• l’année dernière
Transcription
00:00 Elle, c'est Pomme. Vous la connaissez forcément comme chanteuse,
00:02 mais aujourd'hui elle a son premier grand rôle au cinéma dans la Vénus d'argent.
00:05 Elle y est impressionnante, en jeune femme qui veut se faire une place dans le monde impitoyable de la finance.
00:09 Elle nous raconte avec beaucoup d'honnêteté comment ce film résonne avec son parcours
00:12 et comment il l'a aidé à se réparer.
00:14 Quand j'étais enfant, je voulais être actrice, c'était vraiment le métier que je voulais faire quand j'étais petite
00:18 et j'ai fait quelques castings, dont un casting mémorable pour La Boum,
00:21 dont j'ai déjà un peu parlé dans certaines interviews où je raconte que ça m'avait traumatisé
00:25 parce qu'on était que des petites filles et comme on était des petites filles, ils n'avaient pas le droit de nous mettre des verres de contact.
00:30 Et en fait, quand on arrivait au casting, ils regardaient nos yeux à la lumière du jour
00:33 pour que ce soit la même couleur que les yeux de Marion Cotillard.
00:36 Et en fait, je me souviens que j'étais en mode genre...
00:38 Moi, c'est mort parce que du coup, je n'ai pas des yeux bleus, j'ai les yeux verts.
00:41 Et il y avait ce truc où j'ai tout de suite associé un peu le cinéma à quelque chose d'hyper superficiel,
00:46 quand j'avais 8 ans.
00:47 Et du coup, ça m'a un peu dégue et je n'ai pas du tout continué à chercher à jouer.
00:51 Et en fait, au début du confinement, en 2020, j'ai eu une espèce d'instinct de mort où je me suis dit "on va tous crever".
00:58 Et il va falloir que je réalise les derniers rêves que je n'ai pas pu réaliser encore.
01:03 J'avais du coup, entre mes 8 ans et le début du confinement, créé une carrière dans la musique.
01:08 Donc j'avais des contacts que je n'avais pas quand j'avais 8 ans, évidemment.
01:10 Et j'ai appelé des gens et je leur ai dit "mais en fait, je crois que j'ai envie de faire cette expérience-là, de jouer dans un film au moins une fois dans ma vie".
01:16 J'ai l'impression que c'est maintenant ou jamais.
01:17 Les tournages n'étaient pas du tout possibles à ce moment-là, mais je me disais en tout cas, c'est maintenant que j'amorce le truc.
01:22 Et si ça doit se passer, ça va se passer dans les prochains mois, parce qu'après, on ne sait pas du tout ce qui va se passer.
01:26 Et du coup, j'ai été mise en relation avec un agent de cinéma qui, lui, m'a fait lire le scénario d'Héléna parmi plein de scénarios que j'ai lus
01:32 et parmi plein de castings et d'essais que je fais.
01:35 Et en fait, j'ai été prise dans rien sauf dans ce film.
01:39 Et donc, quand j'ai lu le scénario d'Héléna, j'étais là "en fait, j'adore ce scénario et je lui fais confiance".
01:43 Et ça va être certes un immense saut dans le vide, mais je pense que c'est le film que j'ai envie de faire en ce moment.
01:48 Et finalement, c'est vraiment mon premier rôle et qui est un premier rôle.
01:51 Mais voilà comment ça s'est passé.
01:52 Est-ce qu'il y a une personne qui veut réussir plus que moi ?
01:54 Et alors ?
01:56 Non.
01:58 En fait, j'ai voulu quitter le projet à chaque étape de la préparation du film.
02:02 Donc, genre pendant quasiment un an, à chaque fois que je faisais une répétition,
02:06 je n'étais jamais satisfaite de ce que je faisais.
02:07 Je n'avais jamais l'impression que j'étais prête.
02:10 J'avais toujours l'impression que c'était trop grand, que c'était trop ambitieux,
02:13 que je n'allais pas y arriver, que je n'étais pas légitime.
02:16 En fait, un an, même si c'est long, ce n'était pas suffisant pour devenir actrice.
02:19 Comme je disais, les gens travaillent sur leur jeu d'acteur et d'actrice pendant des années.
02:24 Et je me disais "mais en plus de ça, je suis chanteuse, je suis musicienne,
02:27 les gens vont avoir une exigence encore plus intense avec moi, ça va être une catastrophe".
02:30 Et j'avais vraiment des vertiges d'anxiété pendant toute la préparation du film.
02:34 Et du coup, j'étais toujours un peu dans un truc où j'étais à deux doigts d'abandonner,
02:38 mais je n'avais pas envie non plus parce que j'avais envie de me prouver à moi-même que je pouvais faire ce film.
02:42 Et que je crois que l'histoire du film, l'esthétique, les personnages et ce que ça raconte,
02:45 c'était trop important pour moi, aussi politiquement, pour abandonner et me dire
02:49 "mais non, ça va être quelqu'un d'autre qui va l'interpréter".
02:50 J'avais besoin aussi, je pense, de faire ce film moi, dans ma trajectoire personnelle.
02:54 - Comment tu t'appelles ?
02:56 - Jeanne Frankeur.
02:57 - T'es lesbienne, c'est ça ?
02:58 - Je suis neutre comme les chiffres.
02:59 - C'est quoi ça ? C'est des conneries de wok ?
03:01 - Alors j'avais un petit peu fait des clips, j'avais fait des choses dans des clips
03:04 qui étaient un petit peu mises en scène, j'avais été suspendue en l'air dans un clip.
03:08 Je sais pas trop si j'ai réussi à faire un vrai crossover entre les deux, parce que
03:12 moi dans la musique, je suis vraiment beaucoup dans le contrôle, je contrôle beaucoup mon image.
03:17 Quand je suis sur scène, même en concert, j'ai du mal à lâcher prise, je me vois un peu de l'extérieur,
03:22 j'ai l'impression un peu de dépersonnaliser et de constamment avoir un regard sur à quoi je ressemble et tout.
03:27 Et dans le cinéma, j'ai découvert un lâcher prise que je connaissais pas.
03:31 Peut-être l'habitude des caméras, l'habitude d'être filmée, savoir où regarder.
03:35 Pour moi, c'était très simple, j'étais pas impressionnée du tout par les caméras.
03:39 Ça, je pense que c'est quelque chose qui est un atout, évidemment, parce que j'avais fait beaucoup de clips,
03:43 que j'avais fait plein de promos, de tournages divers et variés.
03:47 Après, ça fait appel à des choses que je connaissais pas.
03:49 Justement, pour moi, le challenge et la raison pour laquelle j'ai vraiment décidé que j'allais pas abandonner ce projet,
03:55 même si ça me terrifiait, c'était d'accepter le ridicule ou en tout cas de me dire
04:00 "En fait, là, tu peux pas te regarder parce qu'il y a des caméras qui le font déjà pour toi,
04:04 il y a Hélèna qui est la réalisatrice qui le fait pour moi"
04:07 et de faire confiance à quelqu'un que c'est la bonne vision, que c'est crédible, que c'est beau.
04:12 Et en fait, finalement, c'était un abandon total pour moi et c'est quelque chose que je connais pas.
04:16 J'ai appris beaucoup plus de choses sur ce tournage, que je ne me suis servi de choses que je connaissais déjà d'avant.
04:20 Si, je me souviens que j'en avais discuté avec Nicolas Maury, qui est un acteur que j'adore,
04:24 qui m'avait dit "Tu vas voir, c'est vraiment un exercice d'humilité".
04:27 Je m'étais dit "Ah, c'est marrant parce que j'ai toujours eu cette vision des acteurs et des actrices
04:30 comme des gens plutôt imbus d'eux-mêmes et plutôt dans un rapport de se regarder vachement".
04:35 Et en fait, moi, quand j'ai tourné le film, je pensais jamais à quoi je ressemble,
04:39 dans quelle position je suis parce qu'il y avait quelqu'un qui le faisait à ma place.
04:41 J'ai l'impression que ça me permet aussi d'avoir un regard sur le film qui est hyper bienveillant
04:46 où je me suis jamais jugée.
04:47 Quand j'ai regardé le film, je me suis jamais dit "Je suis horrible"
04:50 alors que ça m'arrive tout le temps quand je regarde des trucs de musique.
04:53 Donc, c'était vraiment très méditatif pour moi de faire ça.
04:56 - Vous aimez l'argent ?
04:58 - J'en sais rien, j'en ai pas.
05:00 - Mais vous aimez l'argent en général ?
05:02 - Je pense que j'aimerais la liberté que ça me procurerait si j'en avais.
05:05 Alors, je suis arrivée avec zéro connaissance du milieu de la finance
05:07 sauf par le biais de mon petit frère qui fait des études de finance.
05:10 Mais je ne sais même pas exactement ce qu'il veut faire dans la finance
05:13 parce que c'est un peu tout le mystère de la financer qu'on ne comprend pas trop.
05:17 Qui fait quoi ? C'est hyper hiérarchisé, c'est hyper codifié.
05:20 Et en fait, moi, j'ai plutôt une aversion évidemment.
05:23 Et en même temps, je cohabite avec la finance et avec les chiffres
05:28 parce que quand on fait de la musique et qu'on produit sa propre musique,
05:30 on est obligé de faire des budgets et d'avoir une partie business.
05:33 Et en fait, c'est quelque chose qui me plaît.
05:35 Comme j'ai un fort besoin de contrôle, comme on a pu le constater.
05:38 Pour moi, c'est comme agrandir une toute petite partie de mon projet et de ma vie perso.
05:45 Mais du coup, c'est comme faire un pays, quoi.
05:48 Et ce pays-là, c'est le milieu de la finance qui est en fait,
05:51 oui, à la fois fascinant et mystérieux, mais en fait, à l'image du reste de la société,
05:54 c'est-à-dire où se jouent des dynamiques de pouvoir,
05:56 où la plupart des gens qui ont les rênes sont des hommes.
06:00 Je compte un fonds d'investissement à Singapour.
06:02 J'ai besoin de gens brillants pour m'entourer et j'ai pensé à toi.
06:05 Je suis la bonne personne.
06:06 Et tu serais prête à tout quitter pour aller vivre là-bas ?
06:08 Tes amis ?
06:09 J'en ai peur.
06:10 Trouver sa place quand on est en minorité, c'est hyper compliqué.
06:14 Et en fait, je trouve finalement une carte postale ou un Zoom de la société en général
06:20 et de n'importe quel milieu de pouvoir, et je trouve que ça ressemble vachement aussi au milieu de la musique.
06:23 Pour moi, il y a plein de mises en abîme possibles et de métaphores possibles.
06:26 Donc, j'y connaissais rien, mais c'était pas compliqué pour moi de comprendre les enjeux de ce que ça représentait.
06:30 D'arriver dans un milieu et de se sentir complètement différente et d'être seule,
06:35 et de ne pas avoir d'amis, et de se sentir boulie ou de se sentir harcelée, quoi.
06:39 Enfin, je veux dire, n'importe quelle jeune fille qui arrive dans le milieu de la musique,
06:42 comme j'en ai déjà parlé, ressent ce mélange, cet élixir, ce cocktail d'émotions négatives.
06:47 Regarde la Vénus d'argent avec ses ailes. Elle fixe l'horizon comme si toutes les portes allaient souffrir devant elle.
06:52 C'est moi la Vénus d'argent !
06:54 Une grosse différence, c'est que la promo dans le cinéma, c'est court et intense, et que ça va durer deux semaines.
06:59 Et que pendant ces deux semaines, je vais répéter beaucoup les mêmes choses.
07:01 La promo d'un album, ça peut durer deux ans.
07:03 Donc, à un moment donné, tu sais plus où t'habites, tu sais plus si t'as déjà dit tel truc,
07:07 tu sais même plus de quoi tu parles, et t'as changé de fou entre le moment où t'as commencé la promo et le moment où tu l'as fini.
07:13 Et une autre différence aussi, c'est que pour moi, en fait, tout ce projet est flatteur.
07:19 Et tout ce... Comment dire ?
07:20 Il y a quelque chose où j'ai mis énormément de moi-même, mais en même temps, comme c'est pas moi qui ai écrit,
07:25 que c'est pas moi qui ai fait la direction artistique, et que c'est pas moi qui suis réalisatrice de ce projet,
07:29 j'ai l'impression que c'est beaucoup de bonnes énergies à emmagasiner,
07:32 et j'ai l'impression que c'est moins fatigant pour moi de faire la promo de ce film
07:36 que de faire la promo d'un album où je dois défendre des choses hyper intimes
07:39 qui sont mes émotions, ma vie, mon intimité, ma vision artistique.
07:43 Pour le moment, je pense que c'est plutôt quelque chose qui me remplit,
07:46 à l'inverse de la promo des albums qui vide un peu de toute énergie vitale.
07:51 Mais j'ai commencé aujourd'hui la promo, donc c'est vraiment à chaud, une réaction à chaud.
07:56 Commencer ma carrière, entre guillemets, d'actrice avec ce projet-là,
08:00 c'est tellement différent de quand j'ai commencé la musique et que j'avais 16 ans
08:03 et que je pouvais rien contrôler et que je pouvais rien choisir et que j'ai fait un album qui me ressemblait pas,
08:07 qu'il y a un truc hyper jouissif où j'ai l'impression parfois de récupérer aussi le narratif un peu de ma propre identité
08:12 et de ce que je suis en tant qu'artiste.
08:14 Et j'ai l'impression que ça me nourrit énormément et que ça répare presque.
08:17 Au même titre que dans le film, il y a des histoires de réparation.
08:19 J'ai l'impression que faire ce film, alors que j'ai voulu être actrice toute ma vie
08:22 et finalement j'ai été chanteuse mais qu'au début c'était une catastrophe,
08:25 c'est comme une réparation de plein de trucs que j'ai vécu dans mon arrivée dans l'industrie de la musique.
08:30 Donc c'est quand même hyper stylé comme expérience et j'espère que je pourrai le refaire.
08:34 Mais pour le moment, j'ai été prise à aucun autre casting.
08:36 Donc voilà.
08:38 *Rires*
08:38 *Musique*
08:39 Colmini !
08:40 Colmini !
08:40 Colmini !

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