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00:00 *Générique*
00:06 Bonjour Jean-Claude Michéa !
00:07 Bonjour !
00:08 Je suis ravi de vous recevoir parce que vous êtes un philosophe rare.
00:11 Vous publiez Extensions du domaine du capital aux éditions Albain Michel.
00:15 Alors rare d'abord sur les médias, vous détestez les interviews, les médias dominants,
00:19 donc j'ai intérêt à bien me tenir.
00:21 La dernière fois que vous avez croisé un journaliste mainstream, c'était pour votre
00:25 Avoineux, il y a 5 ans.
00:27 Vous êtes également un philosophe rare parce que vous êtes difficilement classable,
00:31 vous êtes né communiste dans une famille communiste, vous n'avez jamais renié et
00:35 cela ne vous a pas empêché d'être un grand lecteur d'Orwell qui est probablement
00:39 l'un des auteurs qui vous a le plus donné à penser aux côtés du vieux Marx, mais
00:43 ça c'est plus classique pour un communiste.
00:45 Et puis enfin vous êtes inclassable parce que vous êtes de gauche mais mal aimé par
00:50 une partie de la gauche, par la bourgeoisie écologiste.
00:52 Vous nous expliquerez qu'ils sont une partie de la gauche que vous n'aimez pas, qui ne
00:57 vous aiment pas.
00:58 Et si je devais résumer l'un des grands changements dans votre vie, vous habitez aujourd'hui
01:04 à la campagne, vous avez vécu très longtemps à Montpellier mais désormais vous êtes
01:07 dans les Landes et d'ailleurs vous avez un très beau t-shirt aujourd'hui avec un
01:11 mouton.
01:12 Qu'est-ce que c'est que ce mouton Jean-Claude Michel ?
01:14 C'est un hommage au principal groupe de rock landais, l'inspecteur Clouseau, ce
01:19 sont des grandes vedettes là-bas qui sont extraordinaires.
01:22 Cet été ils avaient fait un concert extraordinaire aux arènes de Mont-de-Marsan.
01:26 Il faut dire quelque chose, c'est un groupe qui est six mois par an en tournée aux Etats-Unis,
01:31 au Japon et dans le monde entier sauf en France.
01:34 Et six mois par an ils élèvent des oies, pas très loin de chez moi, et font un foie
01:38 gras, des rillettes, des produits locaux très recherchés.
01:42 Ils alimentent certains restaurants parisiens.
01:43 Et du coup ça s'explique aux Etats-Unis, leur statut de rock farmer qui les a rendus
01:48 très célèbres.
01:49 Or tant qu'à venir à Babylone, j'ai voulu rendre hommage à mes concitoyens, donc c'était
01:59 un hommage à l'inspecteur Clouseau.
02:01 Qu'est-ce que ça a changé ce déménagement Jean-Claude Michel, vous parlez dans "Extension
02:05 du domaine du capital", votre dernier livre, aux éditions Alba Michel ?
02:08 Ça a changé énormément de choses.
02:11 Comme je dis tout le temps, la première chose qu'on vérifie, je le dis maintenant
02:14 depuis 7 ans, dans la vraie ruralité, c'est-à-dire le village où il n'y a ni café, ni commerce,
02:23 désert médical absolu.
02:24 Et donc la première chose qu'on vérifie c'est à quel point Christophe Guilly, le
02:31 géographe, décrit la réalité, il faut le préciser, parce qu'il est toujours l'objet
02:36 lui-même de campagnes et de croisades métropolitaines remettant en question le concept de France
02:44 politique, que lui-même a toujours nuancé.
02:46 Et c'est la première chose qu'on vérifie.
02:48 Mais surtout, puisqu'on est dans un monde médiatique, la chose qui est la plus frappante
02:54 quand on habite depuis 7 ans dans la ruralité profonde, c'est le fait que les gens de là-bas,
03:01 les gens d'ici pour moi quand j'y suis, ce sont des gens dont la vision est toujours
03:06 en stéréo pour une simple raison, ils ont d'un côté le monde qu'ils ont sous leurs
03:09 yeux, dont je parle en partie dans le livre, et ils ont le monde qu'ils voient sur les
03:14 écrans ou qu'il leur vient par les médias et qui est un monde assez surréaliste, parce
03:18 que rien n'est plus étonnant comme expérience que de regarder la télévision, d'écouter
03:24 la radio, quand on est dans cette ruralité profonde, notamment les clips publicitaires
03:31 qui décrivent un monde quasiment martien.
03:34 Et donc les gens sont toujours là-bas, obligés de naviguer entre deux visions du monde, ce
03:38 qui explique à quel point ça les rend souvent plus critiques.
03:41 Alors que lorsqu'on est dans une grande métropole, et particulièrement à Paris,
03:45 les médias vous renvoyant votre propre reflet, il est beaucoup plus difficile d'imaginer
03:51 une autre vie que celle que l'on a.
03:53 - Mais alors, elle ressemble à quoi votre vie Jean-Claude Michéa aujourd'hui ? Je
03:58 crois que vous prenez soin avec votre épouse de votre jardin, c'est quelque chose qui
04:03 compte beaucoup.
04:04 Qu'est-ce que vous faites là-bas que vous ne pourriez pas faire ici, avec votre jardin,
04:10 avec votre culture, avec votre manière d'être aujourd'hui plus près de la terre ?
04:14 - Le terme de jardin ne plairait pas tout à fait à ma femme.
04:18 - C'est un terme de Parisien.
04:20 - Celle qui organise, dirige, vietnamienne d'origine, fille de maraîcher, elle a la
04:26 main verte et un savoir paysan extraordinaire, et c'est beaucoup plus qu'un jardin, c'est
04:31 elle qui dirige et qui s'en occupe vraiment les trois quarts du temps.
04:36 Mais à travers ça, ce que j'apprends personnellement, c'est à quel point Orwell avait raison dans
04:42 le cas de Wigan lorsqu'il dit à un moment donné "quand on n'a plus l'usage de ses
04:46 mains, c'est toute une partie de notre personnalité qui disparaît".
04:50 Et le fait que là-bas, tout le monde travaille de ses mains, vous avez même, c'est des choses
04:54 qu'on voit rarement à Bercy, beaucoup de gens à qui il manque un doigt, qui se sont
04:58 coupés, histoire de tronçonneuse, etc.
05:00 On voit à quel point le travail manuel est quelque chose qui modifie la vision du monde,
05:05 et on comprend à quel point on a perdu quelque chose quand on est dans ce mode de vie coupé
05:12 de tout ce qui est le rapport avec la matière, et je suppose qu'il y aura un lien à faire
05:17 avec la déconnexion généralisée de l'esprit métropolitain, et ce qu'on apprend au contraire
05:22 sur le terrain quand on vit au plus loin de ces métropoles.
05:25 - Je ne dis pas ça parce que vous venez d'évoquer ces accidents, qui peuvent être graves d'ailleurs,
05:29 un doigt coupé, mais vous avez un médecin à côté de chez vous ?
05:31 - Alors c'est très drôle, parce que dans le livre, on parlait de désert médical, dans
05:38 le livre j'avais signalé, donc il est fait sur deux ans, la première année, le seul
05:41 médecin qu'on a trouvé capable d'accueillir des nouveaux patients avait 76 ans, donc il
05:47 en a 77 cette année, mais le scoop qui n'est pas dans le livre, c'est qu'il y a si peu
05:51 de médecins capables de prendre de nouveaux patients, qu'il y a eu récemment des enchères
05:57 entre les communes, et que pour 50 000 euros, une commune assez lointaine a réussi à s'emparer
06:03 de celui qui était à 10 km de chez nous, qui a été acheté à 77 ans, transféré,
06:10 c'est un transfert, c'est le mercato rural désormais, où à la fin de saison, on met
06:17 de l'argent sur la table pour s'assurer les services d'un médecin.
06:20 Donc ça, c'est vraiment le désert médical, j'ai lu d'ailleurs que si la France rurale
06:24 maintenant a une espérance de vie de deux ans inférieure à celle des métropoles et
06:28 de leurs banlieues, c'est pas parce que la vie est moins saine, au contraire, mais c'est
06:33 que là, personne n'a le temps d'aller se faire observer la naissance d'un cancer.
06:41 Tout est pris toujours trop tard, parce qu'effectivement, le moindre rendez-vous chez l'opticien, c'est
06:45 des mois, des mois, voire parfois un an, et j'ai compris ça, ce qu'est un désert
06:50 médical.
06:51 C'est un des plus bons liés, première faculté de médecine d'Europe avec Bologne, et où
06:55 il y a un médecin tous les 10 mètres, ça c'est vraiment un choc culturel.
06:58 - C'est quoi, c'est une France oubliée, c'est une France méprisée, Jean-Claude
07:01 Mitterrand ?
07:02 - C'est une France oubliée, c'est évident, puisque sur les médias, je ne vois jamais
07:08 l'écho pour l'essentiel de ce que je vis et ce que je vois autour de moi.
07:12 - Oh, il y a un peu sur France culture, vous exagérez !
07:14 - C'est une France perspectivée ! La vraie ruralité profonde, celle qui est à 140 km
07:18 de la première métropole, je vais vous donner un exemple.
07:21 Un livre sur la jeunesse rurale signalait récemment que, alors que la jeunesse Erasmus
07:28 a souvent séjourné à l'étranger longtemps, parfois des études en Angleterre, ailleurs,
07:35 etc., ici c'est très souvent qu'on voit le jeune de 17-18 ans qui ne connaît même
07:40 pas la capitale régionale.
07:41 Je sais très bien qu'on a un enfant de voisin, pour ses 18 ans, on lui a offert le pèlerinage
07:46 de Bordeaux où, pour la première fois de sa vie, il découvrait ce qu'était une métropole
07:51 et une grande ville.
07:52 Donc, plus on est loin de ces grands centres métropolitains et plus vous avez affaire
07:58 à des gens dont la parole ou les modes de vie ne trouvent pas d'écho.
08:03 Et puis persécutés, je le signale dans le livre, mais ça il faut vraiment que les auditeurs
08:08 de France culture le sachent, des normes européennes ou parisiennes ou kafkaiennes, je ne sais
08:12 pas d'où elles viennent, font que notre village a été mis à l'amende parce que
08:16 des gens descendus de Bruxelles ou de Paris sont venus vérifier de quel côté le mode
08:21 d'emploi de l'extincteur du foyer rural se trouvait.
08:24 Il fallait qu'il soit à droite, il était à gauche.
08:26 Ça ne changeait rien, n'importe qui pouvait le voir et savait le manier, mais on a eu
08:30 une amende parce qu'on n'était pas dans les normes européennes.
08:33 Des choses comme ça, je peux en raconter des milliers et c'est une des expériences
08:38 qu'on a quand on vit au plus loin des métropoles.
08:40 Vous pouvez déjà nous parler du foie gras, puisque le foie gras c'est une production
08:44 locale disiez-vous, il y a quelques instants, Jean-Claude Michéa, et c'est une production
08:48 qui est observée d'un œil de plus en plus noir, méfiant dans les grandes villes, à
08:55 Paris, à New York.
08:56 Alors là, en plus, c'est quelque chose qui mettrait ma femme en colère, au sens
09:00 où elle est devenue avec le temps l'une des meilleures, enfin elle produit le meilleur
09:05 foie gras ou l'un des meilleurs.
09:07 Tous les gens du village sont d'accord là-dessus, mais vous voyez, on a été tellement métropolitain
09:12 que nous, nous sommes incapables de tuer nos propres canards.
09:14 Sauf qu'au lieu d'y voir un signe de ma supériorité morale, comme le ferait à
09:18 Émeric Caron, j'y vois simplement le fait que je suis resté très urbain et métropolitain
09:24 pour beaucoup de choses, donc je n'en tire aucune fierté.
09:27 Tuer ou faire souffrir ? Parce que quand vous évoquez le foie gras, je me dis, voilà,
09:31 ça fait souffrir les animaux.
09:32 Oui, alors là, il faut… Je serais assez d'accord avec vous parce que l'urbain
09:37 en moi est incapable de tuer un canard ou d'une poule.
09:41 D'autres animaux beaucoup plus dangereux, ça c'est tout à fait différent, mais
09:46 encore une fois, c'est par tradition culturelle et non pas par supériorité morale.
09:51 Après, il ne faut pas oublier les manières dont les éleveurs du coin tuent leurs bêtes,
09:59 ça choque l'urbain, mais en tant que tel, il n'y a jamais de volonté de faire souffrir.
10:03 Et toutes les précautions sont prises pour que l'animal ne souffre pas.
10:07 Rien ne serait pire que de croire que ces éleveurs sont des gens qui n'ont pas un
10:12 sens profond de l'animalité.
10:13 J'avais dit dans le livre également qu'il existe, par exemple, sur la corrida, je suis
10:22 alors absolument étranger à cette culture au départ, mais c'est difficile quand on
10:25 est dans le sud-ouest de ne pas comprendre.
10:27 Invitez vos auditeurs à aller voir ce podcast de France Inter où il y a l'interview du
10:32 jeune El Rafi qui est un torero du sud-est, et là vous aurez les réponses à toutes
10:41 les questions que vous venez de me poser sur la souffrance animale d'un jeune torero.
10:45 - A priori on se dit que si on peut ne pas faire souffrir un taureau, c'est mieux pour
10:49 vous et pour moi.
10:50 - Oui, mais jamais je n'ai vu un aficionado par exemple, puisque moi j'ai dû découvrir
10:55 en ces temps, cette religion locale, ne pense souffrance animale.
11:01 Ils sont sur de toutes autres logiques.
11:03 C'est une autre culture, et là je sais que le métropolitain ne peut pas l'entendre,
11:08 et ce qu'il reste de métropolitain en moi, ne veut pas comprendre non plus cette notion
11:14 autant, mais ça ne correspond tellement pas à ce qu'on a sous les yeux quand on le voit
11:19 depuis une pratique et un mode de vie que, je pourrais quand même signaler là-dessus
11:24 ce qui rejoint ce qu'on disait.
11:25 Ici, des aficionados, j'en vois tout le temps, le paysan, l'éleveur, etc.
11:30 Et je n'ai jamais vu un aficionado qui ne commence pas par dire "moi je comprends qu'on
11:34 déteste la corrida, je comprends qu'on soit contre".
11:37 Je n'ai jamais vu un caronien commencer par dire "je comprends qu'on aime la corrida".
11:43 Et là il se passe quelque chose de plus important pour moi.
11:45 - On continue à en parler Jean-Claude Michiat dans une vingtaine de minutes.
11:49 Extension du domaine du capital, c'est le livre que vous publiez aux éditions Albin
11:54 Michel.
11:55 - 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
12:01 - 8h22, nous sommes en compagnie du philosophe Jean-Claude Michiat, vous publiez Extension
12:06 du domaine du capital aux éditions Albin Michel.
12:09 Il était question dans le billet politique du trafic de drogue à Marseille.
12:12 Une réaction Jean-Claude Michiat ?
12:13 - Juste une petite chose, simplement, il faudrait bien préciser aussi que depuis je crois deux,
12:19 trois ans, à la demande d'Eurostat et des institutions européennes, le chiffre d'affaires
12:25 du trafic de drogue est désormais intégré dans le calcul du PIB.
12:28 En sorte que si on arrivait à mettre un terme au point de deal, c'est une très mauvaise
12:32 nouvelle pour Bruno Le Maire et Bercy.
12:35 Il ne faut pas oublier que...
12:36 On n'a pas intégré encore le chiffre de la prostitution, mais il est déjà dans notre
12:41 pays européen également, dans le PIB.
12:42 - Si on le légalise, il restera dans le PIB ? Si on légalise le trafic de cannabis, si
12:47 celui-ci devient légal ?
12:48 - Si on le légalise, est-ce que ça sera alors un volume plus grand ? Auquel cas, je
12:53 vois pas l'intérêt de légaliser si c'est pour le diminuer.
12:56 Et donc, ça sera quelques points en moins ou virgule en moins dans le PIB.
13:01 Encore une fois, très mauvaise nouvelle pour Bercy.
13:03 Il faut le préciser ça, parce que ça a été vraiment très peu médiatisé, cette
13:07 décision qui a été prise, je crois, en 19, en 2019 ou 2018.
13:14 - Il y a, en tout cas dans votre livre « Extension du domaine du capital » Jean-Claude Michéa
13:20 et dans les livres précédents que vous aviez faits, des notations paradoxales, et c'est
13:26 pourquoi j'aimerais que vous nous les expliquiez, où vous nous dites que les écologistes,
13:31 une partie d'entre eux, des gens que vous n'estimez pas être des écologistes véritables,
13:36 sont les alliés objectifs du système capitaliste.
13:40 Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi vous pensez cela ?
13:43 - Déjà, il faudrait distinguer l'écologiste métropolitain, qui a souvent, je peux le
13:54 vérifier maintenant, une connaissance très limitée des réalités du terrain, des gens
14:00 qui m'entourent, paysans, éleveurs, qui ont une attention au climat, par définition,
14:06 supérieure à la moyenne du français habituel, parce que c'est son travail qui est en jeu.
14:12 - Je rappelle que vous habitez maintenant Monde-Marsan dans l'île d'Or.
14:15 - Enfin, je n'habite pas Monde-Marsan, je suis un peu loin de Monde-Marsan, dans un
14:18 petit village éloigné, on monte à la capitale quand on va une fois par mois ou deux fois
14:23 par mois à Monde-Marsan.
14:25 Mais ce qui est certain, c'est que depuis quelques années, on est au plus loin de l'écologie
14:33 de Charbonneau, de Lull, de Fournier, la gueule ouverte de l'écologie de mai 68, ou a fortiori
14:40 de la décroissance, qui est la reprise radicale de ce projet auquel j'adhère personnellement.
14:45 Non, ce qu'on appelle l'écologie scoto, aujourd'hui à écologie on répond Marine
14:51 Tondelier, Émeric Caron, Sandrine Rousseau, c'est quelque chose qui n'a plus rien à
14:56 voir avec cette écologie ancienne, et on a vraiment l'impression quand on les voit
15:01 prendre des décisions, que leur but numéro un est de détruire les modes de vie non-métropolitain.
15:07 Donc encore une fois, je ne suis pas du tout un aficionado pour la corrida, mais quand
15:12 on est dans le sud-ouest, on sait que c'est un des éléments de la cohésion sociale
15:17 et culturelle, comme la chasse, la chasse à la palombe par exemple, c'est l'équivalent
15:21 du ramadan dans les villages où je suis, les entreprises ferment pendant trois semaines,
15:26 la vie s'arrête, vous êtes dans une autre ville, et on a l'impression que l'objectif
15:33 numéro un est de détruire ces traditions qui font encore obstacle au capitalisme, parce
15:39 que si le marché a une vertu très connue, c'est d'éliminer toutes les traditions,
15:44 et pour ça il faut un idiot utile, et on en a trouvé toute une série.
15:47 Lesquelles ? Ah ben justement, ce qu'est devenu Europe Écologie Les Verts, c'est
15:53 une lance de décroissance de la radicalité, depuis cette écologie, même encore jusqu'à
16:00 l'ancien terme, qui avait encore vaguement en arrière-plan l'idée qu'on ne pouvait
16:06 pas découpler la défense de l'écologie et la critique du capitalisme dans sa vraie
16:11 définition, que plus personne ne reprend aujourd'hui.
16:13 Mais parce que Europe Écologie Les Verts estime être encore très largement critique
16:18 du capitalisme, partisan sinon de la décroissance, du moins de la sobriété, Jean-Claude Michelin.
16:23 Alors là il faudrait revenir sur, j'essaye de le faire dans mon livre, sur qu'est-ce
16:28 qu'on appelle le capitalisme aujourd'hui.
16:30 Il faudrait parler de la théorie de la valeur, de toute une série de grands concepts marxistes,
16:36 et en fait, de Piketty, j'entendais Jean-Marc Jancovici l'autre fois, chaque fois qu'il
16:41 se hasarde une définition du capitalisme, c'est quelque chose qui va inclure le boulanger
16:45 du village ou les romains du second siècle, ça n'a plus du tout la radicalité qu'il
16:52 y avait chez Marx, c'est un concept précis et opératoire.
16:55 Et aujourd'hui, dans cette extrême gauche parisienne ou métropolitaine, le mot anticapitaliste,
17:03 quand il n'a pas été remplacé par antifascisme, recouvre à peu près n'importe quoi.
17:08 C'est le pouvoir du 1%, de l'argent, c'est une définition très vague, c'est un outil
17:13 de communication.
17:14 - Pourquoi ? Parce que le pouvoir du 1% pour vous, ça n'est pas correct ? Alors vous
17:17 en parlez dans "Extension du domaine du capital", Jean-Claude Michelin.
17:21 - Ce n'est pas que le pouvoir du 1% n'existe pas, il existe, et c'est plutôt d'ailleurs
17:26 un 0,1%, et son pouvoir de définition des orientations globales du capitalisme est extraordinaire.
17:34 Mais le capitalisme ne fonctionnerait pas si on ne comprenait pas qu'il prend appui
17:40 sur 10 à 20 voire 30% de la population dans les pays occidentaux, ce n'est pas du tout
17:45 le cas dans d'autres régions du monde, et c'est notamment ce qu'Orwell avait compris
17:49 à la suite des anarchistes du 19ème siècle, l'apparition de ces nouvelles classes moyennes
17:55 chargées de l'encadrement économique, politique, technique et culturel du capitalisme, qui
18:01 sont dans une position en porte-à-foi avec le système.
18:04 Quand ils le critiquent, c'est à l'intérieur des catégories du système, ce qui, j'ai
18:09 emprunté la formule du philosophe Goscinny, revient à dire qu'ils cherchent à être
18:13 calife à la place du calife.
18:14 Et évidemment, leur radicalité est forcément amoindrie de par cette position.
18:20 Il y a un exemple que vous donnez Jean-Claude Michéa pour évoquer cette manière dont
18:25 une partie des écologistes que vous n'estimez pas être des écologistes véritables sont,
18:32 vous l'avez dit, les idiots utiles du capitalisme, c'est par exemple la question du loup, expliquez-nous pourquoi ?
18:37 Oui, d'abord, je distinguerais, les vrais écologistes sont les décroissants aujourd'hui,
18:42 tel que la revue "La Décroissance" les incarne.
18:45 Le loup, effectivement, nous sommes dans un village où la transhumance a lieu chaque
18:53 année, c'est l'occasion de fêtes dans tous les villages de la région, il suffit
18:57 de discuter avec les bergers pour comprendre que là où le loup est introduit, les adversaires
19:04 de la souffrance animale devraient immédiatement, comme la fontaine, choisir l'agneau contre
19:11 le loup.
19:12 Pendant d'ailleurs très longtemps, le loup et l'agneau étaient la fable qui montrait
19:15 les exactions dont la noblesse se rendait coupable envers les représentants du peuple.
19:22 Maintenant, cette gauche très différente de l'ancienne a choisi le parti du loup
19:27 contre l'agneau et évidemment, les milliers de brebis et ventrés, elles ont tout un nom,
19:34 elles vivent dans la terreur, les bergers qui vous en parlent quand il faut descendre,
19:39 une brebis, le ventre ouvert qui râle, mais on ne peut pas la tuer parce qu'il faut
19:45 l'amener au centre de l'état qui vérifie qu'elle a été agressée et elle va mourir,
19:49 c'est des crèves-cœurs pour les bergers.
19:51 Mais au-delà du loup, c'est le problème de l'animal quand on vit à la campagne,
19:56 c'est-à-dire que j'ai la chance, que vous n'avez pas à Radio France, de voir en
19:59 sortant de ma cuisine régulièrement des chevreuils, c'est un spectacle fabuleux,
20:04 et le soir, les sangliers viennent s'abreuver sur le point d'eau.
20:08 Cela dit, rien que le mois dernier, ma femme et moi, collision chevreuil, et ma belle-fille,
20:15 toujours ce mois-ci, collision sanglier.
20:17 La nuit, bon, encore une fois, vers Radio France, c'est beaucoup plus rare d'avoir
20:21 ce genre de problème, mais c'est quotidien.
20:23 Et surtout…
20:24 - Des sangliers, il y en a de plus en plus, pas encore autour de Radio France.
20:27 - Oui, de plus en plus, parce qu'entre autres, la chasse est de plus en plus encadrée.
20:31 Il ne faut pas oublier que les chasseurs reçoivent l'ordre à partir d'un certain moment,
20:36 les petits villages, comme moi, de 400 habitants, c'est à la demande.
20:38 Je prends l'exemple, un chevreuil mâle s'étancit là où nous habitons, dévaste chaque nuit,
20:46 dévastait chaque nuit, les vignes de notre voisin Bruno, et son travail quotidien est
20:52 chaque fois saccagé.
20:53 - Jean-Claude Michias, si les chasseurs aussi, ça leur arrive de donner du maïs aux sangliers ?
20:58 - Alors, ce n'est pas du tout le cas, par exemple…
21:01 - Pas chez vous, bien sûr !
21:02 - Bien sûr chez nous, et même chez la plupart des…
21:05 C'est déjà là où les voisins, les chasseurs sont beaucoup plus urbanisés.
21:09 On sait d'ailleurs que les manipulations génétiques qu'ont produit cette race de
21:13 sangliers qui se répand…
21:15 - Les sanglochons !
21:16 - C'est un chasseur de la région, justement, de l'Hérault, en sont coupables, et ça,
21:21 évidemment, c'est quelque chose de scandaleux.
21:22 Mais le chasseur paysan, qui est celui que je vois dans mon village, c'est-à-dire où
21:27 des fois, il renâcle à aller chasser parce qu'ils ont des choses à faire à côté,
21:32 mais il y a un ordre préfectoral ou autre, ou le besoin pour aider un paysan local d'empêcher
21:39 soit les sangliers de venir, soit les chevreuils.
21:42 Ils y vont, et il le faut, c'est un travail de protection des cultures et des hommes.
21:47 Il faut avoir les dégâts que commettent des sangliers, mais vous allez dans les villages
21:52 voisins où les parcs publics sont labourés, etc.
21:57 Les sangliers commencent à arriver à l'hôpital de Mont-de-Marsan.
21:59 C'est un vrai problème, et vous ne pouvez plus avoir sur l'animalité le même regard
22:08 lorsqu'on a les pieds sur le terrain.
22:10 De même que je pense que les Parisiens vont commencer à… peut-être qu'une partie
22:15 caronienne va chercher l'équivalent de…
22:18 - Caronienne, je suis obligé de dire aux auditeurs que ça désignait vous, caron !
22:21 - Voilà, va chercher l'équivalent de surmuleau pour les punaisses de lit, mais je pense peut-être
22:25 aussi que maintenant, les ennemis de la souffrance animale vont peut-être y regarder à deux
22:31 fois avant de mettre un terme à la présence des punaisses de lit.
22:35 Quand on vit en présence des objets, quand vous êtes directement concerné, bien sûr,
22:39 votre vision du monde change.
22:40 Or, le paysan va me dire "Oui mais le paysan, il n'y en a plus que 3% en France".
22:45 Rappelons d'abord que d'après les dernières statistiques de l'INSEE, avec un nouveau
22:49 mode de calcul, 1 Français sur 3 vit dans les zones rurales, et que si les paysans,
22:53 c'est 3% de la population, dans un village, la quasi-totalité des gens a un contact avec
22:59 la terre à travers le potager qui prend un nombre d'heures par jour conséquente.
23:03 - Depuis quand la gauche s'est-elle trompée selon vous, Jean-Claude Michère ? Puisque
23:08 finalement, une partie de votre œuvre est consacrée, on peut l'appeler la trahison
23:13 de la gauche selon vous, on peut dire que cette gauche s'est reniée, on peut dire
23:18 aussi que cette gauche fait le jeu de ses ennemis en quelque sorte.
23:22 Ça a débuté quand cette trahison ?
23:24 - Mais là c'est une réponse très longue, c'est-à-dire que d'une certaine manière,
23:27 rappelez-vous que personne ne peut trouver un seul texte de Marx, d'Engel, de Bakounine,
23:32 de Prouton, où il se présente comme un homme de gauche appelant à l'union de la gauche.
23:36 A l'époque, le jeu politique est à trois, il y a les bleus, les rouges et les blancs.
23:41 Les blancs c'est la droite, monarchiste et cléricale, les bleus les républicains et
23:45 les libéraux, et les socialistes, les rouges, sont en dehors de ce champ politique.
23:50 Il y a eu l'alliance défensive de l'affaire Dreyfus, mais qui n'a pas changé l'essentiel
23:56 parce que la gauche française, on le voit en 36 et autres, est massivement socialiste.
24:02 SFIO + Parti communiste, les radicaux qui étaient le parti central au départ, sont
24:08 devenus, se réduit, et jusque dans les années 70, ce qu'on entend par gauche, c'est au
24:14 fond un autre nom pour dire des critiques du capitaliste, alors sociodémocrate, bolchevique,
24:20 tout ce qu'on veut, mais il reste par-delà tous les errements des uns et des autres,
24:24 un noyau de compréhension des méfaits du capitaliste qui est en place.
24:28 Tout ça, ça vole en éclats, préparé par les nouveaux philosophes Foucault et l'arrivée
24:33 de Mitterrand, 83.
24:34 L'idée que le socialisme et la volonté de rompre avec le capitalisme, ça conduira
24:39 à la Corée du Nord et au goulag, c'est ce qui est intégré, et à partir de là,
24:45 la conversion progressive de la gauche et de l'extrême gauche au libéralisme, soit
24:49 économique, soit culturel, ou soit à ses fondements philosophiques, fait le reste du
24:54 travail.
24:55 C'est dans cette optique qu'il faut comprendre le wokeisme, comme n'étant pas du tout un
24:59 anti-capitalisme et une critique de la croissance, mais une partie intégrante de ce mouvement
25:03 de réconciliation avec l'ordre établi.
25:05 Qu'est-ce que le wokeisme pour vous Jean-Claude Michéa ?
25:07 Alors j'ai proposé une fois pour toutes d'appeler ce qu'on appelle le wokeisme,
25:11 c'est la forme américaine et donc d'importation aujourd'hui, le néolibéralisme culturel.
25:16 Vous savez que depuis le début, je rappelle, mais la thèse était déjà chez Rosan Vallon
25:21 dans le capitalisme utopique en 1979, c'est l'idée que, loin de s'opposer, libéralisme
25:27 économique et libéralisme culturel fonctionnent toujours ensemble pour une raison très simple,
25:32 c'est que le libéralisme étant l'idée d'un état neutre axiologiquement, où...
25:37 Neutre axiologiquement, neutre, vous produisez des valeurs.
25:41 Il n'y a pas de religion officielle, de morale officielle, de philosophie officielle, l'état
25:47 est donc neutre sur le plan des valeurs et chacun est donc libre de vivre comme il l'entend.
25:52 Mais une société où chacun vit comme...
25:54 C'est ça le libéralisme culturel, chacun vit comme il veut, est évidemment une société
25:58 qui va se pluraliser, s'émietter, on prend toujours le sigle LGBTI qui chaque année
26:04 rajoute deux ou trois lettres au Canada ou aux Etats-Unis, mais si vous ne voulez pas
26:08 cet exemple, imaginez la scène...
26:10 Ce n'est pas qu'on ne veut pas, c'est qu'à priori ce sigle il est là pour permettre
26:15 à des gens de vivre comme ils le veulent et ça c'est quelque chose que Jean-Claude
26:18 Michéa veut bien.
26:19 Bien sûr, mais en même temps, Engels définissait le mouvement culturel du capitalisme comme
26:25 l'atomisation du monde, c'est-à-dire on va vers un monde de monades dont chacune, disait-il,
26:31 a un principe de vie particulier et une fin particulière.
26:34 Imaginez la scène du Christ rejoué aujourd'hui, les apôtres communis dans leur repas commun
26:40 mais tout de suite il va y avoir Mathieu qui va dire "moi je suis vegan, moi intolérance
26:44 aussi" et c'est le problème des cantines scolaires.
26:47 C'est votre modernité mais...
26:49 Un menu par personne.
26:50 Le problème c'est que, c'est très bien sur le papier l'idée qu'il faut un menu
26:56 pour chacun, mais il faut aussi qu'il y ait du vivre ensemble.
27:01 Le nom est apparu comme réponse à ce problème.
27:04 Et alors où va-t-on trouver le vivre ensemble ? Voltaire l'a dit, quand il s'agit d'argent,
27:10 tout le monde est de la même religion.
27:11 Le seul moyen de mettre fin aux guerres de religion, c'est la religion de l'économie.
27:16 Autrement dit, plus nous allons dans le libéralisme culturel, plus nous devons aller dans le libéralisme
27:21 économique pour donner, restituer ce commun, puisque qu'avons-nous en commun dans une société
27:27 libérale développée ? Le droit et le marché.
27:30 Est-ce que ça s'est pas un peu effrité par exemple avec la guerre en Ukraine Jean-Claude
27:35 Michéa ? On pensait par exemple qu'on pouvait vivre en ayant pacifié la Russie, une guerre
27:40 qui serait devenue capitaliste, et puis finalement on s'aperçoit que la Russie n'a peut-être
27:44 pas les mêmes valeurs que nous.
27:46 Qu'en pensez-vous ?
27:47 Mais ça c'est le B.A.B. de la critique que j'essaie de porter depuis 20 ou 30 ans.
27:54 C'est-à-dire que l'idéal de le vivre ensemble se fera sur la base du droit et de l'économie.
28:01 Nos valeurs, quand l'Europe dit nos valeurs, c'est uniquement les droits de l'homme et
28:06 l'économie de marché.
28:07 C'est pourquoi ils vont renacler pour parler de tout ce qui peut être symbolique ou autre,
28:12 ce dénominateur commun suffit.
28:13 C'est l'idée du doux commerce, pour reprendre la formule de Montesquieu, et l'idée que
28:18 le libéralisme culturel, sa menace potentielle c'est de réintroduire une guerre de tous
28:24 contre tous, entre vegan et non vegan, etc.
28:28 Mais le vivre ensemble sera réuni grâce au doux commerce.
28:31 Le problème c'est que le doux commerce engendre une guerre économique qui réintroduit la
28:36 guerre de tous contre tous.
28:37 Et en fait, plus le capitalisme se développe, plus nous allons vers un univers qui devient
28:42 violent et militarisé.
28:44 Les guerres sont devant nous.
28:45 On a connu une période exceptionnelle depuis 1945, mais nous arrivons à la chute du mur
28:52 de Berlin.
28:53 C'est aussi la chute de cet équilibre qui existait depuis des décennies.
28:56 Je l'ai dit, votre gauche est une gauche singulière.
28:59 On l'entend, Jean-Claude Michéa, vous l'exposez dans Extensions du domaine du capital aux
29:03 éditions Albain Michel.
29:04 Il y a par exemple cette référence à Semprun sur la question de l'éducation des enfants.
29:11 Je vais citer ce passage.
29:13 Oui, c'est pas Georges, effectivement.
29:17 Il y a ce passage où vous dites « quand le citoyen écologiste prétend poser la question
29:22 la plus dérangeante en demandant quel monde allons-nous laisser à nos enfants, il évite
29:27 de poser cette autre question réellement inquiétante, à quels enfants allons-nous
29:32 laisser le monde ? ».
29:33 C'est la formule de Reims-Semprun que vous venez de lire.
29:35 Mais j'aimerais quand même que vous me la commentiez comme c'est vous qui l'a cité.
29:38 Écoutez, justement, Reims-Semprun m'avait contacté après l'apparition de l'Enseignement
29:43 sur l'ignorance, livre qui lui avait beaucoup plu.
29:46 Et à l'époque, j'expliquais comment la mise en place de réformes libérales de
29:52 l'éducation dont le but était de préparer les populations à la guerre économique du
29:56 21e siècle se traduirait forcément par une baisse de niveau et une baisse de l'intelligence
30:02 critique.
30:03 Ce livre était paru en 1999, il faut relire à l'époque ce qu'on écrivait sur moi,
30:08 c'était un fantasme élitiste tourné vers le passé.
30:11 - On vous a traité de réactionnaire.
30:12 - Le niveau montait, c'était le livre de Baudelot-Establet, donc il était écrit
30:16 il y a 30 ans et à en croire, si on poursuivait la courbe de Baudelot-Establet, en 2023, un
30:23 instituteur aurait la formation d'un agrégé des années 50 et l'élève de terminale
30:28 bachelier serait un représentant de l'université et de la terminale.
30:35 Mais j'avais dit, mais c'est absurde, ça va être le contraire.
30:38 Aujourd'hui, nous découvrons, et c'est d'ailleurs le problème le plus inquiétant
30:43 d'un point de vue politique, c'est dans tous les sondages, les jeunes générations
30:48 sont beaucoup plus synchrones avec le capitalisme et sa culture que les autres générations.
30:55 Alors est-ce que c'est un effet de mode ou est-ce qu'il y a eu un travail ? J'étais
30:57 dans le métro hier, arrivant donc dans votre belle capitale, et je voyais dans le métro
31:03 beaucoup de jeunes et tous étaient connectés à la matrice, c'est-à-dire ils étaient
31:07 tous penchés sur le smartphone, écoutant la vision du monde telle que Hollywood, la
31:12 Silicon Valley ou Wall Street la dictaient et je disais, on fabrique, c'est bien ce
31:17 que disait Sam Proun, à quels enfants allons-nous laisser le monde ? Tout va se jouer là.
31:22 Est-ce que, alors la jeunesse rurale est déjà très différente.
31:24 La jeunesse rurale, elle n'a pas Netflix ? D'abord, ma femme est en train de s'occuper
31:31 bientôt du recensement de notre village de 400 habitants, il faut y aller à pied parce
31:35 que beaucoup de gens n'ont pas d'ordinateur et d'internet.
31:38 Il faut savoir que même installer internet est parfois dans le village un problème et
31:42 des gens n'y arrivent pas.
31:43 Ou la fibre, ou les choses… Ça effectivement, il y a beaucoup de zones
31:46 blanches et de zones grises, mais les jeunes font des jeunes partout et des jeunes connectés
31:50 nous ? Franchement, moi je vois beaucoup des jeunes
31:53 autour d'où que je salue ici parce qu'on les adore et on les admire parce qu'eux,
31:58 à l'heure actuelle, ils sont souvent… Ils attendent la chasse à la palombe, ils
32:03 attendent tout ce qui est… qui renvoie à la nature, etc.
32:08 Ils ont aussi les ferrias.
32:09 Nous sommes une terre de ferrias et c'est vrai qu'entre la chasse, la ferrias, etc.
32:14 mais ils ont une vision du monde qui n'est pas du tout la vision Erasmus.
32:17 C'est un jeune des campagnes.
32:19 D'ailleurs, vous l'entendez parler, je pense à certains de ces jeunes que nous
32:24 connaissons très bien.
32:25 J'ai l'impression d'être un France Culture Parallèle parce qu'ils m'apprennent
32:28 toujours des choses.
32:29 Alors que très souvent, quand je vois un jeune parisien débarquer, qui a fait Sciences
32:33 Po et autres, il parle, il parle très bien, c'est intéressant, il est adorable, mais
32:37 je n'entends rien de sa bouche qui sorte et que je n'ai pas déjà entendu sur France
32:40 Info.
32:41 Donc il y a vraiment une… les deux jeunesses.
32:44 Et puis cette jeunesse est plus nombreuse qu'on le croit, puisqu'encore une fois,
32:48 33% des habitants français de France habitent en région rurale.
32:53 Si on prend comme critère, comme le fait maintenant l'INSEE, si on tient compte au
32:56 premier plan de la densité.
32:58 Nous, il y a 17 habitants au kilomètre carré.
33:00 Vous en avez un peu plus à Paris.
33:02 Ce n'est pas du tout le même rapport au monde et à soi-même.
33:05 Et pour les jeunes eux-mêmes, c'est une autre vision aussi.
33:10 Même s'il y a quelques excès, mais ce sont des jeunes qui ne correspondent pas à
33:14 ce que je voyais jusque-là à Montpellier.
33:16 Un mot de conclusion sur un auteur que vous aimez, peut-être l'auteur que vous avez
33:21 le plus commenté, Jean-Claude Michel Orwell.
33:23 Qu'est-ce qu'Orwell aurait pensé de ce monde-là ?
33:25 Il l'avait surtout annoncé.
33:28 J'ai un chapitre sur le wokisme aux prises de 1984.
33:34 L'intérêt de 1984, c'est que bien sûr, le livre est ciblé sur Staline, mais c'est
33:43 en fait un roman sur l'idéologie devenue folle.
33:46 Ce n'est pas du tout un roman qui, comme Huxley, veut décrire le futur.
33:49 Il veut montrer, il le dit lui-même, j'ai voulu tirer jusqu'au bout les conséquences
33:53 logiques de cette idéologie devenue folle portée par les intelligentsia de ces nouvelles
34:00 classes moyennes.
34:01 C'est-à-dire que la folie de l'idéologie s'explique par leur projet contradictoire.
34:05 Si mon but inconscient, c'est de vouloir tenir le fouet, surveiller, punir, dénoncer,
34:10 aller au larkom, j'ai lu, j'ai tout, etc.
34:14 Ce qui me permet d'aller au bout de cette psychologie, c'est je veux produire une société
34:18 sans classe, je fais un grand écart et je dois avoir une double pensée schizophrénique
34:25 et plus détail d'égalité devient extrême.
34:29 Quand égalité égale indifférenciation, comme aujourd'hui, le degré de folie est
34:34 maximal à cause de ce grand écart.
34:36 Merci beaucoup Jean-Claude Michel de nous avoir rendu visite.
34:40 Extension du domaine du capital, c'est le livre que vous publiez aux éditions Albin
34:44 Michel.
34:45 On peut retrouver aussi votre AVOINU pour mieux se familiariser avec votre pensée.
34:49 Dans quelques secondes, le point sur l'actualité.