"La situation à Gaza est apocalyptique", dénonce le haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme

FRANCE 24

Dans un entretien accordé à France 24, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme se déclare profondément préoccupé par la situation dans la bande de Gaza, qu'il qualifie de "catastrophe humanitaire apocalyptique". Volker Türk dénonce de "graves violations du droit international humanitaire", citant le blocus israélien du territoire et l'utilisation d'explosifs dans des zones densément peuplées. &quot;Si plus de 7 000 enfants ont &#233;t&#233; tu&#233;s, si 70 % des victimes sont des femmes et des enfants, des questions tr&#232;s s&#233;rieuses se posent quant au respect du principe de discrimination et du principe de pr&#233;caution&quot;, explique le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme.Volker T&#252;rk&#160;explique que la d&#233;cision du Secr&#233;taire g&#233;n&#233;ral de l'ONU, Antonio Guterres, d'invoquer l'article 99 de la charte de l'ONU&#160;pour la premi&#232;re fois depuis son entr&#233;e en fonction est un moyen d'exprimer l'urgence de la situation humanitaire &#224; Gaza.&#160;Interrog&#233; sur les accusations de crimes sexuels commis par le Hamas lors des attentats du 7 octobre en Isra&#235;l, Volker T&#252;rk juge que ces actes sont &quot;tout &#224; fait inacceptables&quot; et doivent &#234;tre condamn&#233;s &quot;dans les termes les plus forts&quot;. Il estime que les preuves de plus en plus nombreuses de violences sexuelles commises par les combattants du&#160;Hamas doivent faire l'objet d'une enqu&#234;te. Il esp&#232;re d'ailleurs qu'Isra&#235;l acceptera sa proposition de d&#233;ployer une &#233;quipe sur place pour enqu&#234;ter sur ces all&#233;gations.&#192; lire aussiEn Isra&#235;l, la difficile enqu&#234;te sur les crimes sexuels du HamasEnfin, le haut-commissaire des Nat... Lire la suite sur notre site web. Visitez notre site : http://www.france24.com  Rejoignez nous sur Facebook https://www.facebook.com/FRANCE24  Suivez nous sur Twitter https://twitter.com/France24_fr#

Transcript

00:00 Bonjour et bienvenue dans Tête à Tête, l'émission de Grandes Interviews de France 24.

00:09 Notre invité aujourd'hui est Volker Türk, c'est le haut commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies.

00:14 Il est avec nous depuis Genève au moment où on commémore le 75e anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme.

00:21 Merci beaucoup.

00:24 Merci pour votre invitation.

00:27 Je vais évidemment commencer avec la situation à Gaza.

00:31 Comment est-ce que vous décririez la situation à Gaza du point de vue des droits de l'homme ?

00:38 Ce qui se produit actuellement doit être décrit avec les termes les plus forts.

00:45 Il y a une catastrophe humanitaire apocalyptique, des bombardements incessants,

00:52 des opérations militaires continues de la part d'Israël.

00:55 Il y a de nombreuses personnes qui ont été déplacées à de nombreuses reprises et qui n'ont pas d'endroit sûr.

01:01 Comme le secrétaire général l'a dit hier, c'est l'une des plus graves situations auxquelles nous sommes confrontés

01:09 et les conséquences sont énormes en termes de droits de l'homme et du point de vue du droit international humanitaire.

01:16 Vous avez évoqué ce qu'on appelle des crimes d'atrocité commis à Gaza.

01:22 Est-ce que vous pouvez être plus précis ? S'agit-il de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité ou même de génocide ?

01:29 Le crime d'atrocité est un terme générique qui comprend les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et également le génocide.

01:37 Nous n'avons pas encore déterminé exactement la nature des crimes qui ont été commis.

01:42 En effet, c'est un tribunal de se prononcer.

01:47 Cela étant, c'est très préoccupant car il y a des violations graves du droit international humanitaire,

01:52 s'agissant du blocus par exemple ou bien s'agissant de l'utilisation d'explosifs à zones d'effets très larges, dans des zones très densément peuplées.

02:04 Les faits parlent d'eux-mêmes. Plus de 7000 enfants et plus de 4800 femmes ont été tuées.

02:11 Il y a donc un enjeu de respect du droit international et du droit international humanitaire.

02:19 Est-ce que vous voulez dire qu'Israël vise délibérément les civils à Gaza ?

02:27 Non. Lorsque les guerres éclatent, un certain nombre de principes fondamentaux doivent être respectés.

02:36 Précaution, proportionnalité et nécessité. Et bien sûr aussi la discrimination entre les cibles. Ces principes doivent être respectés.

02:47 Il est très difficile dans la situation actuelle de dire si ces principes ont été respectés ou non.

02:53 En revanche, nous pouvons dire, encore une fois, les faits parlent d'eux-mêmes.

02:58 Si vous avez plus de 7000 enfants tués, si vous avez 70% des victimes qui sont des femmes et des enfants,

03:06 il y a des questions très sérieuses qui se posent sur le respect du principe de discrimination, sur le respect du principe de précaution.

03:17 Et très honnêtement, regardez le blocus, l'aide humanitaire au compte-goutte comparativement aux besoins immenses sur le terrain.

03:28 Ce sont des difficultés très importantes du point de vue du droit international et de l'humanité.

03:32 Donc il y a des difficultés très importantes.

03:35 J'ajoute qu'il y a également une rhétorique déshumanisante.

03:40 Il y a également l'enjeu de la rhétorique déshumanisante de la part de Hamas, mais également de la part de responsables politiques et militaires israéliens.

03:51 Il y a eu l'utilisation d'une rhétorique déshumanisante de l'adversaire et c'est très préoccupant dans un contexte tel que celui-là.

03:59 Antonio Gutiérrez, le secrétaire général de l'ONU, est visiblement très inquiet.

04:05 Ce mercredi, il a appelé le Conseil de sécurité à déclarer un cessez-le-feu immédiat et contraignant à Gaza en utilisant un article rarement invoqué, l'article 99.

04:17 Qu'est-ce que ça veut dire sur son sentiment et celui de l'ONU sur ce qui se passe à Gaza ?

04:24 C'est une situation extrêmement préoccupante.

04:31 C'est ce que le secrétaire général a exprimé en notre nom à tous en envoyant une lettre au Conseil de sécurité en invoquant l'article 99.

04:40 Il ne l'avait jamais fait. C'est la première fois qu'il fait une chose de cette sorte en raison de l'effondrement du système humanitaire.

04:46 Un système humanitaire qui devrait être en place lorsque la guerre éclate.

04:50 On ne peut pas dire au monde, on ne peut pas prétendre qu'il y ait un véritable système d'aide humanitaire dans ces circonstances.

04:57 C'est un appel d'urgence au monde pour alerter sur la situation à Gaza.

05:02 Qu'en est-il des crimes commis par le Hamas le 7 octobre ?

05:07 On voit ces derniers jours émerger des preuves de crimes sexuels.

05:12 Qu'est-ce que fait l'ONU à ce propos ? Parce que les Israéliens ont l'impression que l'ONU ignore délibérément ce problème.

05:20 Ce que le Hamas a commis est littéralement inacceptable. Cela doit être condamné dans les termes les plus forts.

05:28 Nous venons la semaine dernière d'être informés des preuves de la commission de violence sexuelle.

05:35 C'est inacceptable. Il faut qu'une enquête ait lieu.

05:38 J'ai demandé très précocement à Israël de recevoir une équipe qui enquêterait sur ce qui s'est produit le 7 et le 8 octobre.

05:49 J'espère que je serai en mesure de déployer une équipe pour traiter ce dossier.

05:54 Est-ce qu'Israël a refusé votre proposition ?

05:58 Non, nous sommes encore en train de travailler sur ce dossier.

06:03 En Europe, mais aussi aux États-Unis, on voit un retour de l'antisémitisme depuis le 7 octobre. Est-ce que cela vous inquiète ?

06:14 Il y a aussi la montée d'actes anti-musulmans et la montée de l'extrême droite dans beaucoup d'endroits en Europe et au-delà.

06:25 Je suis extrêmement préoccupé par la montée de l'antisémitisme et par la montée du sectarisme anti-musulman.

06:32 Nous avons vu des choses sans précédent, en particulier en termes d'attaques antisémites.

06:38 C'est inacceptable. Il faut prendre le problème à bras-le-corps, au sein même des sociétés.

06:44 Il est très important que l'incitation à la violence soit combattue, en termes de dégâts, en termes de commentaires,

06:56 et également au niveau des réseaux sociaux. Nous avons vu des choses qui nous semblaient impossibles au 21e siècle.

07:03 Il faut prendre le problème à bras-le-corps.

07:06 Je veux en venir à la question des migrants et notamment des demandeurs d'asile,

07:11 que ce soit d'Afghanistan, de Syrie, d'Afrique subsaharienne, d'Haïti, du Venezuela.

07:18 On a l'impression qu'ils sont de moins en moins les bienvenus dans les pays riches.

07:22 Est-ce que c'est un motif d'inquiétude pour vous ?

07:26 Vous avez fait référence à la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée il y a 75 ans,

07:34 après deux guerres mondiales, après l'Holocauste, après des violations très importantes des droits de l'homme.

07:40 L'un des articles, c'est l'article 14, le droit à chercher protection dans le cadre de persécutions.

07:50 Il y a des instruments spécifiques dans le cadre de la protection des réfugiés,

07:54 et nous espérons que ces protections sont respectées à la fois au nord et au sud global.

08:00 Il y a de fait un discours public qui déshumanise les migrants et les réfugiés.

08:06 C'est dramatique car cela a une influence sur des législations qui ne sont pas au niveau des normes internationales

08:13 et du droit international sur les réfugiés.

08:16 Un sujet dont on parle peu, mais je sais qu'il vous est cher, c'est le Soudan.

08:24 Depuis que les hostilités ont repris au mois d'avril, environ 9000 personnes ont été tuées,

08:32 5,6 millions ont été déplacés. Ce mercredi, le département d'État américain affirme avoir déterminé

08:39 que les deux protagonistes, l'armée soudanaise du général Al-Burhan et la force de soutien rapide du général Emeti,

08:45 avaient commis des crimes de guerre. Et d'après les États-Unis, les forces de soutien rapide ont également commis

08:51 des crimes contre l'humanité et du nettoyage ethnique. Est-ce également votre analyse ?

08:59 La situation est désastreuse. Merci de parler du Soudan. Il est important que le monde reporte son attention sur ce pays.

09:08 Il est important que nous avons ici deux hommes qui mènent leurs armées l'une contre l'autre,

09:14 au dépend du peuple soudanais. Les conséquences sont épouvantables.

09:18 Vous venez d'y faire référence. Il y a de la violence sexuelle documentée.

09:23 Il y a des attaques indiscriminées contre des civils documentées.

09:28 Différentes violations très graves du droit international humanitaire sont documentées.

09:33 J'espère, c'est notre seul espoir, que quiconque a une influence sur ces hommes leur demande d'arrêter et de revenir à la raison.

09:39 J'ai rencontré ces deux hommes l'an dernier. Je leur ai demandé de respecter le droit international

09:45 et je suis dévasté de constater que cela ne se produit pas.

09:51 Je veux en venir à la région du Darfour. Le passé y est tragique et certains craignent de voir ce passé revenir de nos jours.

10:02 Les États-Unis, parmi d'autres, pointent notamment le doigt vers les forces de soutien rapide

10:12 et leur ciblage de communautés à peau foncée, notamment les maçalites.

10:17 Il y a eu un massacre dans un village appelé Ardamata début novembre.

10:22 Est-ce que vous pouvez nous dire quelles preuves vous avez été capables de rassembler sur ce massacre et sur ce qui se passe au Darfour ?

10:30 Au Darfour, les faits sont très préoccupants. A la fois, la RSF et des milices affiliées relancent les violences interethniques.

10:41 Les méthodes utilisées sont terribles, violences sexuelles, massacres. Nous avons lancé des enquêtes sur ces points.

10:52 En particulier sur ce qui vient de se produire, mais il y a également d'autres dossiers plus anciens.

10:58 C'est pourquoi je demande à tous ceux qui ont une influence sur ces hommes de leur dire qu'il est clair que des comptes doivent être rendus.

11:09 C'est absolument inacceptable. J'espère que la justice sera rendue, que des comptes seront rendus.

11:14 C'est l'un des éléments manquants dans le cadre du dossier soudanais.

11:19 Volker Turch, merci beaucoup d'avoir répondu aux questions de France 24 et merci à vous d'avoir regardé cette émission.

11:29 [Musique]

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