Un membre l'académie Goncourt dans les studios de France Bleu Occitanie. Un romancier dont la dernière biographie "Nageur", publié au printemps aux éditions Gallimard, raconte l'histoire de quelqu'un qu'on connait très bien ici à Toulouse, Alfred Nakache.
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00:00 On passe cinq minutes avec un membre de l'Académie Goncourt.
00:03 - Oui, c'est Pierre Assouline, bonjour. - Bonjour.
00:05 - Merci d'être avec nous ce matin sur France Bleu, sur France 3 Occitanie.
00:08 Vous êtes écrivain, vous avez écrit plusieurs biographies,
00:10 notamment celle du nageur toulousain Alfred Nakach.
00:13 Vous participez en ce moment aux Journées de la culture juive à Toulouse.
00:17 Avant de parler d'Alfred Nakach, Pierre Assouline,
00:19 comment vous, vous vivez cette période, cette nouvelle guerre, ces horreurs au Proche-Orient ?
00:23 - Je me réjouis qu'il y ait une libération d'otages.
00:27 J'attends de voir leur retour en image pour être certain que ça va se faire,
00:32 parce qu'on ne peut pas savoir.
00:35 Mais déjà ça, que les familles aient enfin des nouvelles,
00:39 je pense aux familles qui n'auront pas le retour de leurs proches,
00:44 notamment des enfants.
00:46 Et puis, ce sont des images qu'on va voir auront au moins la vertu
00:51 de rappeler quand même qu'il y a eu une prise d'otages.
00:54 Il y a des gens qui n'arrêtent pas de discuter pour savoir s'il s'agit de terrorisme ou pas.
00:59 Je suis désolé, quand il y a prise d'otages, quelque part dans le monde,
01:02 on part toujours de terrorisme.
01:04 - Il n'y a pas de doute à avoir ?
01:06 - Tout à avoir ?
01:07 - Pas de doute à avoir ?
01:08 - Pas de doute à avoir, non.
01:09 Pour moi, il n'y a jamais eu de doute.
01:11 Enfin là, j'espère que ça va quand même rappeler aux gens
01:14 que les bases sémantiques sur savoir terrorisme, pas terrorisme,
01:18 n'ont plus l'oeil d'être.
01:20 - Quand on parle d'antisémitisme qui monte,
01:23 on prend en inquiétude ça ?
01:25 - C'est une réalité qui est annoncée depuis longtemps,
01:27 parce que ce n'est pas d'aujourd'hui.
01:29 Et malheureusement, ça a explosé,
01:31 parce qu'il y a des gens qui ont intérêt ou qui ont un intérêt électoraliste.
01:36 Et d'autres qui ont envie, tout simplement,
01:38 que le conflit du Proche-Orient soit importé en Europe.
01:43 Et ils font tout pour.
01:45 Et donc, évidemment, ça se traduit par une explosion d'antisémitisme,
01:49 non seulement par des tags, par des insultes,
01:53 et parfois par des actes,
01:55 mais ça rappelle quand même qu'en France,
01:58 on peut mourir parce qu'on est juif.
02:00 Puisqu'il y a eu des meurtres, des assassinats,
02:03 depuis plusieurs années déjà.
02:05 Donc, moi ce que je veux, c'est juste rappeler aux gens,
02:09 à tout le monde,
02:11 que quand il y a une explosion d'antisémitisme,
02:14 surtout ne pas penser que ça ne concerne que les juifs.
02:17 Parce que dans l'histoire, ça a toujours été un signal à tout le monde,
02:21 pour dire que si ça concerne une catégorie de gens,
02:23 les juifs en l'occurrence,
02:25 après ça concernera tout le monde.
02:27 - Est-ce qu'on peut pour autant critiquer la politique de l'État d'Israël,
02:29 sans être taxé d'antijuif, d'antisémitisme ?
02:32 - Évidemment.
02:34 - Parce qu'on a l'impression que c'est très simpliste parfois,
02:36 et que ce n'est pas possible.
02:38 - Les critiques qu'il peut y avoir actuellement contre le gouvernement israélien,
02:40 qui va sauter dans pas longtemps, de toute façon,
02:43 et qui sont des critiques qui s'expriment, par exemple, en France,
02:47 au point de vue de la virulence et de la violence,
02:50 ce n'est rien par rapport aux critiques
02:53 qui sont adressées à ce même gouvernement,
02:55 à l'intérieur d'Israël, par les Israéliens eux-mêmes.
02:57 Donc évidemment qu'on peut le critiquer.
02:59 - Parlons d'Alfred Nakach,
03:01 nageur qui est revenu d'Auschwitz,
03:03 qui a représenté la France aux Jeux Olympiques de 1948,
03:05 qui s'est réfugié à Toulouse pendant la guerre,
03:07 qu'est-ce qu'il peut nous dire, ce destin d'Alfred Nakach, aujourd'hui ?
03:10 Est-ce qu'il peut nous dire quelque chose ?
03:12 - Hier, j'ai nagé dans la piscine d'Alfred Nakach à Toulouse,
03:15 et j'ai beaucoup pensé à lui.
03:17 Écoutez,
03:19 Alfred Nakach n'est pas seulement un très grand champion,
03:23 pour dire les choses en deux mots,
03:25 il a représenté la France aux Jeux de Berlin,
03:28 en 1936, aux Jeux de Londres en 1948,
03:30 et entre les deux, il a été sélectionné pour Auschwitz et Buchenwald.
03:35 C'est un type bien.
03:37 C'est pas seulement un palmarès,
03:39 c'est un très grand sportif,
03:41 et il y a beaucoup de grands sportifs, vous en connaissez,
03:43 vous pouvez en citer,
03:45 mais des grands sportifs qui ont des qualités humaines,
03:47 des valeurs, en l'espèce, c'était les valeurs républicaines,
03:50 auxquelles il était extrêmement attaché,
03:52 comme beaucoup de Juifs d'Algérie,
03:55 de Français d'Algérie.
03:57 C'est quelqu'un qui a transmis ces valeurs,
04:01 à son entourage,
04:03 quelqu'un qui était rayonnant.
04:05 Et ça, c'est un enseignement qu'il faut conserver.
04:08 - C'est un exemple ? Ça peut être un exemple ?
04:10 - C'est un modèle.
04:11 C'est à la fois un exemple et un modèle.
04:13 Un modèle de vie, un modèle de résilience,
04:15 parce que quand même, rentrer d'Auschwitz,
04:18 de la marche de la mort et de Buchenwald,
04:20 à Toulouse, et découvrir que sa femme et sa fille,
04:23 qui avaient été déportées avec lui,
04:25 ont été exterminés dès leur arrivée au camp,
04:29 à prendre tout ça, et malgré ça,
04:31 arriver à remonter la pente,
04:33 à reprendre l'entraînement,
04:35 six heures par jour,
04:37 et à redevenir champion de France,
04:39 champion d'Europe,
04:40 et sélectionné aux Jeux Olympiques,
04:42 et bien c'est une leçon de courage.
04:44 - Et c'est la leçon de courage d'un Toulousain,
04:46 que vous avez donc décrit dans votre œuvre.
04:49 Merci Pierre Assouline d'être venu en studio ce matin,
04:52 pour nous parler d'Alpha Nakash,
04:54 et de ce conflit au Proche-Orient.
04:55 Bonne journée à vous.