• l’année dernière
Transcription
00:00 Regardez, on n'a rien du tout. On n'a rien du tout. On ne peut plus vivre comme ça.
00:09 Des terrains, ils ne nous donnent pas. Ils nous proposent quelque chose, mais rien n'est
00:14 vrai. Vous voyez ? Alors nous, nous sommes obligés de nous-mêmes de nous arracher quelque
00:19 chose pour nous.
00:20 Qu'est-ce que vous allez en faire de ces classes-wagons ?
00:22 Écoutez, qu'est-ce qu'on va faire pour longer dedans tout de même ? Parce qu'on a des
00:27 vieux barraques qui sont déjà 50 ans. Alors comment on peut vivre ? Alors comme ça, on
00:31 ne peut plus vivre, vous voyez ?
00:32 Dites-moi, quelles sont vos relations avec la population ici ?
00:34 Oh ben, vous savez, pas tellement.
00:35 Qu'est-ce que vous pensez justement des nomades, monsieur ?
00:36 Oh, pas grand-chose de proche.
00:37 Pourquoi ?
00:38 Hein ?
00:39 Pourquoi ?
00:40 Parce qu'ils sont méchants. Parce qu'ils nous laissent pas tranquille.
00:49 Ici, à Mersulaire, les Gitans, les Manouches, les Bohémiens ont toujours été synonymes
00:55 d'étrangers. Certes, la cohabitation est ancienne, dans certains cas, elle remonte
00:59 même jusqu'aux années 20, mais depuis, il y a eu tous ces vols de poules et tous ces
01:04 petits larcins. Finalement, à Mersulaire, comme dans de nombreux endroits en France,
01:08 on n'est pas raciste, mais...
01:10 On les évite, c'est tout.
01:13 Pourquoi ?
01:14 C'était toujours comme ça, on les évite, c'est tout.
01:21 Vous avez l'impression que c'est la population qui paie pour eux, là ?
01:25 Ah oui, bien sûr. On n'a pas seulement l'impression, c'est comme ça.
01:28 C'est comme ça.
01:29 Parce qu'ils vont à l'hôpital et il y a une qui accouche, c'est la commune qui paie.
01:32 C'est pas eux qui paient.
01:33 Mais ils sont là depuis des années, maintenant ?
01:35 Oh oui, depuis après la guerre. Mais au début, ça allait. Ils étaient tranquilles, ils
01:41 faisaient rien. Il n'y avait pas tellement, aussi. Mais maintenant, ça augmente.
01:46 Vous êtes prêts à les renvoyer, donc ?
01:48 Ah oui, bien sûr.
01:49 Vous allez rester ici, quand même ?
01:51 Ah ben, naturellement qu'on va rester. Vous vouliez beaucoup qu'on s'en aille.
01:55 Où ? On n'a pas de terrain, rien. Parce que ça, c'est notre terrain, à nous, quoi.
02:01 En fait, dans cette affaire, il y a un problème juridique, mais aussi un problème social,
02:06 un problème humain. Alors, la question est de savoir si la municipalité et si les habitants
02:10 de Mers-sul-Herbe veulent intégrer définitivement ces populations ou pas.
02:13 Mais l'intégration est le souhait de tout le monde. Mais pour s'intégrer, je vous
02:18 préciserai, que pour s'intégrer, il faut aussi accepter un certain nombre de contraintes,
02:23 contraintes imposées par notre société, pas celle de Mers-sul-Herbe, mais la société
02:28 globale que nous vivons, tout le monde.
02:30 Par exemple ?
02:31 Je crois, j'ai toujours dit, les mêmes droits à tout le monde, mais aussi les mêmes devoirs.
02:36 Droits à la différence, mais aussi respect de la culture de l'autre, c'est-à-dire
02:41 ouverture du dialogue entre les deux communautés. Toute une éducation, en fait, qui ne saurait
02:45 gommer les valeurs d'une minorité, est cartelée entre son désir de voyage et son besoin de
02:49 sécurité. Certes, les Gitans ne vivront jamais tout à fait comme nous, mais qu'importe,
02:54 la France profonde est capable aussi d'être généreuse.
02:57 Le campement de la Harte à Mers-sul-Herbe, un abcès de fixation à la sortie du village.
03:07 Il y a déjà 60 ans, les gens du voyage s'arrêtaient sur ce terravague pour n'en plus repartir.
03:13 Caravanes et roulettes allaient rouiller là, sur des terrains communaux et privés, squatterisés
03:18 par des nomades désœuvrés. Communauté marginale, facteur de trouble et de délinquance selon
03:23 certains. Population gênante pour les municipalités successives. En tout cas, des conditions d'hygiène
03:30 déplorables. Pas d'égout, de rares points d'eau, un îlot d'insalubrité dans la commune
03:35 qu'il faudra bientôt abandonner.
03:39 - Maman !
03:41 - On n'a pas de WC, on n'a rien. Alors, pour faire ses besoins, il faut un kilomètre dans
03:57 l'empresse de la forêt. Tout le monde rébolte. Moi, conscience, si vous vous abriquez une
04:06 fois huit jours là, vous ferez autrement, parce qu'il y a des rats, il y a tout, ce
04:11 qu'on veut là.
04:12 - Toutes les familles sont d'accord pour quitter ce terrain ?
04:15 - Oui, sauf deux familles. C'est la tradition que les deux familles restent là, sur le terrain.
04:20 Une quinzaine de ces familles seront bientôt relogées dans des maisons neuves, construites
04:26 spécialement à leur intention. Déménagement conchanti par une partie seulement de la
04:31 communauté. Il en coûtera quand même cinq millions de francs à la collectivité publique.
04:36 La commune et le département du Barin contribuent largement à l'opération. Mais curieusement,
04:41 le terrain du nouveau lotissement est situé juste en face d'une décharge sauvage, et
04:46 toujours à l'écart du village.
04:48 - La municipalité précédente avait donc pris tous les engagements, et au moment où nous
04:53 sommes arrivés, le projet a été lancé. Donc nous ne pouvons de toute façon pas reculer
04:57 devant un tel projet, qui, vu les conditions humanitaires et sociales dans lesquelles
05:01 vit sa population actuellement, je pense qu'il était absolument indispensable que les choses
05:05 changent.
05:06 - Alors justement, on constate que ce terrain est situé en face d'une décharge. Est-ce
05:10 que c'est vraiment le meilleur choix qui puisse exister ?
05:13 - Il pouvait exister effectivement un autre terrain qui aurait pu convenir, mais malheureusement
05:17 les engagements étant tels que nous ne pouvions pas revenir en arrière.
05:20 - Le chantier de construction commencera en juillet. Des mesures sociales et éducatives
05:26 devront impérativement accompagner la sédentarisation définitive de ces populations nomades pour
05:32 que la greffe réussisse.
05:34 - 50 ans de cohabitation difficile entre les 3 500 habitants de Merzvilleur et les 200
05:41 Manouches de la ville. Aujourd'hui, grâce à la municipalité, le Conseil général du
05:45 Barrain et l'Association pour la promotion des populations d'origine nomade, l'APONA,
05:50 16 sur les 25 familles manouches sédentaires ont abandonné depuis 2 mois leur caravane
05:55 pour un relogement. Les 16 logements flambant tout neuf destinés à ces familles mettraient-t-elle
06:00 un terme à de trop longues passes d'armes ?
06:02 - Les rapports jusqu'à présent de la population de Merzvilleur et de Kizhitan étaient assez
06:06 tendus. Leur ayant construit grâce à l'aide du Conseil général des maisons, qui ne sont
06:11 pas mal, vous pourrez l'occasion de vous en rendre compte, je pense que nous arriverons
06:16 à amorcer cette réintégration, dire qu'elle sera un succès. Ce n'est pas de notre ressort
06:24 maintenant, on a fait un pas, on leur a construit des maisons, on leur a mis sur pied les meilleures
06:30 conditions d'habitation, on les aide également en créant une série de mesures d'accompagnement
06:37 mais ensuite c'est à eux de faire l'effort, à eux d'aller travailler, à eux de s'intégrer
06:40 vraiment, à eux de montrer qu'ils ont envie de s'intégrer.
06:42 Content de quitter la caravane pour de jolies maisons, les Manous se retrouvent nez à nez
06:47 devant une décharge publique.
06:49 - Oh là là, ben c'est pas beau, parce que ça fait trois jours là que ça fume déjà.
06:55 - Qu'est-ce qui fume ?
06:56 - Ben, ça brûle.
06:58 - Qu'est-ce qui brûle là-bas ? Qu'est-ce qu'il y a là-bas ?
07:01 - Ben, il y a de la merde quoi.
07:04 Une politique d'intégration qui se révèle à la fois exemplaire et pilote pour cette
07:09 association quasiment unique en France.
07:12 - Nous avons essayé de mettre en place des actions qui permettent de désenclaver ces
07:15 terrains et qui permettent de recréer donc, et de remettre en place un lien avec les populations
07:20 environnantes non-cigales.
07:22 C'est en 1986, date à laquelle la municipalité commence à se préoccuper des problèmes d'insalubrité
07:28 des campements Manouches, véritables bidonvilles.
07:31 Absence totale d'hygiène, rats, puces et squelettes de voitures.
07:35 La majorité des adultes sont sans emploi, des enfants non scolarisés, bref, les conditions
07:39 de vie insupportables pour la commune.
07:41 Aujourd'hui, les deux communautés jouent la carte d'intégration pour une vie paisible.
07:46 - Oui !
07:48 - C'est pas vrai ! - C'est pas vrai !
07:50 - Oui! - Oui!