Joe Biden a rencontré ce mercredi son homologue chinois Xi Jinping à San Francisco. Dans la rivalité qui oppose les deux géants, l'Union européenne peine à faire entendre sa propre voix, analyse notre journaliste Claude Leblanc.
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00:00 Les Chinois sont toujours en attente d'un positionnement européen très indépendant
00:04 par rapport aux États-Unis, mais aussi par rapport à la Chine.
00:07 La rencontre entre Xi Jinping et Joe Biden, qui aura lieu à San Francisco
00:17 en marge du forum sur la coopération économique en Asie-Pacifique, donc l'APEC,
00:25 a pour vocation de redonner un peu de visibilité et de prévisibilité
00:31 aux relations entre les deux pays.
00:33 L'an dernier à Bali, dans le cadre du G20,
00:35 Biden et Xi Jinping s'étaient entendus sur le principe
00:39 d'étendre les relations entre les deux pays.
00:41 Et donc là, on est dans une phase où, dans certains domaines,
00:44 et notamment dans le militaire, les Chinois et les Américains
00:47 veulent rétablir des dialogues de telle façon à ce qu'on reprenne
00:52 une relation sinon normale, en tout cas une relation
00:55 qui permette de valider, en quelque sorte, cette idée de prévisibilité,
00:58 c'est-à-dire de pouvoir donner au reste du monde l'image de deux puissances,
01:03 donc les plus importantes de la planète, capables de se parler
01:06 et donc de créer un climat beaucoup plus propice à la gouvernance internationale.
01:11 Parce qu'on a vu au cours des derniers mois que la situation dans le monde
01:15 s'était très tendue, que dans certaines zones, il y a eu des conflits.
01:18 Et une des responsabilités, même si elle n'est pas directe,
01:22 est ce manque de dialogue qui existait entre les États-Unis et la Chine.
01:26 Les Européens ont une position un peu ambiguë, si on peut dire.
01:34 Il y a eu plusieurs phases dans la manière dont les Européens ont abordé la Chine.
01:38 À partir du moment où les États-Unis sont rentrés
01:41 dans une phase de confrontation avec Pékin, sous la présidence de Donald Trump,
01:45 les Européens ont eu tendance à suivre de manière un peu scrupuleuse
01:49 le chemin ouvert par les États-Unis.
01:52 Et puis, il y a eu une seconde phase en 2020, notamment au moment de la crise sanitaire,
01:57 alors que les États-Unis, eux, s'étaient enfermés dans une position de confrontation assez forte.
02:02 On l'avait vu notamment dans les accusations qu'avaient portées les Américains
02:05 à l'égard de la Chine sur l'origine de la Covid.
02:08 Les Européens, eux, s'étaient mis plutôt dans une position d'ouverture et de dialogue.
02:11 Et puis, aujourd'hui, on se retrouve dans une situation un peu inverse,
02:16 où on voit effectivement les Américains revenir sur leur politique d'intransigeance
02:21 en faveur d'une politique beaucoup plus ouverte et de dialogue,
02:24 et les Européens qui ont un peu tendance à vouloir taper du poing sur la table.
02:29 On le voit notamment avec l'enquête que la Commission européenne
02:32 déligeante sur les voitures électriques.
02:34 Il est question aujourd'hui du même type d'enquête sur les panneaux solaires.
02:37 Dans tout cela, effectivement, on voit bien que les Européens se cherchent en quelque sorte,
02:42 et que la Chine est un moyen pour Bruxelles de tester un petit peu sa capacité
02:47 à se montrer un peu indépendant.
02:49 Les Européens ont tout intérêt à avoir effectivement une position
02:57 qui soit une position européenne, c'est-à-dire une position qui défend les intérêts européens.
03:03 Encore faut-il que les Européens arrivent à déterminer un socle minimum,
03:07 j'allais dire, de stratégie vis-à-vis de la Chine,
03:09 parce que la politique étrangère reste malgré tout un élément de souveraineté de chaque État.
03:14 Et on voit bien qu'au sein de l'Europe, certains pays comme l'Allemagne ou la France
03:17 ont tendance à vouloir maintenir des bonnes relations avec Pékin,
03:20 tandis que d'autres, notamment en Europe orientale,
03:23 on est plutôt dans une approche un peu plus défiante aujourd'hui.
03:26 Et donc l'intérêt, effectivement, serait que les Européens se positionnent par rapport à la Chine,
03:32 et non pas par rapport à la politique que pourrait mener leur allié américain vis-à-vis de la Chine.
03:37 Parce que, d'une part, ils ont tout à gagner dans cette démarche-là,
03:41 parce que les Chinois sont aussi, pour leur part, à la recherche d'un tiersce parti
03:45 dans leur rapport avec les États-Unis.
03:47 Et ce dialogue se fait souvent non pas à deux, mais se fait souvent à trois.
03:51 Donc un dialogue à trois, c'est pas tout à fait un dialogue, mais c'est un trilogue.
03:55 Et donc les Chinois sont toujours en attente, en fait,
03:57 d'un positionnement européen très indépendant par rapport aux États-Unis,
04:01 mais aussi par rapport à la Chine.
04:03 Et donc les Européens auraient évidemment tout intérêt à choisir une politique
04:08 qui soit construite autour de cette idée que l'Europe a des intérêts
04:13 qui sont vitaux par rapport à la Chine, et qu'elle doit les défendre,
04:16 et qu'elle a aussi intérêt, dans certains domaines, à coopérer avec la Chine,
04:20 et puis aussi, parfois, se montrer de concert avec les États-Unis quand il le faut
04:26 par rapport à une Chine qui peut être parfois trop entreprenante dans certains domaines,
04:29 et de la même manière, de s'entendre avec la Chine par rapport aux États-Unis
04:33 quand les Américains peuvent vouloir imposer un certain nombre de règles
04:37 qui ne sont pas forcément celles qui sont favorables
04:40 ni aux intérêts européens, ni aux intérêts chinois.
04:42 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]