• il y a 2 ans
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Transcription
00:00 [Générique]
00:16 Bonjour à tous et bienvenue. La journée du 2 novembre a été décrétée par les Nations Unies
00:22 « Journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre les journalistes ».
00:27 Et c'est le sujet de ce numéro de Sa Fait l'actualité.
00:30 [Générique]
00:34 Depuis 1993, plus de 1 600 journalistes ont été tués dans le monde
00:38 et près de 9 cas sur 10 n'ont pas été élucidés selon l'Observatoire de l'UNESCO des journalistes assassinés.
00:45 Un chiffre clé pour prendre la mesure de la situation et l'importance de cette commémoration,
00:51 comme nous le rappelle Siaka Kone.
00:53 Dans l'exercice de leur métier, les journalistes sont confrontés à des risques.
00:58 Des menaces et agressions de tous genres.
01:00 Intimidation, enlèvement, tortures, hautes agressions physiques et même des assassinats.
01:06 Les assassinats des journalistes de Radio France Internationale,
01:09 Claude Verlan et Giseline Dupont, le 2 novembre 2013, à Kidal, au nord du Mali, sont des faits marquants.
01:16 Face à ce drame, le gouvernement français a porté un projet à l'Assemblée générale des Nations Unies en décembre 2013.
01:23 L'organisation des Nations Unies a donc pris son bâton de pélérin suite à cette requête de l'État français.
01:29 Des moments sombres ont marqué l'univers de ce métier.
01:32 Les crimes contre les journalistes dans l'exercice de leur fonction ne doivent plus rester lettre morte.
01:37 Les causes, acteurs et circonstances des infractions qualifiées de crimes contre les journalistes
01:43 doivent être désormais révélées et sanctionnées.
01:47 Initiative internée par l'Assemblée générale des Nations Unies qui soutient de vive voix cette décision.
01:53 Et mieux, l'organisation a décidé de faire du 2 novembre de chaque année,
01:57 Journée internationale de fin de l'impunité des crimes commis contre les journalistes dans l'exercice de leur fonction.
02:03 Le 2 novembre 2014 a marqué la première commémoration de cette journée.
02:08 2023 est la 10e édition de cette journée visant à la protection des journalistes.
02:13 Hé, doucement les journalistes !
02:15 C'est la presse !
02:17 Si les meurtres constituent la forme la plus extrême de censure des médias,
02:22 les journalistes sont également confrontés à d'innombrables menaces
02:26 allant de l'enlèvement, de la torture et d'autres agressions physiques ou harcèlement,
02:31 notamment dans la sphère numérique.
02:33 Alors comment assainir le cadre de travail des journalistes et mettre fin à cette impunité
02:38 Pour en parler, je reçois Mme Ma Kamara, présidente de la presse étrangère en Côte d'Ivoire.
02:43 Bonjour et bienvenue.
02:44 Merci, bonjour Fatime.
02:45 Et félicitations pour votre prix d'excellence.
02:47 Merci beaucoup.
02:48 Avec nous, M. Sadibou Marong, responsable du bureau Afrique subsaharienne de RSF,
02:55 reporter sans frontières.
02:57 Bonjour et merci d'avoir accepté notre invitation.
02:59 Bonjour Fatime et bonjour tout le monde.
03:01 Alors, de prime abord, dites-nous quel est finalement,
03:04 ou quel devrait être le rôle des journalistes dans la société ?
03:08 Mme Kamara.
03:10 Alors, le rôle des journalistes dans la société, d'abord ça commence par notre mission,
03:14 la mission d'informer.
03:15 L'information également découle l'éducation et la sensibilisation.
03:21 Donc, en gros, on s'en doit à résumer, c'est un peu ça notre rôle au fait.
03:26 Vous voulez compléter ?
03:27 Oui, pour moi c'est effectivement cela.
03:29 Et je pense que les journalistes d'une manière générale,
03:32 un peu partout dans le monde, font un service public utile aux populations.
03:36 Et ce service public-là, c'est le service public de l'information.
03:39 Aller collecter, traiter, venir traiter et diffuser de l'information pour les populations,
03:46 au nom d'un droit qui est un droit universel, le droit à l'information.
03:50 Alors, les journalistes, on l'a vu dans l'élément précédent,
03:54 sont régulièrement prisonniers ou assassinés.
03:56 Selon vous, pour quelles raisons ?
03:57 Alors, les raisons sont diverses.
04:02 Aujourd'hui, le métier de journaliste,
04:05 je dirais le journalisme est utilisé comme un instrument de communication.
04:10 Les gens font un peu la magame entre la communication et le journalisme.
04:15 Ce sont deux choses différentes parce que la communication c'est vaste.
04:18 C'est toute une politique marketing autour.
04:22 Mais le journalisme, c'est dans l'information.
04:24 Voilà, donc souvent, quand vous faites votre métier de journaliste,
04:29 quand ça n'arrange pas X, X vous indesse de prendre parti pour l'autre.
04:34 Quand ça n'arrange pas Y, Y vous indesse de prendre parti pour l'autre camp.
04:39 Donc, chacun, voilà, essaie de donner une identité
04:43 selon sa position politique ou peut-être sociale au métier de journaliste.
04:49 Mais notre rôle reste vraiment de collecter l'information,
04:52 comme l'a dit Sadibu tout à l'heure, de collecter l'information
04:56 et mettre à la disposition d'un service public,
04:58 qui sont nos éditeurs, qui sont nos auditeurs, qui sont nos téléspectateurs.
05:02 Elle vient de le dire, les journalistes sont là pour, certes,
05:05 relater les faits et traduire pour les populations,
05:09 mais c'est différent du marketing et de la communication.
05:13 On dit souvent qu'on est là pour parler des trains qui ne viennent pas à l'heure.
05:16 C'est ça, en fait, c'est le fait qui dérange.
05:19 Oui, en fait, fondamentalement, je pense qu'il y a aussi peut-être un certain nombre de niveaux.
05:24 Si on regarde bien comment c'est nivelé selon les zones,
05:28 par exemple, on voit que l'émergence en Afrique, notamment,
05:33 d'un journalisme d'investigation,
05:35 qui est un journalisme, disons, souvent de qualité, d'investigation,
05:39 qui prend du temps, qui permet à des confrères et des consoeurs
05:42 un peu de travailler sur des sujets d'intérêt public,
05:46 mais qui peut-être peuvent déranger des lobbies,
05:49 des pouvoirs d'argent, des pouvoirs financiers et même des pouvoirs politiques.
05:53 Et après, ça découle par des révélations, des analyses.
05:58 Quand ces personnes-là ne sont pas forcément contents
06:03 et quand cela ne les arrange pas,
06:05 ils peuvent arriver à créer des problèmes à ces journalistes-là.
06:08 Ça peut commencer par des arrestations arbitraires,
06:12 ça peut être des kidnappings, des enlèvements,
06:14 comme on l'a vu un peu partout, par exemple, Martinez Zogho au Cameroun.
06:18 On peut voir, ça peut aller vers des assassinats aussi.
06:23 Cibler directement des journalistes, comme on l'a vu au Ghana,
06:28 comme on l'a vu, par exemple, au Rwanda,
06:30 comme on le voit un peu partout dans notre continent.
06:33 Mais justement, est-ce qu'il y a des localités ou des zones géographiques
06:35 qui sont finalement plus dangereuses que d'autres pour les journalistes ?
06:39 Vous étiez en train de nous citer des pays, pour l'instant, africains.
06:42 Est-ce qu'il y a une géographie ?
06:44 Oui, je pense que sur la géographie, par exemple,
06:48 si on prend un peu les zones à conflit, par exemple.
06:52 Actuellement, au Sahel, on ne peut pas dire qu'il est prudent
06:57 d'exercer du journalisme dans certaines zones du Sahel,
06:59 que ce soit le Burkina, le Mali, le Niger, notamment les zones du nord,
07:03 au-delà un peu des capitales, où il y a un peu l'existence des groupes armés,
07:09 souvent qui sont des groupes armés terroristes,
07:11 qui considèrent, par exemple, un journaliste kidnappé,
07:15 comme une proie extrêmement intéressante pour ces groupes-là,
07:19 notamment en vue de leur négociation.
07:21 Donc ça, c'est la première chose.
07:22 On perçoit aussi cela un peu vers la Somalie,
07:25 avec tout ce qu'on appelle Al-Shabaab, tout cela aussi.
07:29 Il y a également le deuxième aspect, qui est plus lié à des pouvoirs,
07:35 plus ou moins fermés, par exemple, je peux citer le Rwanda,
07:39 où c'est effectivement très difficile d'exercer un journalisme libre,
07:42 un journalisme de qualité, disons un journalisme indépendant.
07:45 Et souvent, cela aboutit à des arrestations arbitraires de journalistes,
07:50 à des traquenards, à des kidnappings,
07:52 et même à des semblants d'accidents, comme on l'a vu pour le cas de John Touaddi.
07:58 Il y a aussi les contextes électoraux, il faut le dire, dans certains pays.
08:03 Récemment, nous, ce qu'on voit aussi émerger,
08:06 c'est que les contextes électoraux charrient beaucoup de violences contre les journalistes,
08:12 que ce soit de la part des hommes politiques de tous bords,
08:16 mais souvent aussi de la part des forces de sécurité.
08:19 Et ça, c'est aussi extrêmement préoccupant.
08:22 – Je voulais rebondir sur ce constat, parce que là, on parle de l'Afrique,
08:25 mais ça concerne aussi d'autres pays dans le monde, cette situation.
08:28 – Oui, d'autres pays, surtout en Amérique latine,
08:32 oui, ça se constate dans d'autres pays,
08:34 mais les contextes restent un peu différents quand même.
08:36 Ici, nous maîtrisons mieux notre situation, notre zone géographique,
08:40 mais la zone du Sahel reste quand même une zone encore très dangereuse
08:45 pour pratiquer le métier de journaliste.
08:47 On constate aujourd'hui une résilience de certains confrères de la presse locale
08:51 qui essayent de faire de l'information, de faire de la résistance en donnant des informations,
08:58 mais c'est des risques qu'ils prennent.
09:01 – Mais que répondez-vous, parce que là, on parle du Sahel,
09:04 et on entend souvent les autorités actuelles dire,
09:08 reprocher aux journalistes de manquer de patriotisme,
09:12 et dire que finalement, on pourrait mettre en danger des forces de sécurité et défense,
09:20 et mettre en péril des opérations aussi.
09:23 Qu'en pensez-vous de cet argumentaire ?
09:25 Est-il fondé ou valable ?
09:26 – Alors quand j'entends ça, ça me fait un peu rigoler,
09:28 parce que le rôle du journaliste, ce n'est pas de faire du patriotisme.
09:31 Le rôle du journaliste, c'est de donner de l'information,
09:34 c'est d'informer, ce n'est pas de prendre parti pris.
09:37 C'est vrai qu'il existe des lignes éditoriales
09:39 qui permettent de déterminer un peu la ligne d'information
09:45 sur laquelle le journaliste travaille,
09:50 mais le rôle du journaliste, ce n'est pas d'être du patriot.
09:52 Et quand j'entends également parler d'exposer souvent des opérations,
09:57 je me dis que pour des militaires, c'est grave,
09:59 parce que pour une formation militaire,
10:03 vous avez le coup de capitaine, vous avez le coup d'état-major,
10:07 vous avez le coup de l'école de guerre,
10:09 et on vous apprend c'est quoi la communication opérationnelle.
10:12 Donc la communication fait partie même de la formation du militaire.
10:18 Je le dis aisément,
10:19 vous n'êtes pas une formatrice en communication opérationnelle.
10:24 Donc si vous dites qu'on expose vos stratégies militaires,
10:28 ce qui veut dire qu'il y a un problème dans vos stratégies opérationnelles.
10:32 Donc quand j'entends ça, ça me fait rigoler,
10:34 et je dis que notre rôle, ce n'est pas de faire de la communication,
10:38 notre rôle c'est de faire de l'information.
10:39 Mais on a de plus en plus accès à ce qui se passe sur les théâtres d'opération
10:44 via les éléments envoyés directement par les armées,
10:49 que ce soit l'armée française,
10:51 que ce soit des armées locales en Afrique.
10:54 Là aussi, il faut se méfier de ces éléments ?
10:57 Oui, moi je pense qu'il y a un principe qui est l'indépendance,
11:01 la possibilité de collecter de l'information en toute indépendance,
11:05 mais également sans risque de représailles.
11:07 Si on parle de cela, on se voit de plus en plus un peu
11:10 avec la possibilité que nos armées ont,
11:14 parce que nos armées également ont des services de communication
11:18 qui utilisent pratiquement tout ce que les journalistes utilisent,
11:21 que ce soit la caméra, le son, l'image, tout cela,
11:24 et puis ont également la possibilité même de monter des images sur le terrain
11:28 et de les diffuser des PAD comme on dit.
11:30 Mais au-delà de cela, je pense que si on reste dans le contexte sahélien,
11:35 ce qu'on voit c'est que les journalistes eux-mêmes sont un peu écartelés
11:39 entre le marteau des forces armées, des groupes terroristes, des groupes armés,
11:44 et quelque part aussi l'anclume des armées régulières.
11:49 Et ces armées régulières aussi développent des réponses aux attaques terroristes.
11:55 Maintenant, dans le développement de ces réponses-là,
11:58 souvent il arrive que les armées régulières fassent beaucoup de violations de droits humains.
12:02 Et au nom de la communication et au nom de leur volonté soit de maquiller cela,
12:09 fondamentalement ce n'est pas des gens qui veulent, qui aiment
12:13 qu'il y ait des journalistes, des yeux de journalistes indépendants sur place
12:18 pour pouvoir rapporter les faits de manière indépendante.
12:20 Donc cela crée un peu cette sorte de conflit entre la volonté de faire du journalisme
12:29 de manière indépendante et la volonté de communiquer par les armées.
12:34 C'est pourquoi souvent on les entend dire qu'il y a des zones réservées,
12:38 il y a des zones où il faut par exemple demander une autorisation spéciale, tout cela.
12:44 Et on le voit un peu, même actuellement par exemple si on prend le Bénin,
12:47 il y a des zones où il est pratiquement difficile pour des journalistes d'aller.
12:52 Par exemple dans le nord du Bénin pour aller à partir de Paracou,
12:55 pour aller progresser un peu vers la frontière avec le Niger,
12:58 tout cela c'est compliqué.
12:59 N'a-t-il du coup il y a eu des cas où on a arrêté des journalistes
13:03 et souvent peut-être des journalistes de la presse internationale
13:06 ou même des journalistes locaux se sont fait refouler à partir de ces zones.
13:09 Pourtant il n'y a rien.
13:11 Mais les armées ont tendance un peu à vouloir un peu soit contrôler tout cela,
13:17 bon c'est à leur décharge souvent aussi on les comprend,
13:19 mais il y a l'impératif de sauvegarde des territoires,
13:24 mais il y a également la volonté et le droit des personnes à l'information
13:28 et ce droit-là, ceux qui sont les acteurs,
13:31 ce sont les journalistes qui doivent pouvoir accéder et faire cela
13:34 tant qu'il n'y a pas de problème de sécurité à mon avis.
13:36 Alors il y a plusieurs théâtres d'opération actuellement où il y a la guerre,
13:40 plusieurs guerres en cours, vous le disiez au Sahel,
13:43 on a vu en Ukraine, au Proche-Orient, au Moyen-Orient,
13:46 et ce sont des dizaines de journalistes qui sont décédés ces derniers temps
13:49 dans le cadre de ces conflits et dans l'exercice de leur profession.
13:53 C'est vrai qu'on salue leur courage,
13:55 mais on nous reproche à notre coopération de prendre encore une fois
14:00 parfois des risques démesurés.
14:04 Que répondez-vous à ces propos ?
14:07 Alors, effectivement, de janvier 2023 au 30 septembre 2023,
14:14 on enregistrait déjà 36 journalistes assassinés,
14:18 tués en plein exercice de leur métier.
14:22 C'est dommage, le risque est présent partout.
14:26 Lorsque vous choisissez un métier, vous choisissez le métier avec ces risques.
14:30 Nous ne sommes pas des suicidaires, nous avons une ligne de travail.
14:37 Le journaliste ne va pas au fond comme ça, il prépare d'abord le terrain,
14:43 il prépare d'abord les personnes avec qui il va communiquer.
14:47 Il peut arriver des trahisons par moments,
14:50 avec des fixeurs, ou peut-être que ça se passe mal,
14:53 qui ont souvent des informations, comme je crois Dubois,
14:57 et qui ne vous donnent pas l'information, et après vous partez et on vous enlève.
15:01 Ça peut arriver, mais on prend le temps d'être un peu plus sûr du fixeur,
15:06 d'être un peu plus sûr des personnes avec qui nous allons échanger.
15:09 Le risque est présent, que vous soyez journaliste, que vous soyez cuisinier,
15:12 que vous soyez... Tout le monde prend des risques dans le métier.
15:16 Le droit à l'information, lorsque vous êtes journaliste,
15:20 votre sécurité vous importe peu.
15:23 Vous avez un seul objectif d'abord,
15:25 aller chercher l'information et la mettre à la disposition de la population.
15:29 Ils ont droit à la... La population a droit à l'information.
15:33 Et qui peut leur apporter cette information si c'est pas nous ?
15:37 Donc souvent je trouve un peu...
15:40 Il ne faut pas trouver que c'est risqué, c'est vrai, il y a ces risques,
15:43 c'est comme le militaire, mais on fait avec et on sait plus ou moins comment travailler.
15:48 – Justement, par rapport à ces opérations et ces guerres en cours,
15:53 on a actuellement un décompte macabre, on nous dit tant de vies, tant de décès,
15:59 notamment Bande de Gaza, Israël précédemment.
16:03 Est-ce que la vie d'un journaliste vaut plus que celle d'un civil lambe d'arme ?
16:07 Parce qu'on fait un décompte à part,
16:09 où c'est cette fonction, la symbolique qu'il faut marquer en disant
16:13 tant de personnes journalistes sont mortes, mais finalement c'est ceux-ci des civils.
16:17 Et tant d'autres civils meurent dans ces moments-là.
16:20 – Oui, bon, je pense que le droit à la vie est un droit universel,
16:24 donc c'est un droit pour toutes les personnes, qu'on soit journaliste, qu'on soit civil.
16:30 Mais il y a aussi des conventions qui font que...
16:33 qui protègent d'une manière générale les civils en cas de conflit, tout cela.
16:36 Mais malheureusement, dans beaucoup de contextes,
16:38 ces conventions ne sont pas respectées, y compris même pour les journalistes
16:42 qui doivent normalement pouvoir travailler sans pouvoir être inquiétés.
16:47 Maintenant sur la question des risques, le risque il existe un peu, et il est réel aussi.
16:53 Mais nous ce que nous prenons souvent, on dit que face à des risques,
16:59 il est toujours important de mettre en place des protocoles de sécurité.
17:03 Et les rédactions avec lesquelles nous discutons souvent,
17:05 nous expliquent effectivement qu'il y a des protocoles de sécurité
17:09 qui sont soit des protocoles maison, ça commence d'abord au niveau individuel du journaliste lui-même,
17:14 qui peut se dire "écoutez, moi je ne peux prendre comme maladie,
17:17 j'ai un fixeur mais je n'ai pas confiance en lui,
17:20 donc je m'abstiens par exemple d'aller travailler", mais ça c'est au niveau du journaliste.
17:24 Et ensuite au niveau de la rédaction, qui se disent "écoutez, nous ça va être risqué,
17:30 par exemple d'envoyer une équipe, on va s'abstenir,
17:32 on va peut-être utiliser des sources locales, on va peut-être faire d'autres angles".
17:36 Mais après aussi, ou bien la rédaction peut carrément décider "écoutez,
17:40 on déploie une équipe sur le terrain".
17:43 Mais au-delà de cela, pour nous, la vie humaine elle est sacrée pour tout le monde,
17:48 y compris pour les journalistes, et tant qu'il y a des journalistes sur le terrain,
17:52 ce que nous demandons c'est que ces journalistes puissent être épargnés,
17:57 qu'il s'agisse par exemple dans un contexte sahélien ou même dans un contexte plus international,
18:01 malheureusement ce n'est pas ce qu'on voit.
18:03 Pas plus tard qu'aujourd'hui, il y a un bureau de l'AFP qui a été bombardé,
18:09 en Palestine il y a environ une trentaine dans la zone de journalistes tués.
18:16 Et les enquêtes que nous menons à RSF nous permettent de dire déjà,
18:22 de révéler que certains même des journalistes ont été ciblés, carrément.
18:26 C'est-à-dire qu'ils ont été visés, c'est un assassinat pur et simple.
18:31 Ce n'est pas ce qu'on appelle un terme qui est vraiment tendancieux,
18:35 ce ne sont pas des dégâts collatéraux comme on aime dire dans ces cas-là.
18:39 Pour la plupart, certains sont beaucoup visés, et c'est ce que nous déplorons le plus.
18:44 Effectivement, tout à l'heure Sadibou lui disait, il existe des conventions,
18:48 celle de Genève je crois, c'est l'article 77, qui n'est pas vraiment respecté.
18:53 Un journaliste sur un terrain de conflit doit bénéficier de la sécurité des personnes qui sont là,
18:58 mais souvent ces conventions ne sont pas respectées, et voilà, ça donne ce que ça doit donner.
19:05 – L'Assemblée générale des Nations unies a donc proclamé le 2 novembre,
19:09 journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre les journalistes.
19:13 Quelle est l'apport de cette résolution ?
19:15 Est-ce que c'est encore une énième déclaration ? Est-ce que ça change quelque chose ?
19:21 – Alors, c'est toujours bien, c'est toujours bien déjà de rappeler aux gens,
19:25 ce genre de journée, il ne faut pas laisser passer.
19:30 Ça peut changer.
19:32 C'est un pays des journalistes, ils existent sans difficulté,
19:36 et il y a des sensibilisations.
19:37 Ce sont des journées quand même de sensibilisation,
19:39 ce sont des journées également qui interpellent aussi les journalistes sur les risques de leur métier.
19:46 Aujourd'hui, Dieu merci, dans la plupart des médias internationaux,
19:49 il existe des directions de sécurité.
19:53 Effectivement, la sécurité du journaliste commence par lui-même d'abord.
19:56 C'est à vous d'abord d'assurer votre sécurité,
19:58 et après vous avez votre rédaction qui vous accompagne dans la sécurité.
20:03 – Là, vous parlez des opérations extérieures, parce qu'on parle,
20:06 bon, c'est vrai que nous sur un plateau,
20:08 on peut avoir l'impression de faire du journalisme de salon,
20:11 mais quand il y a des coups d'État dans les pays que vous décrivez,
20:14 c'est d'abord dans les médias que les gens viennent s'exprimer.
20:17 C'est aussi un risque ?
20:18 – Absolument, je pense que c'est un risque, et on le voit.
20:20 On le voit par exemple quand on regarde bien récemment les pays
20:25 où il y a eu des coups d'État par exemple,
20:27 la première réaction des armées, c'est d'aller directement par exemple
20:32 dans les télévisions nationales d'État,
20:34 et elles trouvent un ordre déjà établi, mais que cet ordre-là est bousculé.
20:40 Nous par exemple, je me rappelle, au Burkina,
20:44 le premier coup d'État avec Damiba, on avait recueilli des témoignages
20:48 où les gens nous disaient "mais ils sont venus, ils nous ont bousculés,
20:53 ils ont pris l'antenne, ils nous ont forcés un peu à sortir".
20:58 Or, vous connaissez un peu comment ça se passe,
21:01 les antennes ce sont des régies, ça se gère un peu sur la base,
21:05 avec beaucoup de respect par rapport aux téléspectateurs et tout,
21:08 mais quand les gens viennent et puis encaquillent tout cela,
21:14 occupent l'antenne et commencent à développer une succession de communiqués,
21:19 et puis à des heures, finalement, le public qui s'attendait soit
21:22 à regarder des documentaires à ces heures-là est privé de documentaires,
21:26 l'information disparaît, donc ça devient de la communication.
21:32 Et ça aussi c'est des risques pour les journalistes,
21:35 nous effectivement nous avons recueilli pas mal de témoignages autour de cela.
21:39 Et ça, ça affecte effectivement les télévisions publiques, les chaînes publiques.
21:44 - Pour compléter un peu ce qu'il dit, effectivement c'est des otages,
21:46 en fait les techniciens qui sont dans ces télévisions publiques,
21:50 quand ils arrivent ils ne s'attendent pas, ils viennent le matin au travail
21:53 et puis on dit "il y a un coup d'état", ou peut-être on va même vous chercher,
21:56 il y a des pays où ils sont même allés chercher des techniciens à la maison
21:59 pour venir gérer l'antenne, pour pouvoir faire une communiquée,
22:02 je ne vais pas citer le pays, mais c'est des choses qui existent.
22:05 Donc il y a des otages, le risque n'est pas seulement
22:08 avec les journalistes qui sont sur le terrain,
22:10 mais même ceux qui sont au niveau des rédactions,
22:14 parce qu'on ne sait jamais où le coup peut arriver.
22:18 - Et dernier point peut-être, comment mettre fin à cette impunité finalement,
22:23 quelles sont les pistes de solution ?
22:24 Est-ce qu'on doit s'attendre à plus de volonté politique,
22:28 à un meilleur fonctionnement du système judiciaire ?
22:31 Où est-ce que ça pêche ? Là où… c'est quoi le problème ?
22:35 - Je pense qu'il y a la question de la volonté politique,
22:40 probablement l'absence de volonté politique.
22:42 Nous constatons, par exemple, quand il y a soit des assassinats,
22:46 des kidnappings de journalistes, ou bien en tout cas de graves atteintes,
22:53 souvent du côté des officiels, en tout cas des autorités,
22:56 elles disent que une enquête est ouverte.
22:59 Maintenant, la durée de l'enquête aussi, souvent est quand même excessive,
23:07 par exemple quand on prend le cas de Zobo au Cameroun,
23:10 ou bien même d'autres cas aussi, où les autorités judiciaires,
23:14 soit c'est le procureur, nous disent "écoutez, une enquête est ouverte,
23:19 il faut donner le temps que ça abrisse à quelque chose".
23:24 Cela aussi, souvent, on a l'impression que ça prend beaucoup de temps
23:28 et ça ne donne pas grand chose.
23:30 Ça c'est quand même quelque chose que nous remarquons.
23:33 Mais au-delà de cela aussi, nous disons qu'il faut fondamentalement des solutions,
23:38 d'abord au niveau des journalistes eux-mêmes,
23:42 parce qu'il y a beaucoup de journalistes qui ont des soucis de sécurité
23:46 et qui préfèrent ne rien dire, et ça c'est très grave.
23:50 C'est grave parce que si vous ne dites rien, si vous ne portez pas plainte,
23:53 si vous ne le signalez pas à la rédaction en chef,
23:56 demain ceux qui vous ont menacés, ils peuvent faire pire.
24:00 Donc nous nous encourageons dans les formations de sécurité que nous faisons,
24:03 aux journalistes, votre premier réflexe c'est dans l'information.
24:06 Oui mais à partir de quand on est menacé,
24:09 parce que certains peuvent vous dire "on n'a pas aimé votre papier,
24:12 on n'a pas aimé votre reportage, on n'a pas aimé votre présentation",
24:15 les menaces c'est à partir de quand ?
24:17 Quand on les prend au sérieux ?
24:19 À tout moment, à partir du moment où on vous passe un coup de fil,
24:23 où on vous emmène un SMS pour vous dire "écoutez, vous avez fait un mauvais reportage",
24:29 tout ça, à partir de ce moment il faut déjà faire attention.
24:32 Et enregistrer déjà le numéro qui vous a appelé ou le numéro qui vous a envoyé le message.
24:37 Et après constater au fur et à mesure.
24:39 Dès que vous avez un premier appel, il faut faire attention déjà.
24:43 Il y a aussi les menaces digitales.
24:44 Oui, les menaces digitales en ligne.
24:47 Qui persécutent carrément les journalistes qui travaillent en ligne.
24:49 Je voulais un dernier point, puisque c'est la fin de cet entretien,
24:52 parler des femmes, du cas spécifique, parce que certaines sont sur le terrain aussi,
24:57 reporter, notamment de guerre.
24:58 Mais au-delà de ça, il y a une autre problématique,
25:02 c'est le harcèlement, il y a les viols,
25:05 toutes les agressions sexuelles qu'elles subissent dans cette profession.
25:09 Quel regard vous avez sur la question ?
25:11 En tout cas, en tant que reporter de guerre, je peux vous dire,
25:14 ces harcèlements sont vraiment présents en tant qu'une femme sur le terrain.
25:18 C'est du concret.
25:21 Mais aussi, il faut savoir exactement ce que vous allez faire sur le terrain.
25:25 Il ne faut pas forcément céder à ces provocations, à ces tentations,
25:32 parce que vous voulez absolument une information.
25:34 Vous avez été formé pour collecter l'information,
25:38 vous savez comment il faut faire pour collecter l'information.
25:41 Certaines personnes tombent, et après, elles sont prises pour des espions.
25:47 Donc, il faut vraiment faire la part des choses quand vous êtes sur le terrain,
25:50 en tant que reporter de guerre.
25:52 Surtout que nous sommes rares sur le terrain en tant que femmes.
25:55 Vous imaginez une femme à la caméra avec un micro, tout ça, ça attire tout de suite.
25:59 Donc, il faut vraiment faire la part des choses quand vous êtes sur le terrain.
26:02 Redoubler de vigilance.
26:04 Redoubler beaucoup de vigilance et beaucoup de formation.
26:07 J'interpelle en tout cas RSF là-dessus,
26:09 parce que les femmes sur les terrains de crise sont beaucoup exposées.
26:13 Beaucoup, beaucoup exposées.
26:15 Moi, je me rappelle dans un pays où mon guine a été déchiré.
26:18 Donc, voilà, je vous dis qu'il y a beaucoup de risques.
26:21 On peut vous jeter quelque part là-bas.
26:23 Vous n'avez même pas le droit d'aller faire votre toilette.
26:27 – Donc, manière de rappeler encore une fois que ce métier n'est pas simple.
26:31 On salue le courage de tous nos confrères sur le terrain.
26:34 On salue aussi la mémoire de tous ceux qui nous ont quittés depuis le début de cette année.
26:39 Merci à vous. C'est la fin de cet entretien.
26:42 Et merci aux équipes techniques et rédactionnelles.
26:45 Restez donc sur RTIA.
26:47 – Merci. – Merci.
26:50 [Musique]

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