Ça vous regarde - L'accord franco-algérien en sursis ?

  • l’année dernière
Grand témoin : Guillaume Ancel, ancien officier français, chroniqueur et auteur du blog « Ne pas subir »

GRAND DÉBAT / L'accord franco-algérien en sursis ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Le jeudi 7 décembre 2023 est un jour de niche parlementaire à l'Assemblée nationale. L'espace d'une journée, ce sont Les Républicains qui maitrisent l'agenda. La droite a donc décidé de mettre en avant une proposition de résolution visant à mettre fin au statut particulier pour les ressortissants algériens qui viennent en France. Les Républicains dénoncent ainsi l'accord franco-algérien de 1968. La majorité répond que des avenants à cet accord ont déjà été adoptés, restreignant de fait les procédures d'obtention de visas. Certaines figures de Renaissance, comme Astrid Panosyan, ainsi que les députés Horizons ont fait entendre leur discordance avec la ligne du gouvernement. Supprimer l'accord franco-algérien risque-t-il de mettre en péril l'équilibre parfois fragile entre les deux pays ? Une telle décision est-elle du ressort du Parlement ?

Invités :
- Belkir Belhaddad, député Renaissance de Moselle, Président du groupe d'amitié France-Algérie,
- Michèle Tabarot, députée LR des Alpes-Maritimes,
- Vincent Hugeux, professeur à Sciences Po et ancien grand reporter.

GRAND ENTRETIEN / Guillaume Ancel : l'offensive d'Israël à Gaza est-elle sans issue ?

Spécialiste de la question militaire et du conflit israélo-palestinien, Guillaume Ancel estime que le bilan des morts proposé par le Hamas est inférieur aux chiffres réels. Il s'interroge sur le rôle des Etats-Unis mais également sur le devenir du Hamas. Il tire la sonnette d'alarme : aucun mouvement terroriste n'a jusqu'à présent été détruit par « une opération strictement militaire ». Au moment où les bombes s'abattent massivement sur la bande de Gaza et que la ville de Khan Younès est encerclée par l'armée israélienne, la guerre contre le Hamas est-elle amenée à perdurer ?

Grand témoin : Guillaume Ancel, ancien officier français, chroniqueur et auteur du blog « Ne pas subir »

LES AFFRANCHIS

- Yaël Goosz, éditorialiste et chef du service politique à « France Inter »,
- Delphine Sabattier, journaliste à « B Smart »,
- « Bourbon express » : Marco Paumier, journaliste LCP.

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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#LCP #assembleenationale #CaVous
Transcript
00:00 [Musique]
00:05 Bonsoir, bienvenue, très heureuse de vous retrouver dans "Ça vous regarde"
00:09 Ce soir, décryptage complet de la stratégie militaire israélienne à Gaza avec vous, Guillaume Ancel.
00:15 Bonsoir et merci d'être notre grand témoin ce soir.
00:18 Vous êtes écrivain, ancien officier de l'armée française.
00:21 On a besoin de votre expertise, évidemment, pour essayer de comprendre
00:25 ce qui ressemble de plus en plus à une fuite en avant de l'armée dans l'état hébreu.
00:30 Le carnage humanitaire, ce sont vos mots.
00:33 La traque aussi des chefs du Hamas dans le sud de l'Anglave.
00:36 Cette guerre totale est-elle sans issue ? Vous nous le direz tout à l'heure.
00:40 Dans la deuxième partie, notre grand débat ce soir.
00:43 France-Algérie, l'accord de la discorde.
00:46 Les députés les républicains ont échoué à faire voter la dénonciation de cet accord de 1968
00:53 qui facilite la venue d'Algériens en France.
00:55 Bataille politique, bataille diplomatique aussi à la veille du débat sur l'immigration dans l'hémicycle.
01:01 Nous en débattons dans un instant sur ce plateau.
01:04 Enfin, nos affranchis ce soir.
01:06 Le parti prix politique de Yael Ghose, l'œil sur le numérique de Delphine Sabatier
01:11 et puis un Bourbon Express spécial en duplex de Saint-Ouen où toute la gauche sauf Jean-Luc Mélenchon est réunie ce soir.
01:16 Ce sera avec Marco Pommier.
01:18 Voilà pour le menu.
01:19 On y va, Guillaume Ancel.
01:20 Ça vous regarde.
01:21 Top générique.
01:22 Générique
01:24 ...
01:33 C'est une bataille perdue pour la droite, mais qui en dit long sur l'offensive
01:38 qu'elle compte mener dans le débat sur l'immigration qui commence ce lundi.
01:41 L'accord France-Algérie 1968 serait dépassé, immérité et injuste d'après les ténors des républicains.
01:50 Mais ils ne sont pas les seuls à le penser.
01:52 Le sujet divise au sein même de la majorité.
01:55 Et Elisabeth Borne a promis de renégocier cet accord.
01:59 Alors, est-ce qu'il faut montrer les muscles vis-à-vis de nos partenaires algériens
02:04 dans un bras de fer qui nous oppose sur la question des laissés-passés consulaires
02:08 ou préférer la voie plus feutrée de la diplomatie ?
02:10 Bonsoir, Belkir Belhadad.
02:12 Bonsoir.
02:13 Merci beaucoup d'être parmi nous ce soir.
02:15 Vous êtes député Renaissance de Moselle.
02:17 Vous présidez le groupe d'amitié France-Algérie.
02:20 Et vous avez voté ce matin contre la dénonciation de cet accord dans l'hémicycle.
02:25 Bonsoir, Michel Tabarro.
02:26 Bonsoir.
02:27 Bienvenue. C'est vous qui portiez cette proposition de résolution ce matin,
02:31 député Les Républicains des Alpes-Maritimes.
02:34 Enfin, bonsoir, Vincent.
02:35 Bonsoir, Marie.
02:36 Vincent Ugeux, grand reporter, spécialiste des questions africaines
02:39 et chroniqueur visage familier dans cette émission.
02:42 Guillaume Ancel, n'hésitez pas à intervenir quand vous le souhaitez.
02:44 Je crois que vous connaissez aussi le sujet.
02:46 Donc, même à interroger nos invités.
02:48 On commence par planter le décor.
02:50 L'accord France-Algérie en débat dans l'hémicycle.
02:52 C'est dans le chrono de Blaco.
02:54 Tout de suite.
02:55 Bonsoir, Stéphane. Je me retourne pour vous accueillir comme chaque soir.
03:01 Bonsoir à toutes et tous.
03:03 On vous retourne également pour écouter la critique de Stéphane.
03:06 Bonsoir.
03:07 Si les députés ce matin ont dû se prononcer sur cette proposition de résolution
03:11 pour dénoncer l'accord franco-algérien,
03:13 c'est sans doute à cause d'une interview donnée début juin dans l'Express par Édouard Philippe.
03:18 Souvenez-vous, histoire de montrer qu'il était plus ferme que Macron sur l'immigration,
03:23 il avait proposé de remettre en cause cet accord qui accorde un statut particulier aux Algériens,
03:28 notamment pour avoir des conditions d'obtention de titre de séjour plus rapidement,
03:32 pour faciliter leur regroupement familial.
03:34 À peine avait-il dit ça, qu'évidemment, LR, mais aussi RN, criaient au plagiat,
03:39 puisque c'est une mesure que, de leur côté, ils défendaient depuis quelque temps.
03:44 Alors, il faut dire que cet accord existe depuis 55 ans,
03:47 mais ça n'empêche pas qu'il y a un bras de fer quasi permanent
03:49 entre la France et l'Algérie sur le dossier de l'immigration.
03:52 Donc, tantôt, c'est l'Algérie qui ne délivre plus de laisser-passer,
03:56 ce qui fait qu'on ne peut plus expulser les Algériens qu'on veut renvoyer chez eux, les fameux QTF.
04:00 Évidemment, de l'autre côté, la France, elle aussi, sait se défendre en ce bras de fer,
04:05 en réduisant les visas sur les habitants du Maghreb, et donc notamment sur les habitants algériens.
04:12 Alors, forcément, quand LR dépose cette proposition,
04:16 ça fait écho avec la loi immigration qui arrive bientôt.
04:19 Donc, c'est l'occasion de rappeler que cet accord franco-algérien de 68,
04:22 c'est un traité international, et donc, dans la hiérarchie de nos lois,
04:26 ça vaut plus que n'importe quelle loi.
04:28 Ce qui fait que, par exemple, si dans la future loi d'immigration,
04:31 on durcit les conditions du regroupement familial,
04:34 ça ne concernera pas les Algériens, puisque eux seront protégés par cet accord de 68.
04:39 Donc, du coup, du côté de la majorité, horizon forcément, en cohérence avec Edouard Philippe, à voter pour.
04:44 Certains, à renaissance, étaient prêts à voter pour, mais le gouvernement a mis le haut là.
04:48 Non, on ne va pas supprimer ce traité.
04:51 C'est Olivier Bech qui était ce matin sur les bancs pour répondre,
04:55 en expliquant que si on le supprime, ça a beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages.
04:58 On l'écoute.
04:59 Plutôt que de dénoncer l'accord et d'aller ainsi droit vers une crise politique, diplomatique et migratoire,
05:07 travaillons, Mesdames et Messieurs les députés, au contraire, à l'amender.
05:12 Alors, de fait, il ne prenait pas beaucoup de risques, puisqu'il répétait ce que les habitants en avaient déjà dit dans la presse ce matin,
05:18 c'est-à-dire qu'on ne va pas supprimer cet accord, on ne va pas rendre les Algériens aux droits ordinaires,
05:24 mais en revanche, elle prenait date pour renégocier l'accord.
05:29 Il faut dire que supprimer complètement cet accord, est-ce que c'est le bon moment ?
05:32 Parce qu'on parlait des relations parfois orageuses avec l'Algérie, mais à ce moment-là, ça se réchauffe un petit peu.
05:36 Bon, le président Tebboune a annulé plusieurs fois sa visite, mais là, on a l'impression qu'il va venir en France l'année prochaine.
05:42 Et puis regardez, Gérald Bermanin, lui aussi, s'est déplacé début novembre à Alger, où il a pu rencontrer le président Tebboune.
05:47 Donc, il y a quand même une question.
05:49 Peut-on faire confiance au président Tebboune ?
05:52 Et je dois dire que ce matin, Michel Tabarro a mis quelques réserves. On l'écoute.
05:56 Faut-il rappeler qu'il a préféré aller voir Vladimir Poutine, qu'il a qualifié d'ami de l'humanité, plutôt que de venir en France ?
06:05 Faut-il rappeler qu'il a réintroduit dans l'hymne algérien un couplet violemment antifrançais de façon totalement honteuse ?
06:11 Faut-il rappeler la suspension des laissés-passer consulaires et son refus de reprendre ces ressortissants que nous voulons expulser ?
06:20 Alors, avant de vous laisser débattre, comme les représentants de l'EFI ne sont pas là avec nous ce soir,
06:25 je voudrais quand même vous donner l'occasion d'entendre leur indignation, celle qu'ils ont manifestée ce matin dans l'hémicycle.
06:30 C'est Bastien Lachaud.
06:32 Honte à vous, honte à vous, car les conséquences de vos paroles sont graves.
06:37 Elles alimentent le climat anxiogène, le racisme et l'islamophobie qui étouffent notre pays.
06:43 Elles font le jeu de l'extrême droite en accréditant ces thèses.
06:47 Voilà les grandes lignes du débat sont posées.
06:50 Les Algériens sont-ils des étrangers comme les autres ou méritent-ils un statut particulier avec toute l'histoire commune, franchement, qu'on a ensemble ?
06:57 Merci beaucoup. Merci Stéphane pour ce billet parfaitement complet, Belkir Belhadad.
07:03 Cet accord, il est ancien. En 1968, il a été signé entre Paris et Alger, six ans après l'indépendance.
07:10 Il n'est pas un peu dépassé aujourd'hui ?
07:13 Il faut d'abord expliquer que cet accord a été mis en place à l'époque à la demande des Français,
07:19 parce que notre pays, la France, avait besoin d'une immigration économique importante et forte.
07:26 C'est dans ce cadre et dans ce contexte que ça a été dit.
07:28 Les bras dans les usines, les ouvriers sur les chantiers.
07:30 Tout à fait. Et c'est vrai que cet accord est souvent pointé du doigt depuis de nombreuses années,
07:37 avec tous les mots que certains lui prêtent injustement, parce que depuis 1968, en 1974, par exemple,
07:51 Debray, sur le regroupement familial, avait freiné de manière importante cette immigration.
07:57 La mise en place en 1994...
07:59 Donc il y a eu des avenants, c'est ça ? Des modifications ?
08:02 Plusieurs années. Il y en a eu trois. Il y en a eu un en 1984, en 1994 et en 2001,
08:07 qui ont systématiquement restreint, mis en place des exigences beaucoup plus fortes en matière de regroupement familial,
08:17 la mise en place de présentation de passeport, de visa en 1994.
08:22 Mais c'est toujours plus facile aujourd'hui, vous le reconnaissez ?
08:24 Notamment pour le séjour longue durée, pour le regroupement familial, pour ouvrir un commerce.
08:30 Est-ce que je peux vous prendre un exemple ?
08:32 Allez-y, je vous en prie.
08:34 J'ai été concerné par cette histoire-là, puisque je me suis marié en 1994.
08:39 J'ai mis sept ans, et pourtant j'étais à l'époque, pas français, j'étais algérien.
08:44 Et j'étais concerné par cela, et j'étais concerné de très près par la guerre civile en Algérie, qui faisait rage.
08:50 Et il a fallu sept ans, sept ans, pour faire venir mes enfants et mon épouse.
08:58 Je ne crois pas, je ne crois pas que ça ait été un privilège.
09:03 La même chose pour cette politique de visa qui était fortement restreinte.
09:07 Visa long séjour, hein ?
09:09 Visa notamment long séjour.
09:11 Et je n'étais pas le seul, beaucoup d'Algériens ont été concernés par cette histoire douloureuse.
09:17 Et l'Etat français a mis en place, effectivement, de manière discrétionnaire, à travers notre administration,
09:24 de nombreux freins, de nombreuses exigences qui ont fait que...
09:28 Donc vous faites davantage référence aux années de plomb, aux années noires, au terrorisme,
09:32 que au passé colonial et à la guerre d'Algérie, pour au fond garantir l'existence d'une forme de particularité quand même.
09:40 Oui, tout à fait.
09:41 Alors pourquoi le supprimer, quand vous écoutez Belkir Belhada, Michel Thériault ?
09:45 Écoutez, tout d'abord, nous allons traiter, et nous avons traité cette semaine en commission des lois,
09:49 et la semaine prochaine dans l'hémicycle, d'un texte qui vise à maîtriser l'immigration.
09:54 Si on souhaite maîtriser l'immigration, on sait pertinemment qu'il y a des points sur lesquels nous devons travailler.
10:00 C'est la raison pour laquelle les Républicains ont souhaité déposer cette proposition de résolution
10:06 sur laquelle nous travaillons depuis longtemps.
10:08 Il y a d'ailleurs eu de nombreuses études, entre autres une étude de fonds d'Apple qui rappelle des éléments chiffrés,
10:16 des passionnés, mais qui rappelle, eh bien, que comme c'est un traité, c'est un fonctionnement particulier
10:23 qui fait que la loi sur l'immigration, qui va être votée ou ne pas voter dans les semaines qui suivent,
10:30 devrait logiquement s'imposer, et là, comme il y a ce traité entre la France et l'Algérie,
10:35 il ne s'imposera pas aux Algériens.
10:38 À partir de là, il nous semble essentiel, premièrement parce que l'Algérie est la première diaspora en France,
10:43 parce qu'il y a 880 000 Algériens, parce qu'il y a donc un traitement sur le regroupement familial,
10:49 et même si votre expérience a été compliquée au niveau de votre conjoint, ça n'est pas le cas normalement.
10:54 Vous savez que c'est au bout d'un an de mariage qu'il y a une possibilité de titre de séjour pour le conjoint,
11:01 donc il y a des facilités qui n'existent pas pour les autres.
11:04 Et notre volonté, c'est justement d'avoir une maîtrise totale de l'immigration.
11:08 Donc ça passe par un texte qui sera voté, mais ça passe aussi par cet accord qui aujourd'hui supplante le texte qui sera voté.
11:15 J'entends bien, sauf que pour l'instant, le texte d'immigration, sur la partie, on va dire, un peu fermeté, répression,
11:22 c'est plutôt renvoyer les irréguliers qui n'ont rien à faire dans notre pays, plutôt que de dissuader de venir.
11:30 C'est pas ça, aujourd'hui, le gouvernement propose une régularisation de ceux qui n'ont rien à faire sur le territoire.
11:35 Là, vous parlez des métiers en tension ?
11:38 Oui, mais ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui, le texte qui est proposé, on a essayé de le durcir au Sénat.
11:44 Mais si vous avez un étranger algérien en situation irrégulière, il serait renvoyé, il n'est pas protégé, il pourra bien comprendre par cet accord.
11:51 Justement, à travers ce traité, lorsqu'il reste sur les territoires pendant 10 ans, il a ensuite un titre de séjour d'un an.
11:57 C'est quelque chose d'exceptionnel, ça ne concerne que les Algériens.
12:00 Vincent Eugeu, on voit qu'il y a beaucoup de politique et aussi du diplomatique derrière tout ça.
12:07 Il y a beaucoup de tensions, encore aujourd'hui, entre les deux pays.
12:11 Est-ce que Alger avait les yeux rivés sur ce qui s'est passé ce matin dans l'hémicycle ?
12:16 Est-ce que même refuser, le fait de se poser la question, de dénoncer cet accord, s'est vécu comme une offense ?
12:24 Je prends un exemple très simple. Récemment, à Constantine, la commission d'historiens, coprésidée par Benjamin Stora,
12:31 historien français, historien algérien, s'est réunie pour la troisième fois.
12:36 Il a été recommandé à cette occasion la restitution de certains biens symboliques de l'émir Abdelkader.
12:41 Un burnou, un coran, une épée.
12:44 Le lendemain matin, un quotidien algérien en arabe avait titré "L'historien français refuse la restitution des biens".
12:53 Il y a un député français, Frédéric Petit, de la 7e circonscription des Français établis hors de France,
12:59 qui a remis, je crois que c'était en septembre dernier, un rapport, où il concluait, dans ses recommandations,
13:05 il fallait sans doute renégocier sereinement cet accord de 68, dont je rappelle qu'il a été voulu par le général de Gaulle.
13:13 Renégocier sereinement, on est quand même à un cheveu de l'oxymore.
13:17 Dès lors qu'il s'agit de la relation tempétueuse postcoloniale entre la France et l'Algérie, rien n'est jamais vraiment serein.
13:25 L'Algérie le vit, cet accord, comme une compensation de la colonisation ?
13:29 Elle le vit comme un droit. Souvenez-vous, Emmanuel Macron évoque en octobre 2021 la rente mémorielle d'un système politico-militaire algérien.
13:41 J'observe que la rente mémorielle est un raisonnement qui fonctionne sur les deux rives de la Méditerranée.
13:47 Je ferme la parenthèse, parce qu'il y a aussi une rente mémorielle politique en France.
13:51 Aussitôt, Abdelmajid Tebboune, le président algérien, réagit en disant "c'est une insulte faite à nos martyrs".
13:59 Donc oui, il y a quelque chose de pavlovien là-dedans.
14:01 Mais regardez, 2003, sous Jacques Chirac, on parle d'un traité d'amitié franco-algérien.
14:09 Il n'y a devenue rien. 2012, François Hollande, là, plus modestement, une déclaration d'amitié et de coopération.
14:15 Elle n'ira pas plus loin. Et puis 2022, Emmanuel Macron, à Alger, lui, parle d'une déclaration de partenariat renouvelé.
14:24 Donc on a beau épuiser toutes les ressources du lexique, on n'arrive pas à digérer ce passé-là, notamment parce que,
14:32 et je termine là-dessus, il est parfaitement exact, je sais que le terme de rente mémorielle a été jugé très polémique,
14:38 mais que les trajectoires politiques dans l'Algérie d'après les accords déviants, elles étaient fondées sur la légitimité FLN.
14:48 Mais comme vous avez eu, effectivement, des parcours politiques en France qui étaient fondés sur la légitimité de la résistance,
14:54 je pourrais citer l'ANC de Nelson Mandela en Afrique du Sud, etc.
14:59 - Guillaume Ancel, on est là, à la fois dans le symbolique, il y a la question historique, la question politique,
15:06 il y a un texte de loi qui arrive, c'est pas rien, c'est peut-être le plus important de cette année 2023, après les retraites.
15:13 Est-ce que la diplomatie plus feutrée, c'est le bon endroit pour discuter de cet accord, plutôt que le Parlement ?
15:24 Vous avez vu le tacle d'Emmanuel Macron, qui a très clairement dit, en Conseil de ministre,
15:28 "je n'avais pas compris que la politique étrangère se décidait au Parlement".
15:32 Pas sympa pour les députés ?
15:34 - Je suis frappé, peut-être aussi parce que, par ailleurs, je suis directeur de la communication,
15:39 je suis très sensible aux creux et au silence.
15:42 Et j'ai l'impression qu'il y a un fantôme dans ce débat, qui est au milieu de la salle,
15:48 et qu'il ne faut quasiment pas évoquer tellement on a peur qu'il ressurgisse, c'est la guerre d'Algérie.
15:53 En fait, on voit les stigmates de la guerre d'Algérie qui n'ont jamais été pensés, ni du côté français, ni du côté algérien.
16:01 Il se trouve que j'ai parlé récemment avec Benjamin Astora et Stéphane Odoir-Rousseau,
16:05 au moment où enfin on arrivait à trouver une forme d'accord avec le Rwanda,
16:11 pour dire "on reconnaît ce qui s'est passé des deux côtés",
16:15 et le président Macron, très courageusement, a plié ce sujet qui avait déjà 30 ans,
16:19 et dont tout le monde nous disait "vous verrez, ce sera comme la guerre d'Algérie,
16:22 on n'arrivera jamais à se mettre d'accord tellement on a bousillé notre relation avec les Algériens à cause de cette guerre".
16:29 -A la mémoire, la France a présenté des excuses pour le Rwanda, pas pour l'Algérie.
16:32 -Mais pas pour l'Algérie, et ce qui est terrible, c'est que Benjamin Astora, c'est comme ça qu'il nous l'a présenté,
16:37 il nous a dit "en fait, ce que vous avez réussi à faire avec le Rwanda,
16:40 c'est ce que je me désespère d'arriver à faire entre la France et l'Algérie".
16:44 C'est juste de se dire "on est deux générations, presque trois maintenant, après la guerre d'Algérie",
16:49 mais d'arriver à évacuer ce sujet, pardon, évacuer n'est pas le bon terme,
16:53 d'arriver à le penser, et à le penser avec un "e", d'arriver à dire "quelle est notre relation,
16:59 quelle est la relation qu'on souhaite avec l'Algérie ?"
17:01 Un pays qui a été bien plus martyrisé par sa guerre civile que par la guerre avec la France.
17:06 Et une France qui ne supporte pas qu'on évoque le sujet algérien sans lui faire reconnaître que c'est les Algériens qui ont tort.
17:13 Et je suis frappé, moi j'ai beaucoup d'amis algériens, je suis frappé de voir comme notre relation reste abîmée par cette saloperie de guerre.
17:20 Voilà, tout le monde veut parler, Michel Tabarro, c'est important ce qui est dit là,
17:23 parce que ça veut dire aussi que peut-être la méthode n'est pas la bonne.
17:27 Il y a peut-être sur le fond une vraie question sur l'accord,
17:30 mais est-ce que ça ne gêne pas la diplomatie qui essaie de se réchauffer ?
17:34 La France bat sa coupe à chaque fois, c'est-à-dire que tout ce qui vient de se passer avec Monsieur Teboun depuis qu'il dirige le pays,
17:39 n'a l'air d'impressionner personne ou d'agacer personne.
17:42 Moi je suis désolée lorsque Monsieur Teboun, maintenant, attaque la langue française,
17:47 lorsqu'il veut mettre dans l'hymne national, il veut remettre ce qui était avant au niveau du FLN,
17:54 qui n'existait plus, en demandant que la France rende compte avec une certaine agressivité.
18:00 Lorsqu'il renvoie à la France, au mois de mars dernier,
18:04 les laisser passer consulaires en disant qu'il n'a pas l'intention de dialoguer,
18:09 lorsqu'il laisse le gouvernement français, surtout le président, l'attendre pendant des semaines et des semaines,
18:15 et qu'il se moque de lui en partant plutôt voir son ami Poutine...
18:20 Donc pour vous, il utilise le passé colonial pour améliorer l'attention ?
18:23 Il l'utilise parce que ça lui permet de rester politiquement sur place.
18:27 Ensuite, on a choisi un Monsieur Stora qui ne fait pas l'unanimité,
18:30 alors peut-être que certains l'apprécient ici, mais qui ne fait pas l'unanimité,
18:34 qui a parfois des propos très désobligeants pour les Français qui ont vécu en Algérie,
18:38 qui ne sont pas responsables de ce qui s'est passé il y a 130 ans.
18:41 Je rappelle d'ailleurs que c'était les socialistes qui avaient décidé de la colonisation,
18:46 et c'est vrai qu'il y a encore des tensions et qu'elles sont légitimes.
18:49 Je voudrais juste revenir sur la phrase d'Emmanuel Macron.
18:52 La phrase d'Emmanuel Macron, je la trouve assez exceptionnelle,
18:55 parce qu'il est très tolérant lorsque les membres de sa famille politique
18:59 présentent des propositions de résolution sur, justement, les situations internationales,
19:06 et ne manquent pas de se positionner, et tant mieux.
19:08 Moi, je suis attachée à ce qu'on puisse, à l'Assemblée,
19:11 avoir quand même des débats qui dépassent le franco-français,
19:14 qui s'intéressent à certains conflits.
19:16 - Pour rappeler peut-être, pour ceux qui nous regardent, que ça n'a rien de contraignant.
19:18 On est dans le symbole avec une résolution.
19:20 - Et donc, je ne vois pas en quoi le Parlement, aujourd'hui,
19:23 ne pourrait pas évoquer comme il l'a fait, et bien ça t'accorde...
19:26 - Belkir Belhadad. C'est vrai qu'après tout, ça gêne vraiment la diplomatie française,
19:30 au moins faire une résolution sur le sujet.
19:33 - Il n'y a pas de tabou sur ce sujet. - Les parlementaires ont le droit.
19:36 - Pour moi, il y a un sujet. Il faut le traiter, effectivement.
19:39 - Comment ? - Mais pas de cette manière.
19:41 Et sûrement pas en instrumentalisant ce sujet.
19:46 Je trouve que là, il y a une forme d'hypocrisie sur le sujet.
19:53 On n'est pas là pour régler des comptes avec le passé, madame Ladislé.
19:56 - Ah, mais je ne suis pas là pour régler un compte.
19:58 - Je vous le dis très clairement.
20:00 - Je l'ai pris de façon très froide et très sereine.
20:02 - Il faut le faire de manière dépassionnée.
20:04 - Absolument.
20:06 - Le groupe d'amitié que je préside comporte d'ailleurs toutes ses sensibilités.
20:13 J'ai accompagné le président de la République.
20:16 J'ai échangé avec le président Teboun,
20:20 que j'ai senti vraiment très volontaire sur le sujet,
20:25 très allant de vouloir faire un certain nombre...
20:28 - On l'a vu avec ses dernières déclarations, ces derniers mois, effectivement.
20:32 - Un certain nombre d'actions.
20:34 Mais il faut laisser le temps au temps, madame.
20:36 - Ah bien, on va l'accepter.
20:38 - Il a accepté de traiter la question, notamment Mme Muriel,
20:41 qui est extrêmement douloureuse pour les Algériens, vous l'avez dit tout à l'heure.
20:44 - Et pour les Pieds-Noirs aussi.
20:46 - La période notamment de la décolonisation
20:48 et la période de la colonisation qui n'est pas du tout traitée.
20:52 Et donc, il a bien voulu accepter à ce moment-là
20:55 qu'effectivement, toute la période, y compris celle de la colonisation,
21:01 soit traitée dans ce comité...
21:03 - Alors là, on est sur les relations franco-algériennes,
21:06 ô combien tumultueuses et passionnelles.
21:09 Si on revient sur ce traité,
21:11 est-ce que renégocier, c'est peut-être mieux que dénoncer ?
21:16 Et en quoi faudrait-il le renégocier ?
21:19 - D'abord, c'est un traité international.
21:21 Il ne comporte pas de clause de dénonciation, cet accord-là.
21:26 Et donc, il y a une insécurité juridique à le dénoncer aujourd'hui.
21:31 Deuxièmement...
21:32 - Vous savez que le Quai d'Or, c'est à déjà tous les éléments.
21:35 - Laissez-moi terminer, je vous ai laissé parler, madame.
21:37 - Ce sont des documents qui existent.
21:39 - Ensuite, c'est une prérogative du chef de l'Etat,
21:42 comme vous le savez.
21:44 Et puis ensuite, le dénoncer aujourd'hui ne réglerait rien
21:48 par rapport au sujet que vous évoquiez tout à l'heure
21:51 et les problématiques qu'on évoque dans ce projet de loi immigration.
21:54 - Vous avez vu qu'au sein même de votre majorité, monsieur Beladade...
21:57 - Vous n'aurez pas plus d'Algériens qui demanderont à venir en français.
22:02 Vous aurez également...
22:05 - Comment vous expliquez alors les divisions au sein de votre propre famille politique ?
22:09 Les 25 députés Horizons qui ont voté cette résolution,
22:12 deux députés Renaissance, et d'autres, hein.
22:15 Astrid Panosian-Bouvet, par exemple, cette députée de votre famille politique,
22:19 les macronistes Renaissance, voulait le faire,
22:21 elle ne s'en est pas cachée.
22:23 - Et puis ensuite, nécessité fait loi,
22:25 la contrainte gouvernementale, la discipline l'a emportée.
22:28 C'est bien qu'il y a un vrai sujet, non ?
22:31 - Non, il y a eu un vrai débat au sein de notre groupe,
22:33 qui est riche, diverse, comme vous le savez,
22:36 avec des sensibilités très, très, très larges,
22:39 et on a eu un débat là-dessus,
22:41 et donc on a souhaité effectivement tenir cette position
22:45 plutôt d'équilibre.
22:48 J'ai aussi exprimé mon avis là-dessus,
22:51 en connaissant effectivement la situation du côté algérien,
22:54 mais également française,
22:56 que cette position d'équilibre permettait justement
22:59 de pouvoir avancer, c'est pas forcément dénonçant
23:02 qu'on arrivera à véritablement trouver des solutions.
23:08 - On va essayer d'avancer.
23:10 Vincent Huges, un petit mot, puis je voudrais vous montrer un sujet.
23:13 - Très courte observation.
23:15 Stéphane l'aura dit tout à l'heure,
23:17 c'est que cet accord fêtera, entre guillemets,
23:20 dans quelques jours son 55e anniversaire.
23:23 Il a été voulu par Charles de Gaulle.
23:25 Certes, il y a eu ses trois avenants,
23:27 ses amendements, en quelque sorte,
23:29 mais il n'a jamais été dénoncé,
23:31 ni sous Georges Pompidou, ni sous Jacques Chirac,
23:33 ni sous Valéry Giscard d'Estaing,
23:35 ni sous Nicolas Sarkozy.
23:37 Donc, sans une nonce d'esprit polémique,
23:39 on ne peut quand même que remarquer
23:41 qu'il y a là quelque chose qui est de l'ordre de l'effet domaine,
23:44 et ça vient, à quelques jours de l'ouverture de débats,
23:47 forcément ou leurs, sur la loi immigration.
23:49 Deuxième remarque, et je m'arrêterai là,
23:51 c'est que, qu'on le veuille ou non,
23:53 cette affaire est aussi l'un des innombrables legs
23:56 de notre aventure coloniale.
23:58 On ne peut pas, comme ça, zapper cette réalité.
24:01 On évoquait tout à l'heure l'immigration
24:03 qui avait été voulue à l'époque,
24:05 pour la sidérurgie, pour l'automobile,
24:08 pour les mines, etc., etc.
24:10 Donc, si vous voulez, on n'appelait pas encore ça
24:13 des métiers en tension, mais la logique était la même.
24:16 Donc, on ne peut pas, que s'agisse d'ailleurs du Rwanda,
24:19 qu'il s'agisse d'autres pays d'Afrique,
24:21 qu'il s'agisse de l'Algérie,
24:23 nier ce qu'est l'héritage, parfois pesant et embarrassant,
24:26 de ce qu'a été une aventure coloniale
24:28 qui a été brutale et violente.
24:30 -Vous allez répondre à cette question du leg dans un instant,
24:33 mais puisque vous dites que ça vient percuter,
24:36 cette actualité parlementaire, ô combien importante,
24:39 on va se poser la question, après ce sujet,
24:42 vouloir dénoncer cet accord,
24:44 ce n'est pas simplement un moyen de pression sur l'Algérie
24:47 pour obtenir les fameux laissés-passer consulaires,
24:50 d'autant que la facilitation des expulsions,
24:53 c'est l'un des grandes dimensions de ce projet de loi.
24:57 On voit cela avec Marion Becker.
25:00 -Le débat sur les expulsions d'étrangers
25:07 et les obligations de quitter le territoire français,
25:10 les OQTF, a été relancé après l'attentat d'Arras en octobre
25:14 en raison du profil du jeune terroriste
25:17 qui bénéficiait d'une protection contre ces OQTF.
25:21 Gérald Darmanin en a fait l'un des marqueurs
25:24 de son projet de loi immigration.
25:26 L'article 10 réduit ainsi le champ des restrictions
25:29 ou protections contre les obligations de quitter le territoire
25:33 en cas de menaces graves pour l'ordre public.
25:37 La situation familiale, l'état de santé,
25:40 l'arrivée en France avant 13 ans
25:43 ou la présence sur le territoire depuis plus de 20 ans
25:46 n'empêcheront plus ces OQTF prononcés par les préfets.
25:50 -Ce texte est très important
25:52 parce qu'il vise à pouvoir appliquer ces OQTF.
25:55 Dans ce débat sur les OQTF, c'est un débat un peu fou
25:58 puisqu'on demande aux ministères d'intérieur
26:01 d'appliquer les OQTF.
26:03 Plus de la moitié d'entre eux sont soumis à des recours.
26:06 On ne peut pas les appliquer.
26:08 La loi m'empêche de les appliquer,
26:10 notamment la loi qui a été votée au début des années 2000.
26:13 -L'article 9, lui, concerne les arrêtés d'expulsion.
26:17 Le projet de loi revient là aussi sur les régimes de protection.
26:21 Pour les étrangers les plus protégés,
26:24 une condamnation de 10 ans de prison pour crime ou délit
26:27 les rend expulsables.
26:29 Pour les moins protégés, c'est 5 ans de prison.
26:32 Des interdictions de territoire français,
26:35 des ITF, seront prononcées.
26:37 Ces mesures ne s'appliqueront pas aux mineurs.
26:40 -Voilà, Michel Tabarro, on veut bien comprendre,
26:43 on est bien d'accord que l'accord France-Algérie
26:46 concerne l'accueil des étrangers algériens.
26:49 Tout ce qui concerne les expulsions,
26:52 évidemment sous condition de la loi, délinquance,
26:55 double peine, etc., pourra être appliqué.
26:58 -Pourra être appliqué, donc, en partie,
27:01 en prenant en compte qu'il y a le bon vouloir
27:04 du président Tebbou, donc...
27:06 -Pour le laisser passer consulaire.
27:08 -Pour le laisser passer consulaire,
27:10 qui permet de reprendre ou pas les ressortissants.
27:13 -Pour vous, cet accord, c'est un moyen de pression.
27:16 Si tu ne me donnes pas les laisser passer, je dénonce l'accord.
27:20 -Cet accord a été révisé, vous parliez d'héritage colonial.
27:23 On est 60 ans après les accords déviants,
27:26 on est 55 ans après ces accords qui ont été signés
27:29 dans une période, vous l'avez dit très justement,
27:32 où il y avait, au niveau de l'économie française,
27:35 un besoin de main-d'oeuvre étrangère.
27:37 Aujourd'hui, ce n'est pas le cas.
27:39 On a un grand débat dans notre pays sur l'immigration
27:42 et la volonté de réduire. On en est à parler de quotas,
27:45 de plafonds migratoires, donc il y a la volonté de réduire.
27:48 On a ce texte... -Ca, c'est Les Républicains.
27:51 -Absolument. -Ces molas ne sont pas
27:53 dans le texte du gouvernement. -On a ce traité
27:56 qui permet aujourd'hui, qui facilite l'entrée
27:59 des immigrés algériens.
28:02 Notre volonté, donc, c'est de faire rentrer
28:05 ces règles pour les Algériens à l'intérieur d'un texte
28:08 qui sera voté, que nous souhaitons voter
28:11 avec les amendements qui ont été mis en oeuvre
28:15 au niveau du Sénat.
28:17 On ne sait pas si on arrivera à le voter ou pas.
28:20 -C'est mal parti, puisque ce rejet en témoigne.
28:23 -Tout à fait, mais que ce régime soit pris en compte
28:26 et que ce ne soit pas un traité qui fasse que la loi immigration,
28:30 quelle qu'elle soit, ne soit pas en lien
28:34 avec ce qui va se passer.
28:36 Ce qui est important pour nous, je crois,
28:39 c'est de mettre tout le monde sur le même plan
28:42 et d'avoir, à partir de là, un texte sur l'immigration
28:46 qui concerne les uns et les autres.
28:49 L'immigration algérienne, je le disais,
28:52 est la première diaspora française,
28:55 et ça concerne énormément de concitoyens.
28:58 -Belkir Beladad, finalement, c'est un levier de négociation,
29:02 cet accord France-Algérie,
29:04 pour peser sur le président Tebboune
29:07 et obtenir les laissés-passés consulaires.
29:10 C'est une vraie question ?
29:12 -Oui, c'est un vrai sujet que d'avoir un partenaire
29:15 qui puisse, effectivement, prononcer
29:18 un certain nombre de laissés-passés.
29:21 Je constate qu'il y a une amélioration
29:24 dans cette volonté de donner plus de laissés-passés.
29:29 -Réellement ? Pendant le Covid, c'était zéro,
29:32 si je me souviens. -Oui, tout à fait.
29:35 C'était une problématique liée au contexte Covid.
29:38 -Mais même après, les mois qui ont suivi...
29:41 -En 2023, ça a été bloqué totalement.
29:44 -Je le suis de très près.
29:46 Le travail mené par le préfet de Moselle,
29:49 c'est le cas dans beaucoup d'autres territoires,
29:52 où il y a un dialogue permanent,
29:54 où il y a des laissés-passés
29:56 pour un certain nombre de ressortissants algériens.
29:59 Ce dialogue existe, et il faut l'approfondir.
30:02 Mais encore une fois, je le dis, c'est pas en le dénonçant,
30:06 parce que je pense que ça créerait l'effet inverse,
30:10 c'est-à-dire que nos amis algériens,
30:13 à ce moment-là, les laissés-passés consulaires,
30:17 ce sera zéro.
30:19 Comme d'ailleurs la coopération que nous avons avec l'Algérie...
30:23 -Votre première ministre souhaite même le renégocier.
30:26 -Laissez-moi terminer. -Non, mais je vous laisse.
30:29 Vous voyez qu'il y a une volonté de faire bouger les choses,
30:33 que ça ne convient pas aujourd'hui. -Laissez-moi terminer, madame.
30:37 Et ces laissés-passés...
30:39 qui sont donnés par l'Etat algérien
30:46 sont en progression.
30:48 Les dénoncer serait contrairement...
30:50 -Ils ont été bloqués totalement en mars.
30:53 Vous avez de très belles déclarations du président.
30:56 -Et la coopération... -Il a tout bloqué au mois de mars.
30:59 -S'il vous plaît. Et la coopération...
31:01 N'oubliez pas que notre sécurité est liée aussi à un risque terroriste,
31:05 et nous avons une coopération très édroite
31:08 depuis de très nombreuses années avec l'Algérie sur ce sujet.
31:12 Alors, si vous avez envie de prendre ces risques-là
31:15 de nos concitoyens... -Le débat s'achève.
31:17 -La menace du terrorisme... -Elle existe.
31:19 Vous la niez, vous la réduisez.
31:21 -Une petite question de la part de Guillaume Arcel.
31:24 -Je n'ai pas compris. -On va conclure.
31:26 -Est-ce que le traité empêche l'exécution des obligations
31:29 de quitter le territoire français ?
31:31 -Non. -Non ?
31:32 -Non, non. -Non ?
31:33 -Non. -Non, non.
31:34 Le traité limite l'accueil. -L'accueil.
31:36 -C'était important de le dire, car ces deux actualités se percutent.
31:40 -L'immigration algérienne et les autres immigrants
31:43 sont au même stade. -Vincent Hugelot,
31:45 il y a peut-être une visite d'Etat du président de l'UNE ?
31:48 -C'est un peu l'arlésienne. -Vous n'y croyez pas ?
31:51 -La visite a été annoncée à maintes reprises,
31:54 différée autant que quoi. Il faut être clair là-dessus.
31:57 L'hostilité à la France reste un gisement quasiment inépuisable
32:02 de légitimité pour un gouvernement dont la qualité,
32:06 en termes de performance sociale, notamment,
32:09 est loin d'être incontestée, y compris par les Algériens.
32:12 -Merci. On s'arrête là.
32:14 On voit qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire.
32:17 Merci d'être venu débattre sur ce plateau.
32:20 Vous restez avec moi, Guillaume Ansel.
32:22 Dans une dizaine de minutes, les partis pris de nos affranchis,
32:25 ce soir, Yael Ghose s'interroge sur la stratégie présidentielle,
32:28 Emmanuel Macron un peu loin du terrain régalien,
32:31 Delphine Sabatier s'insurge contre ces plateformes
32:34 qui nous font payer pour protéger nos données,
32:37 et puis un Bourbon Express un peu spécial ce soir
32:40 en duplex de Saint-Ouen avec vous, Marco Pommier,
32:43 qui ne se réunit sauf les insoumis.
32:46 -Oui, Myriam, Saint-Ouen, capitale de la gauche,
32:50 ce soir, les ténors de cette gauche mobilisées
32:53 contre le projet de loi immigration du gouvernement,
32:56 un grand absent quand même, Jean-Luc Mélenchon et son État-major.
32:59 Je vous explique tout dans un instant.
33:01 -A tout à l'heure, les amis.
33:03 Mais d'abord, on va s'arrêter sur la situation humanitaire à Gaza
33:06 avec vous, Guillaume Ansel.
33:08 Situation absolument catastrophique.
33:10 L'opération militaire israélienne a repris depuis une semaine.
33:12 Elle se concentre dans le sud du pays
33:14 et fait craindre le pire pour les civils.
33:16 On voit cela dans l'invitation de Clément Perrault.
33:19 On en parle juste après.
33:21 -Si on vous invite, Guillaume Ansel,
33:24 c'est pour décrypter dans le détail
33:26 la stratégie de l'armée israélienne dans la bande de Gaza,
33:29 ses conséquences humanitaires, ses enjeux diplomatiques
33:32 et l'avenir de ce territoire.
33:34 Guillaume Ansel, vous êtes un expert en analyse militaire.
33:37 Ancien officier français, vous avez quitté l'armée en 2005
33:41 pour rejoindre le monde de l'entreprise.
33:43 Vous avez publié plusieurs ouvrages sur le Cambodge,
33:46 le Rwanda et l'ex-Yougoslavie.
33:48 Aujourd'hui, vous tenez un blog baptisé "Ne pas subir"
33:52 où vous proposez régulièrement des analyses précises
33:55 sur la guerre au Proche-Orient.
33:57 Votre regard, souvent très technique, sur les événements,
34:00 vous amène aujourd'hui à des conclusions particulièrement alarmantes.
34:04 -Les bombardements israéliens ont éliminé
34:06 2 000 à 3 000 miliciens du Hamas
34:08 pour 20 000 à 30 000 Palestiniens tués.
34:10 Cela s'appelle un carnage.
34:12 -20 000 à 30 000 morts, c'est un chiffre très supérieur
34:16 à celui donné par le Hamas.
34:18 Vous l'expliquez par les nombreux dommages collatéraux
34:21 que font les attaques d'Israël.
34:23 Vous évoquez un ratio d'un milicien du Hamas éliminé
34:26 pour 10 Palestiniens tués.
34:28 Dans ce territoire très dense qu'est Gaza,
34:31 les opérations ciblées de Tsahal
34:33 peuvent entraîner de lourdes pertes civiles.
34:36 Hier, des troupes au sol ont pénétré
34:38 dans la ville de Can Youness,
34:40 où se massent des centaines de milliers de déplacés.
34:43 El Zitraq Yahya Zinouar,
34:45 présenté comme le chef du Hamas dans l'enclave.
34:48 Ces nouvelles opérations militaires
34:50 pourraient encore alourdir le bilan de ce conflit.
34:53 Dans vos analyses, vous insistez
34:55 sur l'approvisionnement en armes des Américains
34:57 qui ne seraient pas éternels,
34:59 sur l'acceptation de la guerre lourde
35:01 par la société israélienne
35:03 et sur les risques d'escalade du conflit.
35:05 Alors ce soir, on vous pose la question
35:07 jusqu'à quand la stratégie militaire
35:09 d'éradication du Hamas peut-elle tenir ?
35:12 Réponse Guillaume Ancel.
35:15 Pas longtemps.
35:17 Pas longtemps pour deux raisons.
35:19 La première, c'est que cette stratégie d'éradication
35:21 va se heurter sur le fait qu'il n'y a pas de résultat.
35:23 D'ailleurs, on le voit au quotidien,
35:25 alors qu'on est dans la dixième semaine de combat,
35:28 deux mois, aujourd'hui exactement,
35:30 le Hamas continue à tirer des roquettes
35:33 presque au quotidien sur Israël.
35:35 On a l'impression qu'il y a quelque chose de vain.
35:37 Plus il frappe sur le territoire de Gaza,
35:40 et plus on a l'impression
35:42 qu'on s'installe dans une logique de guerre.
35:44 Et on se souvient que l'objectif de guerre
35:47 affiché par le Hamas,
35:49 comme ils l'ont raconté au New York Times,
35:51 c'est d'instaurer un état de guerre permanent avec Israël.
35:53 On a l'impression que le Hamas gagne
35:55 de cette guerre permanente...
35:57 -Israël tombe dans le piège du Hamas ?
35:59 -Oui, Israël tombe dans le piège du Hamas
36:01 parce qu'il y a une deuxième raison
36:03 pour laquelle cette stratégie ne peut pas tenir longtemps.
36:05 Le poids de cette mobilisation.
36:07 L'armée israélienne, c'est une armée de mobilisés.
36:09 Ils ont mobilisé 400 000 hommes
36:11 si on leur apporte un pays de moins de 10 millions d'habitants.
36:13 C'est comme si en France,
36:15 on mobilisait plus de 2 millions de combattants.
36:17 Ca, Israël peut le supporter quelques mois.
36:19 -La société israélienne...
36:21 -La société ne peut pas le souffrir.
36:23 -Tout le monde a un cousin, un frère,
36:25 un père au combat,
36:27 et ça, ça ne pourra pas tenir des mois.
36:29 -Ca ne peut pas tenir économiquement,
36:31 socialement. On voit bien que les familles
36:33 commencent à dire "attendez, les nôtres
36:35 qui sont partis se battre là-bas, pourquoi ?"
36:37 Et puis, enfin, il faut rajouter
36:39 un troisième élément qui est important.
36:41 C'est que les Américains soutiennent
36:43 jusqu'à aujourd'hui. Or, les Israéliens
36:45 n'ont pas de stock ni d'obus d'artillerie
36:47 ni de bombes guidées.
36:49 -On va y revenir. Il y a eu un vote important
36:51 au congrès, au Sénat américain,
36:53 notamment.
36:55 On voit que les moyens militaires sont disproportionnés.
36:57 D'ailleurs, c'est assez assumé.
36:59 On a vu la culture militaire
37:01 de riposte israélienne, sa doctrine.
37:03 Mais vous, qui êtes un expert militaire,
37:05 vous regardez les images au jour le jour,
37:07 des deux côtés, vous dites
37:09 "le nombre de morts n'est pas
37:11 "surestimé par le Hamas,
37:13 "mais au contraire sous-estimé."
37:15 Comment vous arrivez à cette conclusion ?
37:17 -Je laisse de côté les chiffres du Hamas.
37:19 On se souvient que le Hamas,
37:21 quand il y a eu l'attaque de l'hôpital,
37:23 enfin, le bombardement de l'hôpital
37:25 Al-Alid, avait annoncé
37:27 500 morts, alors que manifestement,
37:29 on voyait que ça ne pouvait pas dépasser 50 morts.
37:31 D'ailleurs, personne n'est revenu dessus.
37:33 -Vous ne les regardez même pas ?
37:35 -Ils ne sont pas intéressants.
37:37 Pour moi, ils ne sont absolument pas fiables.
37:39 Ce que je regarde, c'est,
37:41 parce que je suis un ancien officier d'artillerie,
37:43 l'importance des frappes,
37:45 leur répétition et les moyens
37:47 qui sont utilisés pour... Normalement,
37:49 quand on vise, quand on essaie de faire
37:51 une frappe chirurgicale,
37:53 on va utiliser, par exemple, pour tuer un milicien du Hamas,
37:55 on va utiliser un missile Hellfire,
37:57 dont disposent les Israéliens.
37:59 C'est un missile qui a une charge militaire de l'ordre de 8 kg.
38:01 Quand vous sortez une bombe de 250 kg,
38:03 ce n'est pas la peine d'avoir fait s'inscrire
38:05 pour comprendre que vous allez faire
38:07 15 fois plus de dégâts. Donc, vous ne tuez pas
38:09 deux ou trois personnes, vous en tuez
38:11 10 à 15 à chaque frappe.
38:13 Quand vous prenez le nombre de frappes
38:15 et le fait qu'il y a à peu près
38:17 un tiers des bâtiments de la bande de Gaza qui ont été détruits,
38:19 ce qui veut dire qu'il reste des corps dessous,
38:21 que personne ne peut sortir tant qu'on n'a pas ramené la paix.
38:23 Personne n'a les moyens d'aller les sortir.
38:25 - Des victimes de vies qui meurent,
38:27 de l'effondrement des tunnels, notamment.
38:29 - Ça veut dire qu'on sous-estime très gravement
38:31 le niveau des pertes,
38:33 et en tant qu'expert en bombardement,
38:35 j'en ai mené, j'en ai subi des bombardements.
38:37 Je pense en savoir un peu plus que les géopoliticiens
38:39 qui nous expliquent tous les matins
38:41 que tout ça est mené avec finesse.
38:43 - Parlez de 20 000 à 30 000 morts.
38:45 - Mais c'est peu. Je sous-évalue les chiffres.
38:47 Je dis, aujourd'hui, à ce stade,
38:49 à deux mois de combat, on est au minimum
38:51 entre 20 et 30 000 morts,
38:53 et quatre fois plus de blessés.
38:55 Ça veut dire qu'on a largement dépassé
38:57 le stade des 120 000 Palestiniens
38:59 victimes de cette guerre.
39:01 C'est inacceptable,
39:03 surtout si on le met au regard du bilan,
39:05 où les analystes sérieux israéliens
39:07 disent qu'on a touché
39:09 quelques milliers de militias.
39:11 - On parle de carnage.
39:13 - Et pas les chefs qui sont au Qatar.
39:15 - On va en parler. On va regarder la carte.
39:17 Les combats se concentrent dans le sud du pays,
39:19 avec des bombardements et des troupes
39:21 au sol de Tsaïl, dans la ville de Ráñones.
39:23 Le sud, il faut le rappeler,
39:25 c'était là où devaient se réfugier les Palestiniens,
39:27 déplacés de Gaza City vers le sud
39:29 pour être
39:31 plutôt protégés.
39:33 Ce n'est plus évidemment le cas.
39:35 Est-ce que, pour vous, l'armée attaque
39:37 intentionnellement les civils ?
39:39 Est-ce que vous dites que ce sont des crimes de guerre ?
39:41 - Alors,
39:43 on est proche des crimes de guerre.
39:45 Je voudrais rappeler une chose que j'ai traversée
39:47 avec des gens qui ont été témoins.
39:49 Il n'y a aucune intention génocidaire.
39:51 Alors, là, c'est vraiment des extrémistes
39:53 qui nous expliquent que les Israéliens
39:55 veulent conduire un génocide ? Non.
39:57 - Les experts de l'ONU qui parlent de risque
39:59 ou de génocide, là encore, vous les disqualifiez ?
40:01 - Ils parlent de risque, mais ils n'ont jamais dit
40:03 qu'il y avait un génocide.
40:05 - Certains ont parlé de génocide, d'autres de risque.
40:07 - Un génocide, c'est pas ça.
40:09 Si les Israéliens se mettaient à frapper
40:11 l'ensemble du peuple palestinien,
40:13 et ils en ont les moyens, techniquement,
40:15 ce que les Israéliens appliquent,
40:17 c'est ce que vous avez rappelé tout à l'heure,
40:19 c'est la doctrine de riposte disproportionnée.
40:21 - C'est-à-dire ?
40:23 - C'est-à-dire qu'ils estiment qu'à partir du moment
40:25 où ils ont été attaqués, l'attaque bestiale
40:27 du 7 octobre qui avait été
40:29 faite à dessein par le Hamas,
40:31 les Israéliens s'estiment
40:33 en droit de frapper avec une brutalité inouïe.
40:35 Je vais prendre un exemple.
40:37 - "En droit", ça veut dire quoi ?
40:39 - Ça veut dire simplement qu'ils ne cherchent pas
40:41 à minimiser le nombre de victimes collatérales,
40:43 que les victimes collatérales deviennent les victimes principales.
40:46 - Mais on n'est pas dans le cadre du droit international ?
40:48 - On n'est absolument plus dans le cadre du droit international,
40:50 et c'est pour ça que ce qu'ils font
40:52 peut être qualifié de crime de guerre,
40:54 mais pas de crime contre l'humanité ou de génocide.
40:56 Il faut rester dans un cadre objectif.
40:58 Ce que font les Israéliens est disproportionné.
41:01 Quand, pour tuer un cadre du Hamas,
41:03 ils abattent 10 immeubles,
41:05 ce qu'ils font là n'a pas de sens,
41:08 sauf que, dans l'esprit de la doctrine israélienne,
41:11 c'est montrer aux Palestiniens
41:13 que plus jamais ils ne devraient faire ça,
41:15 tellement les destructions seront importantes.
41:17 Les conséquences, c'est qu'ils n'ont jamais donné
41:19 autant de force au Hamas.
41:21 - C'est ça, pour vous, le Hamas a de quoi recruter
41:24 pour, quoi, une dizaine d'années ?
41:26 - Une quinzaine d'années. Ce qui est très important
41:28 quand on fait la guerre, c'est de ne jamais aller
41:30 là où l'ennemi vous attend.
41:32 Or, depuis le début, le Hamas emmène Israël
41:35 dans cette guerre qui, en réalité, est une impasse,
41:38 j'oserais même dire un tunnel.
41:40 - Il y a Libération qui a repris deux enquêtes
41:44 de la presse israélienne,
41:46 qui a publié des papiers très intéressants
41:48 sur l'outil d'intelligence artificielle
41:50 dans ces combats.
41:51 Ca pose la question aussi, justement,
41:53 de l'intentionnalité sur les victimes civiles.
41:56 C'est un outil qui permet de générer les cibles
41:59 et qui dit, au fond, voilà le calcul
42:01 des victimes collatérales.
42:03 Ca existe déjà dans nos armées, régulièrement,
42:07 ce genre d'outil, ça veut dire qu'au fond,
42:09 tout est fait en connaissance de cause ?
42:11 - Oui, tout est fait en connaissance de cause,
42:13 mais attention, l'intelligence artificielle
42:15 ne décide pas des cibles, elle les propose.
42:17 Elle fait un travail d'Etat-major accéléré.
42:19 - Ce sont les hommes qui décident.
42:21 - Exactement. Là où il faudrait normalement
42:23 des centaines de personnes pour calculer
42:25 les cibles frappées tous les jours,
42:27 l'armée israélienne annonce entre 200 et 400 attaques par jour.
42:30 En fait, pour mener 100 attaques,
42:32 il faudrait pratiquement avoir 200 ou 300 personnes
42:34 dans des Etats-majors pour dire qu'est-ce qu'on cible
42:36 aujourd'hui, demain ?
42:37 Et là, les Israéliens ont multiplié par 4 ou 5
42:40 la capacité de frappe parce qu'en réalité,
42:43 ils accélèrent leurs opérations,
42:46 ils savent pertinemment, contrairement à ce qu'affiche
42:48 tous les jours le Premier ministre Netanyahou,
42:51 qu'ils n'ont pas la possibilité de durer,
42:53 pour les raisons qu'on a évoquées tout à l'heure.
42:55 Et donc, ils veulent aller très vite
42:57 en espérant obtenir des résultats tangibles.
42:59 - Mais elle est un peu asymétrique, quand même,
43:01 cette guerre, un Etat terroriste, un Etat démocratique,
43:04 et une zone dense, tellement dense que cette banque
43:07 de 50 km, qu'est Gaza.
43:09 Est-ce qu'il y a une alternative militaire,
43:11 concrètement, sur le terrain ?
43:12 Pas pour demain, pour après-demain,
43:14 aujourd'hui.
43:15 - Myriam, elle n'est pas un peu asymétrique,
43:17 elle est totalement asymétrique.
43:19 C'est-à-dire que les dégâts qui sont commis aujourd'hui
43:23 s'en prennent sans proportion avec ce qu'a fait le Hamas.
43:26 Le Hamas n'a pas les moyens de l'armée israélienne.
43:28 Et en fait, le Hamas est élevé au rang d'un acteur étatique
43:32 incontournable à cause de la politique de Netanyahou.
43:35 Bien sûr qu'il y avait des alternatives,
43:37 elles ont été étudiées par certains Israéliens.
43:39 Il y en a une qui était absolument géniale,
43:41 qui consistait à confier aux Palestiniens
43:44 de se débarrasser du Hamas,
43:46 notamment en proposant des primes, des primes mirobolantes,
43:49 qui fait que ce sont les Palestiniens
43:51 qui se seraient chargés d'éliminer le Hamas,
43:54 sachant que le Hamas, pour l'essentiel,
43:56 terrorise les gens sur la bande de Gaza.
43:58 On présente toujours ça comme si les Palestiniens
44:01 soutenaient à fond le Hamas.
44:03 Mais pardon, c'est vachement impossible
44:05 aujourd'hui de faire un sondage.
44:07 Moi, les amis palestiniens que je connais
44:09 m'ont toujours dit qu'il n'y avait pas question
44:11 qu'on s'exprime sur le Hamas,
44:13 à partir du moment où on a de la famille dans la bande de Gaza.
44:15 - La stratégie de Sale, c'est aussi celle de l'encerclement.
44:17 Aujourd'hui, c'est la maison de Yahya Sinwar,
44:20 un des principaux chefs du Hamas qui a été encerclé.
44:23 Il n'est pas officiellement, a priori, à Gaza,
44:28 mais les porte-parole de Sale disent que s'il est dans les tunnels.
44:32 Alors, est-ce que ça, ça peut contribuer à décapiter le Hamas
44:38 si on arrive à trouver, à attraper leur chef ?
44:41 - Est-ce qu'on a déjà décapité un mouvement terroriste
44:46 sans que cette personne soit immédiatement remplacée ?
44:49 Tous les pays qui ont été confrontés à des menaces russes,
44:52 la France, au Sahel, chaque fois qu'on a annoncé
44:55 qu'on avait tué le sous-chef d'Akmi,
44:57 pardon, mais juste, on fait de la promotion interne
45:00 et surtout, on alimente sans fond,
45:02 parce que c'est bien le principe du terrorisme,
45:04 c'est de faire en sorte qu'en frappant très fort sur cette population,
45:08 on alimente les volontaires pour le Hamas.
45:11 En réalité, plus on frappe sur le Hamas,
45:13 et plus on le renforce.
45:14 - Ça ne changerait pas la donne.
45:16 Les Américains détiennent la clé de ce conflit,
45:18 vous l'avez dit.
45:20 Il y a les élections américaines présidentielles qui approchent
45:24 et puis il y a un Antony Blinken qui retourne,
45:28 on en est à trois fois déjà sur le terrain,
45:30 et un Joe Biden qui commence à hausser le ton.
45:32 Il y a des sanctions pour la reprise de la colonisation en Cisjordanie,
45:37 notamment sur les visas américains,
45:39 et puis il y a ce vote au Congrès.
45:42 C'est le Sénat qui a décidé de bloquer l'aide militaire,
45:45 d'abord sur l'Ukraine, mais aussi sur Israël.
45:48 Ça, c'est un tournant.
45:50 - Oui, c'est un tournant, parce qu'il n'y a que les Américains
45:53 qui ont des stocks de munitions et d'armement suffisants
45:56 pour alimenter Israël et l'Ukraine.
45:58 Or, tout ce qu'il consacre à Israël sera en moins pour l'Ukraine,
46:02 qui va très vite être en grande difficulté,
46:04 et d'autre part, pour Israël,
46:06 si à un moment les Américains disent "on arrête",
46:08 dans les trois jours, les Israéliens,
46:10 faute de munitions, sont obligés d'arrêter.
46:12 On voit bien qu'ils ont un levier très fort,
46:14 qui a toujours eu un soutien très fort
46:16 de la communauté juive aux Etats-Unis,
46:18 mais la plus jeune génération, c'est elle qui dit
46:21 "mais à quoi sert cette guerre ?
46:23 "Est-ce que le fait de vouloir s'attaquer militairement aux Hamas
46:26 "va régler le problème des Palestiniens et de la bande de Gaza ?"
46:29 Mais pas du tout. Ils ont très bien compris
46:31 que c'était une guerre sans fin et sans issue.
46:34 - Alors, comment imaginer l'après ?
46:36 C'est ma dernière question. Avec qui ?
46:38 Avec qui il faut discuter pour le début d'une sortie politique ?
46:42 - En fait, si on veut imaginer une sortie politique,
46:45 il faut d'abord écarter les acteurs les plus radicaux.
46:48 Bien sûr, ostraciser définitivement le Hamas.
46:50 On ne doit plus parler au Hamas
46:52 exactement comme on ne parle plus à Daesh,
46:54 au lieu de faire ce que fait le gouvernement Netanyahou,
46:57 c'est-à-dire ne parler que d'eux.
46:59 Et d'autre part, il faut écarter le gouvernement Netanyahou,
47:02 qui est au fond le meilleur ennemi du Hamas.
47:04 - Merci beaucoup. Merci, Guillaume Ancel.
47:06 Revenez quand vous voulez. Je rappelle qu'on peut vous suivre
47:09 sur votre blog "Ne pas subir".
47:11 Vous avez beaucoup déjà de "followers",
47:13 comme on dit en bon français.
47:15 Merci pour cet éclairage.
47:17 On va terminer avec les Affranchis.
47:18 Vous allez pouvoir réagir à leur parti pris.
47:20 On les accueille tout de suite.
47:22 Gaëlle Gauze, de France Inter, éditorialiste politique
47:26 dans cette émission tous les jeudis soirs,
47:28 et Delphine Sabatier de Bismarck,
47:30 pour son œil sur le numérique.
47:32 Bienvenue, les amis. Installez-vous.
47:34 On va commencer par un Bourbon Express un peu spécial ce soir
47:37 avec Marco Pommier, qui se trouve à Saint-Ouen.
47:41 C'est là, dans la proche banlieue de Paris,
47:45 que la gauche, mais pas tout le monde,
47:49 la gauche sans les insoumis,
47:51 ont décidé de se réunir pour se mobiliser
47:53 contre le projet de loi Immigration.
47:55 Oui, Myriam, la nupèce est morte.
48:00 Et si vous en doutiez encore, ce meeting en cours,
48:03 actuellement, juste derrière moi,
48:05 est une preuve supplémentaire de l'explosion
48:07 de l'Alliance des Gauches.
48:09 Jean-Luc Mélenchon est absent, son État-major aussi.
48:11 Point de Mathilde Panot ou de Manuel Bompard.
48:13 Tout le temps, sur le papier, le rassemblement est large.
48:15 Toutes les sensibilités sont représentées ce soir.
48:17 Les socialistes sont là, les communistes aussi,
48:20 les écologistes également.
48:22 Et puis, il y a aussi certains insoumis.
48:24 Mais attention, il s'agit des insoumis rebelles.
48:26 Traduction, celles et ceux qui sont en froid
48:28 avec Jean-Luc Mélenchon,
48:30 les nommés sont Clémentine Autain ou Raquel Garrido.
48:32 Elles sont présentes ici ce soir.
48:34 Donc, il s'agit de faire cause commune,
48:36 c'est ça, malgré les divisions ?
48:41 Oui, des divisions, malgré les divisions.
48:43 C'est ce que vous dites.
48:45 Et pourtant, ici, l'ambiance est plutôt bonne.
48:47 On a même vu la gauche entrer sur les Black Eyed Peas.
48:49 Et puis, les ténors de cette gauche,
48:51 ils sont tous au rire ce soir.
48:53 Ce meeting sert à se serrer les coudes,
48:55 expliquait Cyrielle Chatelain,
48:57 présidente du groupe écologiste à l'Assemblée.
48:59 La gauche veut défendre une autre vision
49:01 du projet de loi immigration.
49:03 Trop à droite, pas assez humaniste, selon elle.
49:05 Mais officieusement, ce meeting,
49:07 c'est aussi un moyen de montrer une autre photo de famille,
49:09 une autre union de la gauche alternative à la nupèce, Myriam.
49:11 Enfin, Marco, comment réagissent les absents ?
49:13 Ceux qui n'ont pas été invités, les insoumis ?
49:15 Ils font grise mine, Myriam.
49:19 En général, on n'apprécie pas trop
49:21 quand on découvre que tous nos amis sont à une fête
49:23 à laquelle on n'est pas invité.
49:25 Pour les insoumis, c'est un peu pareil.
49:27 Beaucoup ont découvert l'initiative de ce soir
49:29 sur les réseaux sociaux.
49:31 Chez les insoumis, on trouve ça bien curieux
49:33 que Jean-Luc Mélenchon et son état-major
49:35 n'aient pas été conviés à cette petite fête
49:37 alors que la France Insoumise est quand même
49:39 le premier groupe de gauche à l'Assemblée nationale.
49:41 Alors on coulisse, on lâche les coups, c'est dommage,
49:43 peu élégant, ça étale nos divisions,
49:45 me disait un insoumis.
49:47 Ils affaiblissent la cause commune par des petites opérations politiciennes.
49:49 Ils font fausse route,
49:51 je cite en tout cas Myriam, dès lundi.
49:53 C'est bien toute la gauche qui fera front commun
49:55 dans l'hémicycle contre le projet de loi Immigration.
49:57 Les écologistes défendront d'ailleurs
49:59 une motion de rejet préalable du texte
50:01 qui inquiète beaucoup la Macronie.
50:03 En tout cas, cette motion de rejet,
50:05 elle fait consensus à gauche.
50:07 On va suivre ça évidemment de très très près sur LCP.
50:09 Merci beaucoup Marco Pommier.
50:11 D'ailleurs demain, grand débat consacré
50:13 à cette gauche,
50:15 au cas Mélenchon que vous comparez je crois
50:17 à Cyril Hanouna de La Politique et Elle Rose.
50:19 Je vous ai écouté. Vous nous parlez d'Emmanuel Macron.
50:21 Ce soir, plein emploi,
50:23 export, recherche, innovation,
50:25 le président ressuscite la Start-up Nation
50:27 au risque de ne parler
50:29 qu'à lui-même. Oui Myriam, jusque-là,
50:31 la cause était entendue.
50:33 Vous l'avez un point fort, incontestable.
50:35 C'était l'emploi, le chômage,
50:37 même plus peur. Or, depuis la mi-novembre,
50:39 on l'a vu, ça se dégrade sérieusement.
50:41 Croissance molle
50:43 ou nulle, chômage qui redécolle
50:45 7,4%.
50:47 Ça devrait se confirmer en 2024.
50:49 Et ce n'est pas le sursis de Standard & Poor's
50:51 sur la note de notre dette
50:53 qui suffit à calmer les inquiétudes.
50:55 D'où le "réveillez-vous" qu'on a entendu
50:57 récemment, lâché par Emmanuel Macron
50:59 devant les patrons. D'où sa digression
51:01 à Nantes aussi récemment, aux Assises de la Mer,
51:03 cette métaphore du capitaine
51:05 dans la tempête, qui redoublera d'efforts
51:07 pour atteindre le plein emploi
51:09 5% en 2027. Tout devant
51:11 converger vers ce cap-là.
51:13 Alors, que voulez-vous dire ? Et que l'angoisse
51:15 de rater ce bilan, cette trace dans l'histoire
51:17 économique, monopolise peut-être
51:19 trop son agenda.
51:21 Retour vers le futur, c'est les accents de 2017.
51:23 Il faut lever les barrières, il faut secouer
51:25 les partenaires sociaux sur l'assurance-chômage
51:27 des seniors. Il faut une loi Pacte 2.
51:29 Comme il y a eu une loi Pacte 1,
51:31 il faut des électrochocs partout, au collège,
51:33 dans l'enseignement supérieur.
51:35 Un Acte 2, encore, l'a annoncé aujourd'hui,
51:37 pour l'autonomie des universités.
51:39 On a eu une semaine consacrée à l'export,
51:41 qui est un autre maillon faible de notre économie.
51:43 Et puis là, maintenant, il secoue la recherche,
51:45 il secoue l'innovation. Des scientifiques
51:47 appellent à la rescousse, aujourd'hui, autour d'un comité
51:49 installé à l'Elysée. Et puis,
51:51 lundi, à Toulouse, ce sera un coup de projecteur
51:53 sur les sociétés qui bénéficient du plan
51:55 France 2030. C'est logique.
51:57 L'immobilisme, c'est une petite mort politique,
51:59 donc il bouge, mais attention à ne pas devenir
52:01 hémiplégique. - Oui, à condition
52:03 d'aller dans le bon sens. Vous pensez
52:05 qu'il passe à côté d'autres enjeux
52:07 importants ? - Le grand danger, c'est
52:09 l'aveuglement de type Jospin 2002,
52:11 la focalisation sur les résultats
52:13 macroéconomiques,
52:15 et le fait de ne plus avoir dans ses radars
52:17 les autres peurs, les ressentis au niveau
52:19 micro des Français. Ce fut aussi
52:21 le syndrome Matteo Renzi
52:23 en Italie, leçon qui vaut
52:25 pour Macron. Il faut relire la tribune
52:27 de l'écrivain que les politiques français s'arrachent
52:29 en ce moment, l'italien Giuliano Da Empoli,
52:31 ex-conseiller politique de Renzi,
52:33 qui écrivait ceci en janvier 2020
52:35 dans "Le Monde". "La vérité, c'est bien,
52:37 l'amour, c'est mieux.
52:39 Accumuler les chiffres n'est pas très utile
52:41 si l'amour entre un leader
52:43 et ses électeurs s'évapore.
52:45 C'est cruel, parce que ça veut dire
52:47 que même au plein emploi, la défaite est toujours possible,
52:49 parce que d'autres angoisses,
52:51 exagérées ou non, manipulées ou pas,
52:53 travaillent nos concitoyens,
52:55 en particulier l'immigration.
52:57 La pression est telle, côté
52:59 RN, qu'aucun échec ne sera toléré
53:01 sur le projet de loi d'Armanin. Son examen,
53:03 lundi, vous en parliez, s'annonce comme une course
53:05 d'obstacles périlleuse, sans garantie
53:07 d'aboutir avant Noël. Or, à Noël,
53:09 il y aura ce sujet-là au pied du sapin
53:11 et à table autour de la dinde. Emmanuel
53:13 Macron, vous allez me dire, il est dans son rôle, il veut nous
53:15 projeter devant, regarder devant, par derrière.
53:17 La toute dernière enquête de la Fondation
53:19 Jean Jaurès, c'était hier soir, vient pourtant
53:21 de le confirmer. Le retour
53:23 nostalgique aux 30 glorieuses
53:25 constitue la société rêvée
53:27 des électeurs de Marine Le Pen. - Passionnant,
53:29 Edith O'Guillemin, ça lui passe à côté
53:31 du régalien, question
53:33 d'immigration, sécurité.
53:35 Il veut renouer
53:37 avec ce qui a fait sa victoire
53:39 il y a cinq ans, mais on n'en est plus là ?
53:41 - Euh...
53:43 Moi, je suis un homme de gauche, et d'ailleurs,
53:45 tout à l'heure, quand on présentait le sujet sur la gauche,
53:47 j'ai parfois l'impression de plus savoir où j'habite.
53:49 Alors, je suis content qu'un homme ait voulu
53:51 perturber l'équilibre politique
53:53 en France, mais je suis frappé tous les jours
53:55 par la détermination
53:57 du président Macron, qui est un homme qui a vraiment
53:59 des objectifs, qui se fixe, puis qui va poursuivre jusqu'au bout,
54:01 et son incapacité à
54:03 rassembler, alors qu'au fond,
54:05 je crois que c'est ça qu'on attend le plus
54:07 de sa part, c'est une capacité
54:09 à trouver des compromis et à faire confiance,
54:11 peut-être un peu moins dans son intelligence,
54:13 qui est sans doute redoutable,
54:15 mais dans l'intelligence collective. Or,
54:17 quand je vois la manière dont il traite,
54:19 par exemple, les partenaires sociaux, avec qui, moi,
54:21 je travaille souvent, je me dis
54:23 que c'est vraiment dommage de passer complètement
54:25 à côté de cette capacité
54:27 à trouver des compromis qui font que
54:29 de la CGT au MEDEF,
54:31 on vit bien parce qu'il y a des points sur lesquels
54:33 on s'accorde et tout le monde va l'accepter.
54:35 Et, comme vous le disiez très bien,
54:37 Yael, la question, c'est pas
54:39 toujours d'avoir raison, c'est
54:41 d'arriver à trouver des raisons
54:43 de raisonner ensemble. - Le père de la
54:45 nation qui fait des grands consensus,
54:47 on y est pas encore.
54:49 On enchaîne avec vous, Nalchine.
54:51 Vous vouliez nous parler
54:53 des différentes plateformes
54:55 qui monnaient la protection
54:57 de nos données et même poussaient
54:59 un coup de gueule contre Facebook et Instagram.
55:01 - Alors, vous payez
55:03 ou vous acceptez, en gros,
55:05 de vous taire ? Ça, c'est le nouveau truc
55:07 qu'a trouvé Meta, donc la maison
55:09 derrière Instagram et Facebook,
55:11 pour faire passer la pilule du
55:13 traçage publicitaire, mais surtout pour tenter
55:15 de se mettre en conformité avec le règlement
55:17 européen sur la confidentialité
55:19 des informations personnelles
55:21 dans le monde numérique.
55:23 Je dis "tenter"
55:25 parce que, pourquoi ? Parce que, en fait,
55:27 je trouve que c'est une vaste blague
55:29 ce qu'est en train de mettre en place Facebook
55:31 avec Instagram, parce que, d'abord,
55:33 vous payez. Vous payez combien ?
55:35 Vous payez très, très cher. C'est-à-dire que
55:37 si vous décidez que vos données restent
55:39 personnelles et qu'elles ne soient pas exploitées
55:41 à des fins publicitaires, eh bien, ça vous coûtera
55:43 192 euros au bas mot
55:45 à l'année, voire
55:47 252 par an si vous ne vous y prenez pas
55:49 très bien, juste pour un compte,
55:51 Insta, un compte Facebook. Donc, si vous en avez
55:53 plusieurs, la facture explose totalement.
55:55 Donc, vous payez cher et, en plus,
55:57 pour des services qu'on a toujours connus
55:59 gratuitement, c'est-à-dire qu'on a une habitude
56:01 à utiliser Facebook, Insta,
56:03 sans rien débourser. Demander
56:05 cette somme, c'est un effort considérable.
56:07 - Bien sûr. - Pour moi, c'est
56:09 presque même rédhibitoire.
56:11 Je ne suis pas la seule à le penser. Alors, si Facebook
56:13 fait ça, c'est parce que ses pratiques
56:15 de traçage publicitaire sont jugées
56:17 illégales aujourd'hui en Europe,
56:19 qu'il a écopé d'une amende
56:21 très élevée. Mais
56:23 ça ne va pas suffire, sans
56:25 payer ou accepter, parce que
56:27 déjà, l'organisation de protection
56:29 de nos données, qui s'appelle "None of your
56:31 business", dont la signature, c'est
56:33 "Ma vie privée, c'est pas vos affaires",
56:35 a porté plainte, estimant
56:37 qu'on n'était pas face à un choix
56:39 véritablement libre de s'asseoir
56:41 sur un des droits fondamentaux
56:43 dans le numérique, de garder confidentiel
56:45 nos données. - Alors, qu'est-ce que,
56:47 au fond, ça rapporte vraiment
56:49 à Meta de faire ça ? Il y a quoi ?
56:51 Il y a un manque à gagner pour Meta
56:53 s'ils ne font plus les publicités ciblées,
56:55 si on les refuse ? - Alors, c'est ce qu'on
56:57 pourrait se dire. On va peut-être faire
56:59 le petit calcul. Combien ça coûterait à Meta
57:01 si on partageait plus de données
57:03 avec ses publicitaires ? Donc, si on regarde
57:05 les derniers chiffres qui ont été publiés
57:07 par le groupe, ils nous disent qu'un utilisateur
57:09 en Europe se rapporte environ
57:11 16 dollars. Si j'extrapole
57:13 sur une année, on est un peu plus
57:15 de 60 euros par an.
57:17 On est loin, quand même, des 250 euros
57:19 qu'on va nous demander de payer. Donc, c'est pas
57:21 une histoire de manque à gagner qui serait
57:23 compensée. J'imagine que Meta a plein d'autres
57:25 explications. Mais ce qui est intéressant, c'est quand même que ça
57:27 met en lumière la valeur
57:29 de nos données pour ses réseaux sociaux.
57:31 Ça met aussi en lumière combien, nous,
57:33 on serait prêt à payer. Si c'était, vous payez
57:35 ou vous partez, vous êtes prêt à payer combien
57:37 pour rester sur Instagram et
57:39 Facebook ? Quelle est la valeur de ces réseaux ?
57:41 Peut-être que ça va nous montrer que c'est pas si
57:43 essentiel que ça, finalement, dans nos vies.
57:45 Ça montre aussi que les décisions
57:47 qui sont prises à Bruxelles,
57:49 ça crée quand même des effets,
57:51 ça fait bouger les choses, mais quel
57:53 temps passer ! Parce que ce règlement
57:55 sur la protection des données, il a plus de 5 ans.
57:57 On en est encore là à se dire
57:59 "Est-ce que Facebook peut faire ceci, cela ?"
58:01 À porter plainte ? Et puis,
58:03 surtout, on régule pas le marché.
58:05 On impose des règles, d'accord, mais
58:07 on a pas faibli aujourd'hui les big tech,
58:09 on a pas vraiment bousculé
58:11 les cartes sur le marché. - On n'a pas repris le contrôle
58:13 véritablement, mais c'est déjà ça,
58:15 de voir que ça bouge. C'est
58:17 quelque chose qui vous inquiète, il y a beaucoup aussi
58:19 d'utilisation d'intelligence artificielle,
58:21 de questions
58:23 de plateforme dans le milieu
58:25 militaire, en matière de défense.
58:27 - Plutôt que d'inquiéter, je trouve qu'il y a beaucoup de choses qui font
58:29 que vous avez espéré, en particulier le rôle
58:31 que vous avez évoqué, Delphine, de l'Union européenne.
58:33 On se dit que face à ces géants, ce qui est terrible,
58:35 c'est la dissymétrie de la relation.
58:37 On voit bien que quand on est face à Facebook ou Meta,
58:39 en fait, notre avis ne compte pas.
58:41 Par contre, quand c'est l'Union européenne
58:43 qui s'exprime et qui menace
58:45 d'amende en milliards d'euros, on voit bien que là,
58:47 les géants de la tech bougent,
58:49 parce qu'en fait, ils ont un acteur qui est crédible
58:51 et qui a la taille. Et c'est là où, pardon,
58:53 je pense qu'au XXIe siècle,
58:55 ma génération a loupé ça, et c'est aux suivantes
58:57 qui ont le droit de le faire. C'est au niveau de l'Union européenne
58:59 qu'on trouvera la force de discuter
59:01 avec des acteurs majeurs,
59:03 alors qu'on voit dans nos débats français
59:05 qu'on se voit encore comme une grande puissance,
59:07 alors qu'en réalité, on est un pays moyen
59:09 dans un ensemble qui aurait les moyens
59:11 de se défendre. - On a compris, je crois,
59:13 qu'il faut être 27 pour faire face à ces géants.
59:15 - Je n'ai pas Instagram ni Facebook, je suis un peu boomer,
59:17 mais du coup, je ne payerai rien.
59:19 - Pas d'Insta ? - Non. - Non, ce n'est pas possible.
59:21 - C'est encore possible. - OK, bon, on verra
59:23 si ça tient ou pas. Merci, les Affranchis.
59:25 Merci à vous, Guillaume Ancel, d'avoir été
59:27 notre grand témoin ce soir. C'est la fin de cette émission.
59:29 Demain, on reviendra donc
59:31 sur ce meeting de la gauche,
59:33 même lieu, même heure, très belle soirée documentaire.
59:35 Jean-Pierre Gratien, à demain.
59:37 (Générique)
59:39 ---
59:51 [Générique de fin]

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