Lens sous haute tension _ l'affaire qui défie les enquêteurs
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00:00 Ce matin, c'est une affaire hors du commun qui agite le commissariat de Lens.
00:05 Ce jeune homme vient d'être placé en garde à vue.
00:08 - Monsieur, bonjour.
00:09 Son identité est relevée dans les moindres détails.
00:12 - Donc, je vais vous demander de tenir cette petite ardoise sur le bout des doigts,
00:15 de bien poser le dos contre le mur.
00:18 Photos, prélèvement de salive pour l'empreinte ADN.
00:23 - De l'autre côté.
00:24 Et empreinte digitale.
00:27 - Et on déroule.
00:29 Son profil intéresse au plus haut point les policiers, car il est accusé de viol.
00:34 Un crime grave, passible de la cour d'assise.
00:37 Le jeune homme risque 15 ans de prison.
00:40 - On vous présente une photo d'une jeune fille, est-ce que vous la connaissez ?
00:44 Ce dossier ultrasensible a été confié aux enquêteurs de la brigade criminelle.
00:48 Sur leur bureau, le visage de la jeune femme qui porte de lourdes accusations contre lui.
00:53 - Vous lui avez collé la tête sur votre sexe.
00:56 Vous lui avez dit d'ouvrir la bouche, elle a refusé.
00:59 Puis vous avez pris votre sexe et vous lui avez mis sur la joue et vous avez éjaculé.
01:04 Le suspect nie en bloc.
01:09 Les enquêteurs n'ont que le temps de sa garde à vue, 48 heures,
01:13 pour rassembler des preuves contre lui et tenter de le faire avouer.
01:17 Et visiblement, ça s'annonce mal, car l'individu est un dur à cuire.
01:21 - Vous allez parler autrement, d'accord ?
01:23 - Vous baissez la tonne, vous allez parler autrement, d'accord ?
01:25 - Je serai pas... - Non, non, dites-moi...
01:26 - Vous me dites pas que vous arrêtez de me casser les couilles,
01:28 parce que je vous parle correctement.
01:29 Un jeune homme agressif, mais pas coupable pour autant.
01:32 C'est le genre d'enquête périlleuse que redoutent les policiers.
01:35 S'ils commettent la moindre erreur, ils peuvent laisser échapper un dangereux violeur
01:40 ou, à l'inverse, faire condamner un innocent
01:43 et l'envoyer pour de longues années derrière les barreaux.
01:46 Cette affaire, comme il y en a peu,
01:50 nous l'avons suivie, heure par heure, au coeur de l'enquête.
01:55 - Oh, putain !
01:58 - Oh, putain !
02:01 Tout le problème dans une affaire de viol,
02:03 c'est qu'il n'y a souvent aucune preuve matérielle.
02:06 C'est la parole de l'un, la victime, contre la parole de l'autre,
02:10 l'agresseur désigné.
02:11 Alors les policiers doivent utiliser des techniques d'enquête habiles et élaborées
02:15 pour faire jaillir la vérité.
02:17 Au commissariat de Lens, dans le Pas-de-Calais,
02:20 une plainte pour viol est déposée chaque semaine
02:23 auprès de la brigade criminelle.
02:25 La crime.
02:27 Ce matin, c'est dans le bureau de Peggy, brigadier de 34 ans,
02:31 que va démarrer cette nouvelle affaire.
02:33 - Ah, d'accord, vous êtes en bas ? - Oui, je suis en bas.
02:35 - À l'accueil ?
02:37 Vous êtes à l'accueil, c'est ça ? - Oui.
02:39 - Oui, bah, je vais vous recevoir. Ne bougez pas de là, je vais venir vous chercher.
02:42 - D'accord. - Merci.
02:44 La jeune fille que Peggy va recevoir,
02:47 c'est cette jeune femme de 22 ans, en blouson noir.
02:50 Encore sous le choc,
02:52 elle affirme avoir été violée il y a 4 jours.
02:54 Il va falloir tisser un lien de confiance avec elle,
02:57 recueillir les détails les plus intimes de l'agression sexuelle.
03:00 Alors ce n'est pas par hasard que Peggy se charge du premier contact.
03:04 - OK, bah, à tout à l'heure.
03:06 - Pour une victime de viol, en fonction des personnalités,
03:09 il y a certaines victimes qui vont peut-être préférer parler à une femme
03:12 parce qu'on va dans le détail sexuel,
03:14 et si elle est pudique,
03:16 elle se confie un petit peu plus avec facilité
03:19 qu'elle ne l'aurait peut-être fait avec un homme.
03:23 Pour les victimes,
03:25 revivre l'agression est toujours un moment traumatisant.
03:28 C'est donc en toute intimité, porte du bureau fermée,
03:32 que Peggy va recueillir le premier témoignage de la jeune femme.
03:36 Une première audition essentielle
03:38 qui va conditionner toute la suite de l'enquête.
03:41 Et ce que Peggy va apprendre a de quoi faire frissonner.
03:45 - En fait, j'ai eu un rendez-vous avec un jeune homme
03:48 que j'ai rencontré sur Internet.
03:49 Ca fait que 3 semaines qu'on se parle par Internet et par message.
03:52 Tout commence il y a 3 semaines sur un site Internet de rencontre.
03:58 La jeune femme aurait fait la connaissance d'un jeune homme de la région.
04:02 Il se prétend pompier,
04:04 et après quelques lignes de discussion,
04:06 la jeune femme est séduite.
04:08 Très vite, ils finissent par échanger leur numéro de téléphone portable
04:13 et continuent à dialoguer par SMS.
04:17 - Il avait obtenu mon numéro.
04:20 - Il fait combien de temps que vous communiquez au téléphone avec lui ?
04:23 Il y a 4 jours, le jeune homme aurait proposé une première rencontre.
04:28 Un rendez-vous le soir même à 21h.
04:32 Il serait venu la chercher dans une polo grise.
04:36 Mais ce soir-là, rien ne se serait passé comme prévu.
04:41 Le jeune homme aurait filé vers une impasse discrète.
04:44 Au pied d'un ensemble d'immeubles.
04:46 Il aurait coupé le contact et réclamé avec insistance une relation sexuelle.
04:51 Elle aurait refusé, il aurait alors verrouillé les portes,
04:55 l'empêchant de s'échapper.
04:57 - Donc il a commencé...
05:00 à me caresser...
05:03 au-dessus de la poitrine, c'est ça ?
05:05 - Il m'a fait des attachements sexuels.
05:07 Le jeune homme serait devenu brutal.
05:10 Se jetant sur sa victime, baissant son siège et la bloquant de tout son poids.
05:15 Il aurait glissé une main dans son pantalon,
05:18 l'aurait violée avec ses doigts
05:20 et tenté par la force d'obtenir d'elle une fellation.
05:23 - Il a tenu ma tête, c'est ça ?
05:32 Il m'a dit de lui faire une fellation, c'est ça ?
05:35 - Oui.
05:36 - Il a dit que je lui ferais une fellation, c'est ça ?
05:39 - Il m'a forcé à le masturber et à le...
05:42 Tu sais quoi ?
05:43 Ne parvenant pas à ses fins, le jeune homme aurait fini par se masturber
05:47 et aurait éjaculé sur le visage de la jeune femme.
05:50 Tous les deux se seraient ensuite essuyés avec des mouchoirs en papier,
05:57 abandonnés sur place.
05:59 Puis la jeune femme serait repartie à pied
06:08 et lui, en voiture, de son côté.
06:11 L'entretien a duré 1 heure.
06:15 Mais pour Peggy, pas question de prendre ce récit pour argent comptant.
06:20 Dans ce genre d'affaires, 2 fois sur 3, il s'agit de fausses accusations.
06:24 Alors une seule question va désormais guider l'enquête de Peggy.
06:28 La victime dit-elle la vérité ou a-t-elle menti ?
06:31 Pour le découvrir, il va falloir vérifier chaque détail du témoignage de la victime.
06:35 Et c'est sur l'un de ces détails que Peggy va focaliser son début d'enquête.
06:39 Les mouchoirs en papier, le seul indice matériel.
06:42 - Elle s'est lavé le corps, elle a lavé ses vêtements,
06:45 donc on n'a aucune trace... Aucune trace matérielle.
06:48 Donc je vais quand même essayer d'aller les voir pour s'équilibrer avec ça.
06:51 Voilà, si on peut les retrouver, déjà.
06:53 Ces mouchoirs pourraient apporter un début de preuve sur la relation sexuelle.
06:58 Mais encore faut-il les retrouver.
07:00 - Voilà, vous... Bonjour, madame. Vous venez avec moi ?
07:03 Peggy décide d'aller sur les lieux de l'agression.
07:06 Pour retrouver l'endroit précis,
07:08 elle ne peut compter que sur la mémoire de la victime.
07:11 - Allez-y.
07:12 Elle emmène donc la jeune femme avec elle,
07:14 ainsi que sa mère, qui l'a accompagnée au commissariat.
07:17 Direction Billy-Montigny, à 10 km de Lens.
07:21 Ce retour sur les lieux, un moment douloureux pour la jeune femme.
07:26 Très choquée, elle a mis plusieurs jours avant d'oser porter plainte.
07:30 - J'avais déjà peur de le dire à ma mère.
07:32 - Pourquoi ?
07:34 - La peur de sa réaction, enfin, je sais pas.
07:37 Déjà, moi, j'étais pas bien, alors je voulais pas en parler.
07:39 J'en ai parlé juste à un ami avec mon téléphone.
07:41 Et c'est lui qui m'a dit de le dire à ma mère.
07:44 Parce que si il a fait ça à moi, il fera à quelqu'un d'autre.
07:46 Du coup, j'en ai parlé à ma mère, et c'est directement qu'elle m'a dit
07:48 "Envoie la police".
07:50 Par chance, la jeune femme connaît bien ce quartier de Lens.
07:54 Elle indique sans problème l'endroit où se serait garé son agresseur.
07:58 - Là-bas. Juste derrière la voiture noire.
08:01 - Et c'est avant la fin du chemin ou c'est après ?
08:04 - C'est juste derrière la voiture noire qu'on était garés.
08:07 - Les mouchoirs sont censés être là.
08:09 Retrouver des mouchoirs dans cette impasse, 4 jours après les faits,
08:14 la mission s'annonce plus qu'incertaine.
08:16 - C'est ici ?
08:17 D'autant que pendant la journée, il y a beaucoup de passages.
08:20 Premier réflexe des policiers, faire évacuer les curieux,
08:24 attirés par l'arrivée de la police.
08:26 - Là, vous pouvez faire le tour, s'il vous plaît ?
08:28 - Je passe quoi ?
08:29 - Pardon ? Vous faites le tour par là ou de l'autre côté ?
08:32 - C'est un entraînement.
08:33 - Faut évacer les... Évacer les badeaux, ouais.
08:38 - Pas qu'ils nous salopent la scène non plus, quoi.
08:42 Une scène de crime qui, ce soir-là, était vide.
08:45 Aucun témoin ne s'est déclaré.
08:47 Le seul espoir de Peggy, ratisser ces quelques dizaines de mètres carrés
08:51 pour trouver les mouchoirs.
08:53 - De toute façon, vous étiez garés à cette hauteur-là ou plus vers l'avance ?
08:57 - Comme ça, bah, comme l'aventure... - On se cache juste derrière.
08:59 - Après tout, y en a 3.
09:01 Et la recherche va se révéler moins longue que prévue.
09:04 - Regarde, y a des klaxons de terre.
09:06 A peine croyable, 4 jours après l'agression,
09:11 Peggy découvre 3 mouchoirs dans cet impasse.
09:14 Mais s'agit-il de ceux abandonnés le soir des faits ?
09:17 - Ça pourrait être ceux-là qui sont ici ou...
09:20 - Je sais pas, mais ils archent par la fenêtre.
09:22 Peut-être avec le vent, là, ils sont en volus, c'est tout.
09:26 - Y en a pas d'autres ? - 3, vous me dites ?
09:28 - Y en a un là-bas.
09:30 Pas d'autres mouchoirs à l'horizon, la piste semble sérieuse.
09:34 C'est désormais à Katia, une experte de la police scientifique,
09:38 d'entrer en action.
09:40 - C'est ici, hein ? C'est ça, vous étiez garés comme ça ?
09:42 Première étape, délimiter la scène de crime.
09:45 Dans ce cas-là, il s'agit de localiser au plus près
09:48 l'endroit où était stationnée la voiture de l'agresseur.
09:50 C'est ensuite l'emplacement exact des mouchoirs qui intéresse Katia.
09:55 - Je vais vous demander de vous mettre derrière la voiture
09:57 tant que je fasse les photos.
09:59 Katia s'attache aux moindres détails, car ces 3 mouchoirs
10:05 sont essentiels pour espérer confondre l'agresseur,
10:08 mais aussi pour confirmer le témoignage de la jeune femme.
10:11 - 4,61 m.
10:14 Ce n'est qu'une fois ces constatations terminées
10:17 que l'experte récolte ces précieux indices
10:19 avec d'infinies précautions.
10:21 - Merci, madame.
10:23 Il ne faut pas contaminer les prélèvements entre eux,
10:28 donc on change de gants à chaque fois qu'on fait un prélèvement.
10:31 Dès demain, ces prélèvements partiront
10:35 au laboratoire de la police scientifique.
10:37 Les analyses ADN prendront plusieurs semaines.
10:40 Cette découverte confirmera-t-elle la version de la victime ?
10:44 La jeune femme maintient en tout cas ses accusations
10:47 et tient à répondre à la police.
10:49 Maintient en tout cas ses accusations et tient à répéter
10:51 que cette nuit-là, elle n'avait aucun moyen d'échapper à son agresseur.
10:55 - Vous avez tenté de sortir du véhicule ?
10:57 - Oui, mais tout était fermé.
10:59 Il avait enlevé les clés du contact.
11:01 Elle les avait mises, je sais pas où, dans sa poche
11:03 ou entre ses jambes, j'ai pas fait attention.
11:05 - Oui, il vous a obligé à rester dans le véhicule ?
11:07 - Oui.
11:08 - Ça a duré longtemps ?
11:10 - Je peux savoir pendant 10 minutes, la pénétration,
11:12 sans compter tout ce qu'il a fait avant, quoi.
11:14 - Vous essayez de le repousser ?
11:16 - Oui, je faisais que ça, mais bon, j'y arrivais pas, quoi.
11:18 Il était plus gros que moi.
11:20 Il était carrément venu sur moi.
11:22 Il fait 80 kg, à peu près, donc j'essayais de le repousser
11:24 avec mes mains, mais j'y arrivais pas.
11:26 Peggy n'a pas d'autre piste à explorer pour l'instant.
11:30 Il est donc temps de connaître la version de l'agresseur présumé.
11:34 Et pour ça, il faut lui mettre la main dessus.
11:37 Pour le retrouver, les enquêteurs disposent
11:41 du vague signalement d'une polo grise.
11:46 Quelques messages échangés par Internet.
11:49 Mais surtout d'une trace essentielle laissée par le jeune homme.
11:52 Le numéro de téléphone portable qu'il a communiqué à sa victime.
11:55 Ce numéro de téléphone permettra-t-il de remonter
12:00 jusqu'à son propriétaire ?
12:02 La ligne est-elle toujours en service ?
12:05 - J'ai mis les consignes dictées, mais il fallait que je modifie
12:08 un petit peu la syntaxe, ça.
12:10 Pour le savoir, c'est une technique toute simple
12:13 que vont utiliser les limiers de la crime.
12:15 Audrey et Jean-Michel,
12:17 deux policiers expérimentés, les patrons de Peggy.
12:20 Ce sont eux qui prennent le relais sur l'affaire.
12:23 Pour faire venir le suspect au commissariat,
12:25 Jean-Michel va tenter un coup de poker.
12:27 - On va le piquer.
12:29 Tout simplement appeler le numéro de portable.
12:32 La technique est aussi simple que risquée.
12:35 S'il a quelque chose à se reprocher, le suspect peut prendre la fuite.
12:39 Jean-Michel décide donc de rester aussi évasif que possible
12:42 sur le motif de son appel.
12:45 - Oui, bonjour, monsieur.
12:47 C'est le commissariat de police de Lens, l'abri de criminels.
12:50 Vous êtes bien l'utilisateur de la ligne 06-87...
12:53 (Bip)
12:55 - Oui.
12:57 - J'aurais besoin que vous veniez au commissariat de Lens
13:00 pour vous entendre dans le cadre d'un de nos dossiers.
13:03 - Oui.
13:05 Et quand ?
13:07 - Demain matin, si vous voulez.
13:09 - Demain matin, oui. A quelle heure ?
13:11 - 9h, ça irait ?
13:13 - D'accord. Faut que je demande quelqu'un en particulier.
13:15 - Vous demandez la brigade criminelle au commissariat de Lens.
13:18 - D'accord.
13:19 Contre toute attente, l'homme accepte de venir sans difficulté
13:22 et sans même s'étonner.
13:24 - Au revoir, monsieur.
13:26 - Alors s'agit-il vraiment d'un dangereux violeur ?
13:29 Le lendemain matin, le suspect se présente de lui-même au commissariat.
13:39 Et face à Jean-Michel, il va découvrir le véritable motif de sa convocation.
13:45 - On va vous entendre dans le cadre d'une affaire
13:48 pour laquelle une jeune fille... a déposé plainte.
13:53 D'accord ? Et en fait, il s'agit d'une affaire de viol.
13:57 Donc il va falloir vous expliquer là-dessus.
14:00 Bon, étant donné le type d'affaire,
14:02 on va vous entendre dans le cadre d'une mesure de garde à vue.
14:05 D'accord ?
14:06 - Avec garde à vue, là ? - Bah oui.
14:08 Donc là, je vais vous placer en garde à vue.
14:11 Et on vous entendra.
14:13 Hein ? Bon. Ah, ouais.
14:15 Le jeune homme a visiblement l'air très surpris.
14:20 Et pourtant, avant même de pouvoir s'expliquer, il est placé en garde à vue.
14:24 Pour une affaire de viol, elle peut durer 48 heures.
14:27 - Vous connaissez ? Vous avez la loi ?
14:29 - J'ai pas de médecin, j'ai pas d'avocat, j'ai rien. - D'accord.
14:32 - Bon, écoutez...
14:33 Rien à se reprocher.
14:34 Pourtant, en prenant son identité, Jean-Michel a un 1er doute.
14:38 - Alors vous, c'est votre prénom ?
14:40 C'est pas votre prénom ? - Non.
14:43 - On avait comme prénom...
14:45 D'accord ? - C'est un surnom.
14:46 - C'est un surnom.
14:48 Le jeune homme n'a pas donné son vrai nom à la victime.
14:51 Et il lui a caché son vrai métier, marchand ambulant.
14:55 - Quel métier, vous lui avez dit que vous faisiez ?
14:58 - C'est pas compliqué.
15:00 - Pourquoi vous lui avez dit ça ?
15:02 - Euh...
15:04 C'est un tir, on va dire.
15:06 - Eh, vous allez me suivre ?
15:08 Alors qui est vraiment ce jeune homme ?
15:10 - On va vous entendre juste après.
15:12 Jean-Michel va tenter de rassembler un maximum d'informations avant de l'interroger.
15:17 Selon le profil de son adversaire, l'enquêteur pourra adapter sa technique d'interrogatoire.
15:22 Il lui suffit d'entrer l'identité du jeune homme dans le stick,
15:25 un fichier qui recense toutes les personnes mises en cause par la police.
15:28 - Ouh là !
15:29 - Vol roulotte, vol de véhicule, vol c'est un violence volontaire.
15:32 Il était de moins de 8 jours.
15:34 Il refuse d'obtempérer, défaut de permis de conduire, vol avec arme blanche, vol de véhicule, délit de fuite, défaut de permis, extorsion, extorsion...
15:43 Il est sympathique.
15:45 Il n'a pas d'infraction de type sexuel.
15:48 Mais bon, il est quand même bien connu aux services de police, notamment pour des violences.
15:52 Il a très bien plu s'attaquer à cette jeune fille avec de la violence.
15:57 - C'est fort possible.
16:00 Les policiers sont avertis.
16:02 Même s'il n'a jamais fait de prison, le jeune homme est un habitué de la garde à vue.
16:05 - Vous asseyez là, on va vous entendre ici.
16:07 Il va falloir être habile pour le faire avouer s'il a vraiment commis le viol.
16:11 Sa première audition commence par une mise en garde, histoire de le déstabiliser d'entrée de jeu.
16:17 - Bon, on va vous entendre.
16:19 Après la première audition, on se fait une petite idée de votre personne, si vous êtes un menteur ou pas.
16:24 - OK.
16:25 - Moi, je vais dire la vérité, pourquoi je vais mentir ?
16:27 - Bon, parce que ça, c'est un dossier de viol.
16:30 - C'est ce que je me suis engagé depuis tout à l'heure.
16:32 - Là, c'est grave.
16:34 Et je vous m'en regarde, il faut dire la vérité dès le départ.
16:37 Et s'il faut rien nous cacher, tout de suite.
16:40 Dans une affaire de viol, tout repose sur les déclarations.
16:43 Celui qui ment n'arrive souvent plus à convaincre la justice de sa bonne foi.
16:47 Mais le jeune homme ne semble pas avoir entendu la mise en garde des policiers.
16:51 - Vous connaissez une jeune fille prénommée ***, que vous avez rencontrée sur Internet ?
16:55 - Non.
16:56 - Non ? - Non.
16:58 - On vous présente une photo d'une jeune fille, est-ce que vous la connaissez ?
17:01 - Vous êtes tout rouge.
17:10 - Tout rouge, comment ça ?
17:11 - Vous la connaissez pas ? - Non, je la connais pas.
17:13 Le jeune homme a l'air mal à l'aise.
17:15 - Je vais pas vous dire ce que je vous ai dit, quoi.
17:17 Alors les enquêteurs vont le pousser dans ses retranchements.
17:21 - Vous allez sur le site Internet *** ou bien *** ?
17:27 Vous avez des comptes ? - Oui, j'ai un compte.
17:31 - Bon, la jeune fille, elle vient faire des déclarations,
17:33 elle dit qu'elle vous a rencontré par le biais de ces 2 sites.
17:36 En plus, elle a votre propre numéro de téléphone portable.
17:38 On peut pas le deviner, ça ? - Non, ça, c'est sûr.
17:40 - Bon. Elle dit qu'elle vous a appelé, vous vous êtes échangé des messages sur le portable.
17:46 Au bout de 10 minutes, retournement total de situation.
17:50 - On part comment, ça ? A zéro, la discussion, là ?
17:52 C'est possible, quoi ?
17:54 On vous a dit qu'il faut dire la vérité, là.
17:57 - Je peux dire la vérité, oui. - Bah non, mais vous dites pas la vérité dès le départ !
18:00 - Si, ouais, j'avoue. Je dis pas la vérité...
18:02 Vous, regardez, vous, je dis pas la vérité dès le départ.
18:05 Mais on va loin. - Mais ça va loin, quand même.
18:07 - Mais alors, qu'est-ce que vous allez faire ?
18:08 Vous la connaissez pas ? - Bah non, mais...
18:10 - Vous allez loin, quand même. Un truc de vieux.
18:12 - Qui est-ce qui va loin ? Qui est-ce qui va loin ?
18:14 - Bah, cette fille, pas vous. C'est pas elle qui va faire le bousquet de votre travail.
18:17 Moi, je vous dis ce que je dois dire.
18:19 - Si, d'après vous, elle dit pas la vérité, elle ment.
18:21 Pourquoi vous, vous lui dites pas la vérité ?
18:23 - Je vais vous dire la vérité. - Vous jouez à quel jeu, là ?
18:25 Le jeune homme prétend avoir perdu pied en apprenant qu'il était accusé de viol.
18:31 Il a menti, mais pour l'instant, rien ne dit qu'il a violé la victime.
18:35 Les policiers veulent donc entendre sa version des faits.
18:41 - Donc le vapeur, vous êtes bien allé la voir ?
18:43 - Puis on a parlé tranquillement.
18:45 C'est un passé d'hôte, quoi. C'est pas...
18:48 Je lui ai dit que... Je lui ai dit...
18:52 Voilà, moi, je lui ai dit face à face que t'es pas mon style, tu me plais pas.
18:56 - Vous n'avez fait que discuter dans la voiture, en fait. - Voilà.
18:59 - Comment ça s'est terminé, votre rencontre avec cette jeune fille, là ?
19:03 - Dans la fac ? - Ouais.
19:05 - Elle m'a demandé si ça pouvait marcher, tout ça.
19:08 J'ai dit non, moi, ça m'intéresse pas.
19:11 - Ouais.
19:12 Une simple discussion en voiture, très loin du récit de la jeune fille.
19:18 - Donc elle dit qu'elle vous a repoussé,
19:21 que vous êtes venu à ce moment-là sur elle en la bloquant avec un genou.
19:25 - Ah, c'est top.
19:26 - Elle dit qu'il a mis son doigt en faisant des va-et-vient très fort.
19:29 "J'avais mal, ça a duré au moins 10 minutes."
19:32 Vous lui avez attrapé les cheveux, vous lui avez collé la tête sur votre sexe.
19:37 Vous lui avez dit d'ouvrir la bouche, elle a refusé.
19:40 Puis vous avez pris votre sexe et vous lui avez mis sur la joue et vous avez éjaculé.
19:45 Le suspect continue à nier.
19:51 Alors les enquêteurs vont sortir leur joker.
19:54 Les mouchoirs en papier retrouvés sur les lieux de l'agression.
19:59 A ce stade, ils ignorent pourtant s'il s'agit bien de ceux utilisés le soir du viol.
20:05 Et si l'ADN du jeune homme y sera retrouvé ?
20:08 - Les mouchoirs, on va les faire analyser.
20:13 - On les a.
20:14 - Ils sont là, c'est pas du bluff.
20:16 - C'est pas du pipeau, vous avez l'air de ne pas croire.
20:19 Un mouchoir en papier découvert dans l'allée côté droit,
20:22 un mouchoir en papier côté droit sur l'allée,
20:24 un mouchoir en papier découvert dans l'allée côté passager.
20:27 - Alors si c'est votre sperme qu'il y a sur ces mouchoirs,
20:30 ça va aller loin parce que ça veut dire que vous dites pas la vérité...
20:33 - On les fait analyser.
20:35 - De bout en bout.
20:37 - Allez-y, pas de souci.
20:39 Le jeune homme se dit serein et il attaque à son tour.
20:42 Selon lui, c'est la victime qui serait une menteuse.
20:45 La preuve, elle aurait cherché à le revoir après la nuit des faits
20:49 et l'aurait même harcelé de messages.
20:51 - Elle vous aura envoyé des messages après ?
20:57 - J'ai du nez, en fait.
20:59 - Sur votre portable ? Sur le téléphone portable ?
21:02 - Non, sur un autre téléphone.
21:04 - Un autre téléphone ? Lequel ?
21:06 - Dont elle avait le numéro.
21:08 - Lequel de téléphone ?
21:10 Pour vous défendre, il faut pouvoir faire l'hélégécation, ouais.
21:13 - Bah, sur le téléphone de ma mère.
21:16 De toute façon, ma mère, elle s'y tient tout.
21:18 Donc elle aura pas le téléphone.
21:20 - C'est pas grave, on peut retrouver.
21:22 Même les appels, on va les retrouver, sur le téléphone de votre mère.
21:25 L'opérateur, il va nous dire si...
21:27 - Bah oui, mais on va pas se gêner.
21:29 - Vous voulez ajouter autre chose ?
21:31 - Ouais, vous allez me rajouter un avocat.
21:33 Parce que là, on est pas timbres.
21:35 - Le suspect a-t-il vraiment reçu ces messages sur le téléphone de sa mère ?
21:40 Il s'est déjà enlisé dans ses explications,
21:43 mais les policiers doivent tout de même vérifier son argument
21:46 pour être sûr de ne pas mettre en cause un innocent.
21:49 - On se voit tout à l'heure.
21:51 Moins d'une heure plus tard,
21:56 la mère du jeune homme arrive au commissariat.
21:59 Et elle tombe des nues.
22:01 - Bon, il est là pour viol.
22:05 - Vous avez connaissance de sa vie sentimentale ?
22:11 - Non, pas du tout. - Pas du tout ?
22:13 Vous savez même pas s'il a une copine, du tout ?
22:15 Les policiers lui ont demandé d'apporter son téléphone portable.
22:18 Mais ils n'auront pas besoin de fouiller dans sa mémoire,
22:21 car la mère du suspect est catégorique.
22:23 - Il utilise votre téléphone portable, le ***** ?
22:28 Est-ce que vous avez déjà reçu des SMS sur votre téléphone
22:30 qui étaient destinés à ***** ?
22:32 Aucun appel ni message de la jeune femme sur ce portable.
22:42 Le violeur présumé a encore menti.
22:44 Et sans le savoir, sa mère vient de faire voler sa défense en éclats.
22:48 - Il vous dit quoi par rapport à ça ?
22:53 - Votre fils, il ne fait que nous mentir, surtout.
22:56 Donc il va le barrer.
22:58 L'autre soirée, il va dormir ici. D'accord ?
23:01 - Je me doute. - Voilà, on a signé les 2 feuilles.
23:04 - Merci, bonne soirée. - Bonne soirée, au revoir.
23:09 - C'est quand même des accusations graves.
23:13 Franchement, je... Je tombe d'eux, moi.
23:17 - Ouais ? - Ouais, franchement.
23:19 J'espère que c'est pas vrai.
23:21 Son fils ne dit pas toute la vérité.
23:25 Mais pour l'instant, rien ne prouve qu'il a violé la jeune fille.
23:28 A partir de maintenant, l'objectif des policiers est donc de prouver
23:33 qu'il y a bien eu une relation sexuelle
23:35 et surtout qu'elle n'a pas été consentie.
23:37 Pour faire craquer le suspect et obtenir des aveux,
23:40 les enquêteurs vont donc chercher d'autres preuves matérielles.
23:43 Et pour cela, ils n'ont plus qu'une seule piste,
23:45 la voiture utilisée le soir des faits.
23:47 Il faut absolument la retrouver
23:49 en espérant qu'elle livrera des traces irréfutables de l'agression.
23:52 Le suspect n'a pas le permis et pas de véhicule.
23:55 Alors d'où vient la fameuse polo ?
23:57 Après plusieurs heures de garde à vue,
24:00 le suspect accepte de livrer le numéro d'un copain
24:03 qui lui aurait prêté le véhicule.
24:05 - Voilà. Alors, téléphone, contact, et où est-ce que monsieur ?
24:10 - La voiture. - Voilà, la voiture.
24:16 Il n'y a plus qu'à convoquer le propriétaire de la polo.
24:21 En lui faisant bien comprendre
24:23 qu'il pourrait être accusé de complicité.
24:25 - Monsieur, bonjour, c'est le commissariat de police de Lens.
24:30 Ca concerne un de vos copains qui est en garde à vue
24:32 et qui a fait des bêtises avec votre voiture.
24:34 Donc si vous voulez pas être ennuyé, rappelez-nous rapidement
24:36 au 03 21 13 51 03. Merci.
24:39 Le message est clair.
24:43 A peine 20 minutes plus tard,
24:45 le propriétaire de la polo grise arrive au commissariat.
24:48 Le jour des faits, ce jeune homme confirme
24:51 qu'il a bien prêté sa voiture au suspect.
24:53 Et au moment de la récupérer,
24:55 un petit détail aurait retenu son attention.
24:57 - Il est venu vous la rendre au bout de combien de temps, là ?
24:59 - Une heure et demie, à peu près, une heure, une heure et demie.
25:02 - OK. Il vous a donné une explication
25:04 sur ce à quoi elle a servi, la voiture,
25:06 pendant une heure, une heure et demie ?
25:08 - Moi, je dis qu'elle était partie voir le film.
25:10 - D'accord. Est-ce que vous avez conseillé des choses particulières
25:12 dans votre voiture, après, quand il vous l'a rendue ?
25:14 - Oui. Le siège côté passager, il a été baissé.
25:16 - Et pour vous, ça voulait dire quoi, là ?
25:18 - Tu... Tu vas avoir des rapports dans ma voiture avec cette fille.
25:21 - D'accord.
25:23 Le siège passager baissé,
25:25 un élément qui confirme la version de la jeune femme.
25:28 Mais la polo va peut-être livrer d'autres secrets.
25:31 C'est Katia, l'experte de la police scientifique,
25:36 qui est chargée de passer la voiture au pagne fin.
25:39 Son objectif est très précis,
25:41 alors elle a sorti le matériel adéquat.
25:44 - Ça, c'est la lumière Hanskap.
25:46 C'est des longueurs d'onde qui vont exciter tout ce qui est matière biologique,
25:53 donc salive, sperme, liquide vaginal, etc., quoi.
25:57 Cette lumière bleutée peut faire apparaître instantanément
26:02 une trace de sperme, aussi petite soit-elle.
26:05 Mais selon Katia, 5 jours après la découverte,
26:08 elle a été découverte par un autre homme.
26:11 Et selon Katia, 5 jours après les faits,
26:14 les espoirs de réussite sont minces.
26:17 - Comme la voiture a été utilisée pour aller au boulot
26:23 par le propriétaire légitime, ça risque d'être compliqué.
26:27 - Pourquoi ça risque d'être compliqué ?
26:29 - Bah, en fait, avec l'effet des vêtements, ça frotte,
26:33 et puis toutes les traces disparaissent.
26:35 Voilà, y a un cheveu.
26:37 Ah, juste là.
26:39 - Ce qui nous intéresse, c'est pas vraiment un cheveu,
26:41 parce que le fait qu'elle soit montée dans la voiture, il le nie pas.
26:44 Mais c'est le fait qu'il se soit masturbé ou non,
26:48 qu'il y ait eu éjaculation dans la voiture, ça, il le nie.
26:51 Après une demi-heure d'un examen minutieux, déception pour Jean-Michel.
26:57 - Y a pas de traces biologiques ?
27:03 - Pour le moment, y en a pas, quoi.
27:07 Fin de la journée et rien dans la voiture.
27:10 Il ne lui reste que 24 heures de garde à vue pour arracher des aveux au suspect.
27:15 Pour cela, les policiers ont une arme redoutable,
27:19 organiser une confrontation entre la victime et le suspect.
27:23 Les yeux dans les yeux, celui qui ment finit parfois par craquer.
27:29 Tout va donc se jouer demain, au 2e jour de la garde à vue.
27:33 Le lendemain matin, 9h.
27:36 C'est peut-être l'heure de vérité.
27:40 Après une nuit en garde à vue,
27:43 le violeur présumé est conduit vers la victime pour le face à face.
27:47 En plus des 2 parties, 2 avocates, une de chaque côté.
27:53 Celle du suspect vient tout juste de découvrir le dossier.
27:57 - Vous êtes en train de faire quoi ?
27:59 - Je vais vous montrer le dossier.
28:01 - Bonjour. - Bonjour.
28:03 - C'est bon. - Vas-y.
28:05 Audrey et Jean-Michel savent comment mener ces entretiens décisifs.
28:11 - Il m'a pénétré direct avec un doigt.
28:13 Pour mettre le menteur mal à l'aise, il commence par relire les témoignages
28:17 en insistant sur les détails les plus crus.
28:19 - Il a mis son doigt en faisant des va-et-vient très fort et j'avais mal.
28:23 - Question. Des mouchoirs ont été découverts sur les lieux des faits,
28:26 comme indiqué par la victime. Qu'avez-vous à dire ?
28:28 Réponse, bah, analysez-les. Il y aura pas mon sperme.
28:31 Asseulement 2 m de la jeune fille,
28:34 le suspect évite soigneusement de croiser son regard.
28:37 - Vous maintenez que vous n'avez eu aucune relation de quelque nature que ce soit
28:42 avec la jeune fille ici présente.
28:44 Vous maintenez que M. O... vous a pénétré digito-vaginalement,
28:48 donc c'est-à-dire un doigt dans votre sexe,
28:51 avant de vous forcer à le masturber et à éjaculer.
28:54 Qu'est-ce que vous pensez de ce qu'il a dit sur la soirée, sur les faits, etc.
28:59 Chacun reste campé sur ses positions.
29:02 Mais l'enquête a permis d'établir de nombreuses contradictions
29:06 dans le témoignage du jeune homme.
29:08 C'est donc lui que les enquêteurs vont mettre sur le grill.
29:11 - Pour quelle raison est-ce que hier vous avez dit de ne pas la connaître ?
29:17 - Tout simplement parce que je ne l'ai pas vu.
29:20 - Vous avez dit que vous ne l'avez pas vu ?
29:22 - Oui. - Vous avez dit de ne pas la connaître.
29:24 - Tout simplement parce que les gens viennent pour des trucs de malades,
29:27 des trucs... Comment vous appelez ça ?
29:29 Je ne sais pas, rappelez-moi. Comment vous appelez ça ?
29:31 - Vous êtes en garde à vue pour viol.
29:33 - Oui, viol, voilà, pour viol.
29:35 C'est normal, les gens, dans leur tête, ils se mettent des trucs de fous.
29:38 - Mais ce n'est pas normal de mentir.
29:40 Vous pouviez bien dire que vous la connaissiez quand même.
29:42 - Oui, oui, mais après, j'ai dit quoi ? J'ai bien avoué.
29:44 Parce que c'était pas un truc de fou.
29:46 C'est un truc de malade, ça. Arrêtez.
29:48 Je ne suis pas comme ça. Arrêtez, là.
29:50 - Pourquoi vous dites... Après, vous appelez...
29:52 Pourquoi vous dites que vous êtes pompier alors que vous êtes marchand ambulant ?
29:55 - Il n'y a pas d'explication.
29:59 Pas d'explication, alors les policiers enchaînent
30:02 avec ces déclarations sur la voiture.
30:04 Le siège passager était baissé,
30:06 selon l'ami qui lui a prêté le soir des faits.
30:09 - Donc, il vous persiste à dire que dans le véhicule,
30:14 il ne s'est rien passé de particulier ? - Oui.
30:16 - Quand M.... récupère sa voiture un peu plus tard,
30:19 il dit que le siège passager était baissé
30:21 et qu'il s'est douté qu'il y avait eu une relation sexuelle dans le véhicule.
30:25 - Vous n'avez rien à dire ? Non ?
30:33 Bah non, parce que vous vous sentez bien que là...
30:36 - Je dis rien parce que c'est des conneries.
30:38 - En tout cas, il avait constaté que le siège était baissé
30:41 alors qu'il n'y était pas... - Avant de partir, il a dit ça.
30:44 "Viens, je vais..." Il casse les couilles.
30:46 "Viens, il ramène son bec dans son putain de mur."
30:49 "Sa meuf, elle s'en va dans son siège de voiture."
30:51 "Viens, il casse les couilles, il veut le coup, ces fils de pute."
30:54 Selon lui, ce serait donc la petite amie du propriétaire de la Polo
30:58 qui aurait abaissé le siège.
31:00 Une version peu convaincante pour les policiers,
31:03 qui pointent désormais un élément essentiel.
31:05 Les messages que le suspect aurait reçus de la jeune fille
31:09 les jours suivant l'agression.
31:11 Affirmation démentie par sa propre mère.
31:15 - Vous vous maintenez d'avoir appelé Mlle de...
31:18 pour qu'elle vous laisse tranquille avec le téléphone de votre mère ?
31:21 - Votre mère, on l'a entendue hier. - Ouais, donc ?
31:27 - Elle nous dit qu'à aucun moment, elle vous a prêté le téléphone.
31:30 Vous avez le vôtre avec votre forfait, c'est elle qui paye, d'ailleurs.
31:33 Elle, elle a son téléphone qu'elle garde constamment avec elle.
31:35 Elle le prête pas et à aucun moment, vous n'avez utilisé son téléphone
31:38 pour prendre contact avec Mlle de...
31:42 - Alors, qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus ?
31:44 Votre mère, elle ment aussi ? - Ouais.
31:46 Déstabilisé, en fin d'audition, l'accusé finit par perdre son sang-froid.
31:51 - Vous avez une petite amie ?
31:54 Elle peut avoir ses coordonnées ?
31:57 - Non. - Non ?
32:00 Avec votre aide ou sans votre aide, on la retrouvera, hein ?
32:04 - Ouais, mais ouais, vous allez faire rien du tout,
32:06 parce que vous avez que le petit téléphone, vous avez pas le deuxième,
32:08 parce que sinon, vous cassez les couilles.
32:10 - Vous allez parler autrement, d'accord ?
32:12 Vous baissez l'attention et vous allez parler autrement, d'accord ?
32:14 Vous me dites pas, vous arrêtez de me casser les couilles,
32:16 parce que je vous parle correctement.
32:18 - Ouais, ouais, ouais, casser les couilles pour des conneries,
32:20 pour des mensonges à deux balles, des mensonges,
32:22 je vois même pas la télécarte qui sonne, je vois même pas c'est quoi la télé.
32:25 Bilan de la confrontation, pas le début d'un aveu.
32:28 Le jeune homme conteste toujours la relation sexuelle.
32:31 - Allez.
32:33 La jeune fille, elle, ressort choquée d'une telle épreuve.
32:39 - Moi, c'est carrément fou tout ce qu'elle dit, quoi.
32:41 Il dit avoir fait ce qu'il a fait, alors qu'il l'a vraiment bien fait.
32:45 Déjà, mentir sur son prénom, sur son travail,
32:49 m'a menti un peu sur tout, quoi.
32:51 - Est-ce que vous espérez qu'il va se passer pour lui, maintenant ?
32:53 - Bah, qu'il paye ce qu'il m'a fait.
32:55 - Oui. Vous croyez qu'il parte en prison ?
32:57 - Ouais.
32:59 Elle espérait beaucoup de ce face-à-face douloureux.
33:03 Sa mère, elle, s'attendait à une telle issue.
33:06 - Toi, tu contestes toujours, non ?
33:08 - Ouais.
33:10 - Tu m'as dit que tu vas contester quelque chose pareil.
33:12 - Ah oui.
33:14 - Enfin, je regrette rien, donc...
33:16 - Non, non, surtout pas.
33:18 - Vous êtes fière de votre fille, madame ?
33:20 - Oui. Moi, je suis tout le coeur avec elle,
33:22 parce que si on n'aurait pas fait ça, il l'aurait peut-être refaite.
33:24 - Hum.
33:26 - Elle n'est pas toute seule, hein.
33:28 Il y a des belles filles sur la Terre.
33:30 Mais enfin, c'est quand on arrive et là, hein.
33:32 Faut se retenir, par moments, hein.
33:34 La fin de la garde à vue approche.
33:36 Les policiers de la crime n'ont plus que quelques heures pour obtenir des aveux.
33:40 Alors ils vont abaisser leur dernière carte.
33:43 Présenter le suspect au procureur.
33:46 Il pense peut-être ressortir libre du commissariat s'il continue à nier.
33:50 Ce n'est pas vraiment ce que va lui expliquer le magistrat.
33:54 - Vous allez présenter au procureur public par le biais de la visioconférence.
33:59 Le temps presse, la discussion se fera par écran interposé.
34:04 - On essaye là.
34:06 L'objectif de ce tête-à-tête est de mettre une pression supplémentaire sur le jeune homme.
34:11 Déjà ébranlé par plusieurs auditions et 2 journées en cellule.
34:16 - Alors, bonjour monsieur.
34:18 J'ai noté que vous étiez expliqué sur les faits qui vous étaient reprochés, monsieur.
34:22 Et j'ai le sentiment que vous ne me dites pas tout, là.
34:25 Hein, et c'est pas une paire de gifles qu'on vous reproche, c'est les faits viols.
34:29 Alors je vais être très franc avec vous, monsieur.
34:32 On est à l'échaud.
34:34 Si vos déclarations n'évoluent pas, on va directement aller dans le jeu d'instructions.
34:39 Et je ne vous cache pas que je demanderai que vous soyez placé en détention provisoire.
34:44 Direction la maison de l'arrêt des 2.
34:46 Qu'on soit prêt.
34:48 Donc vous allez retourner en joule en attendant d'être entendus cet après-midi.
34:52 On fait comme ça, monsieur ? Voilà.
34:55 - Donc à cet après-midi ?
34:57 Donner une version plus crédible ou se retrouver en prison.
35:01 Le message est bien passé, le jeune homme fond en larmes.
35:05 - Réfléchis bien et on va te reprendre en début d'après-midi pour l'audition.
35:09 Tu m'entends ?
35:11 Mais ce sera la dernière, par contre.
35:13 Je veux dire, à 15h, on va te réentendre en présence de ton avocat,
35:16 mais après, c'est terminus, quoi.
35:18 - Il était en train de pleurer, là ? - Ouais, ouais.
35:21 Bah oui, parce que le substitut lui a parlé clairement de détention.
35:24 Donc forcément, ça le fait réfléchir différemment,
35:27 parce que même s'il est connu de la police, il a jamais fait de prison.
35:30 Donc je pense que là, il a un peu peur des suites.
35:34 Le coup de pression du magistrat.
35:37 Va-t-il porter ses fruits ?
35:39 - C'est ce qu'il dit le procureur.
35:42 Il faut réfléchir un petit peu et puis arrêter de...
35:45 - Tu dis quoi, là ? - Hein ?
35:47 Ah non, parce que si vous dites la vérité,
35:50 y a rien qui dit qu'il va vous incarcérer.
35:52 Une petite phrase lâchée dans un escalier.
35:59 Annonce-t-elle des aveux ?
36:02 Les policiers semblent avoir gagné une partie importante.
36:05 Et pourtant, dans ce genre d'affaires,
36:07 quand le suspect est aux abois,
36:09 l'intervention de son avocat peut réserver bien des surprises.
36:13 15h30, la dernière audition va commencer.
36:21 L'accusée vient de s'entretenir une demi-heure avec son avocate.
36:26 Elle connaît désormais le dossier sur le bout des doigts.
36:29 Et vous allez le voir, elle a très bien conseillé son client.
36:37 - Est-ce que vous voulez modifier vos déclarations de carrière ?
36:40 - Oui. - Oui ?
36:42 - Alors, qu'est-ce que vous voulez dire ?
36:45 - Donc, tout ce qu'elle a raconté, y en a des choses, c'est vrai, mais...
36:52 Sourire gêné de l'avocate, le suspect a oublié son texte.
36:59 - Je tiens à préciser qu'elle était d'accord avec moi,
37:01 y avait pas de... J'ai pas forcé la personne, j'ai forcé personne.
37:05 Elle était d'accord avec moi.
37:07 Le suspect reconnaît le rapport sexuel, mais pas le viol.
37:11 Selon lui, la jeune femme était consentante.
37:13 Et sur ce point, son avocate le sait, en l'absence de témoin,
37:17 ce sera parole contre parole dans un tribunal.
37:19 Alors voilà la nouvelle version qu'il défendra à la barre.
37:23 - Elle a commencé à me caresser, oui.
37:26 Après, bah, j'ai... J'ai... J'ai eu sa moyette.
37:32 Et après, je lui ai mis... J'ai pris les trains d'eau.
37:36 Et à ma part, elle m'a pas rebousculé, elle m'a rien dit.
37:39 Elle était là...
37:40 - Elle dit qu'elle a crié, qu'elle vous disait que...
37:42 - Non, c'est pas vrai. C'est des mensonges.
37:44 - Il fallait arrêter ?
37:45 - A aucune occasion, j'ai perdu sa tête et je l'ai forcée à faire des...
37:50 Des trucs, quoi. C'est tout ce que j'ai dit.
37:52 - Donc vous avez éjaculé, alors ? - Ouais, j'ai éjaculé.
37:55 - Et vous avez éjaculé où ? Sur quoi ? Sur qui ? - Sur moi.
38:00 Une nouvelle version qui colle parfaitement avec les éléments recueillis au cours de l'enquête.
38:05 Retrouver l'ADN du suspect sur la scène de crime ne sert plus à rien,
38:10 puisqu'il a admis le rapport sexuel.
38:12 - Donc, à la raison, selon vous, s'il a été d'accord pour cette relation, on aurait déposé plainte ?
38:16 - C'est ça que je suis en train de me demander depuis tout à l'heure.
38:19 Je n'arrive pas à me répéter la question. Je ne sais pas pourquoi.
38:22 Franchement, même moi, personnellement, j'arrive pas à comprendre. C'est tout, c'est...
38:28 Avant de partir, l'avocate pose une dernière question qui tombe à pic
38:33 pour démontrer que la victime était bien consentante.
38:36 - Vous m'avez posé des questions ? - Juste une question.
38:41 - Hein ? - Monsieur, quand elle est sortie de la voiture,
38:44 et vous aussi, est-ce qu'elle vous a dit quelque chose, à ce moment-là ?
38:47 - Non. - Est-ce qu'elle a fait quelque chose de particulier ?
38:50 - Euh, non, elle m'a juste fait un bisou, c'est tout. Elle est partie.
38:56 Fin de la garde à vue et pas d'aveu, bien au contraire.
39:00 Une version qui colle parfaitement à la réalité des preuves.
39:04 Maintenant, comme souvent dans les affaires de viol,
39:09 ce sera la parole du suspect contre celle de la victime.
39:12 Une frustration pour les enquêteurs après des heures d'audition
39:16 et des dizaines de procès verbaux.
39:18 - On sent bien qu'il y a eu un entretien avec son avocat et qu'il a été conseillé
39:24 d'essayer de trouver une version un peu plus...
39:27 Qui colle un peu plus avec la vérité, avec les constatations.
39:30 - Votre sentiment personnel sur les faits, sur ce qui s'est passé ?
39:34 Vous pensez qu'il dit toute la vérité ? - Non, je pense pas, non.
39:37 - Allez, on y va.
39:39 Fin de l'enquête pour les policiers de la brigade criminelle.
39:43 C'est maintenant à la justice de se prononcer.
39:48 Le jeune homme devrait être renvoyé devant une cour d'assises.
39:54 Ce sera alors au juré de se forger une intime conviction
39:58 pour l'acquitter ou le condamner.
40:00 Il en court jusqu'à 15 ans de prison.
40:05 Sous-titrage Société Radio-Canada
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40:15 [SILENCE]