• il y a 2 ans
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00:00:00 (La Marseillaise)
00:00:05 (La Marseillaise)
00:00:34 -Le style n'est pas quelque chose qu'on peut dégager
00:00:37 de l'œuvre d'art terminée.
00:00:39 Il la pénètre et l'imprègne,
00:00:41 tout en demeurant invisible et indémontrable.
00:00:45 -Les films danois ne nous ont guère habitués
00:01:01 aux visages de Copenhague
00:01:03 et ceux de Karl Théodore Dreyer ne font pas exception à la règle.
00:01:07 C'est que le réalisme en art n'en est pas à un paradoxe près.
00:01:12 Pourtant, prêtez l'oreille,
00:01:17 et peut-être découvrirez-vous alors ce lien que vous cherchez déjà,
00:01:20 sans doute, comme nous l'avons nous-mêmes cherché,
00:01:23 entre le caractère d'une ville et l'œuvre de son plus grand artiste.
00:01:29 Oui, écoutez cette rumeur feutrée, mais précise,
00:01:33 qui monte de la strellette dont une administration attentive
00:01:37 interdit l'accès à tout véhicule.
00:01:39 Cette même qualité, cette même transparence des bruits,
00:01:44 vous la retrouverez dans "Vampyr", dans "Hordet", dans "Chertrude".
00:01:49 S'il le faut, donc, rassurons-nous.
00:01:52 Aussi secrète que soit cette œuvre et aussi discret son auteur,
00:01:56 ils sont bien de cette terre,
00:01:57 comme avant eux, Kierkegaard, Andersen et leurs livres.
00:02:02 Ainsi, sommes-nous les hôtes d'un ciel unique.
00:02:05 Le Français qui aime les voyages a toujours eu du mal à s'assimiler
00:02:09 les cultures et les modes de pensée qui lui sont étrangers.
00:02:13 L'insuccès de "Chertrude" en est une preuve récente.
00:02:16 C'est pourquoi, avant de rencontrer Dreyer,
00:02:19 avons-nous interrogé quelques-uns de ceux qui ont le privilège
00:02:21 de l'approcher ou qui l'ont-eu.
00:02:24 Pour Dreyer, cinéaste danois, qu'est-ce que cela signifie ?
00:02:27 Comment concilier la réputation mondiale d'un film
00:02:30 comme "La Passion de Jeanne d'Arc"
00:02:31 et l'ombre au sein de laquelle a fait retraite son auteur ?
00:02:35 - Dreyer est-il une figure familière au Danois ?
00:02:38 - Non, je ne crois pas que l'on puisse dire que l'on connaît Dreyer.
00:02:42 Dreyer a toujours voulu faire des films artistiques.
00:02:46 Il a toujours été intéressé par l'évolution
00:02:49 qui se produit en Amérique et en France dans les ciné-clubs,
00:02:52 dans les ciné-artistes.
00:02:53 Il est très gentil et nous avons une très bonne relation
00:02:56 avec Dreyer ici à la Cinémathèque.
00:02:59 Il a le fourni, par exemple,
00:03:01 avec des listes de titres de ses films.
00:03:07 Souvent, il y a des problèmes sur les titres.
00:03:10 Il a fourni la Cinémathèque avec les titres originaux.
00:03:15 Aussi avec "Les Foutreaux", naturellement, et "Toulérance".
00:03:18 - Vous avez des manuscrits de lui ?
00:03:21 - Oui, nous avons plusieurs scénarios.
00:03:25 Pas des scripts originaux.
00:03:29 Il a les scripts lui-même.
00:03:32 Mais il a promis que la Cinémathèque...
00:03:36 - Oui, oui.
00:03:37 Vous êtes sûr que ce n'est pas l'anglois qui les aura ?
00:03:39 - Je ne sais pas.
00:03:41 - Est-ce qu'il se mêle à la vie culturelle de...
00:03:46 - Non, pas du tout.
00:03:48 Il est dans une position très isolée dans la vie culturelle
00:03:54 et aussi dans le monde du film, ici, au Danemark.
00:03:59 On a toujours considéré Dreyer ici, au Danemark,
00:04:04 comme un personnage un peu difficile, peut-être.
00:04:10 - Lisbeth Movine habite à Vedbeek, sur les bords du Sund,
00:04:14 à 30 km de Copenhague.
00:04:18 Lisbeth Movine, on s'en souvient,
00:04:20 tient le rôle principal de Jour de colère,
00:04:22 celui de la jeune fille qui est prise pour une sorcière et brûlée.
00:04:27 - Dreyer est un seul.
00:04:29 Il n'est pas avec ses acteurs.
00:04:34 Il n'a pas ce que nous disons, ce que nous avons libre, pour aujourd'hui.
00:04:39 Il travaille tous les jours, pendant ces 3-4 mois,
00:04:43 il travaille avec un film.
00:04:46 Il n'habitait pas à sa maison à ce moment-là,
00:04:49 car il se mêlait, il s'isolait.
00:04:51 Il n'avait que ce qui l'intéressait,
00:04:55 et ce qu'il ne pouvait pas partager.
00:04:59 Il devait penser à ce travail tout le temps.
00:05:02 Il n'était pas avec les autres.
00:05:05 C'est très difficile, et je le sais en réalité.
00:05:22 Je peux dire qu'il est un artiste très modeste.
00:05:27 Il est un seul.
00:05:32 Excusez-moi, pouvons-nous arrêter ?
00:05:37 Il y avait quelque chose qui me manquait, que je voulais faire.
00:05:43 C'était ce qu'il faisait avec Dreyer, comment il était comme un être.
00:05:50 - C'était ça ? - Oui.
00:05:52 Je dois dire que je ne connais pas Dreyer comme un être,
00:05:57 car il a toujours été un homme qui s'est fait enfermer.
00:06:01 Mais il peut sembler...
00:06:05 peut-être qu'il est très modeste,
00:06:08 mais il est un homme très fort.
00:06:12 Un homme très fort.
00:06:14 Dreyer sait où il veut aller.
00:06:19 Il sait comment il veut le faire.
00:06:22 Un acteur ne peut jamais se faire enfermer.
00:06:26 Il ne peut jamais le faire.
00:06:28 Vous vous souvenez de votre première rencontre avec Dreyer ?
00:06:31 Oui, je me souviens.
00:06:34 Je devais le rencontrer pour un film de Vredensdag.
00:06:38 Vous l'avez rencontré à l'occasion du Jour de la Colère.
00:06:41 Je devais arriver à l'heure D1D, et je me suis mis à l'adresse.
00:06:45 Je me suis compris comme un acteur de la Rodehus.
00:06:49 Et je me suis rendu à l'heure Rodehus.
00:06:51 J'arrivais trois quartiers trop tard pour le maître.
00:06:56 Je ne connaissais pas Dreyer,
00:06:59 sans son nom, bien sûr.
00:07:00 Mais je ne suis jamais arrivé trop tard pour Karthéodreyer.
00:07:05 - Et vous, Rossello ? - Je me souviens de l'autre fois.
00:07:08 Il y a eu un malentendu à l'adresse.
00:07:11 Je suis arrivé une heure en retard.
00:07:13 Je ne l'oublierai jamais, car on n'arrive jamais en retard avec le maître.
00:07:18 - Vous avez eu un rendez-vous avec le maître. - Je devais y aller.
00:07:21 C'était mon premier rencontre avec Dreyer.
00:07:25 Je ne le savais pas.
00:07:27 Il y avait un autre rencontre, avec le maître.
00:07:32 Je ne savais pas qu'il y aurait eu un rendez-vous en plus.
00:07:36 Un rendez-vous que j'ai eu avec Dreyer à l'occasion de Hordet.
00:07:40 "Qui ne croit pas,
00:07:44 "ne croit pas.
00:07:48 "Qu'un homme qui croit,
00:07:52 "se rendra à Dieu.
00:07:56 "Amen."
00:07:59 "Amen."
00:08:01 "Amen."
00:08:03 "Amen."
00:08:05 "Amen."
00:08:07 "Amen."
00:08:09 "Amen."
00:08:11 "Amen."
00:08:13 "Amen."
00:08:15 "Amen."
00:08:17 "Amen."
00:08:19 "Amen."
00:08:21 "Amen."
00:08:23 "Amen."
00:08:25 "Amen."
00:08:27 "Amen."
00:08:29 "Amen."
00:08:31 Je l'ai rencontré, un peu plus tard,
00:08:34 à Copenhague.
00:08:36 Je l'ai rencontré, un peu plus tard,
00:08:39 à Copenhague.
00:08:41 Je lui ai dit bonjour.
00:08:44 "Bonjour, M. Dreyer."
00:08:46 Il m'a regardé.
00:08:48 Il m'a regardé.
00:08:50 Je lui ai dit, "Qui est ce monsieur ?"
00:08:53 Et il s'est souvenu de moi.
00:08:57 C'était comme ça.
00:09:00 C'était comme ça, M. Dreyer.
00:09:03 ...
00:09:06 C'était pas pour être impoli, mais enfin...
00:09:08 -Vous êtes là, comme ça, on bavarde depuis une demi-heure,
00:09:11 et vous êtes tout souriant.
00:09:13 Je croyais trouver en vous un personnage sévère,
00:09:16 comme le mari de Gertrude.
00:09:18 Quand Dreyer vous a parlé du rôle,
00:09:21 comment vous a-t-il expliqué le personnage ?
00:09:24 -Non, pas beaucoup.
00:09:26 Pour commencer, il faut que je m'excuse,
00:09:29 parce que je parle votre langue si mal.
00:09:32 Mais non, pas beaucoup.
00:09:34 M. Dreyer est très silent.
00:09:37 Vous savez, il ne dit pas beaucoup.
00:09:40 M. Dreyer est très doux.
00:09:43 Et il ne dit que...
00:09:46 ...
00:09:48 ...quelques mots, peu à peu.
00:09:51 Il parle toujours...
00:09:55 ...très doucement, jamais à haute voix.
00:09:59 Et vous ne savez pas exactement
00:10:03 quand c'est votre idée
00:10:07 et quand c'est l'idée de M. Dreyer.
00:10:10 Parce qu'il a la puissance
00:10:14 de forcer ses acteurs
00:10:18 de jouer, de travailler,
00:10:21 comme il veut,
00:10:23 sans les forcer.
00:10:26 Sans les forcer dans une manière désagréable,
00:10:30 sans dire beaucoup.
00:10:32 -Lorsque Dreyer a nous reçu chez lui,
00:10:35 nous ne fûmes pas seulement frappés par la discrétion de l'homme,
00:10:39 mais par une sorte d'effacement têtu de l'auteur
00:10:42 devant le mystère de son oeuvre.
00:10:44 La conversation dut donc prendre d'étranges détours.
00:10:47 -Cet arbre-là, qui est plus grand que les autres,
00:10:50 qu'est-ce que c'est, cette plante ?
00:10:52 -C'est un caféier. -Un caféier ?
00:10:55 -C'est l'arbre favori de Mme Dreyer.
00:11:00 -Mme Dreyer aime le café ? -Ah oui, moi aussi.
00:11:04 -En souvenir de son séjour en France,
00:11:06 Dreyer tente à nous parler tout d'abord
00:11:08 de la passion de Jeanne d'Arc.
00:11:11 -Quand vous avez choisi Falconetti pour Jeanne d'Arc,
00:11:14 c'était une actrice connue, célèbre, à Paris ?
00:11:17 -Oui, elle était connue, mais surtout au boulevard.
00:11:21 -Et elle jouait la comédie ou le drame au boulevard ?
00:11:25 -La comédie légère.
00:11:28 Plus tard, après Jeanne d'Arc, elle a fait la dame aux camélias.
00:11:33 -Et elle était comment, physiquement ?
00:11:36 -Elle était vraiment très jolie.
00:11:39 On pourrait dire plus jolie, très délicieuse.
00:11:43 Mais...
00:11:46 Elle avait, avec le maquillage,
00:11:51 un teint luissant qui faisait penser à un fraconard ou un boucher.
00:11:59 -Pourquoi vous l'avez choisi ?
00:12:01 -Je ne sais pas. J'ai eu l'idée que derrière le maquillage,
00:12:04 il y avait un visage plus naturel et plus humain.
00:12:07 -Pourquoi vous ne vouliez pas de maquillage ?
00:12:10 -Parce que je voudrais trouver le visage de paysan.
00:12:15 J'ai l'idée que ce visage de paysan était derrière le maquillage.
00:12:23 J'ai eu raison.
00:12:25 Et la tête de Manovi est beaucoup plus belle sans maquillage qu'avec.
00:12:31 -Vous aimez quand on voit les rides ?
00:12:34 -Ah oui. Ça fait...
00:12:36 Je dis ça autrefois, que ça fait envie d'un paysage du visage.
00:12:43 -Une de mes collègues, Lisbeth Mowin,
00:12:46 avait une ombre de rouge aux lèvres.
00:12:49 -Une de mes collègues, Lisbeth Mowin,
00:12:52 avait une ombre de rouge aux lèvres.
00:12:55 -Strax, disait K.H. Dreyer,
00:12:57 "Heu, qu'est-ce que c'est que ce que vous êtes maquillé ?"
00:13:01 -Je suis si pâle sans maquillage, a répondu Mowin.
00:13:07 -Pour ça, Dreyer a répondu,
00:13:10 "Fraude, Mowin, je me maquille avec mon luce."
00:13:14 -Dreyer a répondu, "Je me maquille avec l'éclairage."
00:13:18 -Et là, elle a retiré le maquillage.
00:13:21 -"Quiqu'on qui a vu mes films
00:13:24 "saura quelle importance j'attache au visage de l'homme.
00:13:28 "C'est une théâtre que l'on n'est jamais là d'explorer.
00:13:32 "Il n'y a pas de plus noble expérience dans un studio
00:13:36 "que d'enregistrer l'expression d'un visage sensible
00:13:40 "à l'inspiration, de le voir animé de l'intérieur
00:13:44 "et se changeant en poésie."
00:13:47 ...
00:14:16 ...
00:14:45 ...
00:15:03 -Elle connaît.
00:15:05 ...
00:15:35 ...
00:16:05 ...
00:16:26 -Quelle était l'importance du décor,
00:16:29 que vous vouliez accorder au décor ?
00:16:32 -C'était un décor assez abstrait, assez suggéré, plutôt.
00:16:36 ...
00:16:38 -Nous avons trouvé...
00:16:41 Jean Hugo a trouvé un livre qui s'appelle "Le livre des merveilles".
00:16:47 Nous avons trouvé l'idée de style de tout le décor.
00:16:52 Strictement stylisé.
00:16:55 Et le décor plus petit que la personne.
00:16:58 Là, nous avions les personnes en pleine grandeur
00:17:03 et derrière, les personnes, il y avait le décor beaucoup plus petit.
00:17:08 C'était un effet très amusant que nous avons tâché de transférer au film.
00:17:14 Et on s'y était.
00:17:16 -Il y a, dans un film précédent,
00:17:19 dans "Pages arrachées au journal de Satan",
00:17:23 vous vous rappelez le deuxième sketch sur l'Inquisition,
00:17:27 évoque par avance un petit peu Jeanne d'Arc.
00:17:30 -Vous trouvez ?
00:17:32 -Oui, il y a le rapport avec le juge.
00:17:35 -Oui, c'est vrai.
00:17:37 -Il y a le tribunal.
00:17:39 -Il y a le tribunal, il y a des murs blancs.
00:17:42 J'ai toujours aimé les murs blancs.
00:17:45 Je les ai dans presque tous mes films.
00:17:48 Même à ma haute tête, il y avait le dernier acte.
00:17:52 C'est un fond blanc.
00:17:54 -Dans Jeanne d'Arc,
00:17:56 vous n'aviez pas encore la technique des plans très longs.
00:18:00 -Non, il y avait quelques-unes, mais pas très longues.
00:18:06 -Et c'est après, avec Diasirée...
00:18:09 -A ce moment-là, on a vu une voiture
00:18:12 avec des roues de bicyclette.
00:18:14 Comment je vous disais ? Bicyclette ?
00:18:17 -De bicyclette. -C'était très primitif.
00:18:22 -Pour quelles raisons, ensuite, vous avez changé de technique
00:18:26 ou d'esthétique avec Diasirée,
00:18:29 et Hordet et Gertrude, évidemment.
00:18:32 Vous avez fait beaucoup plus de plans généraux.
00:18:35 -Diasirée, il avait la première longue prise de vue
00:18:40 avec les...
00:18:43 les garçons qui chantent.
00:18:48 C'était une assez longue, 60 m.
00:18:51 C'était assez long pour ce temps-là.
00:18:54 Mais plus tard, nous avons, à Hordet,
00:18:57 une prise de vue de 300 m, même plus.
00:19:00 -Pour quelles raisons vous avez fait ces plans ?
00:19:04 -Parce que...
00:19:06 C'est un fait que l'oeil aime de suivre
00:19:10 des objets en mouvement.
00:19:13 C'est une certaine satisfaction pour l'oeil
00:19:17 de suivre les choses en mouvement.
00:19:20 L'oeil est passif devant des objets en repos.
00:19:24 C'est quelque chose de théorique.
00:19:28 -C'est pour ça que vous faites des travellings.
00:19:31 -Oui. -Pour quelles raisons
00:19:33 vous faites des plans très longs ?
00:19:35 Dans Gertrude, les plans sont très longs.
00:19:38 -C'est pour toujours tenir le plan en mouvement.
00:19:41 -Oui, mais parfois, le plan est fixe.
00:19:44 -Ah oui, ça, c'est dans le dernier film.
00:19:47 -Oui, ça, j'ai fait comme une expérience
00:19:51 pour voir si c'était possible de le tenir aussi longtemps
00:19:56 pour forcer le public d'écouter aux répliques.
00:20:01 -Ah oui.
00:20:03 -Listen. -Ecouter, oui.
00:20:06 -Ecouter. -On a remarqué aussi
00:20:09 que dans vos films, souvent, il y avait un personnage qui pleurait
00:20:13 au milieu d'un plan long.
00:20:16 -Ah oui, ça, c'est la tête de l'acteur.
00:20:20 -Comment vous vous êtes fait pleurer ?
00:20:22 -Oui.
00:20:23 Oui, ça s'est produit tout seul.
00:20:28 Si vous êtes dans une ambiance,
00:20:31 il n'y a pas besoin de dire à quelqu'un
00:20:35 qu'il doit pleurer.
00:20:39 Parce que c'est ce qu'il faut faire.
00:20:42 Sinon, il n'y a pas de sens
00:20:45 que ce soit un, ou en ce moment,
00:20:51 c'est moi qui joue la rôle.
00:20:52 Je peux pleurer,
00:20:55 mais je ne peux pas le faire en commandant.
00:20:58 Il faut arriver à une situation.
00:21:01 C'est le plus facile, on le connaît aussi du quotidien.
00:21:06 -Premièrement, c'est naturellement une question
00:21:10 de la possibilité de l'acteur de se sentir.
00:21:15 Mais c'est peut-être aussi
00:21:19 une technique de Dreyer
00:21:21 de forcer cet acteur en quelques faces
00:21:26 en répétant, répétant, répétant la scène
00:21:31 jusqu'à la frontière de l'hystérie
00:21:36 et de la possibilité d'énerve de l'acteur.
00:21:41 ...
00:21:50 -Amen.
00:21:51 ...
00:21:57 -Amen.
00:21:58 -Monsieur Gervais, vous aussi.
00:22:00 -C'est très bien.
00:22:01 ...
00:22:12 -Vas-y.
00:22:13 ...
00:22:21 -Peter,
00:22:22 ...
00:22:23 comment tu es là?
00:22:25 -Tell'qui meilleur, je tring'a meilleur.
00:22:27 Morten, Morten, veux-tu ta mine honte?
00:22:30 -C'est moi qui ai tué.
00:22:32 -C'est moi qui ai oublié mon mot de pardon.
00:22:35 J'ai demandé à lui de me donner. Tu devrais le faire aussi.
00:22:39 -Morten, on est tous aussi faux.
00:22:43 -Non, on n'est pas. J'ai quelque chose à te dire
00:22:47 à cette chambre.
00:22:49 Quelque chose que vous devez tous me dire
00:22:52 avant que Inger ne soit élevé.
00:22:54 -Tu as raison, Peter, mais dis-le.
00:22:57 -Je vais te dire ce que je veux dire,
00:23:00 c'est que la place ne doit pas être vide après Inger.
00:23:05 ...
00:23:09 -Tu es venu avec Anne, Peter.
00:23:11 -Voici l'Anne.
00:23:13 -Ce n'est que possible pour le Seigneur.
00:23:15 -Elle est votre.
00:23:17 ...
00:23:19 Je n'ai que mon frère à me garder.
00:23:22 Je ne lui donnerai jamais.
00:23:24 -Oh, Peter.
00:23:26 Peter, tu es si fort.
00:23:29 -Farvali, mehenob, héri.
00:23:33 -Nous sommes tous ensemble, soleil.
00:23:36 -Tant mieux.
00:23:38 ...
00:23:43 -Vite.
00:23:45 ...
00:23:50 -Tant mieux.
00:23:52 ...
00:23:58 -Oh,
00:24:00 qu'est-ce que l'eau
00:24:03 nous crée.
00:24:05 -Pourquoi vous faites pleurer vos personnages
00:24:08 au milieu d'un plan long ?
00:24:10 Pourquoi vous ne filmez pas seulement le moment où ils pleurent ?
00:24:14 -Parce que si on a un moment,
00:24:17 un plan long, un moment,
00:24:20 il faut le tenir autant que possible.
00:24:23 S'il y a une actrice qui a besoin de pleurer,
00:24:27 il faut le prendre comme elle est,
00:24:30 et continuer le moment.
00:24:33 -C'est difficile d'avoir un acteur qui pleure
00:24:37 après une minute.
00:24:40 -Oui.
00:24:42 Il faut faire des choses difficiles.
00:24:45 -Comment vous obtenez ça ? -Je ne sais pas.
00:24:48 Ça dépend de toute la situation de la prise de vue en question.
00:24:52 -Et vous répétez souvent ?
00:24:54 -Non.
00:24:56 Pas trop.
00:24:58 Très souvent, je fais des prises de vue
00:25:01 à la première prise.
00:25:05 Et ça dépend des acteurs.
00:25:08 Il y a des acteurs qui demandent beaucoup de répétitions.
00:25:12 Il y a des acteurs qui préfèrent prendre la chance,
00:25:16 en tout cas, à la première prise.
00:25:19 Et ceci.
00:25:21 -Oui.
00:25:23 -Vous parlez avec les acteurs avant, par exemple,
00:25:26 quand ils ont à pleurer ?
00:25:28 -Nous avons beaucoup de répétitions.
00:25:31 Mais je leur dis toujours,
00:25:34 ne jouez pas.
00:25:37 Ne t'enlève pas tout.
00:25:40 Ne jouez pas.
00:25:42 Ne...
00:25:44 Ne restez pas au sérieux.
00:25:47 C'est la prise de vue même.
00:25:50 Mais il y a des répétitions pour la lumière,
00:25:54 pour le mouvement,
00:25:56 pour le camarade.
00:25:58 Et je dis, ne jouez pas.
00:26:00 -C'est difficile de...
00:26:03 d'apprendre la façon de dire en commencement.
00:26:07 Mais c'est un peu d'hypnotisme.
00:26:11 Comme j'ai le senti.
00:26:14 -Quand il vous a proposé le rôle de Jeux de colère,
00:26:19 est-ce qu'il vous a beaucoup parlé du personnage ?
00:26:22 -Il a parlé beaucoup de la réalité
00:26:25 de la réalité de la scène.
00:26:29 Dreyer est un homme très basique.
00:26:33 Il a parlé beaucoup de la réalité de la scène.
00:26:37 Il a parlé surtout du morceau
00:26:40 qu'il pensait que ce serait quand c'était terminé.
00:26:47 -Pendant le tournage,
00:26:49 il vous parlait beaucoup du rôle, du film ?
00:26:53 Est-ce qu'il vous prenait à part pour vous expliquer le personnage ?
00:26:58 Ou est-ce qu'il vous laissait libre ?
00:27:01 -Il m'a parlé seul de la réalité du rôle,
00:27:05 mais pas d'une autre façon que je sois absolument libre.
00:27:10 Je pouvais le transformer comme je le voulais.
00:27:14 Ce qui a fait que Dreyer ait un rôle si important,
00:27:18 c'est l'atmosphère.
00:27:20 Il fallait être en contact avec l'espace.
00:27:30 L'instructeur Dreyer a peut-être vu des acteurs
00:27:34 qui se trouvaient dans son espace particulier.
00:27:40 On devait s'adapter à cet espace.
00:27:43 C'est pourquoi il a été très cher à devenir un peu statuaire.
00:27:49 Mais ce n'a pas fait grand-chose,
00:27:52 car il s'adapte à ce genre de choses
00:27:57 et il passe à ce style énorme.
00:27:59 -Il faut, quand on joue dans un film de Dreyer,
00:28:04 il faut se...
00:28:06 -Rouler. -Oui, exactement.
00:28:10 Il faut suivre M. Dreyer
00:28:15 comme un aveugle.
00:28:18 C'est très difficile d'expliquer,
00:28:25 je ne sais pas m'expliquer en français,
00:28:27 mais c'est très difficile d'expliquer
00:28:30 le rythme...
00:28:34 -Le rythme. -Excusez-moi, madame.
00:28:37 Le rythme de M. Dreyer
00:28:41 n'est naturellement pas normal, pas naturel.
00:28:47 -Dreyer travaille à l'envers.
00:28:49 Il est très besgué, très self-explanateur.
00:28:54 Il est aussi comme ça sur scène.
00:28:56 Mais sa personnalité a une influence colossale
00:29:00 sur son travail, les techniciens et les acteurs.
00:29:03 Il est très émouvant,
00:29:05 même si ce n'est pas visible dans les films.
00:29:09 Il n'a pas une force...
00:29:12 une force dévastante qui brûle la scène.
00:29:17 Il est très calme sur scène,
00:29:21 et tous les techniciens le respectent.
00:29:23 Il n'y a personne qui parle comme dans une churche.
00:29:27 C'est un rapport très étrange.
00:29:31 J'ai connu des acteurs qui ont travaillé pour Dreyer.
00:29:34 J'ai connu un acteur qui a joué un rôle important
00:29:37 dans son film, qui, il y a quelques semaines après la première émission,
00:29:41 n'avait pas encore parlé avec Dreyer.
00:29:43 Il a cherché Dreyer après l'émission,
00:29:46 car il était nerveux et avait des insécurités.
00:29:50 Il a dit qu'il était très malade et qu'il voulait parler avec Dreyer.
00:29:53 Dès que Dreyer ne leur dit rien, ils sont sûrs qu'ils sont bien.
00:29:57 Avant de commencer un film chez Dreyer,
00:30:03 on est reçu chez Dreyer dans son foyer un mois avant.
00:30:12 Bien entendu, on a appris son texte.
00:30:17 On va dans sa chambre et il dit que les autres rôles...
00:30:21 Il lit les mots-clés pour un, ou il dit les mots-clés pour l'autre.
00:30:26 Il indique la mise en place qui aura lieu dans les studios.
00:30:34 Si on fait la remarque que ce mouvement me paraît difficile à exécuter,
00:30:49 il réplique tout de suite.
00:30:52 Il dit qu'il voudrait faire la mise en place.
00:30:56 Il peut montrer à Dreyer ce qu'il avait pensé.
00:31:00 Il peut peut-être dire qu'il n'en a pas besoin.
00:31:04 Il peut dire qu'il veut faire une troisième émission.
00:31:20 Il peut aussi dire que Dreyer peut appeler à 4h du matin.
00:31:28 Il sort de son sommeil.
00:31:34 - Bonjour. - Je vous ai appelé.
00:31:38 - Je vous ai parlé de ce que vous m'avez dit hier. - Je pense qu'on peut le faire demain.
00:31:46 - Essayons le demain matin. - Il dit bon matin, bonne nuit.
00:31:51 Il raccroche à 4h du matin.
00:31:54 Quand il tourne un film, il n'existe que ce film au monde pour lui.
00:32:02 C'est très intéressant.
00:32:04 Si l'on s'efforce de créer un espace réaliste, il faut faire de même avec le son.
00:32:10 Pendant que j'écris, j'entends au loin des cloches qui sonnent.
00:32:14 Je perçois l'égrondement de l'ascenseur, le tintouin éloigné d'un trambouille,
00:32:19 l'horloge de l'hôtel de ville, une porte qui claque.
00:32:23 Tous ces sons existeraient également si les murs de ma chambre,
00:32:28 au lieu de voir un homme en train de travailler, étaient témoins d'une scène touchante ou dramatique,
00:32:34 en contrepoint de laquelle ils auraient peut-être même une valeur symbolique.
00:32:39 Est-ce juste à l'heure de les supprimer ?
00:32:42 Je pense que non.
00:32:44 On remarque dans vos films parlants que le son a une très grande importance.
00:32:50 Dans Gertrude, le son est très important.
00:32:54 Oui, on est heureux chaque fois qu'on gagne de nouveaux théâtres.
00:33:05 Dans Gertrude, on entend des bruits réalistes.
00:33:12 Qu'est-ce que vous recherchez en mettant ces bruits ?
00:33:16 Je voudrais bien que ça soit un peu en relation de l'action intérieure.
00:33:31 J'ai eu à Hordet, il y avait les deux antipodes,
00:33:39 le représentant de la christianité claire,
00:33:47 et l'autre, le représentant de la christianité fanatique,
00:33:57 et noir et sombre.
00:34:01 Et alors quand les deux commençaient de se gronter, de se discuter,
00:34:10 il y avait deux chiens très loin qui ont commencé aussi de...
00:34:17 Comment est-ce que tu dis ?
00:34:18 Aboyer.
00:34:19 Aboyer, oui.
00:34:21 Oui, vous cherchez des repos.
00:34:23 Oui, ça c'est presque un peu trop direct.
00:34:30 Parce que lorsque vous tournez en studio, vous pouvez éliminer tous les sons.
00:34:35 Oui.
00:34:36 Et vous, vous cherchez au contraire à mettre des sons.
00:34:39 Vous voyez, la dernière prise de vue à Gertrude, c'est la porte qui est fermée.
00:34:47 C'est-à-dire, elle a fermé la porte, elle veut rester seule.
00:34:53 Et elle a aussi parlé de sa mort prochaine ou approchante.
00:34:58 Et pour ça, j'ai mis la musique qui était composée pour toute la fin disparaît
00:35:06 et se change dans une très mince cloche.
00:35:12 [Musique]
00:35:42 [Musique]
00:35:58 [Musique]
00:36:18 Est-ce que vous vous tenez compte de ce réalisme du son ?
00:36:21 Non, mais c'est le moyen de ce qui glissait.
00:36:24 Et de faire des backgrounds.
00:36:33 Oui, des backgrounds.
00:36:35 Vous aimez faire des backgrounds.
00:36:37 Mais est-ce que le background doit avoir une signification directe,
00:36:40 comme le sont les cloches dans...
00:36:42 Ah, ça dépend. C'est difficile de distinguer la possibilité.
00:36:48 Par exemple, là, dans cette conversation que nous avons, est-ce que...
00:36:52 C'est très bien d'avoir le bruit de la rue.
00:36:55 Pourquoi ?
00:36:57 Je ne sais pas. Parce que ça appartient.
00:37:02 Est-ce que dans "Vampire", vous aviez déjà des préoccupations de son ?
00:37:08 Ah oui, il y avait beaucoup. Il y avait les chiens qui hurlaient.
00:37:12 Nous ne les voyons pas, mais nous les avons entendus.
00:37:20 Il y avait l'enfant, le bébé, qui pleurait ou qui criait.
00:37:31 Le docteur demande, et il dit, l'enfant qui pleurait.
00:37:41 On entend la rue, mais on ne voit pas l'enfant.
00:37:46 L'effet était presque plus grand que si nous avions vu l'enfant.
00:37:54 Comment avez-vous créé l'atmosphère ?
00:38:01 Qu'est-ce que vous demandiez à vos techniciens pour l'atmosphère du film ?
00:38:06 Les murs blancs et les "shadows".
00:38:15 Nous avions là, pour la première fois, la rue qui danse sur le mur, si vous le rappelez.
00:38:23 Le scénario peut et doit être fait par l'auteur et le metteur en scène en commun.
00:38:29 Mais c'est le metteur en scène seul qui doit avoir la responsabilité du découpage.
00:38:34 C'est lui le médiateur entre le scénario et l'écran.
00:38:38 C'est lui qui doit rendre visuel les pensées de l'auteur.
00:38:42 C'est lui qui doit voir les images et prévoir les plans.
00:38:46 Et non seulement les voir en eux-mêmes, mais aussi dans leur changement et leur enchaînement.
00:38:52 Au moment du "Maître du logis", les films avant sont des films où le montage a beaucoup d'importance.
00:38:58 Beaucoup.
00:39:00 Et surtout dans le livre de Saint-Alain, il y avait une quatrième partie, la partie moderne.
00:39:09 Et cette section avait, je crois, 550 mètres.
00:39:17 Et il y avait 600 plans dedans.
00:39:22 C'était un rapide montage.
00:39:25 Mais quand il a été coupé et mis ensemble, vous n'avez pas senti qu'il y avait tant de plans.
00:39:34 Pourquoi vous aviez monté très court comme ça ?
00:39:36 Ça s'est tombé comme ça.
00:39:38 Je ne le fais pas exprès, mais il y avait tant de mouvements et tant d'actions dans cette section.
00:39:46 Est-ce que vous n'aviez pas eu des influences de théorie ?
00:39:51 Non.
00:39:53 Plutôt, j'avais justement vu l'intelligence de Griffith.
00:40:02 Et c'est possible que j'ai été influencé par ça.
00:40:05 Mais en tout cas, je ne le regrette pas parce que je n'aurais pas pu le faire autrement.
00:40:10 Il y avait tant de mouvements, tant de déplacements.
00:40:14 Il y avait des actions parallèles ?
00:40:16 Oui, ça aussi.
00:40:19 C'est dans ce cas-là, dans ce film-là.
00:40:27 Et alors, vous avez toujours les gros plans belles.
00:40:30 Vous n'aviez pas une théorie du montage ?
00:40:32 Non, il n'y avait pas de philosophie dedans.
00:40:35 Et vous avez eu après une théorie ?
00:40:38 Non, non.
00:40:40 Seulement une petite.
00:40:42 Mais il y a quelque chose qui s'appelle sous-conscience.
00:40:45 C'est pour ça.
00:40:47 Elle a joué un rôle, je ne sais pas.
00:40:50 Parce que certains cinéastes sont des théoriciens comme Eisenstein, Poudovkin.
00:40:57 Ils écrivent des théories.
00:40:59 Vous, pas du tout.
00:41:01 Vous suivez votre instinct.
00:41:03 Mon inspiration.
00:41:06 Le script et l'inspiration pendant la prise de vue.
00:41:13 Et pendant le montage.
00:41:15 Alors, vous connaissiez le montage avant de connaître la prise de vue.
00:41:18 Et ça, je sais que c'est très utile.
00:41:21 C'est vraiment très utile.
00:41:23 Parce que pendant qu'on tourne le film, on le coupe déjà.
00:41:28 On a déjà fait le montage dans la tête.
00:41:31 Et sauf si je tourne plusieurs prises de vue aujourd'hui,
00:41:38 pendant la nuit, je le coupe.
00:41:42 Et je fais le montage.
00:41:44 Et j'ai vu que j'aurais un meilleur montage si je prends un gros plan.
00:41:53 En plus.
00:41:56 Et là, je plan le lendemain, pendant que le décor est déjà là.
00:42:01 Et je mettrai ce gros plan dans le film.
00:42:05 Et c'est fait.
00:42:07 Ça, je fais maintes fois.
00:42:09 À l'apparition du film sonore, la mimique fut mise en pénitence.
00:42:14 On avait désormais la parole.
00:42:17 Les répliques jaillissaient interminablement de visages vides.
00:42:22 Heureusement, la mimique s'est trouvée remise à l'honneur
00:42:25 et a reconquis sa dignité dans les films psychologiques français et américains de ces dernières années.
00:42:31 La mimique est un élément important pour le film parlant.
00:42:35 Elle agit directement sur nous et en appelle à nos sentiments
00:42:39 sans que le relais de la pensée ait à travailler.
00:42:42 C'est la mimique qui rend au visage son âme.
00:42:46 Elle est plus importante que la parole.
00:42:51 Vous pensez que la mimique a plus d'importance que la parole ?
00:42:54 Ah non, mais les deux ensemble, c'est l'idéal.
00:42:58 Il faut vu que tous les deux sont bons.
00:43:02 Parce que dans le cinéma muet, l'expression est s'évoluer.
00:43:06 Oui, surtout la mimique.
00:43:09 Mais dans le cas des films...
00:43:11 C'était une bonne école aussi.
00:43:15 Dans toute la mimique, il y a un début, un développement et une fin.
00:43:20 Et vous gardez le début, le développement et la fin ?
00:43:24 Si c'est réussi, je garde le tout.
00:43:29 Avec les répliques et au milieu, si possible.
00:43:35 Mais avec la technique des plans très longs,
00:43:38 vous êtes obligé d'avoir beaucoup de prises ?
00:43:43 C'est drôle que nous utilisons moins de pellicules avec les longues précevues.
00:43:49 Parce que nous avons fait beaucoup de répétitions.
00:43:54 Mais quand même, pas trop.
00:43:59 Maximum 3 ou 4 répétitions longues.
00:44:03 Mais avant de les répéter, nous avons discuté dessus.
00:44:11 Nous avons coupé les répliques jusqu'au minimum.
00:44:17 Et après 3 ou 4 prises de vue de répétition, on a tourné.
00:44:24 Parce qu'il y a aussi le problème du rythme intérieur du plan.
00:44:29 C'est difficile à mettre en place.
00:44:32 Dans une longue prise de vue, le rythme vient automatiquement avec le mouvement.
00:44:39 Vous parliez hier des plans, des "travelling" horizontaux.
00:44:45 Vous disiez que l'œil suit facilement les objets.
00:44:48 C'est la même chose dans le mouvement.
00:44:52 Mais il y a des moments où l'œil est arrêté par des verticales.
00:44:57 Avec ça, on obtient un effet dramatique.
00:45:05 Je peux vous dire, dans Dies Irae,
00:45:10 Vous savez que la sorcière au début, elle est liée à une échelle.
00:45:20 Une longue échelle.
00:45:22 Et alors l'échelle est verticale.
00:45:27 Elle reste verticale jusqu'à ce qu'on la laisse tomber.
00:45:35 Mais cet effet-là donne un grand effet dramatique.
00:45:42 Elle reste jusqu'à là.
00:45:44 Et alors qu'elle tombe, c'est un extra.
00:45:49 Mais voilà, vous avez le verticale effet.
00:45:55 Déjà que quand les lignes se lèvent, c'est un grand effet dramatique.
00:46:04 C'est tout naturel.
00:46:06 Vous jouez avec les lignes verticales et horizontales consciemment.
00:46:10 Vous savez l'effet que vous allez obtenir.
00:46:14 Oui, je crois le savoir.
00:46:18 Le style n'est pas seulement question de photographie.
00:46:24 Il y a beaucoup de facteurs qui contribuent à former le style.
00:46:27 Entre autres, le rythme du jeu.
00:46:29 Et le rythme total du film est à son tour une fusion de différents autres rythmes.
00:46:35 Depuis celui du travelling jusqu'à celui du dialogue.
00:46:39 Il faut, en général, se garder de parler de rythmes d'autrefois et de rythmes d'aujourd'hui.
00:46:45 Car, dans certains cas, c'est l'ancien qui peut être le plus moderne.
00:46:52 J'ai commencé avec Diez-Iré.
00:46:55 J'ai commencé avec des longs plans et avec ce rythme un peu plus lent.
00:46:59 Parce que si on discute des choses très sérieuses,
00:47:05 on ne peut pas aller trop vite avec le dialogue, avec la réplique.
00:47:15 Il faut, dans ce genre de film, le temps pour entendre la réplique et la comprendre.
00:47:23 Et de ne pas laisser les mots sur l'écran aller trop loin.
00:47:35 Pour que les gens comprennent.
00:47:39 Parce que dans le cinéma, il faut comprendre ce qui arrive et ce qui est parlé sur l'écran.
00:47:48 Il faut l'accepter immédiatement.
00:47:54 Parce que autrement, on ne le catche pas.
00:47:58 On ne le comprend pas.
00:48:00 Il faut le comprendre au fur et à mesure.
00:48:03 Oui, et immédiatement.
00:48:06 Je vous invite à regarder le nouveau film sur l'écran.
00:48:09 Je vous demande votre attention.
00:48:12 Le film se déroule.
00:48:15 Le film se déroule.
00:48:19 Le film se déroule.
00:48:24 Le film se déroule.
00:48:29 Le film se déroule.
00:48:36 Gertrude.
00:48:38 Gertrude.
00:48:44 Gertrude.
00:48:51 Quand tu es à la maison.
00:48:54 Quand tu es à la maison.
00:49:02 Je vais aller me reposer.
00:49:05 Tu vas lire le syndicat ce soir.
00:49:07 Oui, le rendez-vous de la direction.
00:49:11 Je vais au cinéma.
00:49:15 Tu me mets dans mon sac.
00:49:17 Où vas-tu?
00:49:18 On partage.
00:49:20 Viens.
00:49:21 Parlons un peu.
00:49:24 J'ai quelque chose à te dire.
00:49:26 C'est vrai, ma mère est là aujourd'hui.
00:49:28 Non.
00:49:29 Elle doit avoir son argent de la semaine.
00:49:32 C'est ce que tu voulais me dire?
00:49:35 Non.
00:49:37 Viens.
00:49:39 Assieds-toi.
00:49:42 Il entre par la petite porte.
00:49:45 Il dépose sa...
00:49:48 Sa serviette.
00:49:51 Il continue.
00:49:53 Il a toujours une certaine tension.
00:49:55 Qu'est-ce qu'il fait?
00:49:56 Qu'est-ce que nous voyons?
00:49:57 Qu'est-ce que nous regardons?
00:49:58 Au théâtre, vous avez de tout.
00:50:00 Immédiatement et à une fois.
00:50:02 Mais ici, vous voyez la grande chambre.
00:50:07 Vous le voyez en partie.
00:50:09 Vous le découvrez.
00:50:10 Il y a une série de surprises.
00:50:15 Une petite surprise.
00:50:16 ...
00:50:32 ...
00:51:02 ...
00:51:12 ...
00:51:15 ...
00:51:19 ...
00:51:27 ...
00:51:43 ...
00:51:46 ...
00:52:01 ...
00:52:14 ...
00:52:17 ...
00:52:21 ...
00:52:23 ...
00:52:26 ...
00:52:28 ...
00:52:30 ...
00:52:31 ...
00:52:33 ...
00:52:35 ...
00:52:42 ...
00:52:45 ...
00:52:48 ...
00:52:50 ...
00:52:52 ...
00:52:54 ...
00:52:56 ...
00:52:58 ...
00:53:00 ...
00:53:02 ...
00:53:04 ...
00:53:06 ...
00:53:08 ...
00:53:10 ...
00:53:13 ...
00:53:16 ...
00:53:22 En France, on trouve parfois vos films lents.
00:53:26 Oui, je le sais.
00:53:28 Autant de marques aussi.
00:53:30 Mais je ne crois pas que c'est vrai.
00:53:34 Ils sont un peu plus lents que les autres.
00:53:38 Il n'est pas nécessaire, si on discute de choses très sérieuses,
00:53:42 il faut écouter plus intensivement.
00:53:48 Et alors, la seule manière, c'est de laisser les mots un peu plus longtemps.
00:53:56 ...
00:54:00 Et d'ailleurs, si vous comparez avec le théâtre,
00:54:03 au théâtre, les mots, le dialogue,
00:54:07 on veut dire, les mots,
00:54:09 ils restent plus longtemps dans l'air qu'au cinéma.
00:54:14 Oui, oui.
00:54:16 Parce qu'il y a cette grande salle, la grande scène,
00:54:21 et les mots ont le temps de nager dans l'atmosphère
00:54:29 et restent un peu plus longtemps.
00:54:32 Au cinéma, les mots sont coupés
00:54:35 au moment même où ils ont quitté l'écran.
00:54:39 Et là, il faut faire au cinéma une toute petite pause
00:54:44 pour que les mots auront le temps d'entrer dans le spectateur.
00:54:52 Oui, oui, c'est ça.
00:54:54 Mais est-ce que vous acceptez au cinéma la notion de "suspense"?
00:54:59 Parce que tout à l'heure, vous parliez des plans longs.
00:55:02 Non, nous ne l'avons pas,
00:55:04 parce que le son a son volume,
00:55:11 on veut dire, son volume,
00:55:13 pendant le temps qu'il est sur l'écran.
00:55:16 Après, quand ils ont quitté l'écran, ils sont perdus.
00:55:20 Il n'y avait plus de suspense.
00:55:22 Mais tout à l'heure, vous parliez des plans longs
00:55:25 où on découvre les choses au fur et à mesure.
00:55:29 Oui, c'est à peu près la même chose.
00:55:32 C'est comme dans les films policiers.
00:55:34 Vous avez la grande scène et la grande salle
00:55:37 qui doucement avalent les mots.
00:55:41 Mais au cinéma, avec le long plan en mouvement,
00:55:45 où vous suivez les personnages au gros plan, au fond,
00:55:49 là, vous avez la possibilité de laisser les mots rester un petit peu.
00:56:01 Au moyen d'une petite pause.
00:56:05 - Oui.
00:56:07 Et est-ce que cette manière de faire succéder les mots
00:56:10 et de faire succéder les événements au cinéma...
00:56:13 - Oui.
00:56:15 - ...et qui forme ce que les Américains appellent le "suspense",
00:56:19 vous savez, dans les films policiers.
00:56:21 - Oui, oui. - Il y a le "suspense".
00:56:23 Est-ce que vous acceptez cette notion ?
00:56:26 - Oui. Maintenant, je parle plutôt des choses d'un sens intérieur.
00:56:36 Des mots qui viennent de l'intérieur, du coeur, de l'âme.
00:56:48 Et ces mots, il y a le danger qu'ils ne sauront pas compris
00:56:54 si vous marchez trop vite. - Oui.
00:56:58 - Mais si vous avez un plan en mouvement,
00:57:02 vous êtes toujours en contact avec les acteurs.
00:57:07 Et là, vous avez le temps de...
00:57:14 ...écouter les mots et aussi le temps de les comprendre.
00:57:20 - Oui, oui.
00:57:22 - Ça suppose qu'il y a un contact constant avec les acteurs.
00:57:25 - Oui, oui.
00:57:27 Ça, c'est l'avantage du cinéma, les plans en mouvement.
00:57:32 - Oui, parce que la peinture, par exemple,
00:57:34 a tendance à abandonner le visage.
00:57:37 - Ça, c'est toute autre chose.
00:57:39 Là, je parle toujours du visage parce que ce qui m'intéresse
00:57:44 et qui intéresse au public, ce sont les hommes et le visage
00:57:48 et tout ce qui est derrière le visage.
00:57:53 Et la peinture mondiale, on va parler...
00:57:57 ...ça, il n'y a pas de...
00:58:03 C'est plus sec qu'avec un visage humain.
00:58:08 - Oui. - Parce que...
00:58:11 C'est dans le visage humain que nous cherchons
00:58:14 ce qui nous touche nous-mêmes
00:58:18 et ce qui nous émouvante et crée une émotion.
00:58:23 Ça, je pense qu'une peinture,
00:58:26 une reproduction d'une peinture de Montand
00:58:31 puisse donner un effet aussi fort.
00:58:36 - Oui. Parce qu'il y a des peintures de Picasso
00:58:39 qui sont avec le visage humain.
00:58:41 - Oui, surtout dans cette période avant,
00:58:43 c'est bleu et rose.
00:58:47 - Ça, il y avait des choses qui mourent et qui nous touchent.
00:58:51 Mais c'est ça.
00:58:53 Mais c'est parce qu'il y a des visages et des personnages.
00:58:57 Il y a plein de personnages
00:59:01 qui, à cause de leur expression sans mouvement,
00:59:04 nous nous reconnaissons nous-mêmes en eux-mêmes, en eux, eux.
00:59:10 - Vous reconnaissez, évidemment. - Oui.
00:59:12 - Oui, oui, c'est ça, oui.
00:59:15 - Et l'art qui permet le mieux cette reconnaissance de nous-mêmes.
00:59:20 - Oui, je pense.
00:59:21 - Mais le théâtre aussi, le théâtre ne peut pas se passer des hommes.
00:59:24 - Non, parce que le théâtre est tout de même plus loin et plus éloigné.
00:59:30 - Oui, mais l'homme est obligatoire.
00:59:32 - Avec nos plans et nos mouvements,
00:59:34 nous avons la possibilité d'être à côté de nos personnages tout le temps.
00:59:39 - Oui.
00:59:42 - Parce qu'on peut imaginer de filmer, par exemple, la campagne.
00:59:47 - Oui.
00:59:48 - On peut l'imaginer.
00:59:49 Mais au théâtre, il est nécessaire d'avoir des comédiens.
00:59:53 - Le devoir ?
00:59:54 - Des comédiens. C'est nécessaire, les comédiens.
00:59:57 - Ah oui ? - Au théâtre.
00:59:58 - Mais au film aussi ?
00:59:59 - Au film aussi.
01:00:00 - Ah oui.
01:00:01 Ce sont surtout les hommes qui nous intéressent
01:00:05 et pour qui nous avons une sympathie.
01:00:10 (Chant)
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