Ces deux actrices récemment césarisées se suivent depuis leurs débuts, s’admirent et pourtant elles n’ont jamais eu le temps de s’en parler face à face, jusqu'à aujourd'hui dans Une Rencontre Et... !
Une proposition de mettre face à face deux personnalités du cinéma qui ne se connaissent pas et qui n'ont jamais travaillé ensemble, pour voir ce qu'ils ont à se dire
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00:00 Bienvenue dans l'émission "Une rencontre et trois petits points".
00:03 Et aujourd'hui, nous sommes très fiers de recevoir Nadia Tereskevic et Noémie Merlan.
00:08 Une première rencontre entre deux lauréates de la dernière cérémonie des Césars,
00:12 qui a eu lieu au bord de la mer au dernier festival de Kabour.
00:16 Non, et je dis que moi, je connais Noémie depuis longtemps.
00:18 Je lui parle à elle. Pardon.
00:19 On se connaît, quoi.
00:20 Des films et maintenant dans la vie.
00:22 Et dans la vie.
00:28 Ça t'a fait quoi de recevoir un César cette année ?
00:31 Bah, j'étais hyper heureuse parce que c'est une reconnaissance dingue.
00:34 Je l'ai pris un peu pour toute la troupe, quoi.
00:36 Pour tout le travail qu'on a fait avec les Amandiers.
00:38 D'être devant tout ce milieu et d'avoir une reconnaissance comme ça,
00:42 c'était un peu un accueil, quoi.
00:44 Toi, c'était... Attends, t'as déjà eu un César ?
00:46 Non.
00:46 C'était le premier aussi ?
00:47 Oui, c'était meilleure actrice.
00:48 Meilleur second rôle, mais...
00:50 Mais tu vois, c'est la meilleure actrice, c'est la meilleure actrice.
00:52 Attends, je suis stressée là.
00:54 Mais là, par contre, dans "L'Innocent",
00:55 moi, je suis allée le voir au Luxor avec ma sœur.
00:58 C'était son cadeau d'anniversaire.
01:00 Mais c'était un truc de fou.
01:01 C'était que les gens riaient, mais à un point, c'était...
01:04 En fait, il y avait un truc tel dans cette salle que je me suis dit,
01:07 ça pourra pas partir, quoi, les salles de cinéma.
01:10 Tellement il y avait une euphorie collective.
01:12 Et plus les gens commençaient à rire,
01:14 plus ça a pris une ampleur où vraiment, c'était dingue.
01:17 Et le film, il est drôle, mais il est aussi tellement émouvant.
01:20 Donc, c'est pas qu'une comédie.
01:21 Et ton rôle, en effet, il passe partout.
01:24 Meilleure actrice, quoi.
01:25 -Mieux actrice, c'est ça ?
01:26 -Et moi, je t'ai découvert dans le film de "Monia".
01:29 Et d'ailleurs, dans ce film, t'es incroyable d'humour et de comédie.
01:33 -Ah bah tant mieux, je suis contente.
01:35 -Ah moi, c'est la première fois que je te découvrais.
01:36 J'ai pris une énorme claque.
01:38 Après, il y a eu les amendiers.
01:39 Évidemment, ton César, amplement mérité.
01:43 Et j'ai absolument hâte de voir "L'île rouge".
01:46 -Mais je suis contente au moment de faire autre chose.
01:48 Mais c'est vrai de voir que la comédie...
01:50 Enfin, moi, je pensais pas du tout...
01:52 -La comédie te va ravir, je trouve.
01:53 -Bah, toi aussi.
01:54 -Je me met pas trop sur le début.
01:56 -Mais oui, mais c'est ce que j'avais dit.
01:57 -La comédie, bah oui.
01:59 -Enfin, déjà, moi, je t'avais jamais vue dans une comédie.
02:01 Et moi, je pensais pas faire de comédie.
02:02 Enfin, là, c'est deux beaux rôles.
02:03 -Mais moi, ça me faisait davantage peur de faire une comédie.
02:06 -Je pense que c'est le plus dur.
02:08 C'est le plus dur de...
02:09 -Ça me paraît plus compliqué d'atteindre une certaine sincérité
02:12 tout en lâchant prise, mais à un autre endroit.
02:15 C'est jouissif, mais je trouve ça...
02:16 C'est risqué, on se met plus à nu d'une certaine manière.
02:19 En tout cas, moi, j'ai l'impression que...
02:20 -Non, non, si, si.
02:21 -Y a un rythme particulier. -Y a des codes, en fait.
02:24 Mais je pense que quand on est avec soit Louise ou Ammonia,
02:27 y a un moment où...
02:27 Moi, je sais que le début, en effet, j'avais hyper peur
02:29 parce qu'il y avait un code tellement stylisé
02:32 que j'ai dit à Ammonia "Mais je peux pas jouer comme ça,
02:34 enfin, ça va pas être possible."
02:35 Et en fait, tout de suite, dès qu'elle met le ton,
02:38 qui est pas le même chez Louise, mais c'est tellement écrit,
02:40 c'est quand même deux personnes qui savent tellement bien diriger
02:43 et qui ont leur film en tête.
02:45 T'as juste confiance et donc tout le long...
02:47 -Mais c'est vrai que détachée, j'imagine que tes scènes,
02:50 t'as dû te dire "Mais j'en fais des caisses."
02:51 -Moi, au début, je me suis dit "Ça va être ridicule."
02:54 Y a aussi tous les codes que j'ai appris,
02:57 même quand j'étais en cours de théâtre ou par la suite,
03:00 où très vite, on nous met dans des cases de genre presque.
03:03 Et moi, c'était plutôt, on me disait de pas trop en faire,
03:05 de pas partir dans les aigus, de pas...
03:07 -Ah ouais ?
03:08 -Ouais, en général, on me disait de...
03:10 Et là, c'était l'inverse.
03:12 Lui, il me disait "Lâche-toi, c'est sûr,
03:14 "en lâcher prise totale." -En l'achèter, en plus fort,
03:16 en plus aigu, fait des grimaces...
03:18 Et donc, je me trouvais dans une scène à juste faire des grimaces.
03:20 Et j'avais peur d'être ridicule, c'est vrai.
03:22 Au début, je tâtonnais, j'étais un peu terrorisée.
03:25 Et puis, je lui ai fait confiance et il m'a amenée et...
03:28 -Lui, en plus, c'est quand même quelqu'un qui est hilarant.
03:31 Je pense que c'est la personne la plus drôle.
03:33 Enfin, c'est fou.
03:34 Il a un sens de l'humour tel.
03:35 Et en même temps, ça m'a beaucoup émue.
03:37 Toute votre histoire, elle est tellement émouvante.
03:39 C'est là où c'est le plus drôle
03:41 et c'est là où tu vois que c'est tellement fin et tellement bien écrit.
03:43 C'est là le plus dur.
03:44 C'est là où tu vois vraiment que la comédie,
03:46 c'est quand même quelque chose de faire vraiment rire les gens
03:48 avec tous les sentiments qui vont avec.
03:49 Pour moi, c'est un des meilleurs films de loin que j'ai vus.
03:53 -Il va être content. Il est là, je crois.
03:55 -Il est là ? -Oui, je le dis.
03:56 -Et ensuite, le film "Ville Rouge", comment ça s'est passé ?
03:59 -Là, c'était complètement retenu.
04:01 C'était complètement autre chose.
04:02 J'ai fini la fête de fin de tournage de Valéria un jeudi.
04:05 Et le vendredi matin, on m'a coupé les cheveux, j'étais brune
04:07 et j'étais sur le film de Robin.
04:08 Et en fait, je me suis dit que ça allait être horrible de ne pas avoir de temps.
04:12 J'étais tellement chargée émotionnellement par Valéria
04:15 et le film me disait que je n'aurais pas pu faire un deuxième Valéria.
04:18 Mais de passer à Lille Rouge, c'est une femme qui a vécu
04:21 et qui a intériorisé plein de choses.
04:23 J'avais l'impression, du coup, que ça m'avait aidée à être chargée
04:26 et du coup, d'être un peu en retrait.
04:28 Et je trouve que c'est un personnage magnifique quand ça...
04:30 Il y avait autant à jouer, en fait.
04:32 -Tu fais des répétitions souvent pour te mettre dans les...
04:34 Ou ça dépend vraiment des tournages ou...
04:36 Comment tu te prépares en général pour...
04:39 -Bah, ça dépend parce qu'avec Monia, on a énormément répété.
04:42 -Ouais.
04:43 -Et ça m'a fait vachement de bien.
04:44 Mais je pense que ça, c'est la comédie.
04:45 Avec François Ouzon aussi, tout répéter, la chorégraphie, le texte, etc.
04:49 pour après lâcher.
04:50 J'ai l'impression que j'ai travaillé qu'avec des personnes qui répètent.
04:53 Mais je crois que j'aime ça.
04:54 -Ouais, moi c'est pareil.
04:55 J'ai l'impression qu'il y a un peu deux écoles chez les acteurs.
04:57 Moi, avant, je n'aimais pas du tout répéter.
04:59 J'avais l'impression d'être en danger à chaque fois que je répétais.
05:02 On va se rendre compte que ça va pas et on va me virer.
05:05 Je sais pas ce que je me disais.
05:06 Du coup, ça me bloquait.
05:07 Je me disais, il me faut l'action, il faut que la caméra tourne.
05:09 J'avais l'impression que ça allait épuiser des choses vraies,
05:12 que j'allais épuiser les scènes.
05:13 Et je me disais, non, je préfère le découvrir sur l'instinct
05:16 et être sur l'instinct.
05:18 Et en fait, plus le temps passe, surtout avec Jacques Audière,
05:22 il a fait énormément de répétitions pour son film,
05:23 dont "Le travail sur le corps",
05:24 que je trouve maintenant que je peux pas me passer.
05:26 -Mais ça se voit.
05:27 -Il est très physique, le film.
05:29 Il est organique.
05:30 -J'adore les répétitions parce que j'ai l'impression
05:32 qu'aujourd'hui, j'ai changé un peu de manière de voir les choses.
05:36 En répétant, je sais que dans cette scène-là,
05:39 on peut aller par là, on peut aussi aller par là.
05:41 Il y a un cadre de dessiné.
05:42 Et ensuite, j'ai finalement plus de liberté,
05:45 plus de lâcher prise parce qu'il y a quand même un cadre.
05:48 Même au niveau du corps, j'ai l'impression qu'avant,
05:50 j'oubliais le corps et je travaillais vachement sur le texte,
05:53 sur l'énergie de la scène.
05:54 Mais l'énergie du corps, je trouve que c'est énorme.
05:57 Par exemple, avec cette chorégraphe, Stéphanie Chen,
06:00 maintenant, je la prends sur quasiment tous les tournages,
06:02 on répète les scènes que par le corps.
06:04 Il n'y a pas de texte.
06:05 -Non, mais c'est génial.
06:06 -C'est hyper intéressant.
06:08 -Sachant que tu peux tellement dire des choses avec le corps
06:10 et dire autre chose avec le texte et que le corps parle autrement.
06:14 Mais ça se voit aussi par le fait que tu as fait tellement des rôles
06:18 de composition.
06:19 Enfin, si je pense à, par exemple, même "Jumbo",
06:21 je trouvais le film très étrange.
06:23 Il m'a beaucoup déroutée et je trouve surtout
06:24 qu'on ne te reconnaît pas du tout.
06:26 Mais tu vois, tu as même un physique qui change.
06:30 Parce que c'est un personnage qui est mal dans sa peau
06:32 et en même temps, elle a un truc très physique
06:33 avec quelque chose qu'on ne comprend pas.
06:34 Et le rapport physique que tu as avec ce manège,
06:37 parce que c'est comme ça l'histoire.
06:39 Je me souviens juste du fait qu'on y croit.
06:40 Au bout d'un moment, tu ne penses même plus.
06:41 Mais ça, j'imagine qu'il y a quand même un rapport physique
06:44 soit imposé par l'histoire, soit juste même la barbe.
06:47 Ah bah ça, c'est un...
06:48 -Ah bah ça, c'est un ouli la barbe.
06:50 Oh là là, oh mon Dieu.
06:52 -C'est un ouli la barbe.
06:53 -Ouais, Mélanie.
06:54 Mélanie est donc...
06:56 -Spécialiste du poil à poil.
06:57 -Spécialiste du poil à poil.
06:59 -Et on a porté une barbe.
07:01 -Voilà, plusieurs heures chaque matin.
07:03 -Moi, j'avais honte en arrivant sur le plateau.
07:05 -Moi, non, c'est pas ça.
07:06 C'est que je me suis retrouvée une fois à sortir
07:09 pour aller m'acheter un truc.
07:10 Et donc, j'avais la barbe
07:11 puisqu'on ne pouvait pas l'enlever comme ça.
07:13 Je pense qu'en tant que femme,
07:14 il y a beaucoup de regard dans la rue.
07:16 C'est très insistant.
07:17 Je pense qu'un homme et une femme,
07:19 on n'appréhende pas l'espace public et la rue de la même manière.
07:21 -Non, c'est sûr.
07:22 -Et quand je portais cette barbe, d'un coup,
07:24 je n'avais plus de regard.
07:25 -Non, mais c'est dingue, par contre.
07:27 -Et ça, forcément, ça questionne.
07:29 -C'est fou à quel point on est dépendants du regard des autres.
07:31 C'est une épreuve, quoi, pour moi, de mettre la barbe le matin.
07:34 C'est un truc...
07:35 Je sais pas toi, mais moi, le post-barbe a été très compliqué.
07:39 J'ai eu vraiment la peau...
07:40 -Ah, moi, j'avais des brûlures.
07:42 -Ah oui, mais c'est ça.
07:43 -Ah, c'est la colle, ça.
07:44 -Non, mais...
07:45 -C'est pas ton la barbe, c'est la colle.
07:47 -Incrustée dans la peau.
07:49 Non, mais moi, j'ai vraiment mis un mois à m'en remettre.
07:51 -J'ai tellement hâte de voir ce film.
07:53 Trop de films que tu as faits que j'ai hâte de voir.
07:55 -Bah, écoute...
07:56 -Parce que t'as l'air de te transformer énormément.
07:58 Bon, je parle pas que de la barbe,
08:00 mais je parle en général de tous les films que tu as faits.
08:02 À chaque fois, ce que je trouve assez rare, moi,
08:05 c'est beaucoup dans le cinéma français,
08:06 je trouve que c'est rare quand même que les acteurs...
08:08 Souvent, on a l'impression qu'on a tendance un peu à mettre dans des cases
08:10 et à faire un cinéma très naturaliste
08:13 et où on est très proches, finalement, de soi, les comédiens.
08:15 Mais moi, je trouve que c'est intéressant aussi en tant qu'acteur
08:17 qu'à chaque fois, on se retrouve dans des rôles de composition.
08:20 Enfin, je veux dire, on a vraiment l'impression
08:22 qu'on voit pas l'acteur qu'on connaît, mais quelqu'un d'autre.
08:24 Je trouve que tu fais partie de ces actrices-là
08:26 et j'adore te découvrir à chaque fois dans un nouveau film.
08:29 T'es pas seulement le réalisateur ou la réalisatrice
08:31 dont je découvrais le film,
08:32 mais aussi ton art, quoi, à toi, de développement d'artiste.
08:35 -Ça me touche trop.
08:36 Non, mais parce que je le disais tout à l'heure,
08:37 je disais comment on peut, face à face,
08:39 dire que pour moi, t'es une actrice plus inspirante.
08:42 Enfin, vraiment, ça me fait hyper plaisir.
08:45 -Coupez les caméras, là.
08:46 -Coupez les caméras.
08:47 Non, mais c'est hyper bizarre de le dire,
08:49 mais parce que pour moi, je pense complètement ça de toi.
08:52 Enfin, c'est lunaire de...
08:54 Non, non, non, parce que vraiment,
08:55 j'ai vraiment vu quasiment tous tes films
08:58 et à chaque fois, t'es complètement différente.
09:00 Et à chaque fois, je me dis,
09:01 c'est un cinéma que j'ai envie de faire comme ça.
09:03 Enfin, je me compare pas du tout,
09:05 mais juste, je me dis ça, c'est un...
09:07 Enfin, t'es incarnée, t'es habitée, t'es incroyable.
09:11 Genre, vraiment.
09:12 Mais je le pense vraiment, vraiment, vraiment.
09:14 C'est pas possible, dégage les mains autour !
09:16 Non, mais je...
09:18 -On a jamais eu peur de boire ce café toutes les deux.
09:20 -C'est ça, c'est ça.
09:21 Non, mais ça sort vraiment sincèrement.
09:23 Et donc, là, que tu me dis ça, c'est lunaire,
09:25 parce que moi, je le pense depuis tellement longtemps
09:27 que c'est sincère.
09:28 Et voilà.
09:29 -Pareil, j'espère vraiment qu'on travaillera ensemble.
09:33 -Ah ouais.
09:34 -J'espère aussi.
09:36 -Merci beaucoup.
09:37 -Je crois que c'est à bientôt.
09:38 Il faut que vous alliez...
09:39 -Oh putain, je suis désolée, c'est...
09:41 -Non, c'était vraiment hyper bien, franchement.
09:43 ...
09:49 ♪ ♪ ♪