Visite de l’expo « Viva Varda ! » : Agnès Varda vue par sa fille Rosalie

  • l’année dernière
Transcription
00:00 Bonjour, je suis Rosalie Varda et je vais vous présenter l'exposition
00:04 qui est consacrée à ma mère, Agnès Varda, en toute simplicité.
00:07 Elle est ici avec sa dernière chatte, qui s'appelait Nini.
00:11 Cette photo a été faite vraiment à la fin de sa vie,
00:13 mais je trouve qu'il y a beaucoup de gentillesse et de douceur.
00:17 J'ai envie de vous emmener en balade avec moi
00:20 pour vous montrer trois petits morceaux de l'exposition
00:23 et vous donner, j'espère, l'envie de venir la voir en entier.
00:26 Il y a trois mots qui sont importants pour moi.
00:29 Inspiration, création, partage.
00:32 Bref, c'est un film optimiste.
00:42 On va d'abord parler des années américaines.
00:45 Agnès et Jacques Demis se sont installés à Los Angeles en 1967.
00:50 J'avais moi-même 10 ans et on a habité là-bas 2 ans.
00:54 Cette période américaine leur a fait découvrir
00:57 tout un monde qu'ils ne connaissaient pas,
01:00 puisque Agnès ne parlait pratiquement pas anglais en partant à Los Angeles
01:04 et Jacques maragouinait quelques phrases.
01:07 Donc, ils ont découvert une autre Amérique.
01:09 Et c'est une Amérique qui n'a pas duré longtemps,
01:12 parce que c'est une Amérique qui s'est ouverte,
01:14 bien sûr, à la libération sexuelle.
01:16 On peut le voir là avec des photographies qui sont dans les Loving,
01:19 qui étaient des rassemblements où il y avait de la musique,
01:23 où tout le monde était là ensemble.
01:26 Et quand même, il y avait pas mal de cigarettes artistiques
01:29 et de gâteaux au chocolat avec des substances illicites dedans,
01:33 les enfants au milieu.
01:34 Donc, c'est une période américaine très libre qui n'a pas duré longtemps
01:39 et qu'ils ont non seulement découvert,
01:43 mais qu'ils ont les deux, d'une manière très différente, documentées.
01:47 Cette façon de dire frère et sœur, comme on dit camarade,
01:51 fait partie du style Black Panthers.
01:53 Cuir noir, lunettes noires, beret noir.
01:57 Mais aussi retour au costume africain,
01:59 retour aux cheveux crépus africains.
02:02 Agnès a toujours eu cette qualité, cette faculté,
02:05 parce que c'est pas donné à tout le monde,
02:07 de pouvoir filmer là où elle est, au bon moment,
02:10 et de saisir l'actualité du moment où elle est.
02:14 C'est-à-dire que, vous voyez, faire un documentaire sur les Black Panthers,
02:18 c'était pas évident pour une réalisatrice française.
02:22 Donc elle est allée voir les manifestations à Auckland un premier week-end,
02:26 et le week-end d'après, elle a dit "je veux tourner".
02:28 Et elle s'est débrouillée avec une toute petite équipe en 16 mm,
02:33 elle-même en partie à la caméra,
02:35 et elle disait "je suis la télévision française".
02:37 Et c'est peut-être aussi pour ça que la jeune génération
02:41 qui découvre ces films aujourd'hui se rend compte de sa modernité.
02:45 - We are stars. - Stars.
02:49 - Ecstasy. - Ecstasy.
02:52 - Headache. - Headache.
02:53 Il y a un côté un petit peu vintage qui nous amuse beaucoup aujourd'hui,
02:58 et pour la jeune génération qui a toujours l'impression
03:01 qu'Agnès a été une vieille dame,
03:02 ben non, elle a été aussi jeune, et dans les années 60,
03:05 elle aimait le rock'n'roll, elle était amie avec Jim Morrison,
03:08 elle connaissait bien la musique, la peinture.
03:11 Là, on voit aussi un polaroïd pris par Andy Warhol,
03:14 parce qu'ils étaient amis,
03:15 et elle avait été souvent à la Factory à New York,
03:19 et quand Andy Warhol a décidé de créer un magazine qui s'appelle "Interview",
03:23 qui existe toujours aujourd'hui, mais sous une autre forme,
03:26 le premier numéro, Agnès en fait la couverture avec une caméra en carton,
03:31 donc il y a toujours ce côté un petit peu d'humour.
03:34 - Chab-dou-ab, chab-a-na-dou-ab.
03:36 - C'est le rock'n'roll, c'est une affaire...
03:38 - J'ai 17 ans et des problèmes avec mes parents.
03:41 - T'as dû la chercher, hein !
03:43 - En 62, j'ai 22 ans et des problèmes avec mes enfants.
03:47 - Et tu peux pas travailler, toi ?
03:49 - Avec ces deux-là ? Et puis quoi faire ? J'ai rien appris.
03:52 - 76, c'est l'année de mes 18 ans.
03:54 Agnès me dit, au lieu de te faire un cadeau,
03:57 je vais te dédier un film qu'elle tourne,
04:02 qui est "Le destin, la vie" de deux jeunes femmes
04:06 qui ont des parcours de vie très différents.
04:09 Une qui commence vraiment comme une victime de la vie,
04:11 parce que son mari se suicide,
04:13 et elle a deux enfants et elle n'a pas de métier, donc elle va se battre.
04:16 Et une autre jeune femme, qui est elle beaucoup plus libre
04:19 et qui a un destin plus particulier lié à la culture,
04:24 puisqu'elle est chanteuse et musicienne, et qui va voyager.
04:28 Mais c'est le destin de ces deux femmes qui ne se perdront jamais de vue,
04:33 c'est la sororité.
04:34 Et c'était très important pour ma mère, la sororité.
04:37 Elle a toujours aidé les autres femmes dans son milieu
04:40 et pas que dans son milieu.
04:42 On a prêté notre maison, mon père Jacques Demy,
04:45 ma mère Agnès Barda,
04:47 pour faire des avortements clandestins dans les années 70.
04:51 Dix ans plus tard, Suzanne et Pauline suivaient de très près
04:54 le procès d'une jeune fille de 16 ans qui avait avorté.
04:57 Beaucoup de celles et de ceux qui luttaient contre la loi
04:59 punissant l'avortement étaient venues devant le palais de justice de Bovigny
05:03 où se déroulait à huis clos le procès.
05:05 Nous avons avorté, jugez-nous !
05:09 Je les ai allumées.
05:11 Inspecteurs, vous n'avez pas le droit de les empêcher d'entrer.
05:14 Le jugement doit être public, je vous dis que vous n'avez pas le droit.
05:17 Venez !
05:18 Le jugement doit être public.
05:20 C'est une partie de l'exposition où on voulait montrer aussi
05:24 que le féminisme peut être joyeux
05:27 et doit se faire avec les hommes et pas contre eux
05:30 parce qu'autrement ça ne marchera pas.
05:32 Avoir une mère féministe est une chose
05:34 mais avoir un père féministe c'est important aussi.
05:37 J'ai eu beaucoup de chance, j'ai eu une mère aimante,
05:40 humaniste
05:43 et qui nous a élevés, mon frère et moi,
05:46 avec des belles valeurs.
05:48 Jacques Demy qui était plus un poète,
05:50 qui était plus un artiste qui voulait recréer une réalité,
05:54 pour autant il était lui aussi tout à fait conscient
05:59 qu'il fallait que les femmes aient plus de place dans la société.
06:03 Donc si vous voulez, c'est un équilibre, une éducation.
06:07 Et elle m'a dédié ce film.
06:09 Je suis venue sur le tournage pour tourner et être ce dernier plan du film.
06:15 Le personnage s'appelle Marie
06:17 et il se tourne vers l'avenir des jeunes femmes.
06:20 Et j'aime beaucoup cette phrase, Agnès dit,
06:22 "Ce sera pas forcément plus facile pour Marie ce personnage
06:26 mais ça sera plus clair."
06:28 Donc j'ai eu la chance d'avoir une mère qui m'enseigne la clarté.
06:33 Ensuite, je voulais vous présenter une aventure incroyable
06:37 avec l'artiste J.R. qui est photographe.
06:40 Et ils ont fait ensemble une sorte de road movie co-réalisé
06:47 qui s'appelle "Visage Village".
06:49 C'est comment deux artistes qui ont une grande différence d'âge,
06:53 plutôt de la même génération,
06:55 qui se rencontrent et qui se rencontrent,
06:58 ils parlent le même langage.
06:59 C'est une aventure qui a commencé tout à fait par hasard.
07:03 Agnès qui est boulimique du travail,
07:05 qui avait toujours 15 milliards de projets,
07:07 je l'ai sentie un jour un peu plus molle
07:09 alors qu'on avait quand même plusieurs expositions, etc.
07:12 Et je me suis dit,
07:13 "Oh là là, il faudrait peut-être qu'on lui amène du perlimpinpin dans sa vie."
07:16 Et j'ai eu l'idée d'appeler J.R. que je ne connaissais pas
07:19 et de lui proposer de venir rencontrer ma mère.
07:22 Et j'ai eu l'idée de lui proposer de venir rencontrer ma mère.
07:26 Et de lui proposer de venir rencontrer ma mère.
07:27 Je ne l'avais jamais rencontrée.
07:29 Et il est venu, Rudaguerre, boire un thé, manger des chouquettes.
07:33 Et à partir de ce moment-là,
07:35 ils ont décidé de faire ensemble un long métrage,
07:38 "Visage Village",
07:39 où tous les deux, ils sont partis à travers la France,
07:42 rencontrer des anonymes,
07:43 et parler de tout, de la vie, des chèvres, de la retraite.
07:47 Pourquoi tu me montres ça Godard ?
07:49 T'as compris.
07:51 Quoi, c'est chez lui qu'on va là ?
07:53 Oui.
07:55 Ah yes !
07:55 Ça t'épate pas ?
07:56 Bah si, ça m'épate.
07:58 C'est un petit film que j'ai tourné avec Jean-Luc Godard et Anna Karina en 1961.
08:04 C'est pour te mettre dans l'ambiance pour cette visite.
08:07 Je dis bonjour qu'aux jeunes.
08:12 Bah oui, parce qu'ils sont à ta taille.
08:14 Elle a toujours eu ce rapport bienveillant
08:18 et généreux avec les jeunes générations.
08:21 C'est aussi ça qui fait qu'elle leur parle.
08:24 Elle n'était pas dans un statut d'avoir le savoir
08:28 et de transmettre un savoir.
08:30 Elle était plutôt dans l'idée du partage
08:33 et les aider, leur parler.
08:35 Surtout leur dire "Allez-y, arrêtez vos études, prenez votre caméra,
08:40 allez-y, lancez-vous, ayez un point de vue, regardez".
08:43 Après avoir fait "Les plages d'Agnès" en 2008,
08:51 elle s'est dit "Oh là là, je n'ai pas du tout envie d'être une petite vieille dame chiante".
08:54 Bon, qu'elle n'était pas.
08:56 Mais elle a décidé de changer sa couleur de cheveux
09:00 et d'adopter une sorte de coiffure punk, bicolore.
09:04 Elle décide de se couper les cheveux d'une façon assez radicale, très tôt.
09:09 Fin des années 40, une coiffure un peu au bol, à l'âge indarque.
09:13 Et cette coiffure va rester un peu sa signature toute sa vie.
09:19 Finalement, sa coiffure, avec le recul, la représente bien.
09:23 C'est-à-dire une espèce de chose simple, mais ferme.
09:28 Ni mes mères, ni mes gères, ni mes vipères,
09:33 je suis femme, je suis moi.
09:37 ♪ ♪ ♪

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