La France abrite la 4ème forêt d'Europe avec 17 millions d'hectares, soit 31% de sa surface. Formidable réserve de biodiversité, la forêt est notre poumon vert. : c'est le 2ème puits de carbone après les océans. Mais notre forêt souffre. Elle est en danger, menacée par les effets du réchauffement climatique. Les sécheresses à répétition fragilisent les arbres, ralentissent leur croissance, la hausse des températures hivernales favorise le développement des insectes et parasites du bois, les incendies se multiplient... En 10 ans, la mortalité des arbres a augmenté de 80%, et la capacité de notre forêt à stocker du carbone a diminué de moitié. La forêt est affaiblie par le réchauffement climatique mais pas seulement. Aujourd'hui des pratiques forestières, comme la monoculture, sont remises en question, accusées de fragiliser la forêt.
Les équipes de LCP sont allées sur le terrain auprès de celles et ceux qui chaque jour constatent le dépérissement de nos forêts, et qui cherchent des solutions pour enrayer le phénomène. Comment réinventer la forêt, la sauver pour qu'elle nous sauve ?
Un magazine de Marion Becker, Vincent Ferreira et Ilana Azencot
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NewsTranscription
00:00 ...
00:04 Elle est un bien précieux,
00:06 notre poumon vert,
00:08 une réserve de biodiversité.
00:11 Avec ses 17 millions d'hectares,
00:15 la forêt française est un maillon essentiel
00:18 de la lutte contre le réchauffement climatique.
00:21 C'est le 2e puits de carbone après les océans.
00:24 Mais notre forêt souffre.
00:27 ...
00:32 Elle est en danger,
00:34 menacée par les effets du réchauffement climatique,
00:37 par les sécheresses à répétition
00:39 et la rapidité de ces bouleversements.
00:42 ...
00:45 En 10 ans, la mortalité des arbres a augmenté de 80 %.
00:50 Leur croissance a considérablement ralenti
00:53 et la capacité de nos forêts à stocker du carbone diminue.
00:57 Un défi majeur.
01:01 Comment réinventer la forêt ?
01:03 La sauver pour qu'elle nous sauve.
01:06 ...
01:17 Au coeur de la Côte d'Or, au nord de Dijon,
01:21 le domaine de Juny,
01:23 une forêt de grands êtres,
01:25 présente ici depuis la dernière glaciation,
01:28 il y a 10 000 ans.
01:29 ...
01:33 -C'est là qu'on a repéré
01:35 beaucoup de dépérissements sur le massif.
01:37 C'est pour ça qu'on voulait vous le montrer.
01:40 -Il manque plein de feuilles en haut sur les branches.
01:44 Elles sont toutes rouges. Ils ont vraiment souffert.
01:48 -Et puis, t'as plein de branches mortes dans le haut-pied.
01:52 Tu vois bien que ça va pas s'améliorer
01:55 à la saison prochaine.
01:56 Moins t'as de feuilles, moins t'as de chances
01:59 que ça redémarre bien au printemps.
02:02 -Lilian Duban et Brigitte Muche
02:07 sont spécialistes du changement climatique
02:09 à l'Office national des forêts.
02:11 Après un nouvel été caniculaire,
02:15 ils viennent constater les dégâts.
02:17 -Ce qui est dur à vivre,
02:19 c'est qu'on voit des êtres, principalement,
02:23 qui sont là depuis des générations, des centaines d'années,
02:26 qui arrivaient très bien à pousser ici.
02:29 Là, on voit qu'ils n'y arrivent plus.
02:31 Les choses ont commencé en 2018, mais ne font que s'amplifier depuis.
02:35 -Les êtres ne résistent plus aux canicules
02:39 et surtout aux sécheresses à répétition.
02:42 Le sol est tellement sec
02:45 qu'ils n'ont plus assez d'eau pour amener la sève
02:47 jusqu'à leurs feuilles.
02:49 -En quelques années,
02:51 un arbre qui a mis plus de 100 ans à pousser meurt.
02:55 Et là, c'est l'arbre qui meurt,
02:57 c'est l'accueil qu'il pouvait faire à un certain nombre d'espèces,
03:01 c'est le carbone qu'il était capable de stocker.
03:04 Un grand arbre, avec toutes ses feuilles,
03:06 peut vraiment capter du carbone.
03:08 Là, il n'en capte presque plus.
03:09 Quand il va mourir, il va le relarguer, ce carbone.
03:12 On voit que le bois est, disons, en proie aux éléments.
03:17 Il se dégrade et on va avoir du mal à le valoriser
03:20 pour en faire des meubles.
03:22 C'est vraiment...
03:23 C'est plus qu'une double peine,
03:25 c'est de la peine sur tous les rôles que jouent les arbres
03:29 dans l'écosystème et pour nous, aussi, humains.
03:33 -C'est un sacré pépère.
03:35 -La parcelle, la quasi-totalité des arbres va mourir.
03:38 C'est ça qui est dur pour nous.
03:39 S'il y avait une espèce, c'est une espèce,
03:42 parce qu'il y a une maladie particulière,
03:44 mais avec les changements climatiques,
03:46 tout l'écosystème n'est pas adapté à ce climat-là.
03:49 Et c'est ça dont on voit les conséquences.
03:53 -Quelques kilomètres plus loin, une autre espèce est attaquée.
03:59 Les épicéas meurent les uns après les autres,
04:02 décimées en quelques mois par un insecte.
04:06 -On voit...
04:09 -On voit que c'est en cours.
04:10 -En même temps, avec la chaleur qu'il fait,
04:13 à la fin septembre, les conditions sont réunies
04:16 pour qu'ils attaquent.
04:17 -Cet insecte, c'est le scolite.
04:22 -Là, il a creusé sa galerie pour pondre.
04:26 C'est tout petit, ça fait 2 mm de long.
04:28 Et ensuite, les larves, hop,
04:30 qui se nourrissent en mangeant la partie du bois
04:33 qui est juste sous les corses,
04:35 et les petites larves sont là.
04:37 -Toutes blanches. -Toutes blanches.
04:39 Donc, elles, avec les chaleurs qu'il fait,
04:41 vont continuer leur croissance, etc.
04:44 Et comme l'hiver, il ne fait plus suffisamment froid
04:47 pour les faire mourir,
04:48 elles vont attaquer d'autres épicéas l'année prochaine.
04:51 -Regardez les larves qui tombent.
04:53 Là, il est complètement infesté.
04:55 -Et pourquoi les scolites se développent autant que ça ?
04:58 Ils sont favorisés par les températures,
05:01 et là, ils ne devraient pas être aussi actifs que ça
05:04 une fin septembre.
05:05 Et les arbres sont trop stressés, ils ne se défendent plus.
05:09 Là, voilà, il y a vraiment peu de choses qu'on peut faire.
05:12 -Affaibli par la sécheresse,
05:15 les épicéas n'ont plus assez de résine pour se défendre.
05:18 Ici encore, c'est toute la parcelle qui va mourir.
05:22 -On est très inquiets pour l'avenir, nous, les forestiers,
05:28 parce que, ben, on voit les arbres qui sont en train de mourir.
05:31 Enfin, tous les jours, avec les collègues,
05:34 on est en forêt, et ce qu'on voit,
05:36 c'est les attaques du changement climatique.
05:39 Et d'année en année, c'est pire, c'est comme une boule de neige
05:43 qui grossit et qui grossit.
05:45 Musique douce
05:47 -La forêt est affaiblie par le réchauffement climatique,
05:51 mais pas seulement.
05:53 Aujourd'hui, des pratiques forestières
05:55 sont remises en question, accusées de fragiliser la forêt,
05:59 comme la monoculture.
06:01 Pour des raisons économiques,
06:04 pour développer la filière bois et la rentabiliser,
06:07 dans certaines régions,
06:09 des massifs entiers ont été plantés avec une seule espèce.
06:13 Quand les arbres de ces plantations linéaires
06:16 arrivent à maturité,
06:18 ils sont tous coupés en même temps,
06:20 laissant le sol à nu.
06:22 C'est la coupe-rase.
06:24 C'est ce qui s'est passé dans le Morvan.
06:27 -Le problème, ça a commencé dans les années 70.
06:30 C'est quand, là, justement,
06:33 l'Etat a estimé que la balance commerciale
06:36 pour la forêt était en déficit,
06:39 donc a incité à planter énormément de résineux.
06:45 Par tous les moyens, il fallait des résineux,
06:48 du bois avec les résineux, le matériel était pour les résineux.
06:52 Petit à petit, ça a été très vite.
06:54 Il y a eu une mainmise par les investisseurs
06:57 qui était assez terrible sur le Morvan.
06:59 Les propriétaires morvandiaux n'ont pas de reproches.
07:03 Ils sont pressés de vendre leur forêt.
07:05 -Lucienne est une pionnière.
07:08 Depuis 40 ans, elle se bat
07:10 contre l'exploitation intensive de la forêt.
07:13 -C'est vraiment un spectacle de désolation.
07:18 Il y a eu une coupe-rase de tout le peuplement
07:21 sur toute la parcelle.
07:22 On est passé avec les gros engins.
07:24 C'est l'exemple de ce qui se passe dans le Morvan et ailleurs.
07:28 Là, on coupe des forêts de feuillus,
07:30 on aurait très bien pu éclaircir ou faire autre chose.
07:33 La coupe-rase, ça devrait être une décision ultime.
07:36 Quand on ne peut plus faire autrement,
07:38 on fait une coupe-rase, mais pas quand on a d'autres solutions.
07:42 -Celle qu'on surnomme affectueusement
07:45 "le lus du Morvan" est devenue le visage de ce combat
07:49 pour sauver la forêt traditionnelle.
07:51 -La représentation de ce qu'est une belle forêt, ici,
07:56 quand on s'est battus pour le domaine de Montmain,
07:58 ce chêne, il m'a tout de suite plu.
08:00 Ils m'ont dit que c'était le chêne à lulus.
08:03 Ce chêne, d'abord, je dis que mes cendres,
08:05 je veux qu'elles soient mises au pied de ce chêne.
08:08 Il est magnifique. C'est le symbole de la lutte
08:11 pour sauver le domaine de Montmain.
08:13 C'est toute mon histoire depuis mon enfance.
08:15 -Ici, les industriels voulaient faire de la forêt de Montmain
08:21 une monoculture de résineux.
08:23 Imaginons, ici, cette beauté de la forêt,
08:26 complètement en résineux, une monoculture de Douglas.
08:29 C'est terrible. Vous avez une forêt,
08:31 il n'y a plus rien qui vit dessous.
08:33 -Alors, Lucienne a créé le premier groupement forestier citoyen.
08:39 Des femmes et des hommes qui s'unissent
08:41 pour acheter la forêt et la gérer de manière durable.
08:45 Ensemble, ils ont pu sauver ce domaine.
08:48 -Et vous savez, la forêt,
08:51 elle n'est pas simplement un produit.
08:54 C'est pas un produit de bois consommable à foison.
08:59 La forêt, c'est aussi pour les sols, la qualité des sols, pour l'eau.
09:02 C'est très lié à la biodiversité.
09:04 On dit, "Ah ben oui, le changement climatique,
09:07 "c'est sûr qu'il existe."
09:09 Mais les monocultures d'épicéas,
09:12 si les épicéas avaient été plantés en mélange avec des feuilles,
09:15 on serait pas obligés de tout ratiboiser.
09:18 Moi, j'en veux à la politique forestière,
09:21 en haut lieu, au ministère, à nos élus,
09:23 parce que les lois sont votées par nos députés, nos sénateurs.
09:27 Et qu'est-ce qu'ils font ? Qu'est-ce qu'ils font ?
09:30 Qu'est-ce qu'ils font devant l'impact climatique ?
09:33 Qu'est-ce qu'on essaie de faire pour limiter la casse ?
09:38 -À 82 ans,
09:40 sa révolte et son engagement restent intacts.
09:48 Les écologistes se battent depuis des années
09:51 contre les monocultures et les comprases
09:53 pour permettre aux forêts de mieux résister
09:56 au changement climatique.
09:58 Une idée qui commence à faire son chemin
10:00 chez certains forestiers, comme ici, dans la Nièvre.
10:04 -On peut pas revenir sur le passé.
10:08 Ce qui a été fait, c'est des plantations
10:10 qui datent de 40 à 60 ans.
10:12 Oui, alors c'est des erreurs.
10:13 Jusqu'à temps qu'il y ait les mortalités,
10:16 on disait pas que c'était des erreurs,
10:18 parce que c'était un schéma qui fonctionnait,
10:21 qui était rentable,
10:23 mais aujourd'hui, manifestement,
10:25 on sait qu'on n'est plus dans le vrai,
10:28 donc c'est important d'en tenir compte
10:30 et puis à nous d'évoluer, maintenant.
10:32 Je reconnais aussi que les écologistes
10:35 ont participé à faire évoluer les mortalités.
10:37 C'est une bonne chose, mais aujourd'hui,
10:40 on est à un stade où les forestiers
10:42 ont pris conscience de certaines choses,
10:44 et l'idée, c'est peut-être plutôt d'être dans la discussion
10:48 et dans les échanges plutôt que de critiquer systématiquement.
10:51 -Alexandre Couvnant gère des forêts de petits propriétaires privés.
10:56 Sur cette parcelle, il doit abattre les 30 hectares
11:00 de peupliers et de frênes.
11:02 Les arbres sont presque tous morts de sécheresse
11:05 ou d'un champignon la calarose.
11:07 Seules les chaînes sont épargnées.
11:11 ...
11:14 -Le coupe-rase, c'est pas un choix.
11:17 C'est quelque chose de subi,
11:19 mais c'est sûr qu'on aurait préféré faire une coupe d'éclaircie,
11:23 parce que c'est ce qu'on pratique en temps normal,
11:26 euh...
11:27 Pour faire, justement, profiter les arbres d'avenir
11:31 et après, à terme, récolter du bois d'oeuvre.
11:35 Et là, actuellement, c'est pas possible.
11:37 -L'intervention est trop risquée
11:41 pour les bûcherons.
11:42 Alors Alexandre a fait appel à une abatteuse.
11:45 -C'est un travail très dangereux lorsqu'il y a des bois secs.
11:51 Donc, il faut du matériel, bah, robuste,
11:54 et même si on trouve que c'est gros,
11:56 c'est la seule façon pour pouvoir exploiter ce type de bois.
12:00 -Ce bois n'aurait dû être récolté que dans 20 ans.
12:05 Il a perdu toute sa valeur.
12:07 ...
12:13 -Il y a uniquement les quelques résineux
12:15 qui vont partir en Syrie, mais c'est vraiment anecdotique.
12:18 Sinon, le frein va partir en bois de chauffage
12:22 et le peuplier va être transformé
12:26 soit en panneaux de particules
12:28 ou en OSB,
12:30 éventuellement en papier.
12:34 -Face à cette situation, Alexandre est démuni.
12:37 Il a beau diversifier ses forêts,
12:40 travailler en futaille régulière
12:43 avec plusieurs essences d'arbres
12:45 de différentes tailles qu'il récolte petit à petit,
12:49 ils sont quand même malades.
12:51 -Aujourd'hui, on voulait en faire pour le mieux,
12:54 on n'est sûr de rien.
12:56 C'est vraiment terrible, quoi.
12:58 Alors, s'adapter, c'est une certitude.
13:00 Savoir quelle essence mettre avec certitude,
13:04 c'est impossible, donc on va faire des essais,
13:06 on va essayer d'y croire.
13:07 -Vous croyez que c'est difficile ? -Oui.
13:09 -Humainement ? -C'est sûr que c'est difficile,
13:12 parce que, voilà, forcément, on croit moins dans ce qu'on fait,
13:15 donc on a envie d'y croire,
13:18 mais on sait que,
13:20 autant nos prédécesseurs,
13:22 ils plantaient et ils se posaient pas la question,
13:26 et ça allait au bout, ils travaillaient la forêt
13:28 telle qu'ils savaient le faire et ça fonctionnait.
13:31 Aujourd'hui, même en se posant beaucoup de questions,
13:34 on n'est sûr de rien,
13:36 on voulait en faire pour le mieux, on n'est sûr de rien.
13:39 Donc...
13:41 Voilà. C'est très...
13:44 C'est pas facile à vivre.
13:47 Musique douce
13:49 ...
13:53 -La filière n'a plus le choix.
13:56 Elle doit s'adapter et trouver un équilibre
13:59 entre économie et écologie.
14:02 ...
14:08 En Auvergne, même le sapin pourtant endémique
14:12 ne résiste plus.
14:13 Les changements climatiques vont très vite,
14:16 trop vite à l'échelle de l'arbre.
14:18 ...
14:21 Christian et Chantal ont hérité
14:23 de plusieurs petites parcelles de forêt.
14:27 -On voit qu'ils sont toujours en train de mourir,
14:30 et ça gagne, en fait, le dépérissement.
14:33 -On voit celui-là aussi. -C'est tendre.
14:36 -Conseillés par leur coopérative forestière,
14:40 sur cette parcelle d'un hectare,
14:42 le couple a décidé de couper l'ensemble des sapins malades
14:46 pour replanter d'autres espèces.
14:48 -Il y a du sycomore.
14:52 Plus loin, il y a du doublard.
14:54 -Le sycomore, on le voit, il a bien pris.
14:57 -C'est un pari sur l'avenir.
15:00 -On ira bien, non ?
15:04 -Là, tu es en erreur ? -Oui.
15:06 -On n'a pas une science exacte,
15:08 et donc il faut essayer, il faut innover,
15:10 il faut mélanger, il faut utiliser tous les modes de culture
15:14 qui existent pour savoir lequel, à un moment donné,
15:17 en tirera son épingle du jeu et permettra d'avoir
15:19 une belle forêt pour nos générations futures.
15:22 ...
15:24 -Sur d'autres parcelles de sapin,
15:27 ces forestiers de la coopérative ont fait un choix différent.
15:31 -Il n'y a pas une solution.
15:33 Il n'y a pas une seule solution quand on arrive devant un peuplement.
15:37 Et je voulais dire, on peut proposer des choses
15:41 au propriétaire, soit en effet de récolter,
15:43 parce que le propriétaire a peur pour la suite de son peuplement,
15:47 illégitimement, soit en effet de faire une éclaircie.
15:50 -Donc là, la solution qu'on a mise en place avec le propriétaire,
15:54 ça a été de récolter uniquement les bois secs,
15:57 en espérant que les sapins qui sont là
15:59 puissent encore continuer à progresser un petit peu
16:03 et puis en miser un petit peu d'avenir sur eux,
16:05 malgré les effets qu'on connaît du réchauffement climatique.
16:09 On aura moins de souches qui vont pomper l'eau,
16:12 et donc ceux qui sont là, on espère qu'ils vont en profiter
16:15 le mieux possible. Il va moins pleuvoir,
16:18 mais s'ils sont moins à se partager l'eau,
16:20 on espère que ça va pouvoir être une solution
16:23 pour les propriétaires de passer le cap.
16:25 On a aussi essayé de garder au maximum le mélange d'essences,
16:28 les quelques essences qu'on avait en accompagnement.
16:31 On a un hêtre, un chêne, un châtaignier.
16:34 Peut-être c'est celui-ci qui sera une essence d'avenir
16:37 sur cette parcelle.
16:39 -Je vous ai remarqué.
16:40 -En France, 75 % de la forêt est privée
16:44 et elle est très morcelée.
16:46 Plus de 2 millions de propriétaires possèdent moins d'un hectare.
16:50 Aucune réglementation ne s'impose à eux,
16:53 car en dessous de 25 hectares,
16:55 chacun gère sa forêt comme il veut.
16:58 -Il n'y aura plus d'aiguilles.
17:00 -Le propriétaire forestier reste complètement maître chez lui.
17:05 Nous proposons des choses au propriétaire,
17:07 comme on a pu le voir,
17:09 mais jamais nous allons lui imposer quelque chose.
17:12 Un propriétaire qui voudrait mettre une seule essence
17:15 et qui respecte la réglementation, il serait libre de le faire.
17:18 -Ce n'est plus ce que vous conseillez ?
17:21 -Ce n'est jamais ce qu'on conseille,
17:23 sauf à ce que les parcelles soient très petites,
17:26 et le fait de mettre plusieurs essences
17:28 pourrait compliquer la gestion future de la parcelle.
17:31 -Ca veut dire aussi qu'on arrête les coupes rases ?
17:35 -On ne va pas en finir avec les coupes rases.
17:38 La futé régulière est un mode de sylviculture tout à fait valable,
17:42 comme la futé irrégulière est un mode de sylviculture tout à fait valable.
17:47 Comme on vous l'a beaucoup dit,
17:48 il ne faut pas mettre tous nos os dans le même panier.
17:52 On ne va certainement plus faire de coupes de récolte
17:54 sur des dizaines d'hectares, comme à l'époque.
17:57 Ca, sans doute, ce serait un mauvais conseil
18:00 au propriétaire forestier, sauf un pass sylvicole
18:02 dû par exemple à des peuplements dépérissants,
18:05 mais un peuplement qui pousse normalement,
18:09 on va l'accompagner.
18:11 Et s'il y a des récoltes à faire,
18:13 on va plutôt morceler ces récoltes
18:15 que de le faire sur des dizaines d'hectares.
18:17 -Si la forêt ne réussit plus à s'adapter seule,
18:23 comment l'aider ?
18:25 Nous retrouvons Brigitte Much,
18:28 la généticienne de l'ONF, près de Dijon.
18:31 -Celui-là, on voit très bien qu'il a eu un souci.
18:36 Je me demande même s'il n'est pas reparti.
18:38 Il est reparti depuis les dernières pluies.
18:41 -Elle pilote le projet Giono,
18:44 un programme de migration assistée.
18:47 Les scientifiques ont introduit des arbres
18:50 qui ne poussaient pas naturellement ici.
18:52 -Et du coup, on a recréé des bandes
18:55 dans lesquelles on a planté.
18:57 Là, il y a des chaînes.
18:58 -Ce sont des chaînes pubescents.
19:00 On voit bien, là, il y a des petites poêles.
19:04 Et ces poêles-là,
19:06 ils lui servent à moins...
19:08 Moins subir... Moins perdre d'eau, voilà.
19:11 Moins subir l'air sec.
19:12 C'est vraiment un intérêt.
19:14 C'est un chêne qui vient du sud de la France, de Provence.
19:18 Et du coup, c'est une piste vraiment intéressante pour nous, ici.
19:22 -Et pour cette espèce en particulier,
19:24 le chêne pubescent,
19:26 on a bien fait la migration assistée.
19:28 C'est une espèce qui est présente dans le sud de la France
19:32 et qu'on a apportée par main...
19:36 Humainement, jusqu'ici.
19:40 Avec un réchauffement,
19:42 s'il avait été beaucoup plus progressif,
19:45 il aurait pu, en plusieurs milliers d'années,
19:48 en dizaines de milliers d'années,
19:50 potentiellement reconquérir naturellement
19:52 le nord de la France, mais c'est pas le cas.
19:55 -Ils ont aussi planté des cèdres du Liban,
19:59 issues des forêts du Luberon.
20:01 -Donc on aide la nature à faire ce qu'elle aurait fait classiquement.
20:08 Et nous, il faut qu'on mise avec tout ce qu'on sait,
20:11 pour l'instant, de la science,
20:14 des arts de la foresterie,
20:17 et qu'on réinvente quelque chose de nouveau
20:22 pour continuer à avoir une forêt
20:25 qui rend tous ses services écosystémiques.
20:28 -L'ONF a aussi développé des îlots d'avenir.
20:34 Sur des petites parcelles,
20:36 ils testent des espèces exotiques
20:38 qui n'étaient pas présentes en France jusqu'à maintenant.
20:42 Sur celles-ci, ils ont planté du calocèdre.
20:46 -C'est un résineux qui ressemble un peu à un cyprès ou un tuyat.
20:50 Et il est originaire de la côte ouest des Etats-Unis,
20:55 Californie, et qui, dans des conditions d'origine,
20:58 montre une très bonne résistance à la sécheresse,
21:01 tout en étant dans des conditions d'altitude
21:03 où il y a de la neige l'hiver, du grand froid.
21:06 -Ce sont des espèces sur lesquelles on ne connaît pas grand-chose,
21:09 qui n'ont pas été introduites largement en France et en Europe.
21:13 Et donc, on a besoin de références,
21:16 à la fois sur le taux de survie, sur la croissance,
21:19 sur la pétence aux gibiers,
21:22 la résistance au stress hydrique.
21:24 -Pas question pour autant de jouer aux apprentis sorciers.
21:28 L'espèce est très surveillée.
21:32 -On a potentiellement toujours un risque pour la biodiversité.
21:37 Et c'est pour ça qu'on a introduit ces espèces
21:40 de manière expérimentale.
21:43 Et on va regarder comment elle interagit
21:46 avec l'écosystème autour,
21:48 et en particulier les problèmes d'invasivité,
21:51 qui sont le problème majeur des espèces exotiques.
21:54 Après, on ne va pas couvrir la forêt avec du calocèdre,
22:00 mais ça fait partie du panel d'espèces
22:03 que l'on pourra proposer à un peu plus grande échelle
22:06 qu'un demi-hectare dans quelques forêts.
22:09 Musique douce
22:11 -Entre les dépérissements et les nouvelles essences,
22:16 dans 50 ans, le visage de nos forêts va évoluer.
22:20 -Nos paysages vont changer,
22:24 mais si on a, comme on le prévoit,
22:27 une méditerranéisation de la forêt plus au nord,
22:32 on va avoir une forêt méditerranéenne,
22:35 donc des arbres qui vont être plus petits aussi.
22:38 Donc ça, il faut vraiment s'attendre à des arbres plus petits
22:42 et à des productions de bois de moins importante.
22:46 -Loin de cette forêt du futur,
22:49 dans le Morvan, Lucienne et son association
22:52 tentent aussi, à leur façon,
22:55 de préserver la forêt et sa biodiversité.
22:57 -Bon, Lucienne, tu la trouves comment, ta forêt ?
23:01 -Bah, je la trouve belle !
23:03 Les souches, regarde si c'est beau !
23:06 Ca gêne pas pour exploiter,
23:08 et en plus, c'est la biodiversité formidable, quoi !
23:11 -En 20 ans, Lucienne et le groupement forestier
23:15 ont racheté 20 forêts,
23:17 350 hectares au total qu'ils ont confiés à Tristan Sus.
23:20 L'expert gère et exploite les arbres,
23:24 car la forêt n'est pas sous cloche.
23:26 Elle a aussi un rôle économique.
23:28 -Alors ici, on applique un traitement en futé
23:34 dit irrégulier.
23:35 C'est une gestion forestière
23:37 qui doit répondre à des intérêts économiques et écologiques.
23:41 Donc on cherche à avoir sur cette forêt
23:43 différentes essences, maintenir les essences qui sont présentes,
23:47 notamment le hête, le chêne.
23:49 Il y a du boulot, un peu de résineux.
23:51 On cherche à avoir une structuration du peuplement,
23:54 des moyens, des gros et des très gros arbres.
23:56 Économiquement, c'est viable.
23:58 Ca rapporte peut-être moins d'argent,
24:00 mais au fur et à mesure, ça va rapporter de l'argent.
24:03 -C'est un modèle qui est transposable ?
24:06 -C'est un modèle qu'on essaie de transposer
24:08 sur toutes les forêts en France,
24:10 du pin maritime, du sapin, du hête, du chêne.
24:13 -Pour eux, c'est la seule façon
24:15 d'avoir des forêts plus résilientes
24:17 face aux changements climatiques.
24:19 Ils aimeraient que ce modèle devienne la norme.
24:22 -Moi, franchement, je suis émerveillée de voir le résultat
24:26 et je suis fière d'avoir participé à...
24:28 à ça, quoi.
24:30 Je me dis, t'as pas perdu ton temps quand tu t'es battue.
24:33 Il faut passer un message d'optimiste, quoi.
24:36 Parce que si on commence à dire "tout est foutu,
24:38 "la forêt commence à être malade, les arbres tous malades,
24:41 "les plantations, on sait pas si elles vont tenir ou pas",
24:45 c'est assez terrible. On peut pas se passer de la forêt.
24:48 -Si le GIEC dit dans 50 ans
24:50 "augmentation de température de 4 degrés",
24:52 que ça soit du résineux, que ça soit du feuillu,
24:55 à mon avis, il y aura plus d'arbres, c'est clair.
24:57 -Alors, c'est terrible, quoi, de penser ça.
25:00 Parce que les générations futures, les enfants et tout,
25:03 comment on peut faire de vivre dans un monde stérile ?
25:06 Moi, je vais pas y croire.
25:08 Je dis que quand même, tous ensemble, on peut avancer, quoi.
25:11 -Il faut faire le moins mal possible.
25:13 -Voilà.
25:15 Musique douce
25:17 ...
25:21 -Aider la forêt à se régénérer par elle-même,
25:25 à s'adapter génétiquement,
25:28 préserver son sol,
25:31 sa diversité d'essence
25:33 et donc sa biodiversité.
25:35 Autant de défis pour sauver la forêt,
25:39 pour qu'elle continue de stocker du carbone
25:42 et reste notre poumon vert.
25:45 ...