LA BANDE PREND LE POUVOIR - Quand les familles se font justice elles-mêmes

  • l’année dernière
La bande de 22H Max réagit à l'irruption d'un jeune homme au sein d'une classe du lycée Marcel Pagnol de Marseille pour retrouver les harceleurs de sa sœur.
Transcript
00:00 On va en parler de Marseille, Christophe.
00:01 Lycée Marcel Pagnol.
00:02 Alors, je vais préciser des choses.
00:04 Ce sont notamment des informations qui nous sont données ce soir par BFM Marseille, justement.
00:09 Frayeur, hier matin, dans ce lycée Marcel Pagnol, un jeune homme réussit à entrer dans le lycée.
00:13 Sans doute, sans doute, en escaladant la grille, il entre dans une classe, la classe de sa petite sœur.
00:19 Son but, c'est visiblement de retrouver les élèves qui harcèlent sa petite sœur en ligne, devant la prof, devant la prof.
00:26 Il demande donc aux élèves de ne pas bouger, de sortir leur téléphone portable.
00:31 Il a visiblement l'intention d'aller vérifier les téléphones portables des élèves.
00:35 Sans froid de la professeure, c'est notamment aussi ce que raconte la Provence,
00:40 qui réussit à alerter l'enseignant qui est à côté.
00:42 Le jeune homme est sorti par les surveillants.
00:46 Et j'attends votre réaction.
00:48 On est donc face à quelqu'un qui a cherché à se faire justice lui-même,
00:51 ou du moins à aller traquer à la place d'un dépôt de plainte et d'une police qui viendrait enquêter,
00:55 qui a essayé d'aller traquer ceux qui harcelaient sa sœur.
01:00 Donc on revient aux âges médiévaux où la loi du talion s'applique
01:04 et la vengeance doit être faite selon le code de l'honneur d'individu à individu,
01:08 en faisant abstraction des autorités.
01:10 On est donc vraiment dans un moment emblématique, mais qui n'est qu'un fait,
01:14 c'est pas non plus toute la population qui se met à faire ça, de négation du contrat social.
01:19 C'est quoi le contrat social ?
01:20 C'est d'accepter profondément de déléguer le droit à la violence à une autorité qui vous est supérieure,
01:26 qui s'appelle la police, la justice, l'État.
01:29 J'attends de cet État une protection et je délègue à cet État mon devoir de vengeance.
01:34 Si j'ai à me venger, ce n'est pas œil pour œil, dent pour dent, c'est plainte pour œil, plainte pour dent.
01:40 Et j'attends que la justice me soit rendue.
01:42 À partir du moment où beaucoup de gens seraient dans le réflexe,
01:45 la justice ça marche plus, la police sert à rien, tout le monde est corrompu ou inutile.
01:49 Chacun se mettrait à basculer dans cette idée de vindicte, de vengeance personnelle et ça pourrait dégénérer.
01:55 Sans là non plus rapprocher les deux affaires.
01:57 Qu'est-ce qu'on a vu dans l'affaire de Crépole ?
01:59 On a vu des gens collectivement se dire "bon, on sait qui sont les coupables,
02:04 la justice ne les retrouvera pas et si elle les retrouve, elle leur trouvera des excuses, on va faire justice nous-mêmes".
02:09 Vous parlez des mouvements de l'ultra-droite qui sont arrivés à remensuriser ?
02:12 Exactement, sans avoir de lien familial ou affectif avec le jeune Thomas, non non.
02:16 Au nom d'une espèce de justice immanente, plus rapide et plus efficace que la justice officielle.
02:22 C'est-à-dire que c'est l'ère du lynchage qui peut revenir.
02:25 Encore une fois, je pense qu'on n'en est pas là.
02:26 Dans toute la France, ce sont des événements isolés, très vite condamnés, réprimés.
02:31 Mais on sent que dans des tas d'affaires, ça monte.
02:35 Et de plus en plus, quand vous avez des faits divers très sordides,
02:38 je pense à cette jeune enfant qui avait été assassinée par une voisine et enfermée dans une valise,
02:43 et on est abondé en faits divers atroces,
02:46 de plus en plus, vous entendez "si c'était ma fille, j'attendrais pas la justice".
02:50 Donc il faut que chacun, évidemment, réfrène en soi ce sentiment naturel de vengeance,
02:55 mais une communauté humaine, c'est pas le naturel, c'est le contrat social.
02:59 Et notre contrat social commence à être un peu fissure.
03:02 Et c'est ça qui est intéressant, parce que vous le disiez à l'instant,
03:05 on sent que ça monte, mais pourquoi ?
03:07 Moi j'ai vraiment, alors sans excuser ni justifier quoi que ce soit,
03:11 - Et surtout pas ce qui s'est passé dans le lycée de Marseille. - Et surtout pas ce qui s'est passé dans le lycée de Marseille,
03:15 évidemment, ni à Crépole ni rien.
03:18 Ce qui est intéressant, c'est de voir à quel point aujourd'hui la défiance,
03:23 la défiance, le mot est peut-être un peu fort, mais cette espèce de dynamique de manque de confiance,
03:28 parce qu'aujourd'hui, on ne peut plus compter sur la police,
03:31 parce qu'on estime qu'on ne peut plus compter sur la justice,
03:34 qui va mettre 3 ans, 4 ans, 7 ans à juger votre affaire,
03:37 parce que les hôpitaux en fait sont engorgés,
03:39 parce que l'école n'est plus capable de protéger les gamins de ce qui se passe à l'extérieur.
03:44 On le voit par exemple sur les embrouilles entre bandes
03:47 qui ont conduit encore il y a quelques jours à des morts,
03:49 que ce soit dans le Val d'Oise ou dans le Val de Marne.
03:53 En fait, il y a un profond sentiment d'abandon
03:56 qui conduit aujourd'hui une partie,
03:59 enfin une partie vraiment infime, on voit que c'est extrêmement minoritaire,
04:02 des gens à se dire "comme on ne peut plus avoir confiance,
04:04 et comme on sait que justice ne sera jamais rendue,
04:06 parce qu'elle n'en a plus les moyens, on y va nous-mêmes".
04:10 Et c'est en ça que la question des services publics
04:12 qui est posée par beaucoup de gens et qui disent en fait "on paye,
04:15 on est prêt à contribuer à partir du moment
04:18 où on sait en fait que dans le contrat social,
04:21 ce consentement à l'impôt, il va nous être rendu
04:24 parce que les services publics vont nous protéger,
04:26 nous soigner, nous éduquer, etc."
04:28 On voit que ce contrat social en fait, entre l'État et ses administrés,
04:31 il est cassé.
04:32 Et c'est aussi un peu ce qui est en train de se jouer
04:35 au travers de ces petites affaires qui n'en sont pas.
04:37 On est dans l'ordre du petit symptôme, vraiment du signal faible,
04:41 mais le signal faible qui doit vraiment être pris en compte
04:44 parce que ça raconte quelque chose de plus large
04:46 sur ce contrat de délégation entre les individus et l'État
04:50 qui est en train d'être cassé à cause de ces espaces de services publics
04:55 qui n'existent plus et qui sont censés justement
04:58 rendre compte de tous ces événements et éviter tout ça.
05:03 – Pierrico ?
05:04 – C'est un effet secondaire de l'impuissance que l'on a
05:07 en tant qu'individu sur les réseaux sociaux.
05:09 Mon enfant, mon épouse, mon proche n'est pas protégé
05:12 des attaques, des diffamations, il y a eu des suicides d'enfants,
05:14 il y a eu des tragédies.
05:15 Donc puisqu'il n'y a pas de moyens légaux pour empêcher ça,
05:18 je vais à la source du mal et je rentre dans la classe.
05:20 C'est terrible comme chose.
05:21 – Imaginez la scène !
05:22 – Pour vérifier.
05:23 Alors attention, il y a le danger constitué,
05:25 je vais protéger quelqu'un qui est menacé, mon enfant.
05:28 Il y a aussi qui a osé envoyer une menace ?
05:32 Et là on voit bien que c'est une question d'honneur.
05:34 Et par contre si c'est une question de protection,
05:36 que des parents ne se sentent plus protégés,
05:39 que leurs enfants ne soient plus protégés,
05:40 venir faire la police soi-même à l'intérieur de la classe,
05:43 il était sur le point de demander le contenu des…
05:45 – Là c'est le grand frère qui vient.
05:47 – Le grand frère qui vient.
05:48 Alors c'est le fait que ce soit le grand frère,
05:49 ça serait un papa qui viendrait parce que sa fille a été agressée
05:52 ou menacée, qui devrait demander des coups.
05:53 – C'est pas mieux.
05:54 – Non, non, je ne dis pas dans la classe.
05:55 – Qui prend rendez-vous avec le proviseur.
05:57 – Demandant au directeur "ma fille est menacée plusieurs fois,
05:59 je veux savoir, je vais m'adresser aux gens qui l'agressent".
06:02 Là il est venu, ça ne ressemble plus à une question d'honneur.
06:05 Ma soeur a été déshonorée, on dirait un petit peu Astérix en Corse.
06:07 – Elle est rentrée.
06:09 – Après Crépole, la semaine dernière,
06:11 Elisabeth Borne avait donné une interview au Figaro
06:13 où elle expliquait qu'il ne fallait pas en venir justement
06:16 au moment où on serait tenté de se faire justice nous-mêmes,
06:20 de se faire justice soi-même.
06:21 La question c'est de savoir si on n'y est pas déjà, pour certains.
06:23 – Mais la responsabilité de la parole politique,
06:26 elle est capitale en la matière.
06:28 C'est-à-dire qu'il faut quand même se rappeler une chose,
06:30 on peut stigmatiser les défaillances du contrat social,
06:35 mais le contrat social c'est le meilleur des contrats,
06:37 à l'exception de tous les autres.
06:39 – Si il marche, si il marche.
06:41 – Attendez, à ce stade, pardon Perico Légas,
06:44 mais on n'a rien, il n'y a pas d'alternative au contrat social.
06:47 Donc ce qui est important pour chacun des acteurs politiques,
06:51 c'est de vivifier le contrat social, de le consolider, de le fortifier.
06:56 Mais ce n'est pas de le dénigrer.
06:57 – Ah non, non, non, surtout pas. – C'est-à-dire qu'en aucun cas,
06:59 et c'est précisément le sujet, le dénigrement du contrat social,
07:01 qui est quand même dans la bouche de nombre de responsables politiques,
07:06 est extrêmement dangereux.
07:08 C'est-à-dire qu'on est dans un moment où on voit bien
07:10 que le délitement est possible, on voit bien,
07:13 c'est-à-dire que cette scène à Marseille,
07:17 pour moi, elle me fait froid dans le dos.
07:19 – La laïcité est un des éléments.
07:21 – C'est-à-dire que je prends ça, c'est-à-dire que je ne prends pas ça
07:23 pour quelque chose, ce n'est pas anecdotique.
07:25 – C'est terrifiant.
07:26 – Il y a quelque chose de symboliquement extrêmement lourd
07:30 et extrêmement grave, et donc j'en appelle à la responsabilité
07:34 de tous les responsables politiques sur les mots mis par eux
07:40 sur nos contrats sociaux.
07:41 – La laïcité est un des piliers du contrat social.
07:44 – Mais le rapport avec la laïcité…
07:45 – Ah ben si, le contrat social, c'est la façon de vivre ensemble.
07:48 – Oui d'accord, mais là on ne parle pas de laïcité.
07:50 – Je ne sais pas.
07:51 – Je ne sais pas pourquoi vous invitez la laïcité dans ce sujet.
07:52 – Parce qu'un jour… – On parle de harcèlement,
07:54 on aurait bien pu prendre la famille qui s'est retrouvée attaquée
07:58 par le rectorat de Versailles et qui aurait très bien pu se dire
08:01 "mais en fait qu'est-ce qu'on peut répondre ?"
08:02 Ben oui, voilà, c'est-à-dire que quand on est en plus,
08:05 on fait les choses dans les règles et on vous dit
08:07 "non mais attendez, arrêtez de nous menacer comme ça,
08:09 non mais quand même vous vous rendez compte,
08:10 vous allez avoir des problèmes, on va vous attaquer."
08:12 C'est-à-dire que là, quand vous parlez de parole politique,
08:14 j'irai même plus loin, il y a une dimension de parole institutionnelle,
08:18 comment on répond à cette demande sociale ?
08:20 Et là, le fait de balayer cette demande sociale en disant
08:23 "non mais attendez, vous ne pouvez pas nous parler comme ça,
08:24 tenez-vous bien", en fait, elle vient alimenter
08:27 ce sentiment de défiance.
08:29 – Oui, mais on est obligé de projeter des règles,
08:31 on fait des choses.
08:32 – Mais c'est pour ça que je vais plus loin encore.
08:34 – Mais en fait, vous savez quoi Nora, il faut remettre
08:36 de l'autorité et des estrades, non mais je veux dire,
08:38 il faut des estrades au sens propre comme au sens figuré,
08:41 c'est-à-dire qu'il faut…
08:42 – Mais vous pourrez mettre que les estrades du monde,
08:44 si on ne regarde pas les gens avec leur autorité,
08:47 ça ne sert à rien.
08:48 – Précisément, j'ai dit autorité et estrade.
08:50 – Au passage, Christophe Barguet, l'école sanctuaire, on oublie.
08:54 Une fois de plus, on oublie.
08:55 – Ça fait longtemps.
08:56 – Oui je sais, mais ça coûte plus dans cette histoire-là.
08:59 – Ça ne l'a jamais été dans le temps passé,
09:01 oui c'est vrai que c'était un véritable problème,
09:02 il faut équiper, alors on veut mettre des caméras,
09:04 on veut mettre… voilà, ça doit être un sanctuaire
09:07 dans la tête des gens qui s'en approchent.
09:08 – Oui, mais c'était plus comme ça que je voulais le dire,
09:10 au sens figuré du terme, on n'y touche pas.
09:12 – Et de plus en plus, on y touche.
09:13 – Quand je fais allusion à la laïcité,
09:15 là c'était sur une sorte de menace sur une personne physique.
09:18 Là ça veut dire qu'un jour, si un tweet part
09:20 avec une opinion politique ou confessionnelle
09:22 qui ne convient pas à quelqu'un,
09:23 je vais demander des comptes dans la classe.
09:25 Qui a osé dire ça de mon Dieu,
09:27 ou de mon parti politique, ou de ma croyance ?
09:28 C'est là où la laïcité doit intervenir.
09:30 Ça n'a pas à intervenir dans le milieu scolaire.
09:32 Ah ben oui !
09:33 – Là-dessus on est d'accord,
09:34 c'est juste que ça n'a rien à voir avec cette histoire.
09:36 Donc c'est juste ça, enfin maintenant là-dessus…
09:39 – Ça peut être le stade suivant.
09:40 – Ou pas, là je ne fais pas de fiction.
09:42 - Ah ben oui, à force de ne pas faire de fiction, il y a des gens qui sont sur le chaos.

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