• l’année dernière
Transcription
00:00 Lui, c'est Jérémy Perrin, créateur de la série "Last Man" et surtout réalisateur de "Mars Express",
00:04 un film d'animation SF français.
00:06 Un film incroyable qui ressembla un peu à une anomalie dans le paysage actuel.
00:10 Du coup, on lui a demandé pourquoi c'est si difficile de faire des films d'animation pour adultes en France.
00:14 Si on compte la première personne qui a commencé à travailler sur le film
00:18 et la dernière qui a travaillé sur le film, à savoir moi,
00:21 c'est 5 ans et demi de boulot en continu, vraiment très peu de vacances, très peu de week-ends.
00:25 Je ne recommande pas, pour un résultat au final de, je crois, 8,5 millions d'euros.
00:31 Je pense que du fait de budgets plus modestes que les productions américaines, par exemple,
00:37 il y a des gens qui se retrouvent à faire plusieurs choses en même temps,
00:39 à avoir plusieurs postes à la fois sur un long métrage d'animation en France,
00:43 une charge de travail qui est supplémentaire et une fatigue qui s'accumule, etc.
00:46 Après, cela dit, nous, on sait aussi manger le Covid, il ne faut pas non plus l'oublier.
00:50 Mon producteur m'a dit qu'il avait quantifié ça et essayé d'obtenir des aides d'État là-dessus
00:57 parce qu'il y avait eu des aides pour les tournages de films.
01:00 Mais nous, comme c'est des dessins animés, bon, ça ne compte pas apparemment.
01:04 Mon regard sur le rapport du cinéma d'animation avec le cinéma en général,
01:12 et français en particulier, c'est un peu le rapport que le cinéma de genre a
01:15 avec le cinéma français en général.
01:17 C'est-à-dire qu'il y a un petit côté "bon, on va vous mettre à la table des enfants pendant le repas".
01:21 Mais c'est quelque chose qui a quand même tendance un peu à changer, j'ai l'impression.
01:25 Et ne serait-ce que par le fait qu'un film comme Mars Express existe,
01:29 ce n'est pas non plus anodin.
01:30 Je veux dire, il y a une époque où ça aurait été totalement impossible.
01:33 Si on regarde bien, l'animation, au sens large,
01:36 on va dire japonaise, américaine, française, mondiale,
01:39 peut faire des gros scores au box-office, ça on le sait, avec Disney, Pixar.
01:45 Il y a cette habitude qui est héritée de Blanche-Neige, je pense,
01:49 qui est de considérer que l'animation est pour un public familial, voire enfantin.
01:54 Ça s'explique structurellement.
01:55 Je parle de Blanche-Neige pas pour rien, c'est qu'à l'époque,
01:58 Disney, ça leur coûtait tellement cher de faire un long métrage,
02:00 la décision économique a été prise de faire du film,
02:04 un film le plus tout public possible, le plus large.
02:07 Des enfants jusqu'aux grands-parents, tout le monde allait le voir et paye sa place de cinéma.
02:11 Et voilà, comme ça, le film est remboursé.
02:13 En plus, Disney était hégémonique pendant longtemps dans le milieu du cinéma d'animation.
02:18 Et voilà, c'est devenu un modèle.
02:20 Pendant longtemps, la production française était plutôt dirigée sur les séries télé.
02:24 Et encore une fois, avec peu de risques pris,
02:26 pour tout un tas de raisons que j'évoquais un peu plus tôt sur les méthodes de diffusion,
02:31 le public ciblé, et ça fait que c'était des choses que même moi, je ne regardais pas tellement.
02:37 En fait, ce n'était pas vraiment le genre de produit que j'avais envie de regarder.
02:40 Ça ne m'était pas destiné.
02:42 Donc voilà, quand même, j'ai tendance à penser que ça change.
02:44 De plus en plus, il y a de longs métrages.
02:45 C'est régulier maintenant.
02:46 Il y a au moins trois, quatre longs métrages par an français qui sortent,
02:51 plus ou moins pour enfants, plus ou moins pour adultes.
02:53 Mais les films pour adultes sont quand même un peu plus présents maintenant,
02:57 avec des sujets plus historiques, plus sociaux, comme on peut penser à Persepolis,
03:03 qui pour moi est un jalon de ce revirement,
03:06 qui a donné aussi des films comme Les Hirondelles de Kaboul ou J'ai perdu mon corps,
03:11 qui est dans encore un autre type de typologie,
03:13 mais qui est encore sous une forme assez autorisante.
03:17 Et tout ça, c'est évidemment très bien.
03:18 Mais c'est vrai que moi, je me disais, mais maintenant, tout ça, c'est cool.
03:23 Mais c'est finalement du cinéma français, d'une certaine manière classique.
03:26 Maintenant, j'aimerais bien qu'on y mette du genre.
03:29 L'animation SF en France, on les compte sur le doigt d'une main.
03:32 Oui, c'est ça.
03:33 Il y a les trois films de René Lalou, La planète sauvage,
03:36 Les maîtres du temps et Gandar, Kaina la prophétie et Renaissance.
03:40 Voilà, je suis le 6 de la deuxième main.
03:43 Parsexpress, c'est incroyable.
03:44 En 50 ans.
03:46 Oui, en 50 ans.
03:47 Tu as de l'espoir sur ce type de production là, à l'avenir en France ?
03:50 Moi, je pense que ça peut avancer.
03:51 Alors après, sous réserve que des films comme ceux qu'on est en train de produire
03:56 fonctionnent en tout cas en termes simplement économiques.
03:59 C'est aussi ça qui fait quand même vachement tourner la machine.
04:02 Mais je ne vais pas faire une Guillaume Canet et dire que si vous n'allez pas voir Parsexpress,
04:06 c'est fini le cinéma d'animation français.
04:08 J'en suis pas là, heureusement.
04:09 Mais par contre, ça serait cool d'aller le voir.
04:12 Ce que je souhaite, c'est une pluralité des formes et des genres dans le cinéma d'animation
04:17 qui, par ailleurs, n'est pas un genre.
04:19 C'est une technique du cinéma, l'animation.
04:22 C'est Del Toro qui est le premier avocat du fait que...
04:24 Alors Del Toro, même, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce qu'il dit.
04:26 Il dit que c'est un médium.
04:27 Et moi, je pense que le médium, c'est le cinéma et que l'animation,
04:31 c'est un ensemble de techniques du cinéma.
04:33 Voilà, mais c'est tout ça dans le même médium qui est le cinoche.
04:36 Alors, c'est le cas avec la musique, par exemple.
04:38 C'est vrai que j'ai perdu mon corps à gagner le César de la musique.
04:41 Donc, sous-entendu, c'est quand même de la musique de film.
04:43 Malgré tout.
04:44 *Bruit de téléphone*
04:45 *Bruit de téléphone* "TOMINI !"

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