, vous avez fait des apparitions télé
03:48 avant de devenir député, mais c'était dans un autre registre,
03:51 en tant que candidat à des jeux télé.
03:53 Vous avez commencé par "Le Juste Prix" avec Lagaffe,
03:56 ensuite "Les 12 coups de midi", "Que le meilleur gagne",
04:00 "Tout le monde veut prendre sa place".
04:02 Vous aimez pas prendre la lumière ?
04:04 -Non, ça n'a rien à voir avec prendre la lumière.
04:07 Pour comprendre pourquoi j'ai fait ces jeux,
04:09 j'ai commencé avec "Le Juste Prix"
04:11 parce que j'ai grandi dans une famille populaire
04:14 comme il en existe des millions, et on se retrouvait
04:17 à regarder "Le Big Deal" le soir.
04:18 J'ai toujours eu envie de jouer avec Vincent Lagaffe,
04:21 je trouvais ça drôle, j'ai grandi avec.
04:24 Quand j'ai eu 18 ans, il ne faisait plus "Le Big Deal",
04:27 mais "Le Juste Prix". Je me suis dit, pour déconner,
04:30 je vais participer, et j'ai été pris pour une raison que j'ignore.
04:33 J'ai perdu. Ce qu'on ne sait pas avant d'entrer dans ce milieu,
04:37 c'est que quand vous faites un jeu et que vous êtes apprécié,
04:40 les directeurs vous en proposent d'autres.
04:43 J'en ai fait d'autres.
04:44 -Vous n'êtes pas le seul à avoir fait des jeux télé.
04:47 Il y en a un qui en a fait plus que vous,
04:50 c'est Karl-Oliv, qui est passé dans cette émission.
04:53 On a retrouvé des images de lui.
04:55 Son but, c'était de faire des jeux pour remplacer l'animateur.
04:58 -Ah oui, d'accord. J'en étais pas à ça.
05:00 -Vous avez un autre point commun avec Karl-Oliv.
05:03 Vous avez tous les deux un père qui a été ouvrier,
05:06 vous avez tous les deux grandi dans un milieu populaire.
05:09 Vous assumez, vous revendiquez même.
05:12 -Je le revendique dans la mesure
05:14 où c'est pas forcément le cas de toute la classe politique.
05:17 Je le revendique dans le sens où je trouve que c'est une force.
05:20 Par exemple, je vais présenter dans la niche du RN
05:23 un texte pour apporter un complément de revenu
05:26 aux étudiants qui travaillent.
05:28 C'est une force, parce que combien de députés
05:30 dans l'hémicycle seraient capables de porter cette loi ?
05:33 J'ai dû travailler pour payer mes études.
05:36 -Vous avez exercé des métiers très différents.
05:38 Vous avez été caissier dans un supermarché
05:41 pour payer vos études.
05:42 Vous avez été vendeur de voitures, animateur d'attractions
05:46 à Euro Disney, conseiller bancaire, agent d'assurance.
05:49 Y a-t-il un point commun à tous ces métiers ?
05:51 -Le point commun, c'est le lien avec les gens.
05:53 C'est un lien différent selon les métiers.
05:56 Quand vous êtes à la caisse, vous êtes pas commercial,
05:59 mais vous aidez les gens.
06:00 Quand vous êtes caissier, vous êtes une oreille attentive.
06:04 Souvent, des personnes âgées n'ont que vous comme contact.
06:07 Euro Disney, c'est pareil, c'est du contact,
06:10 c'est du spectacle, mais c'est du contact en permanence.
06:12 -Y a-t-il pas aussi un côté vendeur, commercial,
06:16 besoin de convaincre ?
06:18 -Il y a un fil rouge dans tout ça,
06:20 qu'on retrouve, y compris dans le rôle de député.
06:23 C'est l'envie de convaincre.
06:25 -Quand on doit vendre des assurances,
06:27 quand on doit vendre des voitures.
06:29 -Exactement. Je fais partie de ceux qui...
06:31 Je sais que tout le monde ne le pense pas,
06:34 mais je fais partie de ceux qui disaient toujours
06:36 qu'un bon commercial, pour être un bon commercial,
06:39 il faut aimer le produit qu'on vend.
06:41 Le but, c'est de convaincre les gens.
06:43 C'est pour ça que je n'ai pas fait très longtemps la voiture.
06:47 L'assurance, j'aimais le produit.
06:49 Aujourd'hui, je suis tellement convaincu par mes idées,
06:52 par ce que je défends, que j'aime aller au contact.
06:54 C'est un fil rouge, de bout en bout.
06:56 -Vous avez commencé à vous intéresser à la politique
06:59 dès la primaire. Vous vouliez devenir maire de votre commune.
07:03 Ponto de maire. Qu'est-ce qui vous faisait rêver
07:05 dans l'idée de devenir maire ?
07:07 -C'était pas forcément du rêve,
07:09 parce que rêve, c'est un grand mot.
07:11 Je voulais être maire parce que j'avais déjà, dès l'école,
07:14 cette appétence pour être délégué de classe, etc.
07:17 Je voulais défendre les gens, améliorer le quotidien.
07:20 Ponto de maire, c'est... Je suis né là-bas,
07:22 j'ai toujours vécu là-bas. C'est une ville que j'ai dans le coeur,
07:26 que j'aime et que j'ai toujours voulu améliorer.
07:29 Dès mes 10 ans, alors que j'étais dans un milieu
07:31 où on n'était pas très politisé, je me disais que je serais maire.
07:35 J'ai telle ambition pour ma ville.
07:37 -A 15 ans, vous avez été séduit par Nicolas Sarkozy
07:40 pour gagner plus à la présidentielle de 2007.
07:42 A 18 ans, vous avez pris votre carte à l'UMP.
07:45 Pourquoi l'UMP et pas le FN, à l'époque ?
07:48 -Parce qu'à l'époque,
07:50 j'étais séduit par le discours de l'UMP,
07:52 le discours de Nicolas Sarkozy, qui était un vrai discours de droite,
07:56 qui était un discours de fermeté, d'autorité,
07:59 qui mettait la valeur travail au premier plan
08:01 avec le fameux "travailler plus pour gagner plus".
08:04 On le disait, j'ai grandi dans un milieu modeste,
08:07 ouvriers, femmes de ménage pour mes parents.
08:09 C'est un milieu où j'ai appris qu'on n'avait rien sans rien
08:12 et qu'il fallait travailler pour gagner de l'argent.
08:15 J'ai toujours eu envie de mettre la valeur travail au centre.
08:18 Cette campagne de Sarkozy, "travailler plus pour gagner plus",
08:22 m'a attiré. -Vous avez milité
08:23 au sein des Républicains jusqu'en 2020, 2021, à peu près.
08:27 Vous avez été élu conseiller municipal de Ponto de Mer.
08:30 Laurent Wauquiez vous a félicité pour un discours lors d'un meeting.
08:33 Qu'est-ce qui vous a éloigné de la droite ?
08:36 -Ce qui m'a éloigné de la droite et de LR,
08:39 c'est leur rapprochement avec la Macronie.
08:42 Quand Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir,
08:45 j'ai dit que j'étais un opposant ferme d'Emmanuel Macron,
08:48 qui était le représentant indirect de François Hollande.
08:51 Je sentais un petit peu cette arrogance
08:53 qui naissait dans ce parti.
08:55 Mais les LR ont quand même continué à entretenir des relations.
08:59 Je suis dans un département où on a Bruno Le Maire,
09:02 Sébastien Lecornu, une région où on a Edouard Philippe.
09:05 -D'anciens membres de la droite qui ont rejoint Emmanuel Macron.
09:08 Ils n'ont pas forcément été l'objet d'attaques virulentes
09:12 du parti par rapport à leur départ.
09:14 Les LR sont devenus tellement proches de la Macronie,
09:17 et on le voit aujourd'hui à l'Assemblée nationale.
09:19 -Vous avez rejoint le RN assez tardivement.
09:23 C'était, je crois, au mois de février 2022,
09:25 donc quelques mois avant les législatives.
09:28 Vu de l'extérieur, ça peut donner l'impression
09:30 d'une forme d'opportunisme.
09:32 Vous n'avez pas obtenu ce que vous vouliez
09:34 du côté des Républicains.
09:36 Vous cherchiez des candidats aux législatives.
09:39 -Non, parce que si j'avais rejoint le RN pour les élections,
09:42 déjà, j'y serais allé, je pense, plus tôt,
09:44 parce qu'y aller en février, 4 mois avant l'élection,
09:47 c'est un peu fort de café, et je les aurais rejoints
09:50 dès que j'ai quitté LR.
09:52 J'ai quitté LR pour la raison que je viens de vous citer.
09:55 J'ai attendu avant de le rejoindre,
09:57 parce que je voulais m'imprégner du programme,
09:59 m'assurer que tout ce que les médias vendent
10:02 sur le RN était faux.
10:03 Une fois que tout ça a été fait,
10:05 en juin 2022, je suis arrivé à l'aboutissement
10:08 et j'imaginais pas être candidat aux élections législatives.
10:11 Je voulais participer à la campagne de Marine,
10:14 qui me semblait être la meilleure pour incarner la France d'aujourd'hui,
10:18 mais y avait absolument aucune envie, derrière,
10:20 en rejoignant le RN.
10:22 Honnêtement, y a un an et demi,
10:24 qui pouvait dire qu'il y aurait des départements
10:26 comme l'Eure qui basculeraient au RN ?
10:29 Pas grand monde, y compris les sondeurs.
10:31 -Vous faites de la politique pour aider les gens,
10:34 sauf qu'aujourd'hui, vous siégez dans l'opposition.
10:37 Vous vous sentez utile, malgré tout, en tant que député ?
10:40 -On se sent utile, parce que même si c'est pas directement
10:43 nos amendements ou nos propositions votées,
10:45 on est suffisamment nombreux, en étant le premier groupe
10:48 d'opposition, pour mettre une pression sur le gouvernement
10:51 et pour poser quelques idées.
10:53 L'armise carburant, l'année dernière,
10:55 c'est parce qu'on a mis la pression.
10:57 L'échec qui a été distribué pour aider les gens
11:00 qui se chauffent au bois ou au fioul,
11:02 plus récemment, le harcèlement scolaire,
11:05 Gabriel Attal, qui a demandé à partir de la rentrée
11:08 à ce que les harceleurs soient changés d'école
11:10 au lieu de la victime.
11:11 C'est ma proposition de loi.
11:13 Si vous voulez, on ne vote pas nos textes,
11:15 parce que ça fait pas bien, mais en réalité,
11:18 il s'en inspire, comme l'interdiction de la baïa.
11:21 Tout ça, c'est des textes qui viennent du RN,
11:23 des idées qui viennent du RN, qui sont bonnes et de bon sens.
11:26 -On va passer à notre quiz.
11:28 Je vous explique le principe, je commence une phrase,
11:31 et je vais vous la compléter.
11:33 "Être le premier Kevin élu à l'Assemblée, c'est..."
11:36 -C'est... Je suis le premier et demi,
11:40 parce qu'on est rentrés à deux en même temps.
11:43 Mais c'est gratifiant et c'est valorisant.
11:47 Ca permet de montrer qu'en France,
11:49 l'escalier social fonctionne toujours,
11:51 l'escalier, pas l'ascenseur.
11:53 -C'est un symbole signifiant. -Pour moi, c'est un symbole.
11:56 Kevin, Jordan, ce sont des prénoms
11:59 qui ont longtemps été associés à des classes modestes et populaires.
12:02 Je ne suis pas convaincu, mais ça l'a toujours été.
12:05 Je suis persuadé que c'est le symbole
12:07 que quand on se donne les moyens qu'on veut monter sur l'escalier,
12:11 de l'ascension sociale, on peut le faire.
12:13 -Si j'étais devenu gendarme,
12:15 vous aviez passé le concours de l'école de gendarmerie,
12:18 vous l'aviez réussi, mais finalement, vous y avez renoncé.
12:21 -Si j'étais devenu gendarme,
12:23 il y a de grandes chances que je ne serais pas là aujourd'hui,
12:27 je ne peux pas faire les deux en même temps.
12:29 -Il y a des devoirs de réserve. -Exactement.
12:31 Mais vu le contexte actuel, malheureusement,
12:34 il y a de grandes chances que j'aurais démissionné
12:37 pour m'engager en politique et pour défendre le corps
12:40 des forces de l'ordre et de la gendarmerie
12:42 qui est trop délaissée. -L'Assemblée,
12:44 c'est comme un jeu télé...
12:46 -Oh là là !
12:47 L'Assemblée, c'est comme un jeu télé,
12:49 il y a des caméras et des micros,
12:51 mais alors, par contre, à l'issue,
12:53 ce qui est à gagner, c'est pas une vitrine,
12:56 c'est l'avenir de la France.
12:58 -Ce sera le mot de la fin.
12:59 Merci à vous, Cléby Molieu, d'être venu dans "La Politique".
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