• l’année dernière
Grand témoin : Bettina Rheims, photographe

GRAND DÉBAT / Loi immigration : un compromis possible à l'Assemblée ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Le Sénat a adopté, mardi 14 novembre 2023, le projet de loi immigration. Initialement composé de 27 articles, il en compte désormais plus d'une centaine à son arrivée au Palais Bourbon. À l'issue d'une semaine de débat, plus de 600 amendements ont été examinés pour finalement durcir le texte. Celui-ci prévoit, entre autres, de transformer l'aide médicale d'Etat (AME) en aide médicale d'urgence (AMU), de simplifier les procédures d'expulsion des étrangers ayant enfreint la loi, de créer des guichets « France asile » dans les préfectures etc. Le projet de loi arrive à l'Assemblée nationale le 11 décembre 2023. La droite craint que la majorité « détricote » le travail effectué par les sénateurs LR tandis que l'aile gauche de la Macronie, incarnée notamment par Sacha Houlié, compte sur un retour de l'article 3 (visant à régulariser les sans-papiers employés dans les secteurs en tension)... Parviendront-ils à trouver un terrain d'entente pour éviter un nouveau 49.3 ?

Invités :
- Bruno Millienne, député Modem des Yvelines
- Boris Vallaud, Président du groupe PS à l'Assemblée nationale
- Ian Boucard, député LR du Territoire de Belfort
- Pascal Brice, Président de la Fédération des Acteurs de la Solidarité et ancien directeur de l'Ofpra

GRAND ENTRETIEN / Bettina Rheims dévoile le palmarès du prix de la photo politique

Mercredi 15 novembre, LCP et l'Assemblée nationale récompensent les lauréats du premier prix de la photo politique. Quels sont les ingrédients magiques pour une « bonne » photo ? La vice-présidente d'honneur du jury, Bettina Rheims, répond.

Grand témoin : Bettina Rheims, photographe

LES AFFRANCHIS
- Thomas Lestavel, journaliste indépendant
- Iannis Roder, professeur d'histoire à Saint-Denis
« Bourbon express » : Stéphanie Dépierre, journaliste LCP

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Transcription
00:00 [Musique]
00:05 Bonsoir, bienvenue, très heureuse de vous retrouver dans "Ça vous regarde"
00:09 Ce soir, une très grande photographe pour parler photo politique.
00:12 Bonsoir, Béthina Reims.
00:13 Bonsoir.
00:14 Et merci d'être notre grand témoin ce soir.
00:17 Vous venez de remettre le prix de la photo politique à l'Assemblée Nationale.
00:21 C'était un nouveau prix créé cette année par Yale, Braun-Pivet et LCP.
00:25 Vous allez nous révéler le nom des gagnants tout à l'heure.
00:28 On reviendra aussi sur votre carrière, votre travail sur le corps des femmes, sur le genre aussi.
00:33 Et puis on reverra cette célèbre photo de Jacques Chirac dans les Jardins de l'Elysée.
00:37 Portrait officiel que vous avez signé en 95.
00:40 On l'a tous déjà bien en mémoire.
00:42 Notre grand débat ce soir.
00:44 Faut-il réécrire complètement le projet de loi sur l'immigration ?
00:48 Après son net durcissement voté au Sénat, l'aile gauche de la majorité prévoit de détricoter ce qu'a fait la droite sénatoriale.
00:55 Métiers en tension, aide médicale d'État, droit du sol.
00:58 Alors jusqu'où la copie doit-elle être remaniée ?
01:01 Y a-t-il une majorité à l'Assemblée pour voter 149-3 ?
01:05 Nous en débattons dans un instant avec mes invités sur ce plateau.
01:09 Enfin, nos affranchis ce soir.
01:11 L'économie avec Thomas Lestavelle, le regard sur l'école de Yanis Roder et puis Bourbon Express de Stéphanie Despierres.
01:17 Voilà pour le menu. On y va, Béthy Larins.
01:19 Ça vous regarde. Ça commence maintenant.
01:21 (Générique)
01:33 C'est après les retraites, la grande bataille parlementaire de cette année 2023.
01:38 Le projet de loi immigration de Gérald Darmanin durcit au Sénat, arrive à l'Assemblée fin novembre.
01:44 Autant dire que c'est la manche la plus périlleuse pour le ministre de l'Intérieur qui joue gros.
01:49 Tant la majorité semble introuvable et la Macronie fracturée.
01:53 Alors, faut-il réécrire ce texte ? Et si oui, jusqu'où ?
01:57 Bonsoir, Bruno Milienne. - Bonsoir.
01:59 - Merci d'être là. Vous êtes député modem des Yvelines.
02:02 Vous débattez ce soir avec deux de vos collègues.
02:04 Boris Vallaud, bonsoir. - Bonsoir.
02:06 - Bienvenue. Président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale et député PS des Landes.
02:11 Bonsoir, Yann Boucard. - Bonsoir.
02:13 - Merci d'être là. Député Les Républicains du territoire de Belfort.
02:16 Et puis, bonsoir, Pascal Brice, qui n'est pas député, mais président de la Fédération des Acteurs de la Solidarité.
02:23 Je précise, car vous ne vous en cachez pas, vous êtes derrière l'initiative de cette fameuse tribune dans Libération,
02:29 transpartisane, avec Sacha Houllier, avec les écologistes, les socialistes,
02:35 pour réclamer cette régularisation des sans-papiers dans les métiers en sanction.
02:38 On se souvient aussi de vous comme ancien directeur de l'OFPRA.
02:42 Évidemment, ce n'est pas vos sujets, Bétina Reims. On est loin de la photo.
02:45 Mais comme citoyenne, n'hésitez pas quand vous souhaitez à interroger nos invités.
02:48 Je vous donne la parole. On a besoin d'abord de savoir à quoi ressemble ce texte,
02:52 largement remanié par les sénateurs.
02:54 Et pour cela, j'appelle mon camarade Stéphane Blakowski. Le chrono de Blakow, tout de suite.
02:58 Bonsoir, mon cher Stéphane. - Bonsoir, Myriam. Bonsoir à toutes et tous.
03:04 - Je me suis tout à coup retournée pour regarder Stéphane Blakowski.
03:06 Alors, ce texte voté au Sénat. - Bonne nouvelle, Myriam.
03:09 Enfin, je ne sais pas si ça va réjouir Boris Vallaud,
03:12 mais en tout cas, l'adoption de la loi immigration au Sénat,
03:15 ça a fait deux heureux, au moins deux heureux, Gérald Darmanin et Bruno Rotailleau.
03:20 Et d'ailleurs, ça peut se comprendre, parce que regardez,
03:22 208 voix pour, 115 contre.
03:26 C'est donc le projet de loi immigration de Gérald Darmanin,
03:29 durci par la droite de Bruno Rotailleau, qui a été adopté au Sénat.
03:33 Alors, pour ce qui est du ministre de l'Intérieur, on peut comprendre qu'il se réjouisse.
03:37 Vous vous souvenez peut-être qu'en avril dernier,
03:40 ce projet de loi immigration a été donné comme mort,
03:42 parce que le président de la République l'avait mis de côté à cause de la réforme des retraites.
03:47 Et donc, cette mort de son projet de loi, c'est une petite mort aussi pour Gérald Darmanin.
03:50 Donc, quand six mois plus tard, son projet de loi est adopté au Sénat,
03:54 et bien, ça prouve qu'il est toujours vivant, on l'écoute.
03:56 J'ai un instinct de survie assez développé depuis quelques années.
04:00 Et donc, je veux vous dire ici que la politique, c'est assez simple,
04:04 c'est se battre pour des convictions, essayer d'avoir 100% de ces convictions.
04:08 Et quand on peut en avoir 50%, et bien, on peut être plus heureux.
04:12 Ça s'appelle un parti du gouvernement, ça s'appelle prendre ses responsabilités.
04:14 Mais je vous l'ai dit, il n'est pas le seul à être heureux, Gérald Darmanin.
04:18 C'est aussi le cas de Bruno Retailleux,
04:20 puisqu'il estime que dès lors que la droite a durci le texte au Sénat,
04:23 et bien, c'est une victoire politique.
04:24 Regardez sur la page d'accueil du site du Républicain,
04:27 il dit même "le texte immigration de Darmanin n'existe plus".
04:31 Bon, vous savez ce que c'est que l'enthousiasme, des fois, on s'en bat un peu.
04:34 Parce que malgré tout, ce qu'il revendique comme une victoire politique,
04:37 c'est d'avoir durci les conditions de régularisation des sans-papiers
04:42 dans les métiers en tension.
04:44 C'est-à-dire que, contrairement à ce qui était prévu dans le projet de loi,
04:47 c'est toujours le préfet, l'administration, qui pourra décider, et non pas le juge,
04:51 quel sans-papiers mérite d'être régularisé.
04:53 Donc en fait, ça revient à une sorte de statu quo avec la situation actuelle.
04:58 Alors que Retailleux, lui, voit une grande victoire,
05:01 Eric Ciutti, lui, il est un peu déçu.
05:03 Il est déçu parce qu'il aurait voulu qu'on supprime carrément les régularisations
05:07 sur les métiers en tension, on l'écoute.
05:09 - Ça me gêne. - Ça vous gêne ?
05:11 - Ça me gêne. Moi, j'ai toujours dit que le principe de régularisation
05:15 était un principe dangereux parce que ça lançait un appel d'erreur.
05:20 - On a donc déjà deux courants chez l'ALR.
05:22 Le courant qui crie "victoire" avec Retailleux,
05:24 celui qui est déçu avec Ciutti.
05:26 Il y a aussi un troisième courant, la jaune garde, regardez,
05:29 Aurien Pradié, qui, lui, estime que c'est une reculade
05:31 d'avoir voté ce texte au Sénat parce que ça ne correspond pas
05:34 aux engagements pris par le parti.
05:37 Donc voilà, c'est la zizanie chez l'ALR, mais heureusement, rassurez-vous,
05:40 l'eurobanquier est passé hier à l'Assemblée voir le groupe des députés LR.
05:44 Il leur a dit qu'il fallait faire équipe.
05:46 Eh bien, bon courage, évidemment, bon courage, c'est pas si évident que ça.
05:50 Côté gouvernement, forcément, ces divisions à droite,
05:53 ce n'est pas forcément une mauvaise nouvelle,
05:55 sachant qu'en plus, El-Echid a déposé 150 amendements,
05:58 donc pas de risque d'obstruction à Paris, a priori, pour examiner le texte.
06:01 Donc, ce qui reste à faire maintenant pour la majorité,
06:04 c'est de modifier le texte qui a été adopté au Sénat.
06:07 Parce qu'au Sénat, les sénateurs de la majorité présidentielle
06:10 ont voté pour le texte LR qui prévoit de supprimer
06:13 l'aide médicale d'État aux clandestins.
06:16 Sauf qu'évidemment, quand le texte va arriver à l'Assemblée,
06:19 il n'est plus question de voter cette suppression.
06:22 On écoute Patria, j'ai oublié son prénom.
06:25 Merci, François Patria, le patron des sénateurs Renaissance.
06:29 La majorité à l'Assemblée nationale ne laissera jamais passer un texte sans AME.
06:33 Il y aura un texte final dans lequel il y aura l'AME.
06:35 Le ministre y tient, la première ministre y tient,
06:38 et l'ensemble de la majorité y tient.
06:40 Bon, ben voilà, la loi immigration arrive à l'Assemblée,
06:43 7 décembre en commission, 11 décembre en séance publique.
06:46 Donc, si vous n'avez pas le temps de dire tout ce que vous avez à dire ce soir,
06:49 vous en reparlez, donc ce n'est pas grave.
06:51 C'est clair, merci beaucoup.
06:52 Merci, Stéphane. Je vais vous demander votre position sur la version du Sénat.
06:57 Alors, je rappelle un tout petit peu ce qu'il y a dans le texte,
07:00 en quoi il a été durci. Stéphane en parlait.
07:02 Titre délivré au cas par cas à la discrétion du préfet
07:05 pour les travailleurs étrangers dans les métiers en tension,
07:07 suppression de l'AME, durcissement des conditions du regroupement familial,
07:10 réforme du droit du sol avec la fin de l'accès automatique à la nationalité à 18 ans,
07:15 accès aux allocations familiales au bout de 5 ans au lieu de 6 mois,
07:18 et quota d'immigrés avec des plafonds fixés chaque année au Parlement.
07:21 Bruno Lilliel, en l'état, est-ce que vous votez ce texte ?
07:24 Non. C'est clair, comme réponse politique.
07:27 Elle est inacceptable, cette version du Sénat ?
07:28 Non, parce qu'on ne va pas raconter d'histoire au français.
07:31 Le but de ce texte, quand il est sorti, quand Gédérald Darmanin l'a présenté,
07:34 c'était un texte d'équilibre, qui essayait de pousser les curseurs
07:37 aussi bien à droite qu'à gauche sur tout ce qu'on pouvait faire
07:40 de manière crédible, c'est-à-dire efficace, qu'on puisse faire.
07:43 Là, il y a des mesures que le Sénat a mises en place
07:46 qui sont d'une efficacité totale et qui n'apporteront rien de plus,
07:48 qui sont que des postures politiciennes.
07:50 On reparlera de la ME.
07:52 Vous expliquez alors que vos alliés Renaissance,
07:55 François Patrignat, au Sénat, les quelques sénateurs modèment les voter.
07:59 Parce que le Sénat, c'est le Sénat.
08:01 Nous, c'est l'Assemblée nationale, c'est différent.
08:03 Il vous choque, ce vote de vos camarades ?
08:05 Sur la ME, par exemple, oui, on est considérablement choqués,
08:08 je vous le confirme, même s'il y a peut-être des améliorations
08:11 à faire sur la ME, on ne supprime pas la ME.
08:14 C'est un non-sens à la fois budgétaire et sanitaire,
08:17 donc je ne vois pas l'intérêt.
08:19 On va revenir dans le détail.
08:21 Pour les Républiques, à l'Assemblée,
08:23 c'est un peu difficile à suivre,
08:25 vous, vous votez le texte en l'état,
08:27 remanié par le Sénat ou pas ?
08:29 Le Sénat a considérablement amélioré ce texte.
08:31 Je crois que ce que vient de dire Bruno Millen
08:33 éclaire exactement le problème de la majorité.
08:35 Ils veulent un texte qui va un peu à gauche, un peu à droite.
08:37 Je crois que si on estime qu'il y a urgence sur la question de l'immigration,
08:40 il faut un texte qui soit beaucoup plus ferme,
08:42 et c'est ce qu'ont fait nos collègues sénateurs.
08:44 Je pense qu'on aurait pu aller un peu plus loin,
08:46 mais je pense surtout, comme Laurent Boquier,
08:48 qu'on fasse équipe et qu'on parle d'une seule voix
08:50 à partir de la Commission des lois, à partir de l'hémicycle,
08:52 pour obtenir le plus possible sur ce texte immigration.
08:55 En l'état, oui, je le voterai.
08:57 Très bien. Boris Vallaud, qu'est-ce que vous pensez de la version du Sénat ?
09:00 C'est une horreur absolue.
09:02 C'est à la fois une faute morale et une rupture politique,
09:05 y compris avec l'histoire politique des Républicains.
09:07 On est très loin de Jacques Chirac.
09:09 C'est une droite qui fait jonction avec l'extrême droite,
09:12 reprenant, se lissant des allocations familiales,
09:15 les propositions de Marine Le Pen dans son programme.
09:18 Franchement, c'est une honte.
09:20 Et tout ça avec la complicité du ministre de l'Intérieur,
09:23 qui est heureux d'avoir fait voter son texte,
09:27 et avec les votes des membres sénateurs
09:31 de la majorité présidentielle.
09:33 François Patria a beau dire ce qu'on en vient d'entendre,
09:37 il a quand même voté la suppression de l'AIME.
09:39 Donc tout ça est parfaitement honteux.
09:41 En réalité, c'est une loi essentiellement destinée
09:44 à pourrir la vie des étrangers,
09:47 en situation irrégulière, mais franchement, pas que.
09:50 Vous l'avez constaté, puisqu'il faudra 5 ans, par exemple,
09:53 pour pouvoir avoir des allocations familiales,
09:56 là où c'est 6 mois aujourd'hui,
09:58 alors que ce sont des familles qui travaillent,
10:00 qui payent des impôts, qui payent des cotisations sociales,
10:02 qui participent à l'économie du pays,
10:03 qui participent à la solidarité nationale.
10:05 Franchement, je vous dis, je suis écoeuré,
10:08 parce que tout ça participe d'un climat
10:10 qui, un, n'est pas sain,
10:12 et qui est un grand mensonge pour les Français.
10:14 Si on pense vraiment qu'on va régler quoi que ce soit
10:16 avec ces propositions-là, c'est un grand mensonge.
10:18 -Il y a une lecture à l'Assemblée, c'est bien pour ça qu'on va en parler.
10:20 Vous n'êtes pas député, je ne vais pas vous demander
10:22 si vous votez ou pas, mais qu'est-ce qu'elle vous inspire,
10:24 cette version durcie au Sénat, d'un mot ?
10:26 -Beaucoup d'inquiétude.
10:29 C'est pas un durcissement, comme je l'entends ici comme ailleurs,
10:33 c'est une bascule, un saut dans le vide.
10:36 Ce qu'il faut prendre en compte, c'est non seulement le texte,
10:40 l'accumulation, le déchaînement de mesures que vous rappeliez,
10:44 qui sont toutes issues de tiroirs,
10:46 ça fait des années et des années que certains pensent à la nouveauté,
10:49 c'est qu'il y a une majorité pour cela.
10:51 On n'est pas dans un "hénien" texte, comme on en a vu depuis des années,
10:55 qui complique la vie des gens,
10:57 qui, à mon avis, à chaque fois, suscite de l'indignité, du désordre.
11:00 Non, on est dans autre chose.
11:02 On est dans la tonalité des débats.
11:04 Au Sénat. Au Sénat.
11:06 La chambre de la sagesse.
11:09 On est dans les mesures prises.
11:11 -Ca témoigne de quoi ?
11:13 -Dans un déchaînement qui livre à l'invindicte,
11:16 désormais, l'immigration par principe,
11:19 les immigrés par nature,
11:21 et qui, notamment, tourne le dos
11:23 à un principe républicain fondamental,
11:25 affaibli, en panne.
11:27 Je ne suis pas un angélique. J'étais directeur de l'Off-Print.
11:30 J'en ai fait tomber des statuts de Tchétchène pour menaces terroristes.
11:34 L'intégration est en panne dans ce pays.
11:36 Mais ce vote-là, ce qui a été dit, ce qui est voté,
11:40 c'est tourner le dos au principe même de l'intégration républicaine.
11:44 Et donc, oui, je vous le dis,
11:46 parce qu'il faut prendre la mesure de ce qui se passe,
11:49 je vous le dis avec beaucoup de sincérité et de gravité.
11:53 Je dis aux uns et aux autres, et notamment à certains que je connais,
11:57 je ne peux pas croire qu'ils soient dans cette dérive-là.
12:00 -On entend vos mots, Pascal Bril, et votre inquiétude.
12:03 On va entrer dans le détail. À présent, c'est le totem de ce texte,
12:07 la régularisation des sans-papiers qui travaillent dans les métiers en tension.
12:11 Et pour prendre la mesure des besoins sur le terrain,
12:14 direction Déols, près de Châteauroux, dans l'Indre,
12:17 Clément Perreault et Yvan Hanavion se sont rendus
12:20 dans le plus grand restaurant routier de France
12:22 qui peine à recruter à la fois en salle et en cuisine.
12:25 Reportage.
12:26 ...
12:32 -L'Escale est une institution.
12:34 Le plus grand restaurant routier de France, installé près de Châteauroux,
12:38 sert tous les jours de 400 à 600 couverts.
12:41 Tous les jours, mais plus toute l'année.
12:44 Désormais, l'établissement connaît des périodes de fermeture.
12:48 -Je suis obligé de fermer l'établissement une semaine à la semaine prochaine
12:52 par manque d'effectifs, manque de personnel, particulièrement en salle.
12:56 Plus personne ne veut servir, plus personne ne veut travailler,
13:00 le soir, le week-end, c'est catastrophique.
13:04 -Monsieur, bonjour. Le couvert, si vous voulez bien, monsieur, par ici.
13:08 -Longtemps ouvert, 24/24, l'Escale ferme désormais à minuit
13:12 pour les mêmes raisons.
13:14 Et alors qu'il a la clientèle pour les remplir,
13:17 le patron est contraint de laisser certaines salles vides.
13:20 -C'est triste, hein ?
13:22 Et si j'étais seul à constater ce truc-là,
13:25 mais un collègue, là, à côté,
13:27 il ferme tous les dimanches depuis le 15 octobre
13:30 à cause de manque de personnel.
13:32 Moi, ça fait 45 ans que je fais ça, je suis pas mort.
13:35 -L'Escale propose à ses serveurs un salaire de 14,50 euros minimum de l'heure.
13:40 C'est 2,20 euros de plus que la moyenne de la profession,
13:44 mais cela ne suffit pas à susciter des vocations.
13:47 -Tartine du chauffeur ! -Oui !
13:49 -En cuisine aussi, la pénurie de main-d'oeuvre se fait sentir.
13:53 Alors, régulariser des travailleurs étrangers
13:56 pourrait-il être une piste pour le secteur de la restauration ?
14:00 Dominique Thomas est mitigé sur cette question.
14:03 -Pour régulariser des gars qui font ça depuis 5 ans,
14:06 qui vivent dans la peur, oui, ça serait pas mal, ça.
14:09 Mais non, ça serait un petit pourcentage d'amélioration.
14:12 On est tellement loin.
14:14 Et c'est 200 000 postes dans la restauration
14:17 qui sont à pouvoir dans l'hôtellerie-restauration.
14:20 200 000 postes.
14:22 -Actuellement, l'ESCAL cherche à recruter
14:25 5 serveurs en salle et 3 cuisiniers.
14:28 -Yann Boucard, qu'est-ce que vous répondez à ce restaurateur ?
14:32 Il y a des besoins.
14:34 Il a beau augmenter les salaires, il n'y a pas de personnel.
14:38 Cette pénurie de main-d'oeuvre, elle existe.
14:41 Les employeurs la réclament, le Medef la réclame,
14:44 Thierry Marx pour Lumie la réclame.
14:46 Il y a quand même un problème.
14:48 -Vous avez raison. Il y a un problème.
14:50 200 000 emplois sont pourvoirs dans la restauration en France.
14:53 Il y a 3 millions de chômeurs.
14:55 Il y a un problème sur notre approche du travail.
14:58 Mais cette façon de dire qu'on devrait régulariser 200 000 personnes,
15:02 ça veut dire qu'il faut qu'on redéfinisse plus globalement.
15:05 -Personne n'a parlé de 200 000 personnes.
15:07 -Oui, mais on commence par 10 000, puis allons jusqu'à 200 000.
15:10 Si il manque 200 000 personnes, allons jusqu'au bout.
15:13 Soyons cohérents pour ceux qui revendiquent cette mesure.
15:16 Mais ce monsieur vous dit aussi que la régularisation généralisée,
15:19 il y en a dans la restauration.
15:21 Mais c'est combien dans le bâtiment, c'est combien ailleurs ?
15:24 -Qu'est-ce que vous craignez avec cette intégration par le travail ?
15:27 C'est l'appel d'air que vous dénoncez ?
15:29 -La réalité, je finis juste sur cette question-là,
15:31 c'est que dans notre pays, le travail ne rémunère plus.
15:33 C'est quelque chose sur lequel on se met d'accord.
15:35 Quelqu'un qui vient travailler de nuit,
15:37 qui travaille le week-end et qui est payé 14,50 euros de l'heure
15:40 avec les charges prélevées, les impôts, le coût du carburant,
15:43 évidemment que ce n'est pas compétitif.
15:45 Parfois, on voit, malheureusement,
15:47 dans nos circonscriptions, des gens qui nous disent
15:49 qu'ils auraient intérêt à rester à la maison plutôt que de travailler.
15:52 C'est ce rapport-là au travail qu'on doit définir
15:54 plutôt que de se dire qu'on doit régulariser
15:56 celles et ceux qui sont en situation irrégulière
15:58 et qui ont enfreint par leur entrée sur le territoire la loi française.
16:01 -Pour bien comprendre, aujourd'hui, c'est l'article 4 bis,
16:04 voté par la droite.
16:06 Ca veut dire qu'aujourd'hui, on ne change rien ?
16:08 C'est ça, cet article 4 bis ?
16:10 C'est les préfets, au cas par cas,
16:12 selon leur propre pouvoir discrétionnaire,
16:14 qui décident de régulariser ou pas ?
16:16 Comment s'appliquerait cet article au Sénat
16:19 et en quoi il faudrait le changer ?
16:21 Qui veut répondre ?
16:23 -Juste, peut-être, pour revenir sur le cas des espèces.
16:25 Aujourd'hui, on estime qu'il y a à peu près 20 %
16:28 de ceux qui travaillent dans la restauration
16:30 qui sont des travailleurs étrangers en situation irrégulière.
16:32 Ca ne veut pas dire qu'ils ne payent pas leurs cotisations.
16:34 C'est là la grosse hypocrisie.
16:36 Ils participent déjà de la solidarité nationale
16:38 et du financement de la protection sociale.
16:40 -Ca n'est pas forcément du travail noir.
16:42 -C'est vrai d'autres secteurs d'activité,
16:44 parce qu'on pourrait évoquer le bâtiment,
16:46 les travaux publics, la propreté,
16:48 les services d'aide à domicile.
16:50 Il y a beaucoup de ces gens-là
16:52 qui vivent des vies impossibles
16:54 parce qu'on maintient cette hypocrisie.
16:57 Moi, je crois à la valeur du travail.
16:59 Les défenseurs les plus prétendument acharnés du travail,
17:03 en réalité, sont ceux qui vont empêcher
17:05 ces travailleurs étrangers d'avoir des papiers
17:08 et de cotiser normalement et d'avoir une vie ordinaire.
17:11 Je crois aussi que c'est un levier d'intégration
17:13 absolument considérable.
17:15 Parce que dans l'histoire, on sait que l'intégration,
17:18 elle, c'est faite par le travail.
17:20 C'est une énorme hypocrisie.
17:22 Ce n'est pas des travailleurs étrangers
17:24 qui prendraient le travail des Français.
17:26 -J'ai pas dit ça du tout.
17:28 -Il y a beaucoup de jonctions avec l'extrême droite.
17:30 -J'ai dit qu'on devait redéfinir le travail
17:32 pour les Français.
17:33 -Ce que je peux vous dire, c'est qu'aujourd'hui,
17:35 ce sont des postes qui ne sont pas pourvus
17:37 par nos compatriotes français.
17:39 Il y a un potentiel absolument considérable.
17:42 Il y a une hypocrisie consacrée.
17:45 Il y a un levier d'intégration considérable.
17:47 Ce ne sera pas suffisant, mais c'est important.
17:49 Je crois qu'il faut aller, à titre personnel,
17:51 bien au-delà des métiers en tension.
17:53 -Vous êtes pas majoritaire là-dessus,
17:56 donc essayons de voir ce qui peut atterrir comme compromis.
17:59 -Ce que je veux dire, c'est que l'hôtellerie et la restauration
18:02 n'est pas un secteur en tension aujourd'hui.
18:04 Il n'est pas sur la liste des secteurs en tension.
18:06 Mesurez-le bien aussi.
18:08 Pour vous dire que la problématique est beaucoup plus large que ça.
18:11 Quand on travaille, quand on paye ses cotisations sociales,
18:14 c'est bon pour tous les travailleurs, la régularisation.
18:17 Ca évite le dumping social.
18:19 Vous disiez que le travail ne payait pas.
18:21 Quand on vous propose de se miquer 1 500 ou 1 600 euros,
18:23 vous n'êtes pas au rendez-vous.
18:25 -J'aimerais comprendre la situation actuelle.
18:27 On parle du rôle du préfet.
18:29 C'est bien lui qui décide de délivrer le titre de séjour.
18:32 Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ?
18:34 Qu'est-ce qui changerait demain avec le Sénat ?
18:37 Qu'est-ce qui changerait si c'était la loi initiale qui était votée ?
18:41 Est-ce qu'on nous parle d'un pouvoir discrétionnaire ?
18:44 -Honnêtement, ce qui a été voté au Sénat,
18:46 ça ne change rien dans les faits.
18:48 Si on veut être assez didactique,
18:50 il y a trois sortes de travailleurs immigrés en France.
18:53 Il y a ceux qui ont des papiers, des cartes de séjour
18:57 qui sont renouvelables, tous dans nos circonscriptions.
19:00 Ils sont là légalement sur le territoire,
19:02 ils ont une carte de séjour renouvelable,
19:04 tous dans nos circonscriptions, que ce soit Yann Boucar,
19:07 Boris Vallaud, tous les ans, on intervient auprès des préfectures
19:10 pour les renouvellements de carte de séjour.
19:12 Des gens qui sont là depuis 10, 15 ans,
19:14 qui sont obligés de renouveler leur carte de séjour.
19:17 C'est une hypocrisie totale, on ne peut pas laisser ces gens-là
19:20 se dire que jamais ils n'auront de papiers définitifs
19:23 alors qu'ils sont intégrés.
19:25 -Ca, c'est pas l'article 3.
19:27 -Non, c'est pas l'article 3, mais pour que ce soit clair...
19:30 -Des étrangers. -Ce sont aussi des étrangers,
19:32 pour que ce soit clair dans la tête des gens.
19:34 -En situation irrégulière. -La deuxième catégorie,
19:37 c'est ceux qui n'ont pas de papiers, mais qui ont un contrat de travail.
19:40 Il faut qu'on m'explique comment on arrive à faire ça,
19:43 mais ils ont un contrat de travail, ils payent des cotisations,
19:46 Boris Vallaud l'a répété, des cotisations de retraite,
19:49 dont ils ne verront jamais la couleur,
19:51 et ces gens-là, pareil, ils cotisent,
19:53 ils participent à la vie de la nation,
19:55 et paient de dame aux clés s'ils ne savent pas de quoi demain sera fait.
19:59 C'est pas un traitement humain.
20:01 Honnêtement, j'ai beau ne pas être socialiste,
20:03 Boris Vallaud le sait très bien, je suis homodême,
20:06 c'est pas un traitement humain.
20:08 -Vous reviendrez à l'article 3 initial ?
20:10 -Après qu'on regarde la situation de ces gens-là,
20:13 pour ne pas accorder la régularisation à tout le monde,
20:16 ça, c'est autre chose, mais on peut pas juste balayer
20:19 en disant que ces gens-là, on les régularise pas.
20:22 Et les troisième catégorie de travailleurs immigrés,
20:25 ce sont ceux qui, malheureusement pour eux,
20:28 participent à ce qu'on ne dénonce pas assez en France,
20:31 cette espèce de marchandisation d'esclavagisme moderne
20:34 qui fait qu'on va employer des gens au noir, d'accord,
20:37 et ça, c'est juste scandaleux, ces gens n'ont aucun droit.
20:40 Donc que ces gens-là puissent aller en préfecture en disant
20:43 "Mais monsieur, j'ai travaillé pendant tant de temps
20:46 "les deux dernières années avec ou pas,
20:48 "enfin, en général, des fausses fiches de paye",
20:51 moi, je suis d'accord, parce que ça me permettra aussi
20:54 de dénoncer ceux qui participent à cette traite,
20:57 ce qu'on appelle l'esclavagisme moderne dans le monde du travail.
21:01 Voilà trois catégories de travailleurs immigrés,
21:04 trois façons de réagir. -Je comprends que vous voulez
21:07 revenir, c'est votre droit le plus absolu de parlementaire,
21:10 c'est le sens même du débat à l'article initial
21:13 concernant les métiers en tension.
21:15 -Il serait bon que ce débat se fasse dans la clarté
21:18 sur cette question-là, parce que les habillages politiciens,
21:21 c'est en permanence insupportable, mais sur des questions fondamentales
21:25 et qui sont plus que jamais. La réalité, c'est que ce que le Sénat a voté,
21:29 c'est un recul par rapport à une situation de régularisation
21:32 qui est déjà très limitée. -Est-ce qu'on peut expliquer ça ?
21:36 -Tout simplement parce que la majorité du Sénat
21:39 a récusé la proposition du gouvernement,
21:42 qui était intéressante, sur le principe,
21:44 qui disait "possibilité de régularisation,
21:46 "à mon sens, insuffisante, parce que c'était un type
21:49 "de séjour d'un an, vous n'avez pas un patron
21:51 "qui va embaucher pour un an", mais il y avait quelque chose
21:54 qui était bon, et en plus, met des conditions
21:56 sur l'utilisation par les préfets d'une circulaire,
21:59 la circulaire Valls, qui leur permet, dans certains cas,
22:02 de régulariser des travailleurs, et dont ils font un usage
22:05 extrêmement parcimonieux. Donc, vous voyez bien
22:08 qu'en réalité, là, on a quelque chose.
22:10 Votre reportage le montrait, on est un peu chez les fous,
22:14 quand même, dans ce débat. Mais vraiment, je veux dire...
22:17 Moi, je peux pas aller chez un boulanger,
22:19 on est tous dans la même situation.
22:21 Est-ce qu'on peut pas se dire simplement
22:23 qu'il y a des besoins dans les entreprises de ce pays ?
22:27 C'est quand même la force de l'économie de la République.
22:30 -C'est à la droite qu'il faut s'adresser,
22:32 parce qu'il détient les clés de ce vote.
22:34 -Le député a raison de dire qu'il y a des inquiétudes
22:37 chez les salariés sur le niveau des salaires,
22:39 sur la concurrence éventuelle. Il faut regarder.
22:41 Je suis pas aveugle sur ce qu'y travaille le pays,
22:43 sur les inquiétudes sur l'immigration.
22:45 Donc, on doit être dans une situation,
22:48 on doit pouvoir régulariser pour des hommes et des femmes
22:51 qui peuvent travailler, qui ne demandent que ça.
22:53 Le paradoxe est quand même incroyable.
22:55 Vous avez, au Sénat, des gens qui vous font un truc,
22:58 qui vous expliquent qu'il faut arrêter les aides au logement.
23:02 J'aimerais bien savoir comment les gens vont trouver un logement
23:05 dans ces conditions-là. Ils sont là que pour les aides
23:08 et en même temps, on veut pas qu'ils bossent.
23:10 Il faut quand même trouver quelque chose de simple,
23:13 qui est de dire qu'il y a des besoins dans les entreprises,
23:16 qui ne demandent qu'à travailler, qui ne compteront plus
23:19 à un souhait que ce soit, disparaîtront des rodards
23:22 de qui que ce soit, vivront tranquillement,
23:24 plutôt que d'idéologiser et de livrer les gens à la vindicte.
23:27 -C'est bien compris. Le point, il est technique,
23:30 mais il tourne autour de l'encadrement des préfets.
23:33 Si je comprends bien, l'article 3, c'était un droit opposable,
23:36 direct, pour les personnes qui travaillent,
23:39 étrangères en situation irrégulière.
23:41 Là, on revient au pouvoir discrétionnaire de préfet.
23:44 Florent Boudier, rapporteur spécial de ce projet de loi,
23:47 était notre invité hier. Il propose une sorte d'intermédiaire
23:50 entre le Sénat et la version initiale.
23:52 Écoutez, vous nous direz si vous êtes prêts à voter.
23:55 -Nous, nous sommes partis dans le texte initial
23:57 avec un droit opposable, automatique,
23:59 où personne, au fond, ne pouvait dire grand-chose.
24:02 C'était "Vous répondez à tel critère,
24:04 vous aurez le titre de séjour."
24:06 Le Sénat dit "C'est le pouvoir discrétionnaire,
24:08 au contraire, général et absolu du préfet."
24:11 Je pense qu'on peut avoir un dispositif
24:15 où le préfet va pouvoir s'opposer,
24:20 mais sur des motifs qui sont présentés dans la loi.
24:24 -Voilà, une forme d'équilibre, parce que c'est aussi ça,
24:28 quand on n'a pas de majorité absolue à l'Assemblée nationale,
24:31 prônée par le rapporteur spécial,
24:34 le rapporteur Renaissance, sur le projet de loi.
24:37 -Calabris disait qu'il fallait qu'il y ait de la clarté.
24:40 -Soit on revient au texte initial, ce qui paraissait être dit,
24:45 dont je vous dis que, pour ce qui me concerne,
24:47 il est très insuffisant. -C'est non, déjà.
24:49 -Soit on est encore dans une sorte de compromis en même temps.
24:52 Il y a un certain nombre de principes qui ne sont pas divisibles.
24:55 Soit c'est un droit, soit ça n'en est pas un.
24:57 Et pour le contester, il y a les tribunaux pour ça.
25:02 J'entendais la Première ministre, pour rassurer je sais pas bien qui,
25:06 disait que ce sera quelques milliers de cas par an.
25:09 Il y a 7 000 régularisations par le travail chaque année.
25:12 Si c'est pour nous expliquer qu'en réalité, ça ne va rien changer,
25:15 sortons de cette hypocrisie.
25:17 Pour montrer l'absurdité dans laquelle on est,
25:20 et je crois que Calabris a donné de bons exemples,
25:22 vous avez parfois des mineurs non accompagnés
25:25 qui arrivent à 15 ans après un parcours migratoire
25:30 dont leur peau supporte les cicatrices.
25:33 Je l'ai vu de mes yeux, ça a été très dur.
25:36 Ils ont traversé la Méditerranée, ils sont s'en sortis,
25:39 il y en a beaucoup d'autres qui s'y sont noyés.
25:41 Et qui vont au lycée, qui vont au centre de formation des apprentis,
25:44 qui participent au concours de meilleurs apprentis de France,
25:47 qui ont un maître de stage qui veut les embaucher.
25:49 Et là, on ne peut pas les embaucher, on ne pourrait pas les embaucher.
25:53 - Alors Yann Boucar, c'est important d'avoir la réaction de la droite
25:56 à ce qui est proposé, à ce qui est dessiné à ce stade de la négociation,
26:01 parce qu'il y en a beaucoup en coulisses,
26:03 je crois que Gérald Darmanin va recevoir tous les députés de la majorité.
26:06 Est-ce que ce qu'a dit le rapporteur, vous êtes prêts à le voter ?
26:09 - Deux réactions à ce qu'a dit le rapporteur et à ce que vient de dire Boris Vallaud.
26:12 D'abord, sur ce qu'a dit le rapporteur, il montre exactement
26:14 pourquoi on s'est opposé à l'article 3, parce qu'il fait appel d'air,
26:16 il le dit lui-même, c'est un droit opposable,
26:18 c'est qu'à partir du moment où on remplira trois critères,
26:20 on va pouvoir aller devant le tribunal, ça sera automatique,
26:22 il le dit, c'est une réglementation automatique.
26:24 C'est pourquoi on s'est opposé à cet article 3.
26:26 - Et ce sur quoi il s'avance, c'est-à-dire légèrement encadrer les préfets
26:30 tout en leur laissant du pouvoir.
26:32 Ce serait possible, ça, de trouver un vote ou pas ?
26:34 - La régulation par les préfets, c'est ce qu'on appelle la circulaire valse.
26:37 - Donc c'est non.
26:38 - C'est un gouvernement que j'imagine, je ne suis pas député,
26:42 que vous auriez soutenu, qui a fait cette circulaire.
26:44 - Vous avez l'impression qu'elle est appliquée ?
26:46 On a des préfets tétanisés aujourd'hui.
26:48 Vous savez, quand vous êtes un étranger, vous ne pouvez pas obtenir
26:51 un rendez-vous dans une préfecture,
26:53 c'est nous qui les recevons, vous le savez bien, collègues.
26:55 C'est nous qui les recevons, c'est plus facile de rencontrer son député.
26:57 - Vous avez raison sur la question de l'apprenti qui est arrivé à MNA,
27:00 qui ensuite est apprenti, et que la situation n'est pas régularisée.
27:03 Vous avez raison là-dessus, et je veux dire que c'est favorable
27:05 à ce que lui puisse être régularisé, mais la question qu'on ne traite pas
27:07 et qu'on n'aborde jamais depuis le début, c'est ce qu'on fait
27:09 de tous ceux qui devraient être éloignés et expulsés,
27:11 qu'on n'arrive pas à éloigner et expulser.
27:13 - Alors ça, c'est tout le volet répressif dans le texte.
27:15 - Méchants avec les gentils, méchants avec les méchants.
27:17 - Mais là, c'est vrai que ce sont des points du texte
27:19 qui sont absolument cruciaux.
27:21 - C'est ce qu'on fait pour expulser ceux qui n'ont pas le droit d'être là.
27:23 Parce que la réalité, et la question que se posent les Français,
27:25 c'est ça aussi, parce que les Français, tous dans leur ensemble,
27:27 ils sont d'accord que le jeune homme qui fasse le grand prix
27:30 du meilleur apprenti de France, il puisse être régularisé.
27:32 Évidemment, tous les Français sont d'accord.
27:34 Mais la question, c'est qu'on n'arrive pas à éloigner
27:36 ceux qui n'ont rien à faire là.
27:38 - Il y a tout un volet sur les expulsions qui seront simplifiées,
27:40 je vous propose qu'on vous réinvite pour ce débat,
27:42 parce qu'on voulait aussi parler du deuxième thème,
27:44 l'aide médicale d'Etat.
27:46 Bruno Milienne, il faut absolument la rétablir ?
27:50 - Mais c'est une aberration, cette suppression,
27:53 d'abord c'est une épicresie totale, parce qu'on supprime l'AME,
27:56 mais on maintient l'AMU, l'aide médicale d'urgence.
27:59 - Limitée aux maladies graves et douleurs aigües.
28:03 - Vous imaginez si on n'avait pas eu l'AME ?
28:05 - Une économie sagesse du gouvernement.
28:07 - Vous imaginez si vous n'aviez pas eu l'AME
28:09 et que vous aviez eu la crise du Covid ?
28:11 Les gens se rendent compte ou pas ?
28:13 Il faut dire la vérité aux gens,
28:15 tous les immigrés dont parlait Boris,
28:17 qui ont eu des trajets pour arriver jusqu'en France,
28:19 qui sont épouvantables,
28:21 certains viennent avec des maladies infectieuses,
28:23 et il faut les soigner tout de suite,
28:25 pour éviter les risques de pandémie.
28:27 - C'est l'enjeu de l'AME.
28:29 - Monsieur Boucard, je ne vous ai pas interrompu,
28:31 donc laissez-moi terminer.
28:33 L'AME, son avantage, c'est qu'on sait la chiffrer.
28:35 - 1,2 milliard.
28:37 - Vous croyez que les médecins vont supprimer l'AME ?
28:39 Vous croyez pour autant que les médecins l'ont dit ?
28:41 Le ministre de la Santé l'a dit aussi.
28:43 - Serment d'Hippocrate.
28:45 - Vous croyez que les médecins vont arrêter de soigner les gens ?
28:47 Mais non. Tout ça va disparaître,
28:49 non pas dans les limbes, mais dans les budgets
28:51 des hôpitaux qui sont déjà exsangues,
28:53 et au final, de toute façon, c'est le citoyen qui paiera.
28:55 Donc arrêtons de faire croire aux gens
28:57 qu'en supprimant l'AME,
28:59 on va arrêter l'appel d'air.
29:01 - Vous ne réécrirez pas le serment d'Hippocrate
29:03 pour avoir les voix de LR, j'ai bien compris.
29:05 - Mais, attentivement, ceux qui viennent faire
29:07 "du tourisme médical" pour se soigner en France,
29:09 s'il y a vraiment une raison valable ou pas,
29:11 ça, c'est une chose.
29:13 - Donc ça, c'est le panier de soins
29:15 que vous voulez bien réduire.
29:17 - Oui, on peut regarder sur le panier de soins.
29:19 - On commence à transiger.
29:21 - Non, mais il y a peut-être des incohérences,
29:23 M. Vallaud. Moi, je ne comprends pas pourquoi
29:25 on donne le panier de soins qu'au bout de 3 mois, par exemple.
29:27 Et pourquoi le panier de soins complet est à 9 mois ?
29:29 - Allez, qui veut répondre ? Boris Vallaud.
29:31 - À mon sens, le panier de soins, il doit être donné
29:33 pour l'obligation de rester sur le territoire.
29:35 - C'est un serment d'hypocrate.
29:37 Les médecins, vous avez compris, s'y tiendront.
29:39 Il y a 3500 médecins qui ont signé une tribune
29:41 pour dire qu'ils désobéiraient et qu'ils continueraient
29:43 à soigner. Je vois aussi une sorte de serment d'hypocrite.
29:45 Je rappelle, la majorité gouvernementale
29:47 a soutenu au Sénat cette suppression.
29:49 - Mais je ne suis pas sénateur, ça ne vous aura pas échappé.
29:51 - Et le gouvernement que vous soutenez
29:53 a émis un avis de sagesse.
29:55 - Je ne suis pas tout le temps d'accord avec le gouvernement.
29:57 - Il faut expliquer, noter les spectateurs
29:59 qui connaissent bien la procédure parlementaire,
30:01 et qui ont émis un avis de sagesse.
30:03 On ne se mouille pas.
30:05 - On sait très bien quels sont les équilibres
30:07 politiques dans une assemblée.
30:09 On s'en remet à la majorité sénatoriale,
30:11 c'est-à-dire à la suppression.
30:13 - Monsieur Vallaud, excusez-moi,
30:15 il y a des textes qui sont beaucoup plus emblématiques.
30:17 - Bruno, sur l'AME, ne me dis pas le contraire.
30:19 - Sur l'AME, on est pour. On se tutoie toujours.
30:21 - On se tutoie en coulisses.
30:23 - En tout cas, Elisabeth Borne a dit
30:25 qu'elle reviendrait sur cette suppression
30:27 et a recadré Gérald Darmanin.
30:29 Est-ce que vous seriez prêt à accepter,
30:31 si vous obtenez autre chose,
30:33 les voix de LR sont essentielles, déterminantes
30:35 pour obtenir un vote,
30:37 à laisser revenir l'aide médicale d'Etat,
30:39 ou si on ne revient pas sur sa suppression,
30:41 vous ne votez pas le texte ?
30:43 - Il faut expliquer à noter les spectateurs
30:45 que supprimer l'AME, ça ne veut pas dire qu'il n'y a plus rien.
30:47 On parlait de maladies infectieuses,
30:49 c'est ce qui continuerait à être soigné
30:51 par l'AMU, parce que personne dans ce pays
30:53 veut qu'on laisse mourir des gens qui souffrent.
30:55 - Mais les médecins eux-mêmes vous disent
30:57 que c'est pas la bonne chose.
30:59 - Les médecins font de la médecine,
31:01 et moi, je ne veux jamais contredire un médecin
31:03 qui expliquait qu'il fallait faire telle ou telle chose.
31:05 Nous, nous sommes là pour faire la loi,
31:07 donc nous allons essayer, à partir du 4 décembre prochain,
31:09 de faire la loi très correctement.
31:11 Je pense qu'il y a quand même une dérive.
31:13 Je ne dis pas que tout est excessif dans l'AME,
31:15 je ne dis pas qu'il faut la supprimer complètement,
31:17 mais je pense qu'il y a une dérive.
31:19 On est passé de 140 000 bénéficiaires en 2008
31:21 à plus de 400 000 aujourd'hui,
31:23 c'est qu'il y a quand même un sujet sur cette question-là.
31:25 - C'est très facile, les gens sont de toute façon soignés.
31:27 - En tout cas, on voit qu'il y a...
31:29 Je ne sais pas comment appeler ça,
31:31 c'est pas une voie de passage, c'est un trou de souris
31:33 pour obtenir un vote sur ce texte,
31:35 c'est très mal emmanché.
31:37 Je voudrais poser une dernière question,
31:39 elle est politique, celle-là.
31:41 Si on va tout droit vers le 49-3,
31:43 il y aura une motion de censure, ça, vous essaierez de la déposer ?
31:45 - Moi, en tout cas, je voterai la motion de censure,
31:47 effectivement, je pense que sur ces sujets-là...
31:49 - Voilà. Si les LR réussissent à être suffisamment nombreux
31:51 pour déposer cette motion, les socialistes,
31:53 qu'est-ce qu'ils font ? Ils la votent ou pas ?
31:55 - Renverser le gouvernement.
31:57 - Ça, c'est pas faux.
31:59 - Donc, on rechigne pas,
32:01 mais je ne vais pas demander au gouvernement
32:03 de prendre les mesures
32:05 de monsieur Retailleau,
32:07 de monsieur Ciotti,
32:09 de monsieur Pradié, qui trouve que c'est une reculade...
32:11 - Donc, vous ne voterez pas à la censure ?
32:13 - Non. - C'est très clair.
32:15 Les socialistes, et vous êtes le président du groupe socialiste,
32:17 ne voteront pas à la censure, et donc,
32:19 le 49-3 peut être une solution pour faire passer cette réforme,
32:21 mais peut-être que je m'avance un peu.
32:23 - C'est une faute politique. - Rapidement.
32:25 C'est la fin de ce débat.
32:27 - Il y a des débats qu'on ne peut pas perdre
32:29 à l'Assemblée nationale, quand on est dans la majorité.
32:31 Il y a des débats qu'on peut perdre si on explique
32:33 la justesse des mesures qu'on a mises.
32:35 Si on trouve le parfait équilibre dans ce texte,
32:37 je veux bien être battu, parce que les Français
32:39 verront les hypocrisies d'un côté comme de l'autre.
32:41 - Merci. On s'arrête là. Le débat ne fait que commencer.
32:43 Je rappelle à nos téléspectateurs
32:45 qu'à partir du 11 décembre, il arrive dans l'hémicycle,
32:47 et vous pourrez le suivre en direct
32:49 en intégralité sur LCP.
32:51 Vous reviendrez, j'en suis sûre, d'ici là.
32:53 Vous restez avec moi, Béthina Reims.
32:55 Dans une dizaine de minutes,
32:57 les partis pris de nos affranchis.
32:59 Ce soir, on va recevoir Yanis Roder,
33:01 qui revient sur les résultats
33:03 des évaluations nationales, dévoilés
33:05 par le ministre Gabriel Attal.
33:07 Thomas Lestavelle nous parle des chiffres
33:09 tout chaud du chômage. Ils sont tombés ce matin
33:11 et ils repartent à la hausse.
33:13 C'est vous, Stéphanie Despierre, dans Bourbon Express.
33:15 Quel est le menu ? - La deuxième réunion
33:17 contre aux deux seins de mie entre Emmanuel Macron
33:19 et les partis politiques. - La politique de la chaise vide.
33:21 On verra ça tout à l'heure.
33:23 A tout à l'heure, les amis. Mais d'abord, on va parler,
33:25 Béthina Reims, avec vous, de ce prix
33:27 de la photo politique lancé cette année
33:29 à l'Assemblée avec LCP.
33:31 Vous en étiez la présidente d'honneur,
33:33 la vice-présidente d'honneur... - La vice-présidente.
33:35 - ...du jury. On va voir
33:37 les photos du palmarès. On va aussi revenir
33:39 sur votre carrière. Regardez, c'est dans l'invitation
33:41 de Léo Seux. Et on en parle longuement
33:43 juste après.
33:45 Si on vous invite,
33:47 Béthina Reims, c'est parce que vous allez
33:49 dans quelques minutes nous révéler
33:51 le palmarès 2023
33:53 du prix de la photographie politique,
33:55 un événement organisé avec
33:57 l'Assemblée nationale. Vous êtes la vice-présidente
33:59 d'honneur du jury.
34:01 Photographe, Béthina Reims, vous avez été
34:03 mannequin, journaliste et galeriste
34:05 dans une autre vie. Votre carrière,
34:07 derrière l'objectif, vous l'avez passé
34:09 à photographier les femmes et leurs corps.
34:11 Célèbre
34:13 comme anonyme,
34:15 vous aimez la provoque.
34:17 - Susciter des réactions,
34:21 oui. Est-ce que c'est pas ça, d'être
34:23 un artiste ? C'est...
34:25 se rebeller contre les idées
34:27 toutes faites et...
34:29 et faire bouger les lignes.
34:31 - Des strip-teaseuses de vos premiers clichés,
34:33 aux femmes détenues en 2014,
34:35 vous ne cessez de questionner la féminité.
34:37 Mais vous avez aussi photographié
34:39 des hommes politiques, notamment.
34:41 Parmi eux,
34:43 Jacques Chirac, dont vous êtes proche,
34:45 vous signez même son portrait officiel
34:47 en 1995, dans les Jardins
34:49 d'Elysée, une première.
34:51 Photographier le pouvoir,
34:53 vous connaissez, et votre avis compte.
34:55 Parmi les photos en lice
34:57 cette année, ce
34:59 moment de décontraction du ministre du
35:01 travail en pleine hémicycle.
35:03 Mais aussi, un regard.
35:05 Celui de ce jeune gendarme
35:07 lors d'une manifestation contre la réforme
35:09 des retraites. Ou encore,
35:11 ce cliché de Marine Le Pen de dos
35:13 devant un champ en flamme
35:15 au Sénégal. Alors, vous
35:17 qui avez la réponse, une question
35:19 nous brûle les lèvres. Qui
35:21 est le lauréat du prix de la photographie
35:23 politique cette année ?
35:25 - Voilà, roulement de tambour,
35:27 Béthy Narins, le gagnant est...
35:29 - Le gagnant est Ludovic Marin,
35:31 pour cette photo absolument magnifique
35:33 du président de la République,
35:35 devant le tableau de Rembrandt,
35:37 à Amsterdam.
35:39 On s'est tous,
35:41 d'abord, on s'est tous accordés, finalement,
35:43 au bout de plusieurs tours, enfin ça, c'est le jeu
35:45 d'un jury, mais on s'est
35:47 tous fait avoir par cette image.
35:49 - La voilà. - Parce qu'on a pensé
35:51 que la main qui se tendait
35:53 était celle du président Macron. - Oui, c'est une photo
35:55 absolument inouïe. - Mais ça n'est pas sa main.
35:57 C'est la main du conservateur
35:59 qui est dans le même axe,
36:01 et donc, il n'a pas
36:03 la même manche de costume
36:05 que le costume du président. Si vous regardez bien,
36:07 il y a deux silhouettes. - Absolument.
36:09 - Qui sont opposées. - Et les regards
36:11 sont complètement inversés, puisque ce sont
36:13 les drapiers qui regardent
36:15 Emmanuel Macron. Je vous propose
36:17 d'écouter Ludovic Marin,
36:19 le lauréat de ce prix lancé cette année,
36:21 grand photographe de l'AFP, habitué
36:23 à suivre les présidents, qui commente cette photo
36:25 prise à Amsterdam.
36:27 - On est en voyage officiel
36:29 aux Pays-Bas, et le président Macron,
36:31 avec sa femme, effectue une visite
36:33 d'Etat aux Pays-Bas.
36:35 Le premier ministre l'invite
36:37 à participer à un dîner
36:39 de travail à l'intérieur du Rijksmuseum.
36:41 Et...
36:43 En fait, en face de moi, il y a ce tableau
36:45 de Rembrandt, du syndic
36:47 de la Guilde des drapiers.
36:49 Donc, le président va regarder le tableau
36:51 de dos à nos coups.
36:53 Et tout d'un coup, le
36:55 conservateur lui montre le tableau
36:57 de droite. Et c'est à ce moment-là
36:59 que se... apparaît
37:01 le visage du président
37:03 avec ce bras qui n'est
37:05 pas le sien. Cette photo m'a...
37:07 m'a... intéressé,
37:09 parce que ces drapiers
37:11 qui regardent le visiteur,
37:13 d'habitude, regardent tout d'un coup
37:15 quelqu'un de connu
37:17 qui vient s'ajouter à leur champ
37:19 de vision. Je ne sais pas qui étaient
37:21 les gens que les drapiers regardaient
37:23 quand le peintre Rembrandt a peint ce tableau.
37:25 Mais là, en l'occurrence, c'est...
37:27 "Regardez qui vient nous rendre visite."
37:29 Ou "Regardez qui est là." Ou "Tiens, t'as vu,
37:31 c'est le président de la République française."
37:33 Et en fait, c'est ça qui m'a... qui m'a amusé
37:35 le regard, c'est de me dire que
37:37 j'allais faire vivre
37:39 avec ma photo, modestement,
37:41 une espèce de deuxième histoire
37:43 de ce regard des drapiers
37:45 de Rembrandt.
37:47 - Voilà. Incroyable photo.
37:49 C'est quoi une bonne photo politique
37:51 pour vous ? - Alors, une bonne photo
37:53 politique, c'est avant tout une bonne photo.
37:55 C'est une bonne photo
37:57 et c'est une bonne photo qui doit être vue
37:59 et comprise par tous.
38:01 Ça a été une espèce d'ambiguïté au début.
38:03 J'étais la seule non politique
38:05 dans ce jury.
38:07 Et ils s'arrêtaient parfois
38:09 sur des photos qui n'étaient pas vraiment
38:11 de bonnes photos, mais qu'ils...
38:13 qu'ils leur racontaient des histoires.
38:15 Parce qu'ils étaient là, parce que tel personnage
38:17 n'avait pas l'habitude
38:19 d'être dans cette position.
38:21 Et je leur disais "Mais attendez,
38:23 on ne cherche pas une anecdote
38:25 de l'Assemblée ou une anecdote
38:27 politique, on cherche une image."
38:29 Alors bien sûr, il faut que ce soit
38:31 lié à la politique d'une manière ou d'une autre.
38:33 - Mais c'est vrai que c'est un décor
38:35 assez austère, la politique,
38:37 toujours des costumes cravate ou des tailleurs
38:39 stricts, des foules,
38:41 des forêts de caméras.
38:43 Il y a des constances
38:45 dans le cadre et donc
38:47 l'instant pour décorseter ce monde.
38:49 - C'est l'instant. C'est d'ailleurs, c'est la
38:51 fameuse phrase de Cartier-Bresson
38:53 qu'on cite tout le temps dans tous les sens
38:55 et qu'on cite de travers,
38:57 mais c'est l'instant décisif.
38:59 Quand il choisit de prendre
39:01 sa photo, il y a une main en l'air
39:03 et ça veut dire quelque chose.
39:05 Ce qui est étonnant, c'est qu'on a récompensé
39:07 trois photos. - Justement.
39:09 - Et que deux sont de dos.
39:11 - Justement. Celle-là est de dos.
39:13 - Celle-là est de dos. - Celle de Ludovic Marin.
39:15 Une autre image qui détonne, c'est celle de
39:17 Sébastien Leban.
39:19 - Sébastien Leban. - Trispéciale du jury
39:21 que vous avez remis. - Absolument.
39:23 - Marin Le Pen, de dos,
39:25 une main dans la poche face à un champ en feu
39:27 au Sénégal. Qu'est-ce qu'elle raconte,
39:29 cette photo ? - Cette photo,
39:31 d'abord, elle est pas sans rappeler une espèce
39:33 d'image symbolique du
39:35 président Mao ou de quelque chose comme ça
39:37 dans cette posture.
39:39 Le monde est en feu.
39:41 Ça brûle devant elle.
39:43 Elle a l'air de...
39:45 Elle a l'air de demander aux gens de l'accompagner.
39:47 Je sais pas,
39:49 est-ce que c'est pour éteindre l'incendie ?
39:51 Est-ce que c'est pour l'allumer plus fort ?
39:53 L'anecdote veut que ce soit
39:55 elle qui ait mis le feu au champ
39:57 parce que chaque année, on enflamme
39:59 les champs pour qu'ils repoussent mieux.
40:01 Et donc, on lui a proposé, dans ce voyage,
40:03 j'ai oublié où c'était,
40:05 qu'elle allume elle-même le feu.
40:07 Donc, c'est une espèce de triple,
40:09 quadruple symbolique incroyable.
40:11 - Enfin, le prix des députés,
40:13 puis ensuite, je voudrais qu'on prenne le temps
40:15 de parler aussi de vos expositions, de votre travail.
40:17 Ça, c'est un autre jury.
40:19 Il a choisi de mettre à l'honneur une jeune femme
40:21 d'une vingtaine d'années.
40:23 Elle s'appelle Lily Chavance,
40:25 avec un visage très jeune, lui aussi,
40:27 un CRS,
40:29 au regard intense et déterminé,
40:31 on le voit, éclaboussée
40:33 par la peinture rouge
40:35 des opposants à la réforme... - Verte.
40:37 - ...des opposants à la réforme des retraites.
40:39 Là encore, c'est une histoire
40:41 de regard capturé.
40:43 - C'est une histoire de regard.
40:45 - C'est formidable, cette photo.
40:47 Elle a été faite par une jeune femme de 22 ans.
40:49 Pour prendre cette image,
40:51 ça veut dire qu'on est au premier rang
40:53 des opposants, des manifestants.
40:55 Elle est tout près, quand elle fait ça.
40:57 On l'a vu tout à l'heure, elle est toute menue.
40:59 C'est une jeune femme fragile
41:01 qui est là, devant cette foule de CRS.
41:03 Et...
41:05 Voilà, c'est un symbole magnifique,
41:07 et le regard de ce jeune garçon...
41:09 - Alors, vous n'êtes pas
41:11 une photographe du politique,
41:13 mais quand même, vous avez suivi
41:15 un ancien président dans ses derniers mois de campagne,
41:17 Jacques Chirac, qui va vous proposer,
41:19 en 1995, ce portrait.
41:21 Vous l'avez raconté, mais j'aimerais raconter
41:23 l'anecdote de Jacques Pilan.
41:25 Vous choisissez une photo,
41:27 vous arrivez avec une planche contact,
41:29 vous le mettez dans le jardin de l'Elysée,
41:31 et qu'est-ce qui se passe ? - C'est un peu plus long que ça.
41:33 - Allez-y. - Donc, j'ai passé
41:35 quatre jours entre les deux tours
41:37 à le photographier. Je ne l'ai pas quitté.
41:39 C'était le nom du jeu.
41:41 Il ne me faisait jamais sortir.
41:43 Donc, pendant quatre jours, je l'ai suivi,
41:45 je les ai suivis, j'ai suivi la famille,
41:47 j'ai déjeuné avec eux, j'ai dîné avec eux.
41:49 Et ensuite,
41:51 ils ont enlevé un certain nombre d'images,
41:53 mais c'était leur droit.
41:55 Ensuite, je rentre chez moi, le dimanche soir,
41:57 il est élu président de la République,
41:59 et là, quelqu'un me dit,
42:01 "Tu sais, il va peut-être te demander
42:03 "de faire sa photo officielle."
42:05 Et puis, le mardi matin, Jacques Pilan m'appelle.
42:07 Il me dit, "Est-ce que vous pouvez venir tout de suite ?"
42:09 Donc, je lâche ce que je suis en train de faire.
42:11 Je pars à l'Elysée,
42:13 j'arrive le même jour
42:15 que les Chirac, qui découvrent les lieux.
42:17 Et je fais le tour.
42:19 Jacques Pilan, qui connaît bien l'endroit,
42:21 il était avec Mitterrand tout ce temps,
42:23 me fait une espèce de visite
42:25 de tout.
42:27 Je vois que tout est très doré.
42:29 Chaque lieu me rappelle
42:31 une photo officielle.
42:33 Il y a la bibliothèque, c'est déjà fait.
42:35 - Et donc, vous le sortez.
42:37 - On va le mettre dans les jardins.
42:39 Parce que j'avais cette image de...
42:41 Je sais pas, pour moi,
42:43 Chirac, c'était un espèce d'homme des grandes plaines,
42:45 comme ça, il me faisait penser.
42:47 Il avait un côté Far West.
42:49 Et donc...
42:51 Et donc, Chirac trouve
42:53 que c'est une très bonne idée.
42:55 Pilan aussi.
42:57 La photo se fait
42:59 en très peu de temps.
43:01 Il est là depuis 48 heures,
43:03 il a autre chose à faire que de poser
43:05 une photographe ou une photographe.
43:07 Et donc, le lendemain, je reviens
43:09 avec mes planches contact.
43:11 Et sur les planches contact, à l'époque,
43:13 on est en argentique, donc on vient
43:15 avec des contacts, je crois qu'il y en a neuf,
43:17 différents, et j'ai mis des croix.
43:19 Mon système, c'est mes trois croix
43:21 dans la photo que j'aime,
43:23 et j'appelle Pilan à la petite loupe
43:25 que je lui apporte et il regarde.
43:27 Et sur une image qui doit être le numéro 7,
43:29 il regarde, c'est mes trois croix,
43:31 et il me dit "Oui, non, on va prendre
43:33 "le numéro 8."
43:35 Je lui dis "C'est juste pour me contrarier."
43:37 Il me dit "Non, regardez."
43:39 Et en fait, en regardant les deux,
43:41 il y a sur le numéro 8
43:43 une légère inflexion du menton
43:45 qui se lève un tout petit peu.
43:47 Une est un très joli,
43:49 un très beau portrait d'un homme,
43:51 c'est beau, et l'autre...
43:53 -Un chef d'Etat.
43:55 -L'autre est un chef d'Etat. -J'adore cette histoire.
43:57 Alors, on vous connaît pour votre travail
43:59 sur le corps des femmes, on va quand même en parler.
44:01 Vous les montrez souvent
44:03 dans une image hyper sexualisée,
44:05 ultra féminine,
44:07 et forte aussi,
44:09 rarement dominée,
44:11 que ce soit d'ailleurs les strip-teaseuses
44:13 des débuts
44:15 de vos premiers shootings,
44:17 ou les actrices, beaucoup d'actrices,
44:19 sous votre oeil,
44:21 qu'elles soient fatales ou fragiles,
44:23 dans les fameuses chambres d'hôtels,
44:25 l'obsession de Bettina Reims,
44:27 c'est quoi ? C'est pas des portraits.
44:29 C'est un jeu que vous jouez
44:31 entre vous et le modèle ?
44:33 -D'abord, c'est un jeu,
44:35 parce que les modèles sont enchantés,
44:37 enfin, d'aller poser
44:39 pour une femme. Il faut vous dire
44:41 que quand j'ai commencé, on était cinq
44:43 sur la planète,
44:45 à gagner notre vie en tant que photographe.
44:47 Aujourd'hui, les choses ont beaucoup changé,
44:49 et tant mieux, c'est formidable,
44:51 mais on était des pionnières.
44:53 Donc, les femmes arrivaient
44:55 stupéfaites de voir
44:57 que c'était une femme derrière l'objectif,
44:59 et elles me donnaient
45:01 sans risque,
45:03 sans peur,
45:05 ce qu'elles pouvaient refuser à des hommes,
45:07 parce que le jeu devenait dangereux.
45:09 Avec moi, il n'y a jamais eu de danger.
45:11 Et donc, il y a eu une espèce
45:13 d'énorme complicité pendant 40 ans
45:15 avec toutes ces femmes, des femmes célèbres,
45:17 des femmes anonymes,
45:19 jusqu'aux détenues que j'ai photographiées,
45:21 qui était ma dernière série,
45:23 grande série,
45:25 où j'ai passé un an en prison
45:27 à photographier des femmes condamnées
45:29 pour des longues peines,
45:31 et qui, à moi, m'ont tout révélée,
45:33 des choses qu'elles n'avaient jamais dites,
45:35 même à leurs compagnes de cellules.
45:37 -Vous êtes une pionnière, c'est vrai,
45:41 femme photographe, c'est vrai,
45:43 et vous avez travaillé sur des questions
45:45 qui sont absolument partout aujourd'hui
45:47 dans le débat public. Je pense à la question du genre.
45:49 Pour vous, c'est une vieille question.
45:51 Parlez-nous de Kim Arlow,
45:53 c'est cette icône des années,
45:55 qu'on voit à l'antenne, 80...
45:57 -C'est le tout début...
45:59 Non, c'est le milieu,
46:01 la deuxième moitié des années, 81, 86, 88.
46:03 -Qui est une femme trans.
46:05 -Et je rencontre,
46:07 pour la première fois,
46:09 une personne trans.
46:11 Et je ne comprends pas,
46:13 quand elle vient me voir,
46:15 je suis en train de faire un casting,
46:17 je cherche des androgynes,
46:19 elle arrive sur des hauts talons,
46:21 avec des cuissards,
46:23 elle a un manteau de vison,
46:25 elle ressemble plus
46:27 dans l'imaginaire à Rita E. West
46:29 que à une jeune androgyne,
46:31 et donc je comprends,
46:33 au fil de son silence,
46:35 et puis quand elle se met à parler
46:37 avec cette voix un peu grave,
46:39 je comprends que c'est pas une femme.
46:41 Et je découvre ce que c'est
46:43 que la transidentité.
46:45 -Et d'ailleurs,
46:47 vous rentrez dans un lien de confiance,
46:49 et il y a une fameuse photo, d'ailleurs,
46:51 exposée à Lille,
46:53 dans cet institut de la photographie,
46:55 où vous lui demandez de redevenir le garçon.
46:57 -Je lui ai demandé pendant des années...
46:59 -Quelle demande, Bétina Reims ?
47:01 -Je lui ai demandé de me montrer
47:03 la photo de son permis de conduire,
47:05 qu'elle a toujours refusé de me montrer,
47:07 qu'il n'a jamais voulu se montrer à moi
47:09 comme Alexandre.
47:11 Et donc un jour, elle m'a dit "je suis prête",
47:13 et on s'est enfermés,
47:15 et on a fait cette déconstruction,
47:17 et on a réussi, d'ailleurs,
47:19 parce que si on regarde la photo d'elle en homme...
47:21 -Malheureusement, on ne l'a pas.
47:23 -En fait, c'est une femme déguisée en homme.
47:25 Elle n'a jamais pu redevenir
47:27 ce qu'elle ne voulait plus être.
47:29 -Merci, Bétina Reims.
47:31 Je renvoie à cette exposition
47:33 à l'institut de la photographie,
47:35 en ce moment, à Lille, et pour les photos primées.
47:37 -Et puis un petit livre très joli
47:39 qu'ont fait les éditions d'Elpire,
47:41 sur Kim,
47:43 et les récits autour de la vie de Kim.
47:45 -C'est dit. Et puis pour les photos primées,
47:47 pour la photo politique,
47:49 ce nouveau prix lancé à l'Assemblée,
47:51 elles sont dans la salle des Pas Perdus,
47:53 au Palais Bourbon, donc venez les voir,
47:55 venez visiter l'Assemblée nationale.
47:57 Vous restez avec moi, c'est l'heure des partis pris,
47:59 nos affranchis qu'on accueille tout de suite.
48:01 Et on termine cette émission,
48:03 comme chaque soir, avec
48:05 nos partis pris ce soir.
48:07 Yanis Roder, de la fondation Jean Jaurès,
48:09 professeur d'histoire en Seine-Saint-Denis,
48:11 et Thomas Lestavelle, pour l'économie.
48:13 Bienvenue les amis, installez-vous.
48:15 On commence par Bourbon Express,
48:17 une histoire politique, aujourd'hui.
48:19 Politique avec Stéphanie Despierre,
48:21 c'est l'histoire du jour,
48:23 une histoire de chaises vides.
48:25 -Oui, celles qui seront autour de la table des rencontres
48:27 de Saint-Denis, comme en août, Emmanuel Macron
48:29 invite tous les partis politiques
48:31 à venir discuter de l'avenir du pays.
48:33 La deuxième session est prévue vendredi,
48:35 et plus ça va et moins il y a du monde.
48:37 Trois chefs de partis, qui sont aussi députés,
48:39 ont déjà décliné l'invitation.
48:41 Sans surprise, l'insoumis Emmanuel Bompard,
48:43 mais aussi le socialiste Olivier Faure,
48:45 et, à la surprise générale,
48:47 le patron des Républicains,
48:49 Éric Ciotti.
48:51 Pourquoi ? Parce qu'Emmanuel Macron n'était pas
48:53 à la marche contre l'antisémitisme dimanche.
48:55 L'explication est un peu alambiquée.
48:57 Dans sa lettre au président de la République,
48:59 Éric Ciotti explique "je ne peux comprendre
49:01 que vous n'adhériez pas
49:03 à une démarche d'unité républicaine
49:05 pour combattre l'antisémitisme
49:07 et que vous portiez un pseudo-message
49:09 d'unité à Saint-Denis.
49:11 Cela me paraît contradictoire."
49:13 Alors, en fait, Myriam,
49:15 cette réunion est surtout une victime collatérale
49:17 du débat sur l'immigration dont vous venez de parler.
49:19 Après le vote par le Sénat
49:21 et avant l'arrivée de la loi à l'Assemblée,
49:23 les Républicains veulent afficher
49:25 leur différence avec Emmanuel Macron.
49:27 -Il n'y aura pas beaucoup de monde à cette réunion,
49:29 ces rencontres de Saint-Denis face au président.
49:31 Comment réagit l'Elysée ?
49:33 -Le président de la République lui-même vient de réagir
49:35 alors qu'il est en visite en Suisse,
49:37 et c'est assez cinglant.
49:39 Emmanuel Macron juge indigne l'attitude de ses opposants.
49:41 Il estime qu'ils commettent une faute politique majeure.
49:43 Alors, avec trois chaises vides
49:45 et surtout celle de la droite,
49:47 la présence du Rassemblement national
49:49 sera d'autant plus visible.
49:51 -Il n'y aura ni le Parti socialiste,
49:53 ni la France insoumise, ni les Républicains.
49:55 Est-ce que le président Macron prend pas un peu le risque
49:57 de se retrouver presque en tête à tête
49:59 avec le Rassemblement national ?
50:01 -Le président de la République est invité de tout le monde.
50:03 Il ne va pas aujourd'hui,
50:05 si certains refusent de s'y rendre,
50:07 annuler ces rencontres.
50:09 Ça n'aurait pas de sens.
50:11 Il y a néanmoins des partis politiques de l'opposition
50:13 qui ont décidé de venir.
50:15 C'est pas un tête-à-tête avec le RN.
50:17 Les écologistes y seront, ils l'ont annoncé.
50:19 Pour moi, les absents, toujours tort.
50:21 -On parle des absents, les présents.
50:23 Alors, évidemment, les trois partis
50:25 de l'alliance présidentielle,
50:27 mais aussi les centristes de l'UDI,
50:29 et puis, on l'a dit, le RN,
50:31 et pour la gauche, les écologistes et les communistes.
50:33 Alors, quelle est l'utilité de ces rencontres ?
50:35 Eh bien, on a demandé aux députés de l'opposition
50:37 ce qu'ils en pensaient.
50:39 -A quoi ça sert, ces rencontres de Saint-Denis ?
50:41 -Demander au président de la République ?
50:43 -Vous n'avez pas compris ?
50:45 -Aujourd'hui, on est un peu circonspect.
50:47 -Je n'en sais rien, puisqu'il n'y a pas grand monde
50:49 qui va s'y rendre.
50:51 Je pense que c'est plutôt un rendez-vous raté, loupé.
50:53 -A faire croire que le président de la République
50:55 a encore une capacité de rassemblement,
50:57 qui n'a absolument pas.
50:59 D'ailleurs, la première réunion,
51:01 elle a débouché sur quoi ?
51:03 Sur le vide.
51:05 -Vu les défections,
51:07 cette seconde réunion pourrait bien être la dernière.
51:09 -La dernière. On suivra ça.
51:11 On verra ce qui peut en sortir, malgré tout.
51:13 Thomas Lestavelle, on a envie de vous entendre,
51:15 parce que ça y est, le chômage repart à la hausse.
51:17 Les chiffres ne sont pas bons.
51:19 Ils ont été publiés ce matin.
51:21 -Effectivement. Ca fait deux trimestres,
51:23 que le taux de chômage augmente.
51:25 Il est passé, cette année, de 7,1 à 7,4 %
51:27 de la population active.
51:29 Il est passé de 8 % en 2025.
51:31 Nous sortons probablement d'une époque "bénie",
51:33 puisque depuis 2015,
51:35 le taux de chômage n'avait fait que baisser.
51:37 Cette dynamique semble enrayée.
51:39 -Le gouvernement s'est empruncé de relativiser.
51:41 -Tout à fait. L'exécutif rejette la faute
51:43 sur la conjoncture internationale.
51:45 Honnêtement, il a raison.
51:47 Le ralentissement économique n'est pas propre à la France.
51:49 La Commission a revu à la baisse sa prévision
51:51 de croissance pour la zone euro.
51:53 Si on regarde chez le voisin allemand,
51:55 le chômage augmente aussi.
51:57 Ce principal coupable s'appelle l'inflation.
51:59 Quand les produits coûtent plus cher,
52:01 les ménages renoncent à acheter.
52:03 Cela ralentit l'activité des entreprises,
52:05 qui donc recrutent moins.
52:07 Les banques centrales, pour réagir
52:09 à cette inflation et tenter de la freiner,
52:11 ont augmenté les taux d'intérêt
52:13 à des niveaux inédits depuis plus de 10 ans.
52:15 Les entreprises, et notamment les PME,
52:17 ont beaucoup plus de mal à financer
52:19 leurs investissements ou leurs projets.
52:21 En France s'y ajoute la fin des prêts garantis
52:23 par l'Etat, les fameux PSGE,
52:25 qui complique encore un peu plus
52:27 la situation des chefs d'entreprise,
52:29 avec moins d'embauches à la clé.
52:31 - C'est un coup dur pour Emmanuel Macron,
52:33 qui avait promis le plein d'emplois d'ici 2022.
52:35 - C'était un des bilans pour lesquels
52:37 le président pouvait se flatter d'un succès.
52:39 C'était sur le front du chômage.
52:41 Depuis le premier quinquennat,
52:43 il a mis en place une série de mesures
52:45 pour stimuler l'emploi,
52:47 qui au moins dans les chiffres ont fonctionné.
52:49 Le plafonnement des indemnités de licenciement
52:51 pour que les entreprises aient moins peur d'embaucher.
52:53 - Le chômage dégressif, développer l'apprentissage,
52:55 et puis favoriser les reconversions
52:57 grâce à la formation et au CPF,
52:59 monconformation.
53:01 Le gouvernement entend d'ailleurs poursuivre
53:03 cette dynamique, il va réformer Pôle emploi,
53:05 on sait que ça va devenir France Travail,
53:07 mais il est aussi paradoxalement victime
53:09 de ses propres réformes.
53:11 Je pense aux retraites, puisque le passage
53:13 de 62 à 64 ans va mécaniquement
53:15 augmenter le taux de chômage, on l'estime à environ 0,3%,
53:17 parce qu'il est évidemment beaucoup plus difficile
53:19 de trouver un job quand on est 62.
53:21 - Un tout petit mot pour conclure, le paradoxe,
53:23 c'est aussi qu'on peine à recruter,
53:25 on en a parlé dans notre débat.
53:27 - On en a parlé tout à l'heure, les exemples ne manquent pas,
53:29 on manque de cuisiniers, d'ouvriers,
53:31 de charpentiers, d'ambulanciers,
53:33 d'aides-soignants, de développeurs informatiques,
53:35 et j'en passe. Il y a deux solutions à ça,
53:37 soit on forme les Français au nouveau métier,
53:39 soit on fait appel à l'immigration.
53:41 La première mesure, ça coûte cher et ça prend du temps,
53:43 et la seconde n'a pas la cote en ce moment,
53:45 vu les scores de l'extrême droite,
53:47 donc le plein emploi, c'est pas pour demain.
53:49 - Merci beaucoup, Thomas. Yanis,
53:51 vous vouliez revenir sur le coup de gueule
53:53 du ministre de l'Education, Gabriel Attal,
53:55 dont le Parisien s'était hier,
53:57 qui juge inquiétant le niveau des élèves
53:59 de quatrième. - Et pour cause,
54:01 Myriam, le niveau des élèves français
54:03 de quatrième stagne,
54:05 voire régresse en mathématiques et en français,
54:07 et le collège ne parvient pas à réduire
54:09 les écarts qui existent entre les élèves
54:11 à l'entrée en sixième. - Donc c'est le collège
54:13 le problème principal ? - Il semblerait,
54:15 Myriam, que le collège ne fasse pas progresser
54:17 nos chères têtes blondes.
54:19 Un peu plus de la moitié d'entre elles
54:21 ne parvient pas à lire convenablement
54:23 un texte, et la même proportion
54:25 ne maîtrise pas le problème
54:27 et la géométrie.
54:29 C'est quand même conséquent. Pour ce qui est
54:31 de la maîtrise de la langue, j'avais souligné en 2008
54:33 dans un livre largement ignoré,
54:35 sauf par ma mère et ma sœur, que mes élèves
54:37 souffraient d'un manque criant de vocabulaire,
54:39 comprenant avec difficulté
54:41 non seulement les textes,
54:43 mais également les profs. A partir de là,
54:45 les concepts et l'abstraction
54:47 leur sont difficiles, voire pour certains
54:49 impossibles d'accès.
54:51 Jean-Michel Blanquer avait bien saisi l'enjeu
54:53 en dédoublant les petites classes en REP et en REP+
54:55 vous savez, en réseau d'éducation prioritaire,
54:57 et en lançant un grand plan de formation
54:59 des enseignants en français et en mathématiques.
55:01 - Et ça, ça marche ? Ça fonctionne bien ?
55:03 - Cela semble fonctionner, puisque Gabriel Attal
55:05 indique que les évaluations de sixième
55:07 sont meilleures maintenant qu'arrivent les premières
55:09 cohortes d'élèves ayant profité
55:11 de ce dispositif. Mais si arrivé au collège,
55:13 ils ne progressent plus, il va falloir trouver
55:15 d'autres solutions. Certaines sont avancées par le ministre,
55:17 création de groupes de niveaux
55:19 en français et en mathématiques, avec des effectifs
55:21 réduits pour les élèves en difficulté,
55:23 mais aussi augmentation des horaires dans ces
55:25 matières, pour certains.
55:27 - Et avec quelle chance de résultat ?
55:29 - Pour certains, sans doute, ça fonctionnera.
55:31 Mais pour d'autres, à mon sens,
55:33 il ne suffira pas de les faire davantage travailler
55:35 pour progresser, parce qu'il y a d'autres
55:37 obstacles.
55:39 Une ambiance agitée en classe peut gêner
55:41 certains.
55:43 L'incapacité des élèves à rester concentrés,
55:45 les spécialistes de Google,
55:47 ont montré qu'un enfant fortement soumis
55:49 aux écrans a une capacité de
55:51 concentration de 9 secondes.
55:53 D'autre part, les élèves ont besoin
55:55 d'enseignants bien formés et pédagogues.
55:57 Or, on manque de profs de français
55:59 et on manque de profs de math.
56:01 Enfin, les élèves les plus en difficulté souffrent parfois
56:03 de troubles de l'apprentissage.
56:05 D'apprentissages qui n'ont pas été détectés,
56:07 troubles qui n'ont pas été détectés en amont,
56:09 par manque de psychologues et d'orthophonistes
56:11 qui pourraient apporter leur aide.
56:13 C'est d'autant plus vrai dans les espaces de rélégation sociale
56:15 où les familles n'ont pas toujours accès
56:17 ni aux structures ni aux spécialistes.
56:19 Or, la maîtrise des savoirs fondamentaux
56:21 et en premier lieu de la langue est fondamentale
56:23 non seulement pour comprendre le monde dans lequel on vit
56:25 mais également pour l'insertion sociale
56:27 et l'insertion citoyenne de chacun.
56:29 Comme dit Fabrice Lucchini,
56:31 la langue française, c'est ce qui nous fonde
56:33 et nous soude. L'enjeu est aussi là.
56:35 - Merci. Merci beaucoup.
56:37 Je crois que vous serez forcément d'accord.
56:39 Cette langue française qui nous soude...
56:41 - Absolument. Je suis ça avec beaucoup d'intérêt
56:43 et beaucoup d'inquiétude.
56:45 J'ai un petit-fils de 9 ans
56:47 et je trouve qu'il ne lit pas.
56:49 Il ne lit pas.
56:51 Il est sur son enfant toute la journée.
56:53 - Vous n'êtes pas la seule, je peux vous dire.
56:55 - Et ça me désole.
56:57 - Merci beaucoup. Merci, Béthy Narins,
56:59 d'être venu sur le plateau de LCP.
57:01 Merci les Affranchis.
57:03 On va revoir peut-être pour terminer
57:05 le tableau politique Ludovic Marain
57:07 quand les drapiers du syndicat d'Amsterdam
57:09 regardent le président
57:11 et que les regards s'inversent
57:13 entre le tableau et celui
57:15 du chef de l'Etat.
57:17 Tout simplement, bravo à lui.
57:19 Venez à l'Assemblée voir toutes ses photographies.
57:21 Allez à Lille regarder
57:23 celle de Béthy Narins.
57:25 Très belle soirée sur LCP.
57:27 Et à demain.
57:29 ...

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