Ces idées qui gouvernent le monde - La sexualité des adolescents

  • l’année dernière
La sexualité ne se porte pas bien d'après les sondages d'opinion. En témoignent les problèmes qui s'en rapportent et qui créent un véritable malaise au point où certains observateurs parlent de sexualité toxique. On pourrait presque dire qu'il y a un désamour pour les rapports sexuels au sein des jeunes générations : d'après les sondages portant sur l'année 2022, 43% des jeunes âgés de 15 à 24 ans n'auraient pas eu de rapports sexuels dans les douze derniers mois. En comparaison, les ainés en couple, selon le sondage Harris Interactive de juillet 2023, montre que la révolution #MeToo n'a pas vraiment changé les habitudes sexuelles, avec des hommes plus entreprenants et des femmes moins satisfaites même si l'on observe une hétérogénéité des pratiques sexuelles et de nouveaux modes de jouissance. Quelles sont les raisons de ce désamour pour ce qui constitue quoi qu'on pense « un penchant pour la vie » ? Et d'accuser pêle-mêle les abus de la société de consommation où tout passe dans le commerce, de la pornographie aux rêves. La confusion entretenue autour de l'orientation sexuelle dogmatiquement genrée par la radicalisation de minorités agissantes et une industrie numérique du sexe.
Le besoin de procréation/reproduction rendu « insignifiant » - j'emprunte ce mot à Milan Kundera - face au triomphe d'un narcissisme érotomaniaque qui se prend pour le nombril de la modernité. On peut aussi incriminer les déliaisons sociales, la déchéance du mariage, les viols, les féminicides.

Émile Malet reçoit :
- Alain Vanier, psychiatre, psychanalyste, professeur émérite des Universités
- Christine Vahdat, gynécologue, obstétricienne
- Bruno Falissard, pédopsychiatre, membre de l'Académie nationale de médecine
- Philippe Brenot, psychiatre, anthropologue, sexologue
- Giulia Sissa, professeur d'université, UCLA, historienne et philosophe

L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Émile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcript
00:00 Générique
00:02 ...
00:23 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:26 Nous allons vous parler de la sexualité des adolescents.
00:30 La sexualité ne se porte pas bien,
00:32 d'après les sondages d'opinion.
00:34 On témoigne les problèmes qui s'en rapportent
00:37 et qui créent un véritable malaise
00:39 au point où certains observateurs
00:42 parlent de sexualité toxique.
00:44 On pourrait presque dire qu'il y a un désamour
00:47 pour les rapports sexuels au sein des jeunes générations.
00:50 D'après les sondages portant sur l'année 2022,
00:53 43 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans
00:57 n'auraient pas eu de rapport sexuel
00:59 dans les 12 derniers mois.
01:01 En comparaison, les aînés en couple,
01:03 selon le même sondage, à Harris Interactive,
01:06 de juillet 2023,
01:08 montrent que la révolution MeToo
01:12 n'a pas vraiment changé les habitudes sexuelles,
01:15 avec des hommes plus entreprenants
01:17 et des femmes moins satisfaites,
01:19 même si l'on observe une hétérogénéité
01:23 des pratiques sexuelles et de nouveaux modes de jouissance.
01:27 Quelles sont les raisons de ce désamour
01:30 pour ce qui constitue, quoi qu'on pense,
01:33 un penchant pour la vie ?
01:35 Et d'accuser à leur pelmen les abus de la société de consommation,
01:39 où tout passe dans le commerce
01:41 de la consommation pornographique aux rêves.
01:45 La confusion entretenue autour de l'orientation sexuelle,
01:50 quand elle est dogmatiquement genrée
01:52 par la radicalisation des minorités agissantes
01:56 et une industrie numérique des sexes,
01:58 ajoute au malaise.
02:00 Le besoin de procréation-reproduction,
02:03 rendu insignifiant, j'emprunte ce terme à Milan Kundera,
02:08 face au triomphe d'une espèce de narcissisme érotomaniaque
02:13 qui se prend pour le nombril de la modernité.
02:16 On peut aussi incriminer, dans ce malaise,
02:19 les déliaisons sociales, la déchéance du mariage,
02:22 les viols, les féminicides.
02:24 Bref, un ressentiment général
02:27 à l'égard de l'amour et du sexe
02:30 que nous allons interroger avec mes invités,
02:33 que je vous présente.
02:35 Alain Vannier, vous êtes psychiatre, psychanalyste
02:39 et professeur émérite des universités.
02:42 Bruno Falissard, vous êtes pédopsychiatre,
02:45 membre de l'Académie nationale de médecine
02:49 et également universitaire.
02:52 Julia Sissa, que nous avons en visioconférence,
02:55 vous êtes professeure d'université
02:59 à l'Université de Los Angeles.
03:02 Vous êtes également historienne et philosophe.
03:05 Christine Vadat, vous êtes...
03:07 Pardonnez-moi, Christine Vada,
03:09 vous êtes gynécologue et obstétricienne.
03:12 Musique rythmée
03:14 ...
03:19 Vous venez de voir la citation de Simone Veil.
03:23 "La baisse d'activité sexuelle
03:25 "chez les nouvelles générations vous inquiète-t-elle
03:28 "et à quoi l'attribuez-vous ?
03:30 "Est-ce une altération de l'altérité ?"
03:33 En écho à ce que vous venez de voir
03:36 avec la citation de Simone Veil.
03:39 Alain Vannier.
03:40 -Alors,
03:41 c'est sûr qu'il y a des modifications de la vie sexuelle.
03:46 Est-ce qu'on est certains
03:48 qu'il y a une baisse de l'activité sexuelle ?
03:50 Je ne sais pas si des études comme ça,
03:53 si on peut comparer avec des études antérieures...
03:55 Ce qui est sûr, c'est que la sexualité
03:58 a pris une place considérable dans le discours social,
04:01 c'est vrai, à tout point de vue.
04:03 Mais est-ce que les pratiques elles-mêmes
04:07 ont beaucoup évolué ?
04:09 C'est une question que je me pose.
04:12 -Et vous, Bruno Falissa,
04:14 vous mettez en cause ces sondages ?
04:16 -Non.
04:18 Après, est-ce que plus, c'est mieux pour la sexualité ?
04:21 Je ne sais pas.
04:23 Je serais plus intéressé pour savoir
04:25 si les adolescents ou les jeunes adultes
04:27 sont heureux de leur sexualité,
04:29 quand bien même elle ne serait pas fréquente.
04:32 Peut-être que c'est nous qui avons consumérisé la sexualité
04:35 avec le "plus, c'est mieux".
04:37 Compter un nombre de rapports sexuels par mois,
04:39 est-ce pertinent ?
04:40 Faire l'amour une bonne fois dans un mois
04:43 en étant réalisé dans sa sexualité,
04:45 c'est pas mieux.
04:47 Donc, après, là, je vous rejoins dans votre introduction.
04:50 Je vois beaucoup de jeunes avec de l'éco-anxiété,
04:55 de l'éco-colère du fait que la Terre est surpeuplée, etc.,
04:58 et que se reproduire, c'est pas forcément une bonne idée.
05:02 La sexualité est en rapport avec la reproduction,
05:05 et peut-être qu'il y a une mise à l'écart de la sexualité.
05:08 Mais ça ne m'inquiète pas plus que ça.
05:10 -On va demander à Julia Sissas
05:13 si c'est pareil aux Etats-Unis.
05:16 Est-ce que vous diriez
05:18 que les jeunes ont moins de relations sexuelles,
05:21 de rapports sexuels aux Etats-Unis ?
05:23 -Eh bien...
05:26 Cette discussion a été lancée
05:32 en 2018.
05:35 Justement, aux Etats-Unis,
05:37 par Kate Julian,
05:39 dans un article autour duquel, après,
05:42 s'est créée beaucoup de curiosité,
05:45 dans "The Atlantic".
05:48 Elle a lancé cette idée de la "sex recession".
05:53 Et donc, j'ai regardé un petit peu.
05:56 J'ai vu aussi qu'en Italie et en Europe,
05:59 ailleurs qu'en France, il y a des statistiques
06:02 qui convergent vers cette espèce de diminution du "faire",
06:06 n'est-ce pas, et de la fréquence.
06:08 Alors, Kate Julian,
06:10 c'est une essayiste,
06:13 elle avait essayé de réfléchir
06:16 justement à des données, à des statistiques,
06:19 et elle avait identifié
06:21 quelques points qui semblaient s'imposer,
06:26 des raisons qui semblaient s'imposer.
06:28 La pornographie...
06:29 -On va rentrer dans le détail.
06:32 -D'accord.
06:33 -Mais sur la consommation, si je puis dire.
06:37 -Oui, la réponse est oui.
06:39 Il y a une espèce de convergence statistique
06:42 sur ces données. -Qui montre ça.
06:45 -Oui, absolument.
06:46 -Alors, on va voir le point de vue français
06:50 avec Christine Vada.
06:51 Vous confirmez cette chose-là, Christine Vada ?
06:54 -Non. Moi, d'abord, c'est un peu biaisé,
06:57 puisque je vois des adolescentes,
06:59 par mon activité gynéco-obstétricienne,
07:02 et ces adolescentes que je vois,
07:04 il ne m'apparaît pas, en 35 ans d'exercice,
07:07 qu'il y a une baisse de la fréquence des rapports sexuels.
07:11 Par contre, ce qui me marque,
07:13 c'est une augmentation d'un ressenti de crainte
07:16 de la part de ces adolescents
07:18 sur comment vivre leur sexualité,
07:21 sur le problème du consentement,
07:23 sur la peur consécutive de la pornographie,
07:27 on en a parlé, mais aussi de se retrouver
07:29 sur des réseaux sociaux,
07:31 parce qu'elles ont eu des actes sexuels
07:33 avec des garçons.
07:34 Donc, il y a une perte de confiance
07:36 qui me paraît beaucoup plus importante,
07:39 mais sur la diminution de la fréquence,
07:41 je ne le note pas du tout dans mon exercice.
07:44 -En somme, vous n'êtes pas d'accord avec ce sondage.
07:48 Peut-être que ce sondage est erroné,
07:50 mais en tout cas, je voudrais quand même
07:53 vous faire préciser cette question.
07:55 L'orientation sexuelle, aujourd'hui,
07:57 reste biologiquement stable entre hommes et femmes
08:01 pour la majorité de la population.
08:03 Sociologiquement, c'est autre chose.
08:05 On a une sexualité polymorphe,
08:07 il y a les théories du genre,
08:09 il y a l'abstinence, l'asexualité,
08:11 l'hétérosexualité, l'homosexualité.
08:14 A votre avis, et ça va préciser votre propos,
08:17 est-ce qu'on ne cherche pas à promouvoir
08:20 une alternative à la sexualité
08:24 à travers la dégénitalisation des rapports sexuels ?
08:29 Autrement dit, des rapports sexuels
08:32 sans pénétration, sans accouplement, etc.
08:35 Oui, Bruno Falissard ?
08:38 -Oui, mais d'abord, je crois que c'est propre à l'être humain
08:41 de séparer ce qui est de la libido, du génital et du sexuel.
08:45 Notre sexualité, ce n'est pas que du génital.
08:48 S'embrasser sur la bouche, c'est pas génital,
08:51 pourtant, ça fait partie de la sexualité.
08:53 C'est une créativité chez les humains
08:55 pour faire exploser le sexuel en tout un tas de facettes
08:59 et pour le meilleur, d'ailleurs, en général.
09:02 C'est pas une inquiétude, c'est une transformation sociale.
09:05 -Oui, ça vous inquiète, Alain Vanier ?
09:08 -Je crois que ce qui change aussi,
09:10 tout à fait dans le sens de ce que dit Bruno,
09:13 ce qui change beaucoup aussi,
09:15 c'est l'espèce de transparence
09:19 des pratiques et de la vie sexuelle.
09:23 On avait une vision moins évidente
09:28 de tout ce qui se passait dans le secret de la vie sexuelle,
09:31 qui est aujourd'hui quand même exposée,
09:35 spectacularisée, etc.
09:38 Il me semble qu'il y a là une modification
09:41 tout à fait importante.
09:42 De plus, je crois qu'il y a un élément
09:45 peut-être qu'il faudrait ajouter,
09:47 c'est aussi une pente à l'isolement,
09:51 une pente à la solitude dans le monde d'aujourd'hui,
09:54 à tel point que je crois qu'il y a même,
09:56 dans certains pays, un ministère ou un secrétariat d'Etat
09:59 à la solitude, et qui me paraît une question
10:02 très importante.
10:04 -Alors, docteur Christine Vada,
10:06 vous qui êtes gynécologue,
10:08 est-ce que cette...
10:11 dégénétalisation
10:13 de la sexualité,
10:15 vos patientes en parlent, en quelque sorte ?
10:19 Est-ce qu'elles cherchent une sexualité alternative
10:22 à une sexualité qui serait, disons,
10:26 uniquement basée sur les rapports sexuels ?
10:29 Christine Vada. -Alors, oui.
10:32 J'ai quand même, sans vouloir caricaturer,
10:35 une grande majorité de patientes
10:38 qui n'ont rien changé dans leurs habitudes,
10:41 avec la crève dont je vous parlais,
10:43 qui bloque quand même
10:45 aller vers l'autre.
10:47 Il y a la problématique de la confiance
10:50 et du consentement qui posent problème
10:53 dans les relations entre les adolescents.
10:55 En tout cas, c'est ce que me relatent les patientes.
10:58 Ensuite, il n'y a pas de recherche de différence.
11:02 Et après, j'ai une minorité de patientes
11:05 qui vont se dire non-binaires,
11:08 qui vont remettre en question leur genre,
11:11 et on pourra parler de ces demandes de parcours de transition,
11:16 et dans celles qui ne veulent absolument pas
11:19 d'un genre binaire,
11:22 il va y avoir effectivement une absence totale
11:26 de désir sexuel, d'érotisation de la relation à deux
11:31 et des comportements qui seront différents.
11:33 Mais ça reste une minorité.
11:36 -Est-ce que c'est différent pour les femmes
11:38 que vous avez comme patiente qui ont 20 ans
11:41 et celles qui ont 50 ans ?
11:44 Et pareil pour les hommes, vous êtes une écologue.
11:47 -Je vois pas d'hommes, donc je vais parler des femmes.
11:51 C'est pas du tout pareil
11:53 que pour les patients de 20 et de 50 ans.
11:57 Mais mes patients de 50 ans, que j'ai vus quand elles avaient 20 ans,
12:01 puisque ça fait plus de 30 ans que je suis installée,
12:03 elles avaient la même préoccupation.
12:08 Il y avait simplement une expression moins grande.
12:11 Je rejoins des intervenants tout à l'heure.
12:14 Il y a une libéralisation de la parole.
12:16 C'est-à-dire que peut-être que certaines patientes
12:19 qui n'ont pas de relation sexuelle à 50 ans,
12:23 qui n'en ont jamais eu,
12:24 qui, à 20 ans, ne s'affirmaient pas
12:27 comme étant non dans un modèle binaire
12:30 ou refusant toute forme de sexualité.
12:32 Donc je retrouve des patients
12:35 qui n'ont peut-être pas exprimé
12:38 ce que maintenant, à 20 ans, elles pourraient exprimer
12:41 ou que pour celles qui ont 20 ans, elles peuvent exprimer facilement.
12:46 Je sais pas si je suis claire. -On vous a compris.
12:49 Julia...
12:50 Je vais demander l'avis de Julia Sissa à ce niveau.
12:53 Vous savez qu'on dit traditionnellement en France
12:56 que tout ce qui concerne la modernité,
12:59 à la fois dans ses progrès comme dans sa perversité,
13:02 ça nous vient des Etats-Unis.
13:04 Est-ce que, finalement,
13:07 cette dégénitalisation du sexe, ça vient des Etats-Unis ?
13:12 -Bah...
13:13 Si je reprends le fil, justement,
13:16 de cette enquête qui a enclenché la conversation
13:21 dans laquelle nous sommes engagés aujourd'hui,
13:24 ce qui émergeait, justement, de ces données,
13:28 c'était la masturbation,
13:31 c'est-à-dire l'auto-érotisme
13:34 comme une forme de sexualité et de sensualité.
13:38 Et je pense que la sensualité, c'est bien.
13:41 C'est bien connecté à la présence
13:44 massive et tellement facile,
13:48 tellement accessible des images pornographiques.
13:51 Deuxième point, ce qui vient des Etats-Unis
13:54 semble être qu'il y a moins de relations stables
13:58 parmi les jeunes, parmi les adolescents,
14:02 et donc moins de...
14:04 Comment dire ? De fréquences
14:06 dans la sensualité et dans la sexualité.
14:09 Et puis, les pratiques, justement,
14:12 des rendez-vous sur Tinder et autres sites
14:16 où il y a beaucoup de "hooking up",
14:20 beaucoup de rencontres,
14:23 mais pas nécessairement de rendez-vous
14:25 et de pratiques sexuelles qui suivent.
14:28 Et puis, et ça concerne apparemment les jeunes femmes,
14:32 et je trouvais ça très intéressant,
14:34 c'est que, justement, apparemment,
14:37 je dis apparemment, parce que je ne suis pas la chercheuse
14:39 qui a travaillé sur ces données,
14:42 la pornographie favorise
14:45 une espèce d'art d'aimer, n'est-ce pas,
14:49 de technique du rapport sexuel,
14:53 de la posture, du faire sexuel...
14:57 -On vous a entendu. -...qui est douloureuse
14:59 pour les femmes.
15:01 -On vous a entendu. Vous voulez intervenir,
15:04 madame Vada ?
15:05 -Et... -Oui.
15:07 -Je termine. L'autre point,
15:10 qui est très important, je pense,
15:12 et ça recoupe ce que je viens d'entendre, justement,
15:16 d'un point de vue de pratique gynécologique,
15:19 le fait que les jeunes, les femmes,
15:22 mais pas nécessairement seulement les femmes,
15:25 sont moins à l'aise dans leur corps.
15:28 Et ça, c'est... Tout ça interroge.
15:31 C'est-à-dire... -On vous a entendu,
15:34 on vous a entendu, Julia Cissa.
15:37 Je voudrais avoir l'avis sur ce point
15:40 du docteur Vada.
15:42 -Je voulais dire que pour les 14-20 ans,
15:45 dans mon expérience, je n'ai absolument pas moi
15:48 la notion de Tinder, etc.
15:51 Les rencontres se font comme autrefois,
15:53 au lycée, dans le groupe des élèves,
15:56 ou dans les copains du frère, etc.
16:01 Et je m'appuie pour dire ça sur une enquête d'Isabelle Clair,
16:06 qui a été publiée en mars 2023,
16:09 qui est une sociologue, Isabelle Clair,
16:12 elle a publié ça, donc c'est très récent.
16:15 C'est une enquête qu'elle a menée sur 20 ans,
16:17 dans des groupes totalement sociaux différents,
16:22 et c'est une étude française,
16:26 et qui démontre, contrairement à ce qu'on pourrait entendre
16:29 sur les chiffres précédents, etc.,
16:33 que vraiment, le couple hétérosexuel
16:36 reste l'horizon rêvé des adolescents.
16:39 C'est vraiment ce vers quoi
16:42 tombent les adolescents,
16:44 pour une grande majorité d'entre eux,
16:46 c'est le modèle au coeur des préoccupations,
16:49 c'est vraiment être en couple dans une relation hétérosexuelle.
16:53 Et c'est après que d'autres formes
16:57 de modèles et de désirs,
17:00 même de sexualité différente,
17:03 apparaissent, mais le démarrage, 14-20 ans,
17:05 c'est un modèle très hétérosexuel
17:09 et très correspondant aux critères
17:11 que l'on connaît depuis des années.
17:13 -Philippe Breneau,
17:15 vous êtes psychiatre, anthropologue, sexologue,
17:18 vous venez de nous rejoindre dans cette discussion
17:21 à laquelle vous allez participer.
17:23 Le docteur Vada a cité
17:26 une étude d'Isabelle Clair,
17:29 en disant que chez les adolescents,
17:31 le modèle hétérosexuel restait un modèle.
17:36 Mais dans cette étude,
17:38 elle parle également, je parle d'Isabelle Clair,
17:41 des différentes formes de faire l'amour,
17:44 selon l'espace social, le lieu de résidence, la religion.
17:48 Est-ce que c'est évident, Bruno Falisar ?
17:50 Est-ce que vous pouvez dire quelques mots là-dessus ?
17:54 -Bien sûr, l'exercice de la sexualité est culturellement dépendant,
17:58 c'est l'histoire des temps, moi, j'imagine.
18:00 Oui. Alors, et comme en ce moment,
18:02 en plus, les représentations culturelles
18:05 changent à toute vitesse,
18:06 parce que nous sommes exposés à des différences en permanence
18:10 via les réseaux sociaux,
18:12 les jeunes sont confrontés à une multitude de plaisirs,
18:15 un vertige de l'infini sexuel,
18:17 dans lequel il faut piocher, éventuellement,
18:19 en changeant le genre, etc.
18:21 Il y a sûrement un temps d'adaptation à avoir.
18:24 C'est vrai que, du coup, on peut ressentir
18:26 un malaise auprès des adolescents, tellement ça change vite.
18:30 Le mal de l'infini, comme disaient les sociologues.
18:32 Mais étant un optimiste invétéré,
18:35 j'imagine que, dans quelques années,
18:39 nous arriverons à digérer tout ça
18:41 et que, finalement, on arrivera à trouver sa place
18:44 dans sa sexualité. -Philippe Bruno,
18:46 est-ce que vous croyez qu'il y a un invariant sexuel
18:49 ou un sexuel qui se meut complètement,
18:53 qui se transforme en permanence ?
18:56 -Des invariants sexuels, il y en a très peu.
18:58 Mais pour dire une chose, je rappellerais
19:01 que la sexualité humaine,
19:02 elle est comportementalement apprise,
19:06 c'est-à-dire tout est appris,
19:08 et ça, on ne le dit pas suffisamment,
19:10 et ça va être appris au fil des expériences successives.
19:13 Elle est comportementalement apprise
19:16 et elle est socialement construite.
19:18 Ca va être construit en fonction des images que l'on voit.
19:21 Il est évident qu'un enfant,
19:23 aujourd'hui, dans notre société,
19:25 comme vous venez de le dire, qui bouge à chaque moment,
19:28 enfin, c'est pas les mêmes, en 2000, en 2010,
19:31 en 2015, là, avec les hashtags, ça a tout changé,
19:34 aujourd'hui, que, je sais pas,
19:37 dans un pays, par exemple, très restrictif, en Iran,
19:40 un enfant n'a pas les mêmes repères du tout.
19:43 Il aura sa sexualité qui sera pas la même.
19:46 La grande difficulté, c'est qu'en même temps
19:49 que ces repères évoluent,
19:52 et aujourd'hui, on va y revenir,
19:54 parce que c'est ça qui pose problème,
19:56 repères d'orientation et d'identité,
19:59 en même temps que ces repères évoluent,
20:02 il faut pas oublier que la sexualité
20:04 est en train de se construire.
20:05 C'est-à-dire que plus on cumule
20:08 des expériences,
20:11 c'est en fonction des expériences que l'on a
20:13 qu'on va avoir la sexualité qui sera la nôtre,
20:16 donc toutes les sexualités personnelles.
20:19 -Alors, ici, à ce plateau de LCP,
20:22 nous avons eu un grand économiste, Daniel Cohen,
20:26 qui est aujourd'hui décédé,
20:28 et qui expliquait magistralement
20:31 que les relations sociales étaient ébréchées,
20:35 pour ne pas dire plus, par le numérique.
20:38 J'aimerais avoir l'avis de Julia Sissa
20:42 sur ce point.
20:43 Est-ce que vous pensez que le numérique
20:46 porte atteinte à la sensualité,
20:48 à la sexualité, à l'amour, etc. ?
20:52 Essayez de parler sans, comment dire, sans tabou,
20:57 parce que dès qu'on parle de ça...
21:00 -Sans tabou...
21:04 Ni totem, ni tabou.
21:07 C'est-à-dire que...
21:10 Je n'ai pas peur du numérique,
21:12 je le fréquente pas nécessairement,
21:16 mais ça ne me fait pas peur.
21:19 Je pense que l'arruse de la raison
21:22 fait qu'on trouve des manières toujours plus fines,
21:26 plus malignes, plus intelligentes
21:29 de faire avec les technologies qui sont à notre disposition.
21:34 Donc, je ne sais pas si c'est ça, le sans tabou.
21:37 Oui.
21:38 Je parlais avec des amis qui disaient,
21:44 des amis, un certain couple d'hommes mariés
21:48 qui s'adorent et qui disaient...
21:51 Quand nous parlons à des gens plus jeunes
21:54 et nous racontons comment nous nous sommes rencontrés,
21:57 nous nous sommes rencontrés à Rome dans un café,
22:00 ils sont tout à fait surpris
22:02 parce que, justement, les pratiques,
22:05 maintenant, de la rencontre
22:07 se sont tellement transférées sur Internet.
22:11 Alors, est-ce qu'il faut regretter ça ?
22:13 Est-ce qu'il faut dire qu'on a perdu ce qu'on appelle le romantisme,
22:17 qu'on a perdu cette dimension de l'art d'aimer
22:20 et de la civilité érotique,
22:23 de la séduction intéressante ?
22:27 Moi, je dis pas nécessairement.
22:29 Pas nécessairement.
22:30 Peut-être qu'il y a, dans ces manières de faire,
22:35 une temporalité différente de la séduction,
22:38 une façon d'attendre, de cultiver, précisément,
22:42 la recherche, la quête du désir de l'autre,
22:45 qui n'est pas plus mal.
22:46 Pourquoi il faudrait se précipiter au lit tout de suite ?
22:49 Moi, si vous voulez, je suis une féministe de la deuxième vague.
22:53 J'ai vécu les années 70 sous les pavés de la plage,
22:57 et la plage était une plage où on faisait surtout l'amour.
23:00 Mais est-ce que c'était bien ?
23:02 Est-ce que cette espèce de glissement évident
23:07 de la conversation à l'acte sexuel
23:11 était agréable à chaque fois ?
23:13 Je ne sais pas, je ne suis pas sûre.
23:15 Et donc, peut-être que c'est une bonne nouvelle
23:18 que les jeunes prennent le temps.
23:22 -Merci.
23:23 -Peut-être de se faire un peu moins adieux.
23:27 -Alors, Alain Vanier,
23:29 dans votre consultation,
23:31 eu égard au Covid et eu égard au numérique,
23:34 est-ce que vous pensez
23:36 qu'on peut faire l'amour avec un ordinateur ?
23:38 -Hm. Ah !
23:41 Dans ma consultation, c'est sûr que...
23:44 Je pense que ça prolonge ce qu'on se disait tout à l'heure.
23:47 C'est sûr que les pratiques solitaires
23:52 devant la pornographie ou devant l'ordinateur,
23:55 ou même avec un autre à travers l'ordinateur,
23:57 se sont beaucoup développées.
23:59 Il faut quand même dire que ce que nous vivons,
24:02 c'est une sorte de troisième révolution industrielle,
24:05 c'est la révolution numérique.
24:06 Elle changera, elle aura des effets
24:08 sur le lien social, inévitablement.
24:10 Maintenant,
24:12 qu'il y ait une sexualité normale...
24:15 Comment dire ? Orthodoxe, etc.,
24:21 ça, je pense que c'est une fantaisie
24:23 qui est appartenue aux ordres religieux, etc., diffère.
24:27 La sexualité humaine, comme disait Freud,
24:29 elle est fondamentalement dénaturée.
24:31 Elle n'a pas d'orientation spécifique,
24:34 une fin spécifique,
24:36 qui irait de soi.
24:37 -Pour vous, Philippe Breneau, l'influence du numérique...
24:40 -L'influence du numérique est évidente,
24:43 puisqu'on dirait le numérique et surtout Internet,
24:47 ça date en gros des années 2000.
24:49 Avant, il y a très peu, ça existe un petit peu.
24:51 Depuis, tout a été transformé.
24:54 Ce que l'on vient d'évoquer,
24:56 les deux interventions d'Alain Vanier
24:58 et de madame Giulia, dont je n'ai pas le nom,
25:01 complète,
25:02 marquent bien
25:06 la dimension du temps qu'il faudrait avoir.
25:08 Je crois qu'on est dans des sociétés aujourd'hui
25:11 où il n'y a pas tellement de recul.
25:13 On le voit avec la woke culture,
25:15 il faut réagir dans l'émotion, dans l'immédiateté.
25:19 Or, on va reculer même de 30, 40 ans en arrière.
25:23 Je crois que la société laissait plus de temps
25:26 au début de la sexualité
25:28 et qu'il y ait peut-être un temps
25:30 de la maturation psychologique, relationnelle.
25:34 Est-ce que les gamins qui sont confrontés très vite
25:37 à un sexe qu'il faut assumer,
25:39 avec des impératifs,
25:40 impératifs orgasmiques, tout ce qu'on veut,
25:43 ils y comprennent rien,
25:45 sont-ils matures au niveau de la relation ?
25:47 Ils auraient mieux être matures au niveau de la relation
25:51 et de soi-même.
25:52 J'ai l'impression que les sociétés,
25:54 avec le numérique, ça a accéléré.
25:56 C'est un handicap, mais on est obligés de faire avec.
26:00 Musique rythmée
26:03 ...
26:06 -Alors, d'après le sondage Harris Interactive,
26:10 sur lequel vous n'êtes pas d'accord,
26:13 pour la plupart, en considérant
26:15 qu'il y avait moins de relations sexuelles
26:18 dans les jeunes générations,
26:20 il y a également, dans ce même sondage,
26:23 une analyse des effets de la révolution MeToo
26:27 et ces effets se font attendre.
26:30 Autrement dit, dans le domaine des relations sexuelles,
26:33 MeToo n'a pas changé grand-chose.
26:36 Qu'est-ce que vous en pensez, docteur Vada ?
26:38 -Alors, oui, ça rejoint tout ce que je lis
26:43 et toutes les études.
26:44 Je suis tout à fait d'accord là-dessus.
26:47 Il n'y a pas de modification significative
26:49 dans le comportement.
26:51 J'étends mes propos à mes patientes
26:53 au-delà de 20 ans,
26:55 qui ne sont pas que les adolescents.
26:57 On retrouve les stéréotypes que l'on connaissait.
27:01 Je voudrais juste revenir, même si ce n'est pas le propos,
27:04 sur des chiffres qui me paraissent extrêmement inquiétants,
27:07 qui sont ceux de...
27:09 de...
27:11 70 % de garçons
27:14 qui sont allés sur des sites pornographiques
27:17 et 40 % des filles.
27:19 Et ça, pour rebondir à ce qui a été dit
27:21 par le dernier intervenant,
27:23 je pense que c'est très important
27:25 parce qu'effectivement, il n'y a pas la maturité.
27:28 Je le ressens dans mes consultations.
27:30 Je m'éloigne de votre question, je m'en excuse,
27:33 mais je voulais bien insister là-dessus.
27:35 Je pense que c'est ce qui fait l'appréhension
27:38 dans mes jeunes patientes
27:40 entre... au-delà de 14 ans,
27:42 sur ces premières relations sexuelles.
27:44 Il y a une espèce de modèle qui leur a été imposé,
27:48 de modèle qui ne correspond pas
27:50 et qui ne fonctionne pas avec l'amour,
27:52 avec les sentiments,
27:54 qui est imposé par ces images pornographiques.
27:57 Je pense que c'est vraiment le problème essentiel.
28:00 Et toujours, pour revenir sur la sociologue
28:03 dont j'aime beaucoup l'étude,
28:05 je pense que...
28:08 Ca va en plus être différent
28:11 en fonction de la relation qu'elles ont avec leurs parents.
28:15 Dans des familles structurantes qui tiennent la route,
28:18 ces images pornographiques
28:20 n'auront pas le même retentissement négatif.
28:23 Excusez-moi d'être repartie un peu en arrière.
28:25 Sur MeToo, j'ai juste à dire qu'il n'y a pas
28:28 de modification pour moi
28:30 dans les habitudes sexuelles
28:32 de mes patientes, en tout cas,
28:34 depuis la révolution MeToo.
28:36 -Bon, alors, Bruno Falisar.
28:38 Moi, j'entends ce que disent
28:42 des médecins, gynécologues, psychiatres, etc.
28:46 On a le sentiment
28:48 qu'il y a un décalage.
28:50 Entre les expériences vécues,
28:53 telles qu'elles sont ressenties,
28:55 et les études qui viennent schématiser la chose,
28:59 autrement dit, la sexualité, c'est quelque chose...
29:03 Freud disait déjà que c'était difficile,
29:05 mais c'est difficile d'en parler pour...
29:08 disons, d'exprimer ça
29:12 avec une transparence du langage ?
29:14 -D'abord, est-ce que nous, nous sommes transparents
29:17 par rapport à notre sexualité ?
29:19 Est-ce qu'on est capables d'en parler de façon objective ?
29:22 Je n'en suis pas sûr.
29:24 Ca a été dit tout à l'heure,
29:25 la vraie question de MeToo, c'est la question du consentement.
29:29 Avec les jeunes avec lesquels je suis,
29:31 la question du consentement est vraiment compliquée.
29:34 C'est une question philosophiquement compliquée.
29:37 Que veut dire consentir à quelque chose ?
29:39 Qui est le jeu qui consent ?
29:41 Quelque part, j'en ai envie, mais j'en ai pas envie.
29:44 Quelque part, l'autre a envie de moi,
29:46 son désir provoque mon propre désir,
29:49 alors que c'est le ciel qui provoque le mien.
29:51 -Les femmes disent "c'est des",
29:53 "n'est pas consentir".
29:54 -Oui, bien sûr, mais tout ça est terriblement compliqué.
29:57 Je pense que c'est très bien, aujourd'hui,
30:00 de poser la question du consentement.
30:02 C'est vraiment un progrès manifeste,
30:04 mais ne pas dire en même temps
30:06 que cette question est insoluble, philosophiquement,
30:09 je pense que c'est dramatique.
30:11 Chacun doit se poser à l'intérieur de soi-même,
30:14 à l'intérieur du couple.
30:15 Quand tu me demandes ça,
30:17 est-ce que je consente ? Parlons-en,
30:19 mais il n'y a pas de vérité.
30:20 -Oui, alors, sur MeToo, Alain Vanier,
30:23 le fait que ça n'ait pas changé...
30:26 Dans l'étude, on dit que les femmes
30:28 restent plutôt soumises
30:30 à la puissance machiste.
30:34 Est-ce que c'est...
30:35 Est-ce que...
30:36 C'est intéressant de voir que les évolutions sociologiques
30:40 ne se traduisent pas, en quelque sorte,
30:43 sur les pratiques elles-mêmes.
30:45 -Je crois qu'il y a deux choses.
30:47 Je rejoins ce que dit Bruno, très justement.
30:50 C'est très compliqué, la question du consentement.
30:53 Parce que je donne à l'autre...
30:55 Je pense...
30:56 Combien de patients ont expliqué
30:58 que le rythme de leur désir,
31:01 leur envie, n'était pas du tout le même
31:04 que celui de leur compagnon, par exemple,
31:07 ou de leur compagne,
31:08 même dans des cas de couple homosexuel.
31:11 Mais qu'en même temps,
31:13 par moment, pour ne pas avoir d'histoire
31:16 ou pour que la relation soit bonne, on cède.
31:18 Dans ce cas-là, est-ce un consentement ?
31:21 Est-ce un don qu'on fait à l'autre ?
31:23 C'est très compliqué.
31:24 Sur les effets de MeToo, il me semble qu'il va falloir...
31:28 Ce genre de choses a des effets.
31:30 Mais à mon avis, il faut du temps.
31:33 Entre le moment où il y a ce...
31:36 Comment dire ?
31:39 Cette venue à jour,
31:41 cette exposition, enfin,
31:43 de toutes ces...
31:45 complications dans les relations
31:48 hommes-femmes,
31:49 il me semble qu'il faut plus d'une génération
31:52 ou plus de quelques années
31:53 pour pouvoir...
31:54 pouvoir mesurer les effets dans la vie subjective.
31:58 Ce qui est très compliqué,
32:00 c'est que toutes ces images,
32:01 ce qui sort dans les discours, ce qui apparaît,
32:04 sont vécues aussi comme des impératifs,
32:07 comme des modèles,
32:08 en particulier dans la culture
32:10 dans laquelle nous sommes.
32:12 Il faut beaucoup de temps pour que tout ça
32:14 prenne place dans les liens sociaux,
32:18 sans compter qu'à mon avis,
32:19 on est dans un moment social
32:23 où il y a une sorte de véritablement d'émiettement.
32:26 Donc ce qui va conduire à organiser certains groupes
32:29 n'est pas ce qui conduira d'autres groupes.
32:32 -Alors, Julien Cissat,
32:34 vous m'entendez aux Etats-Unis.
32:37 Encore une fois, on revient sur les Etats-Unis.
32:40 On considère qu'un regard...
32:46 ...suscitant un désir sexuel
32:51 est déjà prédateur.
32:52 Est-ce que vous pensez
32:55 que cette chose-là,
32:58 c'est parce qu'il a affaibli le mouvement féministe ?
33:01 Et quand on prend la France,
33:03 vous avez vu la citation de Florence Foresti,
33:06 de grandes voix,
33:08 que ce soit Catherine Deneuve,
33:10 que ce soit Sylvia Nagasinski,
33:14 que ce soit madame Elisabeth Badinter,
33:17 ont considéré que cet excès-là
33:20 a nuit à la révolution #MeToo ?
33:22 -Vaste question au pluriel.
33:27 J'ai envie de commencer
33:31 en disant que...
33:35 C'est une question de situation.
33:37 C'est-à-dire que #MeToo a ciblé,
33:42 dans le témoignage de ces femmes qui disent "moi aussi",
33:46 a ciblé des relations
33:49 qui deviennent érotiques
33:53 au mauvais moment,
33:54 et ce n'est pas vraiment la raison
33:58 pour laquelle une femme s'engage
34:01 dans une relation, dans une conversation
34:03 avec un homme.
34:05 Donc l'idée, c'était...
34:07 C'est lié à une espèce d'erreur de...
34:11 Encore une fois, de situation.
34:14 Je suis là dans un entretien professionnel,
34:16 je suis là dans un colloque,
34:18 je suis là dans une relation
34:21 qui est une relation de subordination
34:24 par rapport à un patron.
34:27 -Vous estimez que si on dit de vous
34:30 "vous êtes belle",
34:31 c'est une relation de subordination ?
34:34 -Non, je dis pas ça.
34:35 Je dis justement que tout dépend du "quand" et du "où"
34:39 et du moment situationnel
34:42 dans lequel on me dit "je suis belle".
34:45 C'est-à-dire que je peux même être offensée
34:47 si on me dit pas que je suis belle
34:49 dans une situation où il y a une intimité,
34:52 même ironique, esthétique,
34:55 et érotique avec quelqu'un.
34:58 Et tout le monde a ce désir d'être désiré, n'est-ce pas ?
35:03 Mais c'est le moment qui compte.
35:05 Le mouvement Mutu a mis en évidence,
35:09 justement, cette espèce de ras-le-bol des femmes
35:14 d'être traitées dans le registre érotique
35:18 au moment où elles n'en ont pas envie.
35:21 -Julia Sissa,
35:22 est-ce qu'il n'y a pas une contradiction
35:25 entre ce que vous dites ?
35:26 D'un côté, vous dites
35:28 qu'on peut dire certaines choses
35:31 dans une intimité,
35:33 et d'un autre côté,
35:34 accepter la médiatisation complète de la sexualité
35:39 en considérant qu'elle doit suivre la modernité ?
35:43 -Oui. Je dis ça dans le sens
35:48 que si la modernité est l'émancipation des femmes
35:53 et l'accès, l'admission des femmes aux droits de cité,
35:58 comme dirait Condorcet,
36:00 ou la présence des femmes
36:02 dans des situations professionnelles,
36:05 des interactions professionnelles,
36:07 où vous êtes là en tant que prof,
36:12 journaliste, ouvrière, secrétaire,
36:16 ou même chef,
36:19 vous êtes là en tant que femmes politiques,
36:24 eh bien, ce n'est pas le moment,
36:26 ce n'est pas la situation
36:29 dans laquelle vous acceptez avec plaisir
36:32 un compliment sur votre coiffure
36:35 ou un compliment sur vos seins.
36:37 C'est justement...
36:39 -Essayez de terminer votre propos.
36:42 -Oui. C'est justement, si par modernité,
36:45 on entend la présence des femmes
36:48 dans l'espace social et dans l'espace du pouvoir,
36:51 alors, effectivement, il faut compartimentaliser,
36:54 il faut séparer.
36:55 Donc, le même compliment
36:57 dont on n'a pas envie en tant que femme
37:01 dans une situation professionnelle,
37:03 ce même compliment, eh bien, on en est très heureuse
37:06 au lit ou dans un dîner, tête à tête,
37:10 puisque le romantisme revient aussi.
37:13 -Merci.
37:14 Philippe Renaud, sur ce point, je crois que vous voulez intervenir.
37:17 -A la fois, je suis d'accord avec ce que vient de dire Julia,
37:21 si ça, si, pardon. -Si, ça.
37:23 -Si, ça. Je suis désolé, Julia.
37:25 Que la sexualité des jeunes ait changé depuis,
37:32 pas fondamentalement,
37:34 mais que ça ait transformé la société,
37:37 que ça va transformer les consciences,
37:40 c'est formidable. Formidablement.
37:42 Ce que nous essayons de faire,
37:44 tous les gens qui s'occupent de sexualité,
37:46 quels qu'ils soient, depuis 40 ans,
37:48 on n'arrivait pas à le faire, à faire comprendre.
37:51 Je me souviens avoir écrit, en 2008,
37:53 un livre qui s'appelait
37:55 "Les violences ordinaires des hommes envers les femmes".
37:58 La plupart des gens me disaient,
38:00 "Mais tu crois pas que c'est l'inverse ?"
38:02 Maintenant, je veux dire,
38:04 les hashtags vont avoir permis une prise de conscience.
38:07 Le hashtag #inceste
38:09 permet de comprendre des choses
38:12 que nous n'arrivions pas à dire.
38:14 Alors, après, dernière, une petite pondération
38:17 par rapport à des choses qui ont pu être dites avant.
38:20 Le problème des études,
38:23 et je ne sais pas, celle dont vous parliez,
38:25 quelle est-elle, je crois qu'il n'y en a pas beaucoup,
38:28 sur la sexualité.
38:30 Il y a beaucoup de sondages, faits par des journaux.
38:33 Il y a des études, il y en a qui sont idéologiques.
38:36 Et notamment, parce qu'en France, il y a trois études...
38:40 -Essayez de ne pas être trop long,
38:42 il nous reste peu de temps d'émission.
38:45 -Il y a trois études, dont le dernier,
38:47 qui est de Michel Bozon et de... -Talibajos.
38:51 -Et de Nathalie Bajos.
38:52 Il va y en avoir une autre,
38:54 mais elle ne montre pas tout un tas de choses
38:57 qui sont soutenues souvent par des assos
39:00 et qu'on va soutenir nous-mêmes
39:02 pour arriver à arrêter la discrimination,
39:05 mais on voit des pourcentages hallucinants
39:08 dans des travaux qui ne sont pas des études scientifiques.
39:11 Il faut être prudent.
39:13 Notamment, dernier point, c'est sur la baisse
39:15 de la sexualité des jeunes.
39:17 C'est une espèce de méta-analyse qui a été faite
39:20 il y a trois ou quatre ans aux Etats-Unis.
39:22 Je me demande même si elle n'a pas été téléguidée
39:25 par des milieux conservateurs.
39:27 -Là, il ne s'agit pas des Etats-Unis,
39:29 c'est une étude française, un sondage français.
39:32 -Mais nous, on ne voit pas ça dans les gens que nous voyons.
39:35 -Christine Vada, vous vouliez intervenir ?
39:38 -Je voulais rebondir sur ce que disait madame Cissa.
39:41 Je suis tout à fait d'accord avec elle.
39:44 Tout dépend du contexte.
39:45 Effectivement qu'on aime qu'on nous dise qu'on est belle,
39:49 mais ça ne me viendrait pas à l'idée,
39:51 dans une réunion, de vous dire
39:54 que vous êtes beau, que vous êtes magnifique aujourd'hui.
39:57 -Peut-être que ça me plairait.
39:59 -Non, mais en l'occurrence, ça ne vous est jamais arrivé.
40:03 Or, à nous, ça nous est arrivé de nous retrouver
40:06 dans des situations où on était là...
40:09 où on avait le sentiment d'être totalement
40:13 dans une égalité parfaite avec les autres intervenants,
40:17 avec les autres participants.
40:19 Ca revient tout le temps.
40:21 J'ai des patientes qui sont dans des conseils d'administration
40:25 qui me disent que c'est systématique
40:27 qu'elles aient comme ça un pseudo-compliment
40:31 qui est totalement déplacé
40:32 et qu'elles le vivent comme ça,
40:35 alors qu'elles sont ravies d'être désirées
40:38 dès qu'elles ont terminé leur réunion.
40:42 Donc, je pense que là-dessus,
40:44 il y a...
40:46 "Me too" est sûrement pas mal,
40:49 et je ne rejoins pas ce que vous avez...
40:51 celles que vous avez citées,
40:54 qui ont crié à la catastrophe.
40:56 Voilà. Il faut pas tomber dans les excès,
40:59 mais c'est vrai qu'il y a à remettre du contexte
41:05 dans le compliment que l'on fait aux femmes.
41:08 Toutes les femmes que je vois
41:10 acceptent tous les compliments des hommes
41:12 à condition qu'ils soient faits
41:15 comme au moment où...
41:18 C'est l'histoire du consentement.
41:20 Il y a un moment donné où c'est la place à la séduction,
41:25 aux compliments, etc.,
41:26 et puis il y a les moments où ce n'est pas la place.
41:29 C'est le discours de celle qui le prononce
41:32 ou des propos qu'elle tient
41:34 qui doit être pris en compte au-delà de son aspect physique.
41:37 -Merci. Alain Vanier,
41:39 j'ai une question qui fâche. -Ah oui ?
41:41 -Et j'aimerais bien que...
41:44 Je vous interroge là-dessus
41:46 parce que vous avez dirigé Bonneuil,
41:48 c'est-à-dire un centre d'adolescents
41:51 qui s'occupait de psychopédagogie,
41:55 en tout cas aidait les adolescents
41:57 à se réinsérer dans la société.
42:00 Aujourd'hui, on laisse... Vous avez parlé de solitude,
42:03 mais on voit aussi des bandes de garçons
42:07 et des filles, et il y a une séparation.
42:09 Est-ce que vous considérez
42:11 que des garçons qui n'ont pas de relation sexuelle
42:15 ou qui ne vont pas avec des filles sont plus violents ?
42:19 Autrement dit, c'est un sujet de délinquance.
42:24 -Oui, oui. Non, le...
42:26 Je précise que Bonneuil, c'est un hôpital de jour
42:29 qui accueillait les enfants,
42:31 parfois très jeunes, jusqu'à des adolescents.
42:34 C'était un lieu dit d'anti-psychiatrie,
42:37 c'était comme ça, quand Moïse Manony l'a fondé.
42:39 Je ne l'ai pas dirigé, j'y ai travaillé,
42:42 mais les bandes de garçons toujours existaient,
42:46 les bandes de filles, c'était moins fréquent,
42:49 mais le lien avec les amis, les copines, etc.,
42:52 c'était très important.
42:53 Et il y avait, effectivement, enfin...
42:56 Il y avait une ségrégation sexuelle.
42:58 Je rappelle quand même que...
43:02 Je suis l'un des plus âgés ici.
43:04 Les écoles n'étaient pas mixtes, il y a une cinquantaine d'années.
43:08 -Est-ce que le féminin est un facteur
43:10 de pacification des instincts, si vous voulez ?
43:14 C'est-à-dire, rester entre hommes, en quelque sorte,
43:18 et notamment chez les bandes de jeunes,
43:20 est-ce que ça ne secrète pas de la délinquance ?
43:23 On dit que la mixité apporterait plus d'humanité.
43:28 -De toute façon,
43:30 on peut être d'accord avec l'idée que ça apporterait plus d'humanité,
43:34 mais je ne crois pas que les bandes de garçons
43:36 suscitent automatiquement de la délinquance.
43:39 Tout dépend comment s'organisent ces bandes,
43:42 leur lieu, les conditions sociales.
43:44 Elles ont toujours existé.
43:46 Moi, qui suis certainement le plus âgé ici,
43:48 ma jeunesse, c'était les blousons noirs,
43:51 c'était des bandes de garçons,
43:52 mais il y avait aussi des bandes de garçons
43:55 qui allaient jouer au bowling,
43:57 pour faire de la musique, etc.
44:00 Je ne suis pas convaincu que ce soit cela,
44:03 que la ségrégation des sexes
44:06 provoque nécessairement plus de violence.
44:08 -Julien Cissat, comment ça se passe ?
44:11 -D'autant que je ne suis pas sûr, on en parlait tout à l'heure,
44:15 d'autant que je ne suis pas sûr
44:17 qu'il y ait une augmentation de la violence des jeunes.
44:20 Elle est plus spectaculaire, mise en avant par les médias,
44:24 mais je ne suis pas sûr qu'il y ait une augmentation
44:27 d'une violence de genre, il y a un demi-siècle.
44:29 -Julien Cissat, vous pensez quoi de cette violence masculine
44:34 qui pourrait être tempérée par un humanisme féminin ?
44:39 -J'aimerais bien penser
44:43 qu'il y a des traits, même construits,
44:47 bien sûr, construits culturellement,
44:50 de la manière des femmes féminines d'être au monde,
44:54 qui sont partageables de manière heureuse dans le monde,
44:59 c'est-à-dire le soin, le souci,
45:04 l'empathie, tout ça.
45:08 C'est construit, je ne dis pas que c'est naturel,
45:10 mais c'est bon.
45:12 Donc ce serait bien qu'on partage un peu tout ça.
45:17 Ceci dit, vous me posez une question
45:20 sur laquelle je ne peux pas vous répondre
45:22 en tant que chercheuse
45:25 qui aurait travaillé sur les bandes de gangs,
45:30 de délinquants,
45:31 mais peut-être une question qui se pose beaucoup aux Etats-Unis
45:35 et pertinente ici,
45:37 et c'est la discussion sur les écoles mixtes
45:40 ou seulement pour filles ou seulement pour garçons.
45:45 Est-ce qu'une éducation séparée, n'est-ce pas,
45:50 où les genres sont séparés, fait du bien ?
45:54 Est-ce que,
45:57 justement, en enlevant la dimension de la sexualité
46:01 entre filles et garçons, on enlève une distraction ?
46:05 Les avis divergent.
46:08 Et à la fois au sujet du bénéfice
46:13 que les filles tiraient, justement, de cette situation,
46:17 il n'y a pas de garçons, mais aussi pour les garçons.
46:19 L'idée qu'il y ait une éducation au masculin
46:22 qui soit vraiment en un sens consciente
46:26 de ce qu'il faut faire pour transformer le mal humain
46:30 en un gentleman, en un sens,
46:32 et donc que ce corps vécu au masculin
46:36 apprenne à bien se conduire,
46:39 apprenne à ne pas être violent,
46:41 à ne pas s'imposer,
46:43 à ne pas perdre le contrôle,
46:47 justement, irrationnellement, de son potentiel de force.
46:51 Et donc, il y a une réflexion sur tout ça.
46:56 -Merci, Julia.
46:57 Bruno Falissard, sur ce point-là, le féminin, le masculin,
47:01 aujourd'hui,
47:04 dans sa conjugaison,
47:06 on sait que ça aide à amoindrir la délinquance ?
47:11 -Non, je pense pas du tout. -Pas du tout ?
47:14 -Je pense pas du tout. Je pense que c'est un mythe.
47:17 Vraiment, le mythe de la prédation sexuelle,
47:20 le mythe de la testostérone...
47:22 La testostérone est une hormone qui a un effet,
47:24 mais c'est complètement mythologisé aussi.
47:27 Le mythe de la compétition entre mâle pour la femelle,
47:31 qui existe chez les mammifères,
47:33 mais qui est du registre du symbolique,
47:36 essentiellement, avec les humains.
47:38 Tout ça est plus compliqué.
47:39 Après, la question de la séparation des genres au collège,
47:43 c'est une vraie question.
47:44 Franchement, moi, je ne vois pas comment ça pourrait être pertinent,
47:50 du moins sur le terme.
47:53 Je pense vraiment que les humains sont faits pour être ensemble,
47:57 et que les humains divers, quelle que soit la diversité,
48:00 ont vraiment besoin d'être ensemble pour apprendre à vivre ensemble,
48:04 qu'ils soient des hommes, des femmes,
48:06 des personnes avec des handicaps ou pas, et voilà.
48:09 Pour moi, c'est vraiment une évidence clinique.
48:12 -Après, peut-être que ça peut aider à faire passer un pas,
48:15 mais pas plus que ça.
48:17 -On arrive au terme de cette émission.
48:19 Je vais vous poser une question,
48:21 et chacun pourra donner son mot de conclusion là-dessus.
48:24 On est dans une société de consommation,
48:27 société du spectacle,
48:29 avec toutes ces qualités ou ces défauts,
48:32 mâle-bouffe, drogue, alcool, etc.,
48:35 mais aussi injonction à la jouissance,
48:38 à la performance, au porno, viol, etc.
48:42 Vous connaissez tout ça.
48:43 Est-ce que vous pensez
48:45 que l'accomplissement de l'intime
48:49 va continuer à trouver sa place
48:52 ou, finalement, on va vers un ersatz
48:56 en quelque sorte d'amour et de sexualité ?
48:58 Alors, brièvement, chacun son point de vue.
49:01 Alain Vanier ?
49:02 -Je pense qu'il y a quand même,
49:05 malgré la surexposition,
49:08 la transparence d'aujourd'hui,
49:12 c'est une transparence parfois mal vécue,
49:15 je pense que quand même la plupart des personnes,
49:19 en tout cas celles que je reçois,
49:21 finissent par construire un espace intime
49:24 à leur manière,
49:26 mais peut-être aussi en assumant plus facilement
49:30 la diversité ou la singularité des constructions
49:33 qu'à l'époque où, au fond,
49:35 il y avait un ordre plus uniformément défini.
49:40 -Christine Vadas, sur ce mot de ponctuation, là.
49:44 -Oui, je suis moi aussi
49:46 une éternelle optimiste
49:49 et je pense qu'on arrive
49:52 vers des relations plus égalitaires,
49:55 plus... Il n'y a qu'à voir des chiffres
49:58 sur l'âge du premier rapport,
50:00 qui, maintenant, est le même pour les filles et les garçons.
50:03 C'est un peu caricatural et simpliste,
50:06 mais j'ai l'impression qu'au contraire,
50:08 on arrive vers du positif
50:11 dans les échanges entre les relations,
50:15 malgré les déviances que vous avez citées
50:18 dans votre question sur la société de consommation
50:23 et tous ces délires.
50:25 Je suis très optimiste
50:27 sur les relations garçons-filles
50:30 et sur ces ados,
50:32 en insistant sur le consentement qui a été repris,
50:35 et je l'en remercie par Bruno Falissa,
50:38 parce que ça me paraît la question clé
50:40 de la sexualité des adolescents.
50:42 -Merci.
50:44 Monsieur Bruno ?
50:46 -Moi, je serais optimiste
50:49 avec cette marge de recul
50:53 vis-à-vis d'énormément de facteurs
50:55 qui se sont passés.
50:57 Il y a une révolution du numérique,
50:59 vous le disiez, c'était en 2000, il y a 23 ans.
51:02 Il y a les hashtags,
51:04 c'était il y a 5-6 ans, maintenant.
51:07 C'est incroyable, qu'est-ce qui s'est passé comme chose.
51:10 Beaucoup de choses sont allées très vite.
51:12 Quand on regarde beaucoup d'études sur les ados,
51:15 ils sont de plus en plus critiques.
51:17 Ils savent bien que, même par rapport au porno,
51:20 c'est pas la vraie sexualité.
51:22 Il faut attendre une bonne dizaine d'années.
51:24 Des choses vont s'apesantir,
51:26 parce que c'est allé très vite,
51:28 et tant mieux, parce que c'est des changements
51:31 qu'on n'arrivait pas à faire.
51:33 -Oui, Julia Sissas, vous pensez
51:35 que vous êtes pas en danger ?
51:37 -Non, parce que je fais confiance aux jeunes.
51:42 Je pense que tout ce dont on parle,
51:45 c'est un défi, c'est un défi à l'esprit critique,
51:48 c'est un défi à la capacité de décider,
51:51 de choisir, de faire des expériences.
51:54 Mais ce que je vois quand je parle à des jeunes
51:57 qui me sont proches, à qui je pose ces questions,
52:00 est-ce que vous pensez que vous êtes des analphabètes ?
52:04 -Oui, je leur fais confiance.
52:06 Je leur fais confiance, je pense qu'il y a de nouvelles éthiques
52:10 de l'intime qui émergent, et je suis plutôt curieuse
52:14 de ce que je devrais apprendre de ces jeunes.
52:17 -Merci, Julia Sissas.
52:19 Bruno Falissa, sur cette même question,
52:21 mais par rapport à ce qu'a dit Christine Vada,
52:24 des relations plus égalitaires.
52:26 Je vous rappelle simplement que Michel Perrault,
52:30 qui est une écrivaine très connue en France
52:33 et qui s'intéresse beaucoup à ces questions de société,
52:36 elle disait qu'il faut garder le cap de l'universel
52:40 pour réaliser l'égalité.
52:42 Est-ce qu'aujourd'hui,
52:45 on fait pas passer l'égalité avant l'universel ?
52:48 C'est une grosse question, mais c'est pour avoir votre avis.
52:52 Est-ce que...
52:53 -D'abord, dans le domaine de l'exsexualité
52:56 et de la vie de couple, l'universel, je sais pas ce que c'est.
52:59 Par contre, ce que je constate,
53:01 c'est que vivre à deux, proches l'un de l'autre,
53:04 et pendant de nombreuses années,
53:06 c'est une valeur qui continue à être très forte chez les jeunes.
53:09 Ca m'impressionne tous les jours.
53:11 C'est très impressionnant de voir comment vouloir être à côté
53:15 de quelqu'un, lui tenir la main, regarder la télé ensemble,
53:18 ou Netflix, c'est quelque chose de très fort encore.
53:21 -OK, écoutez, le temps imparti est écoulé.
53:24 Il me reste à vous présenter une brève bibliographie.
53:29 Un livre de Magali Croset-Calisto,
53:32 "La révolution du no-sexe".
53:34 Magali Croset-Calisto explique, par contre,
53:38 justement ce dont on a parlé,
53:41 c'est-à-dire l'affaiblissement des relations sexuelles,
53:46 en partie contestées par vous-mêmes,
53:49 mais en tout cas, elle le montre.
53:51 Julia Sissa, vous avez publié
53:53 "Le pouvoir des femmes" chez Odile Jacob.
53:57 Bon, c'est évident, en un mot, en un mot,
54:01 parce qu'on a peu de temps,
54:03 il se raffermit ou il diminue ?
54:05 -Non, on avance, on avance, on avance.
54:10 -Vous avancez.
54:12 -Ah oui, on avance.
54:13 Nous avançons toutes et tous ensemble.
54:16 Le féminisme est un grand cadeau à l'humanité.
54:20 -Merci de cet optimisme.
54:22 Bruno Falizar, vous avez publié
54:24 "La soignée, la souffrance psychique des enfants".
54:27 Elle grandit aujourd'hui dans cette société de conservation.
54:31 -Il y a des choses qui vont mieux,
54:33 il y a moins de tentatives de suicide chez les adolescents
54:36 au cours du XXIe siècle.
54:38 Il y a plus d'états dépressifs et anxieux.
54:41 Il y a du bien et du moins bien.
54:43 -Philippe, Bruno, pourquoi c'est si compliqué, l'amour ?
54:48 C'est toujours une question complexe.
54:52 -Oui, simplement, pourquoi c'est si compliqué, l'amour ?
54:55 A travers beaucoup d'expériences et de choses que l'on sait,
54:59 il y a des grandes différences entre les hommes et les femmes
55:02 qu'on ne veut pas accepter,
55:04 parce qu'on voudrait une sorte d'égalité.
55:06 Je veux bien le soutenir.
55:08 Dans la réalité, nous devons faire avec des stéréotypes.
55:11 Si on les reconnaît, on est mieux si on accepte les différences
55:14 que si on les dit.
55:15 -Merci. Alain Vannier,
55:17 vous êtes un biographe de Lacan.
55:19 Vous préparez un livre, là, actuellement ?
55:21 -Oui, un livre sur la question des relations précoces
55:26 des tout-petits-enfants à partir de deux expériences,
55:30 celle d'avoir travaillé pendant tout un temps
55:33 avec des mères psychotiques et leur bébé,
55:36 une variante très étonnante de ces relations très précoces,
55:41 et puis avec mon épouse,
55:42 qui, elle, a travaillé dans des services...
55:46 -Catherine Vannier.
55:47 -Catherine Vannier.
55:48 On essaie de faire quelque chose ensemble,
55:51 et c'est la leçon qu'on a tirée de ces expériences.
55:54 -Merci. Il me reste à vous remercier,
55:56 à remercier Julia Sissa de Los Angeles,
56:00 Christine Vada de sa belle campagne.
56:04 Vous êtes où, Christine Vada ?
56:06 -Normandie.
56:07 -En Normandie, donc. -À côté de moi, à Noges.
56:09 -De la belle Normandie. Merci, messieurs,
56:12 d'avoir participé.
56:13 Merci à l'équipe de LCP qui réalise cette émission.
56:17 Et avant de vous quitter,
56:20 je voudrais vous soumettre cette pensée
56:24 de Michel Houellebecq.
56:26 "Il y a la sexualité des gens qui s'aiment
56:29 "et la sexualité des gens qui ne s'aiment pas."
56:32 -Oui, oui.
56:34 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
56:37 Générique
56:39 ...

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