Marie-Noëlle Battistel, députée Socialiste de l'Isère.
La montagne, ça vous gagne! Le slogan colle parfaitement à Marie-Noëlle Battistel. Ancienne monitrice de ski, c'est pour défendre son village de montagne en partie détruit par un glissement de terrain qu'elle s'est engagée en politique. Aujourd'hui, elle poursuit son combat pour les territoires enclavés en tant que députée.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
La montagne, ça vous gagne! Le slogan colle parfaitement à Marie-Noëlle Battistel. Ancienne monitrice de ski, c'est pour défendre son village de montagne en partie détruit par un glissement de terrain qu'elle s'est engagée en politique. Aujourd'hui, elle poursuit son combat pour les territoires enclavés en tant que députée.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
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00:00 "La montagne, ça vous gagne", ce slogan colle parfaitement
00:03 à mon invité. Ancienne monitrice de ski,
00:05 c'est pour défendre son village de montagne
00:08 qu'elle s'est engagée en politique.
00:10 Un combat pour ses territoires enclavés
00:13 qu'elle mène en tant que députée.
00:15 Musique de tension
00:17 ...
00:29 -Bonjour, Marine-Noëlle Batistel. -Bonjour.
00:31 -Vous êtes députée du groupe Socialiste,
00:34 mais à votre début, ce n'est pas pour défendre les idées
00:37 d'un parti que vous vous êtes engagée.
00:39 Un élément déclencheur, c'est un drame qui a frappé
00:42 votre village de la Salambeaumont, en Isère.
00:45 C'était dans la nuit du 7 au 8 janvier 1994.
00:48 -Voici ce qui reste de la partie haute
00:50 du village de Salambeaumont, 200 habitants.
00:53 C'était la maison du boulanger.
00:55 Et voici où, cette nuit, s'est arrêtée la National 85,
00:58 la route Napoléon, qui relie ou plutôt reliait Grenoble à Gap.
01:01 -Il nous est arrivé, ça, c'est la montagne qui est tombée.
01:05 Et c'est tout.
01:06 -Deux couples manquent toujours à l'appel.
01:08 Leur maison était là avant le passage d'un mur de boue
01:12 de 30 m de haut et 200 m de large.
01:14 -Quatre personnes sont mortes dans ce glissement de terrain.
01:17 C'est vraiment ce drame-là qui a déclenché
01:20 votre envie de vous engager en politique ?
01:22 -Oui, tout à fait. C'est finalement un événement tragique
01:25 dans cette commune, où j'habitais déjà depuis plusieurs années,
01:30 qui a déclenché mon envie d'aller plus loin.
01:32 Je militais beaucoup dans le monde associatif à cette époque.
01:36 Et on a évidemment s'est engagé pour aider les sinistrés,
01:41 puisqu'il y a eu quatre personnes décédées,
01:43 mais il y a eu aussi dix familles qui ont perdu leur maison
01:46 et qu'il fallait accompagner.
01:48 J'ai vite vu les limites du monde associatif
01:51 et de l'action associative pour, finalement, ensuite,
01:54 reconstruire, passer à la reconstruction du village.
01:57 C'est comme ça que j'ai décidé de m'engager
01:59 dans l'élection municipale de 1995, l'année suivante,
02:03 où j'ai été élue conseillère municipale d'opposition
02:06 avec deux autres de mes collègues.
02:08 Je suis devenue maire en 1998,
02:11 trois ans plus tard après la démission du maire précédent.
02:15 -Le maire a démissionné.
02:16 Il y a plusieurs élus de sa propre liste
02:19 qui ont décidé de voter pour vous, contre toute attente.
02:22 -Tout à fait. -Vous êtes donc
02:24 devenue maire pendant 19 ans.
02:25 Vous avez aussi été conseillère régionale,
02:28 présidente de l'intercommunalité,
02:30 aujourd'hui députée, mais vous dites que c'est ce mandat
02:33 à la tête d'un village de 300 habitants que vous avez préféré.
02:36 -Parce que la proximité, pour moi, c'est mon ADN,
02:40 et c'est vrai que quel est le plus beau mandat
02:42 pour un élu que celui de maire,
02:44 où on est au contact des concitoyens tout le temps,
02:47 j'ai envie de dire matin, midi et soir,
02:49 où chacun a notre numéro de portable
02:52 et on est interpellé pour toutes les situations,
02:55 qu'elles soient sociales ou d'autres difficultés.
02:58 Et on a aussi une capacité d'agir extrêmement rapide.
03:02 Quand on prend des décisions dans une commune de 350 habitants,
03:07 on peut quasiment l'appliquer le lendemain matin.
03:09 -Ce qui n'est pas le cas quand on est député.
03:12 -C'est pas le cas dans ma mission d'aujourd'hui.
03:15 -C'est donc l'effondrement d'une montagne,
03:17 un drame à l'origine de votre engagement en politique.
03:21 On parle des sujets qui vous mobilisent.
03:23 On voit que la montagne est partout.
03:25 Vous avez d'ailleurs présidé l'ANEM,
03:27 l'Association nationale des élus de montagne.
03:30 Quand vous en parlez, vous présentez cette association
03:33 comme le parti de la montagne.
03:35 Quand on est élu de montagne, il n'y a plus de droite, de gauche,
03:38 de centre, on défend tous la même cause.
03:41 -Les combats de la montagne sont transpartisans.
03:43 Effectivement, ce que j'ai beaucoup aimé
03:46 dans cette association, c'était vraiment
03:49 d'avoir un rassemblement d'élus,
03:51 quel que soit leur bord politique,
03:53 qui porte les mêmes valeurs et la même défense
03:56 de ces territoires de montagne,
03:58 et la défense de la spécificité montagnarde,
04:00 qui est quand même un sujet extrêmement important
04:03 pour les gens qui y vivent,
04:05 qui est vraiment difficile à faire entendre à l'Assemblée.
04:08 Ca fait 13 ans que je suis députée,
04:10 et j'ai l'impression que je rabâche de manière permanente
04:14 que la spécificité de la montagne doit être prise en compte,
04:17 ce qui n'est pas du tout toujours le cas.
04:19 -En 2007, vous avez franchi une nouvelle étape
04:22 dans votre engagement avec Didier Migaud,
04:24 qui vous a proposé de devenir sa suppléante.
04:27 Il se trouve que trois ans plus tard,
04:29 Didier Migaud a été nommé à la présidence de la Cour des comptes.
04:32 Il a fallu trouver quelqu'un au sein du PS pour lui succéder,
04:36 et le Parti socialiste vous a choisi, vous.
04:39 Vous n'y attendiez pas du tout.
04:41 Pourquoi ? Vous vous projetiez pas
04:43 dans ce mandat-là de député ?
04:45 -La petite anecdote, c'est que lorsque j'ai accepté
04:47 d'être la suppléante de Didier Migaud,
04:50 j'étais d'ailleurs surprise qu'il vienne à l'époque
04:53 me solliciter, et je lui avais dit
04:55 "Très bien, mais ne sois jamais ministre,
04:57 "parce que je ne souhaite pas être députée."
05:00 Trois ans après, il avait tenu son engagement,
05:02 il n'a pas été ministre, mais enfin...
05:04 -C'était un autre cas de figure. -Pas du tout.
05:07 Il a dû démissionner, et la question s'est posée
05:10 de comment... Qui pourrait lui succéder ?
05:14 J'ai donc eu une semaine pour réfléchir.
05:16 Est-ce que je m'engage dans ce mandat
05:18 qui était absolument pas prévu pour moi ?
05:21 Est-ce que j'ai suffisamment de temps et de capacité
05:24 pour m'y investir pleinement ?
05:25 Et puis, l'aventure était sur mon trobel à tenter,
05:29 et j'ai accepté de le faire,
05:31 et j'ai été soutenue, effectivement,
05:33 par le Parti socialiste, car à l'époque,
05:35 je n'étais pas socialiste, c'était pas une condition
05:38 que m'avait posée Didier Migaud
05:40 pour partir avec lui dans cette aventure.
05:42 -Vous avez été élue, réélue,
05:45 et vous-même, vous avez dû choisir un suppléant.
05:48 Les liens entre un député et son suppléant
05:50 peuvent être très forts, mais la politique
05:52 est aussi faite de trahison.
05:54 Vous avez connu cela en 2017, on était à un mois
05:57 des législatives, quand votre suppléant,
05:59 non seulement a changé de bord, il a rejoint Emmanuel Macron,
06:03 mais il s'est présenté face à vous, aux législatives.
06:06 Comment on se remet d'un coup pareil ?
06:08 -D'abord, on est un peu surpris,
06:11 on est un peu sous le choc de se dire,
06:13 "Bon, s'il me l'avait dit six mois ou un an avant,
06:16 "je me sens plus bien au sein du Parti socialiste
06:18 "et j'envisage de rejoindre Emmanuel Macron",
06:21 bon, très bien, chacun fait sa voix,
06:25 et là, ça a été quand même assez soudain,
06:27 j'y étais pas forcément préparée,
06:29 et puis on n'avait pas beaucoup de temps
06:31 pour trouver un autre suppléant et se relancer
06:34 dans cette dynamique, ça coupe la dynamique,
06:37 et de se relancer dans cette campagne,
06:39 bon, nous l'avons fait, nous avons relevé le défi,
06:42 et aujourd'hui, j'ai un suppléant extrêmement fidèle
06:45 qui m'accompagne, et voilà, les choses sont passées,
06:49 mais c'est vrai que la politique est parfois difficile.
06:53 -Et surtout, ça a failli vous coûter votre siège à l'Assemblée,
06:56 parce qu'au soir du premier tour de cette élection,
06:59 votre ancien suppléant avait 14 points d'avance sur vous,
07:02 tout le monde pensait qu'il allait gagner au second tour,
07:05 et pourtant, vous l'avez emporté avec 8 points d'avance sur lui.
07:09 Plusieurs élus de droite avaient appelé à l'époque
07:12 à voter pour vous dans l'entre-deux-tours.
07:14 Est-ce que vous diriez que c'est le parti de la montagne
07:17 qui vous a aidé à remporter cette élection ?
07:19 -Oui, je crois que c'est un peu ça.
07:22 Ca a fait partie de cette réussite collective.
07:25 J'ai l'habitude de dire que cette campagne,
07:28 ça a été la plus difficile de par ses événements,
07:31 mais aussi la plus belle, parce que c'était une victoire collective
07:34 avec un rassemblement d'élus et de citoyens
07:37 qui n'étaient pas forcément de mon camp politique,
07:40 mais qui ont voulu marquer le fait que ça ne se fait pas,
07:43 d'avoir un comportement comme ça à la dernière minute.
07:46 Et puis, les montagnards se sont aussi mobilisés
07:49 en disant textuellement, un élu m'a dit,
07:51 "Non, c'est pas possible,
07:53 "on ne peut pas perdre notre député de montagne."
07:56 Et donc, il y a eu une forte mobilisation...
07:58 -Ils se retrouvaient dans les combats
08:00 que vous avez menés. -Et puis, la proximité
08:03 avec laquelle je traitais les sujets de manière régulière.
08:06 Et donc, je suis passée, effectivement,
08:08 de 19 % au premier tour à 58 % au deuxième tour,
08:11 ce qui est un grand saut.
08:13 -Depuis 2022, vous siégez dans une assemblée
08:16 qui n'a pas de majorité absolue,
08:18 une assemblée qui est quand même plus agitée
08:20 que les précédentes.
08:22 Beaucoup de députés et de ministres s'en plaignent,
08:24 qui parlent même de bordélisation de l'assemblée.
08:27 Vous ne vous en plaignez pas ?
08:29 -C'est pas que je ne m'en plains pas,
08:31 il y a des moments difficiles.
08:33 Je trouve plus d'intérêt à ce mandat
08:35 que à ce mandat précédent,
08:37 puisqu'il y avait une forte majorité
08:39 et que la parole de l'opposition était réduite à néant.
08:42 Là, on a quand même une capacité à agir
08:45 lorsque la majorité recherche une majorité, effectivement.
08:49 -Vous avez créé votre entreprise de transport
08:52 peu de temps après votre première candidature au municipal.
08:55 Vous en êtes restée la patronne, y compris après votre élection
08:59 à l'Assemblée. On vous voit au volant d'un de vos autocars.
09:03 C'est compliqué de gérer une entreprise
09:05 tout en étant députée ?
09:06 -Oui. Chacun peut comprendre que c'est extrêmement difficile.
09:10 -Vous l'avez fait pendant plusieurs années.
09:12 -J'étais maire de la commune de la Seine-en-Romand,
09:15 puisqu'il n'y avait pas la loi sur l'encumul des mandats.
09:18 Lorsque je suis arrivée en 2010,
09:21 ça faisait trois ans que je m'étais lancée
09:25 dans cette aventure d'entreprise de transport
09:28 avec un associé,
09:30 et donc j'étais élue, censée être élue pour deux années.
09:33 Je me suis dit... -Il fallait garder un filet de sécurité.
09:36 -Et puis en 2012, après avoir vu pendant deux ans
09:39 ce qui se passait à l'Assemblée et voir un certain nombre d'élus
09:43 qui me paraissaient assez déconnectées
09:45 des choses, de la réalité et du quotidien des gens,
09:48 je me suis dit que c'était important pour moi
09:51 de garder cette entreprise, de garder cette activité,
09:54 de voir mes salariés le lundi matin ou le vendredi
09:57 et de rester ancrée dans le concret du monde économique.
10:02 Et du coup, j'ai fait ce choix
10:04 alors que j'aurais pu, évidemment, arrêter de travailler.
10:08 -La députée conduisait régulièrement l'autocar ?
10:11 -Oui, je faisais du transport scolaire aussi.
10:13 Les enfants étaient d'un calme plat.
10:15 -Ils devaient être impressionnés.
10:17 -Ca m'est arrivé très régulièrement.
10:20 -Vous avez créé cette entreprise
10:22 parce que vous n'avez pas le tempérament
10:24 pour travailler pour les autres.
10:27 Alors, on peut comprendre aussi
10:29 que ça corresponde aussi à votre goût
10:31 pour ce mandat de maire,
10:32 mais quand on est député,
10:34 est-ce que c'est plus compliqué d'avoir ce tempérament-là ?
10:37 -Je pense que c'est bon d'avoir du tempérament,
10:40 quoi qu'il arrive.
10:41 Dans notre parti, nous avons l'indépendance de position.
10:44 Lorsqu'il y a un sujet qui nous tient à coeur
10:47 et qui ne fait pas partie de la ligne politique globale
10:50 de l'ensemble de notre groupe,
10:52 on a quand même cette liberté de pouvoir à la fois s'exprimer
10:55 et donner sa position à titre personnel.
10:58 Et donc, moi, je trouve ma place
11:01 de manière très facile
11:04 au sein du groupe dans lequel je siège,
11:06 mais c'est vrai que je suis assez indépendante de tempérament
11:10 et que lorsque je suis dans un travail
11:15 ou une mission qui ne me convient plus,
11:17 je préfère en partir plutôt que de mal le faire.
11:20 -On va passer au quiz, à présent.
11:22 Vous allez devoir compléter trois phrases
11:25 que je vais vous proposer.
11:26 On commence par...
11:28 "Entre montagnards à l'Assemblée".
11:31 -Entre montagnards à l'Assemblée. -Entre élus de montagne,
11:35 pas montagnards au sens de la Révolution.
11:38 -Il y a une espèce de connivence et de complicité
11:40 et de partage des mêmes convictions,
11:43 et donc, comme je le disais tout à l'heure,
11:46 une action collective.
11:47 -Le dépassement des clivages, y compris dans l'hémicycle.
11:50 "Faire de la politique, c'est comme conduire un autocar".
11:54 -C'est comme conduire un autocar, il y a des risques.
11:57 On l'a vu tout à l'heure.
12:00 C'est une fonction,
12:02 puisque là, on est sur une fonction plutôt qu'un métier exigeant,
12:06 où on n'a pas forcément le droit à l'erreur,
12:09 ni au volant d'un car, ni à la tribune,
12:12 parce que tous nos mots sont épluchés
12:15 et commentés.
12:17 Donc, j'ai envie de dire que c'est deux métiers exigeants.
12:20 -Enfin, le prochain suppléant qui me trahit,
12:23 il est mort.
12:24 Qu'est-ce qui lui arrivera ? -Il n'en aura plus,
12:28 puisqu'il a vu que ça ne marchait pas.
12:30 Il aura vu que ça ne marchait pas.
12:32 -Il est averti. Le suppléant que vous avez choisi,
12:35 il a pas intérêt. -Je pense qu'il ne me trahira
12:38 jamais et il a, comme moi, à ce stade,
12:40 pas le souhait d'être députée, comme je l'étais précédemment.
12:44 -Bon. Merci beaucoup,
12:45 Marine-Noëlle Battistel, d'être venue dans "La Politique".
12:49 Générique
12:51 ...