• il y a 2 ans

Category

📺
TV
Transcription
00:00 À l'Adelon, il y a des milliers de personnes qui souhaiteraient avoir votre physique.
00:03 Moi, je me pose une question.
00:06 Avez-vous toujours été satisfait du vôtre ?
00:07 Oui, absolument.
00:08 Tout à fait à l'aise.
00:09 Tout à fait à l'aise.
00:10 Jamais senti mal dans votre peau ?
00:11 Pas du tout.
00:12 Je me senti mal dans ma peau pour d'autres raisons, mais pas pour celle-là.
00:19 Non, non, mais je vais vous dire, je trouve ça...
00:22 Je trouverais ridicule de dire le contraire.
00:24 Lorsque vous étiez adolescent, est-ce que vous vous imaginiez...
00:27 Je m'attendais pas à cette question.
00:30 C'est marrant.
00:31 Lorsque vous étiez adolescent, vous vous identifiez à d'autres acteurs ?
00:33 Pas du tout.
00:34 J'étais absolument au milieu du cinéma.
00:36 Je ne pensais pas que je finirais comme acteur et que je ferais du cinéma, que je
00:39 ferais ce métier.
00:40 Ça ne m'avait jamais effleuré l'esprit.
00:42 Je n'avais pas spécialement d'idole, si ce n'est lorsque j'étais militaire, Jean
00:47 Gabin.
00:48 J'ai vu en tant que militaire à Saigon, en 55, je crois, "Touchez pas au Grisby".
00:54 Ça, c'était un des grands souvenirs de ma vie.
00:56 Et quelle est la circonstance dans laquelle vous avez rencontré Jean Gabin pour la première
00:58 fois sur un plateau ?
00:59 Au cours de notre première rencontre cinématographique, qui était "Mélodie en sous-sol", je crois,
01:04 c'était en 1963, quelque chose comme ça.
01:07 J'étais présenté à lui par le producteur du film.
01:10 Vous étiez impressionné ?
01:11 Très impressionné, bien sûr.
01:12 Toujours très impressionné de voir un acteur comme Gabin.
01:15 D'abord un personnage et un acteur grandissime ensuite, que je regrette beaucoup et à qui
01:20 je tire un coup de chapeau ce soir.
01:22 Quelle attitude avait-il à votre égard ?
01:24 Il s'est levé, il a retiré sa casquette et il m'a dit "Bonjour, Monsieur".
01:28 J'ai dit "Bonjour, Monsieur Gabin".
01:31 C'était pas l'habitude déjà qu'on m'appelle "Monsieur".
01:36 Il avait ses principes, il avait ses choses à lui, il avait cette espèce de bon ami,
01:43 et cet côté paternaliste et paysan à la fois très émouvant et très touchant.
01:48 Alors si vous ne pensiez pas à Alain Delon au cinéma...
01:49 Quelqu'un de bien élevé, très bien élevé.
01:51 À quoi rêviez-vous lorsque vous étiez jeune ? À quelle profession vous destiniez-vous
01:55 ?
01:56 Je ne savais pas vraiment.
01:58 Alors ça c'est une question très difficile.
02:00 Je ne savais pas parce que j'ai eu une enfance assez difficile, assez mouvementée et assez
02:05 turbulente d'abord, en bas âge.
02:07 Ensuite je me suis très vite engagé dans l'armée.
02:08 Je suis parti dans l'armée à 17 ans avec une dérogation familiale.
02:13 J'étais en Indochine à 18 ans.
02:14 Je suis revenu à 21 ans.
02:15 Donc tout ça fait des choses très brèves et très rapides.
02:19 Je ne savais pas du tout lorsque je suis rentré ce que j'allais faire et j'étais ouvert
02:22 à tout.
02:23 D'ailleurs j'ai eu pendant deux ans une existence assez, disons, décousue avant de tomber par
02:28 hasard et par miracle sur le cinéma.
02:30 Je ne vous raconterai pas comment je suis arrivé.
02:31 Ça prendrait le temps d'une émission.
02:33 Mais je n'avais pas, si vous voulez, de but précis ni d'envie bien précise.
02:37 Ce que je savais par contre, ce que j'ai toujours su, c'est que ce que j'entreprendrais, je
02:42 le réussirais.
02:43 Parce que j'ai toujours eu cette foi et cette volonté de réussir ce que j'entreprendrais.
02:46 Et je me disais toujours peut être qu'un jour je deviendrai sireur de chaussures sur
02:50 les Champs-Elysées.
02:51 Pas n'importe où.
02:52 Vendeur de journaux.
02:53 Mais je veux être le meilleur crieur de journaux des Champs-Elysées.
02:56 Je crois que c'est une question de tempérament.
02:58 Question de Scorpion.
02:59 Ça me fait plaisir parce que elle est scorpione.
03:02 Elle aussi.
03:03 Parce qu'elle, son anniversaire, elle l'a eu hier, moi avant-hier.
03:06 Bon anniversaire.
03:07 Nous sommes toujours en décalage.
03:10 Change de baisement.
03:11 Le propre du métier d'acteur, avez-vous écrit, est de ne pas avoir de frontières.
03:16 Quand entendez-vous parler.
03:18 Est-ce vraiment un métier qui…
03:20 C'est-à-dire que je considère un acteur, si vous voulez, professionnel, comme un apatrite.
03:25 Je veux dire le propre de l'acteur c'est de passer les frontières.
03:28 Je suis ici ce soir parce que je passe les frontières.
03:31 Plastique est demain à Tokyo parce qu'il passe les frontières.
03:35 Je veux dire c'est le propre de l'acteur.
03:36 C'est la définition telle que je la conçois.
03:38 Et je ne conçois pas mon métier autrement.
03:40 Sinon je deviens un acteur national.
03:43 Sinon un acteur de village.
03:45 Et ça ne m'intéresse pas.
03:46 Sinon je fais autre chose.
03:47 Je veux dire c'est ça l'acteur.
03:48 L'acteur c'est le saletin blanc.
03:49 Et je crois que maintenant en plus on a vraiment besoin de devenir de plus en plus international.
03:53 Bien sûr.
03:54 Moi…
03:55 C'est ce que vous faites Plastique puisque vous chantez aussi bien au Japon…
03:57 Au Japon, aux Etats-Unis, je sais le plusieurs fois.
04:00 Et puis là on n'a pas de frontières.
04:01 Tout le monde le sait.
04:02 Même la langue finalement n'est pas un problème.
04:05 Mais ce n'est pas ainsi que j'avais compris cette phrase.
04:07 Moi j'avais compris que vous vouliez dire par là, Alain Delon, qu'un acteur ne devait
04:10 pas avoir de frontières dans les genres.
04:12 Et que par conséquent il devait être capable d'interpréter tous les rôles.
04:15 Non, ce n'est pas comme ça que je l'entendais.
04:18 Non, mais c'est aussi possible.
04:19 Oui, bien sûr.
04:20 Non, non, quand je disais pas de frontières, c'était vraiment démographique.
04:22 Et pourtant lorsque vous vous êtes essayé à l'autre genre, enfin lorsque vous avez
04:25 essayé de sortir de votre personnage dans le genre de la comédie, par exemple je pense
04:28 à Doucement les basses, il semble que le public ne vous ait pas suivi.
04:30 Il ne semble pas, c'est vrai, oui.
04:33 Mais ça si vous voulez, alors là, toujours sans prétention, je conçois ça si vous voulez
04:38 comme ce que le public appelle le mythe.
04:40 C'est-à-dire les gens se font une certaine image d'un acteur ou une certaine image d'un
04:44 personnage.
04:45 Et lorsque ce personnage ou cet acteur dépasse disons un certain niveau, tout en restant
04:49 modeste, à ce moment-là les gens, sans tomber dans le stéréotype, les gens ont envie de
04:53 voir l'acteur d'une certaine façon dans un certain genre de rôle et dans un certain
04:59 style de personnage.
05:00 Ça c'est vrai.
05:01 Et lorsque vous voulez en sortir, lorsque vous voulez démarquer ou émarger de ce genre
05:06 de personnage, en général il n'est pas accepté, voire rejeté, voire repoussé.
05:10 Et c'est ce qui s'est passé.
05:12 Si vous voulez, je ne suis pas, disons que je suis un tragédien.
05:15 Les gens n'aiment pas me voir dans la comédie.
05:17 En plus, disons que je suis par définition cinématographique un héros.
05:22 Et un héros n'est pas quelqu'un de drôle.
05:24 Un héros, il n'y a pas de héros sympathique.
05:26 On n'est héros que parce qu'on meurt.
05:28 Et on meurt parce qu'on n'est pas drôle, je veux dire.
05:30 Donc si vous voulez, c'est quand même une certaine mythologie qui s'est installée
05:34 autour du personnage de long et qui fait que les gens ne m'aiment pas et ne me souhaitent
05:38 pas dans les comédies.
05:39 C'est vrai, c'est un fait.
05:40 En plus, je n'ai pas une tête qui fait rire.
05:42 Je faisais toujours un parallèle.
05:43 Je faisais toujours un parallèle avec mon copain Belmondo, si vous voulez.
05:47 Bon, vous avez la porte d'un, comme je disais toujours, cette image ridicule, vous avez
05:51 la porte d'un compartiment qui s'ouvre, il passe la tête, tout le monde rit.
05:53 Moi j'ouvre la porte, je passe la tête, personne ne rit.
05:56 Bon, c'est évident, c'est aussi simple, c'est aussi abaissé d'air que ça le cinéma,
05:59 vous savez.
06:00 Vous connaissez donc parfaitement la fourchette, quand le public vous accepte.
06:04 Je connais ça très bien.
06:05 Disons que la fourchette n'est pas étroite, attention.
06:07 Non, non, mais d'accord.
06:08 Vous l'avez prouvé à travers quantité de rôles.
06:10 Justement à propos de ces rôles, Alain Delon, est-ce que vous êtes plus satisfait
06:12 lorsqu'ils vous permettent de défendre une cause ? Je pense à des films qu'on pourrait
06:17 taxer d'être des films à thèse, entre guillemets, comme "Deux hommes dans la ville", par exemple.
06:21 Oui, j'avais déjà pensé à "Deux hommes dans la ville" lorsque vous avez formulé
06:24 votre question.
06:25 Disons que par principe, pas par principe, par définition, je ne suis pas un acteur
06:30 à thèse ou à message.
06:31 Je ne suis pas un acteur qui aime défendre des positions à l'intérieur de mes films.
06:35 Ça peut se trouver, ça s'est trouvé avec "Deux hommes dans la ville" puisque vous
06:37 l'avez cité, en ce qui concernait la peine de mort.
06:41 Très bien.
06:42 Si ça se trouve, très bien, j'en accepte l'augure, mais je ne le cherche pas par définition.
06:46 D'accord.
06:47 Parce que j'estime que, avant tout, l'acteur doit être un homme de spectacle.
06:50 Je veux dire, fait du cinéma, c'est une chose, fait de la politique, c'est une chose.
06:53 C'est autre chose.
06:54 Je ne suis pas, si vous voulez, politisé le cinéma.
06:56 Donc, je ne suis pas un acteur engagé.
06:58 On ne pourrait pas adresser la liste de vos grands sujets de bataille.
07:01 Absolument pas.
07:02 Pensez-vous, Alain Delon, que le plus difficile dans ce genre de carrière cinématographique
07:06 soit d'avoir sa première chance ou de durer ?
07:08 Non, d'arriver, c'est facile.
07:10 Ce qui est difficile, c'est de rester.
07:11 Durer, c'est difficile.
07:12 Demeurer, c'est difficile.
07:13 Parce que ça, ça s'acquiert à force de travail, à force de concentration, à force
07:20 d'intelligence professionnelle et à force de temps.
07:22 Parce que les choses s'apprennent, les choses se décampent.
07:24 Et la chance ?
07:25 La chance est au départ, ce n'est plus après.
07:26 La chance, on peut l'avoir une fois, mais on peut aussi l'avoir passé et ne pas savoir
07:29 l'attraper, ne pas savoir la saisir.
07:30 Mais dans toute chose, il y a une part de chance.
07:33 Dans toute chose et dans toute profession, il y a une part de chance.
07:37 Mais la chance passe une fois.
07:39 Après, il faut demeurer et rester de la même façon.
07:41 Et il n'y a plus de chance.
07:42 Vous avez eu une chance ou plusieurs chances à saisir tout au long de votre carrière,
07:47 jusqu'à maintenant ?
07:48 Je crois que dans la vie, il y a des personnages chanceux et des personnes malchanceux.
07:53 Disons que je suis un personnage sûrement chanceux, que la chance m'a… j'ai florté
07:58 avec la chance sûrement plusieurs fois dans ma vie.
08:00 Je ne suis pas le seul, je veux dire.
08:02 Mais je crois qu'il y a, je crois beaucoup aux signes, je crois beaucoup aux astres et
08:05 je crois qu'il y a dans la vie des gens heureux, chanceux et des gens chcoumounards,
08:10 comme on dit.
08:11 Ça, ça me paraît évident.
08:12 De la même façon qu'il y a des gens qui, lorsqu'on les voit, je veux dire, je regarde
08:16 le plastique, c'est un gagnant.
08:18 Je vois qu'il y a le physique d'un gagnant.
08:20 Il y a des gens, on les regarde, ils sont tristes et des perdants.
08:23 D'avance, ils ont perdu.
08:24 Bon.
08:25 Je ne crois beaucoup pas ça.

Recommandations