Claude Leblanc, journaliste spécialiste de l’Asie à l’Opinion, nous explique comment et pourquoi Pékin pourrait s’impliquer davantage dans la sortie de crise
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00:00 La Chine doit s'impliquer davantage dans la sortie de crise
00:03 parce qu'aujourd'hui, parmi les grands pays qui sont, j'allais dire,
00:08 en capacité d'influer dans le monde,
00:12 c'est le seul pays qui n'a pas une histoire d'engagement particulier
00:17 dans un camp ou dans l'autre.
00:18 Le conflit israélo-palestinien vu de Chine est assez simple.
00:29 La Chine a toujours été proche des Palestiniens
00:33 dans la mesure où elle estime que ce peuple doit,
00:37 oui, devait être traité de manière aussi égale qu'Israël.
00:41 Et donc, en fait, ils ont toujours soutenu les réclamations
00:44 et les revendications palestiniennes d'un territoire
00:48 et en tout cas, estiment encore aujourd'hui que la meilleure solution
00:51 pour sortir de la crise durablement,
00:54 c'est de mettre en place un État palestinien et un État israélien.
00:57 De cette manière, on pourra arriver à une paix durable
01:00 parce que tant que cette question-là ne sera pas réglée dans cette perspective,
01:06 aucune solution ne pourra être acceptable
01:09 à la fois par la population palestinienne
01:12 et par une grande partie aujourd'hui du monde dit du Sud global
01:17 qui voit dans le traitement réservé à la population palestinienne
01:21 le même traitement qu'elles ont subi d'une certaine manière à travers l'histoire.
01:25 Les Chinois ont choisi un profil bas dans cette crise,
01:29 donc ils n'ont ni condamné le Hamas,
01:31 ni pris position, j'allais dire, de manière tonitruante contre Israël,
01:37 même s'ils ont demandé à plusieurs reprises d'un cessez-le-feu immédiat.
01:41 Il y a malgré tout chez les Chinois une volonté de trouver un point d'équilibre
01:45 et le point d'équilibre que Xi Jinping a d'ailleurs rappelé hier
01:49 pendant la réunion qui a été organisée à la demande de l'Afrique du Sud,
01:53 la réunion des BRICS,
01:54 il a demandé une nouvelle fois effectivement à la fois le cessez-le-feu immédiat
01:59 et la mise en place d'une solution à deux États.
02:01 De la même manière il s'est entretenu lundi avec Emmanuel Macron
02:06 et les deux hommes ont aussi convenu de l'idée
02:09 que la solution durable à ce conflit était une solution à deux États.
02:14 La Chine doit s'impliquer davantage dans la sortie de crise
02:22 parce qu'aujourd'hui parmi les grands pays
02:26 qui sont en capacité d'influer dans le monde,
02:31 c'est le seul pays qui n'a pas une histoire d'engagement particulier
02:36 dans un camp ou dans l'autre.
02:37 Les États-Unis aujourd'hui sont vus avec une certaine défiance
02:40 par une partie des pays arabes ou des États musulmans,
02:44 estimant qu'il y a un parti pris chez les États-Unis
02:48 dans un soutien unilatéral à l'égard d'Israël.
02:53 Et donc la Chine qui elle a profité de la sortie des États-Unis du Moyen-Orient
03:00 à la fin des années 2010,
03:02 essaye aujourd'hui au travers de différentes initiatives
03:06 de trouver un point d'équilibre,
03:07 de se poser comme un interlocuteur disons neutre d'une certaine façon,
03:12 même si encore une fois la Chine a toujours été "pro-palestinienne".
03:18 Elle joue aujourd'hui effectivement un jeu de neutralité
03:22 et d'une certaine façon ce qui s'est passé en début d'année,
03:24 c'est-à-dire la médiation qu'elle a opérée entre l'Iran et l'Arabie Saoudite,
03:28 les deux frères ennemis du Golfe Persique,
03:31 a été perçue dans beaucoup de pays comme justement l'expression de sa capacité
03:35 à poser en tout cas des jalons qui permettent à des pays qui ne s'entendaient pas
03:39 de trouver en tout cas des terrains d'entente et des solutions
03:43 qui permettent de créer un climat de paix.
03:46 Et en fait c'est ce que les Chinois tentent peut-être aujourd'hui
03:49 encore un peu timidement dans la crise à Gaza.
03:53 Ils ont envoyé sur place leur envoyé spécial qui s'appelle Jai Tun,
03:57 qui est ancien ambassadeur de Chine en France
03:59 et qui a une expérience diplomatique assez forte
04:02 pour essayer effectivement de à la fois s'assurer que les pays arabes
04:07 suivent la même voie que celle que les Chinois préconisent,
04:10 c'est-à-dire de défendre effectivement l'idée notamment de deux États dans la région.
04:14 Mais malheureusement pour les Chinois, le point de difficulté c'est Israël,
04:19 avec lequel la Chine n'a pas forcément de mauvaise relation,
04:23 mais qui effectivement dans cette crise-là a considéré que la Chine
04:28 qui n'avait pas condamné les attaques du Hamas était effectivement assez décevante.
04:32 Politiquement ça s'explique parce que la Chine est un pays qui s'est placé
04:42 dès sa création, enfin je parle de la Chine populaire, dans le camp des opprimés.
04:46 Et donc que ce soit au moment du mouvement des non-alignés en 1955
04:51 et plus récemment dans d'autres circonstances,
04:55 ça a toujours été effectivement dans le camp de ceux qui n'avaient pas de voix en quelque sorte.
04:59 Et aujourd'hui c'est d'autant plus important pour la Chine
05:02 qu'elle revendique le leadership dans ce qu'on appelle le sud global
05:06 et qu'à partir de cette volonté d'être en tête d'une grande partie de l'humanité,
05:14 évidemment elle a plutôt intérêt à défendre, encore une fois, les opprimés.
05:19 Et dans la perspective chinoise, la population palestinienne est dans cette situation d'oppression,
05:26 et en particulier le fait que la population civile soit victime indirecte, collatérale,
05:31 de la représaille israélienne contre le Hamas.
05:34 Donc là effectivement, dans cette perspective-là, la Chine a tout intérêt à jouer cette carte-là
05:39 parce qu'elle est dans le camp de ceux qui pensent comme cela, c'est-à-dire le sud global.
05:44 Et d'ailleurs lors de la réunion qui a eu lieu hier, la réunion virtuelle des BRICS,
05:48 ce qui est intéressant c'est que l'Inde, qui jusqu'à présent avait manifesté plutôt une approche très pro-israélienne,
05:55 a changé un peu son fusil d'épaule en rappelant aussi que la solution à deux États
06:00 a été la meilleure des réponses dans une crise aussi grave que celle qui se passe actuellement dans le Proche-Orient.
06:07 [Musique]