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Ce documentaire met en perspective plusieurs créateurs de bande dessinée qui perpétuent le genre policier.


Les interventions sont croisées, enchaînant les réflexions d'auteurs comme Laurent Astier (Cellule poison), Juanjo Guarnido (dessinateur de Blacksad), Max Cabanes qui adapte les romans de Jean-Patrick Manchette, Matz (scénariste du Grizzli) qui retrouve veine des films et romans noirs comme « les tontons flingueurs » et « touchez pas au grisbi » et enfin Jacques Tardi qui balade Nestor Burma dans le 20 ème arrondissement de Paris. Chacun se livre en racontant comment il renouvelle le genre en bande dessinée.

Le concours de plusieurs autres auteurs de bande dessinée qui ont approché le « polar » viennent apporter un éclairage différend comme Gat'z et Monier, Nicolas Barral, Émile Bravo, Lax, Annie Goetzinger ou François Ravard.

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Transcription
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00:18 [Musique]
00:44 Le polar c'est vraiment une vision de la société, il y a une approche de la société.
00:49 [Musique]
00:54 On peut parler de tous les milieux sociaux, on peut parler de tous les problèmes de société.
00:59 [Musique]
01:10 Quant à l'intrigue, je crois que la plupart du temps dans les histoires policières, on ne comprend pas grand chose.
01:20 [Musique]
01:39 Ça dit quelque chose le polar du monde, de la nature humaine.
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01:44 Ce n'est pas des résolutions d'énigmes, c'est vraiment un regard porté sur le monde et sur les gens.
01:49 Et c'est à ce titre là que c'est vraiment intéressant.
01:51 Et ça dit des choses qu'on ne trouve pas forcément dans la littérature générale, ça dit autre chose.
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02:02 Dans le polar, il y a policier.
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02:07 Dans le sens où il y a peut-être un crime, il y a des personnages qui sont liés au monde du crime.
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02:17 Le roman noir c'est un peu plus large, ça tient plutôt d'une vision noire, d'une retranscription noire du monde.
02:24 Il y a un angle, il y a une vision du monde, des hommes, de la nature humaine, ça dit quelque chose du monde.
02:29 C'est une vision du monde qui est sans concession.
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02:38 Le cynique c'est celui qui voit le monde tel qu'il est et non pas tel qu'il devrait être.
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02:43 Bov, Emmanuel Bov, il dit que le pessimiste c'est une personne qui vit parmi des optimistes.
02:48 Ça je suis assez d'accord.
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02:51 Matt c'est scénariste de bande dessinée.
02:54 Il a écrit le grésil.
02:56 Polard dans la veine des tontons flingueurs et touché pas au grisbis.
03:01 Roman et film des années 50-60.
03:05 Le grisli c'est de son vrai nom Guy Roussel.
03:09 C'est un personnage, alors comme son surnom l'indique c'est un costaud, c'est un grand costaud très poilu.
03:17 Ancien boxeur de bon niveau mais qui a arrêté la boxe avant de se faire amocher.
03:23 Il n'était pas très beau alors il trouvait que ce n'était pas la peine de se faire aggraver le portrait.
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03:30 Ancien voleur de voiture apparemment, un passé un peu délinquant.
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03:43 Il s'est engagé dans l'armée probablement pour éviter la prison et qu'il s'est retrouvé en Indochine.
03:48 Pouvoir du pays et vivre l'aventure mais ce n'était pas vraiment ça qu'il avait en tête.
03:52 Une fois amassé un petit pécule il s'est rangé, il a acheté une concession Panhard.
03:59 On le prend au moment où Panhard a déjà été avalé par Citroën.
04:05 Il se retrouve concessionnaire Citroën et il essaye de mener une vie de cave, comme on disait à l'époque, de personne honnête.
04:14 Mais il est rattrapé par son passé d'une certaine façon.
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04:27 J'aime beaucoup cette période, j'ai lu énormément des romans de cette période.
04:31 Je suis un fanatique d'Albert Simonin, Boudard, la métamorphose des cloportes.
04:36 A cette époque-là, la guerre était proche, tous ces gars-là ont quand même un passé,
04:42 ils sortent des bafons de Paris et ils ont un passé délinquant malgré tout.
04:47 Boudard commence à écrire en prison.
04:49 C'est un monde dans lequel le tiercé est hyper important.
04:52 Il y a une culture de l'époque et l'amitié, de trahison, de confiance, d'erreur, mais de fidélité aussi, de loyauté.
05:01 C'est ça les problématiques vraiment constantes de l'époque dans la métamorphose des cloportes, dans le Grisby, dans le Haut-Thu.
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05:08 Nous, dans notre culture, l'amitié c'est hyper important.
05:11 Joe, il est faible. On sent que lui, la vie d'homme rangé, ce n'est pas exactement pour lui.
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05:22 Puis il y a l'opposé qui est le policier, mais qui est lui-même, comme on disait à l'époque, il n'est pas tout à fait blanc-bleu.
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05:31 En fait, c'est le surnom que m'avaient donné deux, trois copains quand on jouait au foot,
05:35 parce que j'étais un défenseur assez collant et rugueux et ils me surnommaient la fantose.
05:40 [Musique]
05:48 Alors c'est vrai que c'est un clin d'œil à toute une époque.
05:51 Moi, mon grand-père, il parlait un peu comme ça.
05:53 Moi, ça m'amusait, on rigolait toujours, on regardait les films de cette époque-là ensemble.
05:57 Il était né à Paris dans les années 10.
05:59 J'en ai profité pour montrer le cas de ce rubis philetotanton-flangueur à mon plus jeune fils qui a bien rigolé.
06:04 Et Max, mon pseudo, je l'ai pris en 89-90 quand j'ai publié ma première BD.
06:10 Je l'ai pris dans le lexique à la fin du cas de ce rebif dans la série Noire.
06:14 Donc, peut-être que j'y pensais depuis toujours, faire une histoire comme ça.
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06:22 Moi, j'aime bien cet argot parce qu'il y a un côté irrévérencieux dedans.
06:26 C'est expressif et c'est drôle.
06:28 C'est pas méchant.
06:29 C'est pas vulgaire, parce que c'est un argot qui vient du Moyen-Âge.
06:33 Donc, il y a des références historiques, il y a des références littéraires, il y a une étymologie comme dans le Doulos.
06:40 Le Doulos, le début du film, c'est celui qui porte le chapeau en grec.
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06:49 Ils parlent pas tous de la même façon, les trois méchants.
06:51 Ils ont un argot un peu plus vulgaire, un peu plus âpre.
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07:01 Je fais un découpage, page par page, case par case,
07:05 avec une description de chaque case avec le dialogue qui va avec.
07:09 Mais c'est un découpage indicatif.
07:11 Et ça, c'est le cas avec tous les dessinateurs avec qui je travaille.
07:14 Moi, j'essaie de faire au mieux en fonction de leur dessin.
07:16 Mais ils ont leur propre idée pour la mise en scène, le cadrage.
07:20 Donc, ça, après, c'est aussi une collaboration.
07:23 Moi, je suis pas dessinateur.
07:24 [Musique]
07:49 Laurent Estier réalise Cellules Poison, bande dessinée sombre et colorée,
07:54 racontant l'infiltration d'une jeune policière dans le milieu de la prostitution.
07:59 Cellules Poison, c'est pas non plus un document.
08:02 Enfin, c'était pas le but.
08:04 L'histoire, elle est plus proche de la tragédie, en fait.
08:06 [Musique]
08:15 J'ai commencé par un autre projet sur les violences faites aux femmes.
08:18 Projet que j'ai commencé à développer et que j'ai fini par abandonner
08:21 parce que je savais pas si j'étais suffisamment armé pour arriver au bout, en fait.
08:26 Enfin, j'avais vraiment du mal à trouver le bon point de vue, en fait, pour raconter ces histoires-là.
08:33 Et du coup, comme je travaillais sur ce thème-là, je me suis dit, voilà, je vais créer...
08:37 Il me fallait une espèce de filtre, en fait, pour raconter les violences faites aux femmes.
08:41 Donc, j'ai voulu traiter de la prostitution.
08:44 [Musique]
08:48 J'ai voulu vraiment créer une histoire, en fait, avec comme support 5 ou 6 personnages très resserrés.
08:53 C'est pas une histoire chorale avec plein plein de personnages.
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09:00 Chaque personnage porte un peu une histoire assez forte, en fait, voilà.
09:04 [Musique]
09:18 À Lyon, où se tient un quai du polar, rencontre surprise avec le tandem Guedsemounier
09:23 ayant concocté RIP, Rest In Peace en anglais, et en français, Repose En Paix.
09:29 Moi, je suis le scénariste.
09:30 Sombre polar sulfureux.
09:33 Alors, la série est une série, en fait, qui est construite autour d'une équipe
09:38 en regroupant plusieurs personnages et chaque tome va être le point de vue d'un personnage.
09:43 On avait 6 points de vue à élaborer et à élargir, et du coup, le puzzle est complet au bout de 6 tomes.
09:51 [Musique]
09:55 L'histoire est sombre, vu que ça s'appelle RIP.
09:58 C'est tourné autour de la solitude et de la mort, donc c'est forcément austère et lugubre.
10:04 Après, nous, on aime bien le polar en général avec Julien, on lit beaucoup de romans
10:08 et on regarde beaucoup de films noirs, de thrillers.
10:11 [Musique]
10:14 C'est notre éditeur, on ne se connaissait pas, il nous a mis en relation.
10:19 Le scénario du tome 1 était écrit complètement, il me l'a envoyé, je l'ai lu,
10:25 j'ai eu beaucoup de plaisir, je me suis dit que j'étais bien partant pour le dessiner.
10:29 Après le tome 1, on a avancé sur les thèmes suivants, plus en collaboration.
10:34 [Musique]
10:40 Moi, je n'avais jamais fait de polar en BD avant, j'ai fait plein de choses historiques ou fantastiques,
10:46 mais pas de polar, et du coup, j'étais curieux d'entrer dans l'univers.
10:51 Et il s'est tout dessiné.
10:53 [Musique]
10:56 C'est vraiment un thriller, on est vraiment dans le polar,
10:59 le lecteur va être amené à rire jaune de temps en temps.
11:02 [Musique]
11:04 C'est une histoire comme une autre, l'humour c'est très dur,
11:07 donc nous, on s'est tourné plus vers l'humour noir.
11:09 Après, là où on casse les gens, c'est vraiment cette histoire chorale,
11:12 avec différents tiroirs à ouvrir, et amener le lecteur dans la complicité de nos personnages,
11:18 et à mener sa propre enquête.
11:21 [Musique]
11:23 Oui, il y a des clins d'œil, il y a pas mal de films et de séries,
11:26 parce qu'on en dévore quand même pas mal.
11:28 [Musique]
11:34 Le rythme de Rip, pour rejouer un drame gaétan,
11:37 c'est vrai que paradoxalement, il s'inspire plus du rythme de séries télé ou de films que de BD,
11:45 il y a un rythme dans la construction qui rappelle vraiment une série télé.
11:48 J'ai fait des scénarios dans des collectifs pour arronder à mes fins de mois,
11:51 puis j'avais cette histoire en tête, et ce qui est sympa c'est d'avoir le retour des lecteurs,
11:55 et quand ça se vend, et que les gens le lisent et l'apprécient,
11:58 ça donne envie de continuer, donc voilà, ça se fait comme ça.
12:00 J'étais soigneur animalier dans les zoos, je m'occupais d'animaux sauvages, de rhinocéros, de girafes.
12:05 [Musique]
12:23 Qui ne connaît Black Sad ?
12:25 Le détective à l'apparence de chat, enquêtant dans un New York des années 50,
12:30 peuplé d'individus empruntés au monde animal.
12:33 [Musique]
12:35 C'est un chat détective, ça le dit tout.
12:37 [Musique]
12:41 C'est le personnage, c'est le héros de BD, le héros du roman noir typique,
12:46 sauf que c'est un chat, donc en plus il est élégant, indépendant, il est rusé,
12:52 il a des sens très aigus, il est agile.
12:55 [Musique]
13:03 Et voilà, il a une prestance que cela fait l'imparable.
13:07 [Musique]
13:19 C'est difficile de ne pas s'identifier à eux après quand on les met en scène,
13:23 parce que quand on les met en scène et sur le récit, on les labore,
13:28 on s'identifie vachement à eux et on souffre horriblement.
13:32 [Musique]
13:46 [Musique]
14:05 Je ne suis pas dessinateur, je suis une dessinatrice,
14:09 donc il y a une psychologie féminine, en bien et en mal.
14:12 [Musique]
14:18 Edith, c'est une femme adulte, elle est bien habillée, elle a du monde,
14:23 comme on dit, elle a une certaine culture, elle n'est jamais prise au dépourvu,
14:27 c'est une femme d'action.
14:28 C'est aussi une femme de l'après-guerre, de ces femmes dont on suppose qu'elle a vécu seule,
14:34 qu'elle a eu l'habitude de prendre ses propres initiatives.
14:37 C'est le moment aussi où les femmes après-guerre entrent massivement dans le monde du travail.
14:42 [Musique]
14:44 On était partie sur une trilogie au départ, vraiment pour installer d'une part une histoire,
14:48 installer des personnages, évidemment un personnage féminin.
14:52 Donc détective, détective féminin, détective de la scène, je me suis dit,
14:58 ça sera amusant si on inverselle les couples habituels,
15:02 que ce soit une détective avec son assistant plutôt que le contraire.
15:06 Évidemment du coup la détective, elle, elle est blonde.
15:09 [Musique]
15:12 Edith est bave et sans enfants.
15:14 Edith est à la fois une femme élégante mais une femme d'action.
15:18 [Musique]
15:46 [Musique]
15:59 Le Chouca est un type qui a une cinquantaine d'années,
16:01 qui comme beaucoup de gens de cet âge-là aujourd'hui, perd son boulot, est lourdé.
16:06 [Musique]
16:08 Se retrouvant donc lourdé, il ne sait pas trop quoi faire, c'est un amateur de polard.
16:12 D'une manière assez fortuite, il devient détective privé.
16:16 [Musique]
16:20 C'est la toute première esquisse du Chouca.
16:23 Au début, il ne s'appelait même pas le Chouca, je ne savais pas comment il allait s'appeler.
16:26 [Musique]
16:30 J'ai mis très longtemps avant de décider de faire une série.
16:32 Il a fallu que j'arrive à 50 balais pour me lancer dans une série.
16:36 [Musique]
16:44 Peut-être que certains lecteurs habituels ne me le pardonneront difficilement.
16:49 Ils vont peut-être se dire "mais qu'est-ce qu'il nous fait ? Il nous fait du polard parodique,
16:54 c'est tellement loin de ce que je faisais avant".
16:58 [Musique]
17:13 Les points de départ des affaires du Chouca, puisqu'il s'agit d'affaires,
17:16 c'est quand même beaucoup les faits divers.
17:18 Je suis un lecteur assidu de quotidien.
17:22 Les cracheurs internationaux seront là pour l'événement.
17:25 Susso Bigorano et Mogheriek, il y a des choses beaucoup plus sérieuses,
17:30 mais qui sont des munitions pour moi, en quelque sorte.
17:35 [Musique]
17:38 Il y a beaucoup de noir dans le Chouca.
17:40 C'est un élément graphique que je me suis imposé au départ, dans la mesure où c'est du polard.
17:44 Même si c'est parodique, le polard pour moi c'est quand même lié au noir,
17:48 c'est lié au monde de la nuit, à la pénombre, au clair-obscur, etc.
17:51 Dans le Chouca, il y a une grosse dominante de noir, il y a beaucoup de scènes de nuit.
17:55 Mon but, ce serait presque d'avoir une mise en couleur qui se fasse oublier dans le Chouca.
17:59 [Musique]
18:18 Max Caban dessine des adaptations des romans policiers de Jean-Patrick Manchette.
18:23 [Musique]
18:26 J'adapte l'œuvre de Jean-Patrick Manchette,
18:29 qui est un des plus grands auteurs de romans noirs français,
18:34 qui est vraiment considéré parmi la plupart des écrivains du genre
18:40 comme un des premiers leaders du roman et du polard sur fond politique.
18:47 [Musique]
18:54 Pourquoi le policier m'intéresse ? Ce n'est pas le policier qui m'intéresse,
18:58 c'est Manchette qui m'intéresse, c'est l'auteur.
19:01 Il y a d'autres auteurs dans le roman noir qui m'intéressent,
19:04 mais avant tout c'est l'auteur, ce n'est pas tellement le genre.
19:07 Mais quand même, au bout du compte, je me dis que c'est peut-être,
19:12 c'est difficile quand on n'est pas critique,
19:14 je n'ai pas suffisamment lu de choses quand même, même dans le genre.
19:17 Mais il me semble que le genre du roman noir,
19:21 c'est ce qui définirait avec le plus d'exactitude
19:24 la représentation de la vie sur la planète.
19:27 Si j'étais un martien, je débarque,
19:30 je pense que si on me file un polard dans les mains,
19:33 enfin dans les ventouses,
19:35 [Rires]
19:38 je pense que ce serait plus proche de la bonne description
19:42 de ce qu'est la société en général.
19:44 Manchette, c'est compliqué, je dirais en ce sens que,
20:04 normalement, on ne peut rien ajouter, on ne peut rien retrancher.
20:08 Ce qui est le propre de tout vrai style, un style par définition,
20:12 c'est une singularité, dont une singularité,
20:15 si on enlève des éléments ou si on en rajoute,
20:18 on perd presque tout.
20:20 Quand on est en admiration devant une œuvre,
20:24 c'est-à-dire quand tu es dans un style réel,
20:27 à ce moment-là, l'adaptation consiste à rendre compte de ce style
20:32 et surtout pas d'essayer de faire du Cabane ou Tartampion.
20:37 [Musique]
20:51 Je ne cherche pas à faire du Cabane,
20:53 je cherche à donner à travers mon dessin
20:57 le maximum de la sensibilité manchétienne.
21:00 J'espère que le lecteur, il reçoit Manchette
21:03 avant de recevoir mon travail d'illustrateur.
21:06 Plutôt qu'un adaptateur, je suis un traducteur,
21:11 voilà, plutôt, je dirais.
21:13 Si un cadrage me vient, il doit venir forcément
21:17 de la vision que j'ai en train de lire.
21:19 Déjà en 1998, Max Cabane dessinait à l'époque
21:24 un polar situé dans la France profonde.
21:27 Avec Covin, on a décidé de partir sur une série
21:32 avec un personnage récurrent qui s'appelle Bela Gamba, polar.
21:37 Du vrai polar, France profonde.
21:40 Retour à Lyon, où Michel Neret était le numéro 2 de la police judiciaire.
21:49 Il a été déchu.
21:51 Sa vie, véritable polar, pourrait être adaptée en bande dessinée.
21:56 J'ai des amis chefs d'entreprise qui m'ont prêté des Ferraris,
21:59 mais j'ai un ami qui est voyou qui m'a prêté sa Ferrari
22:02 et c'est cet aspect-là que les magistrats n'ont pas accepté.
22:05 Tout ça, c'est une démarche globale que j'ai entretenue
22:10 pendant 35 ans avec des individus qui m'ont donné des renseignements,
22:14 qui m'ont permis d'infiltrer des réseaux qui étaient des voyous.
22:18 Mais lorsque vous entretenez une relation avec un informateur,
22:22 il ne faut pas croire que ça va rester une relation policier-informateur.
22:27 Lorsque vous rencontrez quelqu'un pendant des jours, des semaines, des mois, voire des années,
22:32 il y a une relation affective.
22:35 Christophe Gava a été inculpé dans l'affaire Neret,
22:42 puis l'avait de toute accusation.
22:44 Lui aussi s'est lancé dans l'écriture.
22:46 Ce qui m'a amené à être flic,
22:49 ce ne sont pas tellement les romans encore que Frédéric Dard a eu de part importante dans ma carrière,
22:53 puisque j'ai toujours adoré lire les Sans Antonio.
22:55 J'avais un père qui était un bouffeur de romans policiers
22:58 et qui m'a fait découvrir ces bouquins-là.
23:00 Et moi, bizarrement, ce ne sont pas forcément les bouquins sur la police,
23:02 c'est les bouquins sur l'armée.
23:03 J'étais fan de Jean Larteyi, à l'époque,
23:05 j'ai lu "Le centurion", "Les prétoriens", etc.
23:07 J'étais raide dingue.
23:09 Après, j'ai découvert toutes les séries de télé, tous les films.
23:17 Je suis un fan, je suis assez cinéphile.
23:19 Fondamentalement, je suis un garçon qui aime l'action, qui aime bouger.
23:22 J'ai eu la chance d'être élevé dans une famille très aimante.
23:25 Une sens de l'autre avait de l'importance, mes parents sont tous les deux profs.
23:28 Je rappelais à mes parents récemment que,
23:30 lorsque j'ai réussi le concours d'inspecteur de police à l'époque,
23:32 je leur avais dit qu'un jour je terminais dans le cinéma.
23:34 On fait un métier de dingue.
23:43 On fait des rencontres absolument extraordinaires.
23:45 Donc, plus on rencontre les gens, plus on se nourrit de ce qu'ils nous racontent.
23:49 Et plus, derrière, on prend en compte toutes leurs histoires.
23:51 Et quand on rencontre un personnage, vous, mademoiselle, monsieur,
23:54 demain, on est capable, à partir des trois personnages qu'on a rencontrés là,
23:57 d'écrire une histoire.
23:58 Ce qui est important, c'est qu'on fait ce métier-là parce qu'on aime les gens.
24:08 Ça peut paraître surprenant.
24:09 On aime les gens, on aime aller à la rencontre des gens.
24:11 On aime tellement les gens qu'on se dit « Ah bah tiens, on va vous protéger ».
24:15 [Musique]
24:38 [Musique]
24:47 C'est-à-dire que pendant des années, j'ai fait des séries où je tournais autour un peu de Sherlock Holmes.
24:52 J'avais fait une série où le fils caché de Sherlock Holmes.
24:56 J'en ai fait une autre, « L'émissaire de Whitechapel » où c'était un détective qui avait repris le fonds de commerce.
25:02 Je tournais autour depuis un moment.
25:04 Jusqu'au jour où je me suis dit « Pourquoi ne pas adapter, enfin même pas adapter,
25:08 mais créer des enquêtes originales de Sherlock Holmes dans l'esprit le plus fidèlement possible de l'œuvre de Conan Doyle ? »
25:15 Dans chaque histoire, on commence à…
25:18 Entre deux histoires, on arrive à s'intéresser entre deux histoires écrites par Conan Doyle pour être vraiment en raccord.
25:24 [Musique]
25:41 François Ravard, je suis dessinateur de bande dessinée depuis une douzaine d'années à peu près.
25:46 J'ai réalisé à peu près autant d'albums, c'est-à-dire une bonne douzaine d'albums maintenant,
25:50 entre des séries et des one-shots, et essentiellement du polar.
25:54 [Musique]
25:56 Je ne suis pas un grand lecteur de polar, mais j'aime beaucoup le genre, enfin en tout cas le travail,
26:00 parce que je trouve que c'est une manière de pouvoir parler de tout en fait.
26:06 On peut parler de tous les milieux sociaux, on peut parler de tous les problèmes de société,
26:10 c'est politique ou pas, ça permet vraiment d'aborder tous les sujets.
26:14 [Musique]
26:16 On a fait "Mort aux vaches" qui traite de la solitude des agriculteurs,
26:20 ou des problèmes sanitaires dans les fermes, parce que là on parle de la vache folle dans "Mort aux vaches".
26:25 Je trouve que le polar c'est toujours un prétexte pour parler de plein de choses.
26:30 Quand j'ai commencé à m'orienter vers ce genre-là, en fait, cette période-là m'attirait plus qu'une autre.
26:37 C'est soit des récits actuels, qui pourraient parler vraiment de nos voisins,
26:41 ou enfin moi qui avais beaucoup de famille à la campagne.
26:46 "Mort aux vaches", voilà, c'était une façon de raconter aussi une partie de mon enfance,
26:49 et des photographies d'une certaine époque.
26:52 J'ai foncé sur "La cinquième république" parce que j'ai toujours été très attiré graphiquement
26:57 par le travail de Tardi et de ce qu'il a fait notamment sur les Léomalés,
27:01 sur les Nestor-Biorma, sur ses adaptations,
27:04 et du coup c'était totalement logique que je m'oriente vers ça,
27:07 parce que ça me permettait de travailler cet univers que j'ai beaucoup apprécié en tant que lecteur.
27:12 Les personnages attachants et très épais qu'il développait à travers les récits de Malé,
27:18 je trouve que son dessin ajoutait encore une épaisseur supplémentaire au personnage,
27:23 ça permettait de les travailler un peu plus, et ça, ça m'a toujours fasciné.
27:28 Et je parle de ça, c'était il y a une vingtaine d'années,
27:32 donc j'étais loin de me dire que j'allais en faire mon métier aussi.
27:35 Et donc quand j'en ai fait mon métier et que je me suis orienté naturellement vers le polar,
27:40 parce que ça ne s'est pas fait automatiquement non plus, ça a mis un petit peu de temps,
27:46 donc c'est plus l'image que j'en ai, que j'ai envie de retranscrire en fait,
27:53 et puis de m'en amuser à travers les références littéraires dont on parlait,
27:58 comme Malé par exemple, ou même par rapport à ce qu'en a fait Tardi,
28:02 c'est vraiment ce genre de choses en fait, de s'inscrire dans la continuité des références qui m'ont inspiré,
28:08 et puis que j'essaie de digérer à travers les albums.
28:11 C'est sans marguer de l'ailleurs, c'est le deuxième album de Nestor Diorma réalisé par Tardi,
28:30 parce que Nestor Diorma, pour résoudre ses enquêtes, il déambule.
28:34 Tardi va vraiment au fond des choses, il y a le premier niveau de lecture qui est évidemment le récit,
28:42 le polar, la résolution de l'enquête, mais les images sont truffées de détails
28:51 qui sont là pour crédibiliser l'histoire qui est racontée.
28:54 On a la signature Tardi, on a l'univers de Tardi à travers des personnages,
28:59 mais la marque de fabrique, pour moi, qui est moins apparente, mais qui est tout aussi importante,
29:06 c'est le soin, le réalisme des décors.
29:10 Moi, Tardi, c'est le dessinateur de bande dessinée de la ville.
29:15 C'est du grand art, je vous le dis.
29:18 Et ça m'a beaucoup inspiré, ça m'a fait franchir un cap,
29:25 c'est-à-dire que je lisais Lucky Luke et j'étais dans l'enfance,
29:29 je me suis mis à lire Tardi et je suis passé à l'âge adulte.
29:32 Le premier, c'était Bouillard au Pont de Tolbiac, après il y a eu ça,
29:47 et il est bien évident que le dessin, si on regarde bien,
29:52 il y a des Burma qui ne ressemblent pas à ce qu'il deviendra plus tard.
29:57 On ne présente plus Jacques Tardi, grand maître du 9e art,
30:01 il se lance dans une nouvelle histoire de Nestor Burma,
30:04 située dans le 20e arrondissement de Paris.
30:07 Le principe, c'était la balade dans l'arrondissement,
30:11 avec, bon, moi j'y vais, je prends des photos,
30:16 je ne sais pas si je serai dans le dos du personnage ou s'il viendra vers moi,
30:22 donc je fais tous les angles de vue dont j'aurais éventuellement besoin.
30:26 Après, en fonction de la narration, je vais trier les photos,
30:33 celles qui me semblent les mieux appropriées, pour raconter telle ou telle séquence.
30:39 Et pour moi, ça a toujours été un plaisir, ça a commencé avec Bouillard au Pont de Tolbiac,
30:44 il y a même des photos qui sont maintenant des archives,
30:48 puisque le pont était démoli, que là aussi le quartier est complètement dévasté,
30:55 mais bon, j'y allais, pareil, même principe,
30:59 faire les photos, les angles de vue dont j'aurais besoin.
31:02 Alors évidemment, par moments, il y a des architectures qui ne sont pas d'époque,
31:09 entre-temps on la construit, alors soit je trouve le document d'époque,
31:17 auquel cas évidemment je rétablis la vérité architecturale,
31:22 sinon, si je ne peux pas cadrer autrement,
31:26 parce que la narration implique qu'on soit là et pas ailleurs,
31:31 bon, ben tant pis, je fais une architecture de l'époque.
31:37 Généralement, aux immeubles d'angle d'avenue, il y a des banques maintenant,
31:42 avant c'était des bistrots, bon, je rétablis tout ça,
31:45 parce que je n'ai pas toujours, et même pratiquement jamais, la documentation d'époque.
31:52 Donc le plaisir c'est ça, c'est d'aller sur place, avec le bouquin,
31:57 avec un plan de Paris, et noter les déplacements, faire les photos,
32:03 les itinéraires, les personnages.
32:06 Pour moi, Néstor Burma c'est plus l'intérêt du dessin de Paris que l'intrigue.
32:13 L'intrigue, bon, elle vaut ce qu'elle vaut, on s'en fiche un peu.
32:17 Bon, je suis fidèle, je ne change rien,
32:21 mais ce qui m'intéresse en priorité, c'est la représentation des quartiers.
32:27 C'est important d'être dans le détail pour que j'y crois, moi.
32:33 Si je n'y crois pas...
32:35 Je crois beaucoup quand même au fait qu'il faut se documenter un maximum
32:45 pour faire croire aux histoires qu'on raconte.
32:53 Néstor passe dans les locaux du Crépuscule replié, puisqu'on est en zone libre.
32:58 Et hop, on passe par l'imprimerie.
33:00 L'intérêt, c'est Néstor.
33:03 Mais on voit très bien que Tardi n'a pas décidé de mettre Néstor au centre de l'image
33:10 parce qu'il voulait que notre œil soit attiré par ce détail réaliste
33:16 du système de communication entre salle de rédaction et imprimerie.
33:21 Ensuite, c'est pareil, il est au second plan.
33:25 Au premier plan, on voit un ouvrier composer le texte.
33:34 En même temps que l'action se déroule, Tardi nous offre un documentaire
33:42 sur les techniques d'imprimerie des années 40.
33:46 Donc je dis chapeau, je dis chapeau Jacques.
33:51 J'avais un pote qui était journaliste au Figaro.
33:59 Et alors j'avais fait des photos de la fabrication d'une page de la Une du journal.
34:09 J'étais derrière le gars qui bossait.
34:13 Voilà, c'est ça.
34:16 Ça c'est les machines, les lignotypes de l'époque.
34:19 Donc ça c'est des photos qui ont été faites au Figaro.
34:22 Alors là, il bosse dans le journal qui s'appelle Le Crépuscule
34:26 qui est le journal du journaliste qui est un petit peu l'indic de Burma.
34:32 Alors tout ça c'est les machines, les... comment ça s'appelait ?
34:39 Ces trucs pour envoyer des messages pneumatiques.
34:43 Donc là le mec on voit, il installe son plomb.
34:46 Le mec il compose sa page plomb, il l'ancre.
34:50 Après il mettait une feuille, il tapait avec un petit balai comme ça
34:54 pour la voir à l'endroit, etc.
34:57 [Musique]
35:18 Je me souviens par exemple que quand j'étais allé chez Tardy,
35:21 il m'avait sorti d'un tiroir un col 45, le col de Nestor Dermat.
35:24 Il me l'a filé dans les pognes, il m'a dit "tiens vas-y, prends-le, allez, arme !"
35:29 Alors là, manchette.
35:33 Manchette, quand un personnage utilise telle arme,
35:39 il vous en donnait toutes les caractéristiques.
35:41 C'était carrément la manufacture de Saint-Étienne.
35:43 La vitesse du projectile, etc.
35:46 La vitesse d'arrivée, de pénétration, etc.
35:49 C'était carrément un catalogue.
35:52 [Musique]
35:55 Ça, je ne sais pas où c'est.
35:57 Alors ça, c'est les séries de photos qui ont été faites dans le quartier.
36:02 Ça, c'est le passage Choiseul.
36:04 Burma habite ici, dans cet immeuble-là.
36:08 Donc tout ça est repéré.
36:10 Ça commence chez Burma.
36:12 [Musique]
36:38 Une cliente qui vient lui demander un truc, elle se flingue dans son bureau.
36:42 [Explosion]
36:45 Les flics interviennent, ils font leurs photos et tout le bazar.
36:49 Et après, il y a l'itinéraire.
36:51 Donc on part du passage Choiseul, l'avenue de l'Opéra.
36:55 On passe les guichets du Louvre.
36:57 Et on prend les quais, pour arriver à la Tour Pointue.
37:03 Et là, chaque fois, que ce soit dans Adèle ou dans Burma,
37:07 chaque fois qu'on arrive au Palais de Justice,
37:10 il y a toujours la même phrase que je me fais un malin plaisir à citer.
37:14 Et je dis, "le Palais de Justice, dont les tours médiévales se dressent comme des gibets,
37:20 sinistres symboles de répression et de farce judiciaire."
37:24 Dans Adèle, dans les Burma, tout le temps, il y a cette phrase,
37:27 dès qu'on approche du Palais de Justice.
37:29 [Musique]
37:51 Dans Adèle, à un moment, je ne sais plus dans lequel,
37:54 elle passe sur le Pont Neuf.
37:56 Elle met son doigt dans la base d'un des candélabres qui éclaire le pont.
38:02 Et ça déclenche un mécanisme avec une dalle sur le Pont Neuf
38:06 qui s'ouvre et qui donne accès à un souterrain.
38:09 Et un jour, un lecteur m'a écrit pour me dire
38:14 que tous les jours, il traversait le Pont Neuf pour aller à son boulot.
38:19 Peut-être qu'il travaillait à la Samaritaine, je n'en sais rien.
38:22 Il ne pouvait pas s'empêcher de mettre son doigt dans un truc comme ça.
38:28 Bon, c'est faire rentrer une espèce de fantaisie comme ça
38:33 dans le quotidien des gens éventuellement.
38:36 Ce n'est pas mon but non plus, mais si ça existe, tant mieux.
38:40 [Musique]
38:46 Malé m'avait donné l'autorisation d'utiliser le flic indispensable,
38:50 le journaliste, Birma et sa secrétaire.
38:53 Après, je rajoute évidemment tous les personnages dont j'aurais besoin
38:58 pour raconter mon histoire.
39:01 Mais là, ça c'est un prétexte à une balade dans le 20e arrondissement
39:08 puisque Malé ne l'a pas fait.
39:11 Alors par exemple, il y a un film, et ça je vais le mettre, je vais l'inclure,
39:17 ça n'a rien à voir avec l'intrigue, mais il y a ce film...
39:23 Ah voilà, le film de Dassin, du Riffifi chez les hommes.
39:30 La fin du film se termine dans la rue.
39:34 Il y a quelques trucs qui ont bougé, ça se termine là, à 50 mètres dans la rue.
39:40 On voit cette rue-là, qui est filmée de ce côté, la rue Villiers de Liladon,
39:45 et ensuite, vous verrez, il y a un espèce d'établissement scolaire en briques rouges
39:50 qui est juste là, et le film se termine là.
39:53 Même si ça n'a rien à voir avec l'intrigue,
39:56 Birma déambule, c'est un prétexte, il déambule, il cherche, il cherche...
40:01 C'est un dimanche, tout est fermé, il ne peut rien faire,
40:05 et tout, il déambule dans le 20e, et je vais profiter de cette déambulation.
40:09 Bon, par exemple, on peut très bien imaginer qu'il déboule,
40:12 qu'il arrive dans la rue, au moment où toute l'équipe est en train de terminer le film.
40:17 Vous voyez, dans ce bouquin, il y a une image du tournage.
40:21 Vous voyez ? Le tournage du film.
40:24 Rue de la Bidasoa, qui est juste là,
40:27 et le lycée professionnel, il est hors champ, il est là,
40:32 et ça, ça n'a pas bougé.
40:34 Quand j'ai des trucs comme ça, il est évident que c'est une mine,
40:39 et que je vais respecter la réalité des lieux.
40:43 Mais je n'ai pas toujours cette documentation.
40:46 Donc je suis obligé de me débrouiller, de tricher,
40:50 de cadrer au plus près,
40:53 pour ne pas avoir un cadrage général, alors que je n'ai pas matière à faire.
40:58 Après que Malet m'ait refilé ses personnages,
41:04 j'en avais fait un qui s'appelait "Une gueule de bois en plomb",
41:08 dont j'étais l'auteur du scénario.
41:12 Et dès la première critique, dans la presse,
41:15 il était dit que j'adaptais encore un roman de Léo Malet.
41:20 Alors j'avais dit, c'est vraiment...
41:22 Donc ça m'avait agacé, j'avais dit, bon, allez, j'arrête.
41:25 Là, je vais faire mon Burma.
41:29 Mais là, c'est du Burma rapide, c'est presque du croquis.
41:36 Il y a moins d'images par page.
41:38 Ça me permet d'être plus...
41:41 plus gros au niveau du trait.
41:47 Moins... quasiment, peut-être moins d'éléments.
41:52 Ça me permet d'aller plus vite aussi dans cette intrigue.
41:56 Pour l'instant, je ne peux pas vous dire comment ça va se terminer.
41:59 Sauf que, de façon tout à fait arbitraire,
42:04 j'ai fait commencer ce truc le 20 décembre.
42:08 Donc obligatoirement, on va arrêter le 25 pour la messe de minuit ou je ne sais pas quoi.
42:13 Bon, il y a des Pères Noël dans la rue, mais qui ne sont pas vraiment sympas.
42:20 Donc je ne sais pas comment je vais articuler tout ça.
42:24 Bon, après...
42:33 Après, les emplis-là, évidemment, sont faits au pinceau.
42:40 [Musique]
42:44 [Musique]
42:47 [Musique]
42:58 [Musique]
43:11 [Musique]
43:14 Dans les Burma, il y a une dizaine de chapitres, c'est tout.
43:28 Alors des fois, c'est compliqué.
43:31 Je ne parle pas de 14-18 et tout ça.
43:33 C'est un autre genre d'idée du moment.
43:39 Tardy a évoqué l'histoire de son père,
43:41 prisonnier de guerre en Pologne pendant les cinq années qu'a duré le Deuxième Conflit Mondial.
43:46 Moi, je suis vraiment tout le temps dans la transmission de quelque chose,
44:00 d'une pensée, d'une idée, ou même d'une blague.
44:07 Emile Bravo a plongé Spirou et Fantasio dans l'occupation allemande de la Belgique
44:12 durant ce même conflit.
44:14 Polar romanesque dans lequel Spirou devient un homme.
44:18 Donc on va dessiner Spirou et Fantasio.
44:23 Ce qui se passe dans la bande dessinée, c'est que dans le dessin, il y a tout.
44:30 Il y a le style, mais il y a aussi la calligraphie.
44:33 J'utilise une calligraphie que je n'ai pas inventée, cette ligne claire.
44:37 Ce n'est pas moi qui suis à la base de cette écriture graphique-là, ce dessin.
44:43 Je dis souvent que je ne suis pas un dessinateur.
44:46 Je suis un auteur qui utilise le dessin pour s'exprimer.
44:50 J'écris en dessin.
44:53 C'est mon écriture. C'est mon manuscrit.
44:56 Plutôt que de mettre cette scène en disant que Spirou et Fantasio arrivent dans le hall de l'hôtel,
45:03 le réceptieuse s'est étonné car il voit Fantasio qui se découvre et lui dit "Monsieur, voilà, viens".
45:09 Tout est là, tout est là.
45:11 C'est un peu comme si on avait un film de la BD.
45:13 C'est un peu comme si on avait un film de la BD.
45:15 C'est un peu comme si on avait un film de la BD.
45:17 C'est un peu comme si on avait un film de la BD.
45:19 Il se découvre et il lui dit "Monsieur, voilà, viens".
45:21 Tout est là.
45:23 Ce que je raconte c'est une écriture universelle.
45:27 Pas besoin de traduire, tout est déjà dessiné.
45:30 Mais bon, c'est sûr que c'est plus intéressant,
45:37 enfin, ce n'est pas plus intéressant,
45:40 mais c'est plus rassurant de savoir exactement à l'avance ce qui va se passer.
45:44 Par exemple, là, nous sommes sur cette page,
45:49 Néstor Burma descend cette rue qui est derrière,
45:53 la rue Villiers de l'Illadon,
45:55 et tout d'un coup, il va obliquer, sans raison apparente, rue de la Chine.
46:01 Pourquoi ?
46:03 Je raccroche avec d'autres préoccupations,
46:05 parce que rue de la Chine, il y a une porte,
46:09 voyez-vous, cette porte-là,
46:11 avec une frise, une guirlande de fleurs taillées.
46:18 Et là, il y a un petit écriteau qui nous explique
46:26 que le sculpteur n'a pas terminé son boulot
46:31 parce qu'il a été mobilisé en août 1914.
46:34 Il n'est vraisemblablement jamais rentré.
46:38 Donc je me sens obligé d'en parler.
46:41 D'abord parce que ça va rejoindre mes préoccupations de 1914-1918,
46:46 mais je me sens obligé d'en parler.
46:48 Alors ce qui fait que Burma fait un détour qui n'est pas du tout logique.
46:52 Il faut que je trouve un plan pour le faire revenir en arrière
46:55 pour arriver sur le tournage du film.
46:58 Donc il faut que je trouve des plans pour des itinéraires comme ça,
47:03 même s'ils ne sont pas logiques.
47:06 L'idée, c'est de montrer le quartier.
47:10 Alors évidemment, j'ai toute une documentation annexe,
47:16 Belleville, de photos, ou même les trucs.
47:23 Ça aussi, je suis obligé de le montrer.
47:26 J'éprouve un certain plaisir à virer les McDo et tous ces trucs-là,
47:34 les remplacer par des épiceries.
47:37 Par exemple, ça, je peux partir de ce document-là pour construire mon bistrot.
47:48 Ce n'est pas exactement le même.
47:50 Non, je n'ai plus d'un des bistrots.
47:52 À une époque, c'était un véritable plaisir.
47:55 Voilà comment je travaille.
48:01 Là, juste à côté, il y a un jardin public.
48:04 Il faut que je l'utilise aussi.
48:06 Là, l'itinéraire est contrarié.
48:09 À cause de la guirlande du gars qui a été mobilisé en août 2014,
48:14 il faut que je trouve un plan pour qu'il remonte.
48:16 Il va falloir qu'il remonte.
48:18 Il faut que je trouve une motivation.
48:23 Moi, je cours après lui en bas.
48:28 Je suis derrière lui, je cours après lui.
48:31 Le seul code que j'ai, c'est que j'élimine toutes les saillies de Malay.
48:44 Malay était un petit peu réacte.
48:46 Il avait mal vécu la guerre d'Algérie.
48:49 Je mets FN20K sur les murs pour l'emmerder un petit peu aussi.
48:56 [Musique]
49:01 [Musique]
49:04 [Musique]
49:32 C'est indispensable qu'on ait un méchant.
49:35 Comme tous les méchants, il aurait tendance à être plus intelligent que Burma.
49:42 [Musique]
49:51 Généralement, le personnage négatif, méchant, si on veut, pour simplifier, est plus riche.
49:58 Il a des motivations.
50:00 Plus ses motivations seront tordues, plus il sera intéressant.
50:05 Mais attention, il faudra qu'il soit puni à la fin.
50:08 [Musique]
50:15 Le héros, c'est Nestor Burma, qui est un détective privé.
50:19 Les détectives privés, ça n'existe pas en France.
50:22 Ça n'existe pas.
50:23 [Musique]
50:30 Nicolas Barral a lui aussi adapté les romans de Léo Mallet, en s'inspirant du style de Tardi.
50:36 [Musique]
50:43 C'est la résolution.
50:45 C'est très, très documenté.
50:47 On est sous l'occupation.
50:52 Et on le voit, à un moment donné, passer dans une salle de cinéma,
50:57 où on projette le fameux documentaire produit par la propagande d'Asie sur les Juifs.
51:02 Il appuie là où ça fait mal.
51:04 [Musique]
51:07 Vous voyez, là, il y a un passage, une espèce de coupe-gorge.
51:11 Je suis obligé d'utiliser ça.
51:14 C'est à 20 mètres, en plus.
51:17 Les lieux vous donnent quelquefois des éléments de scénario,
51:21 parce que vous avez envie de les utiliser.
51:23 Ça, c'est vraiment un endroit pour un guet-à-pain.
51:26 [Rires]
51:29 Il rencontre une personne dans la rue qui va lui parler de cette fameuse frise, qui est là.
51:34 Bon, voilà.
51:36 Après, là, il faut que je trouve un plan pour qu'il remonte la rue.
51:40 Alors, j'ai une idée, quand même.
51:44 - Et alors ?
51:45 - Il va rencontrer un mec qu'il a côtoyé dans un bistro un peu plus haut,
51:50 qui va l'inviter à venir boire un coup chez lui,
51:54 qui est un concierge qui travaille dans le quartier.
51:58 [Musique]
52:05 L'intrigue tourne autour de la maltraitance des animaux,
52:09 de l'utilisation des animaux par l'industrie pharmaceutique.
52:13 [Musique]
52:15 Bon, je ne vais pas vous raconter l'histoire,
52:18 mais il est concierge dans le quartier.
52:20 Pourquoi il est concierge ?
52:21 Parce qu'il y a quelques années, j'avais rencontré un concierge,
52:25 pas vraiment dans l'arrondissement, mais pas très loin,
52:28 dans sa loge.
52:29 Je suis rentré dans sa loge, je ne sais plus pourquoi.
52:32 Il m'a invité à venir boire un coup dans sa loge.
52:35 Et il y avait des animaux partout.
52:38 Il y avait des cages, il y avait des chiens, des oiseaux, des chats,
52:41 il y en avait, mais dans un espace restreint.
52:45 C'était bourré d'animaux.
52:47 Donc, je vais utiliser ça.
52:49 - C'est vivant, hein ?
52:50 - Oui, oui, oui.
52:52 Donc, je vais utiliser ça.
52:54 [Musique]
53:06 Mais...
53:08 Alors...
53:11 Les chapitres...
53:15 C'est intéressant pour les bagnoles,
53:18 la vieille frégate.
53:21 Alors...
53:24 Ce qui se passe aujourd'hui.
53:31 Alors là, on approche le quartier.
53:34 Il va monter.
53:36 Voilà.
53:45 On monte à Belleville.
53:48 Voilà.
53:49 Là, déjà, on est dans le quartier.
53:51 On n'est pas loin d'ici.
53:53 Ça, ça n'a pas bougé.
53:58 Lui, d'ici, c'est...
54:00 Si vous avez la curiosité, vous y allez, c'est à 20 mètres.
54:03 Là, c'est le lycée technique en briques.
54:07 Et le film s'arrête là.
54:09 Alors, ce que j'avais envie de faire,
54:12 c'était...
54:14 d'utiliser Burma.
54:19 Voyez, ce personnage-là.
54:21 Burma se trimballe dans la rue et hop !
54:25 Il manque d'être renversé par la bagnole.
54:30 Hop !
54:31 - OK.
54:32 - Ça, ça n'a pas bougé.
54:36 Et alors...
54:40 Ici, ça s'arrête là.
54:43 Alors, il y avait une vieille arronde, là.
54:46 En plus, c'est intéressant parce que vous avez les bagnoles.
54:49 Alors, ici, voyez-vous,
54:51 ici,
54:53 cet immeuble-là,
54:57 c'est exactement là.
54:59 La rue, cette rue-là, elle passe là.
55:03 Et rue Danam.
55:06 Voilà, messieurs, dames.
55:10 On a terminé ?
55:12 - Oui.
55:13 Pour moi, l'âge d'or, c'est quand même
55:23 toute catégorie artistique qu'on fait au nu,
55:26 c'est les années 70.
55:28 - C'est ça.
55:30 (musique douce)
55:34 (musique douce)
55:38 (musique douce)
55:41 (musique douce)
55:47 (musique douce)
55:53 (musique douce)

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