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L'avis de Thibaud Leplat : Deschamps, l'entraîneur vertical :
"Il est à rebours de son époque, un peu à l'ancienne, comme l'était Aimé Jacquet. Il s'en fiche un peu de savoir ce que les journalistes pensent."

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Transcription
00:00 Pourquoi Deschamps est-il un entraîneur vertical ?
00:02 Alors je voulais d'abord démarrer par un hommage sur un article que j'ai lu dans l'équipe d'aujourd'hui,
00:07 un article passionnant sur Deschamps, l'entraîneur à contre-courant,
00:11 qui développe l'idée selon laquelle Deschamps est un peu, comme le titre l'indique,
00:19 à contre-courant à l'égard de ses collègues sélectionneurs,
00:22 dans sa manière d'entraîner, dans ses méthodes, et notamment dans la constitution de son staff.
00:27 Deschamps travaille avec un groupe resserré, il ne sont que quatre adjoints, en le comptant lui-même,
00:33 avec une idée assez simple de la préparation.
00:37 Par exemple, vous avez Nengelsmann, il a 7 adjoints, dont 2 entraîneurs spécifiques de gardien.
00:43 Nengelsmann en Allemagne, Southgate en Angleterre, il a une douzaine d'adjoints plus 2 analystes,
00:51 alors à chacun une spécialité différente, l'un ça va être sur la performance,
00:55 l'autre sur l'analyse de match, l'autre sur l'analyse de data.
00:58 Et autour de lui, il y a autour de ces entraîneurs-là,
01:04 l'idée qu'il y a un management un peu large, avec des équipes, chacun composé de spécialistes.
01:09 Ce que raconte Deschamps dans le papier de l'équipe,
01:12 c'est que Deschamps est complètement à l'encontre de cette idée-là,
01:14 avec lui l'idée de rassembler un peu les compétences autour de lui-même,
01:18 en se disant "nous on n'a pas besoin de tout ça, on ne les voit pas souvent,
01:21 les joueurs, il n'y a pas besoin d'avoir autant de spécialistes,
01:23 on va concentrer un peu le pouvoir un peu à l'ancienne".
01:27 C'est vraiment cette idée que...
01:30 Il dit d'ailleurs, il cite une phrase, il dit qu'il préfère toujours son œil à la data,
01:35 il préférera toujours, la formule qu'il emploie,
01:37 "les données ne se substituent pas à l'œil, à mon ressenti, à mes convictions".
01:42 Et je pense que c'est une phrase très importante,
01:45 parce qu'elle dit une chose centrale chez Deschamps,
01:48 c'est-à-dire qu'en réalité ce qui compte c'est sa perception à lui,
01:52 mais ça veut dire quoi ?
01:53 Ça veut dire que c'est très difficile en réalité d'objectiver les performances,
01:56 c'est-à-dire de baser les performances qu'on peut voir,
01:58 on le voit en équipe de France, sur des faits objectifs.
02:01 Parce que si tu n'as pas de données,
02:02 si tu prends tes décisions sur autre chose que des données,
02:04 et c'est parfaitement légitime, moi je ne le conteste pas,
02:06 tu es confronté à un autre problème qui est de dire comment tu vas faire
02:09 pour prendre des décisions, comment tu vas partager tes décisions avec les autres.
02:12 Donc pourquoi Deschamps est un entraîneur vertical ?
02:16 Parce qu'au final quand tu fais ça,
02:17 quand il n'y a que tes convictions qui comptent,
02:20 tes yeux qui comptent,
02:21 que tu n'as pas besoin d'autres spécialistes,
02:22 ce qui se passe c'est que tu as une conception de ton travail
02:24 qui est une conception assez verticale,
02:26 où finalement dans une époque qui maintenant réclame un management horizontal,
02:30 on demande l'avis à tout le monde,
02:32 chacun veut donner un peu son point de vue sur chaque situation,
02:35 - Tu accumules des infos d'un peu partout.
02:37 - Voilà, tu accumules des infos autour de toi,
02:39 lui il est dans une culture totalement inverse,
02:41 qui veut dire "parlez, continuez à parler,
02:43 moi je prends mes décisions selon mon oeil, mon ressenti, mes convictions".
02:48 Donc il est un peu complètement à rebours de son époque,
02:51 un peu à l'ancienne je pense,
02:53 c'est effectivement une conception un peu à l'ancienne,
02:55 mais finalement assez cohérente avec ce qu'avait été notamment Aimé Jacquet,
02:58 Aimé Jacquet était comme ça,
02:59 et cette idée un peu de la DTN qui était un peu à l'ancienne,
03:02 comme ça de dire "nous on a le savoir,
03:03 on n'a pas vraiment besoin d'autant de scientifiques autour de nous".
03:06 Donc entraîneur vertical,
03:08 parce que comme on le dit un peu en pédagogie,
03:10 parce qu'en réalité il ne consulte pas autour de lui,
03:12 on le voit bien en conférence de presse,
03:13 on ne comprend pas vraiment ce qu'il dit,
03:15 ses positions changent,
03:17 il s'en fiche un peu de savoir ce que les journalistes pensent.
03:19 Vertical parce que c'est lui qui décide,
03:21 et la verticale du pouvoir fait qu'ensuite les autres exécutent.
03:24 - Entraîneur à l'ancienne, mais c'est un problème ?
03:26 - Pas forcément, c'est juste un commentaire,
03:28 c'est juste une manière d'analyser, de voir, tu vois ce que je veux dire,
03:31 c'est pas forcément un problème d'être vertical,
03:32 simplement il faut constater que c'est un peu à rebours de l'époque.
03:35 - Effectivement il est un petit peu différent,
03:37 il reste sur des principes qu'il a mis en place
03:41 quand il est devenu entraîneur dans les années 2000,
03:44 et jusqu'à maintenant,
03:46 cet homme qui semble ne vivre que pour la victoire,
03:49 il a plus souvent gagné que perdu,
03:51 je crois qu'il doit être à 65% un petit peu plus de victoire
03:56 depuis qu'il a la tête des bleus,
03:58 ben son bilan, qu'est-ce que tu veux dire de son bilan ?
04:01 Il est passé à la moitié d'un doigt d'être champion du monde une deuxième fois.
04:07 - Mais tu vois, je trouve que ça donne un peu un côté ésotérique à ses performances,
04:13 parce que tu peux pas les discuter parce que t'as pas de faits.
04:15 C'est simplement, à partir de ses convictions,
04:18 on est dans une époque où chacun va présenter ses datas,
04:21 quand Johan vient il raconte ses datas,
04:22 il s'est afflumenté, ça donne des effets,
04:24 lui il en a pas besoin.
04:25 - Ça n'en fait pas un dieu,
04:26 on se souvient, la Coupe du monde c'était il y a un an,
04:32 comme j'ai dit, ils sont passés à la moitié d'un doigt d'être un nouveau champion du monde,
04:35 néanmoins, on a bien vu comment cette équipe fonctionnait,
04:39 elle vit sur un management de groupe fort que lui arrive à mettre en place,
04:43 des relais, deux trois relais, c'est son fonctionnement depuis toujours,
04:46 et un plan de jeu qui reposait sur solidité et Mbappé,
04:51 Mbappé sauve-nous,
04:52 parce que c'est Mbappé qui emmène Deschamps,
04:56 plus que Deschamps qui emmène Les Bleus,
04:58 c'est Mbappé, venu d'ailleurs, qui emmène Les Bleus en finale,
05:02 et dans une finale où t'étais en train de prendre un bouillon monumental,
05:04 si tu passes au final tout près de la gagnée,
05:06 c'est parce que t'as un mec qui te met trois buts en finale,
05:08 ce qui est rarissime et même pratiquement inconcevable.
05:12 Donc, je ne sais pas s'il pourrait faire mieux en étant plus moderne,
05:16 je n'en sais rien,
05:17 toujours est-il que c'est son fonctionnement,
05:19 il est à la tête des Bleus depuis 2012 maintenant,
05:21 il n'a pas envie de s'arrêter.
05:23 Moi, la seule question que je pose au terme de ton constat,
05:27 c'est qu'est-ce qui se passe s'il prend un club ?
05:30 Est-ce que cette méthode va marcher en club ?
05:32 Honnêtement, moi, je n'y crois pas.
05:33 - Vous en parliez hier dans Génération Master.
05:35 - Après tout, ils vont arriver à l'Euro en favori,
05:37 ils vont peut-être encore gagner.
05:38 - Intéressant sur ça, sur le statut de l'entraîneur,
05:41 sur l'idée qu'il y a des entraîneurs...
05:46 Aujourd'hui, les entraîneurs modernes,
05:48 disait Ancelotti, c'est un des propos d'Ancelotti,
05:50 qui considérait qu'ils surchargeaient les joueurs d'information,
05:53 qu'ils surchargeaient de données.
05:54 Quand tu produis des données,
05:55 quand tu fais travailler autant de personnes,
05:56 il faut que tu les utilises pour quelque chose.
05:58 Donc, tu viens avec des tableaux Excel,
05:59 tu viens avec des données,
06:01 et les joueurs étaient peut-être un peu paralysés
06:03 par toutes les données qu'on pouvait leur fournir.
06:06 Là, est-ce que les joueurs, avec Deschamps, paradoxalement,
06:10 ne sont pas plus libres de s'exprimer ?
06:12 Alors, il n'y a pas de plan.
06:13 Le fait d'avoir un entraîneur qui ne soit pas assez interventionniste
06:16 permet d'éviter qu'il y ait trop de plans,
06:17 et ça permet peut-être aux joueurs de se sentir un peu plus libérés,
06:19 ou au moins de respirer quand ils vont en équipe de France.
06:21 C'est une simple hypothèse, je ne sais pas.
06:24 - Allez, pose, on a un instant.
06:25 - C'est quand même très différent de ce que fait Louis Sénériqué à Paris,
06:28 et ce que fait Deschamps en équipe de France,
06:30 c'est quand même très éloigné l'un de l'autre.
06:32 - C'est ça, c'est ça. - C'est ça, c'est ça.
06:33 Merci d'avoir regardé cette vidéo !

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