Jean-François Braunstein.

  • l’année dernière
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00:00:00 (...)
00:00:15 -Bonjour à tous et bienvenue pour cette réflexion
00:00:18 sur le hoquisme, animée par Jean-François Rochetel.
00:00:22 Je le remercie beaucoup de son intervention,
00:00:24 bien évidemment.
00:00:25 Je le remercie aussi parce qu'il nous a permis
00:00:27 de battre 2 records,
00:00:29 avant même de prendre la parole.
00:00:31 L'annonce de son intervention a provoqué
00:00:33 80 000 vues sur Twitter.
00:00:37 Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que c'est, 80 000.
00:00:40 Et deuxièmement, il nous a permis aussi
00:00:42 de battre le record d'insultes que nous avons reçues
00:00:45 parce que nous avons là abordé un sujet
00:00:47 qui, évidemment, est tabou.
00:00:48 Nous avons probablement blasphémé.
00:00:51 Alors merci, monsieur Rochetel.
00:00:53 André va vous présenter maintenant le lycée de la parole.
00:00:57 -Bien, bonjour à tous.
00:00:59 Un spectre hante l'Europe, le spectre du communisme,
00:01:03 disait Marx en 1848.
00:01:06 Presque 2 siècles plus tard,
00:01:08 on a envie de dire un spectre hante l'Europe,
00:01:11 plus encore les Amériques,
00:01:13 un spectre hante le monde, le spectre du hoquisme.
00:01:18 C'est devenu aujourd'hui un sujet de débat passionnant,
00:01:24 plus souvent passionné,
00:01:25 parfois d'une violence étonnante.
00:01:28 Jean-Claude évoquait les insultes à l'instant.
00:01:31 Et donc, je suis très content d'accueillir,
00:01:33 pour en parler, Jean-François Bronstein,
00:01:37 qui est un ami et un collègue,
00:01:38 professeur de philosophie,
00:01:40 il enseignait en lycée, en école en maths d'instituteur,
00:01:43 comme quelques-uns d'entre nous,
00:01:44 et puis, pendant longtemps, dans le supérieur.
00:01:47 En l'occurrence, son dernier poste
00:01:49 était à l'université Paris 1, Panthéon-Sorbonne,
00:01:52 où il est toujours aujourd'hui professeur émérite.
00:01:55 Jean-François est un philosophe,
00:01:58 spécialiste de l'histoire des sciences,
00:02:02 spécialement de l'histoire de la médecine.
00:02:05 Il est aussi le président de la maison Auguste Comte,
00:02:10 immense philosophe,
00:02:12 quelque peu sous-estimé, me semble-t-il, aujourd'hui.
00:02:16 Et il a publié récemment, ce sont ses deux derniers livres,
00:02:20 il y a quelques années, "La philosophie devenue folle",
00:02:24 "Le genre, l'animal, la mort",
00:02:26 où il s'inquiète des limites qui sont en train de se perdre
00:02:29 entre la vie et la mort, entre les sexes, etc.
00:02:32 Et puis, tout récemment, "La religion woke",
00:02:35 que nous avons le plaisir de vous offrir,
00:02:38 qu'il a bien voulu nous présenter aujourd'hui.
00:02:42 Jean-François, encore merci d'avoir accepté notre invitation.
00:02:45 La parole est à toi pour 45 minutes.
00:02:47 -Merci. Merci à Jean-Claude Seix pour son invitation.
00:02:50 Merci à André, que je connais depuis de longues années.
00:02:53 Et j'ai évidemment une pensée particulière
00:02:56 pour Dominique Lecour, esprit libre et curieux,
00:02:58 que j'aimais beaucoup et qui nous manque aujourd'hui,
00:03:01 justement, sur ce genre de sujet, je pense.
00:03:04 Alors, il est vrai qu'effectivement, il y a quelques années,
00:03:07 mon dernier livre portait sur "La philosophie devenue folle"
00:03:10 et s'inscrivait tout à fait dans le cycle de conférences
00:03:14 qui est celui de cette année, je crois,
00:03:16 c'est-à-dire la question de l'effacement des limites,
00:03:18 l'effacement des frontières, effacement des limites,
00:03:20 dans 3 domaines, le genre,
00:03:22 effacer la distinction masculin-féminin,
00:03:24 l'animalisme, effacer la distinction homme-animal,
00:03:28 et ce que j'appellerais l'euthanasisme,
00:03:30 c'est-à-dire effacer le caractère tragique de la mort, en tout cas.
00:03:35 Alors, évidemment, il y a une différence, à mon avis, centrale
00:03:38 entre ce projet d'effacement des frontières
00:03:41 et le projet moderne, qui était le projet
00:03:43 de toujours repousser les limites,
00:03:46 la devise de Charles Quint, plus, ultra, aller toujours plus loin.
00:03:50 Il s'agissait dans ce livre de thèses philosophiques
00:03:52 qui, au nom de la bienveillance,
00:03:55 lutte contre les discriminations,
00:03:56 bien-être animal, bien mourir, etc.,
00:03:59 et au nom d'une logique purement abstraite,
00:04:02 pouvaient conduire à des conséquences
00:04:03 qui me semblaient plausibles et très dommageables,
00:04:07 d'une certaine manière, par exemple,
00:04:09 la justification de l'infanticide, par exemple,
00:04:11 la distinction entre les vies dignes d'être vécues
00:04:13 et les vies indignes d'être vécues.
00:04:16 Tout cela n'était que de la philosophie,
00:04:17 mais je craignais effectivement que ces idées aient des conséquences.
00:04:21 Et de fait, ces conséquences sont venues plus vite
00:04:24 que je ne le pensais et ont très vite traversé l'Atlantique.
00:04:27 Notre quotidien est désormais rythmé
00:04:30 par toute une série d'absurdités,
00:04:33 de propositions paradoxales,
00:04:35 en particulier autour de la question du genre,
00:04:38 autour de la question de la race
00:04:40 et autour de la critique de la science,
00:04:42 parce que je crois qu'au-delà de la race et le genre,
00:04:45 qu'on voit très clairement,
00:04:46 il y a effectivement une attaque tout à fait délibérée
00:04:50 contre la science objective,
00:04:52 contre la connaissance scientifique.
00:04:54 On va voir que c'est un des points essentiels
00:04:56 de cette doctrine woke.
00:04:58 Alors, ces idées woke, là aussi, comme dans les idées précédentes,
00:05:02 ce sont des idées, bien sûr, bienveillantes.
00:05:04 C'est des idées de progrès
00:05:07 contre les discriminations, contre le racisme,
00:05:11 contre le mépris des savoirs dominés, etc.,
00:05:14 mais elles ont des conséquences tout à fait déplorables.
00:05:17 On va voir que, d'une certaine manière,
00:05:19 il me semble qu'elles conduisent
00:05:20 à des points de vue extrêmement paradoxaux,
00:05:24 absurdes et toxiques, si je puis dire.
00:05:28 "Problématiques", comme diraient les woke,
00:05:30 puisque c'est le mot qui est désormais à la mode.
00:05:32 Alors, ces idées sont en plus désormais sorties des universités.
00:05:37 Elles sont, d'une certaine manière, me semble-t-il,
00:05:40 la pensée dominante dans le monde, je précise, occidental.
00:05:45 Et de ce point de vue-là, il est tout à fait étonnant de voir
00:05:47 à quel point le monde extérieur nous regarde
00:05:49 avec étonnement ou avec effarement.
00:05:51 Et on sait aussi que ces idées woke
00:05:53 sont, d'une certaine manière, un argument pour nos adversaires.
00:05:57 On le voit avec Poutine et la question du genre.
00:05:59 On le voit avec les Chinois et Black Lives Matter,
00:06:01 qui est instrumentalisé pour dire que les Américains sont racistes.
00:06:05 On le voit avec les chaînes islamistes,
00:06:08 comme AJ+ par exemple, qui font la propagande,
00:06:10 LGBTQIA+ etc.,
00:06:13 alors qu'on connaît quand même le sort qui est réservé
00:06:16 aux homosexuels dans cette doctrine islamiste.
00:06:20 Alors, de ce point de vue-là, effectivement,
00:06:22 je vous dis, quand je fais cours à la fac,
00:06:26 mes étudiants chinois, d'abord, étaient riés
00:06:28 quand je leur racontais et je leur expliquais ce qui se passait.
00:06:31 Puis ensuite, ils étaient effondrés.
00:06:32 Puis à la fin, ils me disaient, "Mais ne vous inquiétez pas,
00:06:33 "vous pourrez venir continuer à enseigner chez nous."
00:06:36 C'est ce que je vais sans doute me promettre de faire.
00:06:38 Alors, il y a toutes sortes d'exemples.
00:06:41 Chaque matin, on peut ramasser, si je puis dire,
00:06:43 dans la presse, toutes sortes d'exemples.
00:06:45 Par exemple, récemment, la prof de danse de Sciences Po,
00:06:49 qui est obligée de quitter Sciences Po
00:06:51 parce qu'elle ne veut pas dire "homme et..."
00:06:53 Elle veut dire "homme et femme" dans son cours de danse,
00:06:55 plutôt que "leader et follower".
00:06:58 Vous avez hier...
00:07:00 Enfin, on vient d'arriver à la nouvelle
00:07:01 de 2 théâtres canadiens
00:07:04 qui, au nom de l'antiracisme, font des pièces de théâtre
00:07:07 interdites aux Blancs et aux Asiatiques.
00:07:09 Alors, comme c'est pas possible de le faire légalement,
00:07:11 il y aura quelqu'un à l'entrée pour dire aux Blancs et aux Asiatiques
00:07:14 qu'ils ne sont pas les bienvenus.
00:07:17 On voit aussi, il y a quelques semaines, c'est apparu,
00:07:20 le fait que les étudiants en médecine
00:07:23 de l'Université du Minnesota
00:07:25 ne prêtent désormais plus serment à Hippocrate,
00:07:27 mais ils s'engagent à combattre la binarité sexuelle,
00:07:31 le suprémacisme blanc et la médecine occidentale
00:07:34 qu'il faudrait remplacer par des savoirs indigènes.
00:07:37 C'est une vraie fac de médecine.
00:07:40 Tout cela se fait sous la direction
00:07:41 d'un professeur diplômé de Johns Hopkins,
00:07:44 qui est la meilleure fac de médecine américaine.
00:07:47 On voit des conséquences de ce point de vue-là
00:07:49 dans la vie de tous les jours.
00:07:50 De plus en plus d'écoles, des collèges
00:07:52 qui demandent aux enfants, y compris en France,
00:07:55 par quel pronom ils veulent être désignés,
00:07:58 il, elle ou y elle, ou quoi que ce soit d'autre.
00:08:01 On voit que l'écriture inclusive fait une pression considérable.
00:08:05 Quasiment tous les courriers que je reçois à la fac
00:08:07 sont en écriture inclusive.
00:08:09 Les conférences sur le genre sont empêchées dans les entreprises.
00:08:12 Les collègues qui veulent faire des conférences sur le genre
00:08:16 n'arrivent pas à le faire.
00:08:18 Bon, j'ai battu aujourd'hui, semble-t-il, le record d'insultes.
00:08:21 Ca ne m'étonne pas vraiment.
00:08:22 Alors, ce que je voudrais dire,
00:08:24 c'est que derrière ces apparents faits de société
00:08:26 qui semblent partir un petit peu dans tous les sens,
00:08:29 il me semble qu'il y a une vision du monde assez cohérente
00:08:32 qu'il me semble possible de caractériser
00:08:34 de façon à peu près claire
00:08:36 pour mieux en comprendre le succès qui est indéniable,
00:08:39 au moins dans une partie importante de notre population.
00:08:42 Et donc, dans cette présentation, je voudrais faire deux choses.
00:08:46 D'abord, justifier la raison
00:08:48 pour laquelle j'ai choisi de parler de wokisme,
00:08:50 alors que je savais que ça allait m'attirer des soucis,
00:08:53 et non seulement de wokisme,
00:08:55 mais j'ai choisi non pas de parler d'idéologie wok,
00:08:58 mais de religion wok.
00:08:59 Il me semble que ça a bien des caractéristiques d'une religion.
00:09:03 Et dans un deuxième temps,
00:09:04 je présenterai les idées qui composent ce corps de doctrine
00:09:08 qu'il est relativement simple de synthétiser,
00:09:11 puisqu'on peut les réduire à 3 ou à 4,
00:09:15 ou 3 plus une, disons,
00:09:17 deux théories anthropologiques,
00:09:18 une théorie pratique et politique,
00:09:21 et une théorie de la connaissance.
00:09:24 C'est quelque chose qui est assez simple,
00:09:26 et il me semble que lorsqu'on regarde ça
00:09:28 avec les phénomènes actuels,
00:09:31 avec cette grille de lecture, on comprend mieux ce qu'il en est.
00:09:34 Alors, premier point d'abord,
00:09:36 la question de la religion wok.
00:09:39 Le terme "wok", vous commencez,
00:09:41 tout le monde commence à savoir de quoi il s'agit.
00:09:44 Il signifie "éveiller",
00:09:45 dans la langue populaire afro-américaine,
00:09:48 dans la culture rastafari, d'abord.
00:09:50 Marcus Garvey, dans les années 1920,
00:09:53 qui parle de "wake up Africa",
00:09:55 il faut se réveiller, d'une certaine manière.
00:09:57 Puis, dans le reggae,
00:09:58 vous connaissez tous Bob Marley sur ce point,
00:10:01 et dans le rap, Erykah Badu, en 2008,
00:10:03 dans sa chanson "Master Teacher",
00:10:05 qui est la première, vraiment,
00:10:06 à employer ce terme de cette manière.
00:10:10 Alors, petit à petit, depuis une dizaine d'années,
00:10:14 ce terme s'est de plus en plus répandu aux Etats-Unis,
00:10:17 et contrairement à ce qu'on dit, ce n'est pas l'extrême droite
00:10:20 qui a sorti ce terme en premier.
00:10:22 La première mention, si je puis dire, officielle,
00:10:24 c'est dans le film de présentation de "Black Lives Matter",
00:10:28 le mouvement bien connu,
00:10:29 qui, en 2017, a fait un film de présentation
00:10:33 qui s'appelle "Stay woke".
00:10:35 Et à la suite de la mort de George Floyd,
00:10:37 ce terme de "woke" s'est beaucoup répandu.
00:10:42 "Woke", ça veut dire "éveillé",
00:10:43 et si l'on voulait traduire ça en langage post-marxiste,
00:10:47 qui est quelquefois le cas,
00:10:49 ce serait "conscientisé".
00:10:51 Il faut essayer d'être conscient
00:10:53 et de devenir conscient des injustices, etc.
00:10:56 Alors, aujourd'hui, le terme est abandonné par les "woke",
00:11:00 qui commencent tout de suite par dire
00:11:02 que le terme qui les désigne n'existe pas.
00:11:05 Ce terme serait péjoratif, serait employé
00:11:07 par l'alt-right américaine, l'extrême droite américaine.
00:11:11 Et effectivement, si on utilise le mot "woke" comme je le fais,
00:11:14 c'est pour ça qu'il y a beaucoup d'insultes,
00:11:16 parce que vous auriez dit, le politiquement correct,
00:11:19 ça n'aurait pas du tout la même chose.
00:11:22 Le terme est abandonné parce que, d'une certaine manière,
00:11:26 ce terme a des connotations largement péjoratives.
00:11:29 Lorsqu'on voit, par exemple, la fameuse vidéo,
00:11:31 vous avez dû voir, de Evergreen College,
00:11:33 la première prise en main d'une université par des "woke",
00:11:37 on se dit, ça, jamais, ça ne passera par moi.
00:11:40 Mais à ce moment-là, on va dire,
00:11:42 "Ceux, nous ne sommes pas des "woke", disent-ils.
00:11:45 Ils se présentent plutôt aujourd'hui
00:11:46 comme des "social justice warriors",
00:11:48 les guerriers de la justice sociale.
00:11:52 Qui pourraient être hostiles à l'idée de justice sociale ?
00:11:55 C'est comme cela qu'ils veulent être appelés.
00:11:59 Il me semble que ce n'est pas une bonne idée,
00:12:00 parce qu'en fait, il ne s'agit pas simplement de justice sociale,
00:12:04 il ne s'agit pas simplement de corriger
00:12:07 tels ou tels abus,
00:12:08 il s'agit très clairement d'une nouvelle vision du monde.
00:12:12 Il s'agit d'une vision du monde global.
00:12:15 Et de ce point de vue-là, me semble-t-il,
00:12:16 le mot "woke" a bien des avantages.
00:12:19 D'abord, parce qu'il permet de bien décrire
00:12:22 l'état d'esprit de ses adeptes,
00:12:24 ils sont éveillés au sens où on parle d'un éveil religieux.
00:12:28 Et par ailleurs, l'autre avantage,
00:12:30 c'est que cela fait signe vers ce qu'on a appelé, aux Etats-Unis,
00:12:34 les grands réveils religieux, les "Great Awakenings",
00:12:37 au XVIIIe et au XIXe siècle,
00:12:39 qui ont bouleversé l'Amérique de manière répétée.
00:12:43 Et d'une certaine manière,
00:12:45 on va voir que beaucoup d'historiens
00:12:46 du protestantisme américain
00:12:48 insistent sur les similitudes avec ce mouvement "woke".
00:12:53 Il y a une autre raison dont je vous parlerai plus tard.
00:12:56 C'est que, aussi, je pense que ça n'a rien à voir
00:12:58 avec la "French theory".
00:13:00 Contrairement à ce que l'on dit,
00:13:01 je vous dirai pourquoi cela n'a pas à voir.
00:13:04 Et donc, de ce point de vue-là, parler de religion "woke",
00:13:05 c'est dire, attention, ce n'est pas juste
00:13:07 de la "French theory" qui nous revient à la figure,
00:13:10 c'est autre chose. Il me semble que c'est autre chose.
00:13:12 Et si vous avez quelquefois échangé avec des "wokes",
00:13:16 essayé d'échanger avec des "wokes",
00:13:18 vous comprenez qu'il s'agit de bien autre chose.
00:13:20 Alors, pourquoi le terme de religion ?
00:13:22 Pourquoi je suis arrivé à cette caractérisation ?
00:13:26 Il me semblait, c'était très étonnant,
00:13:28 ce qui était le plus étonnant pour moi,
00:13:30 c'était de voir des gens,
00:13:32 j'en parlais tout à l'heure avec André,
00:13:33 que je connais depuis 30 ans, qui sont des grands savants,
00:13:36 qui sont des gens extrêmement intelligents,
00:13:39 cultivés dans leur domaine,
00:13:41 qui, du jour au lendemain, embrassent ces causes
00:13:44 et effacent d'une certaine manière
00:13:46 tout ce qu'ils ont fait jusque-là.
00:13:48 Je donnerai comme exemple
00:13:49 un professeur de littérature classique aux Etats-Unis
00:13:52 qui a décidé d'arrêter d'enseigner les humanités classiques
00:13:56 parce qu'elles sont le signe,
00:13:58 enfin, elles sont le résultat d'une époque raciste,
00:14:01 viriliste, esclavagiste, etc.
00:14:03 On voit des biologistes qui, du jour au lendemain, disent
00:14:06 "La biologie n'est pas une science, c'est une discipline politique,
00:14:09 j'arrête la biologie, etc."
00:14:11 Et dans ma fac, j'ai des gens que je connais depuis 30 ans
00:14:14 qui, du jour au lendemain,
00:14:16 parce que j'ai écrit le premier bouquin,
00:14:17 alors je n'imagine pas ce qu'il en est maintenant,
00:14:20 refusaient absolument de discuter avec moi,
00:14:22 de débattre, d'argumenter, par des amis de 30 ans.
00:14:25 On dirait les amis de 30 ans, c'est ce que c'est en politique.
00:14:29 De ce point de vue-là, je me disais, c'est très étrange,
00:14:31 comment des gens intelligents peuvent-ils croire
00:14:34 à des choses aussi absurdes ?
00:14:36 "La biologie n'est pas une science, le corps n'existe pas,
00:14:39 si on veut être antiraciste, il faut être raciste, etc."
00:14:43 Et évidemment, tout d'un coup, je me suis dit,
00:14:45 évidemment, s'ils croient à ces choses absurdes,
00:14:48 ce n'est pas malgré leur absurdité,
00:14:50 mais c'est justement parce qu'elles sont absurdes.
00:14:52 Il me semble qu'ils croient à tout cela parce que c'est absurde.
00:14:55 Et j'ai pensé, évidemment, à la fameuse phrase de Tertullien
00:14:57 que les philosophes parmi vous connaissent,
00:14:59 "Credo cuia absurdum", "Je crois parce que c'est absurde".
00:15:03 Une phrase qui est d'ailleurs avancée
00:15:04 pas tout à fait sous cette forme dans un texte de Tertullien
00:15:09 où il discute avec les martionnites, les gnostiques.
00:15:11 Alors, il me semble effectivement que c'est une vraie...
00:15:14 C'est là que je me suis dit, c'est une vraie religion.
00:15:16 C'est-à-dire qu'on ne peut plus discuter du tout.
00:15:19 Ils ont le sentiment d'avoir...
00:15:21 de voir un monde que nous ne verrons pas,
00:15:24 et ils ne veulent pas discuter avec nous.
00:15:26 L'argument, ça ne va pas.
00:15:27 C'est quelque chose qui est tout à fait étonnant.
00:15:29 Ils ont le sentiment d'arriver à une nouvelle vision du monde,
00:15:34 d'accéder à des vérités inaccessibles au commun des hommes.
00:15:40 Par exemple, l'idée que la conscience est plus importante...
00:15:43 Enfin, que le corps ne compte pas, que seuls comptent la conscience,
00:15:46 c'est quand même assez osé comme proposition.
00:15:49 Ou l'idée qu'il y a un racisme d'atmosphère,
00:15:52 c'est-à-dire qu'il y a toujours du racisme
00:15:53 même s'il n'y a pas de raciste.
00:15:55 C'est quelque chose d'assez étonnant.
00:15:57 Ou dire que les mathématiques sont des sciences racistes et virilistes.
00:16:01 C'est assez énorme. Il faut oser aller jusque-là.
00:16:05 Et il me semble que c'est vraiment une vision globale du monde.
00:16:08 Et cela se voit d'ailleurs dans l'enthousiasme,
00:16:11 l'exaltation qui est celle des militants woke,
00:16:14 voir cette vidéo des Wergrin College qui est tout à fait étonnante,
00:16:17 ou voir une vidéo hallucinée d'une jeune collègue
00:16:20 qui dit que la cuisine française est éminemment raciste,
00:16:25 avec un air tout à fait inspiré, si je puis dire.
00:16:30 Voir aussi les réactions qu'il y a eues
00:16:31 aux cologues des rares dissidents
00:16:33 que nous avons organisés à la Sorbonne il y a un an.
00:16:37 On nous a traité de tous les noms, manifestations,
00:16:40 demandes d'interdiction,
00:16:42 nos universités qui ont fait écho contre nous, etc.
00:16:47 C'est tout à fait étonnant. Il y a un véritable enthousiasme.
00:16:50 Il y a aussi, surtout au lendemain de la mort de George Floyd,
00:16:53 toute une série de rites
00:16:55 que l'on a pu observer à la suite de la mort de George Floyd,
00:16:58 des demandes de pardon,
00:16:59 des adgenouillements pour s'excuser de cette mort,
00:17:02 même si on vit à l'autre bout du monde
00:17:04 et qu'on n'est en rien responsable de la mort de George Floyd.
00:17:09 Le lavement de pieds par des Noirs, par des Blancs,
00:17:12 des policiers blancs notamment.
00:17:14 Des fresques à la gloire de George Floyd
00:17:16 qui retracent les étapes de sa passion.
00:17:19 Toute une série aussi de textes sacrés.
00:17:22 Effectivement, les Wokes vous présentent souvent comme argument,
00:17:26 mais vous n'avez pas lu les études de Jean de Butler,
00:17:30 vous n'avez pas lu le livre de Kendi sur la race, etc.
00:17:33 Textes qui, pour les philosophes,
00:17:36 ne sont quand même pas des textes extrêmement consistants,
00:17:39 si je puis dire.
00:17:40 Et autre aspect, alors religieux,
00:17:42 mais évidemment, beaucoup de croyants m'ont dit,
00:17:45 "C'est horrible ce que tu dis de la religion,
00:17:47 "c'est pas possible."
00:17:49 Évidemment, c'est la religion au pire sens du terme.
00:17:53 Sectarisme, refus du débat
00:17:55 avec ceux qui ne sont pas d'accord avec eux,
00:17:56 qui incarnent le mal.
00:17:58 Ce qui résume le mieux cela, à mon avis,
00:18:00 c'est toujours cette vidéo d'Evergreen
00:18:02 qui est vraiment extraordinaire, que je vous conseille de regarder.
00:18:06 Il y a un seul professeur qui résiste
00:18:08 à cette périse de pouvoir par les Wokes,
00:18:10 qui s'appelle Brad Weinstein, c'est un professeur de biologie,
00:18:13 et il essaie d'argumenter
00:18:14 pourquoi il ne veut pas se plier
00:18:16 aux nouvelles règles édictées par les Wokes.
00:18:18 Et au bout d'un moment, l'un des militants lui dit,
00:18:22 "Arrête avec tes argumentations, arrête de raisonner,
00:18:25 "la logique, c'est raciste."
00:18:26 La logique, c'est raciste, c'est une proposition,
00:18:29 je trouve, qui est quand même assez bouleversante.
00:18:31 C'est quelque chose... Si la logique, c'est raciste,
00:18:34 c'est vrai que toute l'université,
00:18:36 toute l'argumentation doit tomber,
00:18:39 et c'est très étonnant de voir à quel point ils refusent de débattre.
00:18:42 Il y a plusieurs personnes, des journaux,
00:18:46 qui ont essayé d'organiser des débats avec des Wokes.
00:18:49 Ils ont tous, sauf un,
00:18:52 pour des raisons très particulières,
00:18:54 tous refusé de discuter
00:18:55 parce que je suis le mal, d'une certaine manière.
00:18:59 Alors, il y a effectivement derrière ce sectarisme,
00:19:01 il y a aussi, bien sûr, cette culture de l'annulation,
00:19:04 ce qu'on appelle la "cancel culture",
00:19:06 la volonté d'éradiquer de notre histoire, de notre culture,
00:19:10 tout ce qui semble offensant pour nous.
00:19:13 Donc, il faut reconstruire l'histoire à partir de zéro.
00:19:15 C'est un iconoclasme radical, d'une certaine manière.
00:19:18 Il ne faut plus étudier Voltaire car il a quelques phrases antisémites.
00:19:21 C'est vrai qu'il a dit quelques propos antisémites,
00:19:23 mais c'est pas l'oeuvre de Voltaire.
00:19:25 Hugo est raciste,
00:19:26 et il semblerait qu'un de mes jeunes collègues à Paris 1
00:19:29 enseigne en début de ses cours sur Platon
00:19:31 que Platon est un philosophe blanc,
00:19:33 ce qui n'est pas très bon pour lui.
00:19:34 C'est déjà bien qu'on fasse quand même un cours,
00:19:36 mais philosophe blanc,
00:19:37 je sens que ça va mal se passer pour lui.
00:19:39 Ne parlons pas d'Aristote, qui justifie l'esclavagisme
00:19:42 et qui pense que l'homme et la femme,
00:19:44 que la production d'une femme,
00:19:46 c'est le premier signe de l'échec dans la forme de la propriété.
00:19:51 Et autre aspect qui me semble assez notable,
00:19:55 c'est le prosélytisme de ces militants gauques,
00:19:59 notamment en direction des jeunes et des adolescents,
00:20:04 en particulier dans le secondaire.
00:20:06 On voit qu'il y a toute une série d'associations
00:20:08 qui font la promotion notamment du changement de genre,
00:20:10 mais aussi d'une vision communautariste et victimaire.
00:20:15 Le syndicat Sud Education, pour ne pas le nommer,
00:20:19 propose effectivement
00:20:21 que les enfants puissent changer de genre à l'école
00:20:23 et surtout que les parents ne soient pas prévenus.
00:20:25 Ce qui a mis longtemps à arriver aux Etats-Unis,
00:20:28 maintenant, c'est chez nous.
00:20:29 C'est quelque chose de tout à fait étonnant.
00:20:31 Alors, il est évident aussi que ce prosélytisme est justifié
00:20:35 parce qu'il n'est pas si évident que ça
00:20:36 de convertir des adultes compétents, si je puis dire.
00:20:41 Et il y a effectivement quelque chose de très étonnant
00:20:45 dans cette volonté prosélytique.
00:20:46 On voit que les jeunes sortis de nos universités
00:20:49 et convertis dans les universités
00:20:51 sont maintenant professeurs.
00:20:53 La génération des boomers, la génération ONI des boomers,
00:20:56 est en train de laisser la place.
00:20:58 Et effectivement, je pense qu'il y a beaucoup de...
00:21:01 Je ne dirais pas de militantisme,
00:21:02 de prosélytisme dans les écoles.
00:21:05 Alors ça, c'est le premier point.
00:21:06 C'est une vision du monde global.
00:21:08 Il faut voir d'autre part
00:21:10 que c'est une religion post-protestante.
00:21:12 Je crois que ce terme de réveil a vraiment l'intérêt
00:21:16 de nous renvoyer à ces grands réveils protestants
00:21:18 du XVIIIe et du XIXe siècle.
00:21:21 Joseph Bottom, l'historien américain du protestantisme,
00:21:24 montre qu'effectivement,
00:21:26 que cette montée du wokeisme
00:21:28 est corrélative de la baisse du protestantisme mainline,
00:21:32 c'est-à-dire le protestantisme principal américain,
00:21:35 de plutôt modéré, etc.
00:21:37 Il explique qu'il y avait effectivement 50 % des Américains
00:21:40 qui se déclaraient protestants en ce sens en 1965.
00:21:43 Il n'y en a plus que 10 % aujourd'hui.
00:21:45 Ces élites américaines WASP,
00:21:48 elles étaient protestantes mainline.
00:21:50 Maintenant, elles sont woke.
00:21:53 Ce que montrent très bien
00:21:55 Bottom et d'autres historiens du protestantisme américain,
00:21:57 c'est qu'effectivement, depuis le début du XXe siècle,
00:22:00 la question du péché n'est plus, aux Etats-Unis,
00:22:04 une question individuelle,
00:22:06 mais est devenue une question sociale.
00:22:08 Le mal, il est dans la société,
00:22:10 et on peut guérir le mal dans la société.
00:22:13 C'est ce courant qu'on appelle le "social gospel"
00:22:15 de Walter Ruschenbusch au début du XXe siècle.
00:22:18 Comme il y a quelques philosophes dans la salle,
00:22:19 je signale que c'est le grand-père de Rorty,
00:22:22 ce qui est assez étonnant.
00:22:24 Et donc, c'est une religion post-protestante,
00:22:27 c'est une religion puritaine.
00:22:29 Il s'agit de séparer les purs et les impurs,
00:22:32 de séparer les bons et les méchants
00:22:34 en fonction de leur comportement,
00:22:36 et l'essentiel, c'est effectivement
00:22:38 que l'on fasse la confession de ses privilèges.
00:22:42 De ce point de vue-là, ce côté,
00:22:44 cette volonté de poursuivre le mal
00:22:46 et de le marquer d'une manière indélébile
00:22:49 fait que beaucoup de collègues d'universitaires américains
00:22:52 se rappellent effectivement de la lettre Eccarla de Hawthorne,
00:22:56 le grand livre de Hawthorne,
00:22:58 la marque indélébile de la femme adultère.
00:23:01 Là, aujourd'hui, la marque "anti-Woke", si vous voulez,
00:23:06 est également indélébile.
00:23:08 Si je suis considéré comme raciste, transphobe, etc.,
00:23:13 ça ne disparaîtra pas de si tôt
00:23:15 parce qu'il y a la mémoire infinie des réseaux sociaux.
00:23:18 Et effectivement, je comprends de ce point de vue-là
00:23:20 que beaucoup de jeunes collègues m'écrivent, me disent,
00:23:24 "Je suis d'accord avec toi, mais tu comprends bien
00:23:26 "que je ne peux pas le dire
00:23:27 "parce que je ne suis pas titularisé,
00:23:29 "parce que j'ai besoin de crédit de recherche,
00:23:31 "parce que je veux que mes doctorants trouvent un job", etc.
00:23:34 Et effectivement, c'est quelque chose qui est assez fort,
00:23:37 et cette mort sociale qui nous est promise
00:23:39 est quelque chose dont on ne se défait pas plus
00:23:42 que de la marque, de la lettre Eccarla de Hawthorne.
00:23:45 Par ailleurs, c'est une religion extrêmement pessimiste,
00:23:49 voire... Alors, ça rappelle les sermons terrifiants
00:23:52 que je cite dans le livre de Jonathan Edwards
00:23:54 lors du premier grand réveil
00:23:57 avec l'idée de la double prédestination.
00:23:59 Il y a la promesse de ceux qui sont sauvés,
00:24:02 mais il y a surtout la promesse de ceux qui sont damnés.
00:24:05 L'enfer est à la porte,
00:24:06 et il faut se repentir dans des séances
00:24:09 qui sont souvent très émotives, très spectaculaires,
00:24:14 comme le sont les séances, effectivement, de militantisme woke.
00:24:19 J'ajouterais aussi, et c'est là qu'on voit
00:24:21 que c'est dans la continuité de la religion des élites américaines,
00:24:25 que c'est une religion des élites blanches,
00:24:28 des universités de la Ivy League,
00:24:29 des grandes universités américaines.
00:24:32 Et il y a là-dessus un jeune chercheur,
00:24:34 alors je crois qu'il n'a pas encore fini son doctorat,
00:24:36 qui a eu une idée très intelligente.
00:24:38 Il a parlé à ce propos de ses croyances
00:24:40 de ce qu'il appelait des croyances de luxe.
00:24:42 Croyances de luxe, c'est-à-dire que pour affirmer...
00:24:45 Bon, s'acheter des sacs Vuitton,
00:24:47 tout le monde peut plus ou moins le faire,
00:24:49 si on économise beaucoup.
00:24:50 Par contre, avoir des idées extrêmement paradoxales,
00:24:53 il faut vraiment...
00:24:54 C'est la preuve qu'on est vraiment quelqu'un
00:24:57 qui vit dans un monde particulier.
00:25:00 Bon, il parle, par exemple, d'une de ses camarades.
00:25:04 Lui, c'est un enfant de l'assistance publique.
00:25:06 Il a fait des études en armée, en travaillant.
00:25:09 C'est un prolo, comme on dirait,
00:25:12 qui arrive comme ça dans ses universités.
00:25:13 Il dit que c'est quand même bizarre.
00:25:15 Il me raconte notamment, il parle d'une de ses collègues,
00:25:18 étudiante, qui lui dit...
00:25:20 "Moi, je suis contre le mariage monogame.
00:25:21 "C'est complètement dépassé."
00:25:22 Puis, d'une part, il va un peu plus loin,
00:25:23 il discute avec elle.
00:25:24 Il se rend compte que toute la famille
00:25:26 de cette jeune fille est monogame
00:25:28 et qu'elle aussi va se marier bientôt
00:25:30 d'une manière monogame traditionnelle,
00:25:32 alors qu'elle professe, effectivement,
00:25:34 que le mariage s'est dépassé.
00:25:36 C'est quelque chose de tout à fait étonnant.
00:25:38 Autre exemple de croyances de luxe qui est arrivé depuis,
00:25:41 c'est le fameux slogan, c'est incroyable,
00:25:43 de "définancer la police".
00:25:45 Définancer la police, pour dire ça,
00:25:47 il faut, comme on le note,
00:25:49 vivre dans une communauté fermée,
00:25:51 se déplacer dans un taxi uniquement,
00:25:54 avoir un service de sécurité privé.
00:25:56 Personne de normal ne peut dire
00:25:58 qu'il faut définancer la police.
00:25:59 Et d'ailleurs, lorsque ça a été appliqué,
00:26:01 par exemple, à Portland,
00:26:03 à la suite de "Black Lives Matter",
00:26:04 l'augmentation des homicides, c'était 83 % en un an.
00:26:07 Mais ce sont des croyances de luxe.
00:26:09 Et effectivement, professer des choses
00:26:11 de cet ordre, c'est un signe de distinction extrême.
00:26:14 Je crois que cet étudiant a touché quelque chose
00:26:17 d'assez vrai.
00:26:20 Alors, par ailleurs aussi,
00:26:22 alors, autre point qui fait une petite différence
00:26:25 avec le christianisme, enfin, une vraie différence
00:26:28 avec le christianisme, c'est que c'est une religion sans pardon.
00:26:30 C'est ce que dit Joshua Mitchell,
00:26:32 le grand spécialiste de Tocqueville,
00:26:34 qui dit qu'il y a effectivement dans cette religion
00:26:37 un équivalent du péché originel,
00:26:39 c'est le privilège blanc,
00:26:41 mais ce privilège blanc a la différence du péché originel.
00:26:44 Il n'est pas possible de l'effacer.
00:26:46 Il n'y a pas de baptême qui efface
00:26:48 ou qui pardonne ce privilège blanc.
00:26:51 La seule chose que l'on puisse faire,
00:26:52 c'est, comme ils disent, "check your privilege",
00:26:56 reconnaître ses privilèges, s'en excuser,
00:26:58 tenter de s'en excuser,
00:26:59 mais on reste toujours blanc.
00:27:01 C'est ça qui est assez étonnant.
00:27:03 On en parlera peut-être d'ailleurs tout à l'heure.
00:27:04 On peut changer de genre, on ne peut pas changer de race,
00:27:06 ce qui semble...
00:27:08 Bon, ça se discute. Enfin, c'est un point intéressant.
00:27:11 Il y a des livres entiers écrits sur cette question.
00:27:14 Alors, on ne peut pas échapper au privilège blanc.
00:27:17 Il y a un autre péché qui est un petit peu mineur,
00:27:20 mais qu'il faut aussi confesser,
00:27:21 c'est bien sûr la masculinité toxique,
00:27:24 ce qu'ils appellent...
00:27:25 Donc, il y a la blanchité et il y a la masculinité toxique.
00:27:29 Alors, là aussi, c'est pas très bon,
00:27:30 mais on peut toujours essayer de s'en excuser,
00:27:35 notamment en se déconstruisant.
00:27:37 Vous voyez, il y a une femme politique française
00:27:41 qui est très heureuse que son homme soit déconstruit,
00:27:43 et c'est une hypothèse.
00:27:45 Il faut essayer de se déconstruire
00:27:47 ou éventuellement changer de genre,
00:27:49 si cela est possible.
00:27:51 Il est possible, si on est un homme, de devenir une femme.
00:27:54 Il suffit de le déclarer, d'une certaine manière.
00:27:57 Mais vous voyez que c'est quand même une religion,
00:27:59 de ce point de vue-là,
00:28:02 avec moins de perspectives, si je puis dire,
00:28:04 de salut que la religion chrétienne.
00:28:06 Et c'est un point qui est tout à fait étonnant,
00:28:08 c'est qu'il n'y a pas effectivement d'eschatologie.
00:28:10 Il n'y a pas une doctrine des fins dernières de l'homme et du monde.
00:28:14 Il n'y a pas, à la différence des religions séculières
00:28:16 du XXe siècle, le marxisme, par exemple,
00:28:18 il n'y a pas d'avenir radieux.
00:28:20 Et ce qui est très étonnant chez tous ces auteurs,
00:28:22 c'est qu'il y a une vision extrêmement pessimiste
00:28:25 de l'avenir humain,
00:28:26 en particulier chez les théoriciens de la race,
00:28:29 les théoriciens critiques de la race,
00:28:30 par exemple, Ibrahim X. Kendi, qui lui-même a un cancer,
00:28:34 qui dit que le racisme,
00:28:35 c'est un cancer que l'on ne guérira jamais,
00:28:39 ou le vrai fondateur de la théorie de la race,
00:28:41 Derrick Bell, qui explique dans une nouvelle de science-fiction
00:28:45 que si des extraterrestres venaient atterrisser aux Etats-Unis
00:28:49 et proposaient d'échanger tous les Noirs des Etats-Unis
00:28:53 contre des technologies dépolluantes,
00:28:57 bien sûr, tous les Américains voteraient
00:28:59 pour se débarrasser des Noirs,
00:29:02 et les Noirs repartiraient, dit-il, en soucoupe volante,
00:29:04 comme ils sont arrivés dans les bateaux des négriers.
00:29:06 Donc l'idée que la haine à l'égard des Noirs,
00:29:09 les seuls qui ne voteraient pas pour cela, dit-il,
00:29:12 c'est les Juifs, parce que les Juifs,
00:29:14 s'il n'y avait plus les Noirs, seraient les premières victimes,
00:29:16 seraient les racistes de remplacement.
00:29:18 Vous voyez des choses assez délirantes
00:29:21 qui indiquent que, pour eux,
00:29:23 le racisme ne pourra jamais se terminer.
00:29:25 Quoi qu'il arrive, le racisme persistera toujours.
00:29:28 Alors, il y a une autre perspective,
00:29:30 eschatologique, si l'on veut, mais qui n'est guère plus optimiste,
00:29:35 c'est évidemment l'écologisme apocalyptique,
00:29:38 le catastrophisme.
00:29:39 On va vers une disparition de la planète
00:29:42 sous l'effet notamment du privilège blanc,
00:29:44 voire par exemple aussi en Sandrine Rousseau,
00:29:46 parce que c'est la plus connue en France,
00:29:48 qui parle non pas d'anthropocène, mais d'androcène,
00:29:51 c'est-à-dire que ceux qui ont saccagé la planète,
00:29:53 ce sont les hommes blancs occidentaux,
00:29:56 et c'est eux qui sont responsables de tout cela.
00:29:58 C'est l'homme blanc européen qui a saccagé la planète.
00:30:01 Alors, évidemment, lorsque je parle de tout ça,
00:30:04 on me dit, mais pourquoi...
00:30:07 Est-ce que ce n'est pas une secte, tout simplement ?
00:30:08 Alors, je dirais que oui, c'est une secte,
00:30:12 c'est une mauvaise nouvelle, et non, c'est une religion,
00:30:15 parce qu'évidemment, c'est une secte qui a largement réussi.
00:30:20 On voit très bien qu'aujourd'hui,
00:30:24 cette religion a conquis
00:30:27 une bonne partie du monde universitaire occidental,
00:30:30 une bonne partie des médias, de la culture,
00:30:32 des entreprises, etc.
00:30:35 Et c'est une secte, et c'est inquiétant,
00:30:37 parce que, évidemment, dans mon bouquin,
00:30:39 je cite un livre qui est extraordinaire,
00:30:41 que vous connaissez sûrement, le livre de Festinger,
00:30:43 "L'échec d'une prophétie",
00:30:44 le grand livre de psychologie sociale.
00:30:46 C'est une étude qui a été menée en 54-55
00:30:49 par un sociologue et ses élèves.
00:30:53 Une...
00:30:54 Une...
00:30:57 mère au foyer, enfin, femme de mère au foyer,
00:30:59 annonce que le monde va disparaître le 25 décembre qui suit
00:31:03 sous l'effet d'un déluge,
00:31:06 et elle prêche, comme ça, elle réunit des gens pour prêcher,
00:31:09 pour essayer d'éviter ce déluge.
00:31:11 Festinger a eu l'idée, très bonne idée,
00:31:13 de se...
00:31:16 de rentrer avec quelques-uns de ses étudiants dans cette secte
00:31:18 pour voir ce qui allait se passer le lendemain du 25 décembre,
00:31:21 parce qu'il se doutait bien que ça n'allait pas s'arrêter,
00:31:23 et il y va, et effectivement, il se rend compte
00:31:26 que le jour où, le 25 décembre,
00:31:29 la soucoupe n'atterrit pas,
00:31:31 le monde n'est pas...
00:31:34 On se lit sous un déluge,
00:31:36 et effectivement, il y a un moment de difficulté,
00:31:38 c'est ce qu'on appelle la dissonance cognitive,
00:31:40 c'est là, grosso modo, que date cette expression,
00:31:45 mais en fait, ce que dit là Marianne Kitsch,
00:31:48 la leader de cette secte, c'est qu'en fait,
00:31:51 ouf, c'est parce qu'on a énormément prié
00:31:53 que le monde n'a pas disparu,
00:31:54 c'est bien la preuve que notre religion marche
00:31:57 et elle continue, et ça ne va pas se défaire tout de suite,
00:32:00 c'est-à-dire qu'on pourrait se dire, du jour au lendemain,
00:32:02 ça s'arrête, ça ne s'arrête pas de cette manière,
00:32:05 et la conclusion de Festinger est tout à fait...
00:32:08 Vaut, me semble-t-il, pour les woke,
00:32:11 "L'homme de foi, dit-il, est inébranlable.
00:32:14 "Dites-lui votre désaccord, il vous tourne le dos.
00:32:16 "Montrez-lui des faits et des chiffres,
00:32:18 "il vous interroge sur leur provenance.
00:32:20 "Faites appel à la logique,
00:32:22 "il ne voit pas en quoi cela le concerne."
00:32:24 C'est amusant, c'est la logique,
00:32:25 c'est pas son problème, si vous faites appel à la logique,
00:32:28 et de ce point de vue-là, je pense que
00:32:30 c'est une mauvaise nouvelle, si je puis dire,
00:32:32 parce qu'il me semble que
00:32:35 c'est un immense problème qui se pose à nous.
00:32:37 On ne va pas s'en sortir avec l'argumentation.
00:32:40 Et dernier point, et ça me semble être le point essentiel,
00:32:43 même s'il a rarement été noté,
00:32:45 cette religion, c'est, à ma connaissance,
00:32:48 la première religion universitaire.
00:32:50 C'est la première religion qui soit née dans les universités.
00:32:53 C'est rarement noté.
00:32:54 Évidemment, les universités médiévales
00:32:57 ont enseigné le christianisme,
00:32:59 mais c'était né en dehors.
00:33:01 Les universités du XIXe siècle,
00:33:04 les universités fondées sur le modèle
00:33:06 des universités de recherche allemande,
00:33:08 sont des lieux de science,
00:33:10 sont des lieux de critique scientifique.
00:33:12 Ce sont des lieux où les religions ont plutôt été étudiées,
00:33:15 disséquées historiquement,
00:33:17 qu'elles n'ont été...
00:33:20 qu'elles n'ont été embrassées d'une certaine manière.
00:33:24 Et effectivement, on se trouve dans une situation
00:33:25 tout à fait étonnante
00:33:27 où le lieu de la science, de la raison, des lumières,
00:33:30 le lieu qui est théoriquement le conservatoire
00:33:32 de l'argumentation scientifique des échanges
00:33:35 est un lieu qui est le plus religieux,
00:33:37 le plus haut au monde.
00:33:39 Alors, je rappelle de ce point de vue-là
00:33:41 l'article L141-6 du Code de l'éducation,
00:33:44 qui expliquait exactement ce que devait être
00:33:46 l'enseignement supérieur.
00:33:47 Le service public de l'enseignement supérieur
00:33:49 est laïque et indépendant de toute emprise politique,
00:33:52 économique, religieuse ou idéologique.
00:33:55 Il tend à l'objectivité du savoir.
00:33:57 Il respecte la diversité des opinions.
00:34:01 Et le professeur d'université est libre de son expression
00:34:05 dans les réserves que lui imposent 2 traditions universitaires,
00:34:08 2 principes, tolérance, objectivité.
00:34:10 Ces principes sont bafoués de part en part.
00:34:14 Il n'y a plus la moindre diversité d'opinion
00:34:16 et il est très difficile de faire respecter
00:34:19 la diversité d'opinion dans les universités.
00:34:21 Il n'y a plus de recherche de la connaissance objective.
00:34:24 Il n'y a plus d'échange d'arguments.
00:34:26 C'est quelque chose qui est tout à fait grave.
00:34:29 Et alors, c'est d'autant plus grave,
00:34:31 et ça, c'est d'un point de vue, je dirais, de diffusion,
00:34:33 que nous sommes maintenant dans une économie de la connaissance,
00:34:36 que dit très bien un journaliste américain,
00:34:38 gay, très progressiste, qui dit,
00:34:41 "Nous vivons tous sur les campus maintenant."
00:34:43 "Nous vivons tous sur les campus maintenant."
00:34:44 Andrew Sullivan.
00:34:46 Et le problème, c'est que cette religion des universités,
00:34:49 c'est de fait la religion des gens qui sortent
00:34:53 de ces universités, les gafemmes,
00:34:55 les grandes entreprises internationales,
00:34:58 les médias, la culture, etc.
00:35:00 Et donc, de ce point de vue-là, il me semble tout à fait important
00:35:03 de voir que c'est une religion universitaire.
00:35:08 Ça ne s'est jamais produit dans l'histoire
00:35:10 et c'est quelque chose qui me semble extrêmement préoccupant.
00:35:13 Alors, par ailleurs, mais je ne vais pas insister trop là-dessus,
00:35:16 si je parle de religion, c'est parce qu'il s'agit de...
00:35:21 Je ne pense pas que cela ait à voir avec la French theory.
00:35:25 Si j'insiste sur cet aspect religieux, c'est pour cela.
00:35:28 Il y a évidemment des différences qui me semblent...
00:35:30 Alors, pourquoi les intellectuels français disent-ils
00:35:32 que c'est la French theory ? C'est de l'hubris.
00:35:34 On croit qu'on a inventé quelque chose,
00:35:36 que nos prédécesseurs ont inventé quelque chose
00:35:38 qui saccage la Terre entière.
00:35:40 C'est évidemment un orgueil mal placé,
00:35:42 en une certaine manière.
00:35:43 Mais il y a toute une série de différences.
00:35:46 D'abord, différences de style.
00:35:48 Les Derrida, Foucault, Lacan, etc.
00:35:50 sont des auteurs ironiques, sont des auteurs mobiles.
00:35:53 Là, nous avons affaire à des militants tout à fait bornés.
00:35:57 Deuxième différence,
00:35:59 les auteurs de la French theory, quoi qu'on dise,
00:36:01 ne sont pas vraiment des politiques.
00:36:03 Ils proclament au contraire la fin des grands récits,
00:36:06 la fin de la politique.
00:36:07 Et surtout, les Wokes sont des penseurs identitaires,
00:36:10 de race, de genre, etc.
00:36:12 Alors que les penseurs de la French theory
00:36:18 sont des critiques de l'identité,
00:36:22 de la notion de sujet.
00:36:24 Et d'ailleurs, les théoriciens du genre et de la race
00:36:27 les plus subtils
00:36:29 se rendent compte qu'il ne faut rien reprendre
00:36:31 à ce qu'ils appellent ces mâles blancs morts,
00:36:34 ces théoriciens de la French theory,
00:36:36 parce qu'ils critiquent l'identité.
00:36:38 Or, comme dit Bell Hooks,
00:36:39 une des plus brillantes de ses auteurs,
00:36:43 nous ne devons pas nous référer à eux.
00:36:46 La critique de l'identité,
00:36:47 c'est un luxe de riches
00:36:48 qui sont déjà pourvus d'une identité.
00:36:51 Oui, c'est facile, dit-elle,
00:36:52 d'abandonner une identité quand on en a une.
00:36:55 Pour nous, effectivement,
00:36:57 il ne s'agit pas de critiquer l'identité.
00:37:00 Alors, je vais essayer d'accélérer un petit peu,
00:37:02 je suis peut-être en retard.
00:37:04 Alors, le deuxième point, le contenu de cette religion,
00:37:06 il y a trois théories et une philosophie de la connaissance.
00:37:10 Première théorie, théorie du genre.
00:37:12 Deux théories anthropologiques, théorie du genre,
00:37:14 théorie critique de la race,
00:37:16 ce qu'ils appellent théorie critique de la race.
00:37:18 Une théorie politique, la théorie de l'intersectionnalité,
00:37:21 et une philosophie de la connaissance,
00:37:23 ce qu'ils appellent l'épistémologie du point de vue.
00:37:25 Alors, j'insisterai un peu plus sur la théorie du genre,
00:37:30 dans la mesure où il me semble que c'est la thèse la plus...
00:37:32 qui est au coeur de cette religion Woke.
00:37:36 D'abord, parce que c'est...
00:37:39 Alors, comment résumer la théorie du genre ?
00:37:41 Bon, j'ai repris ce que dit un livre de coloriage
00:37:45 destiné aux enfants du primaire,
00:37:47 livre de coloriage de Black Lives Matter,
00:37:49 qui est très répandu dans les classes américaines.
00:37:51 Voilà, je vous le lis.
00:37:53 "Tout le monde a le droit de choisir son propre genre
00:37:55 "en écoutant son coeur et son esprit.
00:37:57 "Chacun a le droit de choisir s'il est une fille ou un garçon,
00:38:01 "ou les deux, ou aucun des deux, ou autre chose,
00:38:04 "et personne d'autre n'a le droit de choisir pour lui."
00:38:06 C'est ce qu'on enseigne aux enfants dans les écoles primaires.
00:38:09 Donc, ça veut dire que le corps n'existe pas,
00:38:10 seul compte la conscience que l'on a d'être homme,
00:38:14 femme ou n'importe quoi d'autre.
00:38:16 Il y a l'idée que l'on peut être, d'une certaine manière,
00:38:18 dans le mauvais corps, et qu'on est tombé dans le mauvais corps.
00:38:21 Cela se voit avec la notion de...
00:38:24 Une expression qui est assignée, mâle ou femelle, à la naissance,
00:38:28 à mâbe ou à fable,
00:38:30 comme si c'était imposé,
00:38:32 comme si, effectivement, cette identité était imposée
00:38:34 de l'extérieur, que c'est quelque chose
00:38:37 qui pouvait être contraire à ce que souhaiterait l'enfant.
00:38:41 Alors, la question que je me pose...
00:38:43 Alors, je ne vais pas entrer dans le détail de cette théorie de Jean,
00:38:46 mais c'est une vieille histoire.
00:38:47 Ça commence dans les années 50 avec John Monnet.
00:38:49 Donc, c'est bien avant les penseurs de la déconstruction.
00:38:52 Et c'est le modèle, si je puis dire,
00:38:54 de toutes les théories ultérieures
00:38:57 pour l'implémentation globale.
00:38:59 Alors, pourquoi cette promesse séduit-elle ?
00:39:02 Il me semble qu'effectivement, c'est la plus séduisante,
00:39:04 la plus miraculeuse.
00:39:05 C'est l'émancipation portée à son extrême.
00:39:08 On s'est libéré de toute détermination.
00:39:10 Il reste à nous libérer de ce corps qui nous pèse
00:39:13 et auquel on n'arrive pas à donner un sens.
00:39:16 Nos corps ne comptent pas, ce sont nos consciences qui comptent.
00:39:19 Et de ce point de vue-là,
00:39:21 on voit ici une espèce d'émancipation,
00:39:23 un projet d'émancipation porté jusqu'au bout,
00:39:27 ou un progressisme devenu fou, si je puis dire,
00:39:29 avec l'idée que,
00:39:31 puisqu'on ne peut pas encore supprimer la mort,
00:39:33 on peut déjà changer de corps.
00:39:35 Et on voit qu'il y a des rapprochements très nets
00:39:37 entre transhumanisme et transgenreisme.
00:39:39 Un des personnages les plus emblématiques
00:39:42 étant Martin Rotblat, un homme devenu femme
00:39:44 qui est patron d'une société pharmaceutique
00:39:48 et aussi un des grands promoteurs du transhumanisme.
00:39:52 C'est un combat enthousiasmant pour la liberté
00:39:54 et ce qu'ils appellent l'autodétermination.
00:39:57 D'où l'enthousiasme, d'une certaine manière,
00:39:59 des transactivistes.
00:40:01 C'est pour ça aussi que c'est le sujet
00:40:04 qui choque le plus et qui est le plus problématique.
00:40:08 Et je dirais que c'est ce qui est le plus original.
00:40:09 C'est-à-dire qu'à la rigueur, la théorie de la race,
00:40:11 c'est la guerre des races reprise
00:40:13 ou la lutte des classes, plus ou moins.
00:40:15 L'intersectionnalité, c'est la convergence des luttes.
00:40:18 La théorie du genre, c'est vraiment quelque chose
00:40:19 qui est très nouveau.
00:40:21 Il y a une dimension véritablement religieuse
00:40:23 derrière cela.
00:40:24 Cela fait penser, bien sûr, à l'hérésie chrétienne
00:40:27 de la gnose, au IIe siècle,
00:40:28 pour laquelle le corps est le mal dont il faut se libérer.
00:40:32 Il y a l'idée que l'on doit pouvoir, effectivement,
00:40:34 que ce sont nos consciences qui doivent pouvoir
00:40:36 fabriquer le monde.
00:40:38 Alors, on voit l'enthousiasme religieux des trans,
00:40:41 notamment Béatrice Preciado, le plus célèbre en France,
00:40:46 qui est devenue Paul Preciado,
00:40:48 qui explique qu'il a choisi son nom dans un rêve,
00:40:51 une nuit de rêve, son nouveau nom de Paul.
00:40:53 Bon, Paul, ça rappelle évidemment le fondateur
00:40:55 d'une autre religion,
00:40:56 et qui propose que Notre-Dame de Paris
00:40:58 soit désormais consacrée au culte trans.
00:41:00 Je propose que l'Etat français retire à l'Église
00:41:02 la garde de Notre-Dame de Paris
00:41:04 et transforme cet espace en un centre d'accueil
00:41:06 et de recherche féministe, queer, trans et antiraciste,
00:41:09 et de lutte contre les violences sexuelles.
00:41:11 Alors, bon, ça m'aurait fait sourire,
00:41:14 mais quand on lit les textes de Preciado,
00:41:18 c'est quelque chose qui est tout à fait étonnant.
00:41:20 Alors, je ne vais pas insister trop,
00:41:21 d'abord parce que je suis en retard
00:41:22 et parce que je crois que Claude Habib vous en parlera,
00:41:25 des conséquences que cela peut avoir pour les adolescentes,
00:41:28 puisqu'effectivement, cette dysphorie de genre
00:41:31 frappe essentiellement les adolescentes,
00:41:33 alors que la dysphorie de genre traditionnelle
00:41:36 touchait plutôt des petits garçons 4-5 ans
00:41:39 et cela passait ensuite.
00:41:41 Là, il y a effectivement une explosion des cas de transgenre.
00:41:46 Les sondages sont tout à fait étonnants là-dessus.
00:41:49 C'est tout à fait étonnant,
00:41:50 puisque... C'est étonnant et pas étonnant,
00:41:53 puisqu'on apprend aux enfants et aux adolescents
00:41:55 désormais à déconstruire le genre,
00:41:57 c'est-à-dire à douter de leur sexe.
00:41:59 Par exemple, en Écosse, on enseigne aux enfants,
00:42:02 "Your gender is what you decide."
00:42:04 Ton genre, c'est toi qui en décide.
00:42:05 On imagine la perplexité des jeunes sur ce point.
00:42:09 Il y a toute une série de cas qui sont rapportés à ce sujet.
00:42:12 Je dirais que cet engouement transgenre
00:42:17 est quelque chose qui est tout à fait étonnant.
00:42:20 Il faut se rappeler qu'un grand historien de la médecine
00:42:24 et de la psychiatrie, Jan Hacking,
00:42:26 a montré que les catégories dans les sciences humaines
00:42:28 sont des catégories qu'il appelle interactives.
00:42:31 Ca fabrique des gens.
00:42:32 Lorsque vous dites, il y a une nouvelle nosographie,
00:42:35 il y a un nouveau cas, la dysphorie de genre,
00:42:38 il y a des gens qui vont s'en emparer
00:42:40 et qui vont transformer et s'approprier
00:42:43 cette nouvelle catégorie nosologique.
00:42:46 Alors, de ce point de vue-là, je dirais qu'effectivement,
00:42:50 il y a bien des précautions à avoir,
00:42:52 sinon on s'oriente vers des...
00:42:55 Oh, pardon. Vers des...
00:42:57 Merci.
00:42:59 Donc cette question du genre a des conséquences très évidentes
00:43:03 puisqu'elle conduit à la volonté d'effacer les femmes.
00:43:06 La notion de femme est quelque chose qui est choquant
00:43:08 pour les trans, etc.
00:43:11 Et donc, on ne va plus parler de femmes,
00:43:13 mais de personnes qui menstruent.
00:43:15 On ne va plus parler de femmes enceintes,
00:43:16 mais de personnes enceintes.
00:43:18 On ne va plus parler de lait maternel,
00:43:19 mais de lait parental.
00:43:21 Et ceux qui protestent contre cela
00:43:22 sont critiqués très violemment sur les réseaux sociaux.
00:43:26 Vous savez que J.K. Rowling est désormais persécuté
00:43:29 pour avoir simplement rappelé que,
00:43:31 plutôt que de parler de personnes qui ont leurs règles,
00:43:33 il vaudrait mieux parler de femmes.
00:43:35 Et on en arrive aussi au moment
00:43:36 où un juge nouvellement nommé à la Cour suprême,
00:43:38 à qui on demande ce que c'est qu'une femme,
00:43:40 dit "Ah, je ne peux pas vous répondre,
00:43:41 "je ne suis pas biologiste."
00:43:42 C'est quand même tout à fait étonnant,
00:43:44 d'autant qu'elle s'était vantée, justement,
00:43:46 d'être la première femme noire à la Cour suprême.
00:43:49 C'est aussi la fin des sports féminins,
00:43:51 c'est la fin des prisons...
00:43:55 du caractère féminin de certaines prisons, etc.
00:43:59 Alors, évidemment, critiquer ce transactivisme
00:44:02 n'a, à mon avis, rien à voir avec les discriminations sexuelles.
00:44:06 Ce sont au contraire les trans, aujourd'hui,
00:44:08 qui sont très hostiles aux féministes, aux lesbiennes,
00:44:11 qu'il qualifie de "terf",
00:44:13 entre "féministes excluant les trans".
00:44:18 Alors, ce qui est aussi intéressant,
00:44:20 c'est qu'il y a une guerre, une véritable guerre
00:44:22 contre la réalité qui se mène autour de cette question du genre.
00:44:25 Il ne faut plus croire le témoignage de nos sens.
00:44:29 Si on voit quelqu'un qui est un homme
00:44:31 et qu'il vous dit qu'il est une femme,
00:44:32 il faut s'adresser à lui comme s'il était une femme.
00:44:35 Il y a la fameuse vidéo chez Schneiderman,
00:44:37 que vous connaissez peut-être,
00:44:38 où un homme dit "je ne suis pas un homme, monsieur".
00:44:40 Le problème, c'est qu'on ne peut plus faire confiance à ses sens.
00:44:44 Le langage perd tout sens.
00:44:46 Si un homme peut avoir, comme le dit le planning familial,
00:44:50 si une femme peut avoir un pénis,
00:44:52 effectivement, on ne sait plus très bien ce que c'est qu'une femme.
00:44:55 On pourrait appeler la femme "scrome",
00:44:56 comme le dit Helen Joyce dans un livre tout à fait intéressant.
00:45:00 Le langage perd cette signification.
00:45:02 Alors que si on demande ça à des adultes consentants, pourquoi pas ?
00:45:05 Qu'il faut qu'ils écoutent de manière bienveillante
00:45:09 ce nouveau point de vue que quelqu'un a sur lui-même.
00:45:11 Mais le demander à des enfants,
00:45:12 ça me semble être quelque chose d'extrêmement destructeur.
00:45:15 Attention, simplement, à ne pas dire ça.
00:45:18 Une philosophe lesbienne, philosophe analytique,
00:45:22 Kathleen Stock, a dû renoncer à son job
00:45:25 parce qu'elle avait dit que le genre, c'est une fiction.
00:45:28 C'est comme toutes les fictions, ça peut avoir des effets positifs,
00:45:31 mais on risque aussi de se perdre dans cette immersion dans la fiction.
00:45:35 Et de ce point de vue-là aussi,
00:45:37 il y a un point qui est tout à fait étonnant.
00:45:39 C'est que cette guerre à la réalité me semble très préoccupante
00:45:44 parce qu'il s'agit, au fond, de rejoindre les idéologies
00:45:48 des gaffes-femmes du monde virtuel.
00:45:50 Les gens qui sont favorables au métaverse...
00:45:53 Oui, dans le métaverse, on peut changer de genre
00:45:55 par un simple clic.
00:45:57 Et de ce point de vue-là, la séduction de ces théories du genre
00:46:01 va de paire, effectivement, avec une vie totalement
00:46:04 dans le monde virtuel des ordinateurs, etc.
00:46:08 Il y avait des phrases prémonitoires de Christopher Lach
00:46:11 dans son dernier livre, "La révolte des élites",
00:46:14 où il remarquait que ces élites,
00:46:15 qui ne travaillent que sur des calculs
00:46:17 et sur des opérations mentales,
00:46:18 ont perdu le contact avec le réel,
00:46:20 vivent dans un monde d'abstraction et d'image,
00:46:22 et méprisent les travailleurs manuels
00:46:24 qui sont encore en contact avec le réel.
00:46:28 À propos, le Covid, justement, a fait voir
00:46:31 qu'il y avait des travailleurs du monde réel
00:46:33 qui livrent les gens qui sont derrière l'ordinateur
00:46:35 et des travailleurs du monde virtuel.
00:46:37 Et les travailleurs du monde réel savent que le monde existe encore.
00:46:41 C'est ce qui fait, me dirais-je, la gravité de ces idéaux,
00:46:44 que ce n'est pas juste un délire universitaire,
00:46:46 ça colle tout à fait avec l'idéologie des gaffes-femmes.
00:46:49 Je cite plusieurs auteurs théoriciens du métaverse
00:46:52 qui sont tout à fait dans cette direction.
00:46:55 Deuxième point, la théorie critique de la race,
00:46:58 bon, je serai plus rapide,
00:47:00 c'est une théorie directement opposée
00:47:02 à l'antiracisme universaliste,
00:47:04 une théorie, soit disant, antiraciste
00:47:05 qui est obsédée par la race.
00:47:07 On fait à nouveau des "race studies" à la Sorbonne.
00:47:11 Le fait de ne pas prêter attention à la couleur,
00:47:13 dire, par exemple, "je me moque que vous soyez
00:47:15 "noir, jaune, blanc ou vert",
00:47:16 c'est le pire racisme, c'est le comble du racisme.
00:47:20 Si vous ne voyez pas qu'il faut toujours tenir compte
00:47:23 à la couleur, c'est que vous êtes un blanc raciste.
00:47:25 Et il y a une critique explicite de l'universalisme.
00:47:28 L'universalisme, c'est une idée de blanc.
00:47:31 Il n'y a que les blancs qui peuvent croire
00:47:33 que tous les hommes sont...
00:47:35 que la question de la race n'est pas essentielle.
00:47:40 C'était tout à fait étonnant.
00:47:42 Et on voit que, de ce point de vue-là,
00:47:43 pour être antiraciste, il faut toujours tenir compte
00:47:46 de la race pour discriminer contre les discriminations.
00:47:50 Cela va directement contre l'idée
00:47:52 de responsabilité individuelle.
00:47:53 Le racisme est systémique, institutionnel,
00:47:56 d'atmosphère, etc.
00:47:58 C'est ce que l'on enseigne dans les écoles américaines,
00:48:00 où l'on enseigne aux enfants blancs
00:48:02 qu'ils sont déjà racistes dès 2-3 ans
00:48:06 et aux enfants noirs qu'ils sont déjà victimes.
00:48:08 Alors, ce qui est tout à fait...
00:48:10 Bon, alors, quand notre ministre de l'Education
00:48:12 dit "c'est dommage, on ne parle pas assez de race en France
00:48:14 "à cause de l'extrême droite", je lui répondrai
00:48:16 "non, on ne parle pas de race en France
00:48:18 "parce qu'on est universaliste et républicain",
00:48:20 en tout cas, théoriquement.
00:48:21 Et ce qui est très étonnant, c'est que les plus critiques
00:48:24 de ces théories antiracistes-racistes,
00:48:26 si je puis dire, sont des intellectuels noirs
00:48:29 universalistes, par exemple,
00:48:31 John McWhorter, Glenn Lowry, etc.,
00:48:33 Thomas Sheldon Williams,
00:48:35 qui ne supportent pas que l'on considère
00:48:37 que leurs enfants sont des victimes par définition
00:48:39 et qui considèrent qu'on ne doit pas faire
00:48:42 une éducation spéciale pour les Noirs,
00:48:45 et en particulier le cas tout à fait étonnant
00:48:47 d'un programme de mathématiques équitable
00:48:49 financé par la fondation Gates,
00:48:51 où on explique qu'il n'est pas nécessaire de...
00:48:55 La culture de la suprématie blanche,
00:48:56 c'est quand on met l'accent sur la bonne réponse
00:48:59 ou lorsque les étudiants sont tenus
00:49:01 de montrer leur travail.
00:49:02 Il n'y a pas de mathématiques objectives,
00:49:04 il faut enseigner le rôle des mathématiques
00:49:07 dans les discriminations sociales.
00:49:08 La plupart des universitaires noirs
00:49:10 ne veulent pas qu'on enseigne ce genre de choses.
00:49:12 McWhorter a écrit un livre tout à fait passionnant
00:49:14 qui s'appelle "Le racisme woke,
00:49:16 "comment une nouvelle religion a trahi l'Amérique noire".
00:49:19 On voit qu'effectivement, les stéréotypes racistes
00:49:23 sont omniprésents dans cette perspective.
00:49:26 Troisième théorie, je m'excuse, je vais un peu vide,
00:49:29 mais je crois qu'il faut que je sois dans le temps à peu près.
00:49:32 La théorie de l'intersectionnalité,
00:49:34 qui est une thèse politique
00:49:35 qui permet de potentialiser la théorie du genre
00:49:38 et la théorie critique de la race.
00:49:40 Il s'agit de voir qu'on peut être victime
00:49:42 de plusieurs côtés à la fois.
00:49:44 L'image inventée par Kimberley Crenshaw
00:49:46 vient d'une série de procès qui ont été faits par des femmes noires
00:49:49 qui s'estimaient discriminées par des grandes entreprises
00:49:52 à la fois comme femmes et comme noires
00:49:54 et qui n'arrivaient pas à se faire entendre
00:49:56 parce que ce n'était pas prévu.
00:49:58 Elle fait la comparaison avec une intersection routière.
00:50:02 Les femmes noires peuvent être victimes
00:50:03 de discrimination de plusieurs façons.
00:50:07 Lorsque deux routes à double sens se croisent,
00:50:08 la circulation se fait dans quatre directions différentes.
00:50:13 La discrimination comme la circulation
00:50:14 peut se faire dans un sens ou un autre.
00:50:15 Si un accident se produit à une intersection,
00:50:17 il peut être causé par des voitures
00:50:19 venant de plusieurs directions
00:50:20 et parfois de toutes les directions.
00:50:23 Donc, il y a l'idée d'une convergence des luttes
00:50:25 et d'une potentialisation des victimisations.
00:50:28 On peut être victime à la fois de...
00:50:32 Pardon.
00:50:36 De grossophobie, de capacitisme, de validisme, etc.
00:50:41 Et on peut ajouter d'autres discriminations potentielles.
00:50:44 Par exemple, en France, on va rajouter l'islamophobie,
00:50:47 le décolonial, etc.
00:50:50 Et il y a une course, d'une certaine manière,
00:50:52 à la fragilisation qui se prospère
00:50:54 sur fond de sentiments de fragilité.
00:50:57 La nouvelle approche universitaire en termes de care, par exemple,
00:51:00 explique que c'est la fragilité qui est une vertu.
00:51:04 On voit aussi la fabrication des fragiles.
00:51:07 Voir le livre, par exemple, des deux psychologues,
00:51:08 Haidt et Loukianov, qui est tout à fait intéressant,
00:51:11 où on voit que ces enfants de la génération Z
00:51:12 sont fragilisés par des parents en hélicoptère
00:51:15 qui enlèvent toute difficulté autour d'eux.
00:51:19 Cela joue évidemment sur le sentiment de culpabilité
00:51:21 des hommes blancs, occidentaux, cisgenres.
00:51:24 Mais c'est un moyen, effectivement,
00:51:26 de faire converger des luttes, de potentialiser des luttes,
00:51:29 mais de plusieurs identités fixes et définies.
00:51:32 C'est-à-dire qu'on ne va pas lutter...
00:51:34 Évidemment, chacun d'entre nous peut être discriminé
00:51:36 de plusieurs manières,
00:51:37 mais là, il s'agit de faire converger des luttes
00:51:40 de groupes victimaires différents.
00:51:43 Quatrième thèse, la thèse philosophique,
00:51:45 thèse de théorie de la connaissance.
00:51:48 La voie a été ouverte par les critiques de la biologie,
00:51:50 qui, par la théorie du genre,
00:51:52 par exemple, un de mes collègues explique
00:51:55 que la biologie traditionnelle,
00:51:56 noubiaise, patriarcale,
00:51:58 elle s'est vautrée dans l'androcentrisme
00:52:00 et l'hétérosexisme.
00:52:02 L'immunologie qui distingue le soi et le non-soi
00:52:04 serait une doctrine raciste et colonialiste.
00:52:06 Et il faudrait, selon le même auteur,
00:52:08 constituer une antibiologie
00:52:10 gynocentrique, matriarcale ou homosexiste.
00:52:13 Bon, pour beaucoup d'entre nous,
00:52:15 ça rappelle, Dominique Lecour était content d'être là,
00:52:18 l'opposition chez Lysenko
00:52:20 de la science bourgeoise et la science prolétarienne.
00:52:22 Cela ouvre une fois à la critique de toutes les sciences,
00:52:25 y compris les plus pures.
00:52:26 Les mathématiques sont racistes et virilistes.
00:52:29 Alors, on a le témoignage tout à fait étonnant
00:52:30 de Sergiu Kleinermann,
00:52:32 un immense mathématicien américain d'origine roumaine,
00:52:35 qui dit, au moins, en Roumanie,
00:52:36 "Je cherche les scouts", nous laisser la paix
00:52:38 avec les mathématiques. On pouvait travailler tranquillement.
00:52:40 Voir aussi les médecins français
00:52:42 qui perdent leur temps en semaine du genre
00:52:44 ou à qui on reproche de sélectionner le meilleur
00:52:47 plutôt que de tenir compte de sa race, son origine, etc.
00:52:52 La science occidentale, dans son ensemble,
00:52:54 serait raciste, colonialiste, etc.
00:52:56 Parce que, par exemple, la médecine coloniale,
00:52:59 c'est une médecine qui a participé à la colonisation.
00:53:02 Les mathématiques ont servi le calcul,
00:53:04 plutôt ont servi à compter les esclaves
00:53:06 dans les bateaux de négriers.
00:53:08 Donc, il faut en finir avec cela.
00:53:10 Et plus largement, il faut constituer
00:53:12 de nouvelles épistémologies,
00:53:13 de nouvelles philosophies de la connaissance.
00:53:16 C'est ce qui occupe à temps plein, si je puis dire,
00:53:18 les philosophes woke actuellement,
00:53:22 contre la recherche d'une vérité objective.
00:53:24 Il n'y a que des épistémologies du point de vue féministe,
00:53:27 décoloniale, intersectionale, subalterne, etc.
00:53:30 Donc, il y a l'idée que la connaissance objective
00:53:32 ne peut pas exister.
00:53:33 Ceci, deux auteurs de ce courant.
00:53:35 "L'idée chère, dit Stel, à l'épistémologie objectiviste,
00:53:39 "qu'il est possible d'être nulle part et partout
00:53:41 "en surplomb du monde pour l'observer, est donc fausse.
00:53:43 "Cela masque une position spécifique,
00:53:46 "une vision particulière, celle des dominants,
00:53:49 "rendue possible par des institutions sociales
00:53:51 "qui la soutiennent en organisant son apparente neutralité."
00:53:54 Donc, on sait bien, la sociologie de la connaissance,
00:53:57 sait bien qu'il y a des biais en science,
00:53:59 mais il s'agit, c'est l'objectif en général de l'épistémologie,
00:54:03 c'est de lutter contre ces biais.
00:54:05 Pour les Wok, au contraire, toute science est située,
00:54:07 et c'est un aspect favorable.
00:54:09 Il faut simplement revendiquer cela
00:54:12 et opposer les sciences faites du point de vue des dominés
00:54:15 aux sciences faites des points de vue des dominants.
00:54:17 Et il y a vraiment l'idée
00:54:19 qu'il faut se débarrasser de la science traditionnelle.
00:54:22 Il y a un exemple que je cite longuement dans mon livre,
00:54:24 c'est ce qui se passe en Nouvelle-Zélande,
00:54:26 où désormais les savoirs maoris,
00:54:27 qui sont des mythes tout à fait respectables, très beaux,
00:54:31 sont enseignés comme étant de la science.
00:54:33 Et les quelques rares scientifiques qui ont osé protester
00:54:37 ont été complètement mis à l'écart.
00:54:40 Il ne s'agit pas de dire qu'il ne faut pas enseigner les Maoris,
00:54:43 mais il faut les enseigner comme étant de la science.
00:54:45 Les plus grands biologistes américains ont réagi en disant
00:54:47 qu'on ne s'est pas battus contre le créationnisme chrétien
00:54:51 pour accepter le créationnisme maori.
00:54:53 Alors, en conclusion, je dirais quelques mots,
00:54:57 parce qu'il me semble que ce qui est le plus frappant,
00:54:59 ce n'est pas du tout, contrairement à ce qu'on croit,
00:55:00 une théorie de gauche progressiste, etc.,
00:55:02 c'est au contraire une théorie qui s'attaque directement aux Lumières.
00:55:07 La théorie critique de la race s'en prend à l'idée d'universalisme.
00:55:11 L'idée de l'humain universel, c'est une idée de blanc.
00:55:15 On n'échappe jamais à sa communauté d'origine.
00:55:17 D'Angelo, Kendi, etc., critiquent l'universalisme
00:55:21 qui serait un ennemi à combattre.
00:55:26 Alors, ça fait penser un petit peu à leur idée...
00:55:27 L'homme n'existe pas.
00:55:29 Ça fait penser à l'idée de Maestre.
00:55:31 J'ai vu dans ma vie des Français, des Italiens, des Russes,
00:55:33 mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir jamais rencontré
00:55:35 de ma vie.
00:55:36 Critique de l'idée d'individu autodôme
00:55:38 contre l'idée que l'on peut choisir ses appartenances,
00:55:41 que l'on peut se forger une identité propre.
00:55:44 D'Angelo, par exemple, critique l'individualisme
00:55:46 qui stipule que chacun d'entre nous est unique
00:55:48 et se distingue des autres,
00:55:49 même à l'intérieur de nos groupes sociaux.
00:55:52 Comme le résume très bien l'écrivain américain
00:55:54 Brett Easton Ellis, le but des woke,
00:55:56 c'est de se débarrasser de l'individu,
00:55:58 c'est de revenir à une pensée tribale.
00:56:01 On voit d'ailleurs leur réaction au livre de Philippe Roth,
00:56:03 le grand livre de Philippe Roth,
00:56:04 la tâche sur l'idée qu'on peut se choisir son individualité,
00:56:08 qu'on n'est pas obligé de rester enfermé
00:56:10 dans sa communauté d'origine.
00:56:11 Pour eux, ce n'est pas un chef-d'oeuvre absolu.
00:56:14 C'est une offensive réactionnaire
00:56:16 contre la théorie critique de la race.
00:56:18 Et ils retrouvent cette idée qu'il n'y a pas d'individu,
00:56:21 qu'il n'y a que du nous.
00:56:22 Ça me fait penser, moi, de Bonal,
00:56:23 d'autres philosophes contre-révolutionnaires
00:56:25 qui voulaient une philosophie du nous
00:56:27 contre la philosophie du moi.
00:56:28 Critique aussi, enfin, de la raison et du rationalisme,
00:56:31 un éloge du sentiment, de l'expérience vécue,
00:56:34 refus de l'échange argumenté.
00:56:36 Seul le sentiment compte,
00:56:38 seules les femmes, les noirs, les trans
00:56:39 savent ce que sont les femmes, les noirs, les trans.
00:56:42 Si quelqu'un d'autre s'en occupe,
00:56:43 c'est effectivement ce qu'on appelle
00:56:44 l'appropriation culturelle.
00:56:46 Ça veut dire qu'il y a un refus radical
00:56:48 de l'altérité, de la connaissance d'autrui.
00:56:51 On voit que, par exemple, Sandrino Usso dit
00:56:53 que le coupable, c'est le rationalisme de Descartes,
00:56:56 et c'est aussi la pensée de Buffon et de Linné,
00:56:59 qui ont commis le crime de vouloir classer la nature.
00:57:01 Pour qui a lu et apprécié Buffon et Linné,
00:57:04 c'est quand même un peu fort de café.
00:57:07 Et de ce point de vue-là,
00:57:08 les fondateurs de la théorie critique de la race,
00:57:10 Delgado et Stéphane Schick, deux juristes,
00:57:12 se prononcent au début de leur manuel
00:57:14 de théorie critique de la race contre, je cite,
00:57:16 "contre l'universalisme, contre l'individualisme,
00:57:18 "contre le progrès,
00:57:19 "contre les fondements de l'ordre libéral,
00:57:21 "contre le rationalisme des Lumières,
00:57:23 "contre les principes neutres du droit constitutionnel."
00:57:26 Et on voit effectivement qu'il y a une offensive,
00:57:29 une véritable offensive contre les Lumières.
00:57:32 Alors, je dirais que, effectivement,
00:57:33 ce qui me semble étonnant,
00:57:35 mais je crois qu'on va s'arrêter là,
00:57:36 parce qu'il y aurait des questions à développer
00:57:39 sur ce qu'on peut faire,
00:57:40 ce qui est très étonnant, c'est de voir
00:57:41 que les héritiers des Lumières
00:57:43 ne sont pas les premiers à réagir.
00:57:45 Et moi, je suis très frappé de voir
00:57:47 que les universitaires qui sont hostiles à ces thèses...
00:57:50 On se connaît tous en France, on est une centaine, à peu près,
00:57:53 et on se connaît tous personnellement.
00:57:55 Et c'est assez étonnant de voir cela.
00:57:57 Alors, est-ce que c'est parce que certains voient,
00:57:59 par exemple, dans la théorie du genre,
00:58:01 le comble de l'émancipation,
00:58:03 la fin promise des doctrines progressistes,
00:58:07 ou est-ce que c'est simplement qu'ils sont tombés,
00:58:10 si je puis dire, avec les idées chrétiennes,
00:58:12 qui, elles aussi, ont disparu, je ne sais pas ?
00:58:14 Alors, la question qu'on pourrait se poser,
00:58:17 c'est que faire, qu'on me pose souvent.
00:58:19 Que faire ? Je dirais qu'il y a effectivement
00:58:20 plusieurs choses à voir.
00:58:22 C'est que...
00:58:23 On pourrait, de toute façon, déjà se dire
00:58:25 qu'il faut toujours dire non,
00:58:27 même si ce n'est pas si facile que ça,
00:58:28 mais Barry Weiss, qui est une des journalistes
00:58:30 les plus actives de ce point de vue-là,
00:58:32 dit que c'est ça, d'abord, la solution.
00:58:35 Faire confiance aussi aux hommes ordinaires.
00:58:38 Je pense en particulier à certaines vidéos
00:58:39 où on voit des parents d'élèves
00:58:41 dans les écoles et des conseils scolaires,
00:58:44 notamment un ouvrier chrétien caldéen
00:58:48 qui dit "Vous voulez enseigner à mes enfants...
00:58:51 "Vous voulez enseigner à mes enfants des pronoms,
00:58:54 "eh bien, appelez mon fils roi,
00:58:56 "appelez ma fille reine,
00:58:57 "et moi, appelez-moi maître, s'il vous plaît."
00:59:00 Bon, je pense qu'il a changé d'école après,
00:59:02 mais... ou des tas de parents latinos ou noirs
00:59:05 qui disent "N'enseignez pas à mes enfants
00:59:07 "que je suis une victime, qu'il est une victime.
00:59:10 "Je ne suis en aucun cas une victime.
00:59:11 "Je ne suis pas juste le résultat du racisme."
00:59:14 Alors, je pense qu'il y a peut-être des choses à faire.
00:59:16 Alors, on voit qu'aux Etats-Unis,
00:59:17 c'est le débat actuellement qui est tout à fait prégnant.
00:59:20 On voit que De Santis, le gouverneur de Floride,
00:59:22 a fait des résultats extraordinaires
00:59:24 en luttant contre la théorie critique de la race,
00:59:27 la théorie du genre dans les écoles.
00:59:29 Et aujourd'hui, depuis quelques jours,
00:59:31 en disant qu'il faudrait supprimer les bureaucraties
00:59:35 autour de la diversité et équité-inclusion,
00:59:37 et il y a 2 jours,
00:59:39 Trump a repris entièrement l'argumentaire de De Santis.
00:59:43 Il me semble que les politiques
00:59:45 commencent à comprendre aux Etats-Unis,
00:59:47 mais je pense que ça va être le cas aussi en France,
00:59:50 qu'il faut faire quelque chose
00:59:51 et que la solution ne peut pas,
00:59:53 en tout cas s'agissant des universités,
00:59:55 venir de l'intérieur.
00:59:57 Bon, je soumets cela à votre réflexion.
01:00:01 Je pense qu'il doit y avoir quelque chose à faire,
01:00:04 mais en tout cas, il y a une attaque vraiment directe
01:00:06 contre les fondements de la civilisation occidentale,
01:00:10 la raison, les lumières, l'universalisme,
01:00:14 et par ailleurs, mais ça, c'est une autre question,
01:00:17 cette dérive nous met dans une situation
01:00:20 très... de faiblesse extrême
01:00:23 à l'égard du monde extérieur
01:00:25 qui nous regarde avec consternation.
01:00:28 Je vous remercie.
01:00:30 (Applaudissements)
01:00:32 (...)
01:00:37 -Bien, merci beaucoup, Jean-François.
01:00:39 Nous allons passer à la phase discussion.
01:00:43 Je rappelle la règle.
01:00:44 La parole est au premier ou à la première qui la demande,
01:00:47 mais merci de vous présenter,
01:00:49 car les débats sont enregistrés, seront transcrits.
01:00:52 Il faut qu'on puisse attribuer à chacun
01:00:55 les propos qui lui reviennent.
01:00:57 Qui demande la parole ? Il y a un micro dans la salle.
01:01:00 -Alain Richard, sénateur.
01:01:03 Puisque vous êtes un universitaire
01:01:05 très implanté dans ce monde,
01:01:07 est-ce que vous pouvez décrire les métastases,
01:01:11 c'est-à-dire les disciplines
01:01:14 dans lesquelles se développe cette démarche
01:01:18 et l'état du rapport de force actuel
01:01:22 du niveau de résistance
01:01:25 des champs disciplinaires et des équipes universitaires ?
01:01:29 Pour qu'on essaie justement de regarder
01:01:31 comment on peut circonscrire le mal.
01:01:34 -Oui, alors, c'est la question qu'il ne faut pas me poser,
01:01:37 parce que c'est une question à laquelle j'ai tendance
01:01:39 à avoir une réponse pessimiste.
01:01:42 S'agissant, en France,
01:01:43 des universités de l'être et sciences humaines,
01:01:46 il me semble que la pénétration de ces idées
01:01:48 est extrêmement importante.
01:01:50 Il y a des gens qui me disent
01:01:51 "Où est-ce que mon enfant pourrait faire des études de philo
01:01:54 "sans avoir ce genre de choses ?"
01:01:55 Je n'ai pas de réponse à lui apporter.
01:01:57 C'est très compliqué.
01:01:59 Je pense que là, c'est réglé.
01:02:02 Il me semble que le débat maintenant
01:02:03 et l'offensive maintenant se fait dans les facultés
01:02:05 de sciences, de médecine,
01:02:07 à travers des disciplines ambivalentes,
01:02:11 sciences et sociétés,
01:02:12 humanité médicale, etc.,
01:02:15 qui permettent de progresser.
01:02:17 Alors, je pense que là,
01:02:18 il faudrait essayer de sanctuariser les choses.
01:02:20 Et ça commence.
01:02:22 Il y a quelques scientifiques
01:02:23 qui sont au courant de ce qui se passe.
01:02:25 Et c'est très grave, parce que, par exemple,
01:02:27 l'un des plus réveillés, c'est un cancérologue de Bordeaux
01:02:29 qui me dit "Je ne peux pas avoir de crédit
01:02:31 "si je ne me plie pas aux règles sur le genre.
01:02:34 "On m'oblige à aller passer une semaine d'études sur le genre
01:02:36 "alors que je travaille contre le cancer.
01:02:38 "C'est quand même plus urgent."
01:02:40 Donc c'est là qu'il y aurait, semble-t-il, des choses à faire.
01:02:44 Je pense qu'il y a aussi,
01:02:46 mais il y aurait peut-être des actions possibles,
01:02:49 du côté des financements de tout cela,
01:02:50 parce que beaucoup de ces projets sont financés par l'Europe,
01:02:54 par la région...
01:02:56 par la ville de Paris, plutôt.
01:02:58 La région Île-de-France est un petit peu en retrait.
01:03:01 Par des fondations franco-américaines, etc.
01:03:05 Il y a beaucoup d'argent.
01:03:07 C'est-à-dire que si vous voulez faire une thèse
01:03:08 sur le genre, la race, etc.,
01:03:10 vous êtes sûr d'avoir de l'argent pour faire votre thèse,
01:03:13 vous allez trouver un job ensuite
01:03:15 et vous allez publier, avoir des crédits, etc.
01:03:19 Si vous faites une thèse sur la métaphysique d'Aristote,
01:03:21 ça va être beaucoup plus compliqué en philosophie.
01:03:24 Donc je crois que c'est...
01:03:25 Effectivement, alors, il y a...
01:03:26 Qu'est-ce qu'on peut faire là-dessus ?
01:03:28 Il y a aussi cette idée,
01:03:30 qui est évidemment très radicale,
01:03:33 mais les bureaucraties de DEI,
01:03:36 c'est quelque diversité, équité, inclusion.
01:03:38 En tout cas, la lutte
01:03:39 contre les préjugés de genre, de race, etc.
01:03:42 C'est des bureaucraties dont on pourrait peut-être se passer.
01:03:45 Il me semble qu'il y a des choses à faire de ce côté-là.
01:03:49 Et à minima, la bonne chose,
01:03:51 ce serait que l'on puisse garantir la liberté académique,
01:03:53 que des enseignants puissent ne pas être d'accord.
01:03:56 Or, ce n'est pas possible.
01:03:57 Pour prendre un exemple,
01:03:59 le colloque que nous avons organisé l'an dernier
01:04:00 à la Sorbonne, avec les 100 à peu près résistants
01:04:04 ou dissidents, je ne sais pas comment il faut s'appeler,
01:04:07 aucune de nos universités,
01:04:08 Paris 1, Paris 4, etc., n'a voulu donner de salles.
01:04:10 C'est juste parce que le recteur,
01:04:12 en l'occurrence, le recteur qui était là
01:04:14 du fait de Blanquer,
01:04:15 nous a donné une salle à la Sorbonne.
01:04:17 Sinon, on n'aurait jamais eu de salle à la Sorbonne.
01:04:19 Et il y a des menaces contre, quelquefois,
01:04:22 des gens qui viennent faire des conférences,
01:04:23 Sylvain Nagasinski, etc.
01:04:25 Il faudrait que les présidents d'universités
01:04:27 garantissent ces libertés académiques.
01:04:30 Le problème, c'est que le mode d'élection de ces présidents
01:04:32 fait qu'il dépend beaucoup des militants étudiants,
01:04:37 des syndicats comme celui d'éducation,
01:04:39 qui sont en catastrophe.
01:04:41 Donc, il y aurait des choses à faire
01:04:42 pour rétablir déjà la liberté académique.
01:04:44 Ce serait déjà pas mal.
01:04:45 Mais je dirais que la situation
01:04:47 dans les facs de lait et des sciences humaines
01:04:48 est très avancée.
01:04:50 En droit, ça commence...
01:04:52 Les attaques viennent de choses bizarres.
01:04:53 Par exemple, les animaux, les animalistes
01:04:55 qui veulent faire un droit de l'animal
01:04:57 ou les juristes pro-gender,
01:05:02 les juristes qui...
01:05:05 La nouvelle mode, si je puis dire,
01:05:06 c'est les violences gynécologiques et sexuelles,
01:05:08 qui permettent effectivement
01:05:10 d'attaquer la médecine directement.
01:05:13 Donc, je suis, je dirais, assez pessimiste.
01:05:16 Je pense qu'il faut que les gens soient au courant,
01:05:18 que des politiques comme vous soient au courant
01:05:19 et essayent de faire quelque chose.
01:05:21 Je crois que c'est une très bonne chose.
01:05:23 Mais je dirais qu'on est bien avancé.
01:05:26 Alors, par ailleurs, il y aurait des choses
01:05:27 peut-être à faire aussi dans le secondaire.
01:05:29 C'est-à-dire qu'il n'est pas normal
01:05:30 que des associations militantes de cet ordre...
01:05:34 Bon, le planning familial, on l'a tous connu,
01:05:36 on l'a tous apprécié,
01:05:37 mais aujourd'hui, il enseigne que l'homme est enceint
01:05:39 et que le pénis est un organe sexuel féminin.
01:05:43 Je suis pas sûr que ce soit le mieux placé
01:05:44 pour venir intervenir dans les classes
01:05:46 ou des associations islamistes proches féministes
01:05:50 qui interviennent dans les collèges.
01:05:51 On a vu ça il y a quelques jours.
01:05:53 Ce n'est pas une très bonne idée.
01:05:55 -Mille merci pour votre intervention
01:05:58 et cette présentation très riche et très complète.
01:06:00 Jean-Pierre Moreau,
01:06:02 Centre des professions financières,
01:06:03 Académie de comptabilité.
01:06:05 Sans imaginer un jour avoir à relancer
01:06:08 la controverse de Vallée-Adolide
01:06:10 pour savoir si l'homme blanc a une âme,
01:06:13 une question plus pratique,
01:06:15 un peu la suite de votre propos.
01:06:17 Vous déterminez une géographie du wokisme.
01:06:23 On peut faire une sociologie des wokistes,
01:06:26 vous commencez à l'évoquer,
01:06:28 mais il y a une géographie qui colle avec...
01:06:32 Vous évoquiez tout à l'heure le protestantisme,
01:06:35 un certain nombre de choses.
01:06:37 Quels sont les autres les plus pénétrés aussi ?
01:06:41 -Oui, alors c'est vrai que d'une certaine manière,
01:06:43 les pays hors du monde occidental,
01:06:46 et enfin avec l'Australie, Nouvelle-Zélande, etc.,
01:06:50 il n'y a pas de wok.
01:06:52 Le wokisme, ça n'existe pas.
01:06:53 Je veux dire, c'est tout à fait stupéfiant
01:06:56 pour le monde extérieur.
01:06:58 S'agissant du monde occidental,
01:07:00 effectivement, les pays les plus touchés
01:07:02 me semblent être les pays protestants,
01:07:04 les pays anglo-saxons.
01:07:05 C'est vrai que l'Italie et l'Espagne
01:07:07 sont bizarrement encore un peu moins touchés pour l'instant.
01:07:10 Et c'est une vraie énigme parce que...
01:07:12 Alors, je pense qu'il y a un décalage plus important.
01:07:16 Il y a effectivement peut-être le poids
01:07:18 d'une de certains schémas,
01:07:21 non seulement de pensée, mais d'organisation sociale
01:07:23 liée au catholicisme.
01:07:25 La France est assez touchée.
01:07:27 Beaucoup de gens disent que la France est moins touchée
01:07:30 et que, notamment, le fait que les universitaires
01:07:33 soient titulaires, ne puissent pas être envoyés comme ça
01:07:35 sur une simple demande,
01:07:38 c'est quelque chose qui nous préserve un petit peu.
01:07:39 J'en suis pas si sûr parce que la menace de mort sociale
01:07:42 est une menace extrêmement puissante.
01:07:44 C'est-à-dire qu'il faut vraiment être comme moi,
01:07:46 prof et mérite,
01:07:48 ou pas loin d'être prof et mérite pour le précédent bouquin,
01:07:51 pour oser dire ce qu'ils pensent.
01:07:54 Mais, effectivement,
01:07:56 on voit aussi qu'il y a des préservatifs,
01:08:01 d'une certaine manière, les enfants issus de familles...
01:08:04 On voit très bien que les adolescents de transgenre,
01:08:08 c'est plutôt des jeunes filles
01:08:10 plutôt bourgeoises, plutôt de gauche,
01:08:14 plutôt sans problème à première vue,
01:08:17 qui vont, par ce choix du devenir transgenre,
01:08:19 devenir des victimes parfaites
01:08:21 et des héroïnes de ce qu'on appelle chez eux
01:08:24 la "glitter family", la famille avec des paillettes,
01:08:27 la famille choisie des trans, etc.
01:08:29 Donc, effectivement, on pourrait faire une étude plus affinée,
01:08:33 si je puis dire, d'un point de vue sociologique
01:08:34 et professionnel, si je puis dire, de tout cela.
01:08:37 -Pierre Jox, magistrat de profession.
01:08:41 J'ai eu, comme Alain Richard, quelques autres expériences.
01:08:45 Monsieur, votre exposé est passionnant.
01:08:47 Le livre que j'ai commencé à feuilleter en vous écoutant
01:08:50 m'amène à vous poser 3 questions concernant la France,
01:08:53 où il y a des symptômes
01:08:57 non pas d'une invasion,
01:09:00 mais d'une apparition de ce genre de phénomène.
01:09:02 Premièrement, lorsque j'étais ministre de l'Intérieur
01:09:05 pendant quelques années, j'ai été à plusieurs reprises
01:09:07 interpellé sur le véritable scandale
01:09:09 qui consistait à exiger des Français et des Françaises
01:09:12 d'indiquer leur sexe
01:09:15 pour avoir droit à une carte d'identité ou un passeport.
01:09:18 Et donc, l'identité ne pouvait pas se résumer
01:09:22 à la déclaration d'un sexe,
01:09:23 et par conséquent, il fallait changer cela.
01:09:25 Je n'ai pas affronté vraiment cette difficulté juridique,
01:09:29 mais elle est apparue dans un autre domaine.
01:09:32 Pendant le même temps, j'étais, pendant une certaine période,
01:09:35 adjoint d'un socialiste, d'un maire socialiste
01:09:37 d'une petite ville moyenne
01:09:39 où il y avait une politique sociale du logement
01:09:41 qui consistait à trier très soigneusement
01:09:44 les gens qui logeaient dans la ZUP
01:09:46 pour ne jamais mettre une cage d'escalier
01:09:48 où il n'y a que des Maghrébins
01:09:50 et surtout pas que des Algériens ou des Tunisiens,
01:09:52 mais mélanger tout cela,
01:09:54 y compris tenir compte des autres origines étrangères
01:09:57 pour parsemer la ZUP,
01:09:59 c'est-à-dire des logements sociaux
01:10:01 dont la mairie était maîtresse de l'affectation
01:10:03 à telle ou telle famille.
01:10:05 Et il y a eu un mouvement à l'intérieur,
01:10:06 non pas de la municipalité, mais de la commune en question,
01:10:09 disant que c'est inacceptable de trier les gens
01:10:11 en fonction de les affectés, etc.
01:10:14 Troisièmement, j'ai reçu récemment,
01:10:15 comme vous tous sans doute,
01:10:16 un premier courrier administratif
01:10:18 qui peut-être s'inspire de la philosophie que vous décrivez.
01:10:23 Certains documents administratifs français,
01:10:24 aujourd'hui, ne disent plus, comme autrefois,
01:10:27 "Madame", "Monsieur",
01:10:30 mais "Bonjour".
01:10:32 Quand vous recevez un document administratif
01:10:34 qui dit "Bonjour",
01:10:36 vous êtes rassuré, on vous souhaite une bonne journée,
01:10:39 et vous êtes rassuré parce qu'on ne vous attribue pas
01:10:42 ni un genre, ni un sexe, ni quoi que ce soit.
01:10:45 Qu'est-ce que vous pensez de ces 3 petits phénomènes ?
01:10:49 L'un, ancien, la carte d'identité,
01:10:53 l'autre, plus récent,
01:10:55 comment attribuer les logements sociaux,
01:10:56 et le troisième, tout à fait récent,
01:10:58 c'est-à-dire que nous ne sommes plus ni "Monsieur",
01:11:00 ni "Madame", ni surtout "Mademoiselle",
01:11:03 mais "Bonjour".
01:11:04 Et je ne dirais pas qu'elle est l'administration
01:11:06 qui vous demande ainsi,
01:11:08 mais disons qu'elle contribue à lever l'impôt.
01:11:12 (Rires)
01:11:14 -Oui, j'ai reçu ce courrier, moi aussi.
01:11:18 Et effectivement, c'est une tendance lourde,
01:11:20 beaucoup dans les chemins de fer, etc., dans les avions,
01:11:23 il y a beaucoup d'endroits où on dit "chers voyageurs"
01:11:27 ou "cher.e.s", etc.,
01:11:30 ou "bonjour", effectivement, ou "bon voyage", etc.,
01:11:33 plutôt que de parler à quelqu'un en particulier.
01:11:35 Bon, le problème, c'est que si on veut vraiment être inclusif,
01:11:40 il faudrait rajouter toute une série de catégories,
01:11:43 c'est-à-dire qu'il faudrait rajouter du masculin, du féminin,
01:11:45 du neutre, du gender fluid, etc.,
01:11:49 et on voit là vite les limites de ces écritures inclusives
01:11:53 qui demanderaient à ce moment-là
01:11:54 de créer des catégories à l'infini.
01:11:57 S'agissant des communautés, etc.,
01:12:00 moi, je pense qu'en bonne logique républicaine,
01:12:04 les communautés, il n'y en a pas.
01:12:05 Moi, je pense que je ne fais partie d'aucune famille,
01:12:08 comme on dit quelques fois,
01:12:10 que les maires, que les députés essaient de faire ça,
01:12:14 répartir les gens avec beaucoup de taxes, etc.,
01:12:19 c'est une bonne idée,
01:12:20 mais moi, je ne suis jamais, en tout cas comme enseignant,
01:12:23 je n'ai jamais considéré la couleur de peau de mes élèves,
01:12:26 et ça ne m'a même pas traversé l'esprit,
01:12:29 alors qu'il faudrait que je la considère pour me dire
01:12:32 s'il est en Master 2 et qu'il est noir,
01:12:34 issu d'un quartier défavorisé, je vais faire plus pour lui.
01:12:37 Peut-être fais-je plus pour lui,
01:12:39 mais parce que juste, il est issu d'un quartier défavorisé, etc.
01:12:42 Alors, pour ce qui est de l'indication de sexe sur les cartes,
01:12:45 alors, c'est quelque chose qui est très fluctuant.
01:12:49 Désormais, il est possible, effectivement,
01:12:50 de changer de sexe à l'état civil
01:12:54 sans faire mention,
01:12:58 sans avoir besoin d'un certificat médical
01:13:00 au nom du respect de la sphère privée.
01:13:04 C'est comme ça que la CEDH a accepté cela.
01:13:08 Le problème, c'est qu'effectivement,
01:13:12 la prochaine étape, c'est ce que font déjà les Allemands,
01:13:15 c'est de dire, oui, alors, on peut changer de sexe
01:13:18 à l'état civil, mais pas plus d'une fois par an,
01:13:19 parce qu'effectivement,
01:13:21 on pourrait très bien le faire tous les mois.
01:13:23 Pourquoi pas ?
01:13:24 Alors, ça risque d'obstruer les choses.
01:13:27 Et il y a une demande qui est plus radicale,
01:13:29 c'est celle de sexe neutre.
01:13:30 Et pour l'instant, il y a eu une décision
01:13:31 il y a quelques jours, justement, de la Cour européenne
01:13:34 des droits de l'homme qui dit, ça, on ne le fait pas.
01:13:37 La question, c'est une question de voir
01:13:39 comment fonctionne notre système.
01:13:41 Si on accepte un sexe neutre,
01:13:43 comment va-t-on faire pour les questions de parité ?
01:13:45 Comment va-t-on faire pour toute une série
01:13:47 de problèmes juridiques qui sont liés ?
01:13:50 Moi, il me semble qu'effectivement,
01:13:51 cette idée-là est une idée qui est assez absurde,
01:13:55 mais en même temps, je comprends assez d'où ça vient.
01:13:57 C'est-à-dire que si vous prétendez...
01:13:59 Si moi, je prétends que je suis une femme,
01:14:02 ça va être un petit peu...
01:14:04 Vous serez un peu dubitatif.
01:14:06 Donc j'ai besoin que vous me disiez,
01:14:08 "Madame, si vous ne me dites pas madame,
01:14:10 "je vais me dire peut-être que je ne suis pas une femme."
01:14:12 Et j'ai vu ça dans un débat, justement,
01:14:14 avec quelqu'un qui, entre le moment où il a accepté le débat
01:14:16 et le moment où le débat a eu lieu, a changé de genre.
01:14:19 C'était assez compliqué.
01:14:21 Donc c'est une vraie question.
01:14:23 Si on veut être... Et c'est ça qui est bizarre.
01:14:25 C'est-à-dire que si on veut être fluide,
01:14:26 on devrait, justement, se moquer de ces choses-là.
01:14:29 Et effectivement, on ne veut pas être fluide,
01:14:31 on veut faire partie d'une nouvelle catégorie,
01:14:34 d'une nouvelle famille, d'un nouveau groupe.
01:14:37 Et de ce point de vue-là, c'est ça qui est très étonnant,
01:14:39 cette idée de genre fluide.
01:14:40 On peut se dire, c'est super,
01:14:42 c'est le comble de la société liquide,
01:14:44 de la société mouvante.
01:14:45 Non, c'est une société qui s'enferme
01:14:47 dans des catégories nouvelles, effectivement,
01:14:51 transgenres, non-binaires, eunuques, etc.
01:14:55 -Roger Fudeau, député.
01:15:01 M. le professeur, je voulais vous remercier
01:15:03 pour la clarté biblique de votre exposé.
01:15:06 Vous nous invitez à réagir,
01:15:08 et nous avons commencé à réagir, mon groupe politique,
01:15:10 le Rassemblement national, a réagi, par exemple,
01:15:13 en créant un groupe spécifique au Parlement de Bruxelles
01:15:16 et à l'Assemblée nationale pour lutter contre le groquisme.
01:15:19 J'ai moi-même déposé une proposition de loi
01:15:20 pour interdire l'écriture inclusive à l'université
01:15:24 et dans les actes administratifs et commerciaux.
01:15:26 Et nous allons prochainement interpeller le ministre
01:15:28 de l'Education nationale pour qu'il supprime
01:15:30 la circulaire blancaire sur le choix du genre
01:15:33 pour les collégiens, qui est toujours en vigueur.
01:15:35 Mais je voudrais vous poser la question suivante.
01:15:39 Pourquoi est-ce que l'université,
01:15:40 pourquoi est-ce que les professeurs d'université,
01:15:42 dont vous êtes un éminent représentant,
01:15:44 ne se structurent pas eux aussi
01:15:46 pour réagir au sein de l'université
01:15:48 en un groupe d'action qui combattrait,
01:15:50 comme vous le faites, mais de manière plus structurée,
01:15:52 le woquisme qui est un danger mortel
01:15:54 pour notre civilisation ?
01:15:56 Je voudrais aussi vous dire que...
01:15:58 Je voudrais aussi vous inviter à prononcer une conférence
01:16:01 devant notre groupe à l'Assemblée nationale.
01:16:03 Je me rapprocherai de votre secrétariat
01:16:04 pour essayer d'arranger ça, bien sûr.
01:16:06 Et j'ai une question qui n'a rien à voir
01:16:08 avec ce que je viens de dire.
01:16:11 Quelle est la position des églises de France
01:16:13 par rapport au woquisme ? Êtes-vous informé de cela ?
01:16:16 Et si oui, pouvez-vous nous donner quelques indications,
01:16:18 s'il vous plaît ? Merci.
01:16:20 -Bien. Alors, il y a plusieurs questions.
01:16:23 Je pense que, si, il y a un certain nombre d'universitaires
01:16:26 qui se sont réunis dans un groupe
01:16:27 qui s'appelle l'Observatoire du décolonialisme,
01:16:30 mais c'est vrai que nous ne sommes pas extrêmement nombreux
01:16:33 parce qu'il y a la menace, non seulement de mort sociale,
01:16:37 mais d'être accusé de transphobie, racisme, etc.
01:16:40 Et beaucoup de gens n'osent pas parler.
01:16:41 Moi, il me semble qu'il est nécessaire de parler.
01:16:44 On ne risque pas grand-chose.
01:16:45 C'est ce que dit une de mes collègues, Nathalie Heiney,
01:16:47 qu'on devrait, au contraire, se servir du fait
01:16:49 que l'on ne peut pas être renvoyé de son boulot
01:16:52 pour prendre la parole. Et beaucoup d'universitaires,
01:16:55 par exemple américains, comptent un petit peu sur nous
01:16:57 pour essayer de prendre l'initiative
01:16:59 de ce genre de choses.
01:17:00 Alors, donc, il y a une organisation
01:17:03 de ce point de vue-là,
01:17:05 mais je vous dis, nous sommes quand même assez minoritaires.
01:17:08 Ce qui est absurde, parce que, je vous dis,
01:17:10 ce n'est pas une doctrine
01:17:13 de gauche républicaine progressiste.
01:17:15 C'est tout le contraire, il me semble.
01:17:16 C'est pour ça que j'ai cité quelques contre-révolutionnaires.
01:17:19 C'est exactement la même chose.
01:17:20 Alors, s'agissant des églises,
01:17:22 je dirais que les réactions, à mon avis, sont assez positives
01:17:25 puisque il y a beaucoup de représentants d'églises, etc.,
01:17:28 qui me demandent des conférences, qui me contactent.
01:17:32 Il n'y a, en revanche, pas beaucoup de réactions
01:17:35 de la religion, de la communauté musulmane,
01:17:40 peut-être parce que je pense
01:17:41 qu'ils ont une vision extrêmement négative, justement,
01:17:44 de... Enfin, que pour eux, peut-être,
01:17:46 ces "deliruos" sont symptomatiques de l'état de fatigue,
01:17:50 si je puis dire, de notre civilisation.
01:17:54 -Oui.
01:17:55 Raphaël Haddad-Slobel, membre honoraire du Conseil d'état.
01:17:59 Un des phénomènes les plus préoccupants
01:18:02 dans ce que vous avez dit, c'est que ce phénomène
01:18:05 est passé de l'université vers l'entreprise.
01:18:08 Et vous avez dit, effectivement, en particulier aux Etats-Unis,
01:18:11 dans les GAFAM, la gestion du personnel,
01:18:14 la gestion des ressources humaines par les DRH
01:18:17 s'inspire de ces principes.
01:18:19 Est-ce que vous pouvez faire une analyse un peu plus sur ce sujet ?
01:18:23 Est-ce que vous vous spécialisez un peu de l'état
01:18:25 du rapport des forces dans ce domaine aux Etats-Unis ?
01:18:28 Et est-ce que vous avez le sentiment,
01:18:30 par exemple, lié à l'enseignement dans nos business school en France,
01:18:34 si ce phénomène se développe également
01:18:36 vers des entreprises françaises ?
01:18:38 -Oui. Alors, j'ai pas voulu entrer dans le détail.
01:18:41 C'était pas ma spécialité.
01:18:42 Il y a un livre tout à fait intéressant d'une amie,
01:18:45 Anne de Guigny, qui a fait un livre sur le capitalisme woke,
01:18:48 où elle montre comment les entreprises françaises
01:18:51 ont essayé de freiner un petit peu dans ce domaine.
01:18:54 Il me semble que, effectivement, par la formation,
01:18:58 par le fait que beaucoup d'entreprises
01:19:00 ont leur siège et leurs organisations principales
01:19:02 aux Etats-Unis, il y a une pression dans ce sens.
01:19:06 Et effectivement, il est difficile aussi, là...
01:19:09 J'ai des amis de mes enfants qui m'ont dit
01:19:10 "Je suis d'accord avec toi,
01:19:11 "mais dans ma grosse entreprise américaine,
01:19:13 "si je dis ça, je suis mort."
01:19:15 Donc il y a ce point-là.
01:19:17 Je pense qu'aussi, on voit qu'il y a une espèce
01:19:20 de lutte aux Etats-Unis, par exemple, autour...
01:19:24 On voit l'exemple de Disney, par exemple.
01:19:25 Disney, qui est une entreprise extrêmement woke.
01:19:27 Il y a des vidéos qui ont fuité, qui sont tout à fait étonnantes,
01:19:30 que je cite dans mon livre, où on voit des militants
01:19:33 enthousiastes pour faire de la propagande woke.
01:19:37 Il y a eu des mouvements de boycott, de critique.
01:19:41 On voit aussi, par exemple, quelqu'un comme Elon Musk,
01:19:44 qui s'en prend au woke.
01:19:46 Donc il me semble que les choses sont pas jouées.
01:19:48 Mais en revanche, c'est vrai qu'il y a une pression
01:19:51 de ce point de vue-là.
01:19:52 Et je vous dis, le livre de Anne de Guinier
01:19:54 est vraiment une référence très intéressante.
01:19:56 - Claudine Cohen, EHSS.
01:19:59 Il y aurait beaucoup de choses à dire
01:20:01 à partir de cet exposé très riche.
01:20:03 La question que je voulais poser quand même,
01:20:04 c'est la question politique.
01:20:07 Tu as critiqué toutes ces théories,
01:20:11 toutes ces valeurs du wokisme au nom des Lumières.
01:20:14 Et puis tu as finalement dit que certains courants politiques
01:20:18 reprenaient cette critique.
01:20:20 Tu as parlé de De Santis, tu as parlé de Trump.
01:20:24 Est-ce que c'est vraiment des défenseurs
01:20:26 des idéaux des Lumières ?
01:20:28 Et comment se situe la question politique
01:20:30 par rapport à la critique du wokisme
01:20:33 dont tu as dit que c'était pas une position de gauche ?
01:20:38 Voilà. Est-ce que tu peux clarifier cette question ?
01:20:41 - Oui, je comprends tout à fait ta question.
01:20:44 Effectivement, ce qui est assez étonnant,
01:20:47 c'est qu'il y a une espèce de montée aux extrêmes des 2 côtés.
01:20:49 C'est-à-dire que plus les woks se radicalisent,
01:20:51 plus les réponses sont celles
01:20:53 de personnages marqués très à droite.
01:20:57 Moi, il me semble que la question...
01:20:58 Alors, effectivement, j'emploie le mot "wok"
01:21:02 et j'ai cité De Santis. C'est pas bon pour moi,
01:21:04 parce qu'on va dire, il est vraiment...
01:21:05 Il a tourné mal, Bernstein. Il est en plein délire.
01:21:08 Moi, il me semble que la question n'est plus une question
01:21:10 de droite ou de gauche.
01:21:11 C'est une question de réalité ou fiction,
01:21:15 de science ou émotion, etc.
01:21:17 Il me semble que c'est là-dessus qu'il faut décider.
01:21:21 Et je crois que, de ce point de vue-là,
01:21:24 si on craint d'être traité de trumpiste ou autre,
01:21:28 on ne va rien faire. Il me semble que c'est ça
01:21:30 qui bloque en partie les universitaires.
01:21:34 Ils ont peur, en disant, par exemple,
01:21:36 qu'ils apprécient mon livre,
01:21:37 d'être traités de trumpiste, de Santis, etc.
01:21:41 Moi, ce n'est pas mon problème.
01:21:42 Je pense que l'heure est assez grave
01:21:45 pour qu'on ne se pose plus cette question
01:21:46 de droite et de gauche
01:21:47 et qu'on se pose juste la question
01:21:49 science ou irrationnalité,
01:21:54 vérité ou science,
01:21:58 point de vue situé, etc.
01:21:59 Il me semble que c'est ça, la question.
01:22:00 Alors, bien sûr, effectivement,
01:22:02 et c'est ça qui est très dommageable,
01:22:04 c'est qu'il y a une espèce de polarisation
01:22:06 aux deux extrêmes, d'une certaine manière.
01:22:08 -Une seconde.
01:22:14 -Ah oui. Merci beaucoup.
01:22:15 Qu'est-ce qu'on fait...
01:22:19 -Vous présentez, s'il vous plaît,
01:22:20 si tout le monde vous connaît.
01:22:21 -Excusez-moi.
01:22:22 Ancien, entre autres, défenseur des droits.
01:22:25 Et...
01:22:27 Qu'est-ce qu'on fait dans la société vraie,
01:22:32 c'est-à-dire en dehors d'ici,
01:22:33 de...
01:22:37 des personnes
01:22:41 qui ne réussissent pas
01:22:44 ou qu'on empêche
01:22:45 de bénéficier d'un des trois
01:22:49 éléments de la devise républicaine,
01:22:53 l'égalité.
01:22:55 Universaliste, je le suis,
01:23:00 républicain complètement.
01:23:02 J'aborde le communautarisme,
01:23:06 j'écris contre l'identitarisme.
01:23:08 Mais je sais que...
01:23:13 dans les agences de l'emploi,
01:23:15 il y a environ 25 %
01:23:19 des personnes
01:23:22 qui font des demandes
01:23:25 et qui ne aboutissent pas
01:23:29 parce qu'elles sont,
01:23:31 d'une manière ou d'une autre,
01:23:35 différentes
01:23:36 d'une certaine couleur,
01:23:38 d'un certain âge,
01:23:42 d'un sexe,
01:23:43 d'une région,
01:23:47 par exemple banlieue
01:23:49 au lieu de centre-ville.
01:23:51 Pour ces 25 %,
01:23:54 et la question est la même
01:23:57 pour le logement social,
01:23:59 elle est la même
01:24:00 pour des tas d'autres questions
01:24:02 où sont prises des décisions publiques
01:24:04 par des collectivités locales
01:24:05 ou par l'État,
01:24:07 on a inventé
01:24:11 il y a déjà très longtemps,
01:24:13 un certain nombre de mesures
01:24:15 légales ou constitutionnelles.
01:24:17 Et la première d'entre elles,
01:24:19 ça a été la parité dans la Constitution
01:24:21 entre hommes et femmes.
01:24:23 Puis, ensuite,
01:24:26 toute une série de mesures,
01:24:28 et j'ai pendant 6 ans exercé
01:24:30 une fonction qui consistait,
01:24:32 entre autres, à lutter
01:24:34 contre les discriminations
01:24:36 en faisant en sorte
01:24:39 que dans les agences de l'emploi,
01:24:41 ceux qui sont noirs,
01:24:43 femmes, etc., etc.,
01:24:45 aient les mêmes chances
01:24:47 de voir leur demande
01:24:49 prise en considération
01:24:51 que les autres.
01:24:54 Alors,
01:24:55 qu'est-ce que vous faites
01:24:57 pour continuer à lutter
01:24:59 contre les discriminations
01:25:01 si vous pensez comme moi
01:25:03 qu'il faut le faire
01:25:06 au nom de la République,
01:25:08 au nom de la socialité ?
01:25:10 - C'est une question, évidemment,
01:25:12 de fond, et c'est tout à fait intéressant.
01:25:14 Moi, il me semble que,
01:25:16 de ce point de vue-là,
01:25:19 insister à l'excès
01:25:21 sur les différences,
01:25:23 c'est quelque chose qui enferme
01:25:25 les gens dans une position de victime.
01:25:27 Et ce n'est pas, me semble-t-il,
01:25:29 ce qu'ils souhaitent en général,
01:25:32 ce qui ne veut pas dire
01:25:34 qu'il ne faut pas trouver des moyens
01:25:36 de faire des bourses au mérite,
01:25:38 par exemple, avec des internats d'excellence, etc.,
01:25:40 s'agissant de l'éducation.
01:25:42 Il est évident aussi que, dans les universités,
01:25:44 il devrait y avoir des bourses au mérite
01:25:47 et plus importantes
01:25:49 pour ceux qui en ont besoin.
01:25:51 En revanche, l'idée que,
01:25:53 si on est de telle ou telle catégorie,
01:25:55 on a droit, plus ou moins,
01:25:57 à une discrimination positive,
01:26:00 je pense que ce n'est pas nécessairement
01:26:02 une bonne idée,
01:26:04 mais il y a aussi, me semble-t-il,
01:26:06 une suspicion sur ceux qui réussissent
01:26:08 issus de ces communautés.
01:26:10 En tout cas, moi, je suis très étonné
01:26:13 de voir qu'aux Etats-Unis,
01:26:15 ce sont les militants, les universitaires,
01:26:17 les parents noirs,
01:26:19 qui sont les plus hostiles à ces doctrines
01:26:21 de théorie critique de la race,
01:26:23 c'est-à-dire avec une discrimination inversée.
01:26:26 Il me semble que ce n'est peut-être pas
01:26:28 la bonne solution.
01:26:30 En revanche, je vous ai dit
01:26:32 que je tenais compte, quand je faisais cours,
01:26:34 des jeunes qui avaient
01:26:36 plus de difficultés, qui venaient d'autres milieux,
01:26:38 et je pouvais leur donner des conseils en plus,
01:26:41 les aider dans leur choix universitaire, etc.
01:26:43 Je pense que tout le monde essaie de le faire.
01:26:45 Le faire de manière, je dirais, systématique,
01:26:47 c'est une vraie question.
01:26:49 L'idée, par exemple,
01:26:51 dans d'autres cas, dans le comité de l'éthique,
01:26:54 l'idée qu'il y ait des familles spirituelles
01:26:56 aussi en France, non. La France n'est pas constituée
01:26:59 de familles, n'est pas constituée de communautés.
01:27:01 Je pense qu'il faut, au contraire,
01:27:03 face à ce militantisme communautariste,
01:27:07 identitariste, il me semble qu'il faut revenir
01:27:10 à l'universel. C'est la seule solution.
01:27:12 C'est peut-être un vœu pieux, mais il me semble
01:27:14 que c'est comme ça qu'il faut faire.
01:27:17 (Propos inaudibles)
01:27:19 -Si je peux me permettre de poser à mon tour une question.
01:27:24 Je trouve qu'il y a un paradoxe.
01:27:27 Si on compare la question des 30 gens
01:27:29 ou la question du genre,
01:27:31 et la question de la race, c'est-à-dire que,
01:27:33 s'agissant des gens, les WOC nous reprochent
01:27:38 de voir une différence qu'ils ne voient pas.
01:27:40 Toi et moi, on pense qu'entre un homme et une femme,
01:27:43 il y a en gros des différences qu'ils ne voient pas.
01:27:45 Et s'agissant de la race, c'est l'inverse.
01:27:47 Ils nous reprochent de ne pas voir une différence
01:27:49 qu'ils voient.
01:27:51 Et de ce point de vue, je trouve qu'on se rassure
01:27:53 un peu vite en focalisant le débat
01:27:57 sur la question des gens,
01:27:59 parce que, sur la question raciale,
01:28:01 les WOC ont de bien meilleurs arguments à faire valoir.
01:28:05 Quand tu dis "je ne fais aucune différence
01:28:07 "entre un noir et un blanc",
01:28:10 ils te disent "ça prouve bien que t'es blanc".
01:28:12 Parce qu'eux, qui sont noirs ou arabes ou autres,
01:28:14 la différence, on la leur rappelle tous les jours.
01:28:17 Parce qu'ils sont racisés.
01:28:19 Et donc, quand on dit
01:28:22 le discours universaliste basique,
01:28:25 que j'ai tenu comme toi et que je continue à tenir,
01:28:27 "je ne fais aucune différence selon la couleur de peau",
01:28:30 ils vous répondent "tu es colorblind", aveugle aux couleurs.
01:28:33 Alors qu'on pourrait le reprocher
01:28:35 qu'ils sont "genderblind", aveugles à la différence sexuelle.
01:28:39 Donc, d'abord, est-ce que tu peux m'éclairer
01:28:42 sur ce paradoxe ?
01:28:44 Pourquoi est-ce qu'il y a une espèce d'inversion du débat
01:28:46 selon qu'on passe de la question des races
01:28:48 à la question des genres et réciproquement ?
01:28:50 Et est-ce que tu ne crois pas, malgré tout,
01:28:53 qu'il faut prendre acte du fait
01:28:55 qu'être aveugle aux couleurs,
01:28:57 c'est effectivement, malgré tout,
01:28:59 une façon un peu confortable d'être universaliste ?
01:29:03 - Oui, tu mets le doigt sur la principale contradiction
01:29:07 qu'il y a dans le discours des Waukes,
01:29:09 parce qu'effectivement, à première vue, on se dit,
01:29:11 d'un côté, genre, ça veut dire "tout est culture",
01:29:13 on peut choisir exactement ce que l'on veut,
01:29:15 et de l'autre côté, race, "tout est nature",
01:29:17 on ne peut pas se sortir de sa race.
01:29:20 C'est très bien illustré par le débat.
01:29:22 Il y a un militant Waukes
01:29:24 qui a écrit un énorme bouquin là-dessus
01:29:26 sur la question des transgenres et des transraces.
01:29:28 Transgenre, c'est très encouragé,
01:29:30 c'est quelque chose qui est très positif.
01:29:33 Transrace, c'est tout à fait interdit.
01:29:35 Il y a eu une jeune femme blanche
01:29:37 qui s'est fait passer pendant un moment pour noire
01:29:40 et qui a dirigé l'Association
01:29:42 pour l'avancement des gens de couleur.
01:29:44 Ca, c'était tout à fait choquant.
01:29:46 Et à mon avis, cela s'explique par le fait
01:29:48 qu'il ne voit pas ça en termes de nature, culture, etc.
01:29:51 Il voit ça en termes de groupe.
01:29:53 Il s'agit donc de rejoindre soit le groupe des trans,
01:29:56 la famille des trans,
01:29:59 soit de se renforcer
01:30:02 dans sa communauté d'origine.
01:30:05 Et il y a un autre aspect
01:30:07 qui fait qu'on ne peut pas être transrace.
01:30:09 C'est parce que transgenre,
01:30:11 ça ne change rien du point de vue social,
01:30:15 alors que transrace, ça va détruire la race,
01:30:19 transrace de blanc à noir.
01:30:21 Ca veut dire qu'on s'attaque au peuple noir,
01:30:24 à la conscience noire, etc.
01:30:25 Et donc, il y a effectivement...
01:30:27 C'est la vraie question, effectivement.
01:30:30 Est-ce qu'on peut être...
01:30:33 Est-ce que le transgenre,
01:30:34 ce n'est pas quelque chose d'individualiste,
01:30:36 tout culturel, etc., et le transrace, ce serait tout racial ?
01:30:40 Non, c'est en fait... Tout ça est communautaire.
01:30:43 Tout est l'idée d'une communauté.
01:30:45 Et de ce point de vue-là,
01:30:46 l'idée de ne pas prêter attention à la couleur,
01:30:50 oui, mais effectivement, je pense que ce n'est pas une question...
01:30:55 Il n'y a pas que les blancs qui ne font pas attention à la couleur.
01:30:57 Les noirs aussi ne veulent pas qu'on fasse attention à la couleur.
01:31:00 Ils veulent justement que l'on arrive,
01:31:02 qu'ils puissent accéder aux mêmes universités,
01:31:06 aux mêmes parcours que les autres.
01:31:08 Mais tu as tout à fait raison, c'est une...
01:31:11 Alors, c'est pour ça que je dis que c'est simple,
01:31:13 mais c'est un petit peu incohérent, d'une certaine manière,
01:31:16 parce qu'il y a d'un côté cette espèce de promesse transhumaniste
01:31:20 et d'un autre côté,
01:31:21 il y a cette espèce de régression à la théorie des races.
01:31:23 Effectivement, c'est ça qui est très étrange.
01:31:25 C'est pour ça que j'ai surtout parlé d'étranges gens,
01:31:27 parce qu'il me semble que c'est ça le plus intéressant.
01:31:30 La question de la race, au fond, c'est une vieille histoire.
01:31:34 Certains disent... Il y a un bouquin qui s'appelle "Race Marxism",
01:31:37 l'idée que cette théorie critique de la race est purement marxiste.
01:31:40 Ce n'est pas tout à fait faux, effectivement.
01:31:42 -Je peux y aller ?
01:31:44 Oui, vous m'entendez ? -Oui.
01:31:48 -Donc Bernard Pietre, professeur de philosophie.
01:31:52 -Je connais.
01:31:54 -Oui. Alors, oui, vous avez parlé de l'universel,
01:31:58 et je crois que la question...
01:31:59 Alors là, j'ai une question philosophique et politique,
01:32:03 et centrale.
01:32:06 Le problème, et c'est une question que j'adresse à Jean-François,
01:32:10 est-ce qu'on peut simplement défendre l'universalisme
01:32:14 au nom des Lumières ?
01:32:15 Il n'est pas complètement faux
01:32:18 que l'universalisme que défend l'Occident
01:32:21 a un aspect ethnocentrique.
01:32:23 Comme disait Judith Butler,
01:32:25 qui n'est pas un auteur que j'apprécie beaucoup,
01:32:28 mais qui a beaucoup d'influence, comme vous le savez,
01:32:30 qui disait que l'universalisme, c'est un provincialisme.
01:32:35 Et même, tu as dit à un moment, Jean-François,
01:32:39 il s'agit des fondements de la civilisation occidentale.
01:32:44 Or, si on dit cela, peut-être qu'on défend un communautarisme.
01:32:48 Et là, je rejoins la question politique
01:32:52 qui a été posée quelques questions avant.
01:32:57 C'est-à-dire qu'en ce moment, le hockey, en France en tout cas,
01:33:02 fait le délice de l'extrême droite.
01:33:04 Voilà, Zemmour, Michel Lenfray, je pourrais en citer.
01:33:09 Et c'est malheureusement la gauche,
01:33:12 l'UPES, Sandrine Rousseau, qui donne dans le hockeyisme.
01:33:16 Et donc, qui...
01:33:17 Or, en tout cas, personnellement,
01:33:19 je n'adhère pas à des idées du Rassemblement national
01:33:23 ou de Zemmour, qui tentent d'affirmer l'identité française
01:33:28 contre les étrangers qui viendraient nous envahir,
01:33:32 nous remplacer, etc., et qui défendent des idées
01:33:35 qui sont, en fait, au nom de l'universalisme républicain
01:33:38 et de la laïcité, qui sont anti-universalistes.
01:33:42 Et donc, là, il y a un problème philosophique assez profond.
01:33:45 Voilà, c'est une question, en tout cas, que je te pose.
01:33:49 -Merci.
01:33:51 Oui, c'est une question toute simple et qui est très compliquée.
01:33:54 En fait, cette histoire, cette question de l'universalisme,
01:33:56 c'est un universalisme conçu comme un idéal.
01:33:59 C'est-à-dire un idéal qui est ouvert à tous.
01:34:01 C'est-à-dire que quiconque veut se saisir de cet idéal
01:34:04 peut le faire.
01:34:05 Et le fait qu'il y ait des ratés,
01:34:07 que ça ne marche pas si bien que ça,
01:34:08 qu'il y ait effectivement des laissés-pour-compte
01:34:10 de l'universalisme,
01:34:11 il me semble que ce n'est pas une raison pour l'abandonner.
01:34:15 C'est une idée.
01:34:16 Il y a le livre fameux de Nicolet
01:34:18 sur l'idée républicaine en France,
01:34:20 qui expliquait très bien que la République, c'est un idéal,
01:34:23 ce n'est pas un fait.
01:34:24 Et il me semble que de ce point de vue-là,
01:34:25 notre universalisme,
01:34:27 alors il se trouve que c'est l'universalisme occidental,
01:34:29 mais a une espèce de puissance, me semble-t-il,
01:34:31 d'émancipation et de propagation.
01:34:35 Mais tu as tout à fait raison.
01:34:37 C'est effectivement quelque chose que peu de gens défendent
01:34:41 désormais à gauche,
01:34:43 parce qu'ils se disent que c'est un truc de blanc,
01:34:45 c'est un truc de raciste, etc.
01:34:48 Moi, je ne sais pas à qui ça appartient.
01:34:52 En tout cas, pour ma part, il me semble que c'est quelque chose
01:34:54 qui permet de rassembler plus que d'autres doctrines
01:34:58 face auxquelles on est affronté.
01:34:59 D'autant que, même si c'est un peu là aussi old school,
01:35:04 la rationalité, c'est quelque chose qui me semble fonctionner.
01:35:08 La science, ça existe.
01:35:10 Il y a des mythes maoris qui sont passionnants,
01:35:13 mais ce n'est pas de la science.
01:35:14 Il faut que chaque domaine, disons, soit séparé.
01:35:17 Mais je suis tout à fait sensible à ce que tu dis,
01:35:19 c'est-à-dire l'idée que, finalement,
01:35:21 si les universitaires, en tant qu'héritiers des Lumières,
01:35:26 en un certain sens, ne font rien,
01:35:28 d'autres vont s'en occuper.
01:35:30 -Pardon.
01:35:35 Bernard Fialaire, sénateur radical,
01:35:38 donc d'inspiration d'Alain et l'individualisme.
01:35:45 Mais en revanche, je voudrais avoir des explications
01:35:48 sur votre philosophie du "nous"
01:35:50 que vous opposez aux individus,
01:35:53 parce que je suis aussi humaniste et je lis Camus,
01:35:56 et je me révolte, donc nous sommes.
01:35:59 Est-ce que vous mettriez, à ce moment-là, Camus
01:36:02 dans les inspirateurs du wokisme ?
01:36:03 Je parle sous le contrôle d'André Comtes-Ponville,
01:36:07 pour lui s'y éclairer.
01:36:10 -Non, la philosophie du "nous",
01:36:12 moi, je ne m'en réclame pas du tout.
01:36:14 L'idée, c'était effectivement de montrer que...
01:36:17 Je suis passé un peu vite, je m'en excuse.
01:36:19 Que des philosophes comme De Bonald,
01:36:22 un des grands penseurs contre-révolutionnaires,
01:36:24 explique que l'origine de tous nos mots,
01:36:28 il écrit après la Révolution française,
01:36:30 c'est la philosophie du "moi",
01:36:32 la philosophie de la conscience indépendante, etc.,
01:36:36 et lui, il prône un retour à la philosophie du "nous",
01:36:38 c'est-à-dire la philosophie du langage qui nous lit, etc.
01:36:41 Mais justement, je citais cela pour dire qu'au fond,
01:36:45 l'individualisme au sens républicain,
01:36:48 l'autonomie individuelle qui permet de se choisir
01:36:52 telle ou telle ou plusieurs identités
01:36:54 ou des identités mixtes, d'une certaine manière,
01:36:57 c'est le coeur, me semble-t-il, de la République
01:37:01 et de la philosophie d'Alain, en particulier.
01:37:05 -Bonjour.
01:37:06 -J'ajouterais juste un mot.
01:37:07 Tout dépend de quel "nous" on parle.
01:37:09 Si c'est "nous, les humains", je me révolte.
01:37:11 Donc nous sommes, Camus,
01:37:13 ça n'est qu'une forme d'humanisme, universaliste.
01:37:15 Si c'est "nous, les Noirs", "nous, les Blancs",
01:37:17 "nous, les trans", "nous, les hétéros", "nous, les homos",
01:37:20 c'est une forme de communautarisme.
01:37:22 -Bonjour, monsieur.
01:37:26 Je m'appelle Anne-Françoise Berton,
01:37:27 je fais du conseil en innovation dans la santé.
01:37:30 J'ai une question sur les mesures de lutte
01:37:33 qu'on a assez peu évoquées.
01:37:34 Vous avez parlé de l'éternité et du pouvoir des réseaux sociaux,
01:37:38 qui fait que les gens peinent à se mobiliser,
01:37:40 en particulier les experts.
01:37:42 Je suis frappée moi-même
01:37:45 par ce qui se passe dans le mouvement des anti-vax.
01:37:48 Et je constate que tous ceux qui veulent
01:37:51 démonter un petit peu les propos anti-vax
01:37:53 sur les réseaux sociaux tels que LinkedIn
01:37:55 se voient fermer leur compte par LinkedIn
01:38:00 au motif de la protection de nos individualités
01:38:04 contre les menaces qui circulent.
01:38:07 Qu'est-ce qu'on pourrait proposer de façon pratique
01:38:09 de façon à ce que, justement,
01:38:11 les réseaux sociaux ne soient pas un lieu de pouvoir
01:38:16 pour finalement effacer la possible contestation
01:38:21 de ceux qui connaissent le sujet
01:38:23 au profit de ceux qui disent, excusez-moi, n'importe quoi,
01:38:28 mais qui, finalement, réussissent,
01:38:30 parce que le droit le permet, à faire taire les autres ?
01:38:34 -Oui, alors là, c'est une question extrêmement compliquée
01:38:37 sur laquelle je ne suis peut-être pas le plus compétent.
01:38:39 Il me semble qu'évidemment, dans les réseaux sociaux,
01:38:42 il y a une prime à la polémique,
01:38:44 prime au clash, etc.,
01:38:45 et c'est comme ça que cela fonctionne.
01:38:48 Vous me dites qu'il y a eu pas mal d'insultes
01:38:50 sur l'annonce du...
01:38:52 Bon, c'est comme ça que ça fonctionne.
01:38:53 Et effectivement, la difficulté, c'est que ça dure pour toujours.
01:38:57 C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'oubli sur les réseaux sociaux.
01:38:59 C'est ça, la question principale.
01:39:00 C'est-à-dire que dans la vie réelle, on s'insulte,
01:39:03 il arrive qu'on ait des conflits,
01:39:06 mais ça disparaît.
01:39:07 Les réseaux sociaux, ça reste toujours.
01:39:09 Et par ailleurs, évidemment,
01:39:10 il y a aussi l'absence de garantie, de validation.
01:39:13 C'est-à-dire que tout se vaut.
01:39:15 Tous les points de vue se valent,
01:39:16 et maintenant, n'importe qui a son point de vue
01:39:19 sur les vaccins, sur la physique quantique, etc.
01:39:22 Donc c'est quelque chose qu'il faudrait réguler.
01:39:24 Il semblerait que les tentatives de régulation européenne
01:39:27 vont plutôt dans le bon sens, maintenant dit,
01:39:30 mais je dirais que la bonne chose,
01:39:33 c'est surtout d'arrêter les réseaux sociaux.
01:39:34 Par exemple, on a vu que certains jeunes
01:39:37 qui étaient dans des obsessions autour du genre, etc.,
01:39:42 lorsqu'on leur fait arrêter les smartphones, etc.,
01:39:48 les choses s'améliorent quelques fois.
01:39:49 Donc il faut essayer de rester à l'écart,
01:39:51 mais facile à dire.
01:39:53 -Jean-Luc Panne.
01:39:54 -Oui. Gérard Inget, vice-président du CRIF,
01:39:59 publicitaire, historien, etc.
01:40:02 Parmi les métastases dont parlait Alain Richard tout à l'heure,
01:40:06 il y a la presse.
01:40:07 Et moi, je suis frappé à la lecture
01:40:10 d'un grand quotidien du soir, pour ne pas le nommer.
01:40:14 Les pages de débats et autres sont remplies de théories woke
01:40:20 sans qu'il y ait de contrepartie.
01:40:23 Ces théories se développent sans que d'autres puissent y répondre.
01:40:26 Est-ce que vous partagez ce point de vue ?
01:40:29 Deuxièmement, est-ce que parmi les woke,
01:40:33 il n'y a pas, en ce qui concerne la race,
01:40:35 une confusion grave entre origine et identité,
01:40:41 qui me paraît un point important ?
01:40:43 Cela n'empêche pas l'ethnocentrisme d'exister.
01:40:47 Et le wokisme apporte une réponse qui n'est pas la mienne,
01:40:51 mais ça existe.
01:40:52 La phrase de Nicolas Sarkozy, "L'Afrique n'a pas d'histoire",
01:40:56 ou bien l'attitude des historiens européens
01:41:01 qui négligent l'histoire
01:41:03 vue par les habitants de l'Inde
01:41:07 ou de l'Amérique du Sud ou de la Chine,
01:41:10 ça existe aussi, ou du moins, ça a existé pendant très longtemps
01:41:14 et ça persiste encore.
01:41:16 Oui, alors, s'agissant de la presse,
01:41:18 il est évident qu'il y a une polarisation de plus en plus grande,
01:41:21 et j'ai pu le constater.
01:41:22 Mon précédent livre avait été repris dans un peu toute la presse.
01:41:26 Celui-ci, il n'y a eu aucune mention,
01:41:30 sauf d'un ami, Roger Pauldroit,
01:41:31 qui est le plus ancien du monde, qui a pu faire un papier positif.
01:41:34 Mais grosso modo, effectivement, on ne veut plus nous entendre.
01:41:38 Enfin, on ne veut plus avoir des points de vue différents.
01:41:40 Et c'est très impressionnant lorsqu'on lit l'Ibée, le Monde, etc.
01:41:43 On voit bien qu'il y a l'Obs,
01:41:45 il n'y a plus du tout d'autres points de vue.
01:41:47 C'est très, très étonnant.
01:41:49 Et ça tient à la radicalisation.
01:41:51 C'est-à-dire qu'effectivement, si on me traite de transphobe,
01:41:54 pourquoi me donner la parole ? Ce n'est pas possible.
01:41:57 Donc, c'est vrai que les médias sont, de ce point de vue-là,
01:41:59 très, très touchés.
01:42:01 Alors, on voit très bien ce qui se passe aux États-Unis,
01:42:03 où, par exemple, effectivement,
01:42:05 Barry Weiss, ancienne journaliste au New York Times,
01:42:07 a quitté le New York Times
01:42:09 et a créé tout un réseau sur Substack,
01:42:12 où de très bons journalistes font des papiers passionnants
01:42:15 et qui ont énormément, maintenant, d'abonnés,
01:42:18 parce qu'il y a un point de vue différent.
01:42:20 Donc, je pense qu'il y a d'autres choses qui se créent à côté.
01:42:23 Alors, dans les maisons d'édition, c'est pareil.
01:42:26 Un patron de maison d'édition,
01:42:28 avec qui on parlait de Rolling,
01:42:31 les jeunes employés de la maison d'édition
01:42:35 qui ne voulaient pas publier Rolling,
01:42:37 le patron a imposé, quand même,
01:42:40 on ne perd pas quelqu'un comme Rolling,
01:42:42 mais, me disait-il, bientôt,
01:42:44 ces jeunes-là préféreront ne pas éditer Rolling.
01:42:47 Mais, à ce moment-là, d'autres maisons d'édition vont se créer.
01:42:49 C'est-à-dire qu'il y a d'autres systèmes qui se créent à côté.
01:42:51 Ou, pour les universités, il y a des tentatives, en ce moment,
01:42:54 de créer des universités alternatives,
01:42:56 d'une certaine manière.
01:42:57 Alors, pour ce qui est d'un point de vue
01:43:00 plus intelligent, plus complet sur la race, bien sûr,
01:43:04 et je pense que, de ce point de vue-là,
01:43:05 ça ne veut pas dire qu'il faut moins d'histoire,
01:43:07 il faut plus d'histoire.
01:43:09 Il faut plus d'histoire, justement,
01:43:12 de l'extérieur de l'Europe aussi,
01:43:14 mais il faut, effectivement, une histoire globale.
01:43:16 Et donc, de ce point de vue-là, on sait ce qui s'est passé.
01:43:18 Il y a déjà plus d'une dizaine d'années,
01:43:20 avec Olivier Pétré-Gournouillot,
01:43:22 qui a fait un livre passionnant sur les traites négrières,
01:43:25 qui a été complètement blacklisté, interdit,
01:43:28 parce qu'il n'avait pas parlé de la seule traite
01:43:30 qui soit valable, la traite occidentale.
01:43:33 Donc, il faut essayer, effectivement,
01:43:34 d'avoir une vision plus globale.
01:43:35 Je dirais que tout ça prolifère, si je puis dire,
01:43:38 sur un fond d'inculture,
01:43:40 c'est-à-dire que l'effondrement de l'éducation nationale
01:43:42 est le vrai problème.
01:43:44 C'est-à-dire que, pour qu'on puisse croire
01:43:45 que Colbert, Voltaire, Hugo peuvent être annulés,
01:43:50 simplement parce qu'ils ont eu une phrase malheureuse,
01:43:53 c'est qu'on n'a jamais étudié Voltaire, Hugo, Colbert,
01:43:56 etc., l'histoire.
01:43:58 -Alain Granger-Cabane, président de l'école alsacienne.
01:44:03 Merci, monsieur le professeur.
01:44:04 Vous nous avez quand même dressé un avenir assez sombre.
01:44:08 Je reprends une idéologie pessimiste,
01:44:11 une idéologie sans pardon,
01:44:13 une idéologie sans avenir radieux.
01:44:16 Alors, je vous pose une simple question
01:44:19 que j'adresse peut-être aussi à monsieur Comtes-Ponville.
01:44:23 Est-ce que, dans l'histoire des idées,
01:44:26 est-ce que, dans les philosophies,
01:44:28 il n'y a jamais eu un avenir pour des idéologies aussi sombres,
01:44:31 aussi noires, aussi pessimistes ?
01:44:33 Est-ce que c'est possible que ça gagne ?
01:44:36 Ou est-ce qu'au total,
01:44:37 ce n'est pas le souci d'un avenir radieux
01:44:40 qui l'emporte toujours, in fine ?
01:44:42 Merci.
01:44:43 -Oui. Alors, bon, c'est clair que...
01:44:47 Je suis désolé.
01:44:48 Le matin, c'est pas très agréable
01:44:49 d'avoir ce genre de perspective pour la journée.
01:44:52 Mais je pense qu'effectivement,
01:44:54 il y a ce refus d'un avenir radieux.
01:44:57 On voit aussi...
01:44:59 Il y a bien d'autres signaux qui sont assez inquiétants.
01:45:02 La question de l'éco-anxiété,
01:45:03 qui frappe de manière très importante la jeunesse,
01:45:08 la baisse impressionnante de la démographie,
01:45:12 c'est quelque chose de très étonnant.
01:45:13 Alors, est-ce que ça a déjà existé dans l'histoire ?
01:45:16 Bon, il y a un livre très passionnant de Norman Cohn
01:45:20 qui s'appelle "Les prophètes de l'Apocalypse",
01:45:22 qui raconte l'histoire des sectes apocalyptiques
01:45:25 à la fin du Moyen Âge, etc.
01:45:27 Je pense que ça a déjà existé dans l'histoire de l'humanité.
01:45:31 En revanche, il y a longtemps que ça n'avait pas,
01:45:33 me semble-t-il, frappé, touché notre pays, en tout cas,
01:45:37 ou nos cultures.
01:45:39 Mais André a peut-être d'autres...
01:45:42 -Bonjour. Tino Morganti, collaborateur parlementaire.
01:45:45 C'était un petit peu la même question.
01:45:47 Je me demandais si, dans l'idéologie woke,
01:45:50 il n'y avait pas la mort du wokisme déjà intégré,
01:45:54 dans la mesure où le wokisme a besoin de logique
01:45:57 pour démontrer qu'il y a un système,
01:46:00 a besoin des mathématiques,
01:46:03 simplement pour comptabiliser la victimisation.
01:46:09 Pour faire des... On a besoin de quantité, etc.
01:46:13 Donc, je me demandais si le wokisme n'allait pas être,
01:46:17 non pas une religion, mais une hérésie,
01:46:19 suivie d'autres hérésies.
01:46:22 Et si on n'allait pas assister à une...
01:46:25 Je sais pas, 10, 20 ans de plusieurs hérésies,
01:46:28 dont le wokisme serait la première,
01:46:30 mais qui ne peut pas tenir dans la durée.
01:46:34 C'est un petit peu la même question.
01:46:36 - Oui, c'est l'hypothèse optimiste.
01:46:38 C'est-à-dire qu'effectivement, à la fin,
01:46:40 il faut bien qu'il y ait des avions qui circulent,
01:46:42 des hôpitaux qui fonctionnent, etc.
01:46:45 C'est pas si simple que ça,
01:46:46 parce qu'on voit que c'est une doctrine extrêmement puissante
01:46:49 et qui fait que, je vous dis, certains biologistes
01:46:52 choisissent d'arrêter de faire de la biologie au sens habituel.
01:46:56 L'exemple, je dirais, le plus frappant,
01:46:59 c'est celui de Kleinerman, dont je parlais,
01:47:01 ce mathématicien roubain,
01:47:02 qui dit qu'effectivement, on l'empêche de faire
01:47:05 des mathématiques et que ce qui se passe,
01:47:07 c'est que beaucoup d'étudiants chinois
01:47:10 qui étaient aux Etats-Unis jusque-là
01:47:11 repartent ensuite en Chine pour finir leurs études en Chine
01:47:15 et que beaucoup, même, dit-il, de mathématiciens américains
01:47:18 continuent, enfin, vont en Chine pour travailler tranquillement,
01:47:21 faire des mathématiques tranquillement.
01:47:23 Donc, on peut se dire que, d'une certaine manière,
01:47:25 si la science s'arrête en Occident, pourquoi pas ?
01:47:29 C'est une hypothèse extrêmement pessimiste,
01:47:32 mais ça peut continuer à se produire.
01:47:34 Ça peut continuer ailleurs.
01:47:35 Il me semble que...
01:47:37 Les smartphones seront toujours fabriqués quelque part,
01:47:41 mais les woke peuvent refuser d'y toucher
01:47:44 ou, en tout cas, de participer à leur construction, etc.
01:47:48 Donc, moi, je pense que c'est ça qui est, à mon avis,
01:47:51 très compliqué, c'est parce que c'est une croyance
01:47:54 qu'elle ne peut pas nécessairement être démentie par les faits.
01:47:57 C'est-à-dire qu'on peut très bien se dire...
01:48:01 Enfin, d'abord, on peut renoncer,
01:48:03 autant que faire se peut, au progrès technologique, etc.,
01:48:06 et puis, sinon, on peut faire en sorte
01:48:08 que ce progrès technologique soit externalisé,
01:48:10 d'une certaine manière.
01:48:12 Donc, je ne suis pas sûr que ça puisse disparaître comme ça.
01:48:15 -Oui, bonjour. Annie Vitoussi, avocate, honoraire.
01:48:22 Je voulais vous demander si vous n'y voyez pas un lien
01:48:26 entre le wokeisme et l'évolution de la notion de procréation,
01:48:32 puisque maintenant, ce n'est pas uniquement la femme,
01:48:35 ou tel qu'on concevait la procréation antérieurement.
01:48:39 Il y a eu beaucoup de progrès médicaux qui ont été faits
01:48:41 et qui ont généré, peut-être aussi, un droit à l'enfant
01:48:46 et une évolution de la notion de famille,
01:48:48 puisque maintenant, on arrive à parler de papa 1, papa 2, etc.
01:48:54 Voyez-vous, ou maman 1, ou maman 2, enfin, bref,
01:48:57 voyez-vous un lien entre ces notions-là et le wokeisme,
01:49:01 s'il vous plaît ?
01:49:02 -Oui, alors... -Jean-François,
01:49:03 ça sera ta dernière réponse.
01:49:05 Donc, proffinez-en pour conclure.
01:49:07 -D'accord.
01:49:08 Bon, alors, je pense que, de ce point de vue-là,
01:49:11 c'est tout à fait vrai. C'est-à-dire qu'il y a,
01:49:12 effectivement, depuis quelque temps,
01:49:15 la procréation est devenue une affaire en partie technique,
01:49:18 peut-être entièrement technique, d'une certaine manière,
01:49:20 peut se faire d'une manière tout à fait artificielle.
01:49:24 C'est l'hypothèse, d'ailleurs, d'une psychanalyste,
01:49:26 Monette Wacken, qui a écrit sur Frankenstein, etc.,
01:49:29 sur...
01:49:32 C'est la première génération issue de parents
01:49:34 qui ont connu les fécondations artificielles, etc.
01:49:38 Et donc, l'idée que le corps n'est pas absolument essentiel
01:49:41 et qu'on pourrait très bien être homme et enceint,
01:49:43 c'est pas exclu que ça puisse finir par se faire,
01:49:45 avant, en greffant des utérus, des choses comme ça.
01:49:48 C'est vrai que ça déréalise, d'une certaine manière, les choses,
01:49:52 et ça rend le monde réel,
01:49:54 celui, effectivement, où il y a des hommes et des femmes,
01:49:59 une possibilité, ça devient une possibilité,
01:50:01 mais pas la seule, d'une certaine manière.
01:50:02 C'est ça qui est très étonnant.
01:50:04 Et on voit qu'effectivement, ici, le progrès technique,
01:50:06 technique radicale, les fives, les fivettes,
01:50:09 l'APMA, l'AGPA, etc.,
01:50:11 va conduire, effectivement, à des changements culturels
01:50:15 ou philosophiques tout à fait étonnants.
01:50:17 Et on sort, effectivement, du monde réel, ici,
01:50:20 pour aller dans un monde où tout cela peut être fabriqué.
01:50:22 Je pense que cette idée...
01:50:25 Enfin, je dirais que les technologies de pointe
01:50:28 sont des technologies qui, d'une certaine manière,
01:50:30 nous font perdre de vue le monde réel.
01:50:33 Il y a ce que le philosophe américain
01:50:35 Matthew Crawford appelle "une guerre à la réalité",
01:50:38 qui est présent chez tous ces auteurs,
01:50:40 l'idée que la réalité, c'est un truc dépassé
01:50:43 et que maintenant, on peut faire toutes sortes de choses.
01:50:45 Et donc, je crois que l'exemple de la procréation
01:50:49 est un des exemples.
01:50:53 La place importante dans l'imaginaire
01:50:56 de ces procréations artificielles
01:50:58 fait peut-être qu'effectivement, on se pose des questions
01:51:01 sur la manière traditionnelle de faire des enfants,
01:51:04 qui serait d'une certaine manière périmée.
01:51:06 Vous avez tout à fait raison.
01:51:08 Donc, pour conclure, je dirais que ce qui me semble
01:51:11 tout à fait étonnant, c'est ça qui fait
01:51:13 que je suis un petit peu inquiet, vous l'avez constaté,
01:51:16 c'est que c'est une idéologie ou une religion universitaire,
01:51:20 si je puis dire, qui est un petit peu aberrante,
01:51:24 mais c'est pas la 1re fois qu'il y a des choses aberrantes
01:51:26 dans les universités.
01:51:27 En revanche, ce qui me semble plus inquiétant,
01:51:29 c'est qu'elle est assez raccord, si je puis dire,
01:51:32 elle est à l'unisson d'un mouvement
01:51:34 de déréalisation du monde,
01:51:35 qui est le mouvement que promeuvent,
01:51:38 d'une certaine manière, les gaffames,
01:51:39 qui, effectivement, je cite dans le livre André Hessène,
01:51:43 qui est un des théoriciens du monde virtuel, qui dit...
01:51:46 Les gens croient que ça ne va pas marcher,
01:51:49 mais en fait, 90 % des gens ont une vie misérable.
01:51:52 Si on leur propose une vie merveilleuse sur Internet,
01:51:55 avec les plus belles plages, les plus beaux monuments,
01:51:58 les plus belles filles, etc., ils vont choisir,
01:52:00 et il n'y a pas de raison que ça ne marche pas.
01:52:01 Et il ajoute... Et si vous me dites,
01:52:03 "Pourquoi ne pas plutôt améliorer la situation des gens réels ?"
01:52:07 Il dit, "Vous avez eu 2 000 ans pour le faire,
01:52:10 "vous n'avez rien fait, moi, je leur propose le métaverse,
01:52:13 "ils vont le choisir et tout ira bien."
01:52:15 C'est bien ce qui m'inquiète, parce que je pense
01:52:17 que tout ira mal s'ils choisissent le métaverse.
01:52:19 -Merci beaucoup. Merci.
01:52:22 (Applaudissements)
01:52:24 (Musique)