Crépol: le gouvernement peine à trouver les bons mots

  • l’année dernière
Matthieu Deprieck, journaliste au service politique, revient sur les difficultés rencontrées par le gouvernement pour qualifier et analyser le drame de Crépol
Transcript
00:00 La difficulté maintenant pour le gouvernement, c'est d'avoir dit en gros, d'avoir dit blanc en semaine 1 et d'avoir dit noir en semaine 2.
00:06 Ce qui s'est joué à Crépole, on l'a tous vu, c'est une histoire de sécurité, de maintien de l'ordre, d'agression, qui a conduit au meurtre du jeune Thomas.
00:18 Ce qui s'est joué aussi, c'est une question de sémantique et ça s'est joué surtout du côté du gouvernement.
00:24 Quelques jours après la mort de Thomas, on est le mercredi, compte rendu du conseil des ministres et Olivier Véran est interrogé sur le risque d'ensauvagement de la société.
00:33 "Ensauvagement", c'est un mot qui est utilisé depuis longtemps par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
00:36 Olivier Véran dit "Non, il n'y a pas de risque d'ensauvagement, j'ai confiance en la société, elle est solide, elle tiendra".
00:42 Lundi, 5 jours plus tard, il dit "Il y a un risque de basculement de la société".
00:45 Olivier Véran est en déplacement à Crépole et il dit ça, il y a un risque de basculement de la société.
00:50 On peut se demander alors, qu'est-ce qui s'est passé en 5 jours ? Pourquoi on est passé d'un propos d'apaisement à un propos plus dramatisant ?
00:56 Et c'est tout l'enjeu de cette affaire de Crépole.
00:59 Ce qui a joué dans cette bascule, ce passage de l'apaisement à la dramatisation, c'est une manifestation dans la nuit de samedi à dimanche, à Romance-Urizer,
01:11 donc juste à côté de Crépole dans la Drôme.
01:13 Cette manifestation a inquiété jusqu'en haut lieu, à Matignon par exemple, la première ministre a craint que se déclenchent des opérations punitives,
01:22 une espèce de justice personnelle dans certains quartiers, pris d'assaut par quelques dizaines de militants d'extrême droite.
01:27 De là, il y a plusieurs façons de réagir, on peut envoyer effectivement les forces de l'ordre pour essayer de canaliser ces manifestations spontanées et sauvages,
01:35 et il faut aussi pouvoir poser les bonbons.
01:37 On en revient à cette histoire de sémantique, et c'est ce qui explique en grande partie pourquoi Olivier Véran, alors qu'il ne voulait pas endosser le terme d'ensauvagement la semaine dernière,
01:46 cette semaine dit "il y a un risque de basculement".
01:48 "Basculement", c'est pas neutre comme mot, ça porte derrière.
01:51 Tous les marqueurs d'un fantasme qui est très puissant dans les électorats des extrêmes, c'est le fantasme d'une guerre civile.
01:56 Quand on demande aux Français "est-ce que la France va vers la guerre civile ?", il y a deux électorats qui répondent très largement "oui".
02:02 C'est l'électorat LFI, 61% environ dans un sondage Harris Actif qui date de 2021, et quasiment 80% du côté du RN.
02:09 Ce mot "basculement", il n'est pas innocent, il n'est pas anodin, et il vient après cette manifestation de samedi soir à Romand-sur-Isère.
02:14 La difficulté maintenant pour le gouvernement, c'est d'avoir dit "en gros", d'avoir dit "blanc" en semaine 1, et d'avoir dit "noir" en semaine 2.
02:25 Ça pose la question de sa crédibilité, ça pose la question d'un retard à l'allumage.
02:29 C'est-à-dire, est-ce que l'exécutif a pris conscience de la gravité de ce qui s'était passé à Crépole, et surtout de la résonance dans l'opinion publique ?
02:35 Une députée de la majorité disait par exemple "après les émeutes urbaines fin juin, début juillet, on a eu un peu le même retard à l'allumage".
02:42 C'est-à-dire qu'il y a eu un effet de sidération, on a voulu maintenir la cohésion nationale, ensuite on a pris conscience de la nécessité de poser des mots très forts,
02:50 et d'appeler un retour d'une autorité, d'avoir un discours finalement très ferme.
02:53 Voilà plusieurs avertissements qui suivent la majorité. Attention au prochain fait divers, à ne pas avoir de retard à l'allumage, et à prendre conscience très vite que
03:00 quand un fait divers marque une population, il faut prendre derrière un discours qui marque lui aussi l'opinion publique.
03:06 [Musique]

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