Une voix forte de la diplomatie française auditionnée à l'Assemblée nationale. Gérard Araud est entendu par la commission des Affaires étrangères sur la situation en Israël et dans les territoires palestiniens. Il a été ambassadeur de France en Israël de 2003 à 2006, et aux États-Unis de juillet 2014 à avril 2019, après avoir été représentant permanent de la France auprès des Nations unies à New York. Plus de 1.400 personnes, dont plus de 1.100 civils, ont été tuées par le Hamas depuis le 7 octobre côté israélien, essentiellement des civils, et au moins 240 personnes ont été prises en otage, selon les autorités israéliennes. Une audition à voir ou revoir sur LCP Assemblée nationale.
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00:00:00 -Chers collègues, nous avons le plaisir et le privilège,
00:00:03 je dirais, il ne faut pas dire ça, le privilège.
00:00:05 M. Balladur s'était fait charrier
00:00:08 quand il était rentré à l'Assemblée nationale
00:00:10 comme Premier ministre.
00:00:12 J'ai le privilège de parler privilège.
00:00:14 J'ai le privilège d'accueillir parmi nous, ce matin,
00:00:18 M. Gérard Harraud, que nous connaissons tous,
00:00:21 mais avec lequel nous allons avoir un grand bonheur de discussion.
00:00:26 M. Harraud, comme vous le savez,
00:00:29 est ambassadeur de France
00:00:30 et il a, dans sa corbeille,
00:00:34 un héritage extraordinaire,
00:00:38 puisqu'il a été particulièrement précieux
00:00:41 dans les affaires qui nous occupent aujourd'hui,
00:00:44 puisqu'il a été successivement ambassadeur en Israël,
00:00:50 ambassadeur à l'ONU
00:00:54 et ambassadeur aux Etats-Unis.
00:00:57 Donc ça fait quand même quelque chose de très complet
00:01:02 pour saisir cet inextricable dossier
00:01:05 par tous les bouts à la fois.
00:01:08 Alors, M. l'ambassadeur,
00:01:10 je vous souhaite évidemment la bienvenue.
00:01:13 Vous avez été en poste à Tel Aviv
00:01:17 comme Premier secrétaire, d'abord, de 82 à 84,
00:01:21 puis comme ambassadeur de 2003 à 2006.
00:01:24 Donc vous avez vu se construire
00:01:27 cette nouvelle organisation politique
00:01:32 de l'Etat d'Israël
00:01:33 et c'est quelque chose de très précieux.
00:01:37 Vous avez suivi les questions du Moyen-Orient au CEP.
00:01:41 Vous avez de 84 à 87.
00:01:45 Tout ça est formidable.
00:01:47 Et vous...
00:01:51 Parlons d'abord d'Israël, un mot sur Israël.
00:01:55 Je crois que l'une des raisons
00:01:57 pour lesquelles nous sommes particulièrement heureux
00:01:59 de vous entendre,
00:02:01 c'est précisément la compréhension
00:02:03 de la dynamique interne à l'Etat hébreu.
00:02:07 Qu'est-ce qui s'est passé ?
00:02:10 Comment analysez-vous les modifications
00:02:13 qui nous semblent structurelles
00:02:15 apportées sous l'autorité, notamment,
00:02:18 du Premier ministre d'Israël actuel
00:02:20 par rapport à des positions
00:02:22 à lesquelles nous n'étions pas fondamentalement d'accord,
00:02:26 mais qui étaient très sensiblement différentes
00:02:28 et dont l'image emblématique
00:02:32 a été fournie par Isaac Rabin ?
00:02:35 Mais donc, comment en est-on arrivé là, en Israël ?
00:02:40 Comment en est-on arrivé à ce type d'appréhension,
00:02:43 à cette modification du rapport d'Israël à son entourage ?
00:02:49 Nous nous sommes convaincus
00:02:50 que le 7 octobre n'est pas né de rien.
00:02:53 Il est né, il est la conséquence de beaucoup de choses,
00:02:56 mais notamment des évolutions intérieures
00:03:00 de l'Etat israélien.
00:03:01 Et ça, c'est quelque chose de très précieux pour nous,
00:03:04 et vous avez certainement, compte tenu
00:03:06 de ce que je viens d'évoquer,
00:03:09 des choses tout à fait...
00:03:11 un témoignage tout à fait particulier à nous donner.
00:03:13 Vous avez été ensuite ambassadeur aux Nations unies,
00:03:18 représentant...
00:03:19 Ça sonne du jour au mauvais moment, ce truc-là.
00:03:22 C'est absolument classique.
00:03:24 Ne vous inquiétez pas, ça m'arrive tout le temps.
00:03:27 Et là encore, quand on voit la façon
00:03:30 dont s'organise ou se désorganise,
00:03:33 je ne sais pas si...
00:03:34 J'ai toujours présent à l'esprit la formule du général de Gaulle,
00:03:38 l'organisation des Nations unies,
00:03:40 ou plutôt l'organisation des Nations désunies,
00:03:43 ou mieux encore, la désorganisation des Nations désunies.
00:03:47 Je ne sais pas où on en est sur ces trois stades,
00:03:50 mais en tout cas, l'éclairage que vous avez
00:03:54 sur le fonctionnement du Conseil des Sécurités,
00:03:58 sur le fonctionnement de l'Assemblée générale des Nations unies,
00:04:02 nous sera également extrêmement précieux,
00:04:05 parce que la communauté internationale,
00:04:07 même si elle n'est pas une communauté internationale,
00:04:10 elle est plus internationale que communautaire, si j'ose dire,
00:04:13 elle se matérialise, elle se concrétise
00:04:16 dans les travaux de New York,
00:04:17 et là, certainement,
00:04:20 vous êtes particulièrement qualifiés pour nous éclairer.
00:04:23 Enfin, vous avez été ambassadeur aux Etats-Unis,
00:04:26 et là encore, l'évolution américaine
00:04:31 est quelque chose de très difficile à saisir.
00:04:34 Nous sommes évidemment très satisfaits
00:04:38 du cours que M. Biden a donné
00:04:41 à sa politique depuis qu'il a été élu
00:04:44 par rapport à celle du président Trump,
00:04:46 ce qui ne veut pas dire que nous soyons satisfaits
00:04:49 de toutes les décisions prises par l'administration américaine,
00:04:52 notamment en matière économique et sociale.
00:04:54 Nous voyons bien à quel point la concurrence est vive
00:04:58 avec l'Union européenne,
00:04:59 et à quel point l'Union européenne paraît en situation difficile
00:05:02 pour équilibrer,
00:05:06 pour faire face à cette nouvelle concurrence
00:05:08 qui est représentée par le plan américain,
00:05:12 mais sur le plan international,
00:05:15 nous sommes quand même très sensibles
00:05:17 à ce que fait M. Biden
00:05:19 pour apporter de la modération dans ce conflit,
00:05:23 mais en même temps, nous voyons bien
00:05:25 que la France a du mal
00:05:27 à se distinguer très clairement
00:05:32 et de façon cohérente
00:05:35 et continue
00:05:37 à se distinguer de ce qu'est la politique américaine aujourd'hui.
00:05:41 Donc là, derrière cette responsabilité que vous avez eue,
00:05:46 il y a tout le regard que vous pouvez porter
00:05:49 à la fois sur la politique américaine
00:05:52 et par contraste
00:05:55 sur la politique européenne
00:05:58 ou, si j'ose dire, sur l'absence de politique européenne,
00:06:02 parce que, voyez-vous, cher ami, vous me connaissez,
00:06:05 je suis un Européen convaincu,
00:06:07 mais j'ai l'habitude de dire que je ne suis pas pour autant
00:06:10 un Européen heureux.
00:06:12 Et donc, je mesure chaque jour
00:06:15 les insuffisances de notre politique.
00:06:18 Alors voilà, il y a ce que nous attendons de vous.
00:06:22 C'est, d'une part, l'éclairage sur ce qui s'est produit
00:06:26 et sur la représentation
00:06:29 que les Israéliens,
00:06:31 le gouvernement et l'opinion publique,
00:06:33 peuvent se faire de leur avenir.
00:06:35 Ce que nous attendons de vous
00:06:39 sur l'examen précis de la situation...
00:06:42 En tout cas, ce que j'attends,
00:06:44 ce qui me choque beaucoup actuellement,
00:06:47 c'est l'incompréhension
00:06:49 de la position structurelle
00:06:52 de l'Etat israélien.
00:06:54 Je veux dire, on discute de la trêve,
00:06:56 on discute du cessez-le-feu,
00:06:59 on discute de choses,
00:07:00 mais ce qui surplombe cette discussion,
00:07:04 c'est l'extrême difficulté que nous avons
00:07:07 à percevoir le concept géostratégique,
00:07:10 et donc géopolitique,
00:07:12 qui est celui du gouvernement israélien
00:07:16 quand il mène la politique.
00:07:17 La guerre, c'est la continuation de la politique
00:07:21 par d'autres moyens.
00:07:23 Nous voyons bien la mobilisation de forces militaires importantes,
00:07:26 nous voyons bien les dommages qui sont causés ici et là,
00:07:30 et surtout, enfin, terribles,
00:07:32 dans la bande de Gaza,
00:07:34 mais nous avons énormément de mal,
00:07:37 si tenté qu'elle existe,
00:07:39 à percevoir quelle est la vision finale
00:07:42 que l'Etat israélien donne à ce conflit.
00:07:46 Comment veut-il organiser structurellement
00:07:50 ses relations avec son environnement ?
00:07:52 Nous, nous avons toujours été porteurs,
00:07:54 nous autres, Européens,
00:07:56 d'une vision sommairement résumée
00:07:59 dans deux Etats,
00:08:00 mais au-delà de ça, nous avons toujours été porteurs
00:08:03 d'une vision disant qu'il fallait une relation d'apaisement,
00:08:08 une relation de compréhension réciproque,
00:08:10 une relation dans laquelle les inspirations légitimes
00:08:13 du peuple palestinien soient prises en compte
00:08:16 si on voulait qu'Israël vive durablement
00:08:18 en sécurité et en sérénité.
00:08:20 Là, nous sommes évidemment
00:08:23 totalement à l'opposé de tout cela
00:08:25 et nous avons énormément de mal
00:08:28 à nous définir par rapport à cela.
00:08:30 Alors, c'est tout cela.
00:08:31 J'ai parlé de votre carrière diplomatique trop rapidement.
00:08:34 J'aurais pu évoquer votre carrière littéraire,
00:08:38 si je puis dire.
00:08:39 Depuis que vous avez quitté vos fonctions d'ambassadeur,
00:08:42 vous êtes d'une fécondité éditoriale
00:08:47 absolument extraordinaire.
00:08:48 Vous avez publié une quantité de livres,
00:08:52 tous remarquables,
00:08:53 le livre sur Kissinger
00:08:54 et celui, je dois dire, auquel j'ai été le plus sensible
00:08:57 parce que je pense que j'appartiens
00:09:00 à cette vieille génération qui, au bout du compte,
00:09:03 a été formée par la mémoire de nos parents
00:09:06 sur ce qu'ils ont vécu entre 1914 et 1945.
00:09:11 Et "Nous étions seuls",
00:09:12 qui est un livre que je vous recommande,
00:09:14 chers collègues,
00:09:15 qui était vraiment une analyse.
00:09:17 Et je crois que le titre, d'ailleurs, dit tout.
00:09:19 Le titre dit bien que le problème fondamental,
00:09:21 c'était la solitude française.
00:09:23 Donc, tout cela vous donne évidemment
00:09:25 une compétence générale pour nous parler des choses.
00:09:28 Mais j'ai commencé par le particulier,
00:09:30 j'ai commencé par vos trois postes
00:09:32 et j'ai commencé par ces interrogations,
00:09:34 ces cuides de ce que veut Israël,
00:09:37 cuide de ce que veulent les Etats-Unis,
00:09:40 de ce qu'ils peuvent faire,
00:09:41 de ce qu'ils risquent de ne plus faire
00:09:43 si M. Trump est élu dans un an,
00:09:46 et cuide de cette malheureuse Europe
00:09:49 qui balbutie des idées justes,
00:09:52 mais est incapable de les transformer en actes forts.
00:09:55 Voilà le...
00:09:57 Alors, notre système, c'est,
00:09:59 vous faites une introduction
00:10:00 entre 10 minutes et 20 minutes,
00:10:03 et ensuite, chaque groupe vous interroge
00:10:06 deux minutes et demie
00:10:07 et vous répondez dans le même laps de temps,
00:10:10 étant entendu que je suis totalement impuissant
00:10:12 à l'idée de vous empêcher de dépasser les deux minutes et demie.
00:10:15 Je suis dans une position d'infériorité.
00:10:17 C'est pourquoi, dès le départ,
00:10:19 j'implore votre autorégulation.
00:10:23 Voilà. M. l'ambassadeur, cher Gérard Haraud,
00:10:27 vous avez la parole.
00:10:28 -Merci, M. le président.
00:10:30 Mesdames, messieurs les parlementaires,
00:10:34 et mesdames, messieurs,
00:10:35 c'est évidemment un honneur d'être devant vous ce matin.
00:10:41 Alors, il se trouve que j'ai sans doute
00:10:43 une fécondité éditoriale,
00:10:44 et je suis en train d'écrire un livre sur Israël.
00:10:48 Figurez-vous qu'il y a six mois,
00:10:49 j'avais donné cette idée à mon éditeur,
00:10:51 qui m'avait dit "Non, un livre sur Israël, ça ne se vend pas."
00:10:54 Et je ne sais pas pourquoi,
00:10:55 l'éditeur m'a rappelé il y a deux semaines
00:10:57 pour me dire "Finalement, vous pouvez y aller."
00:11:00 Donc, je vais essayer d'être bref sur Israël lui-même.
00:11:05 Vous savez, lorsque Israël a fait la conquête de la Cisjordanie,
00:11:10 en juin 1967, Ben Gurion avait dit
00:11:14 "Si nous ne partons pas tout de suite,
00:11:16 "nous ne partirons jamais."
00:11:18 Et le problème central de la Cisjordanie,
00:11:22 c'est que c'est la terre de la Bible.
00:11:26 Et donc, vous avez là un double blocage.
00:11:28 D'abord, le blocage sécuritaire,
00:11:30 parce que faire un État palestinien en Cisjordanie,
00:11:33 ça serait avoir un État palestinien à 14 km de Tel Aviv,
00:11:37 à 5 km de l'aéroport de Ben Gurion,
00:11:42 donc une roquette et le pays s'arrête.
00:11:45 Et il faut bien se dire que les Israéliens,
00:11:48 du fait de l'histoire à la fois tragique du peuple juif
00:11:51 et l'histoire d'Israël, ne veulent pas la paix,
00:11:53 ils veulent la sécurité.
00:11:56 C'est-à-dire que, d'une certaine manière,
00:11:57 Israël est en guerre depuis 1948,
00:12:00 et donc Israël, d'une certaine manière, a l'habitude,
00:12:03 si j'ose dire, de vivre dans ces conditions,
00:12:06 mais pour eux, l'objectif central, c'est la sécurité.
00:12:11 Deuxièmement, c'est une sécurité qui ne peut être assurée que par eux.
00:12:16 Du fait de l'histoire,
00:12:18 les Israéliens ne font confiance à personne pour leur sécurité,
00:12:22 et certainement pas aux États-Unis, par exemple.
00:12:25 Donc toute idée d'une force internationale, d'une force arabe,
00:12:28 d'une force des Nations unies,
00:12:29 n'a pas la moindre chance d'être acceptée par un pays
00:12:33 qui, d'une certaine manière, est, je dirais, un peu paranoïaque.
00:12:39 Paranoïaque parce que l'histoire lui a appris
00:12:41 qu'il y avait des raisons de l'être.
00:12:44 Donc vous avez un premier obstacle pour cette Cisjordanie,
00:12:48 c'est donc la question de la sécurité.
00:12:51 Et comme vous pouvez vous imaginer, après ce qui s'est passé à Gaza,
00:12:54 ce qui s'est passé le 7 octobre,
00:12:56 vous pouvez bien imaginer que ça ne pousse pas les Israéliens
00:13:00 à faire des concessions supplémentaires,
00:13:03 une Cisjordanie qui serait, évidemment,
00:13:05 qui est beaucoup plus proche du cœur même de l'État hébreu.
00:13:11 La deuxième raison, je l'ai dite aussi, c'est le problème religieux,
00:13:15 c'est que la Cisjordanie, c'est la terre de la Bible.
00:13:19 Et c'est difficile de parler de ces sujets,
00:13:23 mais c'est vrai que l'on a assisté, d'une certaine manière,
00:13:27 à la rencontre un peu mortifère de la religion et du nationalisme.
00:13:33 Vous avez toute une droite nationale religieuse qui...
00:13:39 Vous savez, lorsque les Juifs étaient dans le Stettel,
00:13:43 en Pologne ou ailleurs,
00:13:44 ils rêvaient, ils priaient,
00:13:47 ils priaient au rythme agricole de la Palestine,
00:13:51 même s'ils étaient en Pologne.
00:13:54 Mais, d'une certaine manière, la terre de la Bible
00:13:57 devenait une réalité un peu spirituelle.
00:14:00 Là, la terre de la Bible, elle s'incarne.
00:14:02 Elle s'incarne dans des cahiers, dans des lieux,
00:14:06 parce que, naturellement, tout le monde a pris sa Bible
00:14:09 et a identifié telle ou telle auteur en Cisjordanie,
00:14:13 à tel ou tel épisode de la Bible.
00:14:17 Vous avez maintenant des milliers de colons israéliens
00:14:22 qui se sont installés en Cisjordanie et qui vous disent
00:14:25 "Cette terre m'a été donnée par Dieu.
00:14:28 "Il est évidemment hors de question que j'y renonce."
00:14:33 Et on le voit en ce moment, d'ailleurs,
00:14:35 profitant de la tragédie de Gaza, on voit bien les colons israéliens
00:14:39 qui se livrent à des violences au dépens des Palestiniens,
00:14:43 qui reviennent à faire un peu un nettoyage ethnique au détail.
00:14:47 On en profite pour se débarrasser d'un village
00:14:50 qui est gênant, d'une agglomération,
00:14:53 voire d'une famille.
00:14:57 Et donc, je crois que c'est là le cœur du conflit.
00:15:02 Je ne connais pas de gouvernement israélien,
00:15:05 même concevable aujourd'hui,
00:15:07 qui serait capable de rapatrier les colons.
00:15:12 Vous avez en Cisjordanie un demi-million,
00:15:15 c'est-à-dire au-delà de la ligne verte,
00:15:17 la ligne d'armistice de 1949-1967,
00:15:21 vous avez maintenant un demi-million d'Israéliens.
00:15:25 Sur ce demi-million, on peut se dire que 350 ou 400 000
00:15:28 sont dans des blocs proches de Jérusalem
00:15:32 et qu'en faisant des rectifications de frontières assez minimes,
00:15:36 on parviendrait à les intégrer dans Israël.
00:15:39 Mais il reste à peu près une centaine de milliers de colons
00:15:42 qui sont armés, qui sont déterminés
00:15:44 et qui ne sont pas des colons économiques.
00:15:47 J'avais un chauffeur à l'ambassade
00:15:49 qui habitait dans une de ses colonies
00:15:53 et qui me disait, tout simplement, il avait eu des prêts à taux bas
00:15:57 parce que l'État favorise la colonisation
00:16:02 et que l'air y était bon,
00:16:03 et tout ça était situé à 30 km de l'ambassade.
00:16:06 Donc, il y a en effet des colons économiques.
00:16:09 Ceux-là rentreraient assez aisément en Israël,
00:16:12 moyennant indemnisation,
00:16:14 mais il y a aussi ces colons idéologiques.
00:16:19 Vous savez, de temps en temps, très rarement,
00:16:23 certaines de ces implantations sont illégales,
00:16:25 même au regard du droit israélien.
00:16:27 De temps en temps, l'État décide d'en évacuer une par la force.
00:16:32 Ça devient un mélodrame national.
00:16:34 L'armée y va, et tout ça pour 10 ou 15 excités sur une colline.
00:16:39 L'armée y va, et tout ceci fait la première page des journaux.
00:16:44 On a l'impression que le pays entier
00:16:47 est plongé d'un seul coup dans un mélodrame.
00:16:51 Donc, pour cette double raison,
00:16:54 je dirais raison sécuritaire et raison idéologique,
00:16:58 il me semble aujourd'hui très difficile d'imaginer
00:17:02 la création d'un État palestinien qui soit viable et contiguë.
00:17:07 Ça ne veut pas dire que l'opinion publique israélienne
00:17:10 soit massivement...
00:17:12 Disent massivement qu'ils veulent conserver la Cisjordanie,
00:17:16 mais l'opinion publique israélienne, la grande majorité,
00:17:20 est, je dirais, apathique.
00:17:23 D'un côté, vous avez les colons et ceux qui les soutiennent,
00:17:27 toute l'extrême droite nationale religieuse,
00:17:30 parce que si vous êtes ultra-orthodoxe, c'est différent.
00:17:33 Mais l'extrême droite nationale religieuse
00:17:36 veut conserver à tout prix la Cisjordanie
00:17:38 et est prête à mourir pour elle.
00:17:40 Mais du côté de l'opinion publique,
00:17:42 disons qu'il y a une certaine indifférence à ce sujet,
00:17:45 pour d'abord une raison pratique,
00:17:47 on n'a pas le droit d'aller en Cisjordanie.
00:17:49 Donc, les Israéliens de Haïfa ou de Tel Aviv
00:17:53 ne connaissent pas la Cisjordanie, ils n'y vont pas.
00:17:56 Pour aller en Cisjordanie, vous devez être domicilié en Cisjordanie.
00:18:00 Et puis, deuxième raison, parce qu'il n'y a pas d'alternative.
00:18:03 Au fond, ils disent, voilà, le statu quo.
00:18:06 Pour les Israéliens, jusqu'au 7 octobre,
00:18:08 le statu quo était de loin la solution la plus confortable.
00:18:12 Pendant ce temps, les colons ont grignoté peu à peu la Cisjordanie,
00:18:16 mais les Israéliens de Haïfa et de Tel Aviv
00:18:19 se disaient que, finalement, le statu quo était confortable
00:18:23 et qu'il n'y avait pas d'alternative.
00:18:26 Donc, bon, à part le statu quo, qu'est-ce qu'on pouvait faire ?
00:18:29 Il n'y avait pas de négociation.
00:18:31 Et donc, je dirais que tout le monde se contentait relativement
00:18:35 de cette situation.
00:18:39 Voilà un petit peu, donc, où on en était le 7 octobre.
00:18:43 Un statu quo qui était très confortable, finalement, pour Israël,
00:18:47 qui permettait notamment à Israël de faire à peu près ce qu'il voulait
00:18:51 en Cisjordanie, cette Cisjordanie
00:18:54 à laquelle les Israéliens sont attachés,
00:18:59 et comme je l'ai dit, principalement pour deux raisons,
00:19:01 la sécurité et, deuxièmement, la religion.
00:19:05 Voilà un petit peu cette introduction sur ce sujet.
00:19:09 J'espère que je n'ai pas été trop long.
00:19:10 On pourrait, évidemment, parler nuancé...
00:19:15 Il faut aussi citer, quand même,
00:19:17 il faut aussi parler de l'évolution politique de l'État d'Israël,
00:19:21 où la gauche a disparu.
00:19:23 La gauche a physiquement disparu aux élections
00:19:27 et où, donc, le spectre politique israélien s'est déporté,
00:19:32 peu à peu, d'ailleurs, au fil des années.
00:19:34 On a bien vu la disparition de la gauche progressive.
00:19:39 Elle s'est déplacée vers la droite
00:19:42 et, aujourd'hui, on a quand même un Israël très différent
00:19:45 de l'Israël que je connaissais certainement en 1982,
00:19:49 quand je suis arrivé pour la première fois dans cet État,
00:19:52 mais encore un Israël différent de celui de 2003,
00:19:55 avec un spectre politique qui, aujourd'hui,
00:19:58 nous amène au sein du gouvernement israélien
00:20:00 à des ministres qui ne sont même pas d'extrême droite,
00:20:02 qui sont d'ultra-droite,
00:20:05 comme Smotric ou Ben Gvir,
00:20:07 qui sont des ministres dont le programme est proprement effrayant.
00:20:13 Voilà. Donc, cette situation...
00:20:17 Hier, je déjeunais avec des amis israéliens
00:20:21 et c'est évident que nous rêvons tous
00:20:24 qu'après cet affrontement, après cette tragédie,
00:20:28 après cette confrontation,
00:20:30 on en revienne à la négociation.
00:20:32 Et eux me disaient, mais moins que jamais,
00:20:35 ils me disaient, étant donné le traumatisme qu'a souffert,
00:20:38 qu'a subi le peuple israélien,
00:20:42 il est vraiment très difficile...
00:20:44 Il est vraiment très difficile d'imaginer
00:20:47 que des Israéliens se mettront autour de la table
00:20:50 pour faire des concessions.
00:20:52 Parce que si l'on voit une négociation qui s'ouvre,
00:20:55 cette négociation étant donnée la position de force d'Israël,
00:20:59 ce sera une position
00:21:02 qui nécessiterait des concessions de la part d'Israël.
00:21:05 Et aujourd'hui, il est quasiment du bon sens de se dire
00:21:09 que ce n'est pas particulièrement le moment
00:21:13 où l'on peut l'espérer.
00:21:15 Alors, dans 5 ans, dans 10 ans, peut-être.
00:21:19 Mais en tout cas, voilà un petit peu où l'on en est.
00:21:21 Et tout ceci me semble à la fois désespérant,
00:21:24 parce que des êtres humains sont en train de mourir,
00:21:27 sont déjà morts et sont en train de mourir,
00:21:30 et un peu désespérés, parce que je ne vois pas
00:21:33 comment on peut sortir de la confrontation actuelle,
00:21:36 comme on dit au Quai d'Orsay, par le haut.
00:21:39 En général, lorsqu'un diplomate vous dit ça,
00:21:41 c'est qu'il n'a pas la moindre idée comment il va s'en sortir.
00:21:44 Donc, essayer de s'en sortir par le haut,
00:21:47 je ne vois vraiment pas comment cela pourrait être le cas.
00:21:53 En même temps,
00:21:56 je veux rappeler un certain nombre de choses, quand même.
00:21:59 C'est, à l'évidence, l'Iran ne veut pas y aller.
00:22:03 A l'évidence, l'Iran ne veut pas y aller.
00:22:05 Et si les Américains ont deux porte-avions
00:22:08 en Méditerranée orientale, ce n'est pas contre Gaza,
00:22:12 mais c'est évidemment pour dissuader l'Iran d'y aller.
00:22:15 Et au sein du monde arabe,
00:22:19 tous les gouvernements auxquels je pense
00:22:21 seraient ravis si Israël éradiquait le Hamas.
00:22:25 Je vous rappelle que pour tous les gouvernements arabes,
00:22:29 en particulier l'Égypte, naturellement,
00:22:31 les monarchies du Golfe, le Hamas est l'ennemi absolu.
00:22:35 Et que donc, je dirais que les pays arabes,
00:22:38 s'ils n'avaient pas une opinion publique,
00:22:40 les pays arabes regarderaient ailleurs.
00:22:42 Vous avez d'ailleurs vu une réunion de la Ligue arabe.
00:22:44 La Ligue arabe s'est réunie et n'a pas pris la moindre décision
00:22:47 contre Israël. Elle n'a même pas demandé
00:22:50 qu'on rappelle les ambassadeurs.
00:22:52 Il y a, au niveau des Etats,
00:22:55 il y a une véritable, je dirais, rapprochement,
00:22:58 collusion ou rapprochement entre Israël et les pays arabes
00:23:01 face au Hamas.
00:23:03 Mais la question est évidemment que le Hamas, en revanche,
00:23:06 est extrêmement populaire dans les opinions publiques.
00:23:09 Ce sont des Etats tous autoritaires.
00:23:12 Mais ils doivent néanmoins quand même faire un minimum,
00:23:15 si j'ose dire, un minimum syndical
00:23:18 pour répondre à la colère ou aux pressions
00:23:22 de leur opinion publique.
00:23:23 Donc, je pense que,
00:23:26 sauf si le conflit dure vraiment,
00:23:29 je ne vois pas pour le moment, pour le moment,
00:23:31 de risque d'extension du conflit
00:23:34 au-delà d'Israël,
00:23:37 de ce qui arrive aujourd'hui et qui est suffisamment tragique
00:23:40 entre Israël et Gaza.
00:23:42 -Vous ne souhaitez pas en dire davantage
00:23:48 sur la situation à Gaza, notamment ?
00:23:50 -Je ne suis pas un expert militaire,
00:23:52 donc je dois vous avouer, je ne veux pas...
00:23:55 Comment ? -Pas encore.
00:23:56 -Non, je... -C'est votre prochain livre.
00:23:58 -Je ne suis pas toutologue, comme c'est ce que je dis souvent.
00:24:02 Donc, militairement,
00:24:04 je ne sais pas ce qu'Israël peut réaliser.
00:24:07 Je n'en sais rien, vraiment.
00:24:09 Là, je...
00:24:10 Je... Nous verrons.
00:24:12 Nous verrons la campagne militaire, ce qu'elle donnera
00:24:15 et quels seront les objectifs qu'aura atteindre Israël.
00:24:19 Mais pour le moment, je suis incapable
00:24:22 de dire quelque chose qui me semble...
00:24:25 qui me semble intelligent sur cette question.
00:24:27 Sur les Américains, si vous voulez bien, peut-être.
00:24:30 L'administration...
00:24:31 Ce que nous ont révélé les événements,
00:24:34 c'est d'abord un événement fondamental.
00:24:37 On ne fait pas pression sur Israël.
00:24:38 On n'oblige pas Israël à faire ce qu'il ne veut pas.
00:24:41 Ca, c'est quelque chose de...
00:24:43 Notamment lorsque la sécurité du pays est en jeu.
00:24:47 Et on le voit bien.
00:24:48 Les Etats-Unis, qui ont une longue expérience d'Israël,
00:24:51 ont adopté une stratégie, vous savez, c'était de dire
00:24:54 "Nous allons vous prouver que nous sommes votre meilleur ami
00:24:57 "dans l'espoir qu'ensuite, vous nous fassiez confiance
00:25:00 "et que l'on puisse influencer votre politique."
00:25:03 Donc, ça a été livraison des armements,
00:25:06 des soutiens politiques, en voie de deux groupes aéronavals
00:25:10 en Méditerranée orientale.
00:25:12 Mais, voilà, cela étant,
00:25:15 de nouveau, Israël ira jusqu'au bout,
00:25:18 jusqu'à ce qu'il considère
00:25:19 que ses objectifs militaires et politiques ont été atteints.
00:25:23 Et je ne sais pas quels sont ses intérêts politiques et militaires.
00:25:27 Donc, on voit bien, c'est toute la limite
00:25:29 de ce que la communauté internationale...
00:25:32 Je parle des Etats-Unis, essayez d'imaginer les Européens,
00:25:35 qui n'ont pas la moindre influence
00:25:37 à Jérusalem.
00:25:40 Mais ce qui est intéressant aussi, c'est ce qui se passe aux Etats-Unis,
00:25:44 parce que ça aggrave encore, si j'ose dire,
00:25:46 la situation du président sortant pour les élections
00:25:49 qui viennent en novembre 2024.
00:25:52 C'est, pour la première fois, la division profonde du Parti démocrate,
00:25:56 qui, jusque-là, le soutien à Israël était un soutien unanime,
00:25:59 transpartisan, républicain-démocrate.
00:26:02 Et là, vous avez la gauche démocrate,
00:26:05 qui révèle, si j'ose dire,
00:26:08 qu'il y a eu une véritable mutation en son sein
00:26:12 et qu'elle est devenue, pourtant,
00:26:14 une sympathie à la cause palestinienne.
00:26:18 Et donc, tout ceci s'ajoute, après la guerre en Ukraine,
00:26:22 à toutes les difficultés qui vont peser sur Joe Biden,
00:26:26 sur sa capacité à réunir l'ensemble de la gauche,
00:26:29 c'est-à-dire, en termes américains, à faire voter,
00:26:32 et notamment à faire voter les jeunes,
00:26:34 à leur faire se déplacer, les jeunes,
00:26:37 ça ajoute certainement aux nombreuses difficultés
00:26:41 à laquelle fait face la candidature, actuellement,
00:26:45 de Joe Biden.
00:26:47 -Sur le...
00:26:50 Sur les questions françaises et européennes,
00:26:55 comment analysez-vous
00:26:58 le passé de notre politique
00:27:01 sur le Moyen-Orient, sur Israël ?
00:27:05 On a quand même eu des interventions extrêmement lourdes
00:27:08 depuis le début, depuis la création de l'Etat d'Israël.
00:27:11 On a contribué fortement
00:27:14 à l'équipement, y compris nucléaire.
00:27:18 Chacun sait bien que le gouvernement
00:27:21 de M. Bruges-Bonhoris, pour ne pas le...
00:27:23 Quand j'avais vu le président Peres
00:27:26 et quand on évoquait le nom de Bruges-Bonhoris,
00:27:28 c'était aussitôt un sentiment de reconnaissance,
00:27:33 car, effectivement, la Quatrième République
00:27:36 a construit en réalité la force de dissuasion
00:27:38 avant de la reprocher au général de Gaulle,
00:27:41 et avait notamment passé aux Israéliens
00:27:46 tout un ensemble d'informations et de moyens
00:27:48 qui l'ont permis de s'équiper.
00:27:50 On a eu ça, on a eu les déclarations
00:27:52 du général de Gaulle, la politique du général de Gaulle,
00:27:55 à partir notamment de la guerre des Six Jours,
00:27:58 et on a eu, ce qu'on savait moins,
00:28:01 le maintien d'une liaison épistolaire
00:28:04 assez régulière entre le président Ben Gourion
00:28:08 et le général de Gaulle, puisque le général de Gaulle
00:28:10 a reçu une lettre de Ben Gourion le lendemain de sa mort.
00:28:13 Une lettre est parvenue,
00:28:15 on a eu l'échange de correspondance.
00:28:17 Tout ça était très après.
00:28:19 Nous avons effectivement eu des engagements très précis.
00:28:24 Nous avons conduit les Européens à adopter
00:28:27 la déclaration de Venise, les deux États.
00:28:32 Nous avons joué un rôle important.
00:28:34 Le président Chirac a été très actif
00:28:37 et a laissé un souvenir assez impressionnant
00:28:41 d'agacement vis-à-vis des autorités israéliennes
00:28:46 quand il s'est promené à Jérusalem.
00:28:49 Le président Sarkozy a fait un discours à la Knesset,
00:28:52 qui est un discours assez en pointe, quand même.
00:28:57 Tout ça a existé, tout ça s'est évolué.
00:29:02 Comment vous l'analysez ?
00:29:04 Comment vous l'analysez pour le passé,
00:29:06 pour le présent et pour l'avenir ?
00:29:08 -De nouveau, je ne vais pas faire l'historique
00:29:11 des relations franco-israéliennes,
00:29:13 dans laquelle je me suis plongé, d'ailleurs...
00:29:17 -Il faudra lire votre livre pour avoir la réponse.
00:29:20 -En réalité, lorsque je suis arrivé en Israël
00:29:25 comme ambassadeur en 2003,
00:29:28 j'étais chargé d'une mission,
00:29:30 j'avais des instructions très claires
00:29:34 de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin
00:29:36 de tout faire pour améliorer les relations bilatérales
00:29:39 entre Israël et la France,
00:29:41 des relations qui étaient très dégradées.
00:29:43 Parce que, vous savez très bien,
00:29:45 on parle de la politique arabe de la France.
00:29:48 Par définition, si c'est une politique arabe de la France,
00:29:51 les Israéliens ne le prennent pas très bien.
00:29:54 Nous avons toujours dit que nous avions une politique équilibrée.
00:29:57 Elle était équilibrée vu de Paris,
00:30:00 mais pas du tout équilibrée vu de Jérusalem.
00:30:02 En d'autres termes, l'État d'Israël considérait
00:30:05 que la France était une puissance inamicale.
00:30:08 C'était très clair.
00:30:09 Il n'y avait pas de...
00:30:10 Lorsque je suis arrivé en Israël en 2003,
00:30:13 Dominique de Villepin avait signé un accord cadre
00:30:16 pour améliorer les relations franco-israéliennes.
00:30:18 C'était donc une décision très forte de la France.
00:30:21 On l'oublie souvent, parce qu'on n'imagine pas
00:30:25 que Dominique de Villepin et Jacques Chirac,
00:30:27 ces paladins du gaullisme,
00:30:29 aient pu être les acteurs d'une amélioration
00:30:31 de la relation bilatérale.
00:30:33 En réalité, oui, ils l'ont été.
00:30:35 Donc, je suis arrivé avec ces instructions très positives.
00:30:39 Je me suis rendu compte à quel point, pour les Israéliens,
00:30:42 le divorce était consommé.
00:30:44 Ce que nous avons réussi à faire,
00:30:47 c'est transformer un divorce acrimonieux
00:30:50 en un divorce, je dirais...
00:30:52 Je ne sais pas si un divorce peut être amical,
00:30:55 mais en tout cas, c'était très clair.
00:30:58 Pour les Israéliens, la France était une puissance pro-arabe,
00:31:02 favorable aux Palestiniens,
00:31:04 et donc n'était pas un adversaire d'Israël.
00:31:09 Alors, de toute façon, pour les Israéliens,
00:31:13 il faut bien dire,
00:31:15 si j'avais été Israélien, j'aurais réagi de la même manière,
00:31:18 en disant qu'il y a un médiateur,
00:31:20 et le médiateur, c'est les Etats-Unis,
00:31:23 parce qu'à la fois, c'est un médiateur extrêmement puissant,
00:31:26 et en plus, c'est un médiateur amical pour Israël.
00:31:30 Donc, d'un point de vue d'intérêt national israélien,
00:31:33 l'intérêt national israélien était de la médiation américaine,
00:31:37 et surtout, de rien avoir avec ces Européens
00:31:40 qui vont venir, d'une manière ou d'une autre,
00:31:43 soutenir les Palestiniens ou la cause palestinienne.
00:31:46 Il y a un déséquilibre qui est en notre faveur,
00:31:49 et nous n'allons certainement pas aider à le modifier.
00:31:53 Et donc, la relation, je dirais que malgré nos efforts,
00:31:58 malgré... Il y a eu la visite de François Mitterrand auparavant,
00:32:01 il y a eu ensuite, en effet, le discours de M. de Nicolas Sarkozy.
00:32:05 Malgré tous ces efforts, je dirais que la relation franco-israélienne
00:32:10 est restée une relation relativement tiède.
00:32:13 Il n'y a pas relativement tiède.
00:32:15 D'une certaine manière, les Israéliens sont passés à autre chose
00:32:19 après avoir connu cette lune de miel franco-israélienne extraordinaire
00:32:23 qui s'étend, en gros, de 1948 à...
00:32:27 à 1949, pardon, jusqu'en 1967.
00:32:32 C'était l'époque, l'armée israélienne était armée de mirages.
00:32:37 Comme on m'a dit, en Israël, en 82, quand j'y suis allé,
00:32:40 on dansait en français à Tel Aviv avant 1967.
00:32:45 Et donc, 67, c'est le moment où la France de la Résistance,
00:32:48 aux yeux des Israéliens, devient la France de Vichy.
00:32:50 L'histoire, d'un seul coup, est changée très naturellement.
00:32:55 - Symbolisée par de Gaulle.
00:32:56 - Symbolisée avec la fameuse phrase du général,
00:32:59 qui était un compliment sur les lèvres du général.
00:33:01 Mais voilà.
00:33:03 Donc, je dirais une relation franco-israélienne
00:33:07 qui, de nouveau, du côté d'Israël,
00:33:11 nous a vus pendant très longtemps
00:33:14 plutôt comme une puissance, un pays inamical,
00:33:18 qui, pour des raisons mercantiles, était vendu au pétrole arabe.
00:33:22 Je caricature à peine.
00:33:24 Depuis la décision de Jacques Chirac, de Dominique de Villepin,
00:33:28 reprise et poursuivie et amplifiée par Nicolas Sarkozy,
00:33:32 mais ensuite poursuivie par François Hollande
00:33:35 et par Emmanuel Macron,
00:33:36 je dirais que nos relations sont devenues
00:33:38 des relations d'État à État, des relations plutôt tièdes.
00:33:43 Avec une question supplémentaire, naturellement,
00:33:47 pour l'ambassadeur,
00:33:48 qui est l'importance de la communauté expatriée,
00:33:51 la communauté franco-israélienne.
00:33:54 Donc, moi, quand j'étais en Israël, en 2006, à la fin,
00:33:59 il y avait à peu près 90 000 franco-israéliens.
00:34:02 Aujourd'hui, on est sans doute aux environs de 180 000,
00:34:05 parce qu'il y a eu une accélération de l'ALIA,
00:34:09 la montée en Israël,
00:34:10 essentiellement due, tout simplement, hélas,
00:34:14 à la montée des actes antisémites en France.
00:34:17 On peut quasiment établir une corrélation
00:34:20 entre un acte antisémite grave et...
00:34:23 Il y en a eu, je sais, il y a eu d'actes antisémites graves.
00:34:26 Rappelons-nous, on est morts en France parce que juifs.
00:34:30 Donc, l'école Azera Tora, l'hyper-Kasher,
00:34:34 les assassinats d'Ilan Halimi, Sarah Halimi,
00:34:36 Mireille Knoll, tout ça,
00:34:39 à chaque fois, on a quasiment une augmentation de l'ALIA.
00:34:43 Par exemple, entre 2014 et 2016,
00:34:47 avec les attentats que vous connaissez,
00:34:49 il y a eu plus de 20 000 juifs français
00:34:52 qui ont fait leur ALIA, qui sont allés en Israël.
00:34:56 Plus de 20 000.
00:34:58 Donc, ça aussi, c'est un élément, naturellement,
00:35:01 un élément dans la relation bilatérale
00:35:04 que l'ambassadeur doit gérer,
00:35:07 et ce n'est pas le plus simple.
00:35:09 Je vous remercie de ces éclairages
00:35:15 extrêmement intéressants.
00:35:17 Maintenant, ce sont les représentants des groupes
00:35:20 qui vont s'exprimer.
00:35:21 Le premier, ce sera pour le groupe Renaissance,
00:35:23 M. Wibert.
00:35:26 Donc, 2 minutes et demie,
00:35:27 et vous tâchez de répondre dans des limites comparables,
00:35:30 sachant qu'il n'y a aucun pouvoir sur vous.
00:35:33 Voilà.
00:35:34 -Je ne peux pas approcher mon micro.
00:35:36 -Ah, pardon. -C'est moi.
00:35:37 -Voilà. Merci, M. le président.
00:35:39 M. l'ambassadeur, je vous remercie pour votre exposé
00:35:42 concernant la situation actuelle au Proche-Orient.
00:35:44 La France a souvent joué un rôle de médiateur
00:35:46 et de facilitateur dans les négociations
00:35:49 entre Israéliens et Palestiniens.
00:35:51 Elle a soutenu les efforts internationaux
00:35:53 visant à parvenir à une solution négociée et pacifique.
00:35:56 Notre pays a maintenu une position constante
00:35:58 en faveur de la solution à 2 Etats,
00:36:00 considérée comme la voie la plus viable
00:36:02 pour résoudre le conflit en reconnaissant
00:36:04 les aspirations légitimes des 2 partis.
00:36:06 Dans une démarche constructive,
00:36:08 elle a parfois lancé des initiatives diplomatiques
00:36:10 indépendantes pour relancer les pourparlers de paix.
00:36:14 Face à l'impasse du processus de paix,
00:36:16 la France a organisé une conférence ministérielle
00:36:18 pour la paix au Proche-Orient en juin 2016,
00:36:21 en présence d'une trentaine d'Etats et d'organisations
00:36:23 internationales, afin de renouveler la mobilisation
00:36:26 de la communauté internationale
00:36:27 et de relancer une dynamique de paix.
00:36:30 Dans la continuité de cette initiative,
00:36:32 s'est tenue le 15 janvier 2017 à Paris
00:36:34 la conférence internationale pour la paix au Proche-Orient,
00:36:37 à laquelle plus de 70 Etats ont participé.
00:36:40 L'objectif était triple, réaffirmer la nécessité
00:36:43 de mettre en oeuvre la solution des 2 Etats
00:36:44 pour établir une paix durable,
00:36:46 assurer la détermination de la communauté internationale
00:36:49 à contribuer à la paix au Proche-Orient,
00:36:51 présenter des pistes d'action
00:36:53 pour poursuivre la mobilisation sur le long terme.
00:36:56 Par ailleurs, la France, en tant que membre permanent
00:36:59 du Conseil de sécurité de l'ONU,
00:37:01 a également joué un rôle dans les discussions
00:37:03 et les résolutions liées au conflit israélo-palestinien
00:37:07 au sein de cette instance internationale.
00:37:10 En plus de son rôle au Conseil de sécurité,
00:37:11 la France a également contribué à des missions
00:37:13 de maintien de la paix et d'observation dans la région,
00:37:17 soutenant ainsi les efforts de stabilisation
00:37:19 et de prévention des conflits.
00:37:22 M. l'Ambassadeur, quelle évaluation feriez-vous
00:37:25 des médiations passées impliquant la France
00:37:28 et quels enseignements pouvons-nous en tirer ?
00:37:31 Quel rôle la France peut-elle jouer
00:37:33 au sein des instances internationales telles que l'ONU
00:37:36 pour favoriser une résolution juste et durable du conflit ?
00:37:40 Je vous remercie.
00:37:42 -M. l'Ambassadeur. -M. le député,
00:37:44 la réunion à laquelle vous faites allusion au début de 2017
00:37:48 est un événement assez curieux
00:37:50 parce que c'était une conférence de paix
00:37:51 à laquelle n'assistaient ni les Etats-Unis
00:37:53 ni l'Etat d'Israël.
00:37:56 Parce que figurez-vous que Donald Trump venait d'être élu
00:37:59 et l'administration Trump
00:38:03 m'avait demandé à me voir à la fameuse tour Trump
00:38:07 et m'avait dit "Vous voulez organiser une conférence ?
00:38:09 "Nous, on arrive. On ne connaît pas encore les dossiers.
00:38:13 "On ne sait pas comment agir.
00:38:16 "Donc, on vous demande de la reporter."
00:38:19 Ce qui, je dois vous l'avouer, me semblait être du bon sens.
00:38:22 La conférence a eu lieu sans les Américains
00:38:25 et sans les Israéliens.
00:38:27 Je ne sais pas à quoi elle a pu servir.
00:38:32 Au fond, essayons de nous projeter dans l'avenir
00:38:37 et de nous dire comment pouvons-nous relancer
00:38:40 la processus de paix.
00:38:41 Si vous me permettez de faire un peu...
00:38:43 J'aurais tendance à dire
00:38:45 que les deux parties sont incapables d'aller à la paix par elles-mêmes.
00:38:49 D'abord, on négocie avec qui ?
00:38:52 D'un côté, un gouvernement d'extrême droite
00:38:54 qui ne veut pas lâcher la Cisjordanie.
00:38:56 De l'autre, le Hamas. On ne va pas négocier avec le Hamas.
00:39:00 Il faut une mobilisation de la communauté internationale.
00:39:03 Il faut les pays arabes, les pays européens,
00:39:06 qui soient capables de dire aux Israéliens et aux Palestiniens
00:39:11 que si ils s'asseyaient autour de la même table,
00:39:13 ils pouvaient apporter ça.
00:39:16 Ils pouvaient dire aux Arabes,
00:39:19 "Reconstruction de Gaza."
00:39:22 Les Arabes disant aux Israéliens,
00:39:24 "Vous serez une part intégrante de cette région."
00:39:27 Les Européens... On peut essayer de convaincre
00:39:32 des gens qui n'ont pas envie de s'asseoir autour de la même table
00:39:35 de s'asseoir autour de la même table.
00:39:37 Pour ça, la France peut agir,
00:39:39 mais ça voudrait dire qu'elle agisse discrètement.
00:39:42 Je crains que ce ne soit pas un des talents principaux
00:39:44 de la diplomatie française.
00:39:46 Et donc...
00:39:49 -Le résultat, si.
00:39:51 -Allons, allons.
00:39:52 De nouveau, je n'attaque pas...
00:39:55 Tout le monde pense que je critique le président.
00:39:58 Personne ne l'a pensé.
00:40:00 Vous avez bon esprit.
00:40:02 Vous avez bon esprit.
00:40:04 Plus sérieusement, j'aurais tendance à dire...
00:40:06 Ça a toujours été le cas de la diplomatie française.
00:40:09 On adore monter sur la scène,
00:40:11 quitte à recevoir des tomates.
00:40:13 Il y a une vanité de la diplomatie française.
00:40:15 Et donc, si l'on veut travailler...
00:40:17 -Vous êtes un socialiste.
00:40:19 -Si l'on veut travailler, je pense que...
00:40:21 Il faut aller prendre la canne,
00:40:23 sa canne, son chapeau, ses gants beurre frais,
00:40:26 et vous allez voir discrètement les Séoudiens,
00:40:29 les Émiratis, les Américains, en disant,
00:40:32 "Qu'est-ce qu'on peut faire ?"
00:40:34 Il faut être imaginatif.
00:40:35 Pourquoi pas associer la Palestine, Israël
00:40:38 et la Jordanie à l'Union européenne ?
00:40:41 Un accord d'association.
00:40:43 D'association, madame la députée.
00:40:45 Pas de membres.
00:40:47 Un accord d'association.
00:40:49 On peut également réfléchir par rapport aux relations avec l'OTAN,
00:40:53 puisque pour les Israéliens, la sécurité est l'obsession.
00:40:56 Essayons d'être imaginatifs,
00:40:58 mais, de nouveau,
00:40:59 il faut le faire dans la plus grande discrétion.
00:41:02 Vous avez une chance sur 100 de réussir.
00:41:04 Voilà.
00:41:06 -On est toujours ramenés à Pascal,
00:41:10 à Paris-Pascalien.
00:41:11 Pour le Rassemblement national, c'est la présidente Le Pen...
00:41:14 -Oui, monsieur l'ambassadeur de France.
00:41:16 Depuis l'odieuse attaque d'Israël par le Hamas,
00:41:19 le 7 octobre dernier, qui a fait plus de 1 400 morts,
00:41:21 dont une quarantaine de nos compatriotes,
00:41:23 il m'apparaît, et j'imagine que c'est le cas de nombreux pays
00:41:27 qui sont partie prenante dans cette région,
00:41:29 que la voie de la France est particulièrement confuse.
00:41:32 Nous cantonnons ainsi à une forme de passivité,
00:41:34 alors qu'hier, encore, la diplomatie française
00:41:37 aurait eu, j'ose l'espérer, un rôle d'intermédiation.
00:41:40 D'un soutien conditionnel à Israël
00:41:42 à une exhortation à cesser les bombardements,
00:41:44 passant par une coalition internationale
00:41:46 pour lutter contre le Hamas,
00:41:47 plus personne ne suit la fameuse pensée complexe
00:41:49 du président de la République,
00:41:50 si mal adaptée à l'Orient compliqué,
00:41:52 où il faut voler avec des idées simples.
00:41:54 Je crois, au contraire, et j'ai eu l'occasion
00:41:56 de le développer encore récemment,
00:41:57 que la constance est une vertu cardinale en diplomatie.
00:42:00 La constance, c'est pas de commenter au jour le jour
00:42:02 la riposte légitime d'Israël
00:42:04 pour éradiquer le mouvement terroriste du Hamas,
00:42:05 mais de continuer, malgré son caractère quasi réaliste,
00:42:09 du fait, vous l'avez rappelé, du traumatisme
00:42:11 vécu par les Israéliens,
00:42:12 à promouvoir une solution politique pour cette région
00:42:15 qui est le berceau, nous le savons, de tant de civilisations.
00:42:17 L'objectif de cette solution, nous la connaissons,
00:42:19 c'est encore la position de la France
00:42:20 et de 2 Etats dans les frontières reconnues.
00:42:22 Comme j'ai dit, le peuple israélien
00:42:24 et le peuple palestinien méritent considération et respect,
00:42:26 et défenseurs farouches de l'égalité en dignité
00:42:29 et en droit de tous les peuples et toutes les nations.
00:42:31 Je pense que la reconnaissance de ces principes par les acteurs
00:42:33 est un préalable nécessaire pour relancer les négociations
00:42:37 vers cet objectif ô combien ambitieux,
00:42:39 là encore, vous avez appuyé sur cette difficulté,
00:42:42 mais je crois incontournable, de la paix dans cette région.
00:42:44 Alors, nonobstant, les propos désespérants ou désespérés,
00:42:48 je sais pas que vous avez tenu,
00:42:49 mais qui sont, on veut le croire, conjoncturels.
00:42:53 Les pays arabes, vous l'avez un peu évoqué,
00:42:56 ont-ils vraiment la capacité
00:42:59 de venir politiquement à bout du Hamas ?
00:43:03 Et si oui, qui est au bénéfice de qui ?
00:43:06 Et est-ce que ça n'est pas là la condition, en réalité, nécessaire,
00:43:10 même si elle n'est pas suffisante,
00:43:12 à une potentielle relance d'un processus de paix ?
00:43:14 C'est ma 1re question. La 2e, qui est un peu plus large,
00:43:17 à la lumière de votre très longue expérience.
00:43:19 Pourriez-vous nous éclairer sur ce qu'attendent de la France
00:43:23 les pays du Proche-Orient ?
00:43:27 -Je vous remercie, madame la députée.
00:43:29 M. l'ambassadeur, si vous voulez répondre à ma question.
00:43:32 -Naturellement.
00:43:34 Madame la présidente, comme je l'ai dit,
00:43:38 les pays arabes, au fond,
00:43:40 ont noué, dans les faits, une alliance avec Israël,
00:43:43 car le fondement des relations internationales,
00:43:45 c'est l'ennemi de mon ennemi et de mon ami.
00:43:47 Il y a un ennemi commun, c'est l'Iran.
00:43:49 Et donc, les monarchies du Golfe et l'Egypte
00:43:52 travaillent étroitement avec Israël,
00:43:57 notamment dans les domaines sécuritaires.
00:44:00 Les accords d'Abraham, c'est quand même une réussite américaine,
00:44:03 ça permet aux Etats-Unis de se retirer de la région,
00:44:06 et Israël prend la place de garant de la sécurité
00:44:09 des monarchies du Golfe face à l'Iran.
00:44:12 C'est ce qu'aujourd'hui Israël est bel et bien,
00:44:14 le garant de la sécurité des monarchies du Golfe face à l'Iran.
00:44:18 Vous avez raison de souligner...
00:44:20 Je crois qu'il y a deux conditions nécessaires
00:44:22 pour relancer...
00:44:24 Essayons de regarder l'avenir, relancer le processus d'EUDP.
00:44:28 Le premier, comme je l'ai dit,
00:44:30 c'est rassurer l'opinion publique israélienne,
00:44:32 c'est de convaincre l'opinion publique israélienne
00:44:35 que dans le processus d'EUDP qui s'engagerait,
00:44:40 sa sécurité serait assurée.
00:44:42 Et c'est vraiment un vrai défi.
00:44:44 C'est un vrai défi.
00:44:46 Et deuxième condition,
00:44:49 c'est faire apparaître un leadership,
00:44:51 qui soit un leadership démocratique
00:44:54 et un leadership qui soit prêt à s'engager
00:44:58 dans une logique de paix du côté des Palestiniens.
00:45:01 Et voilà.
00:45:03 Et vous...
00:45:05 Je n'ai pas besoin de vous souligner
00:45:07 à quel point ce sont deux conditions énormes
00:45:09 et extrêmement difficiles.
00:45:11 Est-ce qu'il est possible...
00:45:13 Parce que du côté palestinien, vous avez d'un côté le Hamas,
00:45:16 qui, à l'évidence, quoi qu'on pense par ailleurs,
00:45:19 ne sera pas accepté comme un interlocuteur par Israël.
00:45:24 Et de l'autre côté, vous avez une autorité palestinienne,
00:45:27 alors disons que les Israéliens ont leur responsabilité là-dedans,
00:45:30 mais une autorité palestinienne qui est totalement discréditée,
00:45:34 qui est corrompue, inefficace,
00:45:35 et qui ne représente plus les Israéliens.
00:45:38 Est-ce que l'on peut faire apparaître...
00:45:40 Les Palestiniens, pardon.
00:45:41 Est-ce qu'on peut faire apparaître un leadership...
00:45:46 Je n'en sais rien. Est-ce que c'est possible ?
00:45:48 Vous savez, la situation est beaucoup plus paradoxale
00:45:52 et contradictoire qu'on le pense.
00:45:54 Par exemple, la plupart...
00:45:56 Je suis presque sûr que quasiment tous les Palestiniens de Cisjordanie
00:46:00 parlent couramment l'hébreu,
00:46:02 qu'ils regardent la télévision israélienne plutôt que la palestinienne.
00:46:05 Donc il y a aussi, du côté des Palestiniens,
00:46:09 il y a aussi une fatigue.
00:46:10 Vraiment, je connais pas mal de jeunes Palestiniens...
00:46:14 Pas de Gaza, j'ai jamais eu le droit d'y aller,
00:46:16 mais en Cisjordanie,
00:46:19 où, en gros, ils n'en peuvent plus.
00:46:21 Ils en ont assez, ils aimeraient atteindre,
00:46:23 ils aimeraient connaître une normalité, une vie normale.
00:46:28 La plupart ne croient même plus à la solution des deux États.
00:46:31 Ils sont même...
00:46:32 À force de voir des grues
00:46:36 sur toutes les implantations israéliennes,
00:46:39 ils se disent qu'ils ne vont pas partir.
00:46:42 Les Arabes nous ont abandonnés,
00:46:43 car ils ont totalement abandonné la cause palestinienne.
00:46:46 Nous sommes tous seuls.
00:46:48 Le PIB d'Israël, c'est 25 fois le PIB des territoires palestiniens.
00:46:51 Donc le rapport de force est sans appel.
00:46:55 Donc est-ce qu'on peut utiliser,
00:46:57 est-ce qu'on peut permettre l'émergence
00:47:00 des leaderships palestiniens ?
00:47:04 Évidemment, je n'en sais rien,
00:47:05 mais c'est une condition nécessaire.
00:47:09 Si vous n'avez pas d'interlocuteur...
00:47:12 Mais l'incondition nécessaire,
00:47:13 c'est d'avoir l'émergence d'un leadership palestinien.
00:47:16 Peut-être que les Européens pourraient jouer un rôle.
00:47:19 Nous les connaissons, tous ces Palestiniens.
00:47:22 Et de l'autre côté, du côté israélien,
00:47:24 il faut aussi avoir un interlocuteur
00:47:27 qui veuille négocier
00:47:29 sur la base de la solution des deux États.
00:47:32 Et on n'en est pas...
00:47:33 Avec le gouvernement actuel, on en est encore loin.
00:47:37 Donc vous comprenez peut-être les raisons de mon désespoir.
00:47:40 -Oui, nous vous avons fait venir
00:47:43 pour nous guérir de notre désespoir,
00:47:45 et vous nous faites bénéficier du fait que vous partagez
00:47:50 l'anxiété d'une grande partie des membres de cette commission.
00:47:53 Je vais maintenant donner la parole
00:47:58 pour la France insoumise à M. Le Gall.
00:48:01 -Merci, M. le Président.
00:48:04 M. l'Ambassadeur, merci pour votre exposé.
00:48:07 La situation concernant notamment la Cisjordanie,
00:48:09 vous avez emplié des mots forts.
00:48:11 Vous avez même parlé de nettoyage ethnique au détail.
00:48:14 Vous avez aussi évoqué votre sentiment de blocage,
00:48:16 puisqu'il y a finalement deux formes de fusion
00:48:19 entre nationalisme et religion qui s'opposent,
00:48:22 que ce soit le Hamas
00:48:23 ou que ce soit le gouvernement d'extrême droite d'Israël.
00:48:29 Et vous avez exposé votre scepticisme
00:48:34 sur la possibilité de réanimer l'autorité palestinienne,
00:48:37 et malgré tout, je me permets de vous relancer sur ce sujet.
00:48:39 Qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
00:48:40 Parce qu'il faut des interlocuteurs pour la paix.
00:48:42 Et à l'heure actuelle,
00:48:43 les principaux protagonistes ne sont pas pour la paix.
00:48:46 Par ailleurs, vous avez fait part d'une relative optimiste
00:48:52 sur les risques d'extension du conflit.
00:48:54 Malgré tout, est-ce que vous pourriez revenir
00:48:56 sur la situation au sud Liban ?
00:48:57 On a quand même 700 soldats français sur place.
00:49:00 C'est très tendu.
00:49:01 Donc est-ce que vous, vous avez des craintes
00:49:03 sur l'extension de la guerre au sud Liban ?
00:49:06 Par ailleurs, vous avez rappelé qu'en 2003,
00:49:08 à votre nomination, vous aviez une ligne de route
00:49:11 qui était d'essayer de rétablir
00:49:12 des relations meilleures avec Israël.
00:49:14 Vous rappeliez la tiédeur des relations.
00:49:17 Au passage, ça montre qu'on peut être pour une solution
00:49:19 à deux Etats et ne pas être anti-israélien,
00:49:21 puisque c'était une feuille de route donnée
00:49:22 par Chirac et Dominique de Villepin.
00:49:26 Je rappelle quand même qu'auparavant,
00:49:28 un président comme le président Mitterrand
00:49:29 pouvait à la fois aller à la Nesset,
00:49:32 donner tout son soutien à Israël,
00:49:33 et à la fois, et non pas en même temps,
00:49:38 demander la création d'un Etat palestinien.
00:49:39 Et il a lui-même joué un rôle dans les accords de Slo.
00:49:41 Donc cette ligne avait aussi quand même du sens.
00:49:46 Dans le contexte actuel, par rapport à cette ligne,
00:49:48 comment percevez-vous les frictions
00:49:50 qui semblent exister aux ministères des Affaires étrangères ?
00:49:51 Je renvoie notamment à la lettre de certains ambassadeurs
00:49:55 qui craignent la disparition d'une voie alternative
00:49:57 de la France. Qu'est-ce que ça veut dire ?
00:49:59 Quelle serait cette voie alternative ?
00:50:02 Enfin, derrière, en effet,
00:50:04 peut-être une certaine illisibilité
00:50:06 de la position française,
00:50:07 il y a quand même des moments
00:50:09 où le président a dit certaines choses.
00:50:10 Il a notamment parlé d'un cessez-le-feu.
00:50:14 Je dois dire que je suis assez étonné
00:50:16 d'avoir entendu aucune réponse officielle
00:50:18 après les accusations d'antisémitisme
00:50:20 contre le président de la République
00:50:21 sur une chaîne en français.
00:50:24 Comment interprétez-vous cela ?
00:50:25 Et vous, en tant qu'ambassadeur,
00:50:27 comment auriez-vous réagi dans cette situation ?
00:50:31 Merci.
00:50:32 -Il y a beaucoup de questions qui sont posées par M. Le Gall.
00:50:35 Je ne vais pas vous enfermer dans les 2 minutes et demie.
00:50:37 Ce serait vraiment impossible.
00:50:39 -Je suis à peu près sûr que je vais en oublier,
00:50:41 mais ce n'est pas de la mauvaise volonté.
00:50:42 C'est l'âge.
00:50:44 Je vais essayer de...
00:50:46 Alors, les états d'âme des diplomates...
00:50:48 Les diplomates ont souvent des états d'âme.
00:50:49 Nous sommes d'une catégorie un peu fragile,
00:50:52 psychologiquement fragile.
00:50:54 Nous sommes un peu des vieilles dames.
00:50:56 Mais en réalité, c'est notre travail.
00:51:00 Vous savez, le travail des hauts fonctionnaires,
00:51:02 c'est de dire aux pouvoirs politiques,
00:51:05 de dire aux pouvoirs politiques,
00:51:06 "Voilà ce que je pense être la bonne politique."
00:51:09 Et ensuite, c'est le pouvoir politique qui tranche.
00:51:11 Moi, il m'est arrivé...
00:51:13 Pas souvent, mais il m'est arrivé
00:51:15 de proposer une politique,
00:51:18 de ne pas être suivi par le pouvoir politique,
00:51:20 et ensuite, de le mettre en oeuvre,
00:51:22 de mettre en oeuvre avec toute ma loyauté et ma diligence
00:51:25 une politique que je n'approuvais pas.
00:51:27 C'est ça, la démocratie.
00:51:28 C'est le ministre qui décide.
00:51:31 Et donc, les ambassadeurs ont parfaitement le droit
00:51:34 de critiquer ou... Voilà.
00:51:36 Moi, ce qu'on me dit, c'est que, en réalité,
00:51:38 cette note était une note interne
00:51:40 qu'elle a été écrite par des ambassadeurs,
00:51:43 c'est-à-dire que ce n'est pas du tout un brûlot.
00:51:46 C'est avec toutes les précautions, il faudrait des nuances.
00:51:49 Enfin, ça fait partie un petit peu de la...
00:51:52 Je dirais du fonctionnement normal d'un ministère
00:51:54 et que cette note a été évidemment rendue publique
00:51:57 par trois ambassadeurs à la retraite et par un journaliste.
00:52:00 Voilà. Pour moi, ça exprime assez bien
00:52:04 le fonctionnement normal d'un ministère
00:52:06 où on a le droit, on a le devoir de dire ce qu'on pense.
00:52:11 Sur le fond, de nouveau, je n'ai pas lu la note,
00:52:14 mais, comme je l'ai dit au début,
00:52:18 honnêtement, le problème avec le monde arabe,
00:52:20 c'est que les États sont avec Israël.
00:52:22 Donc, qu'est-ce que ça veut dire ?
00:52:24 Est-ce que notre problème, c'est l'opinion publique ?
00:52:27 Mais dans un État autoritaire,
00:52:29 que doit être la politique étrangère de la France ?
00:52:31 La politique étrangère, c'est les relations avec les États.
00:52:34 Enfin, voilà.
00:52:36 Mais, de nouveau, je n'ai pas lu cette note.
00:52:41 Voilà.
00:52:42 En ce qui concerne, de nouveau, vous savez,
00:52:47 il y a, je dirais, un narratif français
00:52:50 sur notre politique, la politique arabe,
00:52:53 la politique équilibrée, la politique...
00:52:56 Et comme je l'ai dit, le problème, c'est qu'une des deux parties
00:52:59 ne considérait pas du tout cette politique comme équilibrée.
00:53:02 Vraiment.
00:53:04 Vous savez, j'ai passé six ans de ma vie en Israël.
00:53:07 En Israël, alors maintenant, c'est moins le cas,
00:53:09 c'était quasiment un, comment pourrait-on dire,
00:53:13 un lieu commun de dire la France est anti-israélienne.
00:53:17 Même les francophiles le disaient.
00:53:19 Vous voyez, les francophiles le disaient,
00:53:23 en disant notre cynisme mercantile,
00:53:26 c'était pour vendre des mirages, que nous avions vendu notre âme
00:53:29 et pour avoir du pétrole.
00:53:31 Donc, je me méfie toujours de cette idée,
00:53:34 une sorte de, comment pourrait-on dire,
00:53:36 d'idéalisation d'un passé.
00:53:39 Nous avions une politique qui, je dirais,
00:53:42 d'une manière un peu brutale, avait son intérêt,
00:53:44 parce que, comme ça, ça nous permettait d'avoir de bonnes relations
00:53:47 et pas seulement pour la vente de mirages avec le monde arabe.
00:53:51 Nous avons peut-être aussi servi de sas, si j'ose dire,
00:53:55 pour la reconnaissance de l'OLP.
00:53:57 On oublie que l'OLP...
00:54:00 Vous savez, c'était quand même une situation...
00:54:02 N'oublions pas que, jusqu'en 80, voire au-delà,
00:54:06 des Israéliens disaient au gouvernement,
00:54:08 "Il n'y a pas de peuple palestinien."
00:54:10 Donc, la négation était des deux côtés.
00:54:12 Il y avait un négationnisme des deux côtés.
00:54:15 Donc, c'est vrai que le fait de recevoir Arafat à Paris,
00:54:20 le fait d'accepter qu'il y ait un bureau, l'OLP à Paris,
00:54:22 d'une certaine manière,
00:54:23 ça a mené le glissement d'Arafat vers l'acceptation.
00:54:28 Mais soyons francs, en réalité, la France n'était qu'une étape pour Arafat.
00:54:31 L'objectif d'Arafat, c'était Washington.
00:54:34 Donc, on a joué, on peut dire que ce rôle a été joué,
00:54:38 mais ne disons pas que nous avons été un médiateur
00:54:42 entre les deux parties,
00:54:43 parce que les Israéliens ne voulaient vraiment pas de nous.
00:54:47 Pour la relance du processus de paix,
00:54:49 comme je l'ai dit, je pense qu'étant donné le blocage des deux parties,
00:54:54 il faudrait mobiliser tout le monde.
00:54:56 Voilà, je dis les pays arabes,
00:54:58 que peuvent apporter les pays arabes jusque-là ?
00:55:02 Les pays arabes, comme le reste de la communauté internationale,
00:55:05 se disaient que le problème est résolu.
00:55:07 Le problème est résolu, Israël a gagné,
00:55:10 les Palestiniens vont plus ou moins...
00:55:13 Et ce qui compte, c'est l'ennemi iranien.
00:55:18 Et le 7 octobre nous a prouvé
00:55:21 que ce choix du statu quo n'était pas le bon.
00:55:26 Mais donc, à ramener le dossier du processus de paix sur la table,
00:55:30 mais le problème, c'est qu'il n'y a personne
00:55:32 pour se saisir du dossier aujourd'hui.
00:55:34 Ni les Israéliens, ni les Palestiniens.
00:55:36 Est-ce qu'au sein de la communauté internationale,
00:55:39 on s'en saisira ?
00:55:40 Et là, hélas, c'est vraiment...
00:55:43 Je suis pessimiste, mais hélas,
00:55:46 vous avez deux problèmes contre cette hypothèse.
00:55:48 Vous avez, d'un côté, les États-Unis,
00:55:50 qui rentrent en campagne électorale.
00:55:52 Alors, vous imaginez bien que vous n'allez pas avoir
00:55:55 un président Biden qui va s'impliquer dans un processus de paix
00:55:58 qui, tôt ou tard, le mettra en...
00:56:01 Comment dire ?
00:56:02 Avec Israël en difficulté, avec une partie du gouvernement israélien.
00:56:06 Et de l'autre, vous avez la Russie,
00:56:07 qui a évidemment intérêt à souffler sur les braises.
00:56:10 Pour la Russie, ce conflit est un don des dieux,
00:56:14 et d'ailleurs, les Russes en profitent abondamment
00:56:17 sur le thème du deux poids, du deux poids, deux mesures.
00:56:21 Donc, c'est pour ça qu'il y a un petit espoir,
00:56:25 je ne veux pas vous désespérer,
00:56:27 un petit espoir que, pourquoi pas, la France
00:56:29 puerait de nouveau discrètement essayer de renouer les fils
00:56:34 par rapport à toutes les parties
00:56:37 qui peuvent être intéressées,
00:56:40 au défaut de résoudre ce conflit,
00:56:41 au moins à préparer une étape pacifique.
00:56:45 J'ai dû oublier quelque chose.
00:56:47 Oui, le Liban.
00:56:49 Alors, le Liban...
00:56:53 Alors, le Liban, vous avez d'abord...
00:56:56 Le Hezbollah, évidemment,
00:56:59 dépend étroitement de l'Iran,
00:57:03 mais le Hezbollah n'est pas une annexe des services iraniens.
00:57:06 Il y a quand même une autonomie du Hezbollah.
00:57:08 Le Hezbollah a quand même son autonomie,
00:57:11 mais le Hezbollah a une mémoire.
00:57:13 Et cette mémoire, moi, j'ai vécu ça, j'étais encore ambassadeur,
00:57:16 c'est l'opération 2006.
00:57:18 En 2006, le Hezbollah a fait une opération
00:57:21 qui, elle aussi, a été un succès,
00:57:23 infiniment moins sanglante,
00:57:25 puisque une attaque du Hezbollah a tué, je crois,
00:57:28 neuf soldats israéliens,
00:57:30 et ce qui a déclenché, en juillet 2006,
00:57:35 une opération militaire.
00:57:37 Et cette opération militaire a été,
00:57:40 je dirais, a eu des coups extrêmement lourds
00:57:43 pour la population civile du Liban,
00:57:45 au point que Nasrallah, le patron du Hezbollah,
00:57:48 a même présenté des excuses aux Suides libanais.
00:57:53 Et là, on sent bien, dans tout le Liban,
00:57:56 un cri unique sur le thème
00:58:00 "N'y allez pas, nous ne voulons pas la guerre,
00:58:02 "ne nous entraînez pas dans une guerre
00:58:04 "qui serait, évidemment, extrêmement coûteuse."
00:58:07 Et le Hezbollah, contrairement au Hamas,
00:58:10 qui a des visions califales,
00:58:12 c'est vraiment un parti politique libanais.
00:58:15 C'est vraiment le représentant d'une communauté
00:58:18 qui, il faut bien dire, était une communauté défavorisée
00:58:21 dans le partage du pouvoir à Beyrouth.
00:58:24 Et donc, voilà, c'est...
00:58:27 En même temps, vous avez...
00:58:28 Et d'ailleurs, le Hezbollah, de manière très...
00:58:31 Moi, j'appelle, dans le beau métier de diplomate,
00:58:34 le kabuki. On crie, mais on ne fait rien.
00:58:37 Le Hezbollah a tiré,
00:58:39 mais a tiré non pas sur les territoires d'Israël,
00:58:41 mais sur les fermes de Sheba, qui est un territoire contesté.
00:58:44 Ce qui permet au Hezbollah de dire...
00:58:47 Vous voyez, j'ai tiré, mais en même temps,
00:58:49 de dire aux Israéliens, en chuchotant,
00:58:51 "Mais pas sur Israël."
00:58:53 Donc, je pense que le Hezbollah veut éviter d'y aller,
00:58:55 mais il y a, évidemment, au sud du Liban,
00:58:57 des mouvements palestiniens.
00:58:59 Il y a notamment le djihad islamique,
00:59:00 qui, lui, a tout intérêt à provoquer une montée en puissance
00:59:05 et un affrontement.
00:59:08 Et donc, le risque existe
00:59:10 que, de missile en missile,
00:59:14 de tir en tir,
00:59:16 qu'on arrive, en effet, à un affrontement.
00:59:19 Sur nos soldats au sud du Liban,
00:59:21 je dois avouer que ça fait 20 ans, je me demande ce qu'ils y font.
00:59:24 Mais ça, c'est...
00:59:26 Voilà, une fois qu'on envoie des soldats,
00:59:28 on ne peut plus les retirer.
00:59:30 C'est quelque chose d'important, mais ils ont vu passer comme ça
00:59:33 pendant 40 ans les Israéliens, le Hezbollah, les Iraniens,
00:59:37 sans pouvoir rien faire.
00:59:39 Et donc, je me pose toujours...
00:59:40 J'ai toujours posé la question
00:59:41 et on m'a toujours regardé avec de grands yeux au quai d'Orsay
00:59:44 lorsque je posais la question.
00:59:47 Et je ne répondrai pas sur le président de la République.
00:59:50 -Vous avez raison,
00:59:52 ne serait-ce que parce que vous avez déjà utilisé 9 minutes.
00:59:55 -Oh, pardon. -Non, mais c'est très bien.
00:59:59 Maintenant, pour les Républicains,
01:00:01 c'est M. Herbillon qui va prendre la parole.
01:00:04 -Merci beaucoup, M. le président.
01:00:06 Merci, M. l'ambassadeur, de votre présence,
01:00:09 de vos analyses qui sont extrêmement pertinentes.
01:00:12 Et c'est un bonheur pour notre commission
01:00:15 de pouvoir vous auditionner ce matin.
01:00:17 Je voulais vous interroger à mon tour
01:00:19 sur l'horizon politique de la situation au Proche-Orient,
01:00:23 mais vous y avez abondamment répondu.
01:00:25 Mais je voudrais faire référence à vos écrits
01:00:28 et votre connaissance de l'histoire,
01:00:30 de l'histoire des conflits, de l'histoire diplomatique.
01:00:33 Peut-être que ça nous donnera une lueur d'espoir.
01:00:35 Et sans vous transformer en prévisionniste
01:00:37 ou en Mme Yerma,
01:00:39 ne pensez-vous pas quand même
01:00:40 que la communauté internationale dans son ensemble,
01:00:43 compte tenu du degré de violence que connaît le conflit
01:00:47 et de l'ancienneté de ce conflit,
01:00:50 aura pour, souvent, un thème que vous utilisez
01:00:54 pour décrire les relations internationales.
01:00:56 Ce sera l'intérêt de la communauté internationale
01:00:59 que de trouver une solution,
01:01:01 que d'avoir un horizon politique,
01:01:02 parce que pour, à la fois, pour les Etats-Unis,
01:01:06 pour l'Europe, pour les pays arabes,
01:01:08 la situation ne peut pas continuer comme cela,
01:01:11 parce que sinon, il n'y a aucune raison
01:01:13 que la prochaine fois, ce ne soit pas
01:01:14 un degré de violence encore supplémentaire.
01:01:17 Et je voudrais aussi profiter...
01:01:19 Je voudrais vous questionner au sujet de l'Arabie saoudite
01:01:22 et avoir votre grille d'analyse,
01:01:24 parce que dans le même temps où l'Arabie saoudite
01:01:26 s'apprêtait à signer les accords d'Abraham avec Israël,
01:01:32 elle se rapprochait de l'Iran sous la houlette de la Chine.
01:01:36 Et je voudrais avoir votre grille d'analyse
01:01:38 sur cette situation-là, compte tenu du rôle important,
01:01:44 historique et religieux qu'occupe l'Arabie saoudite.
01:01:47 Et enfin, je voudrais profiter,
01:01:49 si le président m'y autorise, et il m'autorise généralement,
01:01:54 d'une double opportunité.
01:01:55 D'abord, votre présence, et je le dis dans l'ordre,
01:01:58 et d'autre part, la rencontre entre le président Xi
01:02:00 et le président Biden,
01:02:02 pour vous interroger sur un autre sujet.
01:02:04 Parce qu'en vérité, ce qui intéresse les Etats-Unis,
01:02:07 c'est la confrontation avec la Chine,
01:02:09 et ce qui intéresse la Chine,
01:02:10 c'est la confrontation avec les Etats-Unis,
01:02:13 notamment celle qui s'exerce dans l'Indo-Pacifique, en Asie.
01:02:18 Et je voudrais avoir votre grille d'analyse
01:02:20 sur ce qui se passe là-bas,
01:02:23 parce qu'on a des situations...
01:02:25 D'abord, la France est présente,
01:02:26 parce que c'est un pays de l'Indo-Pacifique,
01:02:29 donc quel rôle peut jouer la France ?
01:02:31 On assiste à des choses tout à fait étranges,
01:02:33 comme avec l'Australie,
01:02:34 qui, à la fois, nous a viré pour signer l'aucus,
01:02:37 mais qui, maintenant, se rapproche de la Chine,
01:02:40 puisque il y a un voyage...
01:02:42 -Je ne veux pas décrire le sujet, mais pas hort temps.
01:02:44 -Non, voilà, pas hort temps. Rassurez-vous, je vais...
01:02:47 Voilà. Donc je voudrais avoir votre...
01:02:50 Sachant qu'il y a un certain nombre de pays asiatiques
01:02:53 qui ne veulent pas de cette confrontation
01:02:55 et que la France pourrait jouer là le rôle d'équilibre
01:02:59 qui est traditionnellement celui que la France veut occuper.
01:03:02 -M. Herbillon est l'un de nos...
01:03:06 peut-être le principal spécialiste de cette commission
01:03:09 de l'Indo-Pacifique.
01:03:10 -M. le député, je dois vous avouer que, pour moi,
01:03:14 la question que vous avez posée, c'est franchement la vraie question.
01:03:17 L'avenir du monde va se définir
01:03:19 entre la New Delhi et Los Angeles.
01:03:22 Et pour les Etats-Unis, c'est évident que la guerre en Ukraine
01:03:25 est une distraction, au sens anglais,
01:03:27 au sens américain du mot "distraction".
01:03:30 Les Etats-Unis étaient en train de quitter l'Europe
01:03:33 sur la pointe des pieds.
01:03:34 Poutine les a rattrapés par les Basques.
01:03:36 Mais c'est vraiment... C'est là,
01:03:38 car c'est en Asie qu'il y a la croissance,
01:03:40 les potentialités de croissance.
01:03:42 Nous, en Europe, nous sommes tous fiers
01:03:44 quand nous arrivons à 2 %, eux, c'est 6, 8 %.
01:03:47 Et de surcroît, c'est là qu'il y a la menace,
01:03:49 car il y a la superpuissance chinoise.
01:03:52 Et nous avons aujourd'hui une extraordinaire géopolitique,
01:03:55 qui, moi, me passionne, mais que voulez-vous ?
01:03:57 En tant que diplomate, je suis un vautour
01:04:00 qui vit du malheur des autres,
01:04:01 et donc qui me passionne, un grand jeu d'équilibre géopolitique
01:04:04 qui se met en place.
01:04:06 Et vous avez tout à fait raison.
01:04:08 C'est une guerre froide 2.0,
01:04:10 c'est-à-dire la différence essentielle...
01:04:12 Il y a deux différences essentielles.
01:04:14 La Chine et les Etats-Unis ont un commerce intense,
01:04:17 et deuxièmement, les pays de la région
01:04:19 ne veulent pas... Sont pris entre l'enclume et le marteau,
01:04:21 ils ne veulent pas choisir leur camp.
01:04:23 Et c'est vrai que là, la France devrait pouvoir jouer son rôle.
01:04:26 Et le président de la République, d'ailleurs, le fait.
01:04:29 Il le fait en Inde, il le fait en Indonésie aussi.
01:04:32 Il est allé, pour le 1er président de la République,
01:04:35 aller aussi au Bangladesh.
01:04:37 Donc là, nous avons en effet un rôle à jouer.
01:04:41 Nous sommes évidemment beaucoup plus proches des Etats-Unis
01:04:43 que de la Chine, mais nous n'avons pas à être alignés
01:04:45 sur les Etats-Unis dans cette confrontation globale
01:04:48 et de long terme qui se met en place.
01:04:50 Je ferme là, mais je pourrais en parler longtemps,
01:04:53 parce que c'est un sujet que je trouve absolument passionnant.
01:04:56 Sur l'Arabie saoudite, là aussi, c'est un sujet très intéressant.
01:05:01 L'Arabie saoudite s'est dégagée de la sphère d'influence américaine.
01:05:05 Voilà, Mohamed Ben Salmane s'est dégagé
01:05:08 de la sphère d'influence américaine
01:05:10 et prétend jouer sa propre partition.
01:05:14 Et sa propre partition, c'est...
01:05:17 L'adversaire stratégique, c'est l'Iran.
01:05:19 De part et d'autre, ils le savent bien.
01:05:22 Mais comment est-ce qu'on peut arriver à un module vivendi avec l'Iran ?
01:05:26 Et c'est un petit peu ce que les Séoudiens et les Iraniens
01:05:29 ont essayé de faire.
01:05:30 Pourquoi ? Parce que les Iraniens...
01:05:32 Le régime iranien est quand même en position de faiblesse
01:05:35 du fait de ses difficultés internes.
01:05:39 Et de nouveau, l'Arabie saoudite ne voulait ne pas dépendre
01:05:43 seulement de la protection américaine
01:05:45 ou même de la protection israélienne.
01:05:47 J'ai toujours été assez surpris, je l'ai dit à plusieurs reprises,
01:05:51 par ces efforts américains
01:05:53 d'intégrer l'Arabie saoudite dans les accords d'Abraham.
01:05:57 Parce que, soyons francs,
01:05:59 les Séoudiens et les Israéliens couchent ensemble depuis 20 ans.
01:06:03 Vraiment, moi, je suis allé à Riyadh,
01:06:05 j'ai rencontré des Israéliens portant kippah,
01:06:09 portant kippah et visiblement,
01:06:11 venant avec leur propre avion régulièrement à Riyadh.
01:06:16 D'une certaine manière, les Américains demandent
01:06:19 de proposer qu'on officialise une liaison
01:06:22 et qu'on en fasse un mariage.
01:06:24 Mais voilà.
01:06:26 Ce qui fait que les Américains étaient un peu les demandeurs.
01:06:29 C'est ça qui était extraordinaire.
01:06:31 Et que, déjà, aux États-Unis, on s'inquiétait du prix
01:06:34 que les États-Unis allaient payer,
01:06:36 que l'administration Biden allait payer,
01:06:38 notamment en termes de nucléaire,
01:06:40 parce que l'Arabie saoudite demandait l'accès
01:06:42 à la technologie nucléaire de par les Américains.
01:06:47 L'Arabie saoudite demandait aussi des livraisons massives d'armes.
01:06:50 Donc, on avait, de manière curieuse,
01:06:53 un peu, surtout les Américains,
01:06:55 les Américains étaient plutôt demandeurs.
01:06:57 L'Arabie saoudite s'engageait dans cette voie
01:06:59 sans enthousiasme particulier.
01:07:02 Les Séoudiens ont un problème en particulier,
01:07:05 qui est le problème du dom-du-roc-mont-du-temple,
01:07:11 puisqu'ils prétendent, évidemment,
01:07:13 jouer un rôle central dans le monde musulman.
01:07:18 Et donc, ils s'inquiètent toujours un petit peu
01:07:21 de certains projets de mouvements extrêmement marginaux
01:07:26 en Israël.
01:07:28 Et donc, ils s'hésitaient à s'engager,
01:07:31 parce que s'il y avait le moindre incident ensuite,
01:07:34 et il y en a, régulièrement,
01:07:36 ils auraient été obligés d'apparaître comme tolérés
01:07:40 ou ne pas tolérés.
01:07:41 Et donc, il y avait une évidente hésitation
01:07:44 du côté d'Obama Ben Salmane
01:07:47 de s'engager dans cette voie.
01:07:50 Mais c'est un changement de nouveau qu'il y ait,
01:07:53 comme je l'ai dit, que les Séoudiens et Israéliens
01:07:56 soient simplement...
01:07:58 que ce soit une liaison ou un mariage.
01:08:00 La réalité, c'est qu'il y a un véritable alignement géostratégique
01:08:04 entre les monarchies du Golfe et l'État d'Israël,
01:08:07 que cet alignement géostratégique était dirigé avant tout
01:08:10 contre l'Iran,
01:08:11 et que, jusqu'à maintenant, ils résistent,
01:08:15 ce qui prouve qu'il correspond à des réalités fortes,
01:08:19 alors que l'on bombarde Gaza
01:08:22 et que des grandes manifestations ont lieu
01:08:27 dans les rues des pays arabes.
01:08:30 Je vous remercie.
01:08:32 Nous devons avancer un peu plus vite.
01:08:35 -Excusez-moi. -Non, pas du tout.
01:08:37 C'est passionnant.
01:08:38 M. Frédéric Petit, pour le groupe Modem.
01:08:41 -Merci, M. le Président.
01:08:43 M. l'Ambassadeur, je voudrais commencer
01:08:45 par noter la qualité des débats
01:08:48 et remercier mon président et l'ensemble des collègues
01:08:50 pour la qualité de ces débats, qui sont liés à la qualité
01:08:52 et à la fluidité de vos interventions et de vos réponses.
01:08:55 C'est extrêmement plaisant.
01:08:56 Vous avez répondu à la question que je voulais vous poser.
01:08:58 Vous avez répondu de manière un peu, vous dites, désespérée.
01:09:01 Je dirais pessimiste, qui était sur la Cisjordanie,
01:09:03 où j'ai souvent considéré, moi,
01:09:05 dans les passages que j'ai faits dans cette région,
01:09:07 que j'étais plus impressionné par la haine
01:09:10 entretenue en Cisjordanie qu'à Gaza,
01:09:12 où à Gaza, c'était plutôt un problème de misère, je trouvais,
01:09:14 et de désorganisation.
01:09:16 Je voudrais donc... Voilà, vous avez utilisé le mot "apathie"
01:09:19 d'une partie de l'opinion israélienne
01:09:21 qui m'éclaire pas mal, que je trouve assez juste.
01:09:24 Vous avez parlé de statu quo.
01:09:25 Je pense quand même que le statu quo
01:09:28 était un statu quo du grignotage,
01:09:29 donc qui n'était pas vraiment un statu quo.
01:09:31 Donc je suis... Voilà, je ne sais pas si le mot "statu quo"
01:09:34 est le bon, dans ce qui est intéressé.
01:09:36 Mais enfin, vous avez répondu à cette question.
01:09:39 Puisqu'on a du mal à aller vers l'avenir,
01:09:40 il y a deux questions où j'aimerais votre témoignage,
01:09:42 qui sont des questions qui sont plutôt liées à des constats
01:09:45 que je voudrais que vous nous partagiez,
01:09:46 parce que vous les connaissez bien.
01:09:48 Puisque là, sur l'avenir...
01:09:53 Voilà, quelle est la solution qui est attendue de l'autre côté,
01:09:55 à part faire partir les Palestiniens ?
01:09:57 J'ai du mal à voir, donc je ne vous interrogerai pas
01:09:59 sur l'avenir où vous avez répondu.
01:10:01 Sur le passé et la situation présente,
01:10:02 j'ai d'abord une question.
01:10:04 J'étais moi... J'habitais dans cette région
01:10:07 dans les années 2010-2015.
01:10:09 On a parlé d'un printemps arabe palestinien
01:10:12 qui était un peu sous les radars.
01:10:14 Quel est votre regard là-dessus ?
01:10:15 Est-ce qu'il y a eu un printemps arabe palestinien ?
01:10:16 Est-ce qu'il y a des forces qui ont émergé ?
01:10:19 Est-ce qu'il y a quelque chose qui est resté ?
01:10:21 Voilà, j'ai eu un regard assez lointain,
01:10:25 mais je voudrais avoir votre regard
01:10:27 sur l'existence réelle d'un printemps arabe palestinien ou pas
01:10:31 et qu'est-ce qui en est resté.
01:10:32 Et deuxièmement, une question qui pourrait paraître éloignée,
01:10:36 mais qui me paraît, moi, parfois centrale,
01:10:37 surtout pour un Européen, convaincu.
01:10:41 Comment est gérée l'eau en Cisjordanie aujourd'hui ?
01:10:43 Quels sont les problèmes liés à l'eau,
01:10:45 à la gestion de l'eau aujourd'hui en Cisjordanie,
01:10:47 vu de quelqu'un qui a passé de longues années sur ce terrain ?
01:10:49 Je vous remercie.
01:10:51 Deux questions précises.
01:10:53 Oui, en ce qui concerne...
01:10:55 Je vais vous permettre de répondre rapidement.
01:10:57 En ce qui concerne les Palestiniens, comme je l'ai dit,
01:11:01 je pense qu'il y a là un terrain
01:11:03 pour l'Union européenne, pour aussi les parlementaires.
01:11:07 Il y a un terrain pour essayer, justement,
01:11:09 d'avoir des relations avec une jeune génération palestinienne.
01:11:14 Je sais qu'elle existe en Cisjordanie.
01:11:16 J'ai rencontré ces gens extraordinaires
01:11:19 qui parlent parfaitement l'hébreu, l'arabe et l'anglais
01:11:21 et qui font des études, qui ont fait des études supérieures.
01:11:25 Le seul avenir, il faut bien dire, est de partir
01:11:27 et d'aller travailler dans les monarchies du Golfe,
01:11:30 où ils ont plus ou moins pris la succession des Libanais.
01:11:33 Ils font fonctionner les monarchies du Golfe.
01:11:36 Donc, oui, il faut essayer de voir...
01:11:40 Le problème de Gaza, évidemment, c'est que c'est le Hamas
01:11:42 qui, lui, a étouffé absolument toute protestation.
01:11:45 Et donc, c'est assez différent.
01:11:50 Le combat pour l'eau est un combat essentiel
01:11:52 parce que, si vous regardez la géographie,
01:11:55 de la région, vous voyez que la Cisjordanie
01:11:57 est une sorte de château d'eau
01:11:59 qui approvisionne au-dessus de la plaine côtière,
01:12:02 qui, elle, est l'État d'Israël.
01:12:04 Et donc, les Israéliens, il faut bien dire,
01:12:07 ont pris le contrôle des ressources en eau.
01:12:11 Je ne me rappelle pas les proportions de l'utilisation de l'eau,
01:12:14 mais la majorité de l'eau de Cisjordanie
01:12:17 est utilisée soit par l'État d'Israël,
01:12:19 soit par les implantations.
01:12:23 Vous savez, il y a toute une...
01:12:25 Il faudrait parler vraiment de cette colonisation
01:12:29 parce que, par exemple, l'Union européenne
01:12:32 finance des projets de développement,
01:12:34 des projets de développement, par exemple, des puits,
01:12:36 ou même des projets de développement, de construction.
01:12:41 Et souvent, ils sont détruits par les bulldozers israéliens
01:12:45 parce qu'Israël n'accorde aucun permis de construire, par définition.
01:12:50 Ce qui veut dire que les Palestiniens,
01:12:52 évidemment, la population croit,
01:12:54 mais on ne leur accorde pas des permis de construire.
01:12:57 De toute manière, tout est fait,
01:12:58 pour qu'ils comprennent que leur seule solution, c'est de partir.
01:13:02 Donc, il y a...
01:13:03 Et moi, depuis maintenant quasiment 40 ans,
01:13:07 je dis que nous devrions être beaucoup plus énergiques
01:13:11 sur ce sujet, sur le sujet de la colonisation.
01:13:14 C'est une violation flagrante de la 4e Convention de Genève.
01:13:18 Et de surcroît.
01:13:20 Et là, je ne fais pas de la morale, parce que d'abord,
01:13:22 je suis un diplomate amoral,
01:13:24 dont je dis plus clairement...
01:13:26 -Pas de pléonasme. -Oui, pas de pléonasme.
01:13:29 Je vous remercie, M. le Président.
01:13:31 Hélas, non, c'est pas un pléonasme.
01:13:33 Certains de mes collègues prétendent être moraux.
01:13:36 Plus sérieusement,
01:13:38 ce que la colonisation prétend faire, veut faire,
01:13:42 c'est rendre impossible le compromis territorial
01:13:45 en mitant, vous savez, au sens de...
01:13:47 En mitant la Cisjordanie, d'une certaine manière,
01:13:50 ça rend aucun gouvernement israélien...
01:13:53 On ne sera capable d'envoyer l'armée
01:13:55 pour chasser 10, 30, 40, 50 000, 60 000 colons.
01:14:00 Donc il y a là un problème politique.
01:14:02 La colonisation, c'est aussi...
01:14:04 C'est évidemment la dépossession des Palestiniens,
01:14:07 mais c'est aussi un problème politique
01:14:09 contre la solution des deux États.
01:14:12 -C'est très intéressant, très clair, très intéressant.
01:14:15 M.... Pour les socialistes, M. Alain David,
01:14:18 qui est député de la Gironde.
01:14:20 -Merci, M. le Président, M. l'Ambassadeur.
01:14:23 Merci tout d'abord pour votre éclairage
01:14:24 sur la situation au Proche-Orient,
01:14:28 que vous connaissez très bien,
01:14:30 pour y avoir exercé à plusieurs reprises
01:14:32 au cours de votre carrière de diplomate,
01:14:35 et également depuis que vous êtes retiré.
01:14:37 La gravité des événements en cours en Israël
01:14:41 et dans les territoires palestiniens
01:14:42 nous conduit à multiplier les auditions,
01:14:45 et nous avons ainsi pu percevoir et apprécier
01:14:48 au plus près le glissement de la parole présidentielle
01:14:52 vers cette demande salutaire de cesser le feu.
01:14:55 La voie de la France est nécessaire,
01:14:58 mais malheureusement risque d'être insuffisante
01:15:02 pour espérer un apaisement à court terme.
01:15:06 Je vais donc prendre un peu de recul
01:15:08 par rapport à l'urgence de la situation
01:15:11 et aux questions sécuritaires, humanitaires et diplomatiques
01:15:14 pour vous interroger sur les conséquences à long terme
01:15:17 sur la politique intérieure d'Israël.
01:15:20 A votre avis, est-ce que l'attaque du 7 octobre
01:15:23 va renforcer l'approche excluante
01:15:26 du Premier ministre Netanyahou,
01:15:28 ou est-ce que ce coup de tonnerre va, au contraire,
01:15:31 inciter les Israéliens à reconsidérer plus sérieusement
01:15:35 la piste des 2 Etats comme perspective
01:15:37 à une coexistence pacifique, même lointaine,
01:15:41 avec un nouveau gouvernement ?
01:15:43 -Monsieur le député...
01:15:45 -Je pense que...
01:15:47 -Coupe ton... Merci.
01:15:50 -Monsieur le député, je pense qu'à très court terme,
01:15:54 comment réagiraient les Français
01:15:56 si on avait massacré, torturé à mort 10 000 Français ?
01:15:59 Ensuite, ça ne porte pas tellement...
01:16:02 -Après le deuil.
01:16:03 -Après le deuil, mais je ne sais pas combien de temps il durera.
01:16:06 De nouveau, comme je le disais,
01:16:08 j'ai déjeuné hier avec des amis israéliens
01:16:11 et c'est l'impression, c'est le deuil,
01:16:13 c'est la colère, c'est la peur,
01:16:16 c'est l'affolement.
01:16:18 Vous savez, ces amis israéliens, qu'est-ce qu'ils venaient faire ?
01:16:22 Ils venaient installer leurs enfants chez les grands-parents.
01:16:26 Parce qu'à l'heure actuelle, on parle de Gaza, évidemment,
01:16:29 mais tous les jours, il y a des alertes sur Tel Aviv,
01:16:34 des roquettes lancées, voilà.
01:16:36 Donc on est dans cet état d'esprit
01:16:38 et je ne vois pas vraiment demain
01:16:41 les palestiniens, les israéliens dire
01:16:43 "On va négocier, on va faire des concessions."
01:16:45 Je dirais à court terme.
01:16:47 Deuxième court terme, également,
01:16:49 c'est sans doute le départ de M. Netanyahou.
01:16:51 Tous les sondages prouvent
01:16:53 que le Premier ministre est vraiment considéré comme responsable.
01:16:57 Donc il y aura sans doute une évolution politique.
01:17:01 Est-ce que ce sera au sein de la même majorité,
01:17:03 qui, je le répète, va jusqu'à l'ultra-droite,
01:17:07 ou est-ce que ce sera un gouvernement plus centriste ?
01:17:10 Ça fait partie des questions,
01:17:13 mais c'est un pays où la gauche a disparu.
01:17:15 Donc même ceux qui reprendraient la place,
01:17:19 succéderaient à Netanyahou,
01:17:21 ne sont pas particulièrement des colombes.
01:17:23 Là aussi, il y a beaucoup de questions.
01:17:28 Et d'une certaine manière, la diplomatie,
01:17:30 ça devrait être de préparer cet après-le-deuil,
01:17:33 d'un moment ou un autre, dans quelques mois,
01:17:36 de dire, "Vous avez vu ce qui est arrivé.
01:17:39 "Ce statu quo, qui n'en est pas un, en effet,
01:17:42 "j'aurais dû le répondre à M. Petit,
01:17:44 "ce statu quo qui n'en est pas un,
01:17:46 "parce qu'en Cisjordanie, ça permet aux colons
01:17:48 "de continuer à grignoter la région,
01:17:51 "de grignoter le territoire,
01:17:53 "dont vous voyez bien que ce statu quo,
01:17:55 "il paraissait confortable, il ne l'est pas du tout."
01:17:58 C'est l'espoir, mais ça veut dire aussi
01:18:00 qu'il faut le dire de l'extérieur.
01:18:02 Je ne suis pas sûr que ça...
01:18:04 Qu'il ne faille pas essayer de susciter un mouvement,
01:18:07 comme je l'ai dit, en travaillant avec les Arabes,
01:18:10 avec les Européens et avec les Américains.
01:18:13 -Oui. Je vous remercie.
01:18:15 Je veux dire, j'ajoute,
01:18:16 pour répondre à M. David,
01:18:19 que ce que vous avez dit tout à l'heure est allé plus loin.
01:18:22 Là, vous dites que le 7 octobre n'a évidemment pas arrangé les choses,
01:18:26 mais ce que vous avez montré dans votre propos liminaire,
01:18:29 c'est que structurellement, cette solution des deux Etats
01:18:32 n'est pas du tout une solution acceptée
01:18:35 pour les raisons très claires, très fortes que vous avez exprimées.
01:18:38 Donc ça rend l'affaire beaucoup plus difficile,
01:18:41 et ça explique l'inquiétude et le scepticisme
01:18:44 de certains d'entre nous par rapport à la solution
01:18:46 que, évidemment, nous appelons de nos voeux.
01:18:49 M. Taché pour le groupe écologiste.
01:18:53 -Merci, M. le président. Chers collègues, M. l'ambassadeur,
01:18:55 d'abord, je veux m'associer au remerciement de mes collègues
01:18:57 pour le plaisir de vous avoir ce matin.
01:19:00 Je crois que c'est l'occasion d'avoir une réflexion
01:19:02 un petit peu approfondie sur la trajectoire
01:19:03 de la politique française au Proche-Orient.
01:19:05 D'abord, un mot général pour dire que la diminution progressive
01:19:08 des fonds alloués à notre arsenal diplomatique interroge
01:19:11 sur notre capacité à encore influencer
01:19:14 sur le cours des événements internationaux.
01:19:15 Elle a certes été légèrement inversée ces dernières années,
01:19:18 mais beaucoup trop faiblement.
01:19:21 Et je crois qu'il est aussi vraiment urgent pour la France
01:19:23 de renouer avec sa tradition humaniste.
01:19:24 Sur la question d'Israël et de la Palestine,
01:19:26 vous avez toujours défendu une solution à 2 Etats.
01:19:28 Votre opposition n'a d'ailleurs pas faibli,
01:19:30 mais l'évolution récente de la politique française
01:19:32 depuis les attentats du 7 octobre,
01:19:34 soulignée par la note collective des ambassadeurs
01:19:36 qu'évoquait mon collègue Le Gall,
01:19:38 semble avoir suscité le malaise de dizaines de diplomates,
01:19:40 si on croit même le journal Le Monde.
01:19:42 Et c'est aussi le cas de nombreux parlementaires
01:19:43 dont je fais partie.
01:19:44 Le président Macron a en effet d'abord promu
01:19:46 un soutien inconditionnel à Israël
01:19:47 et a proposé, selon un raisonnement
01:19:49 qui défie toute logique,
01:19:51 une coalition internationale,
01:19:53 que la coalition internationale qui lutte contre Daesh
01:19:54 soit étendue au Hamas.
01:19:56 Il a ensuite appelé à une trêve qui, rappelons-le,
01:19:57 n'est pas un cessez-le-feu,
01:19:59 avant de finalement s'y résoudre il y a 4 jours
01:20:01 pour appeler le lendemain Benyamin Netanyahou
01:20:03 pour s'en excuser.
01:20:04 Cette position, à mon sens, elle traduit
01:20:06 un manque de vision à tout le moins.
01:20:08 Et les fluctuations et les revirements de position
01:20:10 nuisent à notre crédibilité.
01:20:13 La France, qui était autrefois un pilier
01:20:14 de la diplomatie mondiale,
01:20:15 semble désormais naviguer son boussole.
01:20:16 Donc j'aurais plusieurs questions.
01:20:18 D'abord, Sébastien Lecornu, le ministre des Armées,
01:20:21 entame une tournée au Moyen-Orient, très bien,
01:20:23 mais est-ce que, finalement,
01:20:25 cette décision prise par le président Macron
01:20:27 ne symbolise pas un recul de la diplomatie
01:20:29 au profit d'une approche un peu plus militarisée ?
01:20:32 Ensuite, sur l'engagement historique de la France
01:20:34 pour une solution à 2 Etats,
01:20:36 ma conviction personnelle, monsieur l'ambassadeur,
01:20:38 est qu'elle est en réalité incompatible
01:20:40 avec la politique de soutien
01:20:41 à ce que vous avez vous-même appelé
01:20:43 un nettoyage ethnique au détail,
01:20:45 actuellement mené en Palestine,
01:20:47 et que la presse israélienne elle-même décrit
01:20:49 comme n'étant pas destinée à mettre fin au terrorisme
01:20:51 ou à libérer les otages,
01:20:52 mais bel et bien à enterrer toute forme de création
01:20:54 d'un Etat palestinien. Donc que pouvons-nous faire
01:20:56 pour contrer cela ? Est-ce que, par exemple,
01:20:58 il ne serait pas temps pour la France
01:21:00 de reconnaître l'Etat de Palestine,
01:21:02 comme l'Assemblée nationale et le Sénat l'y invitent
01:21:03 depuis 2014 et 2016 ?
01:21:05 Enfin, dernière question, vous avez indiqué
01:21:07 qu'il faudrait de nouveaux interlocuteurs
01:21:09 pour que le processus de paix ait une chance d'aboutir.
01:21:11 Je suis d'accord avec vous, évidemment,
01:21:13 mais en Palestine, il n'y a pas eu d'élection depuis 15 ans.
01:21:16 Et pourquoi la raison avancée par les Palestiniens
01:21:19 est que Jérusalem-Est ne peut pas faire l'objet d'un scrutin
01:21:22 parce qu'il y a un blocage d'Israël ?
01:21:23 Est-ce que, sur ce point, vous partagez cette analyse
01:21:25 et que la France peut-elle faire pour débloquer cette situation ?
01:21:29 Merci.
01:21:30 -Voilà. Feu roulant de questions.
01:21:32 -Merci, monsieur le député.
01:21:36 Non. En ce qui concerne le ministre de la Défense,
01:21:39 le ministre des Armées, aujourd'hui,
01:21:41 madame Colonna s'est rendue sur place.
01:21:44 Elle a fait aussi... Elle est allée à plusieurs...
01:21:46 Maintenant, deux reprises, au moins.
01:21:47 Le président de la République est allé.
01:21:48 Donc le ministre des Armées y aille.
01:21:50 Il ne me semble pas totalement...
01:21:53 Il ne me semble pas inutile.
01:21:55 S'il n'y a pas eu d'élection depuis 2006,
01:21:56 ce n'est pas lié du tout à Jérusalem-Est.
01:21:58 C'est que les élections de 2006
01:22:00 avaient entraîné la victoire du Hamas partout.
01:22:03 Et que...
01:22:04 Alors, là, c'est un peu de l'histoire
01:22:06 parce que, vous savez, donc, j'étais l'ambassadeur
01:22:10 et on apprend la victoire du Hamas partout,
01:22:12 aussi bien en Cisjordanie qu'en...
01:22:15 C'est 2006.
01:22:16 Et donc, évidemment, je me dis, zut,
01:22:20 quelles vont être les conséquences là-dessus ?
01:22:23 Et avant même que je prenne ma...
01:22:26 C'était un dimanche.
01:22:28 Avant même que j'appelle Paris,
01:22:30 les Israéliens m'appellent en me disant,
01:22:32 "Formidable, Jacques Chirac a dit,
01:22:34 "on ne parle pas au Hamas,
01:22:35 "la France ne parlera pas au Hamas,
01:22:37 "sauf si le Hamas reconnaît Israël,
01:22:39 "reconnaît les accords d'Oslo et renonce à la violence."
01:22:43 Et d'une certaine manière, c'était...
01:22:44 Alors, moi, ça m'arrangeait comme ambassadeur d'Israël,
01:22:47 mais bon, voilà, c'était d'une certaine manière
01:22:48 fermer le banc. Voilà. Fermer le banc.
01:22:51 Alors, peut-être que je choquerais certains d'entre vous,
01:22:53 mais je ne suis pas sûr qu'en 2006,
01:22:54 on n'ait pas eu intérêt à parler au Hamas. Voilà.
01:22:57 Mais ça, c'est une question
01:22:59 auxquelles on ne peut pas répondre naturellement.
01:23:02 Donc, c'est là, le problème, c'est que depuis 2006...
01:23:04 -La France a tout à fait suivi
01:23:06 vos interlocuteurs israéliens.
01:23:08 -Ah ben oui. -Elle s'est conformée.
01:23:09 -Ah, totalement. Et même, ça s'est fait dans, je dirais,
01:23:12 une heure après le résultat des élections.
01:23:15 Et c'était Jacques Chirac, ce n'était pas Nicolas Sarkozy.
01:23:17 Donc, une heure après le résultat des élections,
01:23:19 je n'avais même pas eu le temps d'appeler Paris.
01:23:22 Et donc... Et si il n'y a pas eu d'élection,
01:23:24 c'est tout simplement parce que l'autorité palestinienne
01:23:28 et les Israéliens n'en veulent pas
01:23:29 parce que de peur de la victoire du Hamas.
01:23:31 Depuis 2006, on en est là.
01:23:33 C'est le refus.
01:23:37 Et c'est pour ça que vous avez une autorité palestinienne
01:23:38 complètement discréditée,
01:23:40 dont on peut se demander s'il n'y en a pas
01:23:41 une annexe de services israéliens, entre nous, aujourd'hui.
01:23:44 Et de l'autre côté, vous avez eu cette escalade.
01:23:47 Parce que, au fond, ce qui est arrivé le 7 octobre,
01:23:51 c'est une séquence, ce n'est pas un acte isolé.
01:23:54 Nous avons eu aussi des affrontements déjà en 2011,
01:23:59 en 2008, en 2011, en 2014, en 2021 autour de Gaza,
01:24:03 où le Hamas lançait des volets de roquettes à l'aveugle
01:24:10 sur le territoire israélien.
01:24:13 Au fond, ce qui sépare cette attaque des précédentes,
01:24:16 c'est qu'elle a réussi.
01:24:17 Elle a réussi, d'abord, son ampleur, sans doute,
01:24:20 et aussi son succès, totalement sans succès.
01:24:22 Donc, on était, vous voyez, une sorte de...
01:24:25 Au fond, à Ramallah, l'autorité palestinienne disait,
01:24:29 "Bon, ben voilà, le Hamas, c'est Gaza."
01:24:31 Disons bien, les Palestiniens du Hamas
01:24:34 et les Palestiniens de l'autorité palestinienne s'entretuent.
01:24:37 Ce n'est pas une rivalité politique.
01:24:40 Encore, peut-être entre les partis politiques français,
01:24:42 ça pourrait, mais entre le Hamas et la...
01:24:45 Vous n'avez pas encore atteint ce stade.
01:24:48 Et donc, ils s'entretuent.
01:24:50 Et moi, je peux vous dire, j'en ai eu la preuve,
01:24:52 certaines cibles de Gaza
01:24:54 étaient données par l'autorité palestinienne aux Israéliens,
01:24:58 en disant, "Voilà, ils sont là, le Hamas, tapez dessus."
01:25:01 Donc, vous voyez l'ambiance dans laquelle on est.
01:25:06 Autre question, monsieur le député ?
01:25:08 -Votre position sur la reconnaissance
01:25:10 du l'État palestinien ?
01:25:11 -Alors, là, moi, j'appartiens à une catégorie assez rare
01:25:14 au Quai d'Orsay.
01:25:15 Je ne dis pas que ça serve à quelque chose.
01:25:17 Et franchement, la reconnaissance,
01:25:21 je ne vois pas à quoi ça servirait.
01:25:23 C'est tout. Vous voyez, c'est...
01:25:24 Mais de nouveau, on peut le faire, on peut le concevoir.
01:25:26 C'est un acte politique.
01:25:28 On peut concevoir un acte symbolique politique.
01:25:30 Et là, je dirais, c'est aux autorités politiques de le faire.
01:25:33 Si ça s'intègre aussi, peut-être, dans une démarche plus vaste,
01:25:37 pourquoi pas ?
01:25:38 Mais honnêtement, d'un point de vue professionnel,
01:25:40 ça ne sert pas à grand-chose. Voilà.
01:25:42 C'est...
01:25:44 Mais nous avons soutenu, par exemple, aux Nations unies,
01:25:46 le fait que l'OLP devenait observateur,
01:25:51 état observateur au sein des Nations unies.
01:25:53 Ça, nous l'avions...
01:25:54 C'est même moi qui ai levé la main pour la France.
01:25:58 -Bien. C'est très clair,
01:26:01 ce souci de fonctionnalité et d'efficacité.
01:26:05 Tout à votre honneur.
01:26:06 M. Lecoq, pour la gauche démocrate et républicaine.
01:26:09 (Propos inaudibles)
01:26:14 -Pardon.
01:26:15 -Moi, le temps que c'est pas rouge, je n'interviens pas.
01:26:20 Merci, M. l'ambassadeur.
01:26:22 -Il a les feux verts, M. Lecoq.
01:26:23 -Merci, M. l'ambassadeur, pour vos propos.
01:26:27 D'abord, parce qu'il nous rappelle
01:26:30 qu'il y avait une histoire avant le 7 octobre,
01:26:33 avant le drame du 7 octobre.
01:26:35 Et ces dernières semaines,
01:26:37 on avait l'impression que toute l'histoire
01:26:40 commençait le 7 octobre.
01:26:42 Alors, vous nous avez bien montré
01:26:44 que depuis le 7 octobre,
01:26:47 c'est une autre histoire qui commence, certes.
01:26:50 Et j'apprécie beaucoup l'éclairage
01:26:52 que vous nous donnez ce matin sur ce sujet-là.
01:26:56 Sur la question du statu quo,
01:26:59 je fais partie de ceux qui peuvent pas considérer
01:27:02 qu'il y avait un statu quo.
01:27:03 Parce que je fais partie de ceux, et il y en a ici,
01:27:06 qui, pendant des décennies, ont alerté,
01:27:10 qui, pendant qu'il n'y avait ni guerre ni paix,
01:27:12 ont alerté sur le fait de faire évoluer la situation.
01:27:15 Il y a beaucoup de dirigeants politiques français,
01:27:19 des dirigeants importants,
01:27:20 qui parlent de Gaza comme d'une prison à ciel ouvert,
01:27:22 ou qui parlaient de Gaza comme d'une prison à ciel ouvert.
01:27:24 Comment on peut considérer que des gens
01:27:26 peuvent vivre éternellement dans une prison à ciel ouvert,
01:27:30 qu'il y aurait un statu quo, que ça marcherait comme ça ?
01:27:32 C'est pas possible.
01:27:34 Et tout le monde... Ou alors s'il y avait
01:27:36 une naïveté internationale, israélienne peut-être,
01:27:39 pour considérer que ça pouvait tenir.
01:27:41 Et je peux pas croire qu'il y avait une naïveté.
01:27:44 Et donc, on a essayé jusqu'au bout, jusqu'à l'année dernière,
01:27:46 jusqu'au fait de dénoncer la politique israélienne,
01:27:49 qui, comme le disait l'ONU,
01:27:51 pouvait s'apparenter à de la partaille,
01:27:54 pouvait... Tout ça mis bout à bout
01:27:56 et sans réaction internationale forte à chaque fois,
01:28:00 ne pouvait que conduire à des drames, selon moi.
01:28:03 Et peut-être selon vous aussi.
01:28:05 Et donc, il est important,
01:28:08 et c'est étonnant pour Israël,
01:28:10 qui était attentif à sa sécurité et tout,
01:28:12 de ne pas mesurer,
01:28:13 parce que je veux bien qu'ils soient paranoïaques,
01:28:15 mais si en plus, ils sont naïfs, c'est une...
01:28:19 Enfin, vraiment, être dirigé par des gens comme ça,
01:28:21 ça m'inquiète.
01:28:22 Et puis, on a eu une petite discussion hier
01:28:24 dans cette commission, et ça donnera la continuité,
01:28:27 où je questionnais sur y a-t-il un avenir
01:28:31 pour un Etat palestinien ?
01:28:32 La solution à 2 Etats, est-elle crédible ?
01:28:35 Et pour qu'il y ait solution à 2 Etats,
01:28:37 il faut qu'il y ait reconnaissance de l'Etat palestinien.
01:28:40 Pour qu'il y ait discussion et mise autour de la table,
01:28:42 il faut qu'il y ait un Etat qui parle à un Etat.
01:28:45 Je pense que ça commence aussi par ça.
01:28:47 Et on avait la possibilité de le faire depuis des décennies.
01:28:50 L'Assemblée nationale nous y avait invités.
01:28:52 Et... Ouais, je sais.
01:28:54 -Je n'ai rien dit. -Ouais, mais ça suffit.
01:28:56 Ouais, mais je sais bien, vous n'avez rien dit,
01:28:58 mais vous avez fait le geste.
01:29:00 Je suis très sensible à vos gestes, M. le Président.
01:29:03 Le geste qu'a fait le Président, c'était pour m'inviter à m'arrêter.
01:29:05 Mais comme on est obligé de poser nos mots,
01:29:09 comme on est obligé de prendre beaucoup de précautions
01:29:11 pour parler de cette situation,
01:29:13 parce qu'on voit bien le contexte dans lequel on est,
01:29:15 le climat dans lequel on est,
01:29:17 le temps qui nous est imparti pour le faire
01:29:18 est toujours très compliqué.
01:29:20 Sauf à bien poser ses mots, à les écrire et à les lire.
01:29:22 Moi, j'essaye de ne pas le faire le plus possible,
01:29:26 parce que je pense que ça me permet de m'adapter
01:29:28 à ce que vous avez dit, justement,
01:29:30 et à ce qui s'est dit par mes collègues.
01:29:32 Donc ça nécessite parfois quelques secondes de plus.
01:29:35 Merci, M. le Président.
01:29:36 -Je vous remercie, M. le député.
01:29:38 Je suis tenté, en vous écoutant, de rappeler
01:29:40 que pour un certain nombre de gens, dont moi,
01:29:43 je crois que la naïveté est la forme la plus élaborée du cynisme.
01:29:47 M. l'Ambassadeur...
01:29:49 Non, de nouveau, il y a...
01:29:52 Vous avez... Je suis toujours analytique.
01:29:56 Face à un problème, il faut essayer de voir
01:29:58 quelles sont les solutions concevables.
01:30:00 Les solutions concevables, c'est la solution à deux états,
01:30:04 la solution à un état, pas de solution.
01:30:07 Parce qu'honnêtement, vous savez,
01:30:09 je vais être cynique à défaut d'être naïf,
01:30:12 mais le nombre de fois où on m'a dit
01:30:14 "Ah, ça ne sera plus comme avant",
01:30:16 et puis ça a été comme avant.
01:30:18 C'est-à-dire, vous voyez, voilà...
01:30:20 Donc on ne peut pas non plus exclure que l'on ne revienne pas,
01:30:23 d'une manière ou d'une autre, après 10 000 morts,
01:30:27 qu'on ne revienne pas à une situation
01:30:29 qui soit plus ou moins la même chose,
01:30:31 parce qu'on ne voit pas de manière de progresser.
01:30:38 Moi, je sais bien que là, ce que je dis peut choquer tout le monde,
01:30:42 ou dire "C'est pas possible".
01:30:44 Mais j'ai connu tellement de crises où on m'a dit
01:30:46 "Rien ne sera comme avant", alors que tout a été comme avant,
01:30:48 que je dirais, voilà, nous ne pouvons pas exclure le retour.
01:30:53 En effet, un statu quo, qui n'était pas un statu quo,
01:30:55 comme je l'ai dit et comme M. Petit l'avait dit également.
01:30:59 La solution à un État,
01:31:01 je dirais que, personnellement, dans le meilleur des mondes,
01:31:03 ce serait sans doute la meilleure,
01:31:05 mais elle est totalement hors de question,
01:31:08 parce que ce serait évidemment la fin d'Israël,
01:31:10 la fin d'Israël comme l'État juif,
01:31:13 et c'est quand même la raison d'être d'Israël,
01:31:15 c'est quand même d'être l'État juif,
01:31:18 et puis ce serait de mettre deux populations qui se haïssent,
01:31:24 qui de toute façon répondent aussi à des logiques internes
01:31:26 totalement différentes.
01:31:28 Vous connaissez sans doute d'ailleurs
01:31:32 un ancien ambassadeur d'Israël à Paris,
01:31:34 qui est un intellectuel, Elie Barnavi.
01:31:36 - On l'a vu en action, juste après le 7 octobre.
01:31:40 - Voilà, et Elie d'ailleurs parle du gouvernement actuel
01:31:43 comme étant des imbéciles incompétents israéliens actuels.
01:31:47 Mais moi, je me rappelle, en Israël,
01:31:49 il m'avait dit un jour "Non, la seule solution,
01:31:51 c'est un divorce sans affect."
01:31:54 Un divorce sans affect.
01:31:55 C'est vraiment "Vous êtes là, nous sommes là,
01:31:58 et voilà, c'est fini."
01:31:59 - Les deux États, c'est beaucoup plus commun.
01:32:01 - Ah, totalement.
01:32:03 - Ça crée une barrière.
01:32:05 - Or, il y a eu déjà une barrière.
01:32:08 Une barrière de sécurité.
01:32:09 Donc, il ne reste pas... L'État unique est impossible.
01:32:13 Le retour, à mon avis,
01:32:18 me semble être, contrairement à ce que beaucoup disent,
01:32:20 le plus probable, la négociation de deux États,
01:32:23 en effet, c'est ça, sans doute, la bonne solution.
01:32:26 Mais vous savez, s'ils ont échoué...
01:32:28 Parce que les Américains ont quand même essayé pendant 30 ans,
01:32:31 enfin, 20 ans, de conduire la négociation
01:32:33 depuis les accords de Slo, et ça a échoué.
01:32:36 Et honnêtement, je le dis dans le livre que je suis en train d'écrire,
01:32:39 ça ne sert à rien de chercher des responsabilités.
01:32:42 Des deux côtés, ils sont responsables.
01:32:44 Du côté israélien, parce que je suis convaincu
01:32:46 qu'au fond d'eux-mêmes,
01:32:48 ils ne voulaient pas céder la Cisjordanie,
01:32:50 et du côté palestinien, parce qu'ils ont été incapables,
01:32:54 pour multiples raisons, de prendre le contrôle
01:32:58 des groupes terroristes.
01:32:59 Car n'oublions pas qu'un certain nombre d'étapes
01:33:02 où le processus de paix a déraillé,
01:33:04 c'est parce qu'il y a eu des campagnes terroristes
01:33:06 lancées par, notamment, le Hamas, en 1996,
01:33:10 ce qui a amené Netanyahou pour Premier ministre, d'ailleurs.
01:33:14 Ce qui a permis ensuite à Netanyahou de faire dérailler
01:33:16 le processus de Slo.
01:33:18 Donc il y a une alliance, évidemment, entre les extrémistes.
01:33:23 Donc, de nouveau, une chance sur cinq, ça marche,
01:33:25 mais nous devons travailler sur cette solution.
01:33:27 Et il faut travailler dans le temps long
01:33:33 en prenant, je dirais, tous les éléments
01:33:35 et en essayant de les traiter de manière globale.
01:33:38 -Je vous remercie.
01:33:40 Le dernier orateur au titre des groupes,
01:33:43 c'est au titre des non-inscrits, c'est M. Dupont-Aignan.
01:33:46 (Propos inaudibles)
01:33:50 Voilà, ça marche.
01:33:51 -Merci, M. le Président. Merci, M. l'Ambassadeur.
01:33:54 Je ne reviendrai pas sur l'engrenage des tragédies,
01:33:57 l'attaque terroriste abominable du Hamas,
01:34:00 la terrible situation humanitaire à Gaza.
01:34:03 Je ne reviendrai pas sur la politique
01:34:05 de notre pays étrangère qui donne le tournis.
01:34:08 Je crois qu'il est quand même important de rappeler
01:34:10 que seul le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
01:34:13 devrait inspirer notre politique,
01:34:16 même si, vous l'avez expliqué, c'est extrêmement difficile,
01:34:19 le droit d'existence d'Israël, à se défendre aussi,
01:34:21 mais aussi le droit du peuple palestinien
01:34:24 à enfin avoir son Etat.
01:34:27 François Mitterrand, dont je ne suis pas suspect
01:34:29 d'être un admirateur, avait une phrase extraordinaire
01:34:32 qui disait "deux peuples pour une même terre
01:34:34 "avec un dieu de chaque côté".
01:34:36 Et on voit bien que la tragédie du 7 octobre
01:34:40 a détruit l'idée
01:34:45 que l'on pouvait contourner la question palestinienne,
01:34:49 contourner l'occupation des territoires occupés.
01:34:52 Et je crois que ce n'est pas être hostile à Israël,
01:34:56 c'est peut-être même lui rendre service
01:34:58 que de considérer que seule la solution à 2 Etats
01:35:02 peut assurer à terme la sécurité d'Israël
01:35:04 et que la folie actuelle qui s'est emparée de cette région
01:35:08 montre bien qu'après avoir refusé
01:35:10 la situation des 2 Etats, on a une situation pire.
01:35:14 Moi, j'ai 3 questions très précises à vous poser.
01:35:16 Le Hamas, où sont les dirigeants ?
01:35:18 Est-ce qu'ils sont à Gaza ou est-ce qu'ils sont ailleurs ?
01:35:20 Qui les a financés ? Comment ils ont été financés ?
01:35:23 Quelle est la part du gouvernement israélien
01:35:25 dans cette affaire ou d'autres Etats ?
01:35:28 2e question, jusqu'où peut aller l'indifférence
01:35:31 des régimes arabes qui avaient accepté l'accord d'Abraham
01:35:35 vis-à-vis de la souffrance des Palestiniens,
01:35:36 fragilité de l'Egypte sur le plan économique,
01:35:39 possibilité de révolution de palais en Arabie saoudite ?
01:35:43 Quel est votre avis là-dessus,
01:35:44 même si vous en avez abondamment parlé ?
01:35:46 Enfin, 3e point, jusqu'où iront les Israéliens
01:35:50 dans la colonisation de la Cisjordanie,
01:35:52 qui, vous l'avez très bien expliqué,
01:35:53 est faite pour empêcher toute solution d'avenir
01:35:56 et qui est une folie pour la sécurité même d'Israël ?
01:35:59 -Je crois que ce sont 3 questions importantes
01:36:01 qui ont d'ailleurs déjà été assez largement traitées
01:36:04 par notre invité, mais je crois que...
01:36:07 Précisez les choses.
01:36:11 -Alors... -Non, non.
01:36:12 C'est...
01:36:13 -Donc, en ce qui concerne donc la...
01:36:16 -Je vais à la hauteur.
01:36:17 -En ce qui concerne la colonisation en Cisjordanie,
01:36:20 comme je l'ai dit, c'est une violation
01:36:23 du droit international, la 4e convention de Genève,
01:36:26 qui interdit à la puissance d'occupation
01:36:28 de modifier l'équilibre démographique
01:36:31 d'une région occupée.
01:36:33 Je l'ai dit aussi, il y a à peu près 500 000 colons,
01:36:37 mais la grande majorité sont dans des blocs
01:36:40 de colonisation autour de Jérusalem
01:36:42 et pourraient être...
01:36:43 reportés vers Israël,
01:36:46 moyennant des rectifications de frontières
01:36:50 relativement minimes.
01:36:51 En revanche, il y a un certain nombre
01:36:53 d'implantations à l'intérieur de la Cisjordanie,
01:36:57 avec souvent des colons qui sont armés,
01:37:02 voire fanatisés.
01:37:03 Donc là, la question s'oppose,
01:37:05 est-ce qu'un État israélien,
01:37:07 quel qu'il soit, un gouvernement israélien,
01:37:08 serait capable de rapatrier ?
01:37:11 Certains disent, et c'est de la mauvaise foi,
01:37:13 "Vous voulez qu'un État palestinien
01:37:15 "soit Judenrein, soit sans Juifs ?"
01:37:17 Soyons sérieux, on sait très bien
01:37:19 que les colons israéliens n'accepteraient jamais
01:37:21 la loi d'un État palestinien.
01:37:24 Et donc, il est évident
01:37:27 que si on veut créer un État viable et contigue,
01:37:29 il faudrait rapatrier un certain nombre
01:37:31 de colons israéliens.
01:37:33 Et moi, je trouve que c'est extrêmement compliqué.
01:37:35 Aujourd'hui, et de nouveau, je doute
01:37:37 que ce ne soit possible dans les conditions politiques...
01:37:40 dans les conditions politiques...
01:37:42 les conditions politiques actuelles.
01:37:45 En ce qui concerne les pays arabes,
01:37:48 vous savez, ces pays, quand même,
01:37:49 contrôlent assez bien leur population.
01:37:51 Et donc, pour le moment,
01:37:55 les monarchies du Golfe et l'Égypte
01:37:58 sont évidemment... ne sont pas à l'aise,
01:38:00 c'est le moins que l'on puisse dire,
01:38:02 parce que leur population est massivement favorable au Hamas,
01:38:05 mais jusqu'à maintenant, elles ont réussi à tenir
01:38:08 en canalisant, en faisant des réunions,
01:38:11 en faisant des déclarations.
01:38:13 Et il y a aussi une petite musique
01:38:15 qu'il ne faut pas négliger,
01:38:16 une petite musique qui croit,
01:38:18 qui est contre le Hamas,
01:38:20 qui prend la population arabe,
01:38:21 la population de Gaza en otage.
01:38:24 On a de plus en plus des petits films
01:38:26 qui montrent des gens qui ont perdu leur père,
01:38:29 leur mère, leur enfant,
01:38:31 et qui disent, qui hurlent à la télévision,
01:38:32 "C'est la faute du Hamas."
01:38:34 Vous voyez ? Donc il y a aussi...
01:38:35 Et il y a des journalistes dans le monde arabe
01:38:38 qui critiquent le Hamas en disant,
01:38:39 "C'est le Hamas qui est responsable."
01:38:41 Donc, pour le moment,
01:38:44 évidemment, je ne peux pas prévoir
01:38:46 les révolutions de palais,
01:38:47 il y a un seul pays qui a rappelé son ambassadeur,
01:38:50 et c'est très révélateur,
01:38:51 parce que c'est l'État le plus fragile de la région,
01:38:54 c'est le Bahreïn.
01:38:55 Vous savez, le Bahreïn, c'est une minorité sunnite
01:38:57 qui dirige une majorité chiite,
01:38:59 régime évidemment autoritaire.
01:39:01 Et là, ils ont... Voilà.
01:39:03 C'est eux qui ont, dans la région,
01:39:06 qui ont fait leur...
01:39:07 Et en effet, il y a aussi le problème,
01:39:09 la question de la Turquie, qui se pose,
01:39:13 mais là, elle se pose dans le cadre
01:39:14 des ambitions régionales,
01:39:16 régionales ottomanes de la Turquie.
01:39:19 -A Riyad,
01:39:20 les Turcs ont été plus...
01:39:24 Du côté des puissances les plus agressives.
01:39:26 -Totalement. La Turquie a pris une ligne
01:39:28 qui est extrêmement agressive,
01:39:29 extrêmement anti-israélienne,
01:39:32 mais ce n'est pas nouveau. Il y avait déjà eu
01:39:33 une rupture entre Israël et la Turquie.
01:39:36 -Et anti-américaine.
01:39:37 -Et anti-américaine, mais c'est assez étonnant,
01:39:40 parce que, je ne sais pas, vous connaissez peut-être,
01:39:42 l'ambassadeur de Turquie ici est excellent.
01:39:45 Il est d'ailleurs de la promotion de l'ENA
01:39:47 du président de la République,
01:39:49 et donc, il est la Turquie très francophone.
01:39:53 Il est la Turquie francophone et extrêmement policée,
01:39:56 mais quand vous regardez les déclarations
01:39:58 des ministres de Erdogan,
01:40:00 elles sont ahurissantes.
01:40:01 Ce sont des déclarations violemment anti-occidentales.
01:40:04 On voit bien que la Turquie fait partie de ces pays
01:40:06 qui ont recouvré leur puissance.
01:40:09 C'est la fin du moment occidental.
01:40:10 Voilà, la Turquie a toujours été un grand pays.
01:40:13 Il le redevient, et bien, il le redevient
01:40:15 avec les ambitions d'un grand pays.
01:40:21 Excusez-moi, M. le député, la première question ?
01:40:23 Le Hamas.
01:40:25 Le Hamas, on le sait très clairement,
01:40:28 ça a été le soutien, vous savez,
01:40:29 le soutien au mouvement islamiste.
01:40:31 A l'origine, ce sont les services israéliens
01:40:34 qui ont considéré que c'était une manière d'affaiblir l'OLP.
01:40:37 Donc, il y a eu un jeu des services israéliens.
01:40:40 Et ensuite, au Gaza,
01:40:42 le jeu, évidemment, du gouvernement Netanyahou,
01:40:45 c'était diviser pour régner.
01:40:47 Donc, d'un côté, le Hamas gouverne Gaza,
01:40:50 de l'autre, l'autorité palestinienne,
01:40:52 et j'aurais tendance à dire, voilà, c'était tout bénef
01:40:54 pour le gouvernement Netanyahou,
01:40:57 qui, du coup, laissait l'argent couler depuis le Qatar.
01:41:02 C'est le Qatar qui... L'argent coulait.
01:41:05 Alors, ce que les Israéliens ne savaient pas,
01:41:07 ou savaient, ou ne pouvaient rien faire,
01:41:08 c'est que les armes, elles, coulaient par la frontière égyptienne.
01:41:12 Parce qu'on oublie quand même que le Gaza,
01:41:15 ce n'est pas un blocus israélien,
01:41:17 c'est un blocus israélo-égyptien.
01:41:19 Et comme vous le savez, je dirais que le douanier égyptien
01:41:23 n'est pas totalement imperméable
01:41:26 au moyen financier.
01:41:29 Il n'est pas le seul, sans doute,
01:41:31 mais en particulier étant donné les salaires des Égyptiens.
01:41:34 Et donc, les armes, le flot des armes,
01:41:37 et peut-être de l'argent iranien,
01:41:38 passait par le côté égyptien,
01:41:41 pendant que l'argent du Hamas,
01:41:43 avec le soutien du gouvernement israélien,
01:41:47 allait au Hamas également.
01:41:50 Bien, je vous remercie.
01:41:53 Nous avons peu de temps.
01:41:54 Nous avons encore... Les groupes se sont exprimés.
01:41:57 Nous avons encore 5 parlementaires
01:42:00 qui ont demandé la parole,
01:42:01 donc dans un délai plus bref, d'une minute.
01:42:04 Mais je vais commencer,
01:42:05 et je vais sans doute lui laisser un peu plus de temps,
01:42:07 parce qu'il a quand même un statut assez particulier.
01:42:11 Je crois d'ailleurs que vous avez rompu quelques lances avec lui.
01:42:14 Le député des Français de l'étranger de l'État d'Israël,
01:42:18 qui va parler en premier, qui est M. Meir Habib.
01:42:21 -Il n'est pas député des Français de l'État d'Israël.
01:42:24 -Comment ? -Il n'est pas député.
01:42:25 -Il est député des Français de l'État d'Israël.
01:42:27 -J'ai l'honneur d'avoir été élu à 4 reprises
01:42:30 par les 180 000 Français d'Israël
01:42:34 qui m'ont élu au 2e tour entre 80 et 90 % sur 4 élections,
01:42:39 ce qui me donne une certaine légitimité
01:42:40 pour parler en leur nom.
01:42:42 M. l'ambassadeur, M. le président,
01:42:45 en peu de temps que j'ai, ma conviction absolue,
01:42:48 nous devons changer de logiciel.
01:42:50 Cette guerre n'est pas une guerre de territoire,
01:42:53 c'est une guerre de civilisation.
01:42:55 Israël est sorti de la bande de Gaza, du Liban, du Sinaï,
01:42:59 était prêt à signer les accords d'Oslo.
01:43:01 Hélas, la haine du juif, et je l'ai dit,
01:43:05 l'afrodisiac du monde n'aura pas de leur leader.
01:43:08 Leur leader, on a voulu d'ailleurs casser les accords d'Abraham.
01:43:12 Je ne sais pas s'ils y arriveront ou pas,
01:43:14 mais hélas, je le vois dans ces manifestations à Paris,
01:43:16 dans le tronquerie en permanence,
01:43:18 du Jourdain à la Méditerranée.
01:43:21 Par ailleurs, donc c'est ma conviction absolue,
01:43:23 qu'en ne changeant pas aujourd'hui ce logiciel,
01:43:27 nous n'arriverons à rien.
01:43:28 Israël est sorti jusqu'au dernier centimètre carré
01:43:31 de la bande de Gaza.
01:43:32 Sharon, que j'ai bien connue, a décidé de tout faire
01:43:35 pour arriver à une paix qu'il n'a pas réussi à faire.
01:43:38 Un mot, je vous le dis, je le redis fortement,
01:43:41 un juif ne sera jamais un colon en judaïs.
01:43:44 Un Français peut être colon en Algérie, au Togo,
01:43:48 un Britannique en Rhô-des-Ys,
01:43:50 mais un juif ne sera jamais un colon en judaïs.
01:43:54 Il ne faut pas avoir des territoires contestés.
01:43:56 Vous êtes un fin connaisseur,
01:43:57 de revenir aux accords Saïd Spicot,
01:43:59 de savoir ce qu'était la Palestine avant 1923,
01:44:02 avant la déclaration de Baltour,
01:44:03 le cadeau du ministre des Colonies,
01:44:05 Churchill, à l'émir Abdallah,
01:44:06 on n'a pas le temps pour en parler,
01:44:07 de savoir ce que c'est que la Jordanie.
01:44:09 Donc on peut contester les territoires,
01:44:11 un juif ne sera jamais un colon en judaïs, évidemment.
01:44:15 Et Jérusalem, la capitale du peuple juif,
01:44:17 alors que notre capitale, Lutèce,
01:44:19 était encore un demi-marécage,
01:44:21 était déjà la capitale du peuple juif.
01:44:23 C'est la réalité.
01:44:25 Après, encore une fois...
01:44:27 -On a déjà 2 minutes.
01:44:28 -Je vous dis juste un mot, parce que l'ambassadeur...
01:44:31 Merci, M. le président. Je le terminerai.
01:44:33 J'apprécie l'ambassadeur Gérard Haraud,
01:44:36 je l'ai connu,
01:44:37 mais lorsqu'il parle de nettoyage ethnique,
01:44:40 c'est indigne, c'est faux et c'est un mensonge.
01:44:43 Il n'y a pas de nettoyage ethnique en Israël.
01:44:45 Et le fait, quelqu'un de sa qualité,
01:44:48 qui emploie de tels termes,
01:44:49 met de l'huile sur le feu, c'est faux, c'est indigne
01:44:51 et c'est un mensonge. Je vous remercie.
01:44:53 -Je n'ai pas parlé de...
01:44:57 En Cisjordanie, il y a un nettoyage ethnique au détail
01:45:01 qui est en train d'être fait.
01:45:02 175 Palestiniens ont été tués en 2 mois.
01:45:06 Des villages sont vidés.
01:45:07 Les colons font des descentes armées
01:45:09 avec la connivence de l'armée dans les villages.
01:45:12 Oui, il y a un nettoyage ethnique au détail.
01:45:15 -Je crois que toutes les informations qu'on a
01:45:17 vont dans le sens de ce que vient de dire M. Haro.
01:45:20 Je pense.
01:45:21 Mais...
01:45:23 Non, vous avez posé la question, on vous a répondu.
01:45:26 Mais attend, la discussion, en revanche, continuera,
01:45:30 mais au-delà de ça.
01:45:32 Mme Tanguy.
01:45:33 Alors, vous, une minute.
01:45:36 Comme vous n'êtes pas députée de Pouy-le-Poing...
01:45:38 -Ce n'est pas parce que je suis ministérienne
01:45:40 que je n'ai pas un avis.
01:45:41 -Une minute. -Merci, M. le Président.
01:45:44 La France a condamné
01:45:46 avec la plus grande fermeté les attaques terroristes
01:45:49 menées par le Hamas contre Israël et sa population.
01:45:51 Et donc, la situation humanitaire étant extrêmement grave,
01:45:56 le président Macron a eu l'initiative
01:45:59 d'une conférence humanitaire
01:46:01 qui permet quand même d'arriver à un consensus
01:46:03 pour une trêve humanitaire et une aide internationale
01:46:09 pour faire face aux besoins des populations civiles.
01:46:11 Et je voudrais dire ici que face à l'ampleur
01:46:13 de cette catastrophe humanitaire, la France a également dit
01:46:16 ouvertement à Israël d'épargner les civils
01:46:19 et d'arrêter la poursuite des frappes indiscriminées sur Gaza,
01:46:22 car les populations civiles n'ont pas à payer
01:46:25 le prix des crimes du Hamas et de la riposte israélienne.
01:46:28 Alors, malgré votre vision pessimiste pour l'avenir,
01:46:31 pensez-vous, M. l'ambassadeur, que la position française
01:46:34 qui a été réaffirmée par le président de la République
01:46:36 et la ministre des Affaires étrangères,
01:46:38 d'obtenir une trêve humanitaire pouvant mener à un cessez-le-feu
01:46:42 peut constituer malgré tout un 1er pas
01:46:45 pour relancer le processus de paix,
01:46:47 restaurer un horizon politique à 2 Etats,
01:46:49 qui est la seule solution viable permettant à chaque parti
01:46:52 de vivre en paix et en sécurité
01:46:54 et éviter le risque d'embrasement de la région ? Merci.
01:46:57 -Donc l'hypothèse de la trêve humanitaire
01:47:00 est une hypothèse où beaucoup, d'ailleurs,
01:47:02 d'acteurs internationaux s'activent,
01:47:04 et notamment les Etats-Unis, le président de la République,
01:47:06 la France et les Etats-Unis.
01:47:08 Je voudrais simplement faire la remarque
01:47:10 que pour le cessez-le-feu, le cessez-le-feu aujourd'hui,
01:47:13 aux yeux d'Israël, représenterait la victoire du Hamas.
01:47:15 Et donc c'est cela qui fait que c'est très difficile d'espérer
01:47:19 que d'un cessez-le-feu, ça voudrait dire
01:47:21 que le Hamas garde le contrôle de la bande de Gaza
01:47:25 et peut négocier la libération des otages.
01:47:28 Ce serait donc la consécration d'une victoire stratégique
01:47:32 du Hamas aux dépens d'Israël,
01:47:33 et c'est pour ça, je pense, qu'Israël n'acceptera jamais.
01:47:37 Mais ça n'empêche pas, en effet, de travailler
01:47:39 sur une trêve humanitaire, sur des corridors humanitaires.
01:47:44 Il faut faire... C'est notre devoir aussi de tout faire
01:47:47 pour venir au secours d'une population
01:47:49 qui est prise au piège, à la fois par le Hamas
01:47:54 et maintenant par l'intervention israélienne.
01:47:57 -Très bien. Merci. M. Joly.
01:48:00 -Merci, M. le président, M. l'ambassadeur.
01:48:04 Alors, l'évolution de la situation en Israël
01:48:06 et dans les territoires palestiniens
01:48:08 dépend évidemment très largement du positionnement des Etats-Unis
01:48:11 et du degré de soutien que le gouvernement apporte à Israël.
01:48:15 Et donc, dans ce cadre, l'approche d'une élection présidentielle
01:48:18 encore plus hors normes que la précédente,
01:48:21 et puis l'éventuel retour du président Trump,
01:48:23 qui est favori dans les sondages,
01:48:25 constitue l'une des principales clés
01:48:26 d'un règlement politique du conflit.
01:48:28 Alors, je souhaite connaître, M. l'ambassadeur,
01:48:29 votre avis sur l'impact d'un tel retour au pouvoir
01:48:32 sur la situation en Israël,
01:48:34 et plus largement sur la politique américaine au Moyen-Orient,
01:48:37 qui en sortirait certainement grandement bouleversée.
01:48:39 Je vous remercie.
01:48:40 -M. le député, vous avez tout à fait raison
01:48:42 de penser à l'hypothèse d'une victoire de Donald Trump.
01:48:46 Les sondages sont ce qu'ils sont aujourd'hui.
01:48:48 Nous avons encore un an, mais en effet...
01:48:51 Vous savez, on sait ce que Donald Trump peut faire.
01:48:55 La manière dont Donald Trump considère le conflit,
01:48:57 il est très proche personnellement de Benjamin Netanyahou.
01:49:00 Et sous son premier mandat,
01:49:03 son beau-fils Jared Kushner
01:49:05 avait conduit une tentative de médiation,
01:49:08 avait proposé un plan de paix,
01:49:09 mais c'était un plan de paix qui, franchement,
01:49:11 était tellement caricaturalement pro-israélien
01:49:13 qu'il n'avait rencontré aucun écho.
01:49:17 Donc, en cas de victoire de Donald Trump,
01:49:20 encore que Donald Trump est relativement imprévisible,
01:49:23 on peut imaginer un soutien de Donald Trump
01:49:27 au gouvernement israélien, je dirais, quel qu'il soit.
01:49:31 En effet, dernier point pour respecter le temps,
01:49:34 c'est que le soutien à Israël, qui était un soutien des 2 partis,
01:49:37 comme je l'ai dit, est un soutien maintenant
01:49:39 qui devient de plus en plus un soutien républicain.
01:49:41 D'ailleurs, le parti républicain devient le soutien central
01:49:44 d'Israël aux Etats-Unis,
01:49:46 puisqu'une partie des démocrates, la gauche démocrate,
01:49:49 est devenue plus particulièrement pro-palestinienne.
01:49:52 -Ce qui est plutôt préoccupant pour l'avenir du Parti démocrate.
01:49:57 M. Katnas.
01:50:00 -Merci, M. le Président, M. l'Ambassadeur.
01:50:03 Les massacres du 7 octobre commis par le Hamas
01:50:05 sur des civils israéliens ont soulevé notre émotion
01:50:07 et notre écœurement.
01:50:09 Après avoir apporté son soutien inconditionnel
01:50:12 à l'Etat d'Israël, malgré les risques évidents
01:50:14 de crimes de guerre, puis plusieurs semaines de silence,
01:50:17 malgré la multiplication des victimes civiles
01:50:20 et des bombardements aveugles du blocus et du siège de Gaza,
01:50:23 le président de la République a enfin, ce jeudi 10 novembre,
01:50:26 officiellement appelé à l'instauration d'un cessez-le-feu.
01:50:30 Cette position, timide avancée vers le simple respect
01:50:33 du droit international, lui a valu des injures
01:50:36 sur plusieurs chaînes d'information en continu.
01:50:38 A peine 48 heures après cette déclaration,
01:50:40 le président de la République français était même traité
01:50:43 d'antisémite sur une chaîne d'information.
01:50:46 Nous n'avons pas entendu de soutien
01:50:48 au président de la République de la part de députés,
01:50:51 de sa majorité, ni de membres du gouvernement.
01:50:55 M. l'Ambassadeur, que répondre face à l'infamie
01:50:57 d'une telle insulte quand on a pour seul tort
01:51:00 que de vouloir faire respecter le droit international
01:51:02 et d'oeuvrer à la paix ?
01:51:04 Que répondre à ceux qui, par ces méthodes,
01:51:07 abandonnent la position diplomatique historique de la France ?
01:51:10 -M. le député, là, vous me posez une question
01:51:15 qui est au-delà de mes compétences.
01:51:20 J'essaye très clairement d'être un expert, vous voyez ?
01:51:23 C'est-à-dire que j'essaye non pas d'y mettre des opinions,
01:51:27 j'essaye de dire, à partir de ce que je sais,
01:51:30 de vous définir le champ du possible.
01:51:32 Qu'est-ce qui me semble possible ?
01:51:34 Lorsque je dis, par exemple,
01:51:35 puisque c'est une manière de rebondir sur la question du cessez-le-feu,
01:51:39 je ne dis pas qu'il est mauvais de faire un appel au cessez-le-feu,
01:51:45 je dis que ma connaissance, ma compréhension d'Israël
01:51:49 fait que je pense qu'Israël n'acceptera pas un cessez-le-feu.
01:51:53 Voilà un petit peu comment je conçois ma présence ici.
01:51:58 J'ai mes opinions, peut-être qu'elles peuvent apparaître,
01:52:00 mais je fais tout pour les combattre,
01:52:02 pour essayer de...
01:52:04 Parce que très souvent, il n'y a qu'à faux con, etc.
01:52:08 Voilà, je dis...
01:52:10 En ce qui concerne les accusations d'antisémitisme,
01:52:13 je peux vous assurer que j'ai passé 6 ans de ma vie en Israël.
01:52:16 C'est un pays méditerranéen,
01:52:18 donc le pire et l'inverse vole
01:52:23 dès que vous dites quelque chose,
01:52:26 on vous accuse d'être antisémite, etc.
01:52:28 Donc ça fait partie un petit peu...
01:52:30 Je pense que le président de la République
01:52:32 doit avoir une peau quand même un peu renforcée
01:52:34 après 6 ans de mandat
01:52:37 et ne doit pas être particulièrement ému par ce genre de réaction.
01:52:43 Israël, c'est le problème un petit peu,
01:52:45 mais ça a toujours été le problème, et on peut l'expliquer de manière...
01:52:48 Israël ne conçoit qu'une attitude, le soutien inconditionnel.
01:52:52 Dès que vous manifestez la moindre réserve,
01:52:55 aussitôt, vous êtes accusé de trahison, d'antisémitisme ou d'autre.
01:52:59 Donc voilà, ça fait partie un petit peu, je dirais, du pays.
01:53:04 C'est un pays de passion, c'est un pays de peur.
01:53:08 Ils ont la peur au ventre. C'est ça qui est terrible.
01:53:11 Et c'est ça, l'héritage du génocide.
01:53:15 Ces gens, c'est la super... Vous pouvez dire puissance nucléaire,
01:53:18 superpuissance de la région, le PIB d'Israël,
01:53:21 25 fois le PIB des Palestiniens.
01:53:23 C'est plus que le PIB de l'Égypte, de la Jordanie et de la Syrie réunis.
01:53:27 Néanmoins, ces gens ont la peur au ventre.
01:53:29 Et c'est comme ça, et il faut répondre à cela
01:53:33 pour essayer d'aller de l'avant.
01:53:37 Merci. Je crois que tout le monde s'est exprimé.
01:53:42 Moi, je voudrais ajouter une dernière question.
01:53:46 Ce qui m'a frappé, et je vous en ségrerai,
01:53:49 parce que moi-même, j'ai beaucoup mis l'accent
01:53:51 dans les différentes déclarations qu'on a pu faire
01:53:54 sur le problème de la Cisjordanie.
01:53:57 Vous en avez parlé et vous avez montré
01:53:58 à quel point c'était une affaire absolument centrale
01:54:01 pour Israël et pour le rapport avec, évidemment, les Palestiniens.
01:54:05 Il reste Gaza.
01:54:07 Vous avez très peu parlé de Gaza.
01:54:09 Et il reste que...
01:54:11 Moi, la querelle du cessez-le-feu, de Trèves, etc.,
01:54:15 je trouve qu'elle est seconde.
01:54:18 Mais vous avez dit que vous ne vouliez pas intervenir
01:54:20 en qualité d'experts militaires.
01:54:21 Vous en cherchiez certainement beaucoup plus
01:54:24 que beaucoup de prétendus experts.
01:54:26 Mais ce que je ne comprends pas,
01:54:28 c'est la stratégie de destruction, si vous voulez.
01:54:32 Il y avait plusieurs possibilités pour Israël
01:54:36 pour maintenir une pression très forte.
01:54:39 Ils auraient pu avoir une approche imitée de Munich,
01:54:43 en disant, "Nous avons le nom de 2 000 personnes.
01:54:47 "On n'aura plus rien de vivant dans 2 ans."
01:54:49 Ils avaient plusieurs...
01:54:51 Ils ont choisi quelque chose qui ne peut avoir de sens
01:54:56 qu'en rendant totalement invivable,
01:55:00 d'abord en tuant massivement des populations,
01:55:04 ne serait-ce que...
01:55:05 On sait bien ce que c'est que des bombardements aériens.
01:55:07 Ce que nous avons fait, les Alliés,
01:55:09 en Allemagne et en Normandie, d'ailleurs,
01:55:12 pendant la Seconde Guerre mondiale,
01:55:14 quand même absolument...
01:55:16 Les résultats n'ont pas du tout été à la hauteur
01:55:19 de ceux des bombardements.
01:55:20 On a eu énormément de destruction collatérale, etc.
01:55:25 On ferait autrement, maintenant.
01:55:28 Eux, ils ont choisi cette voie
01:55:30 et ils ont choisi de rendre invivable.
01:55:34 En plus, ils disent qu'ils ne veulent pas l'occuper.
01:55:36 Qui va s'occuper ?
01:55:38 On a l'impression qu'ils détruisent tout et jettent la clé.
01:55:41 Qui va s'occuper ?
01:55:43 C'est cette grande incertitude
01:55:45 et ça pose, indirectement, le problème du Hamas.
01:55:48 Vous avez dit, monsieur l'ambassadeur,
01:55:50 et c'est évident que tous les Etats arabes détestaient le Hamas.
01:55:54 Quand on les voit, quand on discute avec chacun d'entre eux,
01:55:57 ils nous disent tous, "Vous ne pouvez pas échapper
01:56:00 "à un dialogue direct ou indirect avec le Hamas
01:56:03 "si vous voulez reconstituer une autorité palestinienne
01:56:05 "respectable et..."
01:56:08 Et cette impasse-là,
01:56:10 elle est absolument terrifiante.
01:56:13 Cette guerre est une guerre qui est une pure violence,
01:56:16 une sorte de loi d'utalion, que je comprends.
01:56:18 Je suis tout à fait d'accord avec vous
01:56:20 sur la légitimité de la défense,
01:56:24 l'horreur qu'a été le 7 octobre,
01:56:27 les traumatismes historiques du peuple juif.
01:56:31 Tout ça a joué dans le sens que vous dites,
01:56:34 mais en même temps, on ne voit pas du tout
01:56:37 comment on peut sortir de cet imbroglio, à terme,
01:56:41 de la bande de Gaza, de la présence du Hamas
01:56:44 et d'une solution qui tienne debout.
01:56:46 -Vous rejoignez mon désespoir, monsieur le président.
01:56:51 -Je ne suis pas d'un grand optimisme.
01:56:53 -Voilà, car...
01:56:54 Il est rarement d'un grand optimisme,
01:56:56 mais je le comprends tout à fait.
01:56:58 C'est vrai que...
01:57:00 J'ai parlé quand même à un certain nombre d'officiers généraux
01:57:04 du cadre de réserve, mais aussi du cadre d'actives.
01:57:06 Ils ne voient pas ce que les Israéliens peuvent atteindre.
01:57:10 Ils ne voient pas quel pourrait être l'objectif stratégique.
01:57:14 Les objectifs tactiques, il y en a.
01:57:16 On va tuer le Hamas, on va détruire, etc.
01:57:20 Des tunnels et tout le reste.
01:57:21 Mais quel est l'objectif stratégique ?
01:57:23 C'est-à-dire, après, à la fin de l'opération,
01:57:26 en quoi le théâtre sera différent,
01:57:28 si ce n'est qu'une grande partie de Gaza sera détruite ?
01:57:33 Mais voilà, je n'ai pas plus de réponses que cela.
01:57:37 J'en ai parlé à des officiers, comme vous aussi,
01:57:40 vous avez dû en parler à des officiers généraux,
01:57:41 qui disent "non, on ne voit pas".
01:57:43 Parce que vous savez, vous tuez les dirigeants du Hamas,
01:57:46 groupe terroriste, mais ça veut dire que trois mois plus tard,
01:57:48 vous en avez des plus jeunes et des plus radicaux.
01:57:51 Des plus jeunes et des plus radicaux, de surcroît.
01:57:53 Vous détruisez des armes, bon, ben voilà,
01:57:56 on corrompera les douaniers égyptiens
01:57:59 et on aura encore des armes.
01:58:01 Donc je suis tout à fait...
01:58:03 Et hier, dans ma rencontre avec mes amis israéliens,
01:58:07 ils me disaient "mais ceci n'est qu'une opération de vengeance".
01:58:12 Ils disaient "c'est une opération de vengeance".
01:58:15 Mais on ne voit... C'est la loi du talion,
01:58:18 parce que si on en a tué un, je dois en tuer dix
01:58:22 pour pouvoir rétablir ma capacité de dissuasion.
01:58:26 Mais au-delà, ils ne voyaient eux-mêmes,
01:58:28 ils disaient "mais non, on ne va pas administrer la bande de Gaza,
01:58:31 on ne va pas chasser les deux millions de Gazaouis".
01:58:33 - Vous avez besoin de responsabilité en tant que puissance occupante.
01:58:36 - Totalement, parce que contrairement à ce que disait
01:58:39 un député des Français de l'étranger,
01:58:42 les Israéliens ne sont pas sortis de la bande de Gaza,
01:58:44 ils contrôlent à la fois l'espace aérien et l'espace naval,
01:58:48 et en droit international,
01:58:49 la bande de Gaza est toujours un territoire occupé.
01:58:52 Il faut aussi le rappeler.
01:58:54 - Ils avaient affermé ça au Hamas, c'était une idée commune.
01:58:56 - Exactement, affermage, c'est exactement ça.
01:58:59 - Bien, écoutez, c'était absolument passionnant.
01:59:03 Je crois que l'optimisme n'était pas au rendez-vous,
01:59:06 mais la rigueur, l'analyse, la lucidité,
01:59:10 je pense que nous vous devons vraiment
01:59:12 un grand signe de reconnaissance.
01:59:16 C'est formidable d'être venu ici,
01:59:18 d'avoir parlé sans langue de bois,
01:59:21 sans faux semblants, sans faux sentiments,
01:59:26 sans naïveté, donc sans cynisme,
01:59:30 si on en jure.
01:59:31 C'était vraiment, cher ami,
01:59:34 c'était vraiment tout à fait précieux.
01:59:37 Je crois que la commission, évidemment,
01:59:38 ils ne sont pas toujours là, parce qu'ils passent leur vie
01:59:40 à errer entre les différents bâtiments
01:59:43 de ce palais Bourbon,
01:59:44 mais ceci est enregistré, ils vont tous regarder ça.
01:59:47 Ca nous a énormément éclairés.
01:59:49 Vraiment, grand merci d'être venu ici
01:59:52 et d'avoir parlé dans les termes que vous avez choisis
01:59:55 de nous délivrer.
01:59:57 C'était un honneur d'avoir été invité.
01:59:59 -Voilà. La séance est levée.