• l’année dernière
Le 8 novembre, pour la remise du Prix de la laïcité 2023, la présidente du jury, Abnousse Shalmani, Française d’origine iranienne, a livré un discours courageux et flamboyant , qui a marqué les esprits et fait se lever la salle. Avec l’aimable autorisation du Comité Laïcité République, Le Point vous propose de revivre ce moment marquant.

#laïcité #discours #AbnousseShalmani #ComitéLaïcitéRépublique

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Transcription
00:00 Laïcité, c'est étrange comme ce mot résonne aujourd'hui.
00:04 Laïcité, c'est étrange comme ce mot résonne aujourd'hui.
00:23 Laïcité, ce mot qui devrait être un refuge pour tous,
00:29 parce qu'il garantit la liberté pour chacun de vivre sa foi ou son athéisme au grand jour,
00:36 sans crainte d'arrestation, de torture, de mort.
00:41 Ce mot qui autorise l'expression de n'importe quelle idée blasphématoire,
00:47 c'est toujours une petite puissance quand je dis ce mot,
00:49 dans les limites du droit.
00:51 Laïcité, ce mot qui fait l'honneur de la France
00:56 et qui dans la guerre culturelle mondiale devient un fardeau.
01:00 Ce mot qu'on doit dorénavant défendre alors qu'il nous défendait il n'y a pas si longtemps,
01:07 qu'il nous protégeait, nous consolait, nous rassurait.
01:10 Laïcité, ce mot qui se retourne en une insulte dans la bouche des ennemis de la liberté et de la France.
01:19 Sans ce mot, je ne serais pas devant vous ce soir.
01:23 Sans ce mot, mes parents n'auraient pas fait le choix de la France.
01:27 Sans ce mot, il n'y a plus de refuge nulle part pour les amoureux de la liberté,
01:33 les persécutés de l'obscurantisme.
01:35 Respirer l'atmosphère de la laïcité après les voiles noires du fanatisme
01:40 et les barbes tuffues de la haine,
01:43 retrouver la possibilité du choix, de la parole à voix haute, de la sécurité,
01:49 fut une nouvelle naissance pour moi, comme pour tant d'autres exilés au fil du temps.
01:54 La France, ce pays où il était moins grave d'avoir faim,
01:59 car on y était assuré de trouver la liberté totale.
02:03 C'est Chaim Soutine, après une enfance prisonnier de l'intégrisme religieux,
02:08 qui lui interdisait de dessiner figure humaine,
02:11 qui choisit la France pour être libre, pour être peintre.
02:15 Et remplit pour la faim, le froid, la misère, la liberté.
02:19 La liberté, ce n'est alors qu'une victoire.
02:22 Aujourd'hui, nous voilà réduits à défendre la liberté et la laïcité.
02:26 Nous voilà réduits à nous défendre de n'être ni racistes, ni colonialistes,
02:30 ni islamophobes avec les guillemets de rigueur.
02:33 Nous voilà sur la défensive.
02:35 Car défendre la liberté et la laïcité, et l'un ne va pas sans l'autre,
02:39 dans le pays de Hugo et de Zola, de Baudelaire et de Pierre-Louis,
02:42 de Marquis de Sade et de Marcel Proust, dans le pays de Charlie Hebdo,
02:46 est devenu dangereux.
02:48 Imperceptiblement, la liberté n'est plus le phare de toute humanité,
02:52 elle est devenue louche, entachée du passé historique de l'Occident.
02:56 Elle est devenue la marque du dominant, alors qu'elle était, à juste titre,
03:00 le but de tout désir d'émancipation,
03:03 l'espoir inébranlable de tout éprimer sur terre.
03:07 Par lâcheté, par peur, par paresse, par culpabilité mal placée,
03:11 l'Occident, l'Europe, la France, se sont laissés dériver
03:15 vers une tolérance qui laisse épanouir l'intolérance.
03:19 Il est un cas où la tolérance peut devenir funeste à une nation,
03:23 c'est lorsqu'elle tolère une religion intolérante.
03:26 Écrivait Elvétius à propos du catholicisme,
03:29 ce pourrait s'appliquer à toutes les religions,
03:32 et aujourd'hui, ici, maintenant, surtout à l'islamisme,
03:36 qui est aussi l'islam, qui est son cancer,
03:39 mais aussi la conséquence de son refus buté de se réformer,
03:43 de se penser, de se réfléchir au miroir de la modernité.
03:47 Au nom d'une tolérance dangereuse, nous avons collectivement
03:50 laissé prospérer l'intolérance qui tue.
03:53 Le sang a coulé en France, le sang des journalistes,
03:56 de caricaturistes, de policiers, de juifs, d'enfants juifs,
03:58 de professeurs et de juifs encore.
04:01 Le sang a coulé au nom de l'islamisme qui est un totalitarisme.
04:05 L'islamisme réduit les hommes et les femmes
04:08 à n'être que des agents de haine et de destruction.
04:11 L'islamisme est un antisémitisme, un antiféminisme,
04:14 une homophobie, un antirépublicanisme,
04:17 un anti-humanisme, une fabrique de malheurs,
04:20 un incubateur de ressentiments imaginaires,
04:23 la promesse de ténèbres pour tous.
04:25 Chaque fois, comme une litanie morbide, nous avons répété
04:29 « plus jamais » allumer des bougies,
04:31 respecter les minutes des silences, afficher des « je suis »
04:34 qui sonnaient de plus en plus creux,
04:36 et puis par lâcheté, par peur, par paresse,
04:39 par culpabilité mal placée, nous avons oublié,
04:42 nous avons continué de baisser la tête jusqu'aux prochains attentats,
04:45 aux prochains assassinats, aux prochains morts.
04:48 Nous, les laïcs, universalistes, humanistes,
04:51 sommes accusés de défendre la liberté et la laïcité.
04:54 Nous sommes accusés de ne pas respecter les minorités,
04:57 de ne pas être tolérants, d'être de vieux cons en somme.
05:00 Pourquoi pas ?
05:02 Et pourtant, le camp d'en face ment,
05:04 le camp d'en face ment monumentalement.
05:07 Il ment et trahit l'humanisme le plus élémentaire,
05:10 celui qui refuse de réduire l'homme à sa naissance,
05:14 qui refuse de l'abandonner au boulet de l'essentialisme.
05:17 Le renversement de valeurs est vertigineux.
05:20 Nous voilà coupables de défendre la possibilité de l'émancipation et de l'autonomie.
05:24 Nous voilà coupables de désirer que cet enfant puisse faire un choix,
05:28 son choix, qui ne soit pas réduit à n'être que la suite,
05:31 sans imagination de son ascendance.
05:34 Nous voilà coupables de considérer tous les hommes égaux.
05:37 Nous voilà sommés de montrer pattes blanches antiracistes face aux nouveaux racistes
05:42 qui défendent la naissance comme identité,
05:44 l'identité comme unique revendication,
05:47 la couleur de peau comme personnalité, finalité, destinée,
05:51 la religion des opprimés comme excuse à toutes les dérives,
05:54 pire comme un laissé-aller, laissé-dire, laissé-faire.
05:58 Le voilà, le néocolonialisme qui est reproché aux défenseurs de la liberté,
06:02 de la laïcité, de l'universalisme et de l'égalité.
06:06 Sous ces airs d'amour pour tous, de tendre la main aux opprimés,
06:10 les nouveaux antiracistes pêchent par paternalisme.
06:13 Ils excusent l'antisémitisme quand il émane de la religion des opprimés.
06:17 Ils excusent l'homophobie et la misogynie quand il est dit par des cultures non occidentales.
06:22 Ils applaudissent l'antidémocratie et le séparatisme
06:25 parce qu'ils arrangent leur agenda politique et électoraliste
06:29 qui les réconforte d'être dans le bon camp, le camp du bien,
06:32 alors qu'ils sont téléguidés par l'idéologie islamiste.
06:36 Ils ont oublié tout cela,
06:51 que la chaos civile qu'ils espèrent et nourrissent n'a jamais accouché
06:56 que de la prise de pouvoir de l'extrême droite.
06:59 Je refuse de considérer l'exilé, l'immigré, le musulman comme inférieur.
07:04 Je ne lui dois pas plus de respect qu'à un autre, il est humain à mes yeux
07:08 et je m'adresse à lui d'égal à égal,
07:11 sans considération aucune pour le passé,
07:14 à hauteur de présent, à hauteur d'homme.
07:17 Je n'aimerais pas qu'on me regarde comme une pauvre exilée iranienne.
07:21 Alors parenthèse, quand on va se voir après...
07:24 Attendez que je vous engueule comme ça après pour m'applaudir.
07:27 Je ne suis pas franco-iranienne, je n'ai pas la double nationalité,
07:31 je suis française qui est née par hasard il y a 46 ans à Teheran.
07:37 Donc quand vous me croisez, ne baissez pas la tête de côté
07:40 par respect, considération ou pitié, vous m'insultez.
07:43 Merci d'avance.
07:45 (Applaudissements)
07:52 Mais si vous voulez, on peut causer du passé.
07:54 L'Empire perse a-t-il été plus tendre que l'Empire britannique ?
07:58 L'Empire ottoman a-t-il été moins meurtrier que l'Empire français ?
08:03 Et pourquoi devrait-on dénoncer l'ignoble traite atlantique
08:07 et la non moins ignoble, plus longue et plus barbare encore,
08:11 traite arabo-musulmane ?
08:13 Ça suffit. Le passé ne condamne ni n'absout.
08:16 L'histoire n'est pas bonne ou mauvaise, elle l'est.
08:19 Le passé occidental n'est pas plus honteux que l'oriental.
08:23 Et au contraire du monde oriental, qui refuse toute remise en question,
08:27 l'Occident a aboli l'esclavage et inventé les droits de l'homme.
08:31 Ça suffit.
08:33 (Applaudissements)
08:43 Ça suffit.
08:44 Soyons conscients des erreurs honteuses du passé
08:47 et fiers des avancées humanistes.
08:50 Mais cessons de retenir notre cri face à l'horreur de l'islamisme
08:54 par crainte d'être attaqués par des faux soyeurs de la liberté.
08:58 L'islamisme tue.
09:00 Il tue des musulmans athées au Pakistan, des étudiants iraniens,
09:04 des femmes indonésiennes, des petites filles afghanes,
09:07 des hommes malaisiens, des catholiques nigérians,
09:09 des mécréants partout, des occidentaux, des juifs encore partout.
09:14 L'islamisme est un ennemi du genre humain.
09:17 Soyons un peu plus courageux et peut-être la prochaine fois
09:21 nous aurons un peu moins l'impression d'avoir du sang sur les mains.
09:25 Et profitons un peu de notre chance, de notre immense chance
09:28 de vivre en France où nous avons accès à une littérature érudite et brillante
09:33 qui étudie et réfléchit l'islamisme sous toutes ses coutures.
09:37 Soyons reconnaissants à Gilles Keppel, à Bernard Rougier,
09:40 à Florence Berjoux-Blackler que nous récompensons ce soir avec enthousiasme.
09:46 Soyons reconnaissants d'avoir la chance de vivre dans un pays
09:51 où il est possible de débattre, de confronter des idées,
09:54 de n'être pas d'accord et de ne presque pas mourir pour ça.
09:58 Nous n'avons aucune excuse, nous avons accès au savoir
10:02 et ce savoir nous explique de long, large et travers
10:05 en quoi l'islamisme est un totalitarisme.
10:09 Heureusement, heureusement, il existe des ukrainiens, des birmans,
10:13 des iraniens, des hongkongais, des hommes et des femmes partout dans le monde
10:18 qui se battent pour nos valeurs à nous,
10:21 que nous ne voyons même plus tant nous sommes confortablement votés dedans.
10:25 Nous pouvons remercier ceux qui se battent et qui meurent là-bas
10:29 pour défendre ce qui n'est plus unanimement partagé ici,
10:33 par lâcheté, par peur, par paresse, par culpabilité mal placée.
10:37 Alors soyons un tout petit peu à la hauteur des iraniens
10:41 qui au prix de leur vie défendent l'obscurantisme de la molarchie.
10:46 Soyons aussi conscients qu'admiratifs des démocrates révoltés
10:50 du sud-est asiatique qui avec une folle inventivité défilent à Chine
10:54 uniformisatrices pour imposer leur singularité, leur liberté
10:58 comme en témoigne ce génial hashtag,
11:00 ça ne m'arrive jamais de défendre un hashtag, c'est dire,
11:03 le Milk and Tea Alliance où ils revendiquent les uns de boire du thé froid,
11:07 très sucré comme en Thaïlande,
11:09 les autres avec des graines de tapioca à la mode thaïwanaise
11:12 et ceux-là avec du lait à la hongkongaise.
11:15 Le tout contre l'unique thé noir de Chine.
11:18 Soyons à hauteur des sacrifices tout autour du monde
11:21 qui meurent pour respirer l'oxygène qui nous est si naturel à nous ici.
11:27 Pour finir, en tant que présidente du prix de la laïcité
11:32 et cela n'engage que moi, je n'entraîne pas mon jury là-dedans,
11:35 je ne donne pas de prix à un socialiste,
11:38 je les laisse se flinguer dans leur moratoire à la con
11:42 à savoir si le Hamas est terroriste ou pas.
11:46 (Applaudissements)
11:59 Si le Hamas est terroriste ou pas,
12:01 s'il a commis des pogroms ou pas,
12:03 ou s'il se rompt ou pas avec ceux qui disent le contraire,
12:07 propage l'odieux mensonge, le négationnisme.
12:11 Je donne un prix à un homme politique, plus courageux que d'autres.
12:16 Pour reprendre la formule de Cocteau, il n'y a pas de laïcité,
12:19 il n'y a que des preuves de laïcité.
12:21 Pour l'instant, l'homme politique en question a fait le job.
12:25 Mais comme je suis méfiante, je ne lui donne rien, je lui prête.
12:30 Trop de politiques ont trahi la laïcité.
12:35 Je peux compter dans mon dos le nombre de poignards
12:38 au nom de nombreux socialistes de gauche
12:41 qui ont sombré dans le camp des islamistes.
12:43 Et ça, je ne leur pardonne pas depuis mon enfance iranienne
12:47 et depuis la révolution islamique de 1979
12:50 qui a vu la gauche et les islamistes se lier.
12:53 (Applaudissements)
13:00 Donc au contraire de beaucoup, j'ai choisi mon camp.
13:02 Chez moi, c'est ni oubli ni pardon.
13:05 Nous avons choisi de donner le prix international
13:10 non pas à l'indignation fassible et confortable de notre canapé
13:15 face à la tellement jolie révolution perse et ses morts,
13:18 ses hommes et ses femmes qui non seulement sont courageux
13:21 mais évidemment sont génétiquement assez performants
13:24 et qui devraient juste nous faire un petit peu honte face à notre odieuse paresse,
13:28 nous qui sommes incapables de défendre rageusement
13:31 en attaquant par les mollets ce que eux payent au prix de leur vie.
13:36 Non, nous avons choisi de donner un prix à l'avenir,
13:39 au lendemain sans molla après la molarchie.
13:43 Nous donnons un prix à quelques-uns ici
13:45 qui malgré les douleurs du passé ont choisi de regarder vers la Perse de demain
13:50 quand le grand cadavre à la renverse qu'est la molarchie,
13:53 comme le dit très justement Marjane Satrapi, sera enterré pour de bon.
13:57 On leur donne ce prix pour qu'ils puissent traîner devant la cour pénale de justice
14:02 tous les assassins d'aujourd'hui qui tuent l'avenir en Iran.
14:06 Ils réfléchissent déjà cela à réconcilier les Iraniens demain, après,
14:13 car n'en doutons pas il y aura un après la molarchie.
14:17 Et rien, rien ne serait aide sans la culture, sans la transmission,
14:22 par le drame et le rire, sans transcendance en somme,
14:25 peut-être que cette transcendance que nous cherchons, qui nous manque,
14:28 c'est dans la culture qu'il faut aller la chercher.
14:31 Nous avons choisi de dire merci et bravo à de sacrées femmes, brillantes,
14:36 qui transmettent dans la joie et l'intelligence le bonheur d'être libres et laïques.
14:41 (Applaudissements)
14:48 Je voudrais terminer.
14:50 C'est un moment dur.
14:55 Pardon.
14:57 (Applaudissements)
15:01 Je voudrais terminer en dédiant cette cérémonie aux 1 400 victimes des pogroms du 7 octobre 2023.
15:08 (Applaudissements)
15:16 Aux 240 otages, bébés, enfants, femmes, hommes, vieillards
15:22 détenus par les sanguinaires terroristes du Hamas.
15:25 Merci.
15:27 (Applaudissements)

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