• l’année dernière
L’ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac est de retour dans la vie publique, après avoir été condamné en 2018 pour fraude fiscale et blanchiment. Il a tenu plusieurs réunions publiques dans son fief de Lot-et-Garonne. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-27-novembre-2023-8571474

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00:00 Depuis 7h48, Sonia De Villers, votre invitée ce matin a été députée du Lot-et-Garonne
00:05 et ministre du délégué au budget de mai 2012 à mars 2013.
00:10 Première interview après des années de silence.
00:13 Souvenez-vous, l'enquête de Mediapart sur ses fraudes fiscales, il dément, il finit
00:17 par démissionner, il est finalement condamné à de la prison ferme, à de la prison avec
00:21 sursis, à 5 ans d'inégibilité et à 300 000 euros d'amende.
00:25 Surprise, il fait son retour dans son ancienne circonscription, discours devant des petites
00:29 salles mais pleines à craquer, serrage de main sur les marchés.
00:32 Bonjour Jérôme Causac.
00:34 Bonjour Sonia De Villers.
00:35 Ça vous manquait ?
00:36 Beaucoup.
00:37 Qu'est-ce qui vous manquait ?
00:38 Des terres que j'aime, des gens pour qui j'ai beaucoup d'amitié, le goût de l'action
00:44 publique.
00:45 Alors évidemment l'action publique quand on n'a aucun mandat, c'est-à-dire aucune
00:48 légitimité c'est difficile, mais le secteur associatif permet parfois de faire beaucoup
00:51 de choses et puis qui vivra verra.
00:53 La presse régionale a suivi vos premières interventions publiques, elle raconte les
00:58 gens qui se réjouissent de vous retrouver, qui disent que vous avez été pour eux un
01:01 bon maire ou un bon député et ceux que ça révulse, ceux qui trouvent ça indécent.
01:05 Pensez-vous Jérôme Causac que votre retour dans la vie publique soit moralement acceptable ?
01:10 La question de la morale est une question essentielle et j'aimerais que ceux qui me
01:13 condamnent au nom de la morale, ou plutôt qui me condamnent au silence ou à la réclusion
01:18 ou à la perpétuité, au nom de la morale réfléchissent à ce que cela veut dire.
01:21 D'abord, quelle est leur morale ? Au nom de quoi l'imposerait-il aux autres ? Au
01:26 nom de quoi cette morale serait-elle universelle ? Je crois qu'ils devraient réfléchir
01:31 à cela, pour ma part j'ai essayé de penser à tout cela car ce que j'ai fait à l'Assemblée
01:36 nationale fut évidemment une parfaite immoralité, mais pourquoi ?
01:38 Vous avez menti à l'Assemblée nationale.
01:40 Ce fut immoral, le mensonge peut ne pas toujours l'être, celui-là l'était incontestablement.
01:45 Mais ce n'est pas parce que j'ai commis un acte parfaitement immoral que ce retour
01:49 l'est par la même.
01:51 La morale, vous savez, vous avez des pays où on coupe la main d'un voleur, on lapide
01:56 une femme adultère, on tranche la tête d'un imposteur au nom de la morale.
02:00 Ce n'est pas la nôtre.
02:02 Poutine dénonce l'Occident décadent et immoral.
02:06 C'est sa morale, ce n'est pas la nôtre.
02:08 Et je ne dois pas au nom de quoi la morale d'un ou deux apparatchiks d'une fédération
02:12 socialiste du Sud-Ouest ou même de son premier secrétaire, je ne dois pas au nom de quoi
02:17 la morale d'un de vos confrères qui s'est appuyé sur ce qu'il estime être la morale,
02:23 c'est-à-dire en fait la sienne, pour condamner ce que je suis en train de faire, je ne dois
02:27 pas au nom de quoi cette morale-là s'imposerait à moi à partir du moment où je ne sais
02:31 pas ce qu'elle est ni comment ils l'ont élaborée.
02:32 Emmanuel Kant, qui est quand même un des penseurs les plus puissants que l'Europe
02:36 ait jamais connu, n'a pas osé lui inventer sa morale et imposer une morale.
02:43 Il a juste réfléchi aux critères qui feraient que peut-être une morale individuelle aurait
02:50 une valeur universelle.
02:51 Je les engage à réfléchir à ces critères et ceux que j'entends me condamner manifestement
02:56 n'en respectent aucun.
02:57 Alors, va pour la morale, va pour l'indécence, mais il y a une question quand même centrale
03:03 dans la vie publique, il y a une question centrale dans la vie politique, c'est la
03:07 question de la confiance.
03:08 Vous avez menti à la presse, vous avez menti au Fisc, vous avez menti à l'Assemblée
03:13 Nationale, vous avez peut-être menti au Président de la République, je ne sais pas ce que vous
03:17 êtes dit l'un et l'autre, les yeux dans les yeux avec François Hollande.
03:21 La question Jérôme Cahuzac, c'est comment vous faire confiance ?
03:24 Ça c'est votre problème si j'ose dire, ce n'est plus le mien.
03:28 C'est votre problème.
03:29 Moi je suis au clair avec moi-même, j'ai commis quelque chose qui a mérité d'être
03:35 sanctionné, j'ai accepté la peine qui m'a été infligée, je l'ai purgé en
03:39 totalité et ensuite la question se pose de savoir si une peine c'est juste une sanction
03:46 ou si c'est le début d'un chemin de rédemption que tout condamné après tout a le droit
03:49 d'essayer d'emprunter.
03:50 Moi je me suis efforcé, au-delà de l'accomplissement de ma peine, je me suis efforcé de trouver
03:55 un chemin de rédemption, pour moi-même bien sûr, pour mes proches, pour ceux qui m'aiment,
04:00 pour ceux qui m'ont toujours conservé leur amitié et puis peut-être un jour pour d'autres.
04:04 A chacun de juger si ce chemin est convaincant ou pas.
04:07 Mais je ne peux pas décider à leur place.
04:09 Moi je sais que je suis au clair avec moi-même.
04:11 Alors vous ne pouvez en effet pas décider à leur place, vous avez néanmoins une forme
04:15 de responsabilité.
04:16 Quiconque s'engage dans la vie publique a une forme de responsabilité.
04:20 Vous voyez partout en Europe, y compris en France, les populismes monter.
04:24 Vous voyez le dernier baromètre par exemple du Cevipof sur la confiance des Français
04:29 vis-à-vis du personnel politique.
04:31 Il est effarant, 82% des gens interrogés estiment que des responsables politiques ne
04:37 se préoccupent absolument pas de ce qu'ils pensent eux mais de leur carrière à eux.
04:42 69% jugent qu'en règle générale, les élus et les dirigeants politiques français sont
04:46 plutôt corrompus qu'honnêtes.
04:48 Vous avez une responsabilité en revenant en politique.
04:52 La question de la confiance, ce n'est pas leur question, c'est la vôtre aussi.
04:57 J'ai ma part de responsabilité dans le phénomène que vous décrivez.
05:00 Mais me faire porter à moi et à moi tout seul, l'écrasante responsabilité de cette
05:04 situation, comme cela fut le cas il y a 10 ans, il y a 8 ans, il y a 7 ans, j'étais
05:09 le seul responsable de tout.
05:11 Cette responsabilité-là, totale et entière, qui me serait reprochée, je la refuse.
05:17 J'ai ma part, je l'assume.
05:20 Que ceux qui ont leur part l'assument à leur tour.
05:23 Vous m'avez dit tout à l'heure que François Hollande était dans ses locaux et sur France
05:26 Info.
05:27 En 2013, il annonce le retournement de la Cour du chômage en sachant parfaitement que c'était
05:31 impossible.
05:32 Aucune note de la direction de la prévision, de la Banque de France, de la direction du
05:36 budget, de la direction du Trésor, aucune note ne lui permettait d'annoncer cela.
05:40 Bien au contraire même.
05:41 Il l'annonce en 2013 en sachant que ce n'est pas vrai.
05:44 En 2014 en sachant que ce n'est pas possible.
05:46 Et ce jusqu'à la fin de son mandat en vain toujours, puisque c'est au début du mandat
05:50 d'Emmanuel Macron que cette Cour du chômage s'est inversée, d'ailleurs en partie, grâce
05:54 aux mesures que François Hollande a pu décider.
05:56 Mais il savait que ça prendrait ce temps-là.
05:58 Quand il l'annonce des années avant, eh bien il ment.
06:01 Et donc effectivement, il a lui aussi une part de responsabilité.
06:04 À cet égard, ce mandat, le choix que les Français ont fait en 2012, s'est avéré
06:11 un choix, comment dirais-je, malencontreux et même douloureux à la fin.
06:16 Un président sortant qui n'a même pas la possibilité de se représenter, cela en
06:21 dit long sur la façon dont il a précisément exercé ce mandat.
06:23 Donc on a tous une part de responsabilité.
06:25 Et aujourd'hui, quand je vois les dirigeants du Parti Socialiste, qui l'année dernière
06:31 c'est quand même pas vieux, ont signé un accord qui n'est qu'un accord de soumission
06:35 à l'égard de la France Insoumise et de son leader Jean-Luc Mélenchon.
06:39 Un accord de soumission avec comme seule contrepartie le sauvetage de leurs sièges à eux.
06:44 Car c'est la seule contrepartie.
06:46 Ils ont vendu toute la gouvernance, tout l'esprit de responsabilité, tout le bilan du Parti
06:51 Socialiste de ces 40 dernières années pour sauver quoi ? 10, 15, 20 sièges des dirigeants.
06:55 Je comprends que nos concitoyens refusent d'accorder leur confiance à un monde politique
07:03 qui d'une certaine manière semble faire peu de cas de la réalité des problèmes
07:07 et beaucoup de cas de leur destin personnel.
07:10 Mais si je me suis permis de donner ces exemples, ce n'est pas pour régler je ne sais quel
07:13 compte ou autre.
07:14 Je ne suis évidemment pas dans la revanche.
07:15 Vous avez été exclu du Parti Socialiste au moment où il y a eu le coup.
07:19 Oui mais ils ont eu raison.
07:20 Ils ont eu raison.
07:21 Que pouvaient-ils faire d'autre ? Ils ont évidemment eu raison.
07:23 Où vous situez-vous en politique aujourd'hui, Gérôme Kaysac ?
07:28 Mais si je me permets de donner ces exemples, pardonnez-moi d'insister, c'est parce
07:31 que si j'ai ma part de responsabilité que j'assume, il faudrait peut-être que
07:35 les autres reconnaissent la leur et l'assument.
07:38 On en est loin.
07:39 Alors je ne pense pas qu'on puisse mettre et que vous puissiez mettre ou que vous mettiez
07:45 vous naturellement sur le même plan un casier judiciaire qui s'est soldé par de la prison
07:51 ferme et de l'inéligibilité avec du discours politique et des manœuvres politiques comme
07:57 celles qui ont conduit à faire naître la NUPES par exemple.
08:00 Vous les mettez sur le même plan ?
08:01 Elles ne sont pas sur le même plan, sur le plan pénal.
08:05 Et si nous restons sur le plan politique, je ne suis pas certain que ce qui s'est
08:10 passé notamment l'année dernière à l'occasion de la création de ce qui n'était qu'un
08:13 cartel électoral destiné à sauver quelques sièges.
08:15 Je ne suis pas sûr que sur le plan politique ça ne soit pas plus grave.
08:18 Sur le plan pénal, naturellement, ce que j'ai fait est plus grave.
08:20 J'ai été condamné, eux ne le sont pas.
08:23 Mais vous ne m'avez pas interrogé sur l'aspect pénal des choses, vous m'avez interrogé
08:27 sur l'aspect politique des choses.
08:28 Sur l'aspect politique des choses, je pense que ce qui s'est passé l'année dernière…
08:31 A fait plus de mal à la gauche ?
08:33 Oui, pour une raison très simple.
08:35 C'est que tant que cette situation perdurera et manifestement c'est parti pour durer,
08:41 la gauche est dans l'incapacité absolue de retrouver le pouvoir.
08:44 Or qu'est-ce que c'est que la politique ?
08:46 Ce n'est la conquête du pouvoir pour faire prévaloir ses idées, ses projets, ses vues,
08:49 ses valeurs.
08:50 Et donc accepter de renoncer à faire prévaloir ce à quoi on est censé croire pour sauver
08:55 un siège ou deux ou dix ou quinze de députés, sur le plan politique, ça ne paraît pas
09:01 pouvoir être écarté d'un revers de main au motif que la justice ne se serait pas prononcée.
09:05 Il y a un bon vieux dicton populaire qui dit "c'est l'hôpital qui se moque de la charité".
09:09 Je parle à un ancien médecin.
09:10 Vous ne pensez pas que c'est ce qu'on va vous opposer ?
09:13 Je ne vais pas penser à ce bon vieux dicton populaire, mais encore une fois, moi j'assume
09:16 ce que j'ai fait.
09:17 J'ai payé ma dette.
09:19 Est-ce que avoir fait ce que j'ai fait et bien payé ma dette, est-ce que ça m'interdit
09:24 d'avoir une parole publique sur ce que je constate ? Est-ce que ça m'interdit, puisque
09:28 vous m'interrogez, de vous indiquer l'analyse que j'en ai ? Mais que je sache, ayant purgé
09:32 ma dette et ayant payé ce que je devais à la société, j'ai retrouvé l'entièreté
09:37 de mes droits.
09:38 Vous avez retrouvé l'entièreté de vos droits.
09:40 La justice, encore une fois, absolument, la justice ne juge que les faits.
09:43 Donc j'ai le droit de penser, de m'exprimer et de répondre à vos questions ce que je
09:47 fais.
09:48 La justice ne juge que les faits, elle ne juge pas le reste.
09:50 Et puisque nous parlions de morale, la justice ne juge pas les mensonges devant l'Assemblée
09:54 et devant la presse.
09:55 Un dernier mot parce que c'est à fond.
09:56 Un mensonge est un délire quand il est fait sous serment.
09:59 J'ai payé d'un banishment social ce mensonge.
10:02 J'ai payé mes illégalités de prison et d'un mandat.
10:04 Ce sont deux choses différentes.
10:05 Juste un dernier mot.
10:07 Il y a des municipales en 2026, des législatives en 2027.
10:11 Votre retour, il vise un mandat ?
10:13 Je vous l'ai dit tout à l'heure, faire de la politique c'est la conquête du pouvoir
10:17 et c'est l'action publique.
10:18 L'action publique ne peut s'exercer qu'avec une légitimité, c'est-à-dire avec un mandat.
10:21 Il est clair que je ne m'interdis rien.
10:23 Merci Jérôme Kaliza.

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