Nicolas Bessone a été installé officiellement ce lundi par le garde des sceaux ...
Vidéo publiée le : 26/11/2023 à 13:00:00
Lien vers l'article de Maritima.info :
https://www.maritima.info/actualites/justice/marseille/15641/le-nouveau-procureur-de-marseille-est-dans-rue-de-la-republique.html
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00:00 (Générique)
00:10 Bonjour à tous et bienvenue dans Rue de la République en compagnie du nouveau procureur de Marseille, Nicolas Besson,
00:16 qui nous fait l'amitié d'être présent sur ce plateau. Bonjour, Monsieur le procureur.
00:20 Bonjour, Monsieur.
00:21 Je suis aux côtés de Léo Purgat, comme chaque dimanche, le président, le directeur éditorial de La Marseillaise, pour vous recevoir.
00:27 Bonjour.
00:28 Nous allons évidemment parler de la situation de Marseille, de vos priorités dans la lutte contre, on peut dire, la délinquance,
00:34 parce qu'il n'y a pas que les narcotrafiquants, mais on va y venir dans quelques instants.
00:37 Je voudrais que vous parliez un peu de votre parcours, s'il vous plaît, Nicolas Besson.
00:41 On vous a nommé ici, pourquoi en fait ? Vous êtes un spécialiste quand même des causes un peu perdues ou compliquées ?
00:46 Oui, alors j'ai d'abord déjà exercé du ramas carrière à Marseille, à la juridiction interrégionale spécialisée au moment de sa formation.
00:54 J'ai quelques compétences en matière de lutte contre la criminalité organisée, la grande délinquance économique et financière.
01:01 Voilà, je suppose que c'est ces compétences particulières qui ont donné l'idée à l'autorité de nomination de me nommer sur ce poste que j'aime beaucoup et que j'avais demandé.
01:16 Alors, vous dites que vous avez déjà exercé à Marseille. Les choses ont quand même singulièrement changé depuis quelques années,
01:23 avec une accélération notamment de ce qu'on appelait auparavant les règlements de comptes et qu'on appelle désormais les narcomicides,
01:30 ces assassinats ayant lieu dans des réseaux de trafiquants de drogue. Comment vous appréhendez la situation ? Est-ce qu'elle est encore sous contrôle ?
01:40 Alors, plusieurs choses. Il y a des constantes par rapport à ma première période marseillaise, on va dire, dans les années 2004-2008.
01:48 C'est le cumul à Marseille, c'est ce qui fait la grandeur et la lourdeur de la tâche, à la fois d'une criminalité organisée puissante, importante
01:59 et qui mobilise beaucoup les magistrats et les policiers, mais également un cumul avec une délinquance de voie publique très importante
02:07 liée à des facteurs un petit peu plus sociaux, de pauvreté, de violence inhérente à cette ville méditerranéenne.
02:13 Voilà la roulante, des choses comme ça, qui continuent.
02:15 Exactement. Et je fais toujours la comparaison par rapport à mes autres postes de procureurs.
02:19 Quand j'étais à Bastia, j'avais une vraie problématique de criminalité organisée, mais une délinquance de voie publique quasi inexistante.
02:25 Quand j'étais à Orléans, j'avais un vrai problème de délinquance de voie publique, mais je n'avais pas de milieu et de criminalité organisée.
02:31 Ce qui a changé, c'est surtout le monde a changé, le vieux milieu corso-marseillais, pour lequel, dans mes jeunes années,
02:41 avec mes collègues magistrats et policiers, on travaillait a pratiquement disparu.
02:45 Avec des règles, là, quelque part.
02:47 Alors, des règles, moi, je n'ai jamais dit qu'il y avait des règles particulières, mais effectivement, pourquoi ?
02:52 Et je trouve que le terme donné par mon prédécesseur, Mme Laurence, de narcomycide, et tout à fait, ce ne sont pas des règlements de comptes.
02:59 Les règlements de comptes, c'est une bande de criminels qui veut en éliminer une autre pour obtenir des parts de marché,
03:05 avec quasiment jamais de victimes collatérales, et quelque chose d'assez circonscrit.
03:13 Là, dans les narcomycides, effectivement, on m'avait demandé est-ce que la situation est sous contrôle ?
03:17 Elle est, je veux rester optimiste, difficilement sous contrôle actuellement.
03:22 On a une multiplication de ces homicides liés au trafic de stupéfiants,
03:29 et avec des actes qui défient toute cohérence par rapport à ce que j'ai connu dans le passé.
03:36 Exactement.
03:37 Est-ce que vous avez les moyens, aujourd'hui, de lutter, justement ?
03:40 Est-ce que les moyens sont à la hauteur ?
03:41 Puisqu'on entend beaucoup de gens dans les quartiers dire "mais que fait-on ? Relâche, on n'est pas au courant des enquêtes".
03:48 Ça fait partie des quelques reproches qui peuvent être faits, d'une manière générale, à la justice.
03:51 C'est qu'il faut rendre plus de comptes aux gens qui sont victimes.
03:54 Je pense qu'il faut absolument communiquer.
03:58 Les moyens, ils ont été considérablement augmentés,
04:01 sous l'égide d'Éric Dupont-Morité, le ministre de la Justice.
04:06 Qui était là lundi, pour vous installer.
04:08 Qui était là lundi, à mon audience d'installation.
04:10 Là aussi, j'ai été très honoré, c'est un signe fort de l'exécutif,
04:13 pour montrer un petit peu l'attachement et la volonté de travailler sur Marseille.
04:17 Je donne toujours cet exemple, quand j'étais chargé de la criminalité organisée de la GIRS à Marseille en 2008,
04:23 ce n'était pas non plus le millénaire dernier, nous étions 5.
04:27 J'ai maintenant 12 magistrats qui sont chargés de cette lutte.
04:31 27 juges d'instruction, ils étaient 17 il y a encore quelques années.
04:35 Donc il y a des moyens.
04:37 Ensuite, vous disiez, la population, elle demande, elle attend.
04:40 Effectivement, je crois qu'on a un vrai besoin de communication.
04:44 Puisque quand vous avez des homicides, des assassinats, immédiatement,
04:49 et c'est votre travail, vous en rendez compte, on a des crimes spectaculaires qui sont commis.
04:54 Et si vous voulez mon équilibre, et c'est un peu compliqué,
04:59 quand la police judiciaire interpelle des équipes d'auteurs, des équipes de tueurs, des bandes de malfaiteurs,
05:05 nous sommes au stade de l'instruction préparatoire.
05:08 Il y a toujours cette problématique du secret, de ne pas nuire aux enquêtes.
05:11 Donc sur cette ligne de crête, sachez-le, et je l'ai fait depuis que je suis là,
05:16 ma volonté, c'est de communiquer, de rendre compte à la population de ce qui est fait.
05:20 Et ce qui fait que depuis les trois premières semaines que je suis arrivé,
05:23 tous les week-ends, tous les vendredis, à l'issue de vagues d'interpellations,
05:26 je donne des points de presse pour indiquer que la police travaille,
05:30 la justice met hors d'état de nuire un certain nombre de criminels,
05:34 même si je suis conscient qu'il reste encore beaucoup de travail à faire et que c'est compliqué.
05:38 - Alors il y a eu justement un coup de filet qui a visé le réseau Yoda,
05:43 22 arrestations, des enquêtes qui sont en cours.
05:46 Est-ce que vous avez néanmoins les moyens d'aller chercher les têtes de réseau
05:50 dont on dit qu'ils sont désormais à l'étranger, à Dubaï, au Qatar, etc. ?
05:55 Est-ce que la justice française est outillée pour couper la tête de la pieuvre
06:00 pour reprendre les mots du maire de Marseille ?
06:03 - Alors il est évident qu'il ne faut pas se contenter de l'écume des jours
06:06 et d'aller chercher les jeunes charbonneurs ou les jeunes tueurs à gage.
06:11 Bien évidemment il faut les mettre hors d'état de nuire, mais l'essentiel c'est de remonter.
06:15 Nous disposons d'instruments internationaux qui nous permettent, à type de mandat,
06:19 d'aller chercher les personnes où qu'elles se trouvent.
06:21 Nous avons une juridiction interrégionale spécialisée à Marseille,
06:25 avec des magistrats, instructeurs et des parquetiers spécialistes de ces problématiques juridiques.
06:29 Après, la difficulté, et là ça dépasse un petit peu la magistrature,
06:34 c'est la volonté de coopérer des pays où se trouvent les personnes.
06:39 Alors pour être optimiste, concernant Dubaï, vous avez pu constater
06:43 qu'après des années de difficultés importantes pour avoir une exécution
06:47 de nos commissions rogatoires ou de nos mandats,
06:49 deux ou trois hauts trafiquants, et pas nécessairement que marseillais,
06:53 ont pu être remis aux autorités judiciaires françaises.
06:56 Le deuxième point qui me paraît fondamental, c'est effectivement
06:59 aller chercher les circuits de blanchiment.
07:01 Et là j'ai envie de travailler un petit peu comme l'ont fait nos collègues italiens
07:04 dans les années 80-90, c'est-à-dire le doppio binario,
07:09 c'est-à-dire le double quai, la double voie.
07:11 On ouvre une enquête pour association de malfaiteurs,
07:13 ou pour trafic de stupéfiants, ou pour assassinat ou extorsion,
07:16 donc c'est l'infraction initiale de fond.
07:19 Il faut ouvrir parallèlement une enquête pour remonter sur les circuits de blanchiment,
07:24 évidemment avec les besoins d'avoir en capacité une police judiciaire,
07:30 en capacité de suivre cette multiplication des enquêtes.
07:34 - Alors la finance, vous avez décrit ces réseaux, il faut les taper de ce côté-ci.
07:38 Ce qui frappe quand même, c'est le côté parfaitement chaotique
07:41 et totalement désorganisé des règles, pas des règlements de cour,
07:44 mais des dark homicide avec des gens de plus en plus jeunes
07:47 qui vont exécuter un contrat pour quelques centaines d'euros.
07:51 En même temps c'est très pyramidal, donc ça fonctionne très bien en gros,
07:54 mais en bas alors, comment est-ce qu'on peut arriver à appréhender tout ça,
07:58 à la fois du côté police et justice après ?
08:00 - C'est ce qui rend la chose compliquée,
08:02 il n'y a pas la cohérence qu'on pouvait rencontrer les années précédentes.
08:05 On se rend compte, rajeunissement, féminisation.
08:09 - Féminisation ?
08:10 - Ah oui, féminisation, on a maintenant des femmes qui ont des rôles
08:14 dans l'organisation de règlements de comptes, dans la logistique,
08:18 ce n'est pas simplement des nourrices comme on avait l'habitude,
08:21 donc rajeunissement, rajeunissement à la fois des auteurs et des victimes.
08:24 Narco-homicides, pourquoi ? Parce que c'est lié de près ou de loin
08:28 au trafic de stupéfiants, mais sans cohérence.
08:30 - Plusieurs centaines de milliers d'euros par semaine,
08:32 plusieurs dizaines en tout cas, pour un point de deal.
08:34 - Absolument, pour un point de deal, et donc avec une logique quasiment de terreur,
08:39 puisque quand vous rafalez un point de deal,
08:42 et que vous tuez, éliminez un jeune homme de 16 ans
08:45 qui vient d'être placé là pour charbonner,
08:47 il n'a aucun rôle éminent dans l'organisation,
08:51 il va pourtant être supprimé,
08:52 donc c'est ça qui rend les choses totalement difficiles.
08:55 - Alors, dans le monde politique, certains parlent d'ensauvagement de la société,
09:01 est-ce que vous reprendriez cette expression à votre compte ?
09:03 - Alors, je ne parlerai pas d'ensauvagement,
09:05 je parlerai de perte de valeur et de perte de repère.
09:07 Quand on regarde un petit peu les parcours de vie
09:11 de ces jeunes tueurs ou de ces jeunes trafiquants,
09:15 c'est l'immédiateté, c'est les réseaux sociaux,
09:19 c'est souvent des familles monoparentales, déstructurées,
09:24 donc je pense qu'il faut qu'on remette du cadre républicain un peu de partout,
09:30 et là, ça dépasse naturellement le rôle que peut jouer la justice.
09:34 - Ce n'est pas que la répression, on est bien d'accord,
09:36 on est effectivement dans la prévention, dans l'éducation, dans tout un tas d'autres.
09:40 - On est tout à fait là-dedans, et moi, ce que j'indique,
09:43 c'est que si on me donne un gros marteau, je taperai très fort,
09:47 c'est mon rôle, c'est ma mission, je l'assume,
09:49 mais si on ne donne que des coups de marteau,
09:51 et qu'on n'a pas un accompagnement pour ces quartiers,
09:54 on n'aura résolu aucun des problèmes qui nous occupent aujourd'hui.
09:57 - Donc, Purgat ?
09:58 - Alors, les problèmes qui se posent à Marseille sont très au-delà du trafic de drogue,
10:02 on pense notamment à l'habitat indigne, qui a une ampleur singulière.
10:06 À Marseille, le maire de Marseille demande une loi pour criminaliser les marchands de sommeil.
10:12 Est-ce que vous êtes aujourd'hui mal outillé pour poursuivre ces gens qui profitent, exploitent la misère humaine ?
10:20 - Alors, les outils se sont largement améliorés avec la loi Elan,
10:26 qui a même prévu, par exemple, le principe de la peine de confiscation des biens du marchand de sommeil.
10:33 La difficulté dans ces dossiers, c'est que les personnes, au lieu de faire au profil bas,
10:38 et c'est tout à fait leur droit, vont épuiser les voies de recours.
10:41 Donc, entre le moment où on constate une situation de soumission par des marchands de sommeil,
10:47 d'habitants insalubres, avec aussi des risques vitaux, on l'a vu malheureusement sur Marseille,
10:53 et obtenir une confiscation définitive qui va nous permettre, évidemment,
10:59 de soustraire ce bien à la rapacité de ces marchands de sommeil,
11:05 et puis de faire de la rénovation urbaine en lien avec la mairie de Marseille,
11:09 ou de l'affectation sociale, comme le prévoit la loi du 8 avril 2021,
11:14 à l'instar de ce qui se faisait en Italie, et qui a été votée sous l'impulsion du garde des Sceaux.
11:18 Voilà, moi, ce qui me gêne, c'est le délai judiciaire.
11:22 On va essayer d'être meilleur, on va essayer d'être efficace.
11:25 On a une section spécialisée sur cette problématique au parquet de Marseille.
11:29 Il y a encore, depuis mon arrivée, quelques semaines, un dossier symbolique
11:34 où des réquisitions ont été prises.
11:36 Après, c'est au tribunal de décider. J'espère que nous serons suivis.
11:40 - Vous parlez du marchand de sommeil récemment ? - Absolument.
11:43 - Avec la rue d'Aubagne qui arrive également. - La rue d'Aubagne.
11:46 - Au bout de combien d'années ? 4 ans ? 5 ans ? - Non, mais oui.
11:49 C'est un dossier, effectivement, on peut toujours être tentaculaire.
11:52 Mais, voilà, je l'ai annoncé lors de mon discours d'installation.
11:56 La suite à lui réserver sera donnée cette année, puisque le dossier a été communiqué
12:02 pour que le parquet prenne ses réquisitions.
12:05 Et nous essaierons de faire, naturellement, un audiencement prioritaire.
12:09 Parce que je sais que, physiquement, dans sa chair, Marseille a souffert.
12:14 Et symboliquement, Marseille attend une réponse à ce qui s'est passé à la rue d'Aubagne.
12:18 Et donc, ce sera un dossier que je suivrai avec une particulière attention.
12:22 - Nicolas Besson, procureur de la République de Marseille.
12:25 Je voudrais qu'on parle de ce qui s'est passé avec les émeutes que Marseille a connues.
12:29 Ce que, à ce moment-là, Marseille avait tenu.
12:32 On a vu, à cette occasion, des violences policières.
12:34 Vous avez souligné, lors de votre discours d'installation, le bon travail que vous avez avec les forces de police.
12:39 Ce n'est pas toujours facile. Certains vous reprochent de relâcher les délinquants.
12:44 Comment est-ce qu'on arrive, justement, à concilier tout ça ?
12:48 Et à faire en sorte que ce soit un cercle vertueux et pas vicieux ?
12:51 - D'abord, en liminaire, on a été surpris, et tous, je n'étais pas encore à Marseille,
12:57 mais de ces émeutes, parce qu'en général, on en était épargnés.
13:00 Les gens, à Marseille, on souffre de beaucoup de maux, mais les gens vivent ensemble relativement bien.
13:05 Et d'ailleurs, on le constate avec ce qui se passe en Israël et à Gaza en ce moment.
13:12 On a effectivement une recrudescence des actes antisémites,
13:15 mais sans aucune proportion avec ce qu'on peut trouver sur d'autres éléments du territoire.
13:20 Donc premièrement, une surprise.
13:22 Des interpellations, et puis ensuite, vous l'avez vu, des plaintes déposées contre des policiers.
13:27 Et puis, l'affaire de ce jeune Hedi et l'incarcération d'un policier,
13:32 la grève et ce que j'ai qualifié hier, et je crois qu'il faut affronter les choses, une fracture.
13:36 Alors, entre la police et la magistrature, qui est en voie de résorption, il va falloir y travailler,
13:42 plusieurs choses.
13:44 Non, les magistrats du parquet ou du siège, quand ils se lèvent le matin,
13:48 leur volonté c'est de ne pas remettre en liberté immédiatement les personnes arrêtées par la police
13:53 pour qu'ils recommettent des infractions.
13:55 C'est une vision tout à fait manichéenne et qui est fausse.
13:58 La deuxième chose, les policiers et les magistrats, mes collègues du parquet,
14:02 mes substituts, les juges d'instruction,
14:04 travaillent tous les jours avec des policiers en bonne intelligence.
14:08 Et ceux qui veulent monter les uns contre les autres, c'est absurde,
14:12 parce que nous avons la même volonté, les mêmes objectifs.
14:15 Après, il s'est passé ce qui s'est passé cet été.
14:19 Je vais rentrer dans ces dossiers et comme je l'ai dit,
14:22 ils auront la suite qu'ils méritent d'avoir.
14:25 Nous, la seule chose qu'on demande de magistrats, alors qu'ils prennent en compte,
14:29 tous mes collègues, les circonstances, les très grandes difficultés, je tiens à le dire,
14:34 de policiers de la brigade anticriminalité ou de la BST,
14:37 ils ne sont pas comme moi, assis derrière leur fauteuil, ils sont au front,
14:40 je serais presque tenté de dire.
14:42 Nous prenons toujours en compte leurs difficultés d'intervention.
14:45 En revanche, quand on est hors du cadre de la loi
14:48 et que l'usage est manifestement disproportionné,
14:51 il n'y a pas de raison particulière que les policiers,
14:54 comme les magistrats, comme les journalistes, monsieur,
14:56 soient au-dessus ou à côté des lois.
14:58 C'est simplement ça la limite.
14:59 - Comme les ministres de la justice ?
15:01 - Alors, vous me permettrez de ne pas faire de commentaire sur une affaire
15:04 pour laquelle on attend un délibéré, mais comme tout politique...
15:07 - Monsieur Dupond-Moriti, si vous les écoutez...
15:09 - Non, mais écoutez, tout politique, y compris le ministre de la justice,
15:12 tout le monde doit reprendre des actes.
15:15 - Je reformule ma question qui était un peu taquine,
15:18 mais c'est la question de l'exemplarité dans notre société.
15:21 Effectivement, quand on voit des faits commis par des policiers,
15:24 quand on voit des élus, c'était le cas notamment vis-à-vis de l'habitat indigne,
15:28 qui sont impliqués dans des dossiers,
15:30 quel message voulez-vous délivrer aux citoyens
15:34 qui pensent que finalement c'est tous pourris ?
15:36 Est-ce qu'au contraire, ça veut dire que la justice passera ?
15:39 - Oui. Plusieurs points.
15:42 Tous pourris, là aussi, analyse manichéenne, réductrice.
15:46 En revanche, ce que je tiens à vous indiquer,
15:50 c'est la façon dont j'ai travaillé quand j'étais à Bastia,
15:54 puisque j'ai eu beaucoup d'affaires d'élus et d'atteintes à la probité,
15:57 je suis fondamentalement attaché à l'égalité de tous devant la loi.
16:02 Et toutes les personnes qui auront commis des atteintes à la probité,
16:07 tous les politiciens, feront l'objet d'un traitement judiciaire
16:11 qui devra être fait comme tout un chacun.
16:15 Alors, l'effet de décalage, il est que ce sont souvent des infractions complexes,
16:19 qui demandent du temps d'investigation,
16:21 et je comprends que notre population va entendre des rumeurs,
16:25 souvent, mais qui sont souvent fondées, par ailleurs,
16:28 sur tel ou tel homme politique, et peut-être être déçue par la durée des procédures.
16:32 Sous réserve de cette durée des procédures, qui nous impose, évidemment,
16:35 pour accumuler des preuves, de prendre un petit peu de temps,
16:38 la justice passera pour tous, et je suis fondamentalement attaché
16:42 à l'égalité de chacun des citoyens.
16:44 C'est mon rôle, moi je suis procureur de la République,
16:47 c'est-à-dire, mon job et mes équipes,
16:51 c'est de poursuivre les gens qui ont commis des infractions, quels qu'ils soient.
16:55 - Vous savez que dans les gens qui nous écoutent ou qui nous lisent,
16:58 il y a des gens qui n'y croient pas, ou qui n'y croient plus, en tout cas.
17:00 Quel message avez-vous envie de leur délivrer ? L'exemplarité ?
17:03 - Oui, c'est dramatique pour nous, et pour mes collègues,
17:08 moi maintenant j'ai pris un peu de bouteille,
17:10 j'essaie de prendre les choses avec un petit peu plus de recul.
17:13 Nous avons tous les sondages d'opinion,
17:15 mais nous sommes une des professions les plus détestées.
17:18 - Les journalistes en sont plutôt pas mal aussi.
17:21 On le mérite quelquefois.
17:23 - Oui, mais nous aussi, rien n'est parfait dans la justice, loin de là.
17:28 Mais c'est des gens très investis, qui sont attachés à l'égalité,
17:33 au bien-être de leurs concitoyens, à réparer le lien social,
17:37 et on est vilipendés.
17:39 La seule chose que je peux vous dire à ce propos,
17:42 c'est que nous sommes des gens de conviction,
17:45 mais nous avons aussi une mission essentielle,
17:47 et c'est une garantie démocratique pour tous.
17:49 Il y a deux principes, nous sommes là d'abord pour appliquer la loi,
17:52 et pas pour nous faire plaisir.
17:54 Et il y a un deuxième principe,
17:56 qui est celui de la présomption d'innocence.
17:59 Tout un chacun peut être confronté un jour à une affaire pénale,
18:04 et il est tant mieux qu'il appartienne au ministère public
18:07 de rapporter la preuve,
18:09 plutôt que ce soit à la personne poursuivie d'être rattrapée,
18:12 broyée, et à démontrer elle-même son innocence,
18:14 ce qui serait totalement impossible.
18:16 - Félicite à le français, en tout cas.
18:18 - Oui.
18:19 - Sur la police judiciaire ?
18:21 - La police judiciaire, oui, un mot, effectivement.
18:23 Léon Fiorgade va nous poser la question sur la réforme de la police judiciaire.
18:26 - Qu'est-ce que vous pouvez nous expliciter vis-à-vis de cette réforme,
18:30 qui fait beaucoup polémique,
18:32 et qui a créé beaucoup de sauts-bressots dans la police ?
18:36 - Oui, la réforme est assez simple,
18:39 elle peut être tout à fait cohérente,
18:41 c'est de faire par filière,
18:43 un petit peu comme fonctionne la gendarmerie.
18:46 Et on avait une police judiciaire qui était chargée de lutter
18:49 contre le haut du spectre, les affaires économiques et financières,
18:52 la grande criminalité, et la sécurité publique
18:54 qui gère la délinquance du quotidien.
18:56 Tout cela sera dans la même filière,
18:58 et les magistrats, nous avons eu quelques inquiétudes,
19:00 et nous avons manifesté,
19:02 il ne faut pas qu'elles soient absorbées,
19:04 la police judiciaire diluée,
19:06 pour résorber les stocks de la sécurité publique,
19:09 et faire du chiffre.
19:11 Il faut également garantir son indépendance
19:13 dans la gestion des enquêtes,
19:15 ce qui a fait la grandeur de la police judiciaire,
19:17 du 36,
19:19 c'est d'aller chercher tout un chacun
19:21 sur le mandat des juges.
19:23 Ceci étant précisé,
19:25 s'il y a des marges d'amélioration,
19:27 si les quelques lignes rouges qui ont été fixées
19:29 par la magistrature ne sont pas franchies,
19:31 je ne fais de procès d'intention à personne,
19:34 et notamment, je souhaite que soit garantie
19:37 à mes collègues la possibilité de saisir
19:40 le service qu'ils estiment devoir saisir.
19:43 Après, le problème global,
19:46 c'est, au-delà de sécurité publique,
19:49 police judiciaire,
19:51 combien de policiers, quel pourcentage de policiers,
19:54 est-on prêt à affecter, à faire des enquêtes,
19:57 par rapport aux policiers qui sont sur la voie publique,
20:01 et vous l'avez bien compris,
20:03 les deux jambes de cette police
20:05 sont aussi importants les uns que les autres,
20:08 et c'est là-dessus où, évidemment,
20:10 je n'ai aucun commentaire à faire,
20:12 mais de dire qu'il faudrait naturellement
20:14 un maximum la filière investigation.
20:16 - Une dernière question très rapide.
20:18 Ariane Lavrieux, qui est une journaliste d'investigation,
20:22 qui a été arrêtée, passée en garde à vue,
20:25 perquisitionnée par le parquet antiterroriste,
20:30 au prétexte de la législation antiterroriste,
20:33 alors que notre droit protège les sources des journalistes,
20:37 là aussi, ça crée un problème de confiance
20:40 vis-à-vis des institutions.
20:42 Quel est votre commentaire ?
20:44 - Je ne connais pas du tout ce dossier,
20:47 donc je ne m'exprimerai pas sur ce dossier.
20:50 L'antiterrorisme est une problématique complexe dans ce pays.
20:56 Je ne sais pas si on est sorti des clous,
20:58 donc je ne ferai pas de commentaire.
21:00 - Un commentaire, en revanche, sur la définition
21:02 que vous avez pour la République.
21:04 Qu'est-ce que la République pour vous, M. le Procureur ?
21:06 C'est la dernière question, c'est la question signature.
21:08 - La République, c'est vous, c'est moi,
21:10 c'est le Procureur de la République,
21:12 c'est l'égalité de tous, et c'est la paix.
21:15 - Et rendre des comptes, peut-être, également, aux concitoyens.
21:18 On a bien compris que c'est ce que vous vouliez faire assez régulièrement.
21:21 - Oui, alors on ne va pas dire rendre des comptes.
21:23 - Pas rendre des comptes, c'est maladroit.
21:25 - Non, non, mais...
21:27 - C'est comme un mandat, en fait.
21:29 - C'est d'être transparent, et d'essayer de communiquer sur notre action,
21:32 parce que si nous sommes mal aimés,
21:34 c'est surtout parce que nous sommes méconnus.
21:36 - C'est ce que vous avez fait, en tout cas, sur ce plateau,
21:38 donc merci comme n'importe quel.
21:40 Merci, M. le Procureur, Nicolas Besson,
21:42 qui était l'invité de Rue de la République cette semaine.
21:44 Merci, et bon dimanche à tous.
21:46 (Générique)
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