Pourquoi le chômage va remonter en France plus fort qu'en zone euro [Alexandre Mirlicourtois]

  • l’année dernière
En marge des pays européens, la France n’est pas à l’abris d’un fort rebond du chômage. Il faut se pencher sur les deux éléments constitutifs de l’équation de départ avec d’un côté les créations nettes d’emplois auxquelles fait face la population active. Cette dernière dépend de la dynamique démographique, de l’âge moyen d’entrée et de sortie de la vie active et enfin des comportements d’activité. Deux de ces points vont pénaliser la France à court terme. Démographiquement, la trajectoire prise par la population française en âge de travailler est nettement supérieure à celle des autres pays européens. Il faudra donc générer plus d’emplois en France qu’ailleurs pour coller aux variations spontanées de la main d’œuvre. Ce handicap va se retrouver décupler par les conséquences de la réforme des retraites. Pour mémoire, elle fait reculer progressivement l'âge légal d'ouverture des droits de 62 ans à 64 ans d’ici 2030, soit au rythme d’un trimestre en moyenne par an.
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00:00 En marge des pays européens, la France n'est pas à l'abri d'un fort rebond du chômage.
00:14 Il faut se pencher sur les deux éléments constitutifs de l'équation de départ,
00:18 avec d'un côté les créations nettes d'emplois auxquelles fait face la population active.
00:22 Cette dernière dépend de la dynamique démographique, de l'âge moyen d'entrée et de sortie
00:28 de la vie active et enfin des comportements d'activité.
00:31 Deux de ces points vont pénaliser la France à court terme.
00:35 Démographiquement, la trajectoire prise par la population française en âge de travailler
00:39 est nettement supérieure à celle des autres pays européens.
00:42 Il faudra donc générer plus d'emplois en France qu'ailleurs
00:45 pour coller aux variations spontanées de la main-d'œuvre.
00:48 Ce handicap va se retrouver décuplé par les conséquences de la réforme des retraites.
00:53 Pour mémoire, elle fait reculer progressivement l'âge légal d'ouverture des droits de 62 à 64 ans d'ici 2030,
01:00 soit au rythme d'un trimestre en moyenne par an.
01:03 Autre mesure, la durée de cotisation pour obtenir un taux plein passera de 42 à 43 ans d'ici 2027 et non plus 2035.
01:11 Ces deux changements auront un effet mécanique sur la population active,
01:15 au-delà même du fait que les actifs sortiront plus tard de leur vie professionnelle.
01:19 L'effet horizon doit aussi être intégré.
01:23 Autrement dit, le fait qu'à l'approche de l'âge de la retraite,
01:25 les personnes concernées modifient leur comportement d'activité
01:29 et que les entreprises infléchissent leur stratégie de recrutement ou de licenciement.
01:33 Bref, les incitations à rechercher un emploi ou à recruter diminuent à l'approche du seuil.
01:39 Concrètement, cela se manifeste par un taux d'activité structurellement plus faible chez les seniors,
01:45 la chute allant crescendo plus la date butoir se rapproche.
01:48 Reculer l'horizon de la fin de vie active retarde ces modifications de comportement,
01:53 accroît le taux d'activité des actifs âgés.
01:56 Conséquence de ces transformations, la main-d'œuvre mobilisable française va fortement progresser.
02:02 C'est à rebours de ce qui était annoncé.
02:04 La France se retrouve ainsi dans une position singulière, avec sa dynamique démographique
02:09 et les conséquences d'une réforme des retraites plus tardive que dans la majorité des pays européens qui l'ont digéré.
02:16 Côté emploi, le décrochage français devrait être aussi plus violent,
02:20 car la chute de la productivité qui a temporairement défait le lien entre croissance et emploi y a été plus sévère.
02:26 Les causes de la baisse de la productivité en France sont complexes, multifactorielles.
02:31 Mais c'est une évidence, la force du quoi qu'il en coûte a stoppé net les défaillances d'entreprises sous-productives et des emplois liés.
02:39 La baisse du soutien public, le remboursement du PGE ont déjà inversé la tendance et les défauts se multiplient,
02:45 collant déjà à leur niveau pré-pandémie.
02:47 200 000 emplois environ sont d'ores et déjà menacés, alors que la purge n'est pas achevée.
02:53 Remontée de la durée du temps de travail, normalisation du taux d'absentéisme devrait également participer à faire remonter la productivité.
03:01 Il faudra donc beaucoup plus de croissance pour générer de l'emploi ces prochains trimestres que ces deux dernières années.
03:07 Or, l'activité mollie.
03:09 À cela s'ajoute le repli des emplois aidés et l'enfoncement de la filière bâtiment-grande pourvoyeuse d'emplois directs et indirects.
03:16 Sa descente aux enfers est plus marquée dans l'hexagone qu'en Europe.
03:20 Résultat, alors que le taux du chômage en 2024 devrait se maintenir en zone euro à son niveau de 2023,
03:27 il pourrait refranchir en France la barre des 8% avant la fin d'année 2024.
03:32 Mais il y suffirait que le taux d'activité des seniors soit plus fort que prévu,
03:36 que l'éclémage des entreprises amplifie le redressement de la productivité
03:39 et c'est alors la barre des 9% qui se rapprocherait très vite.
03:44 Le retour du plein emploi d'ici 2027 semble hors d'atteinte.
03:47 Le chômage en France n'est toujours pas vaincu.
03:50 [Musique]

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