État de santé - La fin du médecin de famille ?

  • l’année dernière
Les médecins de famille, chers aux Français, sont sur le point de raccrocher leur stéthoscope : en 2022, près de la moitié des médecins inscrits à l'Ordre des médecins avaient plus de 60 ans, et ils ont de plus en plus de mal à trouver un successeur, notamment dans les déserts médicaux. Pourquoi les jeunes boudent-ils cette vocation, et comment les nouveaux médecins généralistes cherchent-ils à réinventer leur métier ?

Entre vie professionnelle et vie personnelle, entre une prise en charge de qualité et la recherche de rentabilité, il est parfois difficile de trouver un équilibre lorsque l'on fait ce métier si particulier. Quelles solutions innovantes peuvent-elle permettre aux patients d'être pris en charge lorsqu'ils en ont besoin ?

Les centres de santé dans lesquels des médecins remplaçants viennent de toute la France pour assurer les consultations permettent aujourd'hui aux patients sans médecins traitants d'être soignés. Utile pour assurer la continuité des soins dans les déserts médicaux ou pour le télésuivi de patients souffrant de maladies chroniques, la télémédecine peut quant à elle prendre des formes très futuristes.

Dans cette émission spéciale « Etat de santé », Elizabeth Martichoux est entourée de cinq invités :

- Dr Marine Crest-Guilluy, médecin généraliste à Marseille et fondatrice de l'association « Guérir en mer »
- Frédéric Valletoux, député Horizons de Seine-et-Marne et rapporteur de la proposition de loi sur l'accès aux soins
- Arnaud Bontemps, porte-parole du collectif « Nos services publics »
- Maria Roubtsova, économiste et chargé de mission santé à UFC-Que choisir
- Jean-Paul Hamon, médecin généraliste et président d'honneur de La Fédération des médecins de France

La santé figure au premier rang des préoccupations des Français et au coeur de tous les grands débats politiques et sociétaux.
L'organisation des soins, le service public hospitalier, mais aussi le mal de dos, les allergies, la bioéthique ou encore la nutrition... Sur LCP-Assemblée nationale, Elizabeth Martichoux explore chaque mois un thème de santé publique.
Entre reportages, interviews de professionnels de santé, de personnalités politiques mais aussi de patients, ce rendez-vous aborde tous les maux d'une problématique de santé, ses enjeux, les avancées et les nouveaux défis pour mieux vivre demain !

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Transcription
00:00 Générique
00:02 ...
00:26 -Bienvenue dans cette émission spéciale
00:29 sur l'état de santé consacré aux médecins de famille,
00:31 une espèce en voie de disparition.
00:33 Ce médecin de famille qu'on consultait toute sa vie,
00:36 qu'on pouvait parfois déranger nuit et jour,
00:39 et qui connaissait précisément toute la famille,
00:42 il n'existe presque plus.
00:43 Alors pourquoi ? On va essayer de le comprendre
00:46 avec tous nos invités.
00:48 Et quel modèle va remplacer ce précieux médecin de famille
00:51 qu'on ne verra plus que dans les films et les livres ?
00:54 On va en parler avec vous, Mme Kress.
00:56 Merci d'être avec nous. -Merci.
00:58 -Vous êtes médecin généraliste à Marseille.
01:00 Vous avez fondé l'association Guérir en mer.
01:03 Vous nous direz tout à l'heure...
01:05 "Guérir en mer", on a compris l'idée.
01:07 Elle accompagne les soignants victimes de burn-out.
01:10 Vous en avez eu un pendant vos études.
01:12 Maintenant, vous aidez les médecins,
01:14 jeunes et moins jeunes, peut-être,
01:16 à combiner la vie professionnelle avec la vie personnelle.
01:20 Vous avez été chargé par le ministère de la Santé
01:23 en mars 2023 de rédiger un rapport sur la santé des soignants.
01:27 Frédéric Waltho, on est heureux de vous recevoir.
01:30 Député d'Horizon, de Seine-et-Marne,
01:32 rapporteur de la proposition de loi sur l'accès aux soins
01:35 qui vient d'être adoptée au Sénat.
01:37 Elle est ressortie un peu amendée,
01:39 pour ne pas dire pas mal amendée, d'ailleurs,
01:42 mais vous nous direz quelles sont vos propositions,
01:45 précisément, pour...
01:46 faire muter ce métier de médecin
01:51 que vous connaissez parfaitement bien.
01:54 Bonjour, Arnaud Bantan. Merci d'être avec nous.
01:57 Vous avez été en charge de l'Organisation
01:59 des soins à la CPAM, la Caisse primaire d'assurance maladie,
02:02 de Seine-Saint-Denis, en pleine crise du Covid.
02:05 Vous avez dû voir, évidemment,
02:07 ce que c'est que la santé sous tension,
02:10 et vous avez cofondé le collectif Nos services publics
02:13 pour mettre la question du service public
02:15 au coeur du débat politique.
02:17 Merci, Maria Boutsfova, d'être avec nous.
02:20 -Economiste.
02:21 -Chargée de mission santé à l'UFC, que choisir.
02:24 Vous avez participé à l'écriture
02:26 du rapport de l'Association sur les déserts médicaux.
02:28 Et enfin, docteur Hamon, on vous connaît bien.
02:31 Vous avez 50 ans d'exercice.
02:34 Bel anniversaire, 50 ans. -Aujourd'hui.
02:36 -De médecine générale au sein de votre cabinet à Clamart,
02:39 dans la région parisienne.
02:41 Président d'honneur de la Fédération des médecins de France.
02:45 Vous portez depuis très longtemps la parole syndicale
02:48 des médecins généralistes. Vous continuez de consulter.
02:51 -Je consulte à temps plein. -A temps plein.
02:54 Dans un groupe de cinq médecins généralistes
02:56 qui a été créé en 52, à l'époque où l'ordre des médecins
03:00 considérait que c'était pas bien de se regrouper.
03:02 Et c'était un médecin...
03:05 -On y reviendra tout à l'heure.
03:07 C'est intéressant, le regroupement, évidemment.
03:10 Docteur Crest, le médecin de famille, il a disparu.
03:14 Ca vous parle, le médecin de famille,
03:17 ou bon, c'est le Moyen Âge ?
03:19 -Je suis ni trop jeune ni trop vieille.
03:22 Je représente la tranche d'âge intermédiaire
03:24 et la grande population des femmes médecins,
03:27 parce que ce sont des métiers très féminisés, aujourd'hui.
03:30 Il y a dix ans, je faisais une émission
03:32 dont le titre était "Enquête de santé,
03:34 la fin du médecin de famille".
03:36 C'était une des premières émissions, il y a dix ans.
03:39 Je suis toujours médecin généraliste
03:41 et je pense être un médecin de famille.
03:43 Si la question, c'est "Il n'y a plus de médecins de famille",
03:46 la réponse est "Il y en a", mais ce ne sont pas ceux qui étaient là avant.
03:51 Ce ne sont pas ceux qui seront là demain.
03:53 C'est un métier qui est en cours d'évolution,
03:55 on est à un tournant, un changement,
03:57 qui se construit avec les différents acteurs.
04:00 La différence par rapport à avant, c'est que dans ces acteurs-là,
04:03 il n'y a pas que les médecins, les soignants, les patients,
04:07 et puis il y a les générations, qui évoluent.
04:09 Même moi, j'ai du mal à communiquer,
04:11 à comprendre des confrères un peu plus jeunes
04:14 ou un peu plus âgés,
04:15 parce que chacun intègre sa profession
04:17 dans son quotidien de manière différente,
04:20 et il y a des nécessités et des besoins
04:22 qui évoluent avec la société.
04:24 -Un médecin de famille, d'ailleurs, c'était en général un homme.
04:27 C'est logique, c'est un modèle en voie de disparition,
04:30 il s'est énormément féminisé,
04:32 comme vous l'avez souligné dès le début.
04:35 Alors, les médecins ne sont rien sans les patients.
04:39 Et si c'est compliqué d'être médecin aujourd'hui,
04:42 c'est très compliqué d'être patient.
04:44 Quel est le ratio,
04:47 le nombre de médecins généralistes, aujourd'hui,
04:51 qui disent non à des nouveaux patients ?
04:53 -Aujourd'hui, c'est près de la moitié
04:55 des médecins généralistes qui refusent les nouveaux patients.
04:58 C'est particulièrement compliqué de trouver un médecin traitant.
05:02 Il y a eu des annonces faites par les autorités, cette année,
05:05 pour dire qu'on allait trouver des médecins traitants
05:08 aux patients en infection de longue durée
05:10 sans médecin traitant.
05:12 La première chose qu'a faite la Sécurité sociale,
05:15 c'est de dire qu'il n'y avait pas de médecin traitant,
05:18 comme si c'était aux patients de se débrouiller,
05:20 alors que les patients sont dans un problème systémique de pénurie
05:24 et donc, souvent, c'est pas faute de volonté du patient
05:27 qu'on ne trouve pas de médecin traitant,
05:29 c'est faute d'accessibilité.
05:31 Selon où on habite, selon...
05:33 Est-ce que les médecins sont proches de leur départ en retraite ?
05:36 Est-ce qu'ils ont déjà beaucoup de patientels ?
05:39 -Vous avez déjà résumé ou cité quelques causes,
05:42 évidemment, de la démographie médicale
05:46 en grande pénurie.
05:48 On s'arrête pour un petit point d'histoire.
05:51 Pourquoi les généralistes sont-ils de moins en moins nombreux ?
05:55 Explication texte.
05:57 -En France, une personne sur trois vit dans un désert médical.
06:07 6 millions de personnes n'ont pas de médecin traitant
06:11 et leur recherche pourrait bien durer,
06:13 car la pénurie a empiré ces dernières années.
06:15 La densité de médecins généralistes
06:18 est passée de 153 pour 100 000 habitants en 2012
06:22 à 140 pour 100 000 en 2021.
06:25 Pourquoi ?
06:27 Principalement parce que nous ne formons pas assez de médecins.
06:30 Et cela remonte aux années 70.
06:33 A cette époque, les cabinets médicaux poussaient
06:36 comme des champignons et les bancs des facs de médecine
06:39 étaient remplis de futurs généralistes.
06:41 Mais c'est aussi à cette époque
06:43 qu'on a découvert le trou de la sécu.
06:46 Pour le combler, et sous l'influence des médecins libéraux,
06:49 le gouvernement a choisi de limiter les dépenses
06:52 en limitant le nombre de médecins.
06:55 Le numerus clausus faisait son apparition.
06:58 De 8 500 places offertes aux étudiants en 1977,
07:03 on est descendu jusqu'à 3 500 admissions en 1993.
07:08 ...
07:11 Le nombre de nouveaux médecins a drastiquement baissé.
07:15 Et dans le même temps, la demande de soins, elle, a augmenté.
07:19 Car la population vieillit.
07:21 Les baby-boomers, nés après la Seconde Guerre mondiale,
07:24 ont atteint le 3e âge dans les années 2010.
07:27 On parle de papy-boom.
07:29 ...
07:30 Et pour ne rien arranger,
07:32 les généralistes, eux aussi, vieillissent, comme tout le monde.
07:36 Près de 50 % des médecins inscrits à l'Ordre ont plus de 60 ans.
07:40 Ainsi, depuis 2020,
07:42 il y a davantage de départs à la retraite que de nouveaux arrivants.
07:46 Heureusement, le numerus clausus a augmenté au début des années 2000.
07:52 Et en 2020, il a été remplacé par un numerus apertus,
07:56 c'est-à-dire un quota minimum de place
07:59 fixé par les facs de médecine en fonction des besoins du territoire.
08:03 Mais ces décisions ne devraient porter leurs fruits
08:06 qu'à partir de 2030.
08:08 -Si on comprend bien nos bons temps, en 2030...
08:16 J'essaie de voir ce qui peut nous donner un peu d'espoir.
08:19 En 2030, ce sera le pic de la pénurie de médecins
08:23 liés à cette logique du numerus clausus.
08:26 On commencera à avoir un peu moins de pénurie à partir de 2030 ?
08:31 -Ce serait faire abstraction de l'évolution continue
08:34 dans le même temps des besoins de santé.
08:36 Le reportage a mentionné la question du vieillissement de la population.
08:40 Dans les 10 dernières années, c'est 12 % de plus de 75 ans en plus
08:44 dans la population.
08:46 Dans le même temps, ce qui est encore plus frappant,
08:49 c'est l'évolution des affections longue durée,
08:51 les maladies chroniques et les cancers.
08:54 Dans les 10 dernières années, c'est plus de 30 %.
08:56 Aujourd'hui, c'est un patient sur six.
08:59 C'est ça, l'enjeu auquel il faut répondre.
09:01 C'est pour ça qu'il y a une crise du système de santé,
09:04 en particulier de la médecine de ville.
09:06 On a un système qui a été inchangé dans ses modalités,
09:10 alors que les évolutions pathologiques,
09:12 elles, épidémiologiques, sont très fortes.
09:15 En effet, le modèle d'un professionnel de santé
09:19 qui serait un médecin isolé
09:21 ne correspond plus à la prise en charge des patients chroniques
09:24 qui nécessitent un travail en équipe entre différentes professions.
09:28 Il faut que notre modèle, aujourd'hui, arrive à inciter.
09:31 -Vous nous direz quelles sont les solutions
09:34 qu'on peut mettre en place au bénéfice de tous.
09:36 Il y a moins de médecins et il y a un problème de répartition.
09:40 Regardez cette carte.
09:41 Vous allez regarder attentivement.
09:43 Toute cette carte de France est, en fait,
09:46 mixtée par des petits points blancs.
09:48 Et ces petits points blancs, c'est là où il y a
09:50 pratiquement aucun ou presque aucun médecin.
09:53 Ensuite, vous voyez que plus c'est foncé,
09:56 plus il y a de médecins disponibles au service des patients.
10:00 On voit bien que le Sud, au sens large,
10:02 est assez bien doté, avec les parties littorales,
10:05 où il y a quand même, là, une démographie assez positive.
10:09 Et puis, plus on monte vers le Nord,
10:11 et surtout autour de la capitale,
10:13 et ainsi que le centre de la France,
10:15 eh bien là, il y a une pénurie de médecins caractérisés.
10:20 J'aurais qu'on aille tout de suite dans la Creuse.
10:23 C'est un des départements les moins dotés,
10:26 la Creuse.
10:27 Châtelut-Malvalais, écoutez ce couple de médecins,
10:30 66 et 64 ans.
10:32 Il voudrait, ce couple de médecins,
10:35 prendre sa retraite.
10:36 Il ne trouve pas de successeur,
10:39 et vous entendrez dans la foulée un patient, évidemment,
10:42 qui est pénalisé.
10:54 -On a mis des annonces un peu partout,
10:56 et je pense qu'on n'est pas les seuls à chercher.
11:00 Ca fait 36 ans que je suis là,
11:03 que je connais des familles depuis 2-3 générations,
11:07 donc ce sont plus des amis que des patients,
11:11 donc c'est difficile de les laisser tomber.
11:13 On a soigné les parents, les enfants,
11:15 maintenant on soigne les petits-enfants,
11:18 donc ça fait un peu mal au coeur.
11:20 Il y a des gens qui ne seront plus suivis,
11:22 qui n'ont plus arrêté leur traitement,
11:24 donc ça va être vraiment dramatique, je pense.
11:27 J'ai proposé à la commune de travailler
11:30 deux jours par semaine comme salarié avec ma femme
11:33 pour essayer de dépanner un peu,
11:36 en attendant de trouver un successeur.
11:38 -Ca m'inquiète, parce qu'il va falloir retrouver un médecin,
11:43 et les médecins, ils sont surchargés.
11:47 Le désert médical, c'est pire en pire.
11:51 Je sais pas où on va aller comme ça.
11:53 Qu'est-ce qu'on va faire ?
11:56 -Bon, "qu'est-ce qu'on va faire ?" c'est bien posé comme question.
12:03 Il s'agit de trouver des réponses.
12:05 Frédéric Walthou, vous avez soumis
12:07 une proposition de loi au Sénat,
12:11 avec un certain nombre de mesures que vous préconisez.
12:14 Tout de suite, je vais poser la question qui fâche,
12:17 parce qu'on tourne autour en France depuis des années.
12:21 Coercition.
12:22 L'obligation faite aux médecins,
12:24 par exemple, à la sortie de leurs études,
12:26 de s'installer là où les patients en ont besoin,
12:29 vous n'y êtes pas favorable ?
12:31 -Je n'y suis pas favorable dans la période actuelle.
12:34 Je n'y suis pas favorable dans la période où, effectivement,
12:37 on a si peu de médecins chaque année, vous donniez les chiffres,
12:40 à imaginer répartir là où il y a des besoins.
12:44 Par contre, que dans l'avenir,
12:46 dans les années qui redeviendront,
12:48 "fast", c'est peut-être un grand mot,
12:50 en tout cas meilleur, dans les années 30, 32, 35,
12:53 quand, effectivement, plus de jeunes auront été formés,
12:57 qu'il y ait un système qui veille à ne pas reproduire
13:00 les erreurs du passé, de concentration
13:02 et de juste répartition.
13:05 -Par quels moyens ?
13:06 -Je pense que c'est à la profession d'y réfléchir.
13:09 Après, nous, les parlementaires, on peut avoir des idées,
13:12 mais beaucoup de professions se sont pris par la main
13:15 et ont imaginé des systèmes,
13:16 je pense aux pharmaciens, à d'autres,
13:19 pour répondre à l'intérêt général
13:21 et aux besoins des Français.
13:23 Donc, on pourrait attendre, effectivement,
13:25 que dans les années qui nous éloignent
13:28 de cette époque de 2035 que j'évoquais,
13:30 on puisse y voir émerger des propositions
13:33 pour qu'on dise qu'on ne va pas reproduire
13:35 ce qu'on a vécu par le passé,
13:37 il y a un besoin qu'on ne soit pas tous concentrés.
13:40 On parle des généralistes,
13:42 mais les cartes pour les spécialistes,
13:44 c'est encore pire. La concentration
13:46 des spécialistes, c'est encore pire
13:48 que la concentration des généralistes.
13:51 Et donc, voilà, c'est un système à inventer.
13:53 Je pense que pour l'instant, c'est pas le sujet.
13:56 Et la coercition, on sait que, malheureusement,
13:59 c'est un sujet qui fâche.
14:00 Si on veut que cette profession évolue,
14:02 comme toutes les professions,
14:04 il faut qu'on emmène avec nous les médecins.
14:07 -Donc, pas de coercition dans un système hyper tendu,
14:11 où, pour l'instant, il y a un manque criant
14:13 de médecins, entre guillemets, disponibles.
14:16 -Mieux répartir la rareté, ça ne rendra personne riche.
14:19 -Au débat, c'est toujours intéressant
14:20 de se comparer aux autres.
14:22 Regardez cette carte qu'on a préparée, justement,
14:26 pour vous montrer ce qui se passe ailleurs.
14:29 Au Pays-Bas et en Belgique,
14:30 les médecins sont libres de s'installer
14:34 où ils le souhaitent.
14:35 Il y a des mesures incitatives.
14:37 On va parler de l'Allemagne, le Danemark et la Norvège.
14:40 Là, il y a des mesures coercitives.
14:43 Par exemple, au Danemark et au Norvège,
14:46 pour prendre cet exemple,
14:47 les généralistes sont libéraux, mais ils doivent passer un contrat
14:51 avec les autorités locales
14:53 qui régulent la distribution des cabinets sur le territoire.
14:57 En Grande-Bretagne et en Espagne,
15:00 les systèmes de santé sont publics.
15:02 Les généralistes britanniques sont installés,
15:05 sont salariés par la National Health Service,
15:09 NHS, et donc, leur installation est parfaitement régulée
15:13 en fonction des besoins.
15:15 Les généralistes espagnols sont salariés
15:17 par les régions autonomes.
15:19 Ce sont elles, les régions,
15:21 qui décident des effectifs de médecins informés
15:24 et leur installation.
15:25 On voit bien qu'il y a des pays qui ont adopté des systèmes
15:28 qui sont extrêmement différents.
15:31 La coercition, est-ce que ça marche ?
15:33 Est-ce que ça permet à ces pays,
15:35 puisque on dit que ça existe,
15:37 est-ce que ça permet aux patients d'être mieux soignés ?
15:40 Est-ce que ça permet d'avoir des systèmes qui fonctionnent mieux ?
15:44 -C'est un rapport de l'ADDRES,
15:45 le service statistique du ministère de la Santé,
15:48 qui dit que les mesures coercitives sur l'installation
15:51 combinées à d'autres mesures ont contribué dans d'autres pays
15:55 à améliorer l'accès aux soins.
15:56 C'est sûr que c'est pas la coercition seule,
15:59 mais ça peut être un élément d'une politique qui marche bien.
16:02 Par contre, là où je partage pas l'analyse de M. Valtoux,
16:06 c'est que, pour nous, pour l'UFC, que choisir ?
16:09 C'est parce que la pénurie est particulièrement intense,
16:12 que c'est le moment de prendre des mesures contraignantes
16:15 sur la liberté d'installation,
16:17 puisque ce que vous montriez sur la démographie médicale
16:20 et le cas de la creuse sont assez symptomatiques,
16:23 puisqu'on a montré dans notre étude sur l'accès aux soins
16:26 qui est parue cette année,
16:28 que les départements où les généralistes sont les plus âgés
16:31 sont aussi les moins denses.
16:33 Dans la vague de départs en retraite,
16:35 qui n'en est qu'à ses débuts,
16:37 ça va être les départements déjà les plus démunis
16:40 qui vont perdre le plus de médecins
16:42 suite aux départs en retraite.
16:43 Donc, pour nous, c'est pour ça qu'il faut réguler maintenant,
16:47 pour gérer la pénurie.
16:48 Ce que défend l'UFC que choisir,
16:50 ce n'est pas la coercition au sens de prendre un jeune médecin
16:53 et lui dire "vous allez dans la creuse".
16:56 Nous, ce qu'on défend, c'est fermer l'installation
16:58 dans les zones les mieux dotées.
17:00 Par exemple, sur le littoral...
17:02 -Est-ce qu'il y a des zones surdotées
17:04 ou elles sont mieux dotées ?
17:06 -Il y en a, mais dans une situation de pénurie,
17:08 c'est quand il y a une pénurie qu'on rationne,
17:11 et donc, pour nous, il faut envoyer les patients dans les zones...
17:14 -Donc, on déshabille Paul pour habiller Jacques.
17:17 C'est un moindre mal. On ne peut pas faire autrement.
17:20 -Il y a une pénurie. On va dans 10 ans de pénurie.
17:23 -Vous auriez accepté, à la sortie de vos études,
17:25 et vous aurez la parole dans une seconde,
17:28 mais vous auriez accepté, vous, docteur,
17:30 qu'on vous dise à la fin de vos études
17:32 qu'il vaudrait mieux aller là, avec plus ou moins de...
17:35 -Non, enfin, pardon, mais...
17:37 -Où vous voulez, sauf les zones les mieux dotées.
17:40 -Merci d'avoir réformulé ma question.
17:42 -C'est compliqué, c'est qu'il faut pas...
17:45 "Il faut", "on doit", "c'est la faute à",
17:47 il faut comprendre que quand vous faites médecine
17:50 ou autre profession de soins, vous le faites par vocation
17:53 et par élan. Aujourd'hui, cet élan est en train de se tarir.
17:56 Les jeunes n'ont pas envie d'y aller
17:58 parce qu'ils voient ceux qui sont sur le terrain
18:01 qui s'en vont, qui arrêtent, et ils n'ont pas envie d'y aller.
18:04 Ils sont accompagnés par des professionnels
18:07 qui n'ont pas envie d'y aller et plus envie de rester.
18:10 Obliger quelqu'un avec une contrainte comme ça,
18:12 ça ne marchera pas, et je pense encore moins en France,
18:16 parce que ça ne correspond pas à la personnalité du Français
18:19 et à un besoin.
18:20 Si on vous force à faire un métier
18:22 et que vous n'avez pas envie, vous n'allez pas y aller.
18:25 On n'ira pas. Moi, on m'aurait fait réfléchir
18:27 sur comment on peut répondre à un besoin
18:30 et que ça vienne des professionnels de santé.
18:32 Il faut comprendre que c'est des femmes, des familles,
18:35 dans des zones où il n'y a pas d'attractivité,
18:38 dans les métiers, sur les territoires.
18:40 C'est une politique qui est tellement multifactorielle
18:43 qu'il ne faut pas juste s'entrer sur...
18:45 On leur dit qu'il ne faut pas y aller,
18:47 mais ils peuvent y aller.
18:49 Mais ça ne dépend pas uniquement de ce facteur-là.
18:52 -Docteur Ramon, vous bouillez depuis tout à l'heure.
18:55 -Je suis très heureux d'entendre M. Valtho dire
18:58 qu'il est contre la coercition.
18:59 -On va éviter les débats sériels, on essaie d'être constructifs.
19:03 -Vous avez parlé du Danemark. -Aujourd'hui.
19:06 -Je peux parler du Danemark, j'y suis allé, justement.
19:09 Au Danemark, si un médecin veut s'installer dans une région,
19:12 on lui dit "c'est à tel endroit",
19:14 mais il choisit la région où il veut s'installer.
19:17 Le médecin danois ne travaille pas dans les mêmes conditions
19:20 que le médecin français.
19:22 Si vous voulez permettre aux jeunes de s'installer,
19:25 il faut qu'ils bossent avec un secrétariat présentiel,
19:28 avec des locaux corrects, et faire découvrir
19:30 aux internes cette médecine passionnante à exercer.
19:33 Au Danemark, la différence, c'est que les médecins danois
19:36 collaborent avec l'hôpital, ils vont régulièrement à l'hôpital
19:40 et il y a une vraie collaboration avec l'hôpital,
19:43 tandis qu'ici, avec l'hôpital, il y a maintenant
19:45 une concurrence avec l'hôpital qui fait des choses
19:48 qui pourraient être faites en ville.
19:50 -C'est un système qui vous paraît plutôt positif ?
19:53 -Vous avez parlé du Danemark,
19:55 vous avez parlé également de la Creuse.
19:57 Je suis allé à Royer de Vassivière,
20:00 qui est un désert de population,
20:02 mais à Royer de Vassivière,
20:04 les médecins ont fait venir des internes,
20:07 les maires ont logé les internes,
20:09 il y a eu une prime pour que les internes
20:11 puissent venir dans la Creuse, et quand j'ai visité ce cabinet,
20:15 il y avait quatre médecins,
20:17 deux collaborateurs d'anciens internes.
20:19 -C'est exemplaire, ça.
20:20 -Les gens étaient prêts à venir s'installer
20:23 parce qu'ils ont découvert une médecine de premier recours
20:26 passionnante à exercer.
20:28 On donne l'habitude aux internes d'aller dans ces zones
20:31 dans de bonnes conditions.
20:33 -C'est vrai ?
20:34 Ils y seraient allés dans la Creuse ?
20:36 Vous seriez allés vous installer
20:38 si vous aviez eu la promesse d'avoir des bons collaborateurs ?
20:41 -C'est pas aussi simple.
20:43 Les futurs médecins généralistes sont formés à l'hôpital,
20:46 dans un système universitaire.
20:48 Pour toutes les problématiques de main-d'oeuvre à l'hôpital,
20:51 les internes qui vont aider à ça, etc.,
20:54 c'est la problématique de la formation initiale
20:57 et de la formation de l'internat.
20:58 Si on arrive à revaloriser ce métier au sens large,
21:01 c'est-à-dire redonner du sens, redonner envie de le faire,
21:05 les maîtres de stages sur les terrains
21:07 transmettent une passion d'un métier.
21:09 Une fois qu'elle est transmise, si elle arrive à être transmise,
21:13 les gens ont envie de faire de la médecine, du soin,
21:16 à condition, comme le disait le docteur Hamon,
21:18 qu'ils puissent y vivre confortablement
21:21 avec leur famille, qu'il y ait une attractivité
21:24 pour les conjoints, pour avoir des professions.
21:27 Le territoire compte avec l'organisation par territoire.
21:30 -Pour bien comprendre ce qu'est l'exercice de la médecine,
21:33 vous l'avez dit, il ne suffit pas de faire des incitations,
21:36 il faut rendre une attractivité au métier.
21:39 Beaucoup de jeunes médecins cherchent un bon équilibre
21:42 pour ne pas craquer, avoir de burn-out.
21:44 Je voudrais qu'on aille... Un médecin à Marseille,
21:47 un jeune médecin généraliste,
21:49 qui a trouvé une solution pour pouvoir combiner
21:52 son plaisir, sa vocation,
21:54 avec sa vie personnelle.
21:57 C'est un reportage de Marianne Cazot.
21:59 -Nager pendant sa journée de travail,
22:06 c'est commun pour un athlète,
22:08 moins pour un médecin généraliste.
22:11 Mais c'est le seul moyen que Thierry Nieto a trouvé
22:14 pour relâcher enfin la pression.
22:16 -Le Covid, notamment,
22:20 ça a été...
22:22 Très éprouvant, physiquement et surtout mentalement.
22:25 Je pense que depuis cette période-là,
22:28 je vois les choses différemment et je prends plus le temps
22:31 de décompresser, de gérer les choses et de mettre des limites
22:34 que je ne faisais peut-être pas avant.
22:36 -Une décision nécessaire pour tenir le rythme.
22:40 Car les journées du Dr Nieto
22:41 ressemblent souvent à un numéro d'équilibriste.
22:44 Ouverture du cabinet à 8h45.
22:48 -Ce matin, j'ai 12 consultations qui sont prévues.
22:51 -Quelques minutes avant que le flot ininterrompu
22:53 des patients n'arrive.
22:55 -Bonjour, monsieur.
22:56 -Jeune ou plus âgé, en bonne santé
22:58 ou souffrant de plusieurs maladies chroniques,
23:01 les patients se suivent et les consultations s'enchaînent.
23:04 ...
23:07 -Alors, on a la précession de contrôle,
23:09 on a dit la mammo, la colo, on est bon.
23:12 Euh...
23:13 Vous en êtes où au niveau vaccination, Covid, grippe ?
23:16 -C'est ça que vous voulez voir ?
23:18 -En tant que médecin traitant,
23:20 on doit faire de la prévention, prendre le temps d'expliquer.
23:23 -Elle est nickel, attention, 107, 59.
23:25 En langage courant, on dit 10, 5.
23:28 -Et de rassurer les patients qui en ont besoin.
23:31 -Quand on manque beaucoup de fer, on a fini par faire des anémies,
23:34 les globules rouges qui baissent,
23:36 c'est là qu'on a des symptômes, qu'on est fatigué, essoufflé.
23:39 C'est juste les réserves en fer qui sont un peu basses,
23:42 mais ça s'explique par rapport à votre alimentation.
23:45 -Mais ce faisant, le temps file, alors il faut gérer les priorités.
23:49 -Ca peut être intéressant de faire la kiné.
23:51 -Là, il y a... -L'éducation du rachinomère.
23:54 -D'accord. -OK ?
23:55 Et après, on s'occupera du problème hémato sans urgence.
23:59 -Oui.
24:00 -Bonne journée. A bientôt.
24:01 -Ce qui est difficile à vivre pour ce médecin très investi.
24:05 -On est tout le temps torturés entre essayer de faire de la qualité,
24:08 et là, si je veux faire de la qualité, je garde tout le monde de mon temps.
24:12 J'ai 2 heures de retard et je rentre à 10h le soir.
24:15 Et essayer de faire quelque chose de viable,
24:19 avec des temps de consultation limités.
24:21 Souvent, on n'a pas le temps, on doit être directif,
24:24 poser juste les questions qu'il faut pour les soigner plus rapidement.
24:27 Et oui, c'est ça qui est dommage, en fait.
24:31 -Car aux consultations,
24:32 s'ajoutent plus de 5 heures par semaine de tâches administratives.
24:37 -Il n'y a plus rien qui marche.
24:41 -Tirignetto s'y a-t-elle pendant sa pause déjeuner ?
24:46 Avant de commencer sa tournée des visites à domicile.
24:51 -Du coup, j'ai vu... Vous toussez un petit peu ?
24:57 -Elles sont essentielles pour ces patients âgés
24:59 qui ne peuvent plus se déplacer jusqu'au cabinet.
25:02 -Ils vous ont remis un peu d'attaque ?
25:04 -Les autres docteurs, c'est très compliqué.
25:06 Il y en a qui veulent plus venir à domicile.
25:10 C'est vrai, hein ?
25:12 J'ai subi 7 opérations, quand même.
25:16 2 de la colonne vertébrale,
25:18 2 du genou de la prothèse
25:21 et 4 de la...
25:23 -Tirignetto se voit comme un médecin de famille.
25:27 Il tient ses moments privilégiés
25:29 avec des personnes qu'il suit sur le long terme,
25:32 comme cette patiente dont il a accompagné la mère
25:34 jusqu'à la fin de séjour.
25:36 Mais il a décidé de ne plus prendre de nouveaux patients
25:40 qui n'ont pas la capacité de se rendre au cabinet,
25:43 car une visite n'est pas rentable pour un médecin libéral.
25:46 Elle prend 3 à 4 fois plus de temps qu'une consultation
25:50 pour seulement 10 euros de plus.
25:52 -Du coup, 35, s'il vous plaît.
25:54 -En faisant ce choix,
25:56 Tirignetto ne peut s'empêcher de culpabiliser.
25:59 -On essaie de leur trouver des solutions,
26:02 mais ils nous disent "est-ce que vous connaissez un confrère
26:05 "qui fait des visites à domicile ?"
26:07 Malheureusement, non, car ils sont dans le même cas que moi.
26:10 Il fait ce boulot pour aider les gens,
26:13 pour les soigner,
26:15 et pas pour refuser des soins.
26:18 Donc, ouais, c'est un vrai échec.
26:21 -Mais pour lui, il n'y a qu'avec cet équilibre fragile
26:26 qu'il peut tenir sur la durée.
26:28 -Bon, c'est pas le seul métier
26:39 qui est sous stress.
26:41 On va pas non plus dramatiser,
26:44 mais c'est pas un métier comme les autres.
26:46 Vous aussi, d'ailleurs,
26:48 allez-vous à la piscine, docteur Crest ?
26:50 -Je fais du bateau. -Du bateau.
26:52 Mais c'est vital pour vous, c'est pas seulement un loisir.
26:55 -C'est l'équilibre de la vie,
26:57 quelle que soit la profession, dans la police, les instits,
27:00 c'est un équilibre, vie privée, vie professionnelle,
27:03 sport, alimentation, sommet, gestion des émotions.
27:06 Le métier du soin subit un certain nombre de violences,
27:09 comme les violences par le métier qui est difficile,
27:12 avec ce qu'on vit, les institutions
27:14 qui mettent des pressions extrêmes sur les médecins généralistes,
27:17 comme si le médecin était à la cause
27:19 de toutes ces problématiques, du haissement de la population,
27:23 du mal-être de la société.
27:24 Toutes ces pressions font qu'il a vraiment besoin
27:27 de prendre soin de lui, parce que si le médecin va pas bien,
27:30 ou l'infirmière, ça marche pour tous les professionnels,
27:33 demain, il n'y aura plus personne.
27:35 -Quoi qu'on en pense, les jeunes médecins
27:38 ne veulent pas travailler comme vous l'avez fait
27:40 pendant des années, 50 heures par semaine, c'est fini.
27:43 -C'est normal, parce que les 35 heures sont passées par là.
27:47 Moi, quand je me suis installé,
27:50 on avait encore l'image du médecin généraliste
27:54 qui était taillable, corvéable, à merci,
27:56 qui se levait la nuit, etc.
27:58 Les médecins que j'ai remplacés
27:59 travaillaient tous dans une grande maison,
28:02 avec du personnel à la maison.
28:04 -Oui. On va pas pleurer sur le l'air inversé, c'est fini.
28:08 -C'est fini. -Qu'est-ce qu'on fait ?
28:10 -Qu'est-ce qu'on fait ? On permet aux médecins
28:13 de se travailler ensemble.
28:15 Moi, je milite pour des groupes monodisciplinaires.
28:19 Les cinq médecins généralistes qu'on est,
28:21 il faudra sans doute qu'on soit six ou sept
28:23 pour assurer la continuité des soins,
28:26 mais il faut avoir les moyens d'avoir un secrétariat,
28:29 c'est-à-dire le payer.
28:30 C'est ça qui nous décharge des tâches administratives,
28:33 qui nous permet d'aller faire des visites à domicile
28:36 pour les personnes âgées qui n'ont plus les moyens de se déplacer.
28:40 On parle du maintien à domicile des personnes âgées,
28:43 du vieillissement de la population,
28:45 mais on ne peut maintenir les gens à domicile
28:48 qu'avec des infirmiers et des kinés qui se déplacent.
28:51 Actuellement, les infirmiers se déplacent pour 2,50 euros.
28:54 2,75 euros, M. Braun a tweeté qu'il avait augmenté de 10 %
28:57 le déplacement des infirmiers. 2,75 euros.
29:00 2,50 euros pour le kiné.
29:01 Ce sont des professions capitales.
29:04 -Est-ce que le salariat, je vous pose une question,
29:07 que l'on n'a pas entendue,
29:08 est-ce que le salariat dans les centres de santé,
29:11 c'est un bon moyen d'attirer des médecins
29:13 dans les déserts médicaux ?
29:15 -Ce qu'on constate, y compris avec ce reportage,
29:18 c'est que le paiement à l'acte met les professionnels de santé
29:21 dans un système d'injonction contradictoire.
29:24 Le médecin nous parle de qualité et nous dit qu'il n'a pas le temps
29:27 de le faire. Tout temps de coordination,
29:30 toute réunion qu'il va faire avec une infirmière, un kiné,
29:33 il ne sera pas payé en consultation,
29:35 il sera un manque à gagner.
29:37 C'est une injonction contradictoire,
29:39 c'est pas la faute à Paul ou Jacques.
29:41 Mais du coup, on a besoin de repenser ce système,
29:44 un, qui est monoprofessionnel,
29:46 c'est ce qu'a dit Jean-Paul Hanon, à l'envers,
29:48 on n'en sortira pas si on ne considère que les médecins.
29:52 On a besoin de considérer les infirmières, les kinés,
29:55 et toutes les professions autour.
29:57 On a besoin de penser autre chose que le paiement à l'acte.
30:00 Le salariat dans les centres de santé le permet.
30:03 Si c'est un modèle, le salariat qui est de plus en plus attractif
30:06 pour les médecins, c'est parce qu'il y a une meilleure conciliation
30:10 entre équilibre pro et vie personnelle,
30:13 c'est parce qu'il y a un environnement pluriprofessionnel,
30:17 une capacité à mieux prendre en soin les patients.
30:20 -C'est intéressant, ce que vous dites,
30:22 mais factuellement, ça aide le salariat à attirer les médecins ?
30:26 -Alors, nous, ce qu'on a observé en tant que patients,
30:29 c'est que l'exercice groupé,
30:31 que ce soit en maison pluriprofessionnelle
30:33 ou en maison de santé publique, salarié,
30:36 c'est apprécié à la fois par les patients
30:39 et par les professionnels.
30:40 Et effectivement, si le médecin d'aujourd'hui
30:44 veut travailler 35 heures, mais qu'il est déchargé
30:47 complètement des tâches administratives,
30:49 ça permet de limiter les dégâts
30:51 sur le nombre d'heures à effectuer vraiment des actes.
30:57 -Ma question, c'est si on salarie les médecins,
31:00 une collectivité, par exemple,
31:01 est-ce que ça permet d'attirer plus de médecins ?
31:04 Est-ce que c'est efficace en termes de réponse à la demande de soins ?
31:09 -On a autorisé récemment les collectivités
31:11 à salarier des médecins, février 2022, je crois.
31:14 On est au balbutiement de ce système.
31:16 -On n'a pas encore de recul. -Si.
31:18 -Ca se faisait avant, mais illégalement,
31:21 la fonction territoriale...
31:23 -C'est pas d'Eric Baltho.
31:24 -Ca se faisait... Enfin, il y a eu des expérimentations
31:28 qui ont été faites, mais ça se fait,
31:30 et on voit que les médecins sont...
31:32 -Les professionnels de santé. -On a suffisamment de recul.
31:35 -C'est un modèle qui, effectivement...
31:37 Vous démarrez votre journée,
31:39 que vous voyez un patient, vous soyez en réunion de coordination,
31:43 vous serez payé, puisque vous connaissez
31:45 le revenu que vous aurez pendant le mois.
31:47 Ca n'incite pas forcément à y consacrer plus de temps
31:50 que le temps qui est dans le contrat que vous avez signé.
31:53 Donc c'est un autre modèle que le modèle libéral,
31:56 mais on voit qu'aujourd'hui,
31:58 c'est un modèle qui intéresse beaucoup les jeunes.
32:01 Il faut bien voir que dans cette crise
32:03 qu'on vit aussi du médecin de famille,
32:05 puisque c'est le thème de l'émission,
32:07 c'est aussi que pendant très longtemps,
32:10 la médecine générale a été profondément déconsidérée
32:13 dans les études de médecine et par les jeunes médecins.
32:16 On faisait ceux qui faisaient médecin généraliste.
32:19 -Il y avait le spécialiste et le généraliste.
32:21 -On a mis en avant la médecine de spécialité,
32:24 et le généraliste avait raté ses études
32:26 ou n'était pas capable de faire chirurgie.
32:29 -C'est toujours le cas ? -Je sais pas.
32:31 -Est-ce que c'est toujours considéré ?
32:33 -Je pense pas. -C'est toujours le cas ?
32:35 -La médecine générale est reconnue comme étant une spécialité.
32:39 Il y a aussi de plus en plus de médecins généraux
32:41 qui travaillent dans des systèmes ouverts,
32:44 dans des hôpitaux, dans des programmes de recherche.
32:47 Il y a une dimension universitaire qui peut continuer à rester.
32:51 On voit que ça s'ouvre à accueillir des jeunes internes.
32:53 La médecine générale d'équipe permet de structurer des cabinets
32:57 qui accueillent des jeunes internes
32:59 pour un rôle d'accompagnement des jeunes générations.
33:02 -En tout cas, le salariat, ça répond à des besoins
33:05 sur certains territoires,
33:07 pas question de généraliser, comme en Grande-Bretagne.
33:10 On n'en est pas du tout là.
33:11 Il y a le salariat.
33:13 Je voudrais qu'on s'arrête sur quelque chose
33:15 qui se développe beaucoup dans la pratique,
33:18 et pour le patient et le médecin, c'est la télémédecine.
33:21 Regardez ce reportage.
33:22 -Et si votre nouveau médecin tenait dans cette cabine ?
33:31 Stéthoscope connecté, thermomètre, prise de tension automatique,
33:36 un dispositif digne des astronautes.
33:39 Pourtant, nous sommes dans une petite commune de l'Essonne,
33:43 tout ce qu'il y a de plus normal.
33:45 Une cabine de téléconsultation a été installée ici
33:48 pour assurer la continuité des soins dans cette zone sous-dotée.
33:52 -Je vais vous demander de vous désinfecter les mains.
33:54 -Ici, pas de personnel médical.
33:56 L'accueil est assuré par un employé de la mairie.
33:59 -Mon médecin n'est pas toujours disponible à me prendre.
34:03 Il est à 25 km de chez moi, donc j'ai été aussi loin,
34:06 parce qu'avant, j'avais mon médecin sur Méncy,
34:09 mais il est parti à la retraite.
34:11 J'ai eu beaucoup de mal à en trouver un.
34:13 -Bonjour et bienvenue.
34:15 Veuillez insérer votre carte vitale
34:17 dans le lecteur situé face à vous.
34:19 -Voilà, vous allez être connecté. Je vous laisse.
34:21 -En fait, le médecin, c'est lui,
34:24 mais il est à des centaines de kilomètres de la cabine.
34:27 -Je suis le médecin téléconsultant.
34:29 -Qu'est-ce que je vais pouvoir faire ?
34:31 -J'ai un peu de tension.
34:33 -On va pouvoir, avec la cabine, utiliser certains outils
34:35 pour observer votre tension et examiner d'autres choses.
34:38 -Les instruments médicaux doivent être manipulés
34:42 par le patient lui-même, et ce n'est pas toujours si facile.
34:45 Si vous n'êtes pas à l'aise, peut-être que c'est votre bras
34:48 qui n'est pas assez appliqué ou posé le long du dispositif.
34:52 ...
34:55 Ca nécessite une petite manip au départ.
34:57 Ca me paraît bien.
34:59 -Les données sont reçues en temps réel sur l'ordinateur du médecin.
35:02 Le patient devient donc son propre infirmier,
35:05 suivant les directives du lointain docteur.
35:08 -Vous mettez votre index collé contre la clavicule, la main à plat.
35:11 -Écoute du coeur, prise de température,
35:14 le conduit auditif et même la gorge peuvent être auscultées.
35:18 -Vous allez bien tirer la langue et faites à...
35:21 ...
35:23 Et voilà, parfait, on a tout.
35:25 C'est bon pour moi, la gorge est saine, pas de souci.
35:28 Je rédige un compte-rendu pour votre médecin traitant.
35:31 Celui-ci va sortir juste devant vous.
35:33 Vous allez avoir à nouveau quelques instants d'attente.
35:36 -Un simple compte-rendu.
35:37 Le rôle de surveillance, lui, est laissé au médecin traitant.
35:41 -On est dans du 1er recours,
35:42 donc on est plutôt au contexte comme SOS médecin
35:45 ou peut-être les urgences,
35:46 où le patient choisit un créneau,
35:49 prend un rendez-vous et tombe sur un médecin
35:51 qui sera celui dispo au moment venu,
35:53 mais pas celui qui l'aura choisi.
35:55 Vous renvoyez votre médecin traitant, pas de panique,
35:58 et on voit comment ça peut s'améliorer.
36:01 -Mais la télémédecine ne s'adresse pas qu'aux consultations d'urgence.
36:05 Parmi les nombreuses applications
36:07 qui se sont développées ces dernières années,
36:10 certaines se sont spécialisées dans le télésuivi
36:13 des patients souffrant de maladies chroniques,
36:15 comme Nicole, insuffisante cardiaque.
36:19 A 78 ans, elle se connecte régulièrement.
36:23 Ainsi, tous les lundis, c'est la même routine.
36:26 -Alors là, c'était 45, 600 ce matin.
36:32 Alors, est-ce que je tousse ? Pas du tout.
36:39 Voilà. Terminé.
36:41 Voilà. Ca me permet de voir l'évolution de ma maladie
36:49 et de gérer un peu, de savoir où j'en suis, quoi.
36:53 C'est rassurant, parce qu'on se sent pas tout seul.
36:57 -Mais pas de chance, ce jour-là.
37:01 Nicole réalise qu'elle vient de se tromper
37:03 dans l'une de ses réponses.
37:06 -J'ai mis 45, 800, et c'est 46, 800 et 46, 600.
37:11 -C'est pas possible de revenir en arrière ?
37:20 -Bah non. J'essaye, mais ça, ça marche pas.
37:22 Contactez-nous et nous disez,
37:25 mais je sais pas qui il faut que je contacte.
37:27 -Alors, elle l'admet.
37:29 Avec le numérique, il lui manque quand même un peu de contact humain.
37:34 -Dans les questions, on demande...
37:35 On répond presque par oui et par non, quoi.
37:38 C'est ça. Il y a pas de...
37:40 de dialogue possible, quoi. C'est ça.
37:43 -Avec la télémédecine, la prise en main n'est pas toujours simple.
37:47 Pour les patients, l'accompagnement d'un médecin
37:50 reste essentiel.
37:52 -Il est essentiel, mais je vais vous dire quelque chose.
37:59 Si j'ai besoin d'un renouvellement d'ordonnance,
38:02 je ne peux pas encombrer vos cabinets.
38:04 Est-ce que vous... -Un renouvellement d'ordonnance,
38:07 c'est jamais un renouvellement d'ordonnance.
38:10 C'est une réévaluation du traitement.
38:12 Entendre parler de renouvellement d'ordonnance,
38:14 c'est jamais ça. Un renouvellement d'ordonnance,
38:17 c'est toujours une consultation. Vous pesez les gens,
38:20 vous leur prenez l'attention. -C'est l'idéal.
38:23 Au lieu d'attendre pendant six mois un rendez-vous,
38:25 si je vais dans ma cabine et que j'ai un contact à distance
38:29 avec un médecin... -La téléconsultation
38:31 est un bon outil quand il est utilisé par un médecin
38:34 qui prend contact avec un infirmier au domicile du patient.
38:37 On peut avoir une vraie téléexpertise.
38:39 -Avec un infirmier à côté. -C'est un bon outil
38:41 quand on demande un avis à un médecin spécialiste
38:44 et il a une téléexpertise.
38:46 Là, ce qu'on voit, c'est une dégradation
38:48 de la qualité de prise en charge des patients,
38:51 parce que l'Etat, depuis 20 ans, refuse...
38:54 -Vous êtes d'accord là-dessus. -Refuse de donner
38:57 de l'attractivité à ce métier. -On va pas revenir là-dessus.
39:00 -Je vous donne l'exemple de la Saône-et-Loire.
39:03 La Saône-et-Loire a salarié 84 médecins.
39:06 Vous savez quel est le rendement de ces gens,
39:08 qui sont payés entre 5 et 6 000 euros par mois ?
39:11 27 consultations par semaine.
39:14 -En ce moment, on peut aller vérifier ?
39:16 -En étant salarié en Saône-et-Loire, oui.
39:19 300 millions de recettes pour 84 médecins.
39:21 -Est-ce que vous êtes d'accord pour revenir sur la téléconsultation ?
39:25 Pour vous, c'est un contre-modèle ?
39:27 Il y a un chiffre qui m'a frappée.
39:30 80 000 téléconsultations en 2019, avant le Covid, bien sûr.
39:33 9 400 000 en 2021.
39:37 -7 sur 10 en zone urbaine.
39:38 -7 sur 10. Et alors, quelle conclusion ?
39:41 -La télémédecine, c'est un outil qui s'adresse à des patientelles,
39:45 c'est une étude de l'adresse,
39:47 qui sont jeunes, connectés, urbains.
39:50 Donc, quand on a moins de problèmes de santé,
39:52 qu'on est plus à l'aise avec le numérique,
39:55 c'est peut-être un peu mieux.
39:57 En revanche, pour aller vers l'accompagnement
39:59 des personnes en pathologie chronique,
40:01 il faut du lien humain.
40:03 Là, on a besoin de sortir du modèle
40:05 du seul médecin traitant qui fait tout.
40:07 On a besoin d'aller sur des délégations d'actes,
40:10 on a besoin d'aller sur du travail en équipe,
40:12 de travailler avec des infirmières.
40:14 -Zéro coordination.
40:16 -C'est important, on ne l'a pas évoqué encore,
40:18 mais une des voies d'avenir, effectivement,
40:21 c'est de sortir du mythe du médecin qui peut tout faire
40:24 et qui travaille plus en équipe,
40:26 en s'acceptant, par exemple, de faire monter
40:28 en responsabilité d'autres professionnels de santé.
40:31 -De quel tas doit-il se décharger ?
40:33 Vous dites le médecin qui peut tout faire.
40:35 -Les infirmières en pratique avancée,
40:38 c'est une voie qui permet,
40:39 aux côtés du médecin et sous la responsabilité du médecin,
40:43 de pouvoir, effectivement,
40:44 confier à des responsabilités
40:48 à des infirmières qui sont formées pour ça.
40:52 -C'est dans votre proposition de loi,
40:54 par exemple, les certificats médicaux
40:56 pour enfants malades peuvent être remplacés,
40:59 ça a été adopté, par des déclarations sur l'honneur.
41:03 C'est intéressant. Vous êtes d'accord ?
41:05 -Il y a beaucoup de choses.
41:07 Tout ce qui est tâches administratives,
41:09 les certificats, effectivement, il faut revenir là-dessus,
41:12 c'est une perte de temps incroyable.
41:14 Si la médecine de demain, c'est les téléconsultations,
41:17 j'arrête le métier, j'ai besoin de toucher les gens,
41:20 de les examiner. -Vous aurez toujours
41:23 un patient. -Ce sera pas du tout pareil.
41:25 C'est une perte de sens sur le métier.
41:27 Par contre, on n'a pas abordé
41:29 que le patient a un rôle clé à jouer là-dedans,
41:31 et on parle pas de prévention. On est pas très bons en France.
41:35 Les téléconsultations sur les jeunes,
41:37 c'est pour des réponses d'anxiété,
41:39 de manque de formation, d'éducation en santé
41:42 de la population de manière globale.
41:44 Les gens sont anxieux, surtout depuis le Covid,
41:47 ont besoin d'être encore plus assistés, écoutés et accompagnés.
41:51 Ca retombe sur le médecin traitant, mais sur les autres professionnels.
41:54 En termes de prévention, il y a beaucoup de travail à faire.
41:58 On pourrait limiter l'accès.
41:59 Tout ce qui est prévention, santé, alimentation, sport,
42:03 ça n'impacte pas forcément à un instant T,
42:05 mais à un T +1 sur toutes les maladies chroniques.
42:08 -Si je comprends bien, docteur, pour résumer,
42:10 si je me trompe, vous le dites, la prévention,
42:13 c'est tellement important que vous êtes d'accord
42:16 pour déléguer certaines tâches,
42:18 pour les scolaires, les enfants... -Le certificat médical
42:21 n'a pas de valeur. -Même les vaccins ?
42:23 -La délégation de tâches doit se faire bilatéralement
42:26 et coordonner les tâches qui sont à déléguer à d'autres personnes.
42:30 -Du moment que ça permet de faire de la prévention.
42:33 -Chaque fois qu'on a voulu avancer, on s'est heurté à des batailles.
42:36 Rappelez-vous la bataille pour que les pharmaciens
42:39 puissent vacciner. Ca a été une bataille
42:42 contre les syndicats de médecins,
42:43 les infirmières de pratique avancée,
42:46 contre les syndicats de médecins qui sont contre.
42:48 A chaque fois qu'il y a eu la volonté de dire
42:51 qu'on allait essayer d'organiser des équipes de soins
42:54 autour du médecin, il ne s'agit pas de marginaliser
42:57 le rôle et la base du médecin. -Et pourtant,
42:59 ça permet de faire de la meilleure qualité.
43:02 Un exemple, dans un centre de santé
43:04 où je suis bénévole, en Seine-Saint-Denis,
43:06 où une infirmière de pratique avancée
43:09 travaille aux côtés de médecins, elle prend des consultations
43:12 de une heure avec ses patients. La qualité est incommensurable.
43:16 -C'est de la délégation de tâches extrêmement efficace,
43:19 avec le médecin dans le bureau d'à côté.
43:21 -Ca, c'est grâce à quoi ?
43:23 -On est détachés du paiement à l'acte,
43:25 on accepte la délégation de tâches,
43:27 et on a des structures pluriprofessionnelles
43:30 avec des professionnels qui travaillent ensemble.
43:32 -Je voudrais qu'on explore... -Généralisez ça,
43:35 France Entière, et imaginez le coût de ce que vous présentez.
43:39 J'ai une infirmière en pratique avancée
43:41 qui prend une heure avec un patient,
43:43 c'est formidable, mais qui la paye ?
43:45 Combien vous la payez ? Quel loco vous avez ?
43:48 -Docteur, je voudrais vous soumettre un autre modèle.
43:51 C'est assez frappant. On va retourner dans la creuse,
43:54 parce que c'est un des départements les plus concernés
43:57 par notre sujet, à Agen.
43:58 Eh bien, là, les médecins ne sont pas regroupés.
44:01 Les médecins se succèdent,
44:03 et ils font des missions d'une semaine,
44:06 et c'est à cette condition-là
44:07 qu'on arrive à avoir un médecin devant les patients.
44:10 Reportage Marianne Cazot.
44:12 ...
44:16 Musique douce
44:18 -C'est peut-être difficile à croire,
44:21 mais il est parfois plus facile
44:24 de trouver 50 médecins qu'un seul.
44:26 Dans le village d'Agen, dans la creuse,
44:29 chaque semaine, les généralistes se suivent
44:32 et ne se ressemblent pas.
44:34 -C'est une dame, le médecin, aujourd'hui.
44:36 C'est une dame, elle est très gentille.
44:39 -Sous le regard des coordinatrices,
44:41 les praticiens se relèvent pour assurer l'accès
44:44 aux soins des habitants de ce désert médical.
44:46 1200 patients ont choisi ce centre de santé
44:49 comme médecin traitant.
44:51 ...
44:52 -Centre médical d'Agen, bonjour.
44:54 Je vous mets avec un autre patient,
44:58 mais comme c'est une urgence,
45:00 quand il y a eu une proposition de poste de publié,
45:04 je me suis demandé ce que c'était.
45:07 C'est vrai que c'était assez curieux,
45:10 et on se lance là-dedans, parce qu'on se dit
45:12 qu'on est dans une aventure où on est là pour aider,
45:16 pour trouver des solutions,
45:18 de ne pas juste rester en se disant "On n'a rien".
45:21 -Plus de 200 généralistes se sont aussi engagés
45:25 dans le projet du collectif des médecins solidaires.
45:27 Le planning des remplacements est plein jusqu'en janvier 2024.
45:31 Pour chaque médecin, transport et logement
45:34 sont pris en charge, et la rémunération
45:36 est de 1 000 euros net pour un contrat de 35 heures.
45:39 Mais ce n'est pas l'aspect financier
45:41 qui a poussé le Dr Molinier à venir assurer
45:44 les consultations cette semaine.
45:46 -Quand on voit des patients comme ce matin
45:48 qui n'avaient pas consulté depuis plus de 2-3 ans,
45:52 et notre métier, c'est quand même d'aider,
45:56 d'aider l'autre, donc...
45:58 Oui, je me sens plus utile ici
46:04 qu'en région parisienne, où j'ai aussi exercé.
46:07 -Retraités encore actifs, comme le Dr Molinier,
46:10 ou jeunes pas encore installés,
46:12 les médecins de passage doivent assurer la continuité des soins.
46:16 Alors la bonne tenue des dossiers médicaux est essentielle.
46:19 -Vous cherchez votre dossier.
46:21 Si vous permettez, on ne se connaît pas,
46:23 donc je vais faire un tour rapide de votre dossier
46:26 pour me mettre un petit peu dans l'affaire.
46:30 Vous êtes suivi pour de l'hypertension,
46:33 un problème de thyroïde,
46:35 une dysépidémie, un diabète,
46:37 et vous faites des appelés du sommeil.
46:39 -J'ai besoin de voir tous les 3 mois
46:42 un médecin qui soit au courant de mon dossier
46:45 et qui puisse me renouveler mon traitement
46:48 et voir s'il y a d'autres problèmes qui sont survenus.
46:52 -L'ouverture du centre médical a été un grand soulagement
46:55 2 ans après le départ à la retraite du médecin du village.
46:59 Les habitants désespéraient d'en trouver un nouveau.
47:02 -J'avais arrêté le traitement. J'ai dit "J'en ai marre".
47:05 Je pensais que je craisais d'un côté ou de l'autre.
47:08 Heureusement que les autres sont arrivés.
47:10 Il m'a dit "Non, non, faut pas...
47:12 "Faut pas déconner avec ça."
47:15 Il a dit "On va vous prendre en main."
47:18 -Une personne qui tombe en panne,
47:20 il va pas regarder qui est-ce qui va venir le dépanner.
47:23 Donc c'est vrai que moi, je pars de ce principe.
47:26 Que je sois soigné par un médecin traitant toute l'année,
47:29 que ce soit le même ou 50, ça me dérange absolument pas.
47:34 Du moment qu'on prend le téléphone, on les appelle,
47:36 on a un souci, ils sont là.
47:38 Après, si c'est un annuel ou un...
47:40 Une semaine, c'est pas grave.
47:43 -Avant de trouver cette solution innovante,
47:46 la commune avait tout essayé pour attirer un généraliste.
47:49 Elle a même réalisé une vidéo promotionnelle
47:51 à laquelle les commerçants du village,
47:53 comme Gilles Loticier, ont participé.
47:56 -Un bureau de tabac journois.
47:57 -Le seul problème, c'est que notre docteur,
48:00 qui est là depuis 40 ans, il part à la retraite
48:02 à la fin de l'année.
48:04 -Des situations comme celle-ci,
48:05 le docteur Martial Jardel en a rencontré beaucoup.
48:08 Fraîchement diplômé, à 30 ans, il a fait un tour de France
48:12 des remplacements dans des déserts médicaux.
48:15 Aujourd'hui installé, il comprend très bien
48:17 pourquoi cette décision est difficile à prendre.
48:20 -Quand on a 30 ans et qu'on se dit que si, dans deux ans,
48:23 on change de projet de vie, on crée un drame humain,
48:26 on n'a pas envie de créer un drame humain.
48:28 Donc on préfère ne pas s'installer.
48:31 Et donc, plus il y a de pénuries, plus ça entraîne de la pénurie.
48:36 Parce que les médecins ont peur de s'installer
48:39 dans des territoires où c'est uniquement eux
48:43 qui tiendront la responsabilité de l'accès aux soins.
48:47 Donc partager cette responsabilité-là,
48:49 c'est un élément de réponse.
48:51 On dit aux médecins, "Vous n'allez pas être responsable
48:54 "d'un accès au territoire pendant 30 ans,
48:56 "vous allez être responsable d'un accès aux soins du territoire
49:00 "pour une semaine."
49:01 -C'est ainsi qu'il a eu l'idée de fonder
49:03 le collectif des médecins solidaires.
49:05 Aujourd'hui, 200 généralistes font partie du réseau
49:09 pour s'essayer à la médecine rurale.
49:11 A la fin de son remplacement,
49:13 le Dr Molini recevra un panier garni.
49:15 -On a une menette à la myrtille,
49:18 de la terrine.
49:20 -De quelques-uns des meilleurs arguments de la région
49:23 pour qu'un médecin de passage s'y installe pour de bon.
49:27 ...
49:30 Générique
49:33 ...
49:34 -Madame Roussevava, j'ai bien aimé la première phrase
49:37 de ce reportage.
49:38 C'est plus facile d'en trouver 50 qu'un seul.
49:41 C'est pas l'idéal, évidemment,
49:42 mais est-ce que c'est quand même une solution
49:45 dans les airs médicaux ? Cette tribu, on va dire,
49:47 de médecins qui se passent la main ?
49:49 -C'est sûr que c'est mieux que rien.
49:52 On est dans une gestion de la pénurie.
49:54 Après, en termes de suivi, évidemment,
49:56 c'est moins bien que d'avoir un suivi dans la durée,
49:59 sachant qu'avec mon espace santé,
50:01 le fait de centraliser tous les documents de santé,
50:03 les résultats d'analyse et compagnie
50:05 sur la même plateforme,
50:07 ça pourrait améliorer le suivi, faute de mieux.
50:10 Après, ce serait mieux d'avoir un système
50:12 qui favorise les installations pérennes
50:15 dans les zones les plus soudotées,
50:17 mais dans une situation où c'est pas possible,
50:19 il vaut mieux ça que rien.
50:21 -On voit qu'il y a l'imagination dans l'air.
50:23 On cherche des solutions à tout craint
50:26 et de mettre des médecins devant des patients.
50:29 Si vous aviez une mesure, docteur Krest,
50:31 une mesure que vous voudriez voir aujourd'hui mise en oeuvre
50:34 pour essayer de répondre,
50:36 je sais qu'il y a 20 façons d'aborder la question.
50:39 La question tarifaire, la rémunération,
50:41 l'attractivité, les études.
50:43 Vous, qu'est-ce qui vous semble le plus important ?
50:46 -C'est tellement complexe que je peux pas vous dire.
50:48 Moi, dans tous ces conflits, c'est toujours bilatéral.
50:52 Il y a un besoin d'écoute et de comprendre
50:54 pourquoi les syndicats de médecins ont peur de la délégation de tâches.
50:58 Il y a peut-être une raison.
51:00 Il y a un problème de reconnaissance et de respect mutuel,
51:03 que ce soit des patients sur les rendez-vous non honorés,
51:06 des médecins sur le temps passé... -Il y en a beaucoup ?
51:09 -28 millions par an. -Pour vous, par exemple.
51:11 -Oui, mais moi, j'essaie d'avoir une autorité douce
51:14 sur mes patients et de leur expliquer pourquoi, moi,
51:17 ça me crée du tort et ça me fait même du mal,
51:20 de dire, de dire que je pourrais accueillir quelqu'un
51:23 si ce temps est perdu. -Si j'ai un rendez-vous
51:25 et que je ne viens pas, vous me reprenez pas ?
51:27 -Non, peut-être pas la première fois, mais la deuxième fois.
51:31 Je crois dans l'éducation et le fait que les gens doivent comprendre
51:34 comment ça peut se passer ensemble, sinon, ça ne marchera pas.
51:38 Et des deux côtés, il y a une souffrance,
51:40 et si on ne comprend pas la souffrance,
51:42 communication non violente, compréhension sociétale,
51:45 psychologique, on n'y arrivera pas.
51:47 Moi, je suis vraiment pour ce modèle-là d'écoute,
51:51 sinon, on n'avancera pas.
51:52 -On rappelle que vous présentez votre rapport,
51:55 on connaîtra les mesures en décembre
51:57 sur l'amélioration de la santé des soignants.
51:59 Ils soignent, mais ils ont besoin d'être soignés.
52:02 -On a un enjeu de réponse aux maladies chroniques
52:05 qui se développe, de réponse à l'enjeu de qualité de travail
52:08 des professionnels de santé,
52:10 et eux-mêmes sont pris dans des injonctions contradictoires,
52:14 celles portées par le modèle de rémunération.
52:16 S'il y avait une chose, il faudrait qu'on ait le courage
52:19 de réfléchir avec EASA.
52:21 Les négociations...
52:22 Il n'y a pas si longtemps,
52:24 il y a eu une grève de certains professionnels de santé
52:27 concentrée autour du tarif de la consultation,
52:30 le tarif de la tâche.
52:31 En fait, il faut qu'on sorte de cette question-là.
52:34 -26,50 ?
52:35 -26,50, 30, on entendait 50.
52:37 Ce n'est pas la bonne question.
52:39 La question, c'est comment on a un modèle de rémunération
52:42 qui permet la coordination,
52:44 la prise en soin des patients les plus complexes,
52:47 qui permet le travail en équipe ?
52:49 On a besoin de sortir du paiement à la tâche.
52:51 Tout le monde s'en sortira grandi,
52:53 les patients qui auront une meilleure qualité de soin,
52:56 les professionnels qui auront une meilleure qualité de travail.
53:00 Le système de santé, avec du temps supérieur
53:02 pour la prévention, pourra avancer vers le défi des maladies.
53:06 -Dr Hamon, une mesure.
53:07 -Donner les moyens à la ville d'éviter les hospitalisations,
53:11 s'appuyer sur les équipes de soins primaires,
53:13 supprimer les prestataires à la sortie de l'hôpital
53:17 et les infirmières libérales,
53:18 et ça leur donnera pas envie de changer de métier,
53:21 faire en sorte que les moyens, on les a,
53:23 puisque j'ai appris au Compte de la Santé
53:26 que l'Etat avait piqué 8 milliards dans la CADES,
53:29 la CADES, qui était un impôt qui rapporte 23 milliards,
53:32 8 milliards depuis trois ans pour investir à l'hôpital,
53:35 qu'on investisse ces 8 milliards sur la ville...
53:38 -On est déjà à six mesures.
53:39 Il y a trop de mesures, tu la mesures.
53:42 -Il faut avoir les moyens, les moyens dans la volonté.
53:45 -Certainement pas des rustines, comme c'est le cas de Valtho.
53:48 -Il faut se présenter aux élections.
53:50 -Pardon, madame. -Peut-être qu'on va faire
53:53 des listes aux européennes. -La parole à votre voisine.
53:56 -Réguler l'installation,
53:57 comme ce qui se fait pour les pharmaciens,
54:00 comme depuis cet été pour les dentistes,
54:02 ce qui était déjà le cas pour les infirmières, les kinés.
54:06 Il ne reste plus que les médecins.
54:08 Vous avez dit que les vocations se tarissaient.
54:10 Si je me souviens bien, lors de la dernière promo,
54:14 60 % des étudiants qui n'ont pas été admis
54:16 en deuxième année de médecine...
54:18 Je ne vois pas le tarissement des vocations.
54:20 Il faut réguler l'installation et augmenter les capacités
54:23 des facs de médecine pour pouvoir former
54:26 davantage de médecins. -Et d'Eric Valtho ?
54:28 -Je crois profondément à la capacité des soignants,
54:31 à partir du moment où ils travaillent ensemble,
54:34 à inventer des modes de prise en charge.
54:36 Il faut arriver à décloisonner, sortir de ce face à face,
54:39 la médecine hospitalière, la médecine libérale,
54:42 le généraliste, le spécialiste, le médecin, le infirmier, etc.,
54:45 pour arriver à ce que ça soit plus fluide.
54:48 Pour ça, il faut leur faire confiance
54:50 et peut-être qu'on sorte d'un système
54:52 qui fasse plus confiance aux initiatives de terrain
54:55 et aux modes de prise en charge,
54:57 qui soient décidés par les équipes soignantes,
55:00 c'est-à-dire qu'on soit moins prescriptif au niveau national,
55:03 un système très jacobin, très encadré.
55:05 -Laisser l'initiative au terrain, aux médecins,
55:08 leur faire confiance. -C'est ce que ma promo
55:11 me permet de faire pour faire porter une nouvelle étape.
55:14 -Pour conclure sur une étape, j'espère pas trop grave,
55:17 docteur Kress, guérir en mer,
55:19 c'est une association qui accompagne les soignants
55:22 qui sont victimes de burn-out. Ca consiste en quoi ?
55:25 -C'est aussi de la prévention et de l'accompagnement
55:28 de l'épuisement professionnel des soignants.
55:30 On décloisonne, c'est pas que des médecins, c'est tout le monde.
55:34 On va faire du bateau.
55:35 C'est un sport santé incroyable.
55:37 Les parallèles entre la voile et la santé sont énormes.
55:40 Gestion des émotions,
55:42 travail en équipe, mais à la fois moments de solitude,
55:45 sport, environnement naturel,
55:47 travail d'équipe.
55:48 On voit que quand on est soignant,
55:50 on s'adapte bien sur un bateau,
55:52 on peut s'inspirer de ce qui se passe en mer
55:54 pour le ramener dans son milieu professionnel.
55:57 Ca crée du lien entre les soignants.
55:59 Ca donne confiance, ça revalorise, on a une tâche,
56:02 on peut la faire. Sur un bateau,
56:04 on peut laisser personne de côté, on est obligés d'avancer ensemble.
56:08 -En Creuse, c'est compliqué, mais il y a des rivières,
56:11 il y a aussi des lacs, le lac de Vassilvière,
56:13 puisque vous êtes allé à Royer de Vassilvière.
56:16 Merci infiniment.
56:17 J'imagine qu'on peut trouver votre association si besoin,
56:20 si on est sur le bord d'un littoral.
56:22 -Une vingtaine en France. -Merci, docteur Crane.
56:25 Merci infiniment à nos bons temps.
56:27 Merci, Frédéric Valtoux, madame Rupleza et docteur Hamon.
56:31 Toujours aussi passionnés.
56:33 C'est la fin de cette émission d'Etat de santé
56:36 aux médecins généralistes.
56:38 A très vite et à bientôt sur LCP.
56:41 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
56:44 ...

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