Ville de Montbrison
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Grande enquête GéGé, conférence de la restitution des éléments recueillis par Béatrice Guillier, chercheuse en sciences sociales

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00:20:50 Donc, il y avait des allers-retours entre Andrés Jouboutéon et Montbrison
00:20:54 au niveau de l'imprimerie.
00:20:56 Et je voulais aussi faire une référence à quelque chose que j'ai appris
00:21:03 au cours de l'enquête grâce à une enquêtrice du Tarn.
00:21:05 Donc, quelqu'un qui a mené une enquête à Gaillac dans le Tarn.
00:21:08 Il y avait une vingtaine d'ouvrières qui travaillaient dans une usine
00:21:12 de perruques de cheveux pour faire des perruques de cheveux de poupées
00:21:15 à Gaillac dans le Tarn.
00:21:17 Donc, ça s'est fait dans les années 50.
00:21:20 C'est une ouvrière qui a travaillé déjà à Gaillac, qui est venue travailler
00:21:25 un peu à Montbrison chez Gégé et qui est repartie gérer un atelier là-bas
00:21:29 de perruques.
00:21:30 Donc, certaines de vos poupées ont peut-être des perruques qui viennent
00:21:33 de Gaillac.
00:21:34 Donc, ce qu'on peut constater, vous le voyez, c'est un éparpillement
00:21:37 de la main d'œuvre qui correspond donc à ce besoin finalement de Gégé,
00:21:40 et j'y reviendrai, de trouver toujours plus de main d'œuvre.
00:21:44 Et ce qui se traduit par de nombreux déplacements.
00:21:46 Vous pouvez l'imaginer pour aller récupérer la matière, amener
00:21:49 la matière première, récupérer les produits finis, vérifier que tout
00:21:52 se passe bien et aussi même les services techniques, aller vérifier
00:21:55 effectivement que toutes les machines fonctionnent, etc.
00:21:59 Alors, malgré la grande diversité de profils qui travaillent chez Gégé,
00:22:04 on voit bien malgré tout, je viens de vous présenter les différents
00:22:07 sites, que la grande majorité des travailleurs de chez Gégé étaient
00:22:11 à l'usine mère à moins.
00:22:13 Les autres, vous voyez, c'est largement majoritaire.
00:22:17 Là, je me fonde sur des chiffres de 1963 qui sont des chiffres
00:22:20 déclaratifs des établissements Gégé.
00:22:22 Il y a eu un gros recensement industriel par l'INSEE, l'Institut
00:22:25 national de la statistique en 1963.
00:22:28 Et j'ai eu accès à ces chiffres par les archives départementales
00:22:32 qui nous ont aussi été d'un précieux secours d'ailleurs, donc à
00:22:35 Saint-Etienne.
00:22:36 Et on voit bien que Gégé a déclaré avoir une très grande majorité
00:22:41 d'employés à l'usine mère de moins.
00:22:43 Ça explique, je vous le signale aussi, parce que ça explique que
00:22:47 c'est l'immense majorité des retours que j'ai eus des anciens et
00:22:49 anciennes salariés.
00:22:51 J'ai eu très peu de retours d'anciens et d'anciennes salariés d'autres
00:22:54 sites, parce qu'ils étaient numériquement moins nombreux, qu'ils
00:22:57 étaient plus déloignés aussi, et qu'on peut aussi penser qu'il y avait
00:22:59 un attachement peut-être moindre quand on était dans une usine
00:23:03 annexe à la marque Gégé que quand on a travaillé au siège à moins,
00:23:06 où on se sentait peut-être plus impliqué, on voyait la direction,
00:23:10 on s'était plus au centre des événements aussi.
00:23:12 Et il est aussi possible que les conditions de travail n'aient pas
00:23:15 été exactement les mêmes aussi dans les usines annexes, d'après ce
00:23:19 que j'ai pu comprendre, qu'à l'usine mère de moins.
00:23:21 Justement, j'ai fait un petit focus aussi sur l'usine mère de moins
00:23:26 pour vous montrer un autre biais de l'enquête, et qui explique aussi
00:23:30 pourquoi mon enquête parle autant de travail et la chaîne et d'ouvrières
00:23:33 notamment, c'est qu'à l'usine mère de moins, on a une très grande
00:23:37 majorité d'ouvriers et d'ouvrières, et surtout d'ouvrières.
00:23:40 C'est pour ça qu'ils sont majoritaires parmi mes enquêtés également.
00:23:44 On a donc surtout des femmes qui travaillent aux chaînes,
00:23:48 mais aussi beaucoup d'hommes, mais davantage côté ouvrier
00:23:52 effectivement que côté employé.
00:23:53 Donc ça aussi, c'est à prendre en compte pour expliquer le recrutement
00:23:57 que j'ai pu avoir d'enquêter effectivement.
00:24:01 Donc ensuite, je voulais finir par rappeler sur ce point-là,
00:24:08 le rayonnement national et international de GG, parce que c'est quand même
00:24:12 un point important.
00:24:13 Il y avait un certain nombre de dépôts, sept en France.
00:24:16 Là aussi, je me base sur les déclarations de GG dans leur communication
00:24:20 en 1972.
00:24:21 Donc, il y a revendiqué sept dépôts en France, dont le plus gros là,
00:24:24 de ce que vous voyez, est à Pantin, donc à Paris, juste à côté de Paris,
00:24:27 qui est un dépôt assez important.
00:24:29 Et également cinq filiales ou bureaux de vente à l'étranger.
00:24:31 Je reviendrai notamment sur celui de Bruxelles, qui est assez intéressant.
00:24:35 Donc, ce petit tour d'horizon fini, entrons dans le vif du sujet et parlons
00:24:40 un peu des jouets et aussi de la place qu'occupait GG dans le monde du jouet
00:24:44 à l'époque.
00:24:45 Alors là, déjà, je sens tout de suite, on se dit "ah, celui-ci,
00:24:48 je l'avais, celui-ci, je l'ai fabriqué, celle-ci, je l'adorais,
00:24:51 je l'ai câliné".
00:24:52 Mais effectivement, il faut faire un petit point historique avant tout.
00:24:58 Les 30 Glorieuses, c'est aussi une période où on a une hausse conséquente
00:25:01 du pouvoir d'achat et un développement aussi du coup du budget
00:25:05 dédié aux cadeaux.
00:25:06 Donc, on commence à avoir des cadeaux annuels pour certains enfants,
00:25:10 pause anniversaire, ça viendra plutôt par la suite culturellement.
00:25:13 Et on a vraiment un intérêt spécifique qui se développe pour tout ce qui
00:25:16 est le monde de l'enfance.
00:25:17 On a le salon de l'enfance qui ouvre après-guerre à Paris.
00:25:19 On a un développement de la puériculture, un intérêt nouveau
00:25:21 effectivement pour l'enfant qui se développe et donc pour les jouets
00:25:24 qu'on pourrait lui fournir pour développer ses compétences,
00:25:27 éveiller son intérêt et sa curiosité.
00:25:30 Et c'est vraiment l'âge d'or du jouet.
00:25:33 On a les fabricants qui déposent de très nombreux brevets et sont
00:25:38 vraiment au coude à coude pour toujours innover dans le secteur parce
00:25:41 qu'il faut vraiment redoubler d'imagination et GG effectivement se
00:25:46 place complètement là-dedans.
00:25:47 Parce que le jouet, si vous y réfléchissez bien, les principes
00:25:51 ludiques de base, la plupart des jouets sont très anciens en fait.
00:25:53 Enfin, la poupée remonte à l'Antiquité et les dés, les billes,
00:25:57 enfin, c'est des choses auxquelles on joue depuis des siècles.
00:26:01 Quand il faut innover, voilà, pour faire la différence,
00:26:03 il fallait innover à l'époque et c'était une époque très technophile
00:26:05 aussi.
00:26:06 On aimait bien aussi mettre en avant toutes les nouvelles possibilités
00:26:09 qu'on avait pour faire ce que Catherine Reffaber de la marque
00:26:14 Clauderey, puis Corolle, appelait des poupées spectacle.
00:26:17 Et GG effectivement, c'est complètement placé là-dedans,
00:26:19 des poupées qu'on contemple, qui font un nombre de choses
00:26:21 assez incroyables et qu'on regarde effectuer ses actions.
00:26:26 Et d'ailleurs, le budget, ce qui est intéressant,
00:26:30 c'est que le budget dédié à la recherche chez GG,
00:26:32 c'est en 1970, c'est de 3%.
00:26:34 Donc vous voyez, c'est quand même assez conséquent.
00:26:35 Il y a vraiment un service des prototypes qui est financé et qui est
00:26:40 gardé extrêmement secret, puisque effectivement,
00:26:43 la plupart des salariés de l'usine n'ont sans doute pas su qu'il y avait
00:26:46 ce service des prototypes, ou en tout cas, où il était,
00:26:48 parce qu'il était caché à l'arrière d'un local de stockage.
00:26:56 Oui, dans les hauteurs de l'usine.
00:26:59 En fait, personne n'y avait accès et c'était une quinzaine de personnes
00:27:04 finalement qui concevaient les jouets à cet endroit-là.
00:27:06 Donc pour éviter tout espionnage industriel,
00:27:08 les salariés eux-mêmes ne le savaient pas.
00:27:10 Donc finalement, GG, à l'époque, en s'appuyant sur ces innovations,
00:27:16 multiplie les prix, les récompenses, les oscars du jouet.
00:27:22 Signalons la Coupe d'or du bon goût quand même,
00:27:25 qui a été discernée à Juliette Giroux, notamment, qu'on a au musée,
00:27:28 qui est exposée au musée, qui est en prêt en dépôt au musée,
00:27:32 et qui a récompensé Juliette Giroux le travail notamment fait sur les...
00:27:38 GG en général, mais surtout Juliette Giroux pour le travail fait sur
00:27:41 les vêtements de poupées, notamment.
00:27:43 Et l'année précédente, c'était le France, le Pagbo qui avait eu
00:27:47 la Coupe d'or du bon goût français.
00:27:48 Et du coup, on a beaucoup d'oscars, je vous ai mis quelques jouets
00:27:54 qui ont été particulièrement primés.
00:27:56 Je ne vous ai pas mis la Caroline parce qu'on la voit beaucoup.
00:27:58 On la voit beaucoup.
00:28:00 J'ai décidé d'innover.
00:28:01 Donc il y a Blondinette, notamment, qui marche, recule, tourne,
00:28:05 enfin, fait un certain nombre de mouvements dans l'espace.
00:28:07 Sylvia qui vient quand on l'appelle par son prénom, qui court dans les bras
00:28:11 quand on dit son prénom.
00:28:12 Poussé, qui était un poupon gigoteur, donc effectivement,
00:28:15 qui bougeait dans son berceau et qu'on pouvait donc récupérer et câliner.
00:28:21 Le fameux Christophe, que là, je pense qu'il y en a beaucoup,
00:28:23 qui l'ont eu ou qui le connaissent, quoi, sans aller chercher très loin.
00:28:28 Je sais, il ne faut pas tout dire, je sais que ma directrice en a eu un.
00:28:30 Et donc, Christophe qui têtait grâce à un procédé qui lui fait bouger les lèvres.
00:28:38 Et également, on a la moto super champion électrique,
00:28:43 également, qui a reçu beaucoup de prix en son temps.
00:28:46 Et malgré toute cette innovation,
00:28:52 il y a des problèmes structurels au secteur du jouet à l'époque,
00:28:57 sur lesquels je voulais revenir.
00:28:58 Il y a un des problèmes du secteur du jouet, c'est la saisonnalité.
00:29:01 Ça, c'est quelque chose qui est un énorme problème,
00:29:03 parce qu'en fait, dans le jouet à l'époque,
00:29:05 70 à 80 % des ventes sont liées à Noël, au moment de Noël.
00:29:09 Et de ce fait, beaucoup de choses reposent sur les foires,
00:29:15 les salons auxquels participait Gégé.
00:29:17 Il y avait une grosse partie du personnel qui était mobilisé
00:29:20 à certains moments de l'année pour rejoindre les foires,
00:29:22 que ce soit celle de Lyon, de Paris, la plus grosse mondiale,
00:29:24 celle du Nuremberg.
00:29:25 Et ça mobilisait un certain nombre d'employés, en fait.
00:29:28 C'était même les gens du bois pour construire les stands,
00:29:31 les gens des prototypes, bien sûr, des commerciaux,
00:29:34 des gens du service commercial, des interprètes, par exemple.
00:29:38 Et effectivement, les gens de l'échantillonnage
00:29:40 qui venaient mettre en place aussi, faire les présentations,
00:29:42 les mises en scène des poupées également.
00:29:45 Donc, je vous ai mis une photographie d'une vitrine Gégé.
00:29:48 C'est une photographie qu'on vient juste de nous donner.
00:29:50 Une généreuse donatrice nous a donné une série de photos,
00:29:52 et notamment, il y a celle-ci d'une vitrine Gégé
00:29:55 qui était sans doute au Salon de Lyon.
00:29:58 Et ce qui est intéressant, c'est que du fait, finalement,
00:30:01 de cette répartition des ventes sur l'année,
00:30:03 c'est très compliqué pour les fabricants de jouets à l'époque.
00:30:05 C'est une des raisons, d'ailleurs, de l'effondrement massif
00:30:07 des fabricants de jouets dans les années 70-80.
00:30:09 C'est qu'en fait, il faut faire des investissements massifs
00:30:13 pour relancer la production chaque année.
00:30:16 Et on touche tous les bénéfices d'un coup.
00:30:18 Et des fois, ça vient juste combler le crédit qu'on a dû prendre
00:30:21 pour pouvoir relancer la production en début d'année.
00:30:23 Donc, c'est vraiment des difficultés, ça,
00:30:24 que rencontrent à peu près tous les concepteurs
00:30:26 à cause de cette saisonnalité.
00:30:27 Et ça, il n'y a pas grand-chose à faire.
00:30:29 Gégé a essayé plusieurs fois de faire autrement
00:30:32 ou en tout cas de proposer des alternatives.
00:30:34 Ils ont développé une gamme de jouets d'extérieur, par exemple.
00:30:36 On peut penser au badminton, notamment,
00:30:38 ou des jeux pour le sable, des moules, par exemple,
00:30:41 pour essayer de vendre plus l'été.
00:30:43 Et aussi, le fameux bureau de vente, aussi, à Bruxelles.
00:30:48 L'idée, c'était aussi de profiter de l'effet de la Saint-Nicolas,
00:30:50 aussi, dans l'Est, notamment, qui est avant Noël,
00:30:53 et donc pour un peu répartir les ventes le 6 décembre.
00:30:57 Et effectivement, on voit...
00:31:01 Je n'ai pas résisté à l'envie de vous mettre, là aussi,
00:31:04 c'est un don récent d'un collectionneur m'embrisonné,
00:31:07 c'est le biver publicitaire,
00:31:09 parce que Gégé faisait beaucoup de publicité, bien entendu.
00:31:11 Et ça, c'est intéressant, parce qu'ils ont fait appel chez Gégé
00:31:15 aux dessinateurs publicitaires Stéphanois Jeroux,
00:31:17 que vous connaissez peut-être, sans connaître son nom.
00:31:20 Il a beaucoup travaillé pour Casino, notamment.
00:31:22 Et il a fait des visuels assez marquants,
00:31:27 et notamment qui ont été déclinés en buvards,
00:31:29 dont le musée vient juste de se doter.
00:31:32 Et le musée a également la chance de posséder un fonds Jean Roux,
00:31:35 Jeroux, en général.
00:31:37 Et alors, il y a aussi eu, bien sûr, la télévision,
00:31:41 parce qu'en 1975, la télévision autorise les publicités,
00:31:46 les concepteurs de jouets à faire de la publicité pour leurs jouets.
00:31:49 Donc, évidemment, Gégé se met sur le coup,
00:31:52 notamment avec Publicis, avec l'agence Publicis.
00:31:55 Il y a une série de publicités, vous en avez peut-être vu certaines,
00:31:57 dont une pour Christophe et une pour la moto...
00:32:00 pour la petite moto électrique, notamment.
00:32:04 Et le succès est immédiat, comme pour beaucoup de concurrents.
00:32:08 Le problème, c'est de mettre en place des structures de diffusion
00:32:11 d'apport...
00:32:12 Il y a eu une demande massive d'un coup,
00:32:14 et beaucoup de concepteurs français ont du mal à fournir.
00:32:17 Et ce qu'on a remarqué, c'est que cette vague de publicités
00:32:21 pour les jouets
00:32:23 ont plutôt profité aux pays asiatiques, qui étaient déjà en plein boom.
00:32:27 Donc, les pays étrangers, qui, eux, avaient déjà une force de frappe
00:32:30 pour fournir un grand nombre de jouets en peu de temps.
00:32:33 Ce qui fait qu'en 1977,
00:32:34 le premier exportateur mondial de jouets, c'est Hong Kong.
00:32:37 Donc, ça, ça n'a pas pu freiner...
00:32:41 C'était déjà bien enclenché à l'époque,
00:32:44 et il y a eu une disparition massive,
00:32:46 mais vraiment massive, des concepteurs de jouets dans les années 70.
00:32:50 Et un autre aspect structurel
00:32:53 du secteur du jouet à l'époque, qu'on trouve chez Gégé,
00:32:58 c'est la dimension nécessairement artisanale,
00:33:01 ou en tout cas qui est réputée artisanale du jouet.
00:33:04 C'est-à-dire que pour faire un jouet de qualité,
00:33:05 il faut beaucoup de monde, en fait,
00:33:07 parce qu'il y a beaucoup d'étapes différentes.
00:33:10 Il y a la nécessité de passer par une main d'œuvre nombreuse,
00:33:14 qualifiée,
00:33:15 et d'avoir beaucoup de mains à disposition également.
00:33:19 Donc, ça, c'est vrai que ça a un peu...
00:33:23 Ça a un peu compliqué,
00:33:25 parce qu'on a, d'un côté, des machines, effectivement,
00:33:28 des machines dans lesquelles il faut investir.
00:33:29 Alors que je vous ai dit, les finances sont souvent à l'équilibre
00:33:32 à cause de cette saisonnalité du jouet.
00:33:33 Donc, il faudrait investir en plus de machines.
00:33:35 Mais parfois, c'est compliqué.
00:33:37 Donc, on a tendance à plutôt recruter plus de mains d'œuvre.
00:33:39 Et la main d'œuvre, elle doit faire des tâches comme,
00:33:41 notamment, là, je vous ai mis une machine à implanter les cheveux.
00:33:44 On en a eu une au musée,
00:33:45 qui sert à agrafer les cheveux sur la tête des poupées
00:33:48 après que ces têtes aient été chauffées au four
00:33:51 pour permettre d'enfoncer les agrafes dans la tête.
00:33:56 On a, je vous ai aussi mis les caches
00:33:58 pour la peinture du visage des poupées,
00:34:00 où les yeux, on a plein de yeux comme ça au musée.
00:34:02 On ne sait pas s'il faut les exposer
00:34:03 ou si les gens vont trouver ça vraiment inquiétant
00:34:07 ou douteux, mais voilà.
00:34:08 Donc, toutes ces étapes-là nécessitent beaucoup de monde.
00:34:12 Et j'en reviendrai quand je parlerai des ouvrières à la chaîne.
00:34:14 Et notamment, on a eu, c'est pour ça qu'on a eu...
00:34:19 Alors, ça aussi, c'était intéressant à trouver au cours de l'enquête.
00:34:22 En fait, un certain nombre de gens nous ont apporté
00:34:23 des choses très intéressantes.
00:34:25 Et on a eu un prêt de ce qui ressemble à un dossier d'audit
00:34:28 qui aurait été réalisé en 62 au sein de l'usine de Moins,
00:34:32 qui est donc un dossier dans lequel une entreprise,
00:34:36 on dirait maintenant que c'est du consulting,
00:34:38 est venue regarder ce qui se faisait chez GG et comment optimiser.
00:34:40 Donc, on voit qu'il y avait déjà le souci, effectivement,
00:34:42 d'avoir plus de productivité chez GG à l'époque.
00:34:45 Et c'est intéressant parce qu'en fait, cette enquête,
00:34:48 l'audit conclut que le facteur essentiel de la productivité,
00:34:54 c'est le travail humain dans les secteurs du jouet, notamment,
00:34:56 et notamment chez GG.
00:34:58 Donc, là, on a ce schéma qui est assez incroyable,
00:35:01 qui a un graphique de poste, en fait.
00:35:03 Du coup, ce qu'il faut faire pour améliorer la productivité,
00:35:04 il faut regarder les gens travailler.
00:35:06 Donc là, c'est le cas.
00:35:07 On a observé une ouvrière qui fixait des pantographes
00:35:10 sur des locomotives Mistral, il me semble.
00:35:14 Et on a regardé pour pouvoir savoir comment il fallait optimiser les gestes
00:35:18 pour minimiser le nombre de mouvements, en fait.
00:35:20 Donc ça, c'est assez intéressant
00:35:23 parce que c'est la seule façon, c'est de diminuer les déplacements
00:35:25 et les manutentions pour produire plus de jouets.
00:35:29 Alors, parce qu'en fait, chez GG,
00:35:31 je vous ai parlé des différentes étapes.
00:35:34 Il y avait vraiment beaucoup de corps de métier qui étaient prêts en sur place,
00:35:37 donc de gens qui étaient nécessaires à tous les étages, si je puis dire, de chez GG.
00:35:43 On avait un grand nombre de gens qualifiés.
00:35:46 On avait l'imprimerie, on avait de la mécanographie,
00:35:48 qui est l'ancêtre de l'informatique, tout de même.
00:35:51 On avait tout ce qui était lié au moule,
00:35:53 donc des ateliers plutôt masculins pour une partie,
00:35:56 et on avait des ateliers plutôt féminins avec des chaînes, les dinettes,
00:35:59 tout ce qui était chaînes d'emboîtage aussi,
00:36:01 donc où on mettait des objets dans des boîtes,
00:36:04 notamment les dinettes, les coffrets scientifiques, etc.
00:36:07 Donc, on avait les femmes aussi qui travaillaient à l'échantillonnage,
00:36:10 donc des professionnels de la couture.
00:36:12 On avait l'ébénisterie à Michiran aussi,
00:36:14 où étaient conçus les coffrets de petites ébénistes.
00:36:16 Donc, un grand nombre de corps de métier et aussi...
00:36:22 Et aussi, là, je vous parle des gros services,
00:36:24 et aussi des postes individuels.
00:36:26 On est venu me parler en entretien,
00:36:27 des postes qu'une seule personne occupait à la fois ou qui était rare.
00:36:31 On m'a parlé de la personne qui peignait les joues en rouge pistolets,
00:36:35 les joues des poupées pistolets, qui était toute seule.
00:36:38 On m'a parlé de la personne qui était toute la journée
00:36:40 dans une petite cahute à l'étage des chaînes
00:36:43 et qui testait tous les disques de Caroline,
00:36:47 qui écoutait ou des poupées parlantes,
00:36:49 parce que chez Gégé, tout était testé avant de partir.
00:36:51 Et du coup, on avait effectivement quelqu'un
00:36:55 qui était dédié spécifiquement à écouter tous les petits disques
00:37:01 des poupées parlantes.
00:37:02 On m'a parlé, évidemment, de la personne qui collait les cils sur les yeux.
00:37:06 On m'a aussi parlé de...
00:37:08 Et j'ai même rencontré de celles qui sérigraphiaient les boîtes.
00:37:11 Donc, les sérigraphistes aussi, il faut y penser,
00:37:13 de ces boîtes Gégé,
00:37:15 qui vous ont sans doute marqué par leur design.
00:37:19 Et on m'a aussi parlé de celui qui faisait monter et descendre l'ascenseur,
00:37:22 quand même, parce qu'on m'a raconté
00:37:24 qu'il y avait beaucoup de problèmes d'ascenseur chez Gégé
00:37:27 et qu'il fallait appeler l'ascenseur au sens propre
00:37:30 pour qu'il vienne quelqu'un qui faisait monter et descendre l'ascenseur.
00:37:33 On m'a dit ça dans les années 70.
00:37:35 Alors, peut-être qu'à d'autres moments, ça marchait beaucoup mieux,
00:37:37 mais en tout cas, il y a eu cette période
00:37:40 où quelqu'un était dans l'ascenseur pour le faire monter et descendre
00:37:42 à l'usine à moi.
00:37:45 Donc, ceci dit, la plus grande partie,
00:37:47 comme je vous montrais tout à l'heure, des ouvriers à moi
00:37:52 étaient des ouvrières de chaîne.
00:37:54 Donc, il y avait trois grandes chaînes chez Gégé.
00:37:59 L'étage, c'était la couture, le montage des poupées,
00:38:03 donc la couture des vêtements de poupées, le montage des poupées et l'habillage.
00:38:08 Et ce salariat était vraiment très, très majoritairement féminin,
00:38:11 à tel point qu'on me raconte...
00:38:13 Une dame m'a dit que, quand elle était petite,
00:38:15 elle entendait, on disait dans le quartier, à midi,
00:38:17 quand les ouvrières sortaient, "Tiens, c'est le poulailler qui sort."
00:38:21 Je passe bien sûr sur l'aspect des obligeants de la remarque,
00:38:25 parce qu'effectivement, à midi, tout le monde sortait,
00:38:27 puisque soit les personnes rentraient manger chez elles pour la pause déjeuner,
00:38:31 soit on pouvait également manger sur place.
00:38:34 Et du coup, grosso modo, aux chaînes, on travaillait d'8h à 12h
00:38:37 et de 13h30, 14h à 18h,
00:38:40 mais ça pouvait être plus long selon les périodes de l'année.
00:38:44 Il y avait des périodes beaucoup plus chargées que d'autres.
00:38:46 Et d'ailleurs, il y a une salariée
00:38:51 qui était une salariée de la chaîne de couture
00:38:53 qui m'a bien expliqué le fonctionnement de sa chaîne,
00:38:55 qui est la première des trois chaînes, la chaîne de couture,
00:38:57 qui fait les vêtements de bouppées, et qui m'expliquait ainsi,
00:39:01 les machines étaient les unes derrière les autres,
00:39:03 et il y avait des bacs.
00:39:04 Et nous, on prenait... Moi, c'était des jupons.
00:39:06 Donc cette dame faisait les jupons chez Gégé,
00:39:09 mais ça aurait pu être un autre vêtement.
00:39:10 On prenait dans le bac derrière nous, et pour continuer,
00:39:12 on avait chacune une opération bien précise à faire.
00:39:15 Donc moi, je cousais la dentelle sur les jupons,
00:39:17 et après, je passais, ça tombait dans le bac,
00:39:19 et l'autre personne qui était devant moi récupérait
00:39:21 pour faire une autre opération sur le vêtement.
00:39:23 Alors, on voit vraiment le fonctionnement de la chaîne.
00:39:25 Donc en passant par ces bacs successifs, en fait,
00:39:28 où la personne devant récupère le vêtement,
00:39:30 ce qui peut bien sûr créer...
00:39:31 Et c'est aussi de ça dont me parle cette même salariée,
00:39:34 qui, elle, était saisonnière dans les années 70
00:39:37 à la chaîne de couture des poupées.
00:39:38 C'est que, vu que les cadences étaient assez rapides,
00:39:40 un beau jour, elle ne se rend pas compte
00:39:42 que son fil transparent ne s'est pas mis sur son jupon.
00:39:44 Du coup, son jupon n'est pas vraiment cousu.
00:39:47 Il tombe quand même dans le bac devant.
00:39:48 La personne de devant s'énerve, parce qu'effectivement,
00:39:51 c'est l'une des caractéristiques du travail à chaîne,
00:39:54 c'est qu'on implique tout.
00:39:55 D'où aussi le peu de pause.
00:39:56 Si on part en pause, effectivement, toute la chaîne s'arrête.
00:39:59 Donc il faut partir en pause en même temps, etc.
00:40:01 Donc il y a tout cet aspect de...
00:40:05 Oui, de codépendance, en fait,
00:40:07 des différentes personnes à la chaîne.
00:40:09 Bon, on a aussi...
00:40:11 On a évidemment tout le côté montage.
00:40:13 Là, j'ai eu un salarié d'été qui m'a dit...
00:40:16 Travaillez, vous voyez, toute la journée,
00:40:17 pendant 8 heures à mettre des vis, on regardait l'heure.
00:40:20 Et puis en plus, on avait l'heure en face.
00:40:22 Ça avançait pas vite.
00:40:24 Donc il y a un mauvais emplacement d'horloge,
00:40:26 de toute évidence, à la chaîne de montage.
00:40:29 Mais ces salariés saisonniers, c'est intéressant,
00:40:33 parce que j'en ai eu beaucoup, notamment du fait de leur âge,
00:40:35 parce que les salariés saisonniers étaient souvent très jeunes
00:40:37 dans les années 70, notamment.
00:40:39 Donc il y en a encore beaucoup qui peuvent témoigner,
00:40:42 qui ont apporté leur témoignage.
00:40:43 Et eux, souvent, ils avaient tendance soit à ralentir la chaîne,
00:40:47 parce qu'ils avaient moins de bouteilles que les autres,
00:40:49 soit à l'accélérer, parce qu'eux, ils étaient pleins d'énergie
00:40:52 et ils n'étaient pas conscients de ce que ça allait faire porter aux autres
00:40:56 d'accélérer, c'est-à-dire que tout le monde accélérait.
00:40:58 Donc j'ai un salarié qui me raconte...
00:41:01 On devait faire, je ne sais plus combien,
00:41:02 une centaine de moteurs à mettre dans l'heure.
00:41:05 Il ne fallait pas en faire moins.
00:41:06 Moi, au départ, j'en avais fait 150.
00:41:08 Mais c'est le contraire. Il ne faut pas en faire 150.
00:41:10 Parce qu'il disait 150, après, ils vont tous nous mettre à 150.
00:41:13 C'est une autre mentalité.
00:41:15 Donc il y a l'idée, effectivement, d'échapper.
00:41:18 Du coup, il faut se mettre d'accord.
00:41:19 Et c'est intéressant, parce que moi, j'ai un salarié à l'habillage
00:41:22 qui m'a raconté comment, à certaines époques et dans certaines chaînes,
00:41:25 on pouvait se mettre d'accord.
00:41:26 C'est-à-dire, moi, j'ai une salariée de la chaîne d'habillage
00:41:29 qui m'a raconté comment elles avaient collectivement
00:41:32 renoncé à la prime, à la rapidité.
00:41:33 Parce qu'en fait, il y avait une base fixe.
00:41:35 Il y avait plus si on était à la rapidité, mais on s'épuisait.
00:41:38 Donc elles en ont discuté, elles se sont mises d'accord,
00:41:40 elles ont fait le minimum.
00:41:41 Donc il y avait aussi ce genre de stratégie d'entraide
00:41:44 sur certaines chaînes, selon les périodes.
00:41:48 Et alors, bien sûr, cette nécessité de produire vite,
00:41:52 ça pouvait entraîner aussi un certain nombre de blessures au travail.
00:41:57 On m'a parlé forcément de le fait de s'agrafer les doigts à la graffeuse,
00:42:01 le fait de s'enfoncer les doigts sur les petites têtes,
00:42:04 j'ai des enquêtés qui m'ont parlé.
00:42:06 Quand on doit faire une petite tête de poupée mannequin Millie
00:42:09 et la passer sous la grosse machine à fixer les cheveux,
00:42:13 à implanter les cheveux, il faut faire attention,
00:42:14 il faut être très habile.
00:42:16 Donc je tiens à rappeler aussi l'habileté des ouvrières
00:42:19 qui devaient faire très vite, effectivement,
00:42:21 un certain nombre d'opérations très complexes.
00:42:24 Et tout ça dans un contexte où les semaines de travail étaient assez longues.
00:42:31 Alors ça dépendait beaucoup des postes et des périodes.
00:42:32 C'est important de le savoir aussi chez GG,
00:42:34 on ne travaillait pas toujours.
00:42:36 Il y avait les périodes de foire qui étaient très chargées
00:42:37 pour une partie des gens,
00:42:39 et il y avait des périodes qui étaient un peu plus légères.
00:42:42 A l'année, c'était quand même du 62 heures de travail par semaine,
00:42:44 selon les déclaratifs de GG à l'INSEE en 62.
00:42:48 En moyenne, c'est-à-dire, ça dépendait.
00:42:50 Employés, ouvriers, cadres, ingénieurs, tout mélangé.
00:42:53 Donc tout le monde ne travaillait pas la même durée dans tout ça.
00:42:57 Et donc...
00:43:01 Je voulais aussi m'attarder sur un point
00:43:06 qui est le moment d'entrée chez GG, qui est souvent un moment clé.
00:43:08 Moi, j'ai beaucoup de femmes qui m'ont parlé du moment...
00:43:10 Moi, une question que je posais toujours en entretien aux gens,
00:43:12 c'est "Comment vous êtes rentré chez GG ?"
00:43:14 Et ce qu'on m'a dit beaucoup,
00:43:19 c'est qu'il y avait une forme d'évidence.
00:43:21 Alors, je me rappelle d'une enquête qui m'a même dit...
00:43:24 Bon, je ne vais pas dire que l'usine de moins, c'était Pôle emploi,
00:43:26 mais un peu quand même.
00:43:27 Donc il y avait vraiment possibilité d'engager beaucoup de monde
00:43:33 très, très vite, et il y avait une simplicité.
00:43:35 Quand j'ai demandé à une salariée de la chaîne d'habillage,
00:43:37 "Mais pourquoi vous êtes rentrée ?"
00:43:39 Elle m'a dit "Mais pourquoi je suis rentrée chez GG ?"
00:43:40 "Parce que quand je suis sortie de l'école, j'avais 17 ans,
00:43:42 et à ce moment-là, il y avait beaucoup de travail.
00:43:45 L'usine embauchait beaucoup, et je suis rentrée là."
00:43:48 J'avais des copines qui travaillaient.
00:43:51 Pourquoi pas, voilà, je suis restée.
00:43:53 Et une autre, d'ailleurs, confirme...
00:43:56 "C'était comme ça, je me suis fait inscrire, j'étais rentrée."
00:43:58 Donc il y avait une sorte de rapidité aussi pour pouvoir rentrer
00:44:03 qui a permis aussi,
00:44:05 et je trouve que c'est un des aspects intéressants de l'enquête,
00:44:10 à une forme d'émancipation quelque part,
00:44:11 ou en tout cas de prise d'autonomie par les jeunes filles à l'époque,
00:44:14 parce que c'était un énorme employeur de jeunes femmes, GG,
00:44:18 et ça a permis à beaucoup d'obtenir un premier emploi, notamment,
00:44:24 et de sortir éventuellement...
00:44:27 Alors il y a beaucoup de jeunes femmes qui, à l'époque,
00:44:29 étaient issues d'un milieu agricole, par exemple,
00:44:30 qui, du coup, au début, devaient cumuler les travaux
00:44:33 dans l'exploitation agricole de leurs parents
00:44:36 avec le travail à l'usine dans la journée.
00:44:39 Et petit à petit, avec le salaire dégagé chez GG,
00:44:43 elles pouvaient aider leurs propres parents,
00:44:44 parfois faire l'acquisition d'un premier mode,
00:44:47 d'un premier mode de déplacement autre que la bicyclette,
00:44:49 donc un vélo moteur, éventuellement, un Solex,
00:44:53 et pouvaient parfois prendre un petit appartement en ville.
00:44:57 Alors il y avait même des mariages dans l'entreprise,
00:44:59 enfin, des fois, malgré le ratio que vous avez vu qui est assez...
00:45:02 Bon, le ratio homme-femme n'est pas très...
00:45:05 Enfin, il y a vraiment énormément de femmes.
00:45:07 On a quand même, donc, à un moment,
00:45:10 le mariage avec quelqu'un de l'entreprise éventuellement,
00:45:12 ou avec un artisan ou un ouvrier du coin,
00:45:16 et parfois, c'est le moment où on quitte l'usine pour ces femmes,
00:45:19 à défaut d'avoir parfois pu accéder à des postes plus qualifiés
00:45:24 ou d'avoir quitté la chaîne.
00:45:25 Le mariage ou la naissance d'un premier enfant
00:45:27 peut être le moment pivot, finalement, où on quitte l'entreprise
00:45:30 pour aller soit continuer une carrière ailleurs en tant qu'ouvrière,
00:45:34 soit passer dans le tertiaire, il y en a beaucoup aussi,
00:45:37 dans le service, quelques-unes dans le commerce également,
00:45:39 ou devenir femme au foyer et s'occuper des enfants,
00:45:42 ou aider le mari à la comptabilité s'il a 10 ans.
00:45:44 C'est le genre de profil que j'ai pu voir.
00:45:46 Et le problème, effectivement, sinon de l'enfant,
00:45:51 c'est quand il n'y a pas de support familial
00:45:53 pour garder l'enfant en proximité,
00:45:55 les salaires qui sont réputés bas chez GG,
00:45:57 mais alors dans toute l'entreprise du jouet,
00:45:58 les enquêtés m'ont toujours beaucoup dit,
00:46:00 et ça vient d'accord, apparemment,
00:46:02 ça se viendrait d'accord, qui touche tout le secteur,
00:46:04 que les salaires sont particulièrement bas
00:46:07 dans le secteur du jouet à l'époque.
00:46:10 Donc, les salaires n'étant pas très élevés,
00:46:12 moi, j'ai une enquêtée qui m'a dit
00:46:14 qu'on lui avait proposé une place de chef de chaîne,
00:46:16 même, elle, elle était à la chaîne ouvrière de chaîne,
00:46:18 on lui a proposé une place, elle, elle a refusé.
00:46:21 Elle a dit "Mais non, madame, sûrement pas.
00:46:24 Vous savez, moi, je viens ici comme ça.
00:46:27 Je veux dire, parce que vous savez,
00:46:28 pour moi, il faut que je fasse garder mon enfant."
00:46:30 Et donc, voilà. Donc, cette jeune maman, en fait,
00:46:32 n'a pas pris le poste...
00:46:33 Aujourd'hui, on parlerait sans doute de plafond de verre,
00:46:35 mais n'a pas pris ce poste parce qu'elle n'avait pas les moyens
00:46:37 de faire garder son enfant, et effectivement, par la suite,
00:46:39 elle a quitté l'entreprise pour pouvoir se consacrer à son enfant.
00:46:44 Et il y a aussi, évidemment, des femmes
00:46:47 qui ont fait toute leur carrière chez Gégé,
00:46:48 mais l'enquête a moins permis de capter ces profils-là,
00:46:50 tout simplement parce que des femmes
00:46:51 qui ont fait 30 ans de carrière ou 40 ans de carrière chez Gégé
00:46:55 sont beaucoup plus âgées aujourd'hui,
00:46:56 et donc, elles sont plus dures à interroger.
00:47:00 Et donc, ce qui est intéressant à propos de ces carrières féminines chez Gégé,
00:47:04 c'est leur caractère complètement morcelé.
00:47:06 En fin de compte, les hommes que j'ai interrogés,
00:47:09 beaucoup qui avaient été anciens salariés chez Gégé,
00:47:10 il y avait souvent une grosse coupure dans leur carrière,
00:47:13 c'était le service militaire,
00:47:14 qui, parfois, en plus, à l'époque, tombait avec la guerre d'Algérie.
00:47:17 Du coup, ça a été un moment de coupure
00:47:19 qui ont fait que soit ils gardaient leur place,
00:47:21 ils revenaient, effectivement, ils reprenaient une place chez Gégé,
00:47:24 ou ils passaient à une autre étape de leur carrière,
00:47:27 alors que les femmes ont fait beaucoup d'aller-retour.
00:47:29 En fait, il y a pas mal de femmes qui ont fait un certain nombre d'aller-retour
00:47:31 quand l'enfant naissait, ils passaient en travail à domicile, par exemple,
00:47:34 et après, quand l'enfant grandissait, hop, repassait à l'usine,
00:47:39 la quittait, revenait.
00:47:41 Donc, il y avait aussi ce type de changement, finalement,
00:47:45 voire elles partaient complètement de l'usine,
00:47:47 se consacraient aux enfants,
00:47:49 et revenaient plus tard reprendre un autre poste.
00:47:52 Alors, ce morcellement des carrières féminines,
00:47:54 il est aussi dû à l'entreprise elle-même,
00:47:55 puisqu'en fait, à cause du modèle saisonnier
00:47:58 dont je vous parlais plus tôt,
00:48:00 il y avait un certain nombre d'employés de Gégé
00:48:02 qui quittaient l'usine, en fait,
00:48:04 en dehors de la période de productivité de l'usine.
00:48:08 On n'avait plus besoin de tout le monde,
00:48:10 et une partie du personnel continuait à travailler sur les jouets,
00:48:16 la future vente, les boîtes étaient conçues,
00:48:19 les prototypes travaillaient, etc.
00:48:21 En revanche, pour ce qui est du désouvrir la chaîne,
00:48:24 c'était compliqué de...
00:48:26 Enfin, l'entreprise en renvoyait un certain nombre,
00:48:28 mais les mettait au chômage quelques mois,
00:48:30 et puis elle revenait ensuite.
00:48:32 Donc, apparemment, les effectifs pouvaient ainsi baisser
00:48:35 jusqu'à environ 400.
00:48:37 D'ailleurs, un ancien cadre m'explique comme ça.
00:48:40 "Gégé commençait d'embaucher en juin-juillet."
00:48:43 Alors, pourquoi ils ne pouvaient pas sur l'année ?
00:48:44 S'ils prenaient une personne à l'année,
00:48:45 les poupées, les jouets se vendaient à Noël.
00:48:47 Ils étaient payés 60 à 90 jours après,
00:48:49 3 mois, jusqu'à 90 jours après.
00:48:51 Dans les grands magasins, c'était encore pire.
00:48:53 Donc, payer un personnel et rentabiliser ce personnel
00:48:56 un an et demi après, c'est très, très difficile.
00:48:59 Donc, c'est pour ça qu'ils mettaient beaucoup au chômage.
00:49:00 Vous voyez, on a aussi là un autre impact
00:49:02 de cette saisonnalité que j'évoquais plus tôt.
00:49:06 Il y a aussi un autre levier d'ajustement pour l'usine
00:49:08 qui était le travail à domicile.
00:49:09 Là aussi, il faut évoquer ces travailleurs et travailleuses.
00:49:11 Il y avait beaucoup de travailleuses
00:49:13 qui étaient à domicile chez Gégé
00:49:14 parce que c'était la possibilité pour elles
00:49:16 de garder leur enfant parallèlement
00:49:18 et éventuellement de travailler en horaire décalé.
00:49:21 On a ainsi le témoignage d'un fils de salarié Gégé
00:49:26 et d'une travailleuse à domicile qui, en temps,
00:49:28 elle avait d'ailleurs travaillé à l'usine.
00:49:29 C'est encore un exemple de ce dont je vous parlais,
00:49:32 donc ces allers-retours faits par les femmes aux usines Gégé
00:49:36 et qui dit "Mon père avait des horaires un peu lourds,
00:49:38 mais il travaillait à la demi-journée.
00:49:39 Et comme c'était un bon travailleur,
00:49:40 il faisait le travail parfois de ma mère l'après-midi
00:49:42 au niveau travail à domicile.
00:49:44 Ce travail, alors, n'était pas très bien payé,
00:49:45 mais ma mère y trouvait des avantages
00:49:47 parce qu'elle pouvait nous garder,
00:49:48 elle pouvait vaquer aux travaux de la maison,
00:49:49 être mère au foyer."
00:49:51 Et effectivement, on a un cadre G qui m'explique
00:49:54 que les ouvriers à domicile, c'était pratique
00:49:56 parce qu'ils leur donnaient du travail quand ils en avaient, Gégé.
00:49:58 Quand ils n'en avaient pas, bon, ben...
00:50:00 Pour un ménage, c'était uniquement un complément
00:50:01 parce qu'autrement, ils ne pouvaient pas vivre.
00:50:03 Alors c'est intéressant parce qu'il y a un certain nombre de femmes
00:50:05 qui arrivaient à être très productives à la maison
00:50:07 et donc gagnaient plus en étant à la maison qu'à l'usine.
00:50:09 C'était selon la productivité de chacun.
00:50:12 Effectivement, des fois, elles recevaient de l'aide à la maison
00:50:15 de la part d'autres membres de la famille.
00:50:17 Et il y avait aussi la possibilité
00:50:20 de cumuler ce que faisaient certains et certaines
00:50:25 du travail à l'usine et du travail à domicile,
00:50:27 pour arrondir les fins de mois.
00:50:29 Alors...
00:50:32 Alors oui, là, j'arrive à quelque chose
00:50:36 qui est plus centré sur la convivialité
00:50:38 parce que finalement, ce que j'évoquais, le travail à domicile,
00:50:42 c'est aussi une certaine forme de porosité
00:50:44 entre le domicile et le travail
00:50:46 puisque les gens qui habitaient...
00:50:48 Plus on habite près de l'entreprise,
00:50:50 plus on peut être sollicité éventuellement, ponctuellement
00:50:52 pour en dehors des heures de travail,
00:50:55 ou travailler plus tard, ou avoir des horaires décalés.
00:50:58 Et GG étant une entreprise, comme beaucoup d'autres à l'époque,
00:51:02 plutôt de type paternaliste,
00:51:03 bien entendu, ils mettaient comme avantage
00:51:07 pour beaucoup de leurs salariés, une cité ouvrière.
00:51:10 Donc il y a eu quelques bâtiments de construit,
00:51:12 une première vague dans les années 50
00:51:13 et l'autre vague dans les années 70.
00:51:15 C'est un pass de la Fonfort, donc près de l'usine.
00:51:18 Et c'était un loyer extrêmement réduit.
00:51:22 Donc avec, effectivement, un certain confort.
00:51:27 Notamment, on va parler d'une baignoire-sabot,
00:51:29 ce qui n'était pas le cas dans toutes les salles de bain à l'époque.
00:51:33 Et ça libérait les employés de certaines contraintes
00:51:36 puisque tout était géré par l'entreprise à cet endroit.
00:51:39 Et là, on peut avoir une sorte de convivialité, finalement,
00:51:42 et d'entraide qui se met en place.
00:51:44 On garde les enfants les uns des autres, on mange ensemble,
00:51:46 on se rencontre en dehors de l'entreprise.
00:51:47 Et c'est notamment un lieu de fête pour les enfants de l'entreprise
00:51:52 et j'ai eu des enfants salariés
00:51:53 qui m'ont raconté de très beaux souvenirs à la Fonfort
00:51:55 parce qu'ils pouvaient vaquer leurs occupations à très, très libre.
00:52:00 Et j'ai notamment eu le récit d'un carnaval
00:52:03 qui avait eu lieu à la Fonfort,
00:52:04 organisé par les enfants sous l'œil bienveillant des adultes.
00:52:07 Il y a quelqu'un qui m'a dit... On avait fait un carnaval aussi.
00:52:10 Ça, je m'en rappelle.
00:52:11 On était en bas, autour de l'immeuble, on dansait.
00:52:13 Et la voisine avait mis son tourne-disque, la fenêtre ouverte,
00:52:15 et on dansait sur la musique.
00:52:16 Ça devait crachoter pas bien fort,
00:52:18 mais je me rappelle qu'on entendait ça
00:52:19 et qu'on dansait dans tout le quartier de Gégé.
00:52:21 Donc, ce genre de souvenirs a bien alimenté l'idée
00:52:25 que finalement, à proximité de l'entreprise,
00:52:28 l'entreprise peut aussi ponctuellement devenir un lieu de fête.
00:52:34 Alors, la fête qui est bien connue souvent des anciens et anciennes de Gégé,
00:52:39 c'est bien sûr le fameux repas des 25 ans
00:52:42 où tous les salariés de l'usine ont été conviés
00:52:46 dans les différents restaurants de la ville
00:52:47 pour déguster un menu qui est tout appétissant,
00:52:50 il faut quand même bien le dire,
00:52:52 qui implique notamment des morilles et la crème et du champagne.
00:52:56 Et tout le monde avait été invité,
00:52:58 enfin, tous les salariés traditionnels avaient été invités à ce restaurant.
00:53:03 Il nous en reste deux photos.
00:53:04 Moi, j'ai entendu qu'un photographe avait fait le tour
00:53:06 de tous les restaurants à l'époque pour prendre en photo toutes les tablées.
00:53:09 J'ai jamais réussi à en avoir plus que ces deux-là.
00:53:11 Donc, si quelqu'un découvre dans ses archives
00:53:13 des photos des tablées de chez Gégé, c'est super,
00:53:16 parce que là, on a celle des cadres et des dirigeants,
00:53:18 et on a certaines chaînes, notamment féminines,
00:53:21 qui sont présentes dans le restaurant.
00:53:23 Et voilà.
00:53:24 Donc, si on en trouve d'autres, on serait très, très content.
00:53:29 Et on a également, je l'évoquerai rapidement,
00:53:33 l'entreprise Accompagne aussi...
00:53:35 Là aussi, c'est une marque de l'entreprise paternaliste,
00:53:38 mais Accompagne les employés dans certaines étapes de leur vie.
00:53:42 Par exemple, il y avait des cadeaux...
00:53:44 Là aussi, c'est à certaines époques.
00:53:46 Je ne sais pas s'il y a eu à toutes les époques,
00:53:47 je ne sais pas si tout le monde en a bénéficié.
00:53:48 On m'a parlé de certains couples
00:53:49 qui recevaient en se mariant un service à café.
00:53:52 On m'a aussi parlé de l'échantillonnage.
00:53:55 À l'échantillonnage, le service de couture qui était géré par Mme Giroux
00:53:59 a été conçu, les tenues des poupées.
00:54:00 On m'a dit qu'il y avait des layettes de conçu
00:54:02 qui étaient offertes pour les naissances des enfants.
00:54:04 Là aussi, ça a été à certaines périodes.
00:54:06 J'imagine que tout le monde en a pas forcément bénéficié
00:54:08 selon les politiques du moment,
00:54:10 mais c'est quelque chose qu'on m'a dit.
00:54:14 Et il y a également d'autres fêtes qui sont tolérées dans l'entreprise
00:54:18 avec des degrés d'implication divers de la part de la direction.
00:54:21 On a notamment la Sainte-Catherine,
00:54:23 qui était très fêtée, surtout dans le milieu textile, bien entendu.
00:54:26 Et je n'ai pas pu résister à l'envie de vous mettre à l'écran
00:54:30 un chapeau de la Sainte-Catherine.
00:54:32 C'était l'échantillonnage, donc, à Juliette Giroux
00:54:35 qui faisait ces chapeaux qui sont assez incroyables.
00:54:38 C'est donc une poupée et ça se fixe par des rubans sous le menton.
00:54:41 Donc, dans les années 50-60, à partir des années 50-60,
00:54:45 c'était souvent ça, les chapeaux de Sainte-Catherine,
00:54:46 représenter le corps de métier, effectivement.
00:54:49 Et c'est intéressant parce que là, c'est le chapeau d'une sérigraphiste,
00:54:51 d'ailleurs.
00:54:53 Donc, elle ne travaille pas aux poupées, comme quoi les poupées
00:54:55 étaient déjà un symbole de l'entreprise très fortement.
00:54:59 Et donc, on avait la Sainte-Catherine,
00:55:03 on avait les pots de départ, bien sûr, comme dans toute entreprise,
00:55:06 qui souvent finissaient dans les cafés du coin.
00:55:07 Alors, j'ai entendu parler de je ne sais combien de cafés,
00:55:10 parce qu'il y avait beaucoup de cafés à l'époque à Montbrison,
00:55:12 où il y avait des festivités,
00:55:14 beaucoup parlé de chez Francette, notamment.
00:55:16 Et voilà, on a donc des petits moments de grâce,
00:55:21 de liberté aussi en marge de l'entreprise,
00:55:23 où on se retrouve pour faire la fête.
00:55:25 J'ai eu le récit magnifique d'une salariée
00:55:27 qui m'a raconté de l'administration,
00:55:30 qui m'a raconté que dans les années 50,
00:55:32 elles avaient fait un pot de départ pour un collègue qui partait,
00:55:35 et elle était soprane, championne de chant,
00:55:38 et elle s'est retrouvée à chanter la Tosca
00:55:41 sous le pont de sa vigne toute la nuit
00:55:44 pour son collègue qui partait avec toute son équipe.
00:55:46 Donc, il y a eu des moments de convivialité.
00:55:47 Là aussi, ça dépend. Il y a eu des périodes
00:55:49 où les chaînes ne s'apprenaient pas, on ne se faisait pas d'amis,
00:55:52 c'était pas sympathique. Il y a eu des périodes
00:55:54 où on se faisait des amis tellement fortes
00:55:55 que moi, j'ai entendu des femmes qui partaient
00:55:58 faire des escapades en vélo ensemble,
00:55:59 partaient en vacances en France ou à l'étranger ensemble,
00:56:01 et elles sont restées amies pour la vie.
00:56:03 Il y a beaucoup d'histoires comme ça qui se sont croisées.
00:56:08 Alors, c'est intéressant parce que le travail à la chaîne,
00:56:10 vous vous en doutez bien,
00:56:11 c'est parce qu'il favorise le mieux ce type d'interaction,
00:56:13 parce que pour être productif dans le cadre du travail à la chaîne,
00:56:15 il faut être rapide, et pour être rapide,
00:56:17 il faut souvent être silencieux.
00:56:19 Donc, le silence est imposé souvent par les chefs de chaîne
00:56:22 pour se concentrer sur le travail.
00:56:24 Mais moi, j'ai eu des récits, et ça, c'était assez formidable,
00:56:28 des moments de liberté.
00:56:30 Alors, vous allez voir ces moments de liberté,
00:56:32 le plaisir presque du jeu,
00:56:34 il vient aussi du fait de réussir à échapper à la surveillance
00:56:36 de la chef de chaîne, justement.
00:56:39 Et comme cette ancienne salariée des chaînes d'habillement
00:56:43 qui me raconte comment elle mangeait des gâteaux à la dérobée,
00:56:48 ça m'a beaucoup dit, qu'on allait chercher des viennoiseries,
00:56:49 des gâteaux, et qu'on les mangeait en douce en travaillant.
00:56:53 Donc, soulignons l'habileté de ces femmes
00:56:55 qui réussissaient à faire un travail à la chaîne sur des poupées
00:56:58 et à manger des viennoiseries parallèlement.
00:57:00 Et on m'a aussi dit dans les années 70,
00:57:03 là aussi, je ne sais pas si c'était le cas avant,
00:57:05 qu'il y avait eu des moments de liberté relative
00:57:07 dans l'entreprise aux chaînes,
00:57:09 puisqu'on défaisait la chaîne, en fait,
00:57:11 les femmes qui restaient là à la mauvaise saison,
00:57:14 donc à la saison non productive,
00:57:17 ces femmes-là restaient,
00:57:21 travaillaient sur autre chose, faisaient un autre type de travail
00:57:24 qui était de réparer les poupées,
00:57:27 enfin, remettre en beauté les poupées
00:57:28 qui revenaient complètement amochées après Noël,
00:57:30 parce qu'il y avait un service après-vente chez GG.
00:57:32 Et donc, on récupérait souvent des poupées
00:57:35 qui avaient plutôt mauvaise mine.
00:57:36 Et donc, les ouvrières qui étaient normalement aux chaînes,
00:57:38 et notamment à la chaîne d'habillage,
00:57:40 pendant une période, du coup, devaient nettoyer les poupées
00:57:43 et leur redonner leur éclat, les remaquiller, etc.
00:57:46 Et ça, ce n'était pas fonctionnel dans la chaîne,
00:57:47 chacune avait une poupée, et la productivité était beaucoup moins...
00:57:50 La pression était bien moindre.
00:57:52 Donc, apparemment, c'était vraiment des parties de plaisir, je cite.
00:57:57 On faisait des jeux idiots.
00:57:59 Donc, on raconte...
00:58:00 Et d'ailleurs, c'est amusant, parce qu'il y a une partie de ces jeux
00:58:02 qui rappelle les jeux qu'on faisait nous-mêmes,
00:58:04 comme les enfants.
00:58:05 Je ne sais pas si une partie d'entre vous a déjà donné
00:58:07 ce genre de mauvais traitement à ses poupées,
00:58:08 mais par exemple, on faisait des parties de cache-cache,
00:58:11 elles ne voyaient pas la chef.
00:58:12 On se cachait sous les tables.
00:58:14 Là, c'était un bonheur sensationnel.
00:58:15 Ou au lieu de nettoyer une poupée, on la barbouillait encore plus.
00:58:18 On lui mettait du rouge jusque-là,
00:58:19 puis dès qu'on voyait la chef, on enlevait tout.
00:58:21 Donc après, on les enlevait avec du white spirit ou un pilier.
00:58:25 Donc, je voulais aussi revenir sur ce petit moment
00:58:28 qui ont fait des souvenirs, on m'en parle, 50 ans après,
00:58:33 qui ont aussi proposé des moments de complicité
00:58:36 assez forts à l'intérieur des chaînes.
00:58:38 Alors, bien sûr, il faut rappeler qu'au sein de l'entreprise,
00:58:44 cette possibilité de s'amuser, de trouver du plaisir dans le jeu,
00:58:48 ou en tout cas, de trouver des moments de liberté,
00:58:50 des moments où on peut se poser, disons,
00:58:54 à être plus calme et à être moins productif,
00:58:56 ça dépend beaucoup des postes qu'on occupe,
00:58:58 de la créativité qu'on peut y trouver.
00:59:01 C'est pour ça que j'ai un cadre du Service des Protéines
00:59:03 qui me dit qu'on n'avait pas le temps de jouer.
00:59:04 Mais je dis souvent, j'ai eu un patron qui m'a payé pour m'amuser.
00:59:07 En réalité, oui, mais je travaillais.
00:59:08 Mais c'est un travail.
00:59:10 Pour moi, c'était agréable par rapport aux chaînes de fabrication.
00:59:12 Et voilà, donc là, on a une opposition, effectivement,
00:59:14 sur les différents types de travail qu'il y avait dans l'entreprise,
00:59:17 mais qui est aussi perçu différemment.
00:59:19 Moi, j'ai eu une salariée d'été qui m'a dit...
00:59:20 Moi, je trouvais ça sympa comme travail d'habiller les poupées
00:59:22 à l'été à la chaîne d'habillage.
00:59:24 Alors, c'est marrant au début, un petit peu moins après,
00:59:26 mais malgré tout, c'est sympa.
00:59:29 C'est pas de tourner un boulon et voilà, on gardait quand même la poupée en main.
00:59:31 Vous voyez ?
00:59:33 Donc là, on voit qu'il y a une sorte de plaisir quand même
00:59:34 qui est souligné par un certain nombre de salariés,
00:59:36 une spécificité du fait de fabriquer un jouet.
00:59:38 Parce qu'en fait, il y a beaucoup d'opérations
00:59:42 qu'on fait en fabriquant des jouets qui ressemblent à du jeu.
00:59:46 Pour tester les circuits de petites voitures,
00:59:48 on les fait tourner en continu.
00:59:50 Pour les poupées, il faut les brosser, il faut les habiller,
00:59:53 il faut en prendre soin.
00:59:56 Sauf que ce qui en fait du travail,
00:59:58 c'est le fait d'être contraint de le faire,
01:00:00 et forcément très vite, puisque c'est de la production.
01:00:02 Et ça, c'est intéressant sur ce que ça nous dit sur le jeu et le travail aussi
01:00:06 au sein de l'entreprise, mais aussi en général.
01:00:09 Et alors, je finis sur une partie qui est justement,
01:00:13 après qu'on ait vu ces adultes qui s'amusaient,
01:00:15 ou en tout cas qui tentaient de s'amuser
01:00:17 ou de trouver des espaces de liberté dans un travail
01:00:20 qui a plutôt laissé dans l'ensemble, en plus, des bons souvenirs,
01:00:23 on avait aussi des enfants qui travaillaient dans cette entreprise.
01:00:26 Et ça, c'est une partie d'une façon ou d'une autre.
01:00:28 Alors, je vous ai déjà parlé des enfants qui donnaient un coup de main
01:00:31 à leur père ou à leur mère en rentrant de l'école
01:00:33 et qui, du coup, participaient à la création de jouets,
01:00:35 ce qui leur plaisait plutôt, parce que, pareil, pour eux,
01:00:37 c'était pas une contrainte.
01:00:38 Ils fabriquaient des jouets, ce qui est attrayant pour un enfant.
01:00:42 Et ils trouvaient donc un intérêt ludique à le faire ponctuellement.
01:00:47 Mais on a aussi beaucoup d'autres enfants qui participaient
01:00:50 de manière ou d'une autre aux activités de GG.
01:00:52 Notamment, GG avait souvent l'habitude de faire appel
01:00:55 à l'entourage pour faire la publicité, la communication autour de ses produits.
01:01:01 Donc, l'entourage, ce que soient ses salariés,
01:01:03 les familles des salariés, sa propre famille, etc.
01:01:06 Alors, j'ai pas résisté, d'ailleurs, dans ce cadre
01:01:07 à vous mettre une photo d'un macaron
01:01:11 qui se trouve sur la com,
01:01:13 un médaillon qui se trouve sur la com pour le TransEurope Express,
01:01:17 qui est un modèle de petit train.
01:01:19 Et on a un chef de gare, c'est un train électrique, il part au sifflet.
01:01:23 Le chef de gare, c'est celui de Montbrison.
01:01:24 Vous le reconnaîtrez peut-être.
01:01:25 C'était vraiment celui qui était à la gare de Montbrison à l'époque.
01:01:27 Donc, il y a l'idée aussi de recruter des gens familiers,
01:01:31 en tout cas, des figures montbrisonnaises.
01:01:34 Et il y a une autre photo que je suis très contente de vous montrer
01:01:37 parce que c'est une inédite.
01:01:40 C'est une publicité qui n'a jamais été diffusée.
01:01:42 C'était une publicité pour la version hippie de la petite moto,
01:01:45 donc une version de la petite moto, mais en rose avec des fleurs.
01:01:49 Et l'idée, c'était une moto à construire.
01:01:51 Donc, c'est à construire par le papa.
01:01:53 Et l'enfant joue avec.
01:01:55 C'est un peu l'idée, le concept de cette moto
01:01:58 qui est arrivé à la toute fin de la production de GG,
01:01:59 donc qui n'a jamais été produite en fin de compte.
01:02:02 Et là, on a donc un cadre de GG qui se prête à l'exercice
01:02:07 avec un enfant qui est un enfant de la comptabilité.
01:02:10 C'est pas son fils, c'est un enfant de quelqu'un de la comptabilité.
01:02:14 Donc voilà, on prenait aussi les proches des salariés
01:02:17 pour faire des enfants, donc, pour poser.
01:02:20 Et c'est notamment le cas d'une série de photos qui, là, est plus connue,
01:02:23 mais qui est extrêmement marquante,
01:02:25 des photographies publicitaires pour jouer "Mon tracteur et ses remords",
01:02:28 qui est un tracteur en bois qui transporte un certain nombre de jouets,
01:02:31 et pour lequel un fils de la direction et une fille de cadre
01:02:34 ont joué, ont posé, ont réellement joué pendant un certain temps
01:02:38 sous l'œil du photographe pour en faire un dépliant publicitaire
01:02:41 qui, là, a bien été édité, effectivement.
01:02:44 Alors, d'autres enfants qui travaillent pour l'entreprise, c'est les voix.
01:02:47 Alors ça, j'avais envie de vous en parler,
01:02:48 parce que j'ai parlé à pas mal de gens qui ont fait des voix
01:02:51 pour les jouets Gégé.
01:02:53 Et alors, c'est pas toujours des enfants,
01:02:56 c'est même pas toujours des filles, en fait.
01:02:58 On a eu, pour les poupées, il y a aussi des petits garçons
01:03:00 dont la voix était au bercher, qui ont pu enregistrer
01:03:02 la voix des poupées ponctuellement.
01:03:05 Mais on sait aussi que parfois, c'est des adultes.
01:03:07 Moi, j'ai des très jeunes salariés de 15-16 ans
01:03:09 qui ont eu l'occasion d'enregistrer des voix.
01:03:12 Madame Giroux elle-même enregistrait certaines voix.
01:03:15 Et pour les voix d'ours, c'était des hommes qui étaient d'ours mâles,
01:03:20 c'était des ours...
01:03:22 Non, c'est pas les ours, malheureusement, qui étaient sollicités,
01:03:24 c'était des voix d'hommes adultes.
01:03:26 Donc, la plupart du temps, c'est néanmoins des fillettes
01:03:29 qui étaient sélectionnées, souvent des premiers prix de chant,
01:03:30 qui étaient distingués au sein de leur établissement scolaire.
01:03:33 On demandait aux professeurs de musique de repérer
01:03:36 une fillette qui avait une jolie voix.
01:03:38 On faisait passer des auditions.
01:03:40 Puis, l'enfant choisi allait enregistrer.
01:03:42 Alors, selon les époques, j'ai entendu plein de versions,
01:03:43 selon les époques, on allait enregistrer directement à l'usine.
01:03:46 À d'autres moments, on allait enregistrer
01:03:47 dans un studio de musique de la rue Tupinerie.
01:03:49 Des fois, on montait à Lyon.
01:03:51 Et le mieux, une fois, à Turin.
01:03:52 J'ai une petite fille qui est partie avec un petit...
01:03:55 Une jeune adolescente qui est partie avec un petit garçon à Turin,
01:03:58 accompagnée par une partie...
01:04:00 par des membres de la direction pour aller enregistrer un CD,
01:04:04 donc des CD pour une poupée parlante.
01:04:08 Et là, l'enfant, c'est vraiment un travail.
01:04:10 Il est rétribué.
01:04:11 Alors, en principe, il est rétribué.
01:04:13 Il reçoit des jouets.
01:04:14 On lui promet souvent la poupée à qui il a donné sa voix,
01:04:17 en l'occurrence.
01:04:18 Ou sinon, j'ai une petite fille qui a ainsi publicité les locaux de l'usine.
01:04:23 Alors ça, voir les jouets en train de se faire,
01:04:25 ça l'a marqué, forcément.
01:04:27 Et elle m'en parle avec beaucoup d'émerveillement,
01:04:28 notamment des femmes qui étaient aux machines à implanter les cheveux,
01:04:31 et aussi du petit train qui l'a beaucoup impressionnée
01:04:33 et qu'elle aurait bien aimé avoir.
01:04:34 Mais elle a eu des poupées à la place.
01:04:36 On n'a pas toujours...
01:04:37 Voilà, c'est pas forcément...
01:04:40 Et alors, juste une petite anecdote.
01:04:41 Bien sûr, les voix, vous l'aurez remarqué,
01:04:42 si vous avez déjà entendu une caroline ou un ours,
01:04:45 elles subissent un traitement après.
01:04:46 Parce que je vous parle de premier prix de chambre.
01:04:48 J'ai beaucoup de gens qui m'ont dit
01:04:49 "Ouh là, les voix des poupées, c'était terrible et tout."
01:04:51 C'est qu'il y a un travail de fait par la suite.
01:04:55 Et ces voix sont ralenties pour les ours et accélérées pour les poupées.
01:05:01 Donc pour faire l'effet bonhomme de l'ours,
01:05:03 c'est ralenti et la poupée, c'est accéléré.
01:05:06 Et une dernière catégorie d'enfants qui travaillent...
01:05:09 Pardon, les citations sont très longues,
01:05:10 mais elles sont riches d'enseignements.
01:05:12 C'est ceux qui testent les prototypes,
01:05:13 parce que les enfants de certains cadres,
01:05:16 de certains chefs de service,
01:05:18 testaient les jouets en avant-première, souvent.
01:05:22 Et donc, ils sont observés par leurs parents
01:05:25 afin de savoir s'il faut commercialiser ou pas.
01:05:27 J'ai une fille d'un 4GG qui m'a raconté de façon très drôle
01:05:31 comment son père amenait des créations parfois le soir
01:05:34 pour voir son ressenti par rapport à des enfants.
01:05:37 Et une fois, il avait apporté...
01:05:40 Ils essayaient de faire un petit peu comme les dessins animés,
01:05:42 "Quasimir" et tout ça.
01:05:43 Moi, j'avais détesté.
01:05:45 Il apporte ça, il y a un "Quasimir" vert, un truc,
01:05:47 les couleurs affreuses.
01:05:48 Ce truc, ils l'ont pas fait.
01:05:50 Donc, on voit que...
01:05:51 Alors, je sais pas si elle était la seule à avoir protesté contre...
01:05:54 Je me suis dit que c'était Hippolyte, l'horrible "Quasimir" vert,
01:05:56 mais voilà.
01:05:58 Et on a aussi un chef de service,
01:06:00 dans une anecdote très intéressante,
01:06:02 qui raconte qu'il a ramené les premiers cartes
01:06:05 à faire tester par ses enfants.
01:06:06 Donc, il avait un garçon et une fille.
01:06:08 Je leur montre le truc.
01:06:09 Je leur montre "marche avant", "marche arrière".
01:06:11 Et je le mets dans le sous-sol.
01:06:13 Parce que ce que je voulais, c'est qu'ils le cassent.
01:06:15 Je voulais voir ce qui allait pas, ce qui pouvait ne pas aller.
01:06:17 Donc, volonté de tester le prototype.
01:06:19 Au bout d'un moment, j'entends, "mais ils étaient pliés en deux de rire."
01:06:22 Non, ils pleuraient de rire.
01:06:23 Il y a un truc, c'est génial.
01:06:24 Donc, je descends, j'ouvre la porte, le carte était dans un coin,
01:06:27 ils étaient tous les deux dans le carton, et ils faisaient la moto.
01:06:30 Brrrr...
01:06:31 Alors, pourquoi je dis que c'est riche d'enseignement ?
01:06:34 Parce qu'en fait, il y a pas mal d'employés et de joueurs,
01:06:37 d'anciens joueurs, qui m'ont raconté leur...
01:06:39 Ne pas vraiment avoir...
01:06:41 Ne pas être persuadé que les jouets pour GG étaient seulement pour les enfants
01:06:44 ou même étaient pour les enfants.
01:06:45 Alors, je m'explique.
01:06:46 J'ai beaucoup de gens qui m'ont dit,
01:06:49 notamment des petites filles qui m'ont dit qu'elles n'avaient jamais joué avec leur poupée.
01:06:52 Alors, on leur offre une belle poupée.
01:06:55 Elles n'ont pas joué avec. Alors, pourquoi ?
01:06:57 Il y en a qui la trouvaient trop lourde, trop rigide,
01:07:01 trop belle, trop intimidante, en fait,
01:07:02 donc qui était un petit peu interdite devant les poupées GG.
01:07:06 C'est vrai que pour une petite fille de 5-6 ans,
01:07:07 une caroline de 60 cm, ça peut en imposer.
01:07:11 Donc, il y a des petites filles, d'anciennes petites filles,
01:07:13 qui m'ont parlé de ces poupées qui étaient plus robots que poupées,
01:07:15 finalement, qui ne les mettaient pas forcément à l'aise.
01:07:18 Et il y a autre chose, c'est que, évidemment,
01:07:23 ces poupées, elles sont aussi...
01:07:26 Elles sont aussi très...
01:07:29 Comment dire ?
01:07:31 En fait, ces poupées, elles ont ce qu'on appelle un script très précis,
01:07:34 c'est-à-dire que l'imagination
01:07:38 qu'on peut avoir en partant d'elles
01:07:42 est forcément réduite, ce qui est un mal ou pas,
01:07:45 ce n'est pas du tout un jugement,
01:07:46 parce qu'elles parlent pour celles qui parlent, en fait,
01:07:48 parce qu'elles ont déjà un prénom, elles se présentent,
01:07:51 elles ont une personnalité, même, parce que si vous écoutez bien
01:07:54 les poupées GG, elles racontent quelque chose,
01:07:56 elles montrent une petite fille souvent studieuse.
01:07:58 "Je sais déjà compter", "Regarde comme je suis belle",
01:08:03 aussi "Regarde mes longs cheveux",
01:08:06 elles prennent des cours de piano.
01:08:07 C'est aussi un idéal de petite fille,
01:08:10 aussi une certaine image de la petite fille modèle de l'époque
01:08:13 qui passe par les poupées GG, et c'est le propre des jouets.
01:08:16 Les jouets, c'est toujours imaginé par des adultes pour des enfants,
01:08:19 donc avec une certaine projection sur ce que serait l'enfance,
01:08:22 et les jouets GG, ces très beaux jouets,
01:08:24 s'inscrivent vraiment dans cette idée aussi de jouets de poupées,
01:08:28 jouets de prestige, finalement,
01:08:29 parce que la poupée, c'est vraiment un jouet de prestige,
01:08:31 on peut le montrer, la richesse, traditionnellement,
01:08:34 on peut montrer sa richesse par la poupée,
01:08:35 elle a un beau trousseau, elle a des beaux vêtements,
01:08:38 on s'en occupe bien, elle est bien coiffée,
01:08:40 et c'est vrai que les jouets GG,
01:08:42 aussi justement par leur beauté et par leur sophistication,
01:08:45 ont ce côté jouet prestigieux.
01:08:48 Et avec GG, forcément, la question de la qualité est liée au prix,
01:08:51 et partout dans les témoignages des joueurs et des joueuses.
01:08:53 Ainsi, il y a des joueurs et des offreurs,
01:08:57 je ne sais pas, j'ai pas su comment...
01:08:58 Les gens qui offraient des jouets GG,
01:09:00 qui m'ont dit à quel point, effectivement,
01:09:02 les jouets GG, pour eux, c'était évidemment la qualité.
01:09:05 Oui, il y avait quelqu'un qui disait,
01:09:07 "Oui, mes parents aimaient nous faire plaisir
01:09:08 avec des choses qui allaient tenir le coup,
01:09:11 qui allaient être solides et pas de la poquetille."
01:09:13 Et puis, GG, dans la famille, on parlait jouets.
01:09:15 C'était GG, c'était GG.
01:09:16 Encore une évidence que tout le monde...
01:09:19 Que j'ai beaucoup entendu lors de l'enquête,
01:09:21 surtout dans le Mont Brisonné, berceau de la marque,
01:09:23 donc on savait connaître et reconnaître les jouets GG.
01:09:26 Mes parents, ils savaient que c'était joli.
01:09:28 Je pense qu'ils étaient attachés à avoir un produit local aussi.
01:09:31 On avait entendu dire qu'ils avaient eu l'Oscar du jouet.
01:09:33 Voilà, la célébrité.
01:09:34 Et puis, on le trouvait facilement dans tous les magasins à Mont Brison, GG.
01:09:37 Ils m'expliquent ainsi une joueuse GG d'origine montbrisonnaise
01:09:40 qui avait reçu plusieurs jouets petites, ainsi que sa sœur,
01:09:43 lorsqu'elle était enfant, donc.
01:09:44 Et une ancienne petite fille qui, elle, n'a jamais aimé jouer aux poupées,
01:09:48 et encore moins aux poupées GG,
01:09:50 raconte comment elle les a néanmoins gardées.
01:09:52 Alors, évidemment, elle est fille de salarié,
01:09:54 donc c'est la mémoire, mais elle me dit aussi...
01:09:58 Moi, mes parents, ils m'ont toujours dit, "Caroline,
01:10:00 c'était le Graal du Graal."
01:10:01 Donc, il y a aussi ce prestige qui revient beaucoup.
01:10:04 Et cette question du prestige est connectée à la question du prix.
01:10:08 Une enquêtée qui a offert plusieurs jouets à ses quatre enfants à l'époque
01:10:14 me dit donc, pour nous, GG, c'était pas pour nous, quoi.
01:10:19 C'était pour des gens plus aisés.
01:10:20 Donc, quand on pouvait offrir un jouet GG à nos enfants,
01:10:22 on était quand même bien contents, quoi.
01:10:24 On a cette idée parce qu'effectivement, j'ai beaucoup de gens
01:10:26 qui étaient dans des milieux plutôt populaires
01:10:30 ou qui étaient dans des milieux ouvriers,
01:10:31 qui n'avaient pas beaucoup de moyens et qui, effectivement,
01:10:33 se sont mobilisés pour offrir à leurs enfants ces jouets,
01:10:35 malgré tout, surtout dans la région.
01:10:38 Et d'ailleurs, cette dame qui me dit "C'était pas pour nous",
01:10:42 me dit, comme elle a regretté de ne pas pouvoir offrir Christophe à sa fille,
01:10:45 et elle s'en souvient encore maintenant, sa fille qui réclamait Christophe,
01:10:49 elle avait peut-être vu la publicité
01:10:50 ou elle l'avait entendu parler par des camarades d'école,
01:10:53 et Christophe, elle se souvient encore de cette anecdote 50 ans après.
01:11:00 Donc, effectivement, les jouets GG, liés à la question de la qualité,
01:11:04 étaient parmi les plus chers quand on compare...
01:11:07 C'était sur un certain...
01:11:10 C'était d'une certaine façon des jouets de luxe, de haute qualité,
01:11:14 qui se voulaient vraiment exceptionnellement beaux,
01:11:19 mais j'ai fait l'exercice de convertir...
01:11:22 Il y a un outil très bien, qui est le convertisseur franc-euro de l'INSEE,
01:11:27 là aussi, qui permet de savoir combien,
01:11:29 en tenant compte de l'inflation et des changements de monnaie,
01:11:31 combien valent ces différents jouets aujourd'hui.
01:11:35 Et on voit qu'effectivement, pour une grande maréange tenue meugeve,
01:11:40 de 62 cm, c'est l'équivalent de 250 euros aujourd'hui.
01:11:45 Et alors, toute précaution à garder,
01:11:48 il faut garder à l'esprit qu'à l'époque,
01:11:50 on n'avait pas 5 ou 6 jouets annuels.
01:11:53 C'était un jouet, donc il y avait d'autres types d'investissements,
01:11:55 c'était d'autres types de priorités aussi.
01:11:57 Pareil pour la DS...
01:11:59 La DS PhiloGuidé,
01:12:03 ça revenait à peu près à 100 euros.
01:12:05 Donc, effectivement, pour des fratries, ça pouvait être des investissements importants.
01:12:09 Et si on compare avec d'autres concurrents,
01:12:12 comme les Poupées Bella, je pense, notamment à l'époque,
01:12:15 les Poupées Bella qui se vantaient de faire la poupée parlante la moins chère du marché,
01:12:20 on est sur d'assez grosses différences de prix.
01:12:22 Même les Poupées Bella faisaient une Trécy, qui est une poupée mannequin,
01:12:26 comme Millie pouvait l'être.
01:12:28 On est du simple au double quasiment au niveau des prix.
01:12:30 Donc, c'est un autre positionnement, en fait.
01:12:33 Voilà, c'est vraiment un autre positionnement de la marque.
01:12:37 Et il y a une autre raison pour laquelle les jouets GG
01:12:41 n'étaient pas forcément joués, c'est leur fragilité.
01:12:43 Alors, je ne dis pas qu'ils sont fragiles,
01:12:45 je dis qu'en fait, on m'a beaucoup dit qu'ils résistaient mal aux mauvais traitements,
01:12:50 ce qui est un peu différent.
01:12:52 Et il y a une jeuse qui me raconte comment elle a offert un minouche à sa petite sœur,
01:12:58 qui faisait les marionnettes, qui remuait les poignets,
01:13:01 et que cette petite sœur l'a évidemment fait tomber.
01:13:04 Donc, il ne marchait plus si bien.
01:13:06 Et donc, sa petite sœur lui a dit "moi, cette année, je veux un bébé,
01:13:09 mais qui ne fait rien".
01:13:10 Parce que voilà, en se disant "bon, au moins, s'il n'y a pas d'électronique",
01:13:13 c'était le raisonnement de sa petite sœur, "ça se cassera moins".
01:13:17 Et ce qui est amusant, c'est qu'en fait,
01:13:20 il y a aussi beaucoup de jouets qui étaient supposés fragiles,
01:13:23 mais on n'a jamais pu le savoir,
01:13:24 parce que les parents interdisaient aux enfants de jouer avec.
01:13:26 J'ai eu beaucoup de joueurs qui m'ont appelé au musée en me disant
01:13:28 "moi, je n'ai jamais pu toucher ma poupée Caroline".
01:13:31 J'ai notamment une jeune fille qui m'a dit,
01:13:36 enfin, qui était une ancienne petite fille,
01:13:39 qui m'a dit que sa dinette, elle ne pouvait pas y jouer
01:13:41 parce que sa maman l'adorait et avait peur qu'elle la casse.
01:13:44 Et du coup, voilà, là aussi, c'est des jouets pour adultes,
01:13:47 parce qu'effectivement, les parents sont séduits.
01:13:50 Et donc, les parents protègent les jouets de leurs enfants,
01:13:55 en fait, parce qu'ils connaissent la valeur.
01:13:56 Là aussi, c'est aussi connecté, parce qu'ils ont beaucoup investi.
01:13:59 Donc, à tel point que la fille d'un salarié, elle, elle s'exclame
01:14:03 "ah, c'était ça les jouets GG, c'était des jouets avec lesquels on ne joue pas".
01:14:06 Parce que son père, qui était salarié chez GG,
01:14:07 lui avait interdit de jouer avec le chimiste parce que c'était trop dangereux.
01:14:11 Et avec la boîte à outils.
01:14:13 Et c'est vrai que si vous regardez une boîte,
01:14:15 si vous regardez un petit ébéniste GG,
01:14:17 c'est des outils à peine taille réduite qui sont, enfin, voilà,
01:14:20 qui ont vraiment, qui sont, qu'on donnerait sans doute moins aujourd'hui,
01:14:24 mais qui déjà à l'époque ont été, il y a eu de la rétention.
01:14:28 Moi, j'ai des gens, j'ai des salariés GG qui prenaient les jouets GG pour eux
01:14:30 et qui ne les transmettait pas à leurs enfants, effectivement, après.
01:14:34 Donc, ceci dit, c'est vrai qu'il y a eu les poupées laissées aux enfants.
01:14:38 On sait ce que ça donne.
01:14:39 J'ai mis un exemple d'une joueuse qui a fait le grand, grand classique.
01:14:46 Qu'est-ce que fait une petite fille ?
01:14:48 Qu'est-ce que fait subir une petite fille à ses poupées ?
01:14:49 En général, c'est la coupe de cheveux.
01:14:51 Et elle, en plus, avant, elle avait fait tomber sa poupée déjà.
01:14:55 Donc, sa poupée tombait beaucoup et après, elle lui a fait une frange.
01:14:58 Après, elle lui a coupé les cheveux et après, elle l'a jetée.
01:15:01 Voilà, c'était le...
01:15:02 Parce qu'en fait, il y a aussi ça et c'est ça qui est intéressant,
01:15:04 c'est que le coupage de cheveux,
01:15:06 ça intervient très rapidement pour ces belles poupées.
01:15:07 Moi, logique implacable, j'ai plein d'enquêteurs qui m'ont dit
01:15:10 "Oui, mais moi, on me coupait les cheveux tout le temps".
01:15:12 Je dis "Oui, effectivement, on me coupait les cheveux tout le temps".
01:15:15 Donc, elle voulait prendre soin et c'est souvent par un excès de soin,
01:15:17 qu'on finit par complètement mortiriser sa poupée GG, effectivement.
01:15:23 Donc, au Musée d'Art, finalement, je finirai là-dessus,
01:15:25 au Musée d'Art, cette réflexion sur les jouets GG
01:15:28 comme jouets pour adultes, finalement,
01:15:31 à participer d'un grand projet d'exposition temporaire
01:15:33 qui aura lieu l'année prochaine,
01:15:35 notamment autour de la poupée comme figure anthropomorphe.
01:15:40 Donc, de la poupée, je vais dire pour adultes,
01:15:42 mais à chaque fois, on a beaucoup trop de rire quand on dit ça,
01:15:44 mais de la poupée, effectivement, appréciée par les adultes.
01:15:47 Et parce qu'on a eu...
01:15:50 Dans cette enquête, j'ai eu des...
01:15:51 Je vous ai beaucoup raconté, finalement,
01:15:53 ces petites filles qui n'avaient pas accès à leur poupée,
01:15:55 qui n'avaient pas le droit de jouer avec leur ordinateur.
01:15:56 J'ai bien sûr aussi eu des histoires de personnes
01:16:00 qui avaient poné Christophe,
01:16:03 deux petits garçons qui avaient trouvé leur vocation,
01:16:06 ou en tout cas, dans leur récit personnel, ça ressortait,
01:16:09 en jouant avec un coffret scientifique.
01:16:11 Bien sûr, il y a eu des belles histoires aussi de compagnonnage
01:16:13 d'anciens joueurs avec des jouets GG,
01:16:16 mais j'ai aussi beaucoup croisé d'adultes
01:16:17 qui vouaient une affection toute particulière aux jouets GG,
01:16:20 et ces jouets qui reflètent une forme idéale du jouet, finalement,
01:16:24 un regard d'adulte sur le jouet aussi.
01:16:26 C'est le jouet dont tous les enfants rêveraient.
01:16:29 C'est un jouet qui est rutilant, qui fonce, qui fait du bruit,
01:16:33 qui est spectaculaire, qu'on contemple beaucoup d'ailleurs,
01:16:35 d'où le terme de poupée spectacle, je trouve, qui s'implique bien.
01:16:38 Et c'est sans doute, finalement, cette projection,
01:16:41 cette dimension-là qui fait des jouets GG,
01:16:44 des jouets très appréciés des collectionneurs
01:16:46 et des collectionneuses aujourd'hui.
01:16:48 J'ai eu l'occasion d'interroger beaucoup de collectionneurs
01:16:52 et de collectionneuses qui ont trouvé aussi un refuge auprès de GG,
01:16:57 ou en tout cas qui aiment à fréquenter ces poupées,
01:17:00 qui justement renvoient beaucoup à un temps de l'enfance,
01:17:03 une forme d'enfance idéale que pour beaucoup d'ailleurs,
01:17:07 ils n'ont pas eux-mêmes traversée.
01:17:08 Donc, ils se sont souvent trouvé cette passion
01:17:12 un moment clé de leur vie, que ce soit une pandémie mondiale,
01:17:15 malheureusement, la retraite aussi qui les libère du temps,
01:17:18 et qui parfois, au cours de laquelle, on a plaisir à revenir
01:17:21 vers effectivement des évocations de l'enfance.
01:17:24 Donc, on commence à collectionner les poupées GG, par exemple,
01:17:26 ou les voitures 1/18ème de GG,
01:17:29 et finalement, on trouve une dimension thérapeutique
01:17:35 dans ces collections qui sont aussi extrêmement chronophages.
01:17:39 Comme me le disait une enquêtée, c'est terrible,
01:17:41 mais ça fait du bien en même temps.
01:17:42 Certains et certaines, d'ailleurs, n'hésitent pas à me dire
01:17:45 qu'ils jouent réellement avec leurs collections,
01:17:47 c'est-à-dire, ils habillent leurs poupées,
01:17:49 ils jouent avec leurs petites voitures, ils les remettent en état,
01:17:50 ils remettent en état leurs trains, qui fonctionnent à nouveau d'ailleurs,
01:17:53 et/ou tout simplement, ils s'amusent à imaginer des fictions
01:17:57 en s'appuyant sur... à imaginer les aventures des poupées GG
01:18:01 en leur prêtant une personnalité et une intentionnalité.
01:18:04 Et également, pour les collectionneurs,
01:18:07 c'est bien sûr l'idée de créer du lien autour des jouets,
01:18:10 et c'est aussi une idée qui sera centrale
01:18:11 dans l'expédition de l'an prochain.
01:18:13 La collection, c'est aussi un moyen de se créer un réseau,
01:18:15 de participer à une communauté, d'échanger.
01:18:19 Donc, c'est ce que me dit notamment un collectionneur GG,
01:18:22 moi j'ai eu la chance de rencontrer vraiment des gens
01:18:24 avec lesquels je m'entendais sans problème,
01:18:25 même si très spéciaux.
01:18:26 Mais moi aussi, je suis spéciale, donc c'est pas le problème.
01:18:29 Et c'est vrai qu'il y a vraiment cette idée de pouvoir se connecter,
01:18:32 parce que les jouets, et notamment les poupées,
01:18:35 parce que c'est une figure anthropomorphe,
01:18:36 qui nous rappelle, qui nous renvoie à notre propre visage,
01:18:39 c'est vraiment une figure qui fait beaucoup parler.
01:18:44 D'ailleurs, on le voit, j'affiche quelques photos de jouets,
01:18:46 d'un seul coup, on est tous pris d'un frisson,
01:18:48 on a tous envie de parler du jouet qu'on a eu, du jouet...
01:18:51 qu'on n'a pas eu aussi parfois.
01:18:53 On convoque très vite des souvenirs,
01:18:55 et comme me le disait très bien un collectionneur de poupées,
01:18:58 les poupées, c'est des ponts,
01:18:59 elles font parler les honnêtes gens ensemble.
01:19:01 Et c'est vrai qu'on a envie d'évoquer des souvenirs,
01:19:02 le jouet, déjà parce que c'est un objet culturellement très partagé,
01:19:05 auquel la plupart d'entre nous ont eu accès à un moment ou à un autre,
01:19:10 et ça permet vraiment d'échanger.
01:19:11 Donc, je vous ai mis la photo d'une petite partie de la collection
01:19:14 d'un couple d'enquêteurs,
01:19:15 qui sera à découvrir plus avant dans l'exposition de l'an prochain
01:19:18 au Musée d'Art, qui ouvrira en avril.
01:19:20 Et ça sera aussi l'occasion,
01:19:24 vous retrouverez dans cette exposition temporaire,
01:19:26 une partie de la restitution également,
01:19:28 sous une autre forme, de la grande enquête GG,
01:19:31 dont la première phase se termine aujourd'hui avec vous,
01:19:35 tous et toutes ensemble.
01:19:37 Donc, je vous remercie beaucoup de votre écoute,
01:19:39 et je vous remercie d'être venu et d'avoir participé à l'enquête,
01:19:43 et d'être là aujourd'hui.
01:19:45 J'imagine qu'on va pouvoir continuer à échanger
01:19:46 autour d'un pot convivial au musée.
01:19:49 Avant, un petit temps de questions.
01:19:51 Merci beaucoup.
01:19:54 -Pardon, c'est ça ?
01:20:00 -Oui, alors, pour les questions,
01:20:04 je vais vous passer la parole, Laurence.
01:20:07 Pour les questions, vous avez pour la plupart un micro devant vous,
01:20:09 que vous pouvez activer en appuyant sur le rouge,
01:20:12 et raccrocher après.
01:20:13 Si vous ne raccrochez pas, on ne peut pas parler, je crois.
01:20:16 Donc, il faut l'activer et le raccrocher.
01:20:20 Et sinon, pour ceux qui n'ont pas de micro devant eux,
01:20:22 on leur fera passer le micro.
01:20:26 -Non, juste pour vous laisser le temps de respirer,
01:20:28 peut-être de boire un petit verre d'eau,
01:20:30 je vais reprendre la parole deux minutes.
01:20:34 Alors, une nouvelle fois, pour remercier,
01:20:36 moi, en tant que directrice du musée,
01:20:38 je voudrais à nouveau remercier la municipalité de Montbrison,
01:20:44 particulièrement M. Basile et Mme Bayet,
01:20:46 qui nous ont soutenus dans cette recherche.
01:20:49 Un musée qui fait une recherche socio-anthropologique
01:20:53 comme ça sur huit mois,
01:20:55 ça devient rare.
01:20:57 Donc, merci à eux d'avoir cette conscience
01:20:59 que c'est une vraie histoire et un vrai patrimoine,
01:21:04 cette épopée industrielle.
01:21:06 C'est une mémoire collective qu'ils ont à coeur de valoriser.
01:21:10 Donc, merci à eux. Merci pour ce soutien.
01:21:14 (Pause)
01:21:17 -Une nouvelle fois, je vais vous dire merci à vous tous
01:21:24 de votre participation,
01:21:26 parce que vous êtes la ressource, la matière de cette recherche.
01:21:32 Cette recherche, d'ailleurs, je dois absolument vous dire
01:21:35 que si elle se termine avec l'expertise de Béatrice,
01:21:40 par contre, la recherche en elle-même, elle continue.
01:21:43 Toute l'année prochaine, on espère que vous allez continuer
01:21:48 à partager vos souvenirs de Gégé avec le musée.
01:21:52 Donc, Béatrice l'a dit, cette restitution va prendre une autre forme.
01:21:57 Elle va s'installer pendant un an au musée
01:22:00 sous la forme d'une exposition.
01:22:02 Et l'équipe du musée sera toujours là pour recueillir vos souvenirs
01:22:07 d'anciens salariés, mais aussi de joueurs,
01:22:10 qui ont eu les Christophe, Caroline, Petite Poupée, Carte, etc.
01:22:15 Et on est notamment très en quête, en recherche de photographies.
01:22:22 Donc, si vous avez le courage de vous plonger dans vos albums,
01:22:26 on est preneuse des photos de Noël, d'anniversaire, etc.,
01:22:31 qu'on vous rendra. On ne fera que des copies.
01:22:35 Mais voilà, pour une prochaine exposition qui mettra en valeur Gégé,
01:22:41 on a besoin de visuels, de photographies.
01:22:46 Et puis, je ne vais pas être plus longue,
01:22:49 mais bien sûr, mes derniers remerciements vont à Béatrice, à Logique.
01:23:02 Vraiment, je la remercie parce que d'abord, on a eu la chance,
01:23:07 la très grande chance d'avoir la spécialiste du jouet,
01:23:10 de la culture matérielle des petites filles sur cette période-là.
01:23:14 Je vais me tromper, mais de 30 à 70, on va dire, à peu près.
01:23:20 C'est vraiment la spécialiste française.
01:23:24 Donc, merci à elle vraiment pour ses très grandes compétences.
01:23:29 Et puis, vous serez d'accord avec moi pour sa gentillesse,
01:23:34 pour sa convivialité.
01:23:35 Et elle va nous manquer, elle faisait partie de l'équipe.
01:23:39 Donc bon, mais elle a d'autres beaux projets de vie à mener.
01:23:44 Donc on va la laisser tranquille.
01:23:47 Du coup, maintenant, la parole est à vous.
01:23:50 Vous pouvez lui poser plutôt des questions
01:23:53 parce qu'on a un temps d'échange assez réduit.
01:23:57 Après, on voudrait vous inviter un petit peu ensemble au musée.
01:24:01 Donc on a une petite demi-heure de questions.
01:24:04 Mais si vous voulez interpeller Béatrice
01:24:07 sur des aspects de cette recherche, elle reste disponible.
01:24:25 Il y a un monsieur déjà derrière.
01:24:27 Vous avez évoqué deux aspects.
01:24:30 Le fait que le jouet était rare
01:24:34 et qu'il n'y avait que l'occasion de Noël
01:24:36 où on offrait des jouets à l'époque des années 70,
01:24:40 principalement cette occasion.
01:24:42 Et puis ensuite, vous avez évoqué le fait que les jouets GG étaient assez chers.
01:24:47 Est-ce que vous avez perçu dans vos témoignages,
01:24:52 dans les témoignages que vous avez recueillis,
01:24:55 le fait aussi que la relation avec le jouet,
01:24:59 entre les enfants qui possédaient ces jouets,
01:25:02 la relation avec leurs jouets était assez différente.
01:25:05 En tous les cas, moi, c'est le sentiment que j'ai
01:25:08 en tant qu'ancien joueur et utilisateur de jouets GG.
01:25:11 On avait des jouets qui étaient effectivement rares,
01:25:16 qu'on respectait.
01:25:19 Je me souviens avoir été presque traumatisé
01:25:23 parce que j'avais cassé un petit bout de mon camion
01:25:26 et qu'on gardait dans le temps.
01:25:28 J'ai l'impression, pour avoir ensuite vu
01:25:33 d'autres enfants, la génération d'après,
01:25:37 qu'ensuite on est passé un peu dans cette société de consommation
01:25:40 où le jouet ne durait qu'un temps, se détruisait.
01:25:44 Vous avez perçu cette dimension sociologique,
01:25:48 de la relation entre joueurs et avec leurs jouets ?
01:25:54 Oui, complètement.
01:25:56 Les enquêtés me l'ont beaucoup souligné, comme vous,
01:25:59 en disant que mes enfants et mes petits-enfants
01:26:02 n'ont pas la même relation à leurs jouets que moi,
01:26:05 notamment avec mes jouets GG.
01:26:09 Il y a une qualité de la relation avec le jouet GG,
01:26:12 j'ai eu beaucoup d'enquêtés qui ont cassé plus ou moins leurs jouets,
01:26:15 qui l'ont mal vécu, soit par attachement au jouet,
01:26:18 soit à cause de le lire parental,
01:26:23 le fait de se faire éventuellement gronder par les parents
01:26:27 qui ont eu du mal à offrir le jouet à l'enfant.
01:26:30 Mais il y a aussi une enquêtée qui m'a dit
01:26:33 que finalement, je la sortais, je la regardais danser
01:26:37 ou tourner trois minutes et je la rangeais,
01:26:41 j'étais heureuse.
01:26:42 Il y a aussi ce côté que c'était ponctuel,
01:26:45 c'était quelque chose qu'on contemplait
01:26:48 ou avec lequel on jouait avec beaucoup de respect et de distance.
01:26:51 Alors qu'effectivement, par la suite,
01:26:54 il y en a eu de plus en plus,
01:26:58 et vu que les prix ont drastiquement baissé
01:27:01 avec la concurrence internationale,
01:27:04 on a eu des jouets d'un prix bien moindre,
01:27:07 et du coup on en a eu plus.
01:27:10 Il y avait moins cet attachement à un jouet unique.
01:27:13 Et c'est intéressant parce que les jouets GG,
01:27:17 j'en ai beaucoup qui ont été gardés.
01:27:20 La plupart de mes enquêtés sont montbrisonnaises
01:27:25 ou foraisiens, foraisiennes.
01:27:28 Ça joue un rôle sans doute, on connaît GG,
01:27:31 on sait que c'était un jouet GG, on sait la valeur que ça avait,
01:27:35 donc on a tendance à les garder dans les familles.
01:27:38 Et j'ai eu des gens qui m'ont dit "mon petit-fils voulait la vendre,
01:27:41 il a vu que finalement ça valait pas grand-chose".
01:27:44 Alors que justement sa mère l'avait gardé très précieusement,
01:27:47 parce que c'est une belle poupée GG,
01:27:51 et donc le petit-fils a dit "c'est ancien, ça doit valoir cher".
01:27:54 Et en fait non, il y a des poupées tricotées et d'autres pas.
01:27:57 Et c'est vrai qu'il y a eu cette volonté souvent
01:28:00 de garder le jouet.
01:28:03 Et moi j'ai eu peu de gens qui se sont séparés de leur jouet GG.
01:28:07 Dans ceux qui m'ont dit, alors avec ce biais,
01:28:10 que c'est des gens qui connaissaient la valeur souvent,
01:28:13 et le prestige de ces jouets,
01:28:16 moi la plupart des gens ils ont gardé jusqu'à aujourd'hui leur poupée.
01:28:19 Et leur voiture aussi.
01:28:23 J'ai eu beaucoup de gens qui avaient bien gardé leur voiture également,
01:28:26 leur voiture philoguidée notamment.
01:28:29 Ils savent pas forcément exactement où c'est, mais ils l'ont gardée.
01:28:32 Il y avait les souvenirs, ils l'ont gardée malgré tout.
01:28:36 Et d'ailleurs nous on a des demandes dans le musée qui vont dans ce sens-là.
01:28:39 Des gens qui ont aussi envie de donner leur jouet.
01:28:42 Alors nous on en a déjà énormément, et c'était vraiment pas le but de l'enquête
01:28:45 de récolter davantage de jouets.
01:28:48 Mais il y a vraiment cette envie de savoir que leur poupée est entre de bonnes mains.
01:28:51 Et d'ailleurs c'est intéressant parce que dans mes échanges avec les collectionneurs,
01:28:55 c'est quelque chose que j'ai pu retrouver aussi.
01:28:58 Des gens qui leur confiaient des poupées pour que justement elles soient bien conservées,
01:29:01 bien appréciées.
01:29:04 Et qui ont un renfort dans les jouets GG du fait notamment de leur prix.
01:29:07 Merci.
01:29:11 Une question plus personnelle vous concernant.
01:29:14 Dans la première dépositive de votre présentation,
01:29:17 il est marqué que vous étiez doctorante.
01:29:20 Je voulais savoir quel était le sujet de votre thèse de doctorat,
01:29:23 si c'était effectivement sur le sujet du GG,
01:29:27 et si vos travaux feront l'objet de publications, notamment de livres,
01:29:30 qui seraient disponibles en camp public.
01:29:33 Je suis doctorante, je suis en fin de thèse.
01:29:36 Je termine l'année prochaine une thèse que j'avais mise
01:29:39 pour rejoindre le musée.
01:29:43 Parce que l'occasion m'avait semblé trop belle et j'avais raison.
01:29:46 Mon sujet de thèse c'est surtout ce qui est culture matérielle.
01:29:49 Donc jouer notamment et illustrer également toute la culture enfantine
01:29:52 des petites filles pendant les Trottes Glorieuses.
01:29:55 Bien sûr je parle beaucoup de poupées, je ne vais pas vous le cacher.
01:29:59 J'avais déjà croisé la marque GG avant,
01:30:02 c'est pour ça que je la connaissais.
01:30:05 Quand j'ai vu l'appel à candidature du musée d'Alard,
01:30:08 je n'ai fait qu'un bond et j'ai foncé ici.
01:30:11 Donc effectivement je vais finir cette thèse
01:30:15 qui a un écrit conséquent, ça prend énormément de temps.
01:30:18 Elle va être nourrie notamment de cette nouvelle expérience.
01:30:21 Je vais rajouter ce que j'ai pu récolter au compte de cette enquête.
01:30:24 Pour ce qui est de la publication, je voudrais beaucoup publier quelque chose.
01:30:27 J'ai perdu une partie de l'équipe,
01:30:31 oui voilà !
01:30:34 Pour ce qui est de la publication, le temps n'est pas venu, c'est ça ?
01:30:37 C'est vraiment quelque chose qu'on devrait faire,
01:30:40 mais sachant qu'on n'en est qu'à la fin de la première phase,
01:30:43 c'est encore quelque chose à...
01:30:47 Mais on nous le demande, parce que le musée était déjà à l'origine
01:30:50 de Paroles de GG, vous voyez peut-être une première enquête
01:30:53 qui avait été faite dans les années 2000,
01:30:56 et qui est plus ou moins à l'origine.
01:31:00 Et qui est épuisée maintenant,
01:31:03 et on a souvent des demandes qui touchent à ça,
01:31:06 donc on sait que l'intérêt est là en tout cas.
01:31:09 Est-ce que vous avez la matière suffisante,
01:31:12 ou est-ce qu'il vous manque encore des choses ?
01:31:15 Je pense qu'entre mon travail personnel avant,
01:31:19 c'était pareil, c'est ça qui est assez dingue,
01:31:22 mais sur ma thèse, j'ai fait des entretiens avec des femmes
01:31:25 qui avaient l'âge de mes enquêtées actuelles
01:31:28 et entre cette matière-là, plus celle que j'ai récoltée là,
01:31:31 je pense que j'aurais en tout cas quelque chose à dire
01:31:35 sur les liens émotionnels et l'histoire,
01:31:38 sur la mémoire du jouet, sur ce que ça fait de particulier,
01:31:41 qu'est-ce qu'on garde comme souvenir d'un jouet,
01:31:44 en quoi le jouet est activateur de mémoire en particulier,
01:31:47 j'aimerais beaucoup faire quelque chose là-dessus.
01:31:51 Par contre, sur tout ce qui est industrie du jouet,
01:31:54 il reste quelque chose à faire d'assez énorme,
01:31:57 et je pense que c'est très intéressant les liens entre jeu et travail,
01:32:00 c'est quelque chose qui m'a beaucoup intéressée au cours de l'enquête,
01:32:03 et la plupart des archives ont disparu de la plupart des entreprises,
01:32:07 il y a eu très peu de travaux scientifiques et académiques
01:32:10 qui ont été faits sur le jouet et sur l'industrie du jouet,
01:32:13 et je trouve que c'est vraiment dommage,
01:32:16 donc je me disais que ce serait bien de travailler là-dessus,
01:32:19 je ne sais pas si moi ou quelqu'un d'autre,
01:32:23 mais c'est vraiment quelque chose qui reste à fouiller, je pense.
01:32:26 - Vous avez parlé de votre travail concernant les petites filles
01:32:29 de Tronques Glorieuses et les petits garçons.
01:32:32 ...
01:32:35 - C'est un classique cette question !
01:32:39 ...
01:32:42 - D'accord, les jouets étaient très genrés à l'époque, c'est vrai,
01:32:45 c'est très difficile de mêler jouet de garçon et jouet de fille,
01:32:48 et c'est souvent que les garçons, quand ils jouaient à la poupée
01:32:51 avec la poupée de leur sœur, c'était pour leur tailler les cheveux.
01:32:55 - Et ils étaient décapités !
01:32:58 - Non mais sérieusement, j'ai eu beaucoup de petites filles
01:33:01 qui se plaignaient, je disais "vous jouiez avec votre frère ?"
01:33:04 "Non, lui il me décapitait mes poupées, j'ai beaucoup eu ça !"
01:33:07 Donc le frère c'est le casseur souvent !
01:33:11 Non mais blague à part, d'ailleurs, souvent les petits garçons
01:33:14 jouent à la poupée encore maintenant, sociologiquement,
01:33:17 on a pas mal de petits garçons qui jouent à la poupée,
01:33:20 souvent jusqu'à 3, 4, 5 ans maximum,
01:33:24 sinon on leur en offre pas forcément aussi.
01:33:27 Sinon c'est un jeu d'imitation comme un autre,
01:33:30 donc les petits garçons trouvent souvent un intérêt spécifique.
01:33:33 Pour répondre à votre question, c'est le format de la thèse aussi,
01:33:36 je peux pas traiter de tout malheureusement,
01:33:39 et c'est vrai que c'est des rapports singuliers dans la mémoire,
01:33:43 comme vous le disiez, les jouets étaient très genrés,
01:33:46 et ils le sont encore assez largement, et j'ai une approche centrée
01:33:49 sur les parcours de vie, donc c'est intéressant de voir
01:33:52 ce que sont devenus les femmes, 50, 60 ans après,
01:33:55 qu'est-ce qu'elles ont fait aussi depuis,
01:33:59 et comment elles replacent le genre de jeu
01:34:02 qui est un peu plus de la culture,
01:34:05 et comment elles ont pu se faire enregistrer,
01:34:08 et comment elles ont pu se faire enregistrer
01:34:12 dans le genre de jeu qu'elles ont fait,
01:34:15 et comment elles ont pu se faire enregistrer
01:34:18 dans le genre de jeu qu'elles ont fait,
01:34:21 et comment elles replacent ces jeux et ces consommations culturelles
01:34:24 dans leurs propres parcours.
01:34:28 - C'est vrai quand même que GG était une des rares entreprises
01:34:31 de fabricants de jouets qui faisait aussi bien pour garçons que pour filles.
01:34:34 - C'est vrai que quand je citais les concurrents,
01:34:37 c'était pas toujours le cas, et ça marchait vraiment bien,
01:34:40 c'est pour ça, c'est amusant, parce que les poupées ont vraiment...
01:34:44 Moi, quand je dis, et d'ailleurs c'est un double malentendu,
01:34:47 parce que quand je dis que je travaille sur GG, on me dit "les poupées",
01:34:50 et quand je dis "le musée", on me dit "le musée des poupées".
01:34:53 Et c'est vrai que ça a focalisé l'attention,
01:34:56 alors qu'il y avait vraiment une très forte production
01:35:00 de choses très variées, et puis justement,
01:35:03 c'est presque paradoxal, GG a toujours cherché beaucoup
01:35:06 à varier sa production, dans les années 70,
01:35:09 "on cherche les ours", ils ont cherché énormément de choses différentes,
01:35:12 effectivement, ils ont choisi de se diversifier,
01:35:16 là où d'autres faisaient que... Je pense à l'entreprise Bullgum,
01:35:19 ils n'ont fait que des ours pendant les 20 premières années,
01:35:22 ils n'ont fait que le même modèle d'ours en 3 tailles différentes,
01:35:25 et puis c'est tout. Donc GG a vraiment joué sur tous les tableaux,
01:35:28 sur garçons comme filles. J'ai eu également beaucoup
01:35:32 d'enquêtes garçons d'ailleurs, qui ont gardé des souvenirs très forts
01:35:35 des coffrets scientifiques, notamment,
01:35:38 mais malgré tout, ce qui ressort, c'est les poupées, toujours.
01:35:41 C'est ça qui a marqué.
01:35:49 -Effectivement, vous avez mis tout votre travail sur GG,
01:35:54 qui est quand même une entreprise importante.
01:35:57 Je voudrais quand même insister sur mon brison,
01:36:00 il y avait, passé un moment, énormément d'entreprises
01:36:03 qui faisaient du jouet, dans les années, nous allons dire,
01:36:06 70, par là. Est-ce que vous avez pu trouver des éléments ?
01:36:10 -Oui, bien sûr. J'en ai parlé,
01:36:13 alors je n'ai pas eu le temps de m'y attarder,
01:36:16 mais j'ai notamment parlé de la Samud,
01:36:19 et de Mido, qui est une bien plus petite entreprise
01:36:22 que la Samud, j'ai profité pour en parler,
01:36:26 parce que c'est une acquisition en cours au musée,
01:36:29 et que c'est intéressant, c'est aussi du jouet en bois.
01:36:32 Mais effectivement, la Samud, j'ai pu, à l'aide d'un certain nombre
01:36:35 d'enquêteurs, reconstituer. J'ai aussi un enquêté qui a testé
01:36:38 le garage Samud, et je pense que c'est aussi important,
01:36:42 parce que c'est vrai que GG a été une fierté, mon brisonnette,
01:36:45 c'est quelque chose qui est beaucoup resté,
01:36:48 mais c'est bien de voir que c'est une ville qui était en berceau du jouet,
01:36:51 je voulais inciter là-dessus, je ne l'ai peut-être pas suffisamment fait,
01:36:54 parce que le temps m'était malheureusement compté,
01:36:58 mais la Samud, qui est installée qu'à E. des eaux minérales,
01:37:01 était aussi une entreprise qui a quand même employé pas mal de gens,
01:37:04 dont j'ai entendu parler parfois ponctuellement dans mes entretiens,
01:37:07 ou plus longuement dans des entretiens dédiés,
01:37:10 et c'est vrai que c'était une entreprise qui faisait des choses
01:37:14 qui m'ont marquée quand même, je parlais du basket français,
01:37:17 notamment, avec l'importance du PCM à mon brison,
01:37:20 c'est quelque chose qui me vaut le coup d'être mentionnée,
01:37:23 mais aussi des choses très variées comme la puériculture,
01:37:26 j'ai eu l'occasion de parler de l'histoire de la puériculture en France
01:37:30 durant les Trois Glorieuses, ils sont complètement inscrits là-dedans,
01:37:33 notamment avec des modèles de chaises hautes,
01:37:36 et certains d'entre vous ont peut-être joué au billard sur des billards Samud.
01:37:39 -Les billards et les baby-foot notamment,
01:37:43 mais il y avait également beaucoup de tout petits artisans
01:37:46 qui sont restés méconnus, qui travaillaient parfois les uns avec les autres,
01:37:50 vous avez sur Boin sur Lignon, la famille Barou,
01:37:53 qui faisait par exemple des proètes, des choses pour le sable,
01:37:56 qui travaillaient avec des entreprises de mon brison qui étaient dans le bois,
01:37:59 qui travaillaient ensemble, ils faisaient des poussettes de pipet,
01:38:03 et tout ça, c'était complémentaire.
01:38:06 -C'est important de montrer cette synergie aussi,
01:38:09 mais le problème, c'est toujours, on est démunis,
01:38:12 on est toujours changés autour de la Samud.
01:38:15 Mido, on a eu cette proposition d'acquisition
01:38:19 qui nous a permis de mettre en valeur le travail d'un seul homme,
01:38:22 d'un tourneur sur bois qui a eu envie de lancer sa gamme de jouets
01:38:25 et qui a fait un certain nombre de jouets en bois,
01:38:28 mais les archives, les gens vont en parler,
01:38:31 on est souvent très limités, et c'est pour ça,
01:38:35 c'est la grande enquête du Gégé qui nous a permis d'apprendre
01:38:38 l'existence de la Samud, alors que c'était une entreprise très importante.
01:38:41 -Il faut savoir quand même que le précurseur de la Samud,
01:38:46 au départ, dans ses premières années de fabrication de jeux à Montbrison,
01:38:50 était associé avec Germain Giroux.
01:38:54 -Gérard Dumas. -Ils se sont séparés.
01:38:57 -Oui, il est à Bichiron. -Il a pris sa branche.
01:39:00 -Excusez-moi, je vais vous demander une question.
01:39:10 J'ai cette approche socio-anthropologique qui paraît très riche.
01:39:13 Le jouet, c'est vrai qu'il est activateur de mémoire,
01:39:19 et je me souviens de l'usine de Saint-Clément-de-Valorgue.
01:39:24 Est-ce que vous avez des archives sur cette usine ?
01:39:27 -Il y a eu deux témoignages sur Saint-Clément-de-Valorgue,
01:39:30 je crois, et encore de la famille, et il n'y a pas d'archives.
01:39:33 -Parce que voilà, en 1956, au moment de son installation,
01:39:39 M. Germain Giroux a demandé à mon père de s'occuper de l'usine.
01:39:44 Donc nous sommes montés, ma famille, à Saint-Clément,
01:39:51 à côté de Saint-Antenne, et nous avons vécu 4 ans.
01:39:56 4 ans très riches.
01:39:59 Et je me rappelle, j'avais 6 ans,
01:40:05 je rentrais toujours dans les ateliers.
01:40:10 J'ai vu la fabrication des jouets,
01:40:13 des petits jouets, les picocos, les titis, les grenouilles,
01:40:18 les toutes petites poupées aussi, avec les yeux bien bleus,
01:40:23 l'atelier de piquage aussi, des têtes,
01:40:27 puisque mon père avait monté l'atelier de plastisol,
01:40:31 pour pouvoir mouler les premières têtes en plastique.
01:40:36 Et je me souviendrai toujours de cet immense atelier
01:40:39 qui était en haut, sous les toits,
01:40:42 un immense atelier qui faisait au moins la longueur et la largeur du bâtiment.
01:40:46 C'était immense.
01:40:49 Et on voyait les têtes alignées qui sortaient.
01:40:52 Et puis alors, j'ai adoré, parce que c'était magique.
01:40:57 C'était magique pour moi, qui étais toute petite,
01:41:02 et j'étais toujours dans les ateliers.
01:41:06 Alors je faisais en sorte que mon père ne me voit pas, bien sûr.
01:41:09 Son bureau était à côté d'un monticule de terre,
01:41:12 je passais par la fenêtre et je rentrais dans les ateliers
01:41:15 et je voyais plein de choses.
01:41:18 Et j'avais la sympathie aussi des ouvrières,
01:41:22 parce qu'elles étaient très très nombreuses,
01:41:25 et mon père aussi s'occupait de tout le travail à domicile
01:41:30 des femmes agricultrices, filles et mères,
01:41:33 et elles avaient beaucoup beaucoup de travail.
01:41:36 Il y avait énormément de travail.
01:41:40 C'était vraiment une ruche dans cette usine.
01:41:43 Et j'ai un souvenir fabuleux, parce que quand M. Germain Giroux montait,
01:41:47 je venais voir mon père,
01:41:50 et on le savait, il arrivait,
01:41:54 et mon père avait beaucoup d'admiration pour Juliette,
01:41:59 qui était une très bonne styliste.
01:42:02 -Oui, merci beaucoup de ce témoignage.
01:42:16 J'en profite d'ailleurs pour dire qu'on a mis en place des formulaires,
01:42:19 ma collègue a préparé de très beaux formulaires de contact.
01:42:23 Si vous souhaitez, nous laissez votre contact pour qu'on puisse échanger plus avant.
01:42:27 L'équipe du musée, ils sont magnifiques.
01:42:30 On va donner en sortant des formulaires de contact.
01:42:33 Merci beaucoup de ce retour, je trouve ça formidable aussi.
01:42:36 C'est pour ça que j'ai interrogé des enfants de salariés,
01:42:39 d'avoir cette vision de l'usine à hauteur d'enfant.
01:42:43 Il y a quelques enfants à l'usine de Moins qui ont eu la chance de pénétrer dans l'usine,
01:42:46 et qui me racontaient des souvenirs un peu émerveillés de passage,
01:42:49 et à la fois impressionnants, dans les ateliers du Père Noël,
01:42:52 et des petits bâtiments de poupées qu'on pouvait voir.
01:42:55 C'est vraiment précieux.
01:42:57 Et vous faites bien de rappeler qu'autour, effectivement,
01:43:00 les implantations d'usines à la recherche de main-d'œuvre,
01:43:03 étaient aussi l'occasion de donner du travail domicile autour.
01:43:06 C'était vraiment des centres d'activité autour de chaque usine.
01:43:09 Merci beaucoup de votre témoignage.
01:43:13 Bonjour.
01:43:14 La plupart des gens ne me connaissent pas forcément,
01:43:17 je suis la petite fille de Germain Giroux.
01:43:20 Et je suis très heureuse de ce travail.
01:43:23 Ça me tient beaucoup à cœur, à moi et à ma famille.
01:43:27 Il faut le savoir, je suis désolée, du coup, il y a les sanglots qui viennent avec.
01:43:30 C'est pour vous dire merci aussi de la part de mon papa, qui est décédé.
01:43:33 Pendant longtemps, ça a été difficile, Gégé.
01:43:36 Ça a été teinté de tristesse et de bonheur.
01:43:39 Parce que les gens avaient beaucoup d'histoires,
01:43:43 comme ils ont pu nous raconter,
01:43:46 mais ils avaient aussi un peu de rancœur vis-à-vis de Gégé.
01:43:49 Et le temps fait son œuvre, comme on dit.
01:43:52 Du coup, on ne garde toujours que le meilleur.
01:43:55 Et ça, c'est très bien.
01:43:59 Je voulais vous remercier pour tout ça.
01:44:02 De la part de ma maman, qui a aussi vécu cette période-là.
01:44:05 Mes frères qui ne sont pas ici, mais qui gardent aussi cette partie 2 de Gégé.
01:44:08 Je voulais vous remercier.
01:44:11 Merci à vous.
01:44:15 Merci à vous.
01:44:18 Merci, Laureline.
01:44:21 En tout cas, on en a parlé souvent
01:44:24 et ça faisait partie, je crois, de belles promesses.
01:44:27 Elles sont faites aujourd'hui.
01:44:30 Disons qu'un des plus beaux cadeaux que vous nous ayez faits,
01:44:34 c'est vrai que c'est dommage que ça arrive après le décèdement de mon papa.
01:44:37 C'est le lieu à moi et à mon grand-père.
01:44:40 Pendant le temps,
01:44:43 pendant je ne sais combien d'années,
01:44:46 de multiples municipalités l'avaient demandé.
01:44:50 Je vous remercie encore de ma part
01:44:53 et de celle de mes frères pour tout ça.
01:44:56 Pendant que Béatrice vous parlait,
01:44:59 je n'ai pas pu m'empêcher de prendre quelques notes
01:45:02 et de me dire,
01:45:06 par rapport à aujourd'hui,
01:45:09 à travers tout ce que vous avez expliqué,
01:45:12 je me suis amusé à me dire
01:45:15 est-ce qu'on peut faire des comparaisons ?
01:45:18 Je n'avais pas vu la présentation avant.
01:45:22 Je savais un petit peu le contenu, vous en doutez bien,
01:45:25 mais pas avec ce niveau de détail.
01:45:28 Ce que je peux vous dire, c'est que d'abord,
01:45:31 si quelqu'un a l'amabilité de me mettre en contact
01:45:34 avec quelqu'un qui aurait le poupon Christophe, je suis preneur.
01:45:38 Et si par hasard vous trouvez une poupée Nathalie,
01:45:41 comme ça, avec mon épouse, on pourra très tranquillement
01:45:44 faire un magnifique couple comme on le fait toujours.
01:45:47 Pour quelque chose de plus sérieux,
01:45:50 on est bien en face d'un savoir-faire,
01:45:54 un savoir-faire des mains,
01:45:57 un savoir-faire de la tête aussi bien sûr,
01:46:00 mais un savoir-faire des mains.
01:46:03 Aujourd'hui, sachez qu'il y a des entreprises dans le forêt,
01:46:06 dans le textile, qui recrutent sans CV
01:46:10 sur l'intelligence de la main.
01:46:13 Donc ils ont une série d'épreuves, ils prennent les gens,
01:46:16 peu importe d'où ils viennent, peu importe leur cursus,
01:46:19 ils recrutent sur l'intelligence de la main.
01:46:22 Dans le forêt, c'est pas le nom des entreprises,
01:46:26 mais en l'occurrence, ça existe, ça m'a surpris.
01:46:29 Je ne connaissais pas ce système-là, mais ça existe aujourd'hui.
01:46:32 Dans le savoir-faire et dans les usines qui faisaient travailler les femmes,
01:46:35 on en a parlé tous les deux il n'y a pas si longtemps,
01:46:39 c'était également le cas.
01:46:41 Sachez qu'on fera revivre tous ces moments-là
01:46:44 quand le projet de l'agglomération sur l'Orée,
01:46:47 l'actuel musée des Grenadières qui va être déménagé et rénové à Servières,
01:46:50 verra le jour et y verra le jour en 2025.
01:46:53 Donc on aura là aussi tout un pan de l'histoire
01:46:57 de cette vallée de la Vêtre qui reviendra en surface.
01:47:00 Sur le travail à la chaîne,
01:47:03 tel qu'on le voit dans l'usine Gégé,
01:47:06 imaginez que ça n'existe plus ici, ça existe encore,
01:47:09 à Saint-Agathe-la-Boutresse,
01:47:13 vous avez des couturières qui travaillent encore toute la journée
01:47:16 pour faire des habits pour les enfants ou des ceintures.
01:47:19 Donc il y a encore des usines qui travaillent ainsi
01:47:22 sur Saint-Agathe-la-Boutresse.
01:47:25 Sur, après, des choses un peu plus drôles,
01:47:29 sur l'effet du stagiaire qui vient travailler l'été
01:47:32 et qui constate qu'il en fait beaucoup et qu'on lui dit qu'il en fait un peu trop,
01:47:35 bien sûr, ça existe encore.
01:47:38 C'était bien de rappeler qu'à l'époque,
01:47:41 on pouvait travailler 62 heures par semaine,
01:47:45 c'est bien de le rappeler.
01:47:48 Je ne dis pas si c'est bien ou mal,
01:47:51 je dis que ça, par contre, ça n'existe plus beaucoup.
01:47:54 Et pour les gamins qui jouent avec l'emballage du Fabuleux Jouet,
01:47:57 je vous rassure, ça existe encore, bien comme il faut,
01:48:01 il n'y a pas de problème.
01:48:04 Il faut pas vouloir s'acheter un jouet qui dure longtemps,
01:48:07 parce qu'on veut le garder.
01:48:10 Vous avez évoqué ce que ça a changé.
01:48:13 Nous ne sommes pas tous les deux de la même génération,
01:48:17 on a peut-être une demi-génération,
01:48:20 vous pourriez peut-être être mon papa,
01:48:23 mais pas loin quand même, parce que je suis encore jeune.
01:48:26 Mes parents ont gardé énormément de jouets,
01:48:29 et ils ont gardé des jouets,
01:48:33 j'ai gardé énormément de jouets,
01:48:36 les petits soldats dans les châteaux forts,
01:48:39 j'ai été aussi sous l'air un peu goldorak,
01:48:42 mais j'ai tout à la maison,
01:48:45 régulièrement je regarde ce qu'ils valent sur Internet,
01:48:49 et je ne les vendrai pas.
01:48:52 Par contre, je ne suis pas sûr de pouvoir les transmettre à mes enfants,
01:48:55 ils n'en ont un peu rien à foutre,
01:48:58 mais les miens sont chez moi, ils sont gardés,
01:49:02 je sais que mon frère est attaché aussi.
01:49:05 C'est intéressant, parce que ça nous rappelle des moments de vie,
01:49:08 et le temps fait qu'on a toujours tendance à garder que les meilleurs.
01:49:11 On a passé une excellente journée avec vous, Béatrice,
01:49:14 vraiment une excellente après-midi,
01:49:17 je ne voudrais pas conclure et bloquer les questions,
01:49:21 mais je voulais vous le dire, et si on peut conclure,
01:49:24 on vous attend au pot, et venez nombreux au pot,
01:49:27 s'il vous plaît, parce que je crois qu'on a fait un joli pot,
01:49:30 et on a fait un très bon pot.
01:49:33 Merci.
01:49:37 -Ce n'est pas du tout une question,
01:49:40 c'est simplement pour remercier Béatrice,
01:49:43 et pour lui dire que dans sa restitution de cet après-midi,
01:49:46 elle était écoutée, malgré des problèmes techniques,
01:49:49 elle était écoutée en direct jusqu'au fond du livre.
01:49:53 -Merci.
01:49:56 -Juste...
01:49:59 -M. Chamborda.
01:50:02 -Je suis un ancien de GG,
01:50:05 et ça me fait extrêmement plaisir de voir la jeunesse
01:50:09 s'intéresser et faire une thèse sur les joies GG.
01:50:12 Alors, bravo,
01:50:15 son travail est admirable,
01:50:18 et on l'a reçu d'une manière, enfin, écouté d'une manière sensationnelle.
01:50:21 Alors, je voudrais remercier aussi
01:50:25 la famille Giroux,
01:50:28 parce que ça a été les meilleures années de ma vie
01:50:31 au niveau professionnel.
01:50:34 Je remercie aussi M. le maire,
01:50:37 qui, grâce à lui, a pu garder ce bâtiment GG,
01:50:41 qui me tient vraiment à cœur.
01:50:44 Merci à vous. Merci à vous aussi.
01:50:47 ...
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