La politique et moi - Stéphanie Rist

  • l’année dernière
Stéphanie Rist, députée "Renaissance" du Loiret

Elle aurait pu rester médecin à l'hôpital d'Orléans, d'autant qu'elle s'est toujours méfiée des partis politiques. Mais pour mener à bien la mission qu'elle s'est fixée, Stéphanie Rist a fini par s'engager sous les couleurs d'En Marche, en 2017.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcript
00:00 Elle aurait pu rester médecin à l'hôpital d'Orléans,
00:03 d'autant qu'elle s'est toujours méfiée des partis politiques,
00:06 mais pour mener à bien la mission qu'elle s'est fixée,
00:09 elle a fini par s'engager en 2017 sous les couleurs d'En Marche.
00:13 ...
00:28 Bonjour, Stéphanie Rist.
00:29 -Bonjour. -Vous siégez au groupe Renaissance,
00:33 mais quand vous avez envoyé votre CV à En Marche en 2017,
00:37 vous étiez persuadée que vous ne seriez pas retenue.
00:40 Pourquoi ? -Oui, je croyais que les cas...
00:43 Les dés étaient jetés à l'avance.
00:45 Je pensais que les postes étaient déjà pourvus.
00:47 -Vous aviez une image de la politique
00:49 qui n'était pas formidable pour penser ça.
00:52 -Oui, j'avais une image, en tout cas, que c'était réservé à certains.
00:56 Soit parce qu'ils étaient engagés depuis très tôt
00:59 dans des partis politiques,
01:00 soit parce qu'ils avaient fait des études pour ça.
01:04 -Et l'idée d'être engagée dans un parti,
01:06 c'était pas vraiment votre truc ?
01:08 -Non, j'étais pas engagée dans un parti,
01:10 même si la chose politique et la politique en général,
01:14 les débats m'intéressaient déjà.
01:16 -Alors, à l'époque, vous étiez médecin à l'hôpital d'Orléans.
01:20 Vous aviez jamais fait de politique,
01:22 mais vous l'avez emporté assez largement, au législatif de 2017.
01:26 Le lendemain de votre élection, vous vous êtes montrée confiante.
01:29 On va revoir les images.
01:30 -Vous êtes novice, votre expérience, vous ne l'avez pas encore.
01:34 Qu'est-ce qui fait que vous allez être une bonne députée ?
01:37 -J'ai un engagement ancien,
01:39 un engagement à l'intérieur de l'hôpital,
01:41 en milieu associatif, et cet engagement, il se poursuit.
01:45 Pour moi, c'est une continuité sur mon parcours.
01:48 Certes, j'ai pas d'expérience politique pure,
01:50 mais j'ai une expérience de l'écoute,
01:53 du partage, de l'échange,
01:55 et de faire avancer les sujets.
01:56 -C'est assez surprenant, vous considérez
01:59 que votre mandat de députée, c'est la suite logique
02:02 de votre engagement de médecin. Pourquoi ?
02:04 -C'était cohérent, car depuis plusieurs années,
02:07 je travaillais à l'intérieur de l'hôpital
02:09 pour améliorer l'accès aux soins de mon territoire,
02:12 en difficulté en raison du nombre de médecins
02:15 depuis de nombreuses années,
02:16 et j'étais arrivée au bout de ce que je pouvais faire
02:20 à mon échelle, à l'intérieur, en tant que médecin.
02:23 J'avais envie de m'engager pour améliorer l'accès aux soins.
02:27 -C'était déjà l'objectif que vous étiez fixé
02:30 en présentant votre candidature.
02:32 -C'est vraiment le sens premier de mon engagement.
02:35 C'est pour améliorer la vie des gens sur l'accès aux soins,
02:38 car c'est là où j'ai le domaine de compétence.
02:41 -On va en parler plus en longueur.
02:43 D'abord, sur le papier, médecine et politique,
02:46 ça semble très éloigné.
02:47 Vous voyez quand même des points communs entre les deux ?
02:50 -Beaucoup. J'avais peur que la médecine
02:53 ne soit pas en arrêtant, même si je fais encore une demi-journée,
02:56 mais j'avais peur, dans la politique,
02:59 que vous continuiez à écouter les gens
03:01 et à essayer d'améliorer leur vie,
03:03 soit localement, quand ils viennent vous voir,
03:06 parce qu'ils ont des problèmes,
03:07 soit même nationalement,
03:09 et dans les lois qu'on peut porter ou voter,
03:12 on essaie d'améliorer la vie des gens.
03:14 -Il y a une partie diagnostic et une partie soin ?
03:17 -Il y a une partie diagnostic et une grosse partie écoute.
03:20 Il faut aimer les gens si on veut faire de la politique,
03:23 sinon, ça ne marche pas.
03:25 -Qu'est-ce qui est le plus facile entre les deux ?
03:28 -Entre la médecine et la politique ?
03:31 Je crois que la politique, c'est énormément de travail.
03:35 Ca m'a surpris, d'ailleurs, en arrivant,
03:37 la quantité de travail que font tous les députés,
03:40 quelles que soient leurs appartenances politiques.
03:43 Il y a beaucoup d'engagement et de travail.
03:46 De la médecine aussi, bien évidemment.
03:48 Ca m'a surpris beaucoup,
03:49 mais en politique, peut-être encore plus.
03:52 -Quand on regarde le bilan de votre action depuis 2017,
03:55 presque toutes vos initiatives sont tournées
03:58 vers cet objectif que vous avez évoqué,
04:00 améliorer l'accès aux soins.
04:02 Vous êtes même à l'origine de deux lois,
04:04 que vous avez déposées, qui ont été votées sur ce sujet.
04:07 Ca donne l'impression que vous êtes une députée en mission.
04:11 Vous vous retrouvez là-dedans ?
04:13 -En tout cas, je sais pourquoi je suis là
04:15 et je sais pourquoi je suis engagée.
04:18 En même temps, chacun doit apporter sur les sujets
04:21 dans le cadre de ses compétences,
04:23 dans ce qu'il a déjà vécu, ses expériences.
04:25 Moi, c'est la santé, donc je m'engage sur la santé.
04:28 Je travaille beaucoup pour améliorer les choses.
04:31 -Ca veut dire que vous vous intéressez pas ou peu au reste ?
04:34 -Alors non, et ça, c'est venu progressivement.
04:37 Quand je suis arrivée,
04:38 j'étais pas dans la commission des affaires sociales,
04:41 j'étais dans la commission affaires culturelles,
04:44 éducation et sport.
04:46 Je suis intéressée à d'autres sujets,
04:48 même si une partie de moi rapportait très souvent
04:50 au sujet santé.
04:51 C'est bien sûr sur tous les textes,
04:53 parce que la vie des gens, quand ils nous voient,
04:56 c'est pas que des problèmes de santé,
04:58 mais ma spécificité est sur la santé.
05:01 -Pendant le débat sur la réforme des retraites,
05:03 vous vous êtes retrouvée en première ligne
05:06 parce que vous avez été rapporteur de ce projet de loi.
05:09 On vous a vu répondre aux attaques des oppositions
05:12 sur un registre purement politique,
05:14 sauf une fois, c'était en réponse
05:16 au député Rassemblement national, Thomas Ménager.
05:19 On va revoir les images.
05:20 -Mon père a travaillé toute sa vie sur les toits et les couvreurs.
05:25 Mon père a 58 ans.
05:26 Aujourd'hui, chaque soir, il a les genoux qui doublent de volume.
05:30 Chaque matin, il ne peut pas se lever, il est cassé.
05:33 Venez sur le terrain et vous comprendrez
05:35 que pour une partie des Français, il est impossible d'aller jusqu'à 64 ans.
05:39 -Monsieur Ménager, mon père et moi,
05:42 on a un bistrot, il se levait tous les matins à 5h du mat,
05:45 il bossait 7 jours sur 7.
05:46 Personne ici a un monopole du papa qui a souffert dans sa vie.
05:50 Applaudissements
05:52 -C'est assez rare que les députés parlent d'eux-mêmes
05:55 de leur histoire privée, de leur vie familiale.
05:58 Pourquoi vous avez fait ça ce jour-là ?
06:00 -Je crois qu'il faut remettre dans le contexte
06:03 d'une réforme compliquée qui nécessitait beaucoup de travail
06:06 et aussi une fatigue assez importante.
06:09 Je crois que dans ces moments-là,
06:11 finalement, on retire un peu les barrières
06:13 et c'était une attaque...
06:15 -Vous avez eu besoin de répondre sur ce registre.
06:17 -C'était d'une violence aussi vraiment importante
06:20 au banc dans cette réforme des retraites,
06:23 avec des propos très virulents de plusieurs bords.
06:27 Et...
06:28 Et en fait, je trouve que l'argument était...
06:33 était personnel et qu'il fallait répondre par du personnel.
06:36 En fait, c'est sorti tout seul.
06:38 Je sais pas s'il y a froid, reposé, j'aurais eu les mêmes arguments.
06:42 -Vous avez été élevée, éduquée,
06:45 dans un milieu plutôt modeste, on l'a compris.
06:47 En choisissant de faire Midsim, vous avez fait
06:50 les études les plus longues en France.
06:52 Vous dites que c'était une forme de revanche pour vous.
06:56 Une revanche sur quoi ?
06:57 -Oui, j'ai des parents qui ont tout mis en édophilie
07:02 et qui ont mis les études comme quelque chose
07:05 de très important et d'émancipateur.
07:08 -Parce qu'eux-mêmes n'ont pas fait d'études.
07:10 -Eux-mêmes n'ont pas eu le bac.
07:12 Et voilà, mais c'est pas...
07:14 On n'en est pas tristes dans la famille.
07:16 J'ai une grande fierté, je suis très fière de mes parents.
07:19 Mais n'empêche que la notion de faire des études
07:22 et d'avoir cette chance de pouvoir étudier
07:25 était vraiment rabâchée presque tous les jours.
07:28 Avec ma soeur, on a fait chacune des études très longues.
07:31 Je pense que c'est peut-être, en revanche,
07:33 par rapport à eux, qu'elle n'a pas pu faire d'études.
07:36 -Pourtant, la politique vous a passionnée très jeune.
07:39 Dès l'âge de 7 ans, vous regardiez "L'heure de vérité"
07:42 quand la plupart des enfants regardaient plutôt
07:45 le club Dorothée. -Non, on regardait
07:47 "L'heure de vérité" avec mon père et on préparait vraiment
07:51 l'émission et on débattait sur les sujets.
07:55 J'essayais d'avoir un avis...
07:58 -C'était cette idée du débat qui vous intéressait ?
08:01 -Oui, c'était vraiment se positionner
08:03 par rapport à avoir un avis sur les choses qui nous entourent,
08:06 sur la société. C'est pour ça que le sujet en politique,
08:09 pour moi, n'est pas que la santé, mais tous les sujets m'intéressent
08:13 pour construire un avis et le porter et essayer de convaincre.
08:16 -C'est peut-être pour ça qu'au sein de l'hôpital,
08:19 vous êtes un peu sorti du cadre purement médical,
08:22 comme vous l'expliquiez. A 41 ans, vous avez repris vos études,
08:25 vous avez fait un master à Sciences Po.
08:28 C'était une façon de vous rapprocher de l'engagement politique.
08:31 Je me suis dit que le déclic avait peut-être eu lieu
08:34 dans la population de vous. Plus je regardais
08:36 la chaîne parlementaire, plus j'avais envie d'y aller.
08:39 Vous ne seriez peut-être pas à l'Assemblée sans LCP.
08:42 -Alors, je ne sais pas, mais en tout cas,
08:44 je regardais les questions gouvernement,
08:47 mais je regardais aussi les séances la nuit.
08:49 Je me disais qu'ils ne sont pas très nombreux.
08:52 Si j'y étais, j'y serais tout le temps.
08:54 -Et depuis, vous avez un peu changé votre façon de voir les choses ?
08:58 -On comprend pourquoi tous les sièges
09:00 ne sont pas forcément remplis à longueur de temps.
09:03 Il y a du travail en commission, des réunions...
09:05 -Il y a aussi la présence en circonscription.
09:08 -Ce sont des choses qu'on ne sait pas quand on regarde la télé.
09:11 -Peu de députés ont réussi à donner leur nom à deux lois différentes
09:15 en aussi peu de temps.
09:16 Vous avez fait voter des mesures très concrètes pour la santé,
09:20 par exemple le plafonnement des salaires
09:22 des médecins intérimaires à l'hôpital.
09:24 Pourtant, vous dites avoir été surprise par la difficulté
09:28 à faire bouger les choses en politique.
09:30 Comment expliquer cette forme d'inertie qui peut exister ?
09:33 -Elle s'explique pour une bonne raison et une moins bonne.
09:36 La bonne raison, c'est, à mon avis,
09:38 qu'il faut emmener tous les acteurs.
09:41 Quand vous touchez à un sujet en politique,
09:43 tout se tient, tout est engrainé,
09:45 ça touche les finances, ça touche d'autres secteurs.
09:48 Donc, vous avez tous ces gens-là à essayer d'emmener
09:51 vers une transformation ou une politique qui change.
09:54 C'est normal que ça prenne un peu de temps.
09:57 Et puis, il y a aussi une lourdeur
09:59 administrative aux changements, culturelle aussi,
10:02 et parfois, on aimerait que ça aille plus vite,
10:05 mais c'est aussi notre boulot de députée
10:07 d'essayer de faire accélérer et bouger les lignes.
10:10 -Et donc, la résistance aux changements,
10:12 en ce qui vous concerne, elle est venue
10:15 en grande partie de vos propres collègues médecins
10:18 qui n'ont pas franchement été tendres avec vous.
10:20 Est-ce que c'est pas blessant de se battre
10:23 pour améliorer l'accès aux soins et d'être accusé,
10:26 par une partie de la profession, d'être une traître ?
10:29 -C'est difficile au début, parce que, en plus,
10:31 quand on est médecin, les gens vous aiment bien.
10:34 Quand je fais ma consultation, le lundi matin,
10:37 les gens m'aiment bien, c'est plutôt sympathique.
10:40 Quand vous arrivez en politique,
10:41 vous comprenez qu'il y a des gens qui sont pas d'accord avec vous.
10:45 Et là, sur les lois que j'ai portées,
10:47 c'est vrai que ce sont des lois qui changent la culture,
10:51 ça a été peut-être un peu rapide,
10:53 il y a eu aussi des fausses informations qui circulent,
10:56 tout ce qu'on retrouve dès qu'on veut transformer
10:59 et faire avancer plus vite.
11:00 Effectivement, il y a des propos très violents.
11:03 Encore une fois, quand on s'attaque au député lui-même,
11:06 on s'y attend.
11:07 Quand on va faire en politique, le premier truc, c'est dur,
11:10 mais quand ça touche la famille, par exemple,
11:13 c'est vraiment plus difficile.
11:15 -Dans les manifestations de médecins libéraux,
11:18 il y a eu parfois la pancarte "Rist, tue",
11:20 et vous expliquez que votre fille est tombée,
11:23 face à cet affichage-là, dans la rue.
11:26 -Oui, il y avait un rassemblement
11:28 de cette affiche dans ma ville,
11:29 et ma fille et ses copines ne sont passées pas loin.
11:32 C'est sûr que pour elle, c'était pas évident,
11:35 mais en même temps, maintenant,
11:37 elle commence à être un peu habituée,
11:39 et ça leur fait se rendre compte de l'engagement,
11:42 même s'il ne faut pas cautionner cette violence
11:45 et cette personnalisation.
11:46 Quand vous faites une loi, certes, la loi porte mon nom,
11:49 j'étais à l'initiative, j'ai beaucoup travaillé là-dessus,
11:53 mais on est aussi une majorité,
11:55 il y a des lois qui ont été votées par l'ensemble de l'Assemblée.
11:58 -On va passer à notre quiz, à présent.
12:00 Je vous explique le principe.
12:02 Je vais vous proposer un début de phrase,
12:05 et ça va être à vous de le compléter.
12:07 En y va.
12:08 "En devenant députée, j'ai découvert que..."
12:11 -Qu'il fallait beaucoup travailler pour faire bouger les lignes.
12:14 -C'est un peu ce que vous évoquiez.
12:16 "Depuis que je suis élu, ma famille me dit souvent..."
12:20 -"Continue." -D'accord.
12:21 "Malgré toutes ces attaques,
12:23 malgré leurs propres expositions, parfois..."
12:26 -Oui, j'ai posé la question pour savoir si je retournais
12:29 à l'élection pour un deuxième mandat,
12:32 et ça a été unanime.
12:33 -Pour être ministre de la Santé, il faut...
12:36 -Il faut le vouloir, et pour ma part,
12:38 c'est pas ce qui me fait me lever le matin.
12:41 Ce qui me fait me lever le matin, c'est améliorer les choses.
12:44 Si il faut passer par cette case, pourquoi pas.
12:47 -Votre nom a circulé plusieurs fois.
12:49 -Il y a toujours des noms, c'est normal.
12:51 Je cherche pas un poste en particulier,
12:53 je cherche à avancer les sujets,
12:55 mais parfois, ça passe par des postes.
12:57 -On verra pour la suite. Merci, Stéphane Iris,
13:00 d'avoir été l'invitée de "La Politique et moi".
13:03 ...

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