Anne Fraïsse, présidente de l'université Paul Valéry

  • l’année dernière
L'université Paul Valéry à Montpellier est l'université la moins bien dotée de France selon un classement récemment publié.
La moins bien dotée en termes de subventions et de dotations.
Par exemple, la dotation par étudiant est trois fois plus importante à la Sorbonne qu'à Paul Valéry.
Et l'université Montpellier 3 est même largement en dessous de la moyenne de toutes les universités françaises.
Les respsonsables de l'université Paul Valéry s'inquiètent donc pour son avenir.
On en parle ce matin avec sa présidente, Anne Fraïsse.

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Transcription
00:00 à Montpellier, l'université la moins bien dotée de France, selon un classement récemment
00:04 publié. La moins bien dotée en termes de subventions et de donations. En dotations
00:08 pardon. On en parle avec notre invité, la présidente de l'université Paul Valéry,
00:13 c'est Anne Freiss-Guillaume.
00:14 Bonjour Anne Freiss.
00:15 Bonjour.
00:16 Merci d'être venue nous rejoindre en studio. Oui, ce classement a été publié, il faut
00:20 le préciser, par AEF Info. Alors, parfois c'est le magazine L'étudiant qui sort ce
00:24 genre de classement. Là, il faut préciser à nos éditeurs qu'AEF Info est un éditeur
00:28 de presse en ligne spécialisé dans l'éducation et auquel fait parfois d'ailleurs appel même
00:32 le ministère de l'éducation. Donc voilà, c'est pas n'importe qui qui s'est penché
00:36 sur les chiffres. Et quand vous avez appris que votre université était effectivement
00:39 la moins bien dotée de France, est-ce que vous êtes tombée de l'armoire ou est-ce
00:42 que c'est quelque chose qui ne vous a pas surpris ?
00:43 Non, alors c'est quelque chose qui ne m'a pas surprise et ce n'est pas le fait d'être
00:48 dernier qui me pose le plus de problèmes. C'est l'injustice que représente la dotation
00:55 totalement inégalitaire entre les universités et en particulier entre les universités de
01:01 même nature. Puisqu'on sait qu'on peut difficilement comparer des universités de
01:06 sciences et de lettres. Depuis très longtemps, un étudiant de lettres est censé coûter
01:10 moins cher qu'un étudiant de sciences.
01:12 Sauf que quand vous comparez par exemple à la Sorbonne à Paris, ça n'a rien à voir.
01:16 Voilà, donc la difficulté c'est de comparer ces différentes subventions pour charge de
01:22 service public entre les huit universités de lettres et sciences humaines qui restent
01:27 encore et de voir que la différence est énorme. C'est-à-dire que pour un étudiant de lettres,
01:36 d'histoire, de psychologie qui fait ses études à Montpellier, l'État investit 3 800 euros
01:44 par étudiant.
01:45 Ça peut paraître beaucoup mais quand on connaît le chiffre de la Sorbonne...
01:48 Oui, alors que s'il fait ses études à Lyon, c'est plus de 4 600. S'il fait ses études
01:55 à Toulouse ou à Bordeaux ou à Paris, c'est beaucoup plus que 5 000 euros. Alors vous
02:02 multipliez cela par le nombre d'étudiants, vous voyez la différence que cela fait, ça
02:07 se compte en millions.
02:08 23 000 étudiants à Pologne.
02:10 Oui, c'est ça. Et la question qui se pose c'est pourquoi les étudiants de Montpellier
02:18 sont-ils moins financés pour faire le même diplôme national que ceux d'autres villes.
02:25 Alors, citez la Sorbonne, c'est vrai que la Sorbonne tout de suite ça a le côté prestige
02:29 mais même par rapport à la moyenne nationale, votre montant par étudiant est deux fois
02:34 inférieur à la moyenne nationale des dotations par étudiant.
02:37 Oui, mais de toute façon vous prononcez le terme de prestige et il n'a pas lieu d'être
02:42 dans une subvention pour charge de service public. Là, l'État nous donne de l'argent
02:48 pour assurer les missions qu'il nous confie, c'est-à-dire la formation des jeunes. Or
02:53 les salaires de mes collègues coûtent exactement la même chose que les salaires des collègues
03:00 de la Sorbonne.
03:01 En théorie ? C'est vraiment le cas ?
03:03 Je le crois, oui, pour les salaires, oui. Mais par contre, cela fait une pression terrible
03:12 par exemple pour garder la même qualité d'enseignement parce que c'est le nombre d'enseignants
03:17 qui n'est pas du tout le même puisque nous n'avons pas la subvention qui nous permet
03:21 de recruter. Et la deuxième injustice que cette liste a révélée est là que je ne
03:27 connaissais pas par contre parce que je savais que mon université était la moins bien classée
03:33 ou une des moins bien classées en termes de subvention d'État. L'injustice qu'on
03:38 a découverte c'est que la réponse que nous donne le ministère c'est de toute façon
03:42 vous êtes tous traités pareil et l'État n'a pas d'argent.
03:46 Sauf que ce n'est pas le cas !
03:48 Quand on regarde cette enquête et cette liste, on se rend compte qu'entre 2017 et 2018,
03:55 l'État a investi 300 millions d'euros pour augmenter les dotations des universités,
04:02 dont 68 millions et demi pour les 7 autres universités de l'être et sciences humaines
04:07 et que l'université Paul-Valéry n'a strictement rien eu.
04:11 Vous êtes le grand oublié dans cette histoire.
04:13 Moi c'est la question que je pose, est-ce que c'est normal et auquel cas j'aimerais
04:21 qu'on justifie pourquoi mes étudiants à moi sont des sous-étudiants qui n'ont pas
04:25 le droit à la même subvention d'État ?
04:27 Soit c'est une erreur et j'aimerais savoir comment elle va être corrigée et surtout
04:33 pourquoi elle ne l'a pas été.
04:34 Ça suppose que le ministère ne connaît pas ses propres chiffres.
04:37 Nous, nous ne les connaissons pas, nous connaissons nos chiffres mais nous avons très difficilement
04:42 accès à la comparaison avec les autres universités.
04:45 Donc ce qu'on a découvert c'est cela, c'est que nous, nous n'avions pas eu cette
04:50 aide.
04:51 Donc je me pose la question, comment ces subventions sont-elles réparties ? Sur quels critères ?
04:56 Pourquoi il n'y a pas de transparence ? Pourquoi ces chiffres ne nous ont pas été donnés
05:00 par le ministère ? Qu'il a fallu que ce soit un journaliste qui nous les communique.
05:05 - Qui sont des chiffres officiels encore une fois.
05:07 - Ce sont les chiffres du ministère bien sûr.
05:09 - Ce sont des chiffres du ministère bien sûr.
05:10 - Le EF Info qui s'est elle-même basée sur les chiffres officiels.
05:13 - Et chaque fois que...
05:14 - Et ces explications, vous les avez demandées à Anne Frey ou on vous les a données ou
05:17 encore c'est encore trop tôt pour le moment ?
05:19 - Je suis en train de les réclamer à tout le monde.
05:22 Vous êtes les premiers, puisque vous êtes les premiers à m'avoir invité, mais je pense
05:25 que ces explications je vais les réclamer et je vais les réclamer publiquement puisque
05:31 quand je les demande moi simplement, directement, on me répond que nous sommes tous traités
05:38 pareil et on m'invite à avoir une gestion plus saine de mon établissement.
05:43 - C'est ça qui est extraordinaire, c'est que quelque part on culpabilise l'université
05:46 Paul-Valéry pour justifier d'une forme d'inégalité, j'ose pas prononcer le mot injustice, mais
05:51 en tout cas inégalité, on vous dit "oui mais vos finances ne sont pas saines", mais ça
05:55 n'a rien à voir finalement.
05:56 - Oui en plus d'abord elles sont tout à fait saines, d'ailleurs parce qu'on nous a envoyé
06:01 des inspecteurs pour vérifier justement, puisque l'université est en gros déficit, pour vérifier
06:06 justement comment fonctionne l'université et le rapport a conclu, le rapport de ces
06:11 inspecteurs d'état a conclu que le déficit était bien structurel et que l'université
06:17 n'y était strictement pour rien.
06:18 - Donc c'est pas un argument ?
06:20 - Non non, ce n'est pas un argument et je crois qu'il faut éviter de chercher des
06:24 coupables là où il n'y en a pas.
06:25 - Alors comment ça se traduit concrètement ? Est-ce que cette défaillance, je ne sais
06:30 pas si le mot est approprié, mais les dotations que vous devriez normalement toucher, est-ce
06:35 que cela a un effet sur le fonctionnement de l'université, la qualité de l'enseignement
06:40 qui est donné, très concrètement, est-ce que ça vous pose des difficultés au quotidien ?
06:43 - Ça nous pose d'énormes difficultés, cela veut dire que nous sommes sous-encadrés
06:48 massivement, pour encadrer mes 23 000 étudiants, j'ai moins de 500 enseignants-chercheurs.
06:55 Nous sommes aussi une des universités la moins dotée de France en termes d'enseignants,
07:01 puisque c'est lié, cet argent, cette subvention, elle sert à payer massivement d'abord les
07:08 salaires, c'est la masse salariale qu'il a.
07:10 Donc oui, ça veut dire que certains collègues pour compenser cela sont obligés de faire
07:17 double service, de prendre des heures complémentaires pour faire qu'à leur entrée tous les étudiants
07:22 aient un enseignant en phase 2.
07:25 Donc oui, ça met les équipes dans un stress et des conditions de travail qui sont...
07:32 - Mais ça vous ne l'avez pas découvert récemment ?
07:33 - Non, non, non, non, non, non.
07:35 - C'est une situation qui dure.
07:36 - Ça effectivement, c'est une situation qui dure, mais qui s'est très largement aggravée
07:40 ces dernières années.
07:41 Et on en découvre en partie la cause.
07:43 - C'est ça, maintenant vous avez l'explication.
07:45 - C'est-à-dire que nous, on pensait être comme toutes les universités de lettres et
07:50 sciences humaines sous-encadrées et sous-financées.
07:54 Et ça c'est vrai que toutes les universités de lettres sont en bas de ce classement.
07:58 Sauf que même à l'intérieur de ce groupe d'universités, il y a encore des différences.
08:05 Et pas que dans ce groupe-là.
08:06 Par exemple, Nîmes, et je pense que je vais alerter aussi les dirigeants de l'Occitanie
08:13 par exemple, parce que l'Occitanie est particulièrement mal dotée.
08:16 Nous, nous sommes les derniers, mais Nîmes est trois places devant nous.
08:19 Et Nîmes par exemple, on pourrait dire que c'est peut-être une petite université.
08:24 Vous comparez avec Le Havre et Avignon, et bien Le Havre et Avignon sont en haut de la
08:29 liste et Nîmes est en bas.
08:31 Pourquoi ?
08:32 - Pour poser la question, la question méritait de poser, vous n'avez pas un début d'explication
08:37 par rapport à ça ?
08:38 - Pas du tout.
08:39 De toute façon, cela fait plus de 15 ans qu'on nous dit "le système ne fonctionne pas,
08:44 nous allons le remettre à plat".
08:46 La mise à plat continue.
08:49 - On n'a pas le sentiment que quelqu'un cherche peut-être à régler ses comptes avec une
08:52 université qui a aussi parfois un peu la réputation d'une université un peu activiste, bouillonnante.
08:59 On l'a vu à travers les derniers mouvements étudiants qui ont pu avoir lieu il y a trois
09:03 ou quatre ans.
09:04 - Vous savez, c'est une caractéristique bien partagée entre toutes les universités de
09:07 l'intérêt des sciences humaines.
09:08 - En plus, Paul Vénérique.
09:09 - Ça n'explique pas la différence.
09:10 Et je ne crois pas que ce soit à ce niveau.
09:13 Je pense que c'est plutôt une forme d'inertie administrative ou de maltraitance administrative,
09:21 mais qui n'a pas de raison particulière.
09:25 En tout cas, je ne la connais pas.
09:26 - Merci.
09:27 - Vous la connaîtrez et puis vous nous donnerez des nouvelles si jamais on vous donne une
09:30 réponse ou si la situation évolue.
09:32 - C'est exactement pour cela que je suis venue, pour que la solution comme le problème soit
09:39 publique.
09:40 - Merci Anne Freiss, présidente de l'université Paul Valéry d'être venue dans le 6/9 ce matin.
09:44 Bonne journée malgré tout.
09:45 - Vous pourrez réécouter cette interview en allant comme toujours sur notre site internet
09:49 francebleu.fr.
09:50 Il est 8h20.
09:51 Coup d'oeil sur la circulation et notamment la circulation des trains.
09:54 Il y a quelques difficultés ce matin, surtout...

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