• il y a 2 ans
Incontestablement, nous vivons un regain d'activités du djihadisme mondial alors que l'on pensait en avoir fini avec Daech, cet Etat islamique qui fut défait militairement mais dont les ramifications djihadistes demeurent extrêmement inflammables. Devons-nous nous préparer à vivre avec ce djihadisme d'atmosphère, selon l'expression judicieuse de l'historien et islamologue Gilles Keppel ? Cette préoccupation géostratégique s'est considérablement amplifiée depuis le 7 octobre 2023 avec l'invasion terroriste du sud d'Israël par le Hamas et la riposte israélienne contre le territoire gazaoui. Quoi qu'en pensent les belles consciences et les bonnes âmes de l'avènement de la paix absolue des nations, le monde est plus conflictualisé que jamais, il se retrouve clivé dans un partage géostratégique entre le bloc des démocraties occidentales et une constellation d'États regroupant la Chine, la Russie, l'Iran et que l'on nomme le Sud global. Bref, nous assistons à un renforcement de la polarisation politique de la planète entre régimes autoritaires et démocraties libérales. À ce sujet, on peut s'interroger si le conflit en Ukraine et celui du Hamas en Israël puis à Gaza ne relèvent pas d'une même guerre ?

Au même moment, l'Europe est le théâtre d'assassinats terroristes perpétrés par la mouvance islamiste, très présente sur les réseaux sociaux en ravivant les plaies du colonialisme, de l'indigénisme, de l'antisémitisme et de la haine des valeurs universelles héritées des Lumières. Doit-on en conclure que le Djihadisme veut la peau de la Civilisation des Lumières ? Et à quelles fins idéologiques, religieuses et sociétales ?

Émile Malet reçoit :

- Benoit d'Aboville, ancien ambassadeur auprès de l'OTAN,
- Florence Bergeaud-Blackler, docteur en anthropologie, chargée de recherches au CNRS,
- Patrick Kessel, journaliste, ancien grand maître du Grand Orient de France,
- Hakim El Karoui, consultant, essayiste.

Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcription
00:00 Générique
00:01 ...
00:23 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:27 Djihadisme sud global occident,
00:30 le nouvel archipel mondial.
00:33 Incontestablement, nous vivons un regain d'activité
00:37 du djihadisme mondial,
00:39 alors que l'on pensait en avoir fini avec Daesh,
00:42 cet Etat islamique qui fut défait militairement,
00:46 mais dont les ramifications djihadistes
00:49 demeurent extrêmement inflammables.
00:53 Devons-nous nous préparer à vivre avec ce djihadisme d'atmosphère,
00:59 selon l'expression judicieuse de l'historien Gilles Kepel ?
01:03 Cette préoccupation géostratégique
01:06 s'est considérablement amplifiée depuis le 7 octobre 2023,
01:11 avec l'invasion terroriste du sud d'Israël par le Hamas
01:15 et la riposte israélienne contre le territoire gazaoui.
01:20 Quoiqu'en pensent les belles consciences
01:23 et les bonnes âmes de l'avènement de la paix universelle des nations,
01:28 le monde est plus conflictualisé que jamais.
01:32 Il se retrouve clivé dans un partage géostratégique
01:36 entre le bloc des démocraties occidentales
01:40 et une constellation d'Etats regroupant la Chine,
01:43 la Russie, l'Iran, entre autres,
01:46 et que l'on nomme aujourd'hui le sud global.
01:49 Bref, nous insistons à un renforcement
01:52 de la polarisation politique de la planète
01:55 entre régime autoritaire et démocratie libérale.
02:00 À ce sujet, on peut s'interroger
02:03 si le conflit en Ukraine
02:05 et celui du Hamas en Israël, puis à Gaza,
02:09 ne relèvent pas d'une même guerre.
02:12 Au même moment, l'Europe est le théâtre d'assassinats terroristes
02:16 perpétrées par la mouvance islamiste,
02:19 très présente sur les réseaux sociaux,
02:22 en ravivant qui les plaît du colonialisme,
02:25 qui les plaît de l'indigénisme, de l'antisémitisme
02:29 et de la haine universelle
02:32 des valeurs héritées des Lumières.
02:35 Doit-on en conclure
02:37 que le djihadisme veut la peau de la civilisation des Lumières
02:42 et, si c'était le cas,
02:44 à quelle fin idéologique, religieuse et sociétale ?
02:48 Pour tenter d'y répondre,
02:50 je vous présente mes invités.
02:52 Benoît Dabovil, vous êtes diplomate,
02:55 ancien ambassadeur auprès de l'OTAN.
02:58 Hakim El Karoui,
03:00 vous êtes consultant et essayiste.
03:03 Florence Bergeau-Blackler,
03:05 vous êtes docteur en anthropologie
03:07 et chargée de recherche au CNRS.
03:10 Patrick Kessel, vous êtes journaliste
03:13 et ancien grand maître du Grand Orient de France.
03:16 Des attentats du 11 septembre 2001 à New York,
03:29 au califat islamique de Daesh,
03:32 défait aujourd'hui aux attentats en Europe
03:35 à la guerre du 7 octobre 2023, déclenchée par le Hamas,
03:40 est-ce que vous diriez que cet enchaînement conflictuel
03:44 résulte d'une commune activité stratégique
03:48 terroriste guerrière
03:50 d'un djihadisme mondial ?
03:52 Benoît Dabovil.
03:54 -Je crois qu'il faut apporter pas mal de nuances
03:57 au concept de Sud global,
03:59 parce que ce sont des pays très différents,
04:03 qui ont des intérêts très différents,
04:06 mais qui ont trouvé, dans la revendication
04:10 contre, disons, l'Occident,
04:12 une cause commune qui est appuyée
04:15 par opportunisme politique,
04:18 notamment par M. Poutine,
04:20 mais aussi par les Chinois.
04:22 Cela dit, je crois qu'il faut éviter
04:25 de confondre cette...
04:27 cette querelle, en quelque sorte,
04:32 politique qui occupe véritablement
04:36 toute la presse,
04:37 les débats aux Nations unies, etc.,
04:40 avec, disons, les...
04:42 les problèmes, disons, de différence culturelle
04:48 et surtout religieuse.
04:50 Vous vous souvenez des thèses
04:53 du politiste américain Huntington,
04:56 qui disait "Nous allons vers une guerre de civilisation".
04:59 Moi, je crois que nous allons vers un monde
05:02 tout à fait désordonné,
05:04 où il n'y a plus de...
05:06 Il n'y a plus de puissance qui...
05:09 met de l'ordre dans le jardin d'un enfant multilatéral,
05:14 mais qui n'est pas...
05:16 Mais qui va avec des conflits d'intérêts
05:19 de niveaux très, très différents.
05:22 Alors, le djihadisme, c'est une...
05:25 Bon...
05:26 C'est aussi des nuances.
05:29 C'est d'abord un conflit au Proche-Orient,
05:33 alors que la revendication, disons, du Sud global,
05:37 elle est plutôt d'ordre économique, politique,
05:41 et...
05:42 et donc pas tellement sur le terrain des religions.
05:48 -Elle n'est pas civilisationnelle dans la haine de l'Occident ?
05:51 -Non, mais la haine de l'Occident, elle est liée non pas
05:56 à l'attaque contre l'Europe des Lumières
05:59 ou les Etats-Unis interventionnistes.
06:02 Elle est... C'est une revendication de pouvoir.
06:06 Jusqu'à présent, nous n'avons pas reçu
06:09 dans la communauté internationale
06:11 l'audience et surtout le poids politique,
06:15 et qui nous revient aujourd'hui.
06:18 Les pays du Sud
06:21 représentent,
06:23 dans le poids de l'économie mondiale,
06:26 quelque chose qui ne correspond pas
06:30 à leur poids dans la diplomatie mondiale.
06:33 Les institutions internationales,
06:35 elles ont été organisées en 45.
06:38 Le monde a changé depuis 45.
06:40 -Bien. Hakim El Karoui, là-dessus ?
06:43 -Alors, en fait, il y a deux questions.
06:45 Il y a la question du djihadisme et la question du Sud global.
06:49 Sur le djihadisme, j'apporterai une nuance à ce que vous disiez.
06:52 Je crois qu'il y a ces deux organisations différentes,
06:55 Al Qaïda, 2001, et puis Daesh.
06:58 On est dans un système messianique.
07:02 On est dans un système où le territoire compte assez peu.
07:05 Ce qui compte, c'est le projet politique,
07:07 la vision idéologique et la construction d'une idéologie globale.
07:11 Le Hamas, c'est pas un projet messianique.
07:13 Le Hamas, c'est un sujet d'abord territorial,
07:16 avec une couche religieuse,
07:18 une couche idéologique, une couche de haine.
07:21 Mais dans un cas, Daesh, Al Qaïda,
07:24 on est sur une affirmation idéologique d'abord.
07:27 Dans l'autre cas, le Hamas,
07:29 on est sur une revendication territoriale
07:31 contre un ennemi très identifié, avec, et c'est ça qui est nouveau,
07:35 des méthodes qui sont les mêmes, très proches.
07:37 Mais il faut pas mettre dans le même sac...
07:40 -Akim El Kharoui, l'invasion du Hamas en Israël
07:44 s'est faite avec un slogan très précis,
07:47 "Tuez des Juifs".
07:48 -Ce que je vous dis, c'est que la méthode,
07:51 et c'est ça qui est nouveau dans l'attaque terroriste
07:55 du 7 octobre,
07:57 la méthode est la même.
07:58 Mais le projet politique, la vision du monde,
08:01 n'est pas la même.
08:02 Dans un cas, on a un sujet qui est...
08:04 Avec le Hamas, on a une problématique
08:06 qui est circonstanciée à un territoire,
08:09 et dans l'autre, on a une vision messianique,
08:11 globale, téléologique,
08:14 et qui vise, d'une certaine manière, à la fin des temps.
08:17 Donc, on parle de choses très différentes,
08:20 avec des méthodes proches.
08:21 -Et pour vous, madame Bergeau-Beclerc ?
08:24 -Peut-être qu'on peut commencer par définir les termes.
08:27 C'est vrai que "djihad", c'est la guerre sainte.
08:29 La guerre sainte, elle se mène de plusieurs manières.
08:32 -Si je peux me permettre, en arabe, "djihad",
08:35 il y a plusieurs significations.
08:37 C'est la voie sur le chemin de Dieu.
08:39 C'est pas seulement la guerre sainte.
08:41 -C'est beaucoup de choses.
08:43 Mais aujourd'hui, on parle de géopolitique,
08:45 d'affrontements, de guerre sainte.
08:47 Le djihad, c'est la guerre sainte, qui est menée
08:50 soit militairement, avec les branches djihadistes,
08:53 soit par le droit, ou contre les libertés,
08:56 par les libertés.
08:57 On voit cette citation de Erdogan,
09:00 les démocraties contre elles-mêmes,
09:02 d'une certaine manière, pour ensuite les conquérir.
09:06 Et donc, cette forme de djihad,
09:09 de pression psychologique, de pression politique,
09:13 s'appelle l'islamisme légaliste.
09:16 Mais en réalité, toutes ces branches,
09:19 djihadistes ou islamisme légaliste,
09:21 proviennent d'une seule matrice,
09:23 qui est celle des frères musulmans.
09:26 Les frères musulmans eux-mêmes ne sont pas nés comme ça,
09:29 ils sont nés d'une réaction du monde musulman
09:32 à l'abolition du califat, à la disparition du califat,
09:35 qui a été un énorme traumatisme dans le monde musulman.
09:39 Donc c'est important d'avoir ce recul historique
09:42 pour essayer de comprendre ce qui se passe,
09:45 et notamment, le Hamas, c'est quoi ?
09:47 C'est une ré-islamisation,
09:49 parce que le conflit territorial a été islamisé
09:51 dans les années 20, 30, par le moufti de Jérusalem,
09:55 et puis il y a une ré-islamisation à nouveau de ce conflit
09:58 avec l'arrivée du Hamas,
09:59 c'est-à-dire, grosso modo, les années 80,
10:02 qui ont suivi le triomphe
10:06 de l'Etat islamique iranien,
10:08 et qui a donné une espèce de force
10:11 à tous les mouvements de l'islam politique,
10:14 dont le Hamas, qui est une branche des frères musulmans,
10:18 mais qui, bien sûr, a une importance particulière,
10:22 c'est un petit peu les gardiens des lieux saints de l'islam,
10:25 puisque Jérusalem est considéré comme un lieu saint.
10:28 Donc c'est dans cette perspective-là
10:31 qu'il faut poser le problème, je crois,
10:33 une perspective longue,
10:35 de la revanche califale.
10:39 -Oui, Patrick Kessel, sur ce continuum,
10:42 vous pensez que tout ça se...
10:44 Il y a une logique, une cohérence ?
10:48 -Je pense qu'il est difficile
10:50 de ne pas voir une continuité
10:52 dans ces comportements successifs.
10:55 La poudre a encore flambé
11:00 il n'y a pas très longtemps,
11:02 donc c'est difficile de considérer
11:05 qu'on peut, avec recul,
11:06 avoir un point de vue objectif.
11:09 Donc je ne saurais pas répondre à cette question.
11:12 Simplement, c'est vrai
11:14 qu'on est dans une phase
11:17 d'incontinuité,
11:19 d'incontinuité,
11:21 et de méconnaissance de ce qui peut advenir.
11:25 Je vois aussi les informations
11:29 que nous pouvons avoir
11:31 de gens qui vivent
11:33 en territoire israélien
11:35 ou en territoire,
11:37 aujourd'hui,
11:40 très partagé, qu'on trouve
11:44 entre Israël
11:48 et d'autres régions qui sont proches.
11:51 J'avoue qu'aujourd'hui,
11:53 j'avoue d'ailleurs trouver
11:56 une immense médiocrité
11:58 dans les commentaires de mes confrères.
12:00 Je trouve que, dans l'ensemble,
12:03 les informations qui sont données
12:05 sont hachées,
12:08 et qu'on ne sait pas trop
12:10 qui dit quoi dedans,
12:12 où en est-on aujourd'hui.
12:14 Je vois dans certains regards
12:16 que, justement, c'est vrai
12:18 qu'on n'est plus du tout dans une phase
12:21 de compréhension, distance, conflituel.
12:24 Je ne sais pas trop. J'aimerais bien vous entendre.
12:27 -Oui, mais l'information est dans l'instantané,
12:30 donc les images encore plus que le reste.
12:32 -Sûrement.
12:35 -Oui. -On est face
12:37 à une situation extrêmement complexe.
12:39 Je crois qu'on ne peut pas considérer
12:42 que le Sud global
12:44 travaille avec l'islamisme.
12:49 L'islamisme peut ajouter,
12:53 mais le Sud global,
12:55 vous avez des gens qui sont absolument anti-islam,
12:59 à commencer par les Chinois.
13:01 -Oui, mais personne ne leur reproche ça.
13:03 -Oui, mais dans l'efficacité...
13:05 -Même quand ils font de l'épuration ethnique,
13:08 personne ne dit...
13:10 On n'a jamais vu la moindre manifestation,
13:13 pas plus en France qu'ailleurs.
13:15 -Il y a quelques...
13:17 Sur l'affaire des Ouïghours,
13:19 il y a quand même des gens qui protestent.
13:22 Mais vous n'avez aucune...
13:25 Les Russes et les Chinois,
13:28 politiquement, veulent changer
13:32 le système international.
13:34 Et donc, ils s'appuient sur ce qui leur paraît utile.
13:39 Mais Poutine, il n'aime pas du tout les islamistes,
13:43 la guerre en Tchétchénie,
13:45 c'est vraiment une offensive contre l'islam.
13:48 -M. Daboudi, encore récemment,
13:51 encore récemment,
13:53 le régime de Poutine, par exemple,
13:55 a décidé de s'attaquer aux valeurs démocratiques
13:59 en limitant l'IVG,
14:02 en pénalisant le mouvement LGBT,
14:04 c'est-à-dire qu'il y a une attaque des valeurs...
14:07 -Que Poutine soit antidémocratique
14:10 et antidémocrate, ça, on le sait,
14:12 malheureusement, depuis longtemps, et on le voit aujourd'hui.
14:16 Et il en fait un argument,
14:18 notamment pour s'appuyer sur la droite en Europe.
14:22 Mais moi, je parlais de la distinction
14:25 entre le sud global et son offensive
14:28 contre les structures internationales,
14:32 une revendication de pouvoir.
14:34 Alors, ce n'est pas Bandung, ce ne sont pas les non-alignés.
14:38 Les...
14:40 L'Arabie saoudite, ce n'est pas un pays pauvre.
14:43 Et c'est un pays qui n'a pas été colonisé.
14:46 Il y a une très grande diversité dans la notion du sud global.
14:50 Je crois qu'il faut bien distinguer
14:52 entre les problèmes de l'islamisme et les problèmes du Proche-Orient
14:56 et la question du sud global,
15:01 qui est en réalité le poids de l'Occident
15:05 dans les années qui viennent.
15:07 -Très bien. On va distinguer
15:09 entre les différentes étapes.
15:11 Hakim El Karoui, pour parler, on va commencer par l'islamisme.
15:16 Si on prend certaines réflexions
15:19 qui datent de plus d'un demi-siècle,
15:23 André Malraux considérait que la violence de la pensée islamique,
15:27 je le cite,
15:29 "est le grand phénomène de notre époque."
15:31 Georges Semprun, un grand résistant,
15:34 considérait que l'islamisme
15:37 est le troisième totalitarisme du XXe siècle.
15:40 Est-ce que vous pensez
15:42 que l'offensive islamiste d'aujourd'hui
15:45 est en continuité,
15:48 par ses modes d'action et ses particularités,
15:52 avec cet islam politique,
15:54 dénoncé à la fois par André Malraux et Georges Semprun ?
15:58 Et dans ce cas, à quoi l'attribuez-vous ?
16:00 À quoi attribuez-vous cette permanence ?
16:04 Parce que c'est pas d'aujourd'hui.
16:06 Et des personnages que je cite ne sont pas des extrémistes.
16:11 -Non, enfin, je pense que personne a considéré
16:15 que l'islamisme était une idéologie pacifique.
16:18 Donc, ça fait longtemps que la problématique est identifiée.
16:22 L'islamisme a une caractéristique, c'est que ça mute...
16:26 Il y a à la fois des éléments qui sont toujours les mêmes,
16:29 et en gros, l'idéologie a été formalisée,
16:31 comme l'a dit Mme Berjou Blackler,
16:33 il y a un siècle, dans les années 20.
16:36 Il y a les frères musulmans en Égypte,
16:38 le mouvement des Oulémas en Algérie.
16:40 Donc, il y a une vision du monde où il s'agit d'islamiser...
16:44 Il faut islamiser le monde, la lecture du monde.
16:46 Ça, c'est l'idéologie.
16:48 Après, il y a des moyens qui varient beaucoup.
16:51 Il y a des moyens légaux, plutôt ceux des frères musulmans,
16:54 des moyens que l'on dit piétistes,
16:56 ultra-religieux et ultra-réactionnaires.
16:59 On parle très peu du salafisme.
17:01 Il y a beaucoup plus d'importance en France
17:03 que les frères musulmans.
17:05 Sachant qu'on est passé à de nouvelles générations
17:08 qui font un mélange entre les deux,
17:10 qui voient plus la différence
17:11 entre une tradition plus politique des frères
17:14 et une tradition plus religieuse des salafistes.
17:17 Il y a eu les mouvements terroristes,
17:19 et plusieurs.
17:20 On parlait d'al-Qaïda, d'Aïch,
17:22 ce n'est pas du tout les mêmes,
17:24 c'est pas la même matrice idéologique.
17:26 Le Hamas, c'est encore différent.
17:28 Donc, il y a une permanence,
17:30 il y a une vision du monde,
17:32 des moyens d'action différents,
17:34 une temporalité différente,
17:35 les problématiques ne sont pas les mêmes.
17:38 En même temps, à l'évidence,
17:39 c'est une idéologie violente, dangereuse,
17:42 et puis, dans un certain nombre de cas,
17:44 subversive, au sens où on ne sait pas très bien où elle est.
17:48 Moi, je dis que l'islamisme, c'est une idéologie plastique.
17:51 Elle s'adapte à son environnement.
17:54 Après, il faut faire attention,
17:56 on peut être musulman et conservateur,
17:58 mais on n'est pas pour autant islamiste.
18:01 Donc, il faut, je pense, dans le débat, l'analyse,
18:04 être assez prudent,
18:05 parce qu'on a vite fait de considérer
18:07 que tout musulman est un islamiste.
18:09 -Pour vous, madame Berjom Blanc-Clair,
18:12 comment vous voyez cette...
18:15 -Peut-être qu'il faut que je précise d'où je parle.
18:18 Moi, je suis anthropologue,
18:20 pas géopoliticienne, pas politiste, pas essayiste.
18:23 La première fois que j'ai rencontré les Frères Musulmans,
18:27 c'était il y a 30 ans, à la mosquée de Bordeaux,
18:29 là où officie Tarek Oubro.
18:31 Je connais assez bien les Frères Musulmans de l'intérieur.
18:34 J'ai pu suivre leur parcours,
18:37 leur influence aussi
18:39 sur la...
18:40 l'énorme activité islamique contemporaine.
18:43 Et il faut reconnaître qu'aujourd'hui,
18:46 les Frères Musulmans, qui sont héritiers,
18:48 pas seulement de la branche de Hassan El Banna,
18:51 la branche arabe qui a donné à Hassan El Banna,
18:54 Saïd Krout,
18:55 ou Youssef El Kardaoui,
18:58 mais aussi la branche indo-pakistanaise,
19:00 qui joue un rôle très important, notamment sur le marché halal,
19:04 d'énorme activité islamique, donc, qui est celle de Mahmoud Oudi.
19:08 Et cette rencontre,
19:10 qui a été rendue possible par le père de Tariq Ramadan,
19:13 donc Saïd Ramadan,
19:15 est aujourd'hui ce que j'appelle le frérisme,
19:18 qui est une idéologie
19:20 qui est plus large que la seule application
19:22 des préceptes de la confrérie,
19:25 qui est née il y a un siècle.
19:26 Donc déjà, ça, c'est une première chose.
19:29 Je pense qu'aujourd'hui,
19:31 le frérisme est dominant,
19:34 est hégémonique dans le paysage religieux islamique français
19:39 et européen en général.
19:41 Le frérisme, c'est un salafisme.
19:44 Il y a plusieurs salafismes,
19:45 mais le frérisme est un des salafismes.
19:48 Qu'est-ce que ça veut dire ?
19:49 C'est ceux qui se réfèrent aux pieux anciens,
19:52 c'est-à-dire aux prophètes et à ses compagnons,
19:55 et qui en ont fait un modèle d'imitation.
19:57 Donc ça, c'est vrai aussi bien des salafistes wahhabites,
20:01 dont je pense qu'il a été question,
20:03 et aussi des frères qui sont...
20:05 Alors, la différence entre les wahhabites
20:09 et les fréristes,
20:11 c'est que les wahhabites sont des gens du texte,
20:14 donc ils travaillent le texte,
20:15 et il leur faudrait idéalement revenir
20:18 dans les pays musulmans, faire la hijra,
20:20 alors que les frères sont des gens du texte et du contexte.
20:24 Donc ils travaillent le contexte pour l'adapter au texte,
20:28 ce que ne font pas les autres.
20:30 Et ça, c'est fondamental comme différence.
20:33 Les frères, aujourd'hui, en Europe,
20:36 sont les premiers réformistes,
20:38 réformistes de la pensée théologique
20:42 et réformistes du contexte,
20:44 c'est-à-dire ce qu'ils veulent faire,
20:46 ce qu'ils ont toujours dit, d'ailleurs,
20:49 c'est la modernité.
20:50 Et moi, je traduis ça par "rendre la société sharia-compatible".
20:54 Et aujourd'hui, pour être musulman
20:57 et avoir une approche relativement libérale,
20:59 qui aurait dû, d'ailleurs, exister
21:02 en nombre beaucoup plus important
21:05 dans une société sécularisée et libérale,
21:07 c'est très difficile,
21:08 parce que le rôle des frères musulmans,
21:11 c'est d'empêcher la fitna dans la communauté musulmane,
21:14 c'est de conduire le mouvement islamique,
21:17 c'est ce que Kardaoui disait,
21:19 il voulait créer un mouvement islamique
21:21 qui serait composé de l'ensemble des composantes
21:24 du paysage religieux, des djihadistes
21:27 aux plus libéraux, pour les conduire
21:29 vers le califat, pour construire le califat.
21:33 Donc, c'est pas une chapelle, le frérisme,
21:35 c'est ce que moi, j'appelle un système d'action.
21:39 -Oui, alors, Patrick Kessel,
21:41 dans ce Grand Sud,
21:43 il n'y a pas que l'islamisme,
21:46 il y a des grandes puissances,
21:48 comme la Chine, la Russie
21:51 et d'autres pays.
21:52 On laisse l'Iran de côté, on va en parler après.
21:56 A votre avis,
21:58 pourquoi la Chine,
22:01 la Russie et d'autres pays
22:03 activent cette notion
22:06 Grand Sud pour s'opposer à l'Occident ?
22:10 Est-ce une revanche de civilisation ?
22:13 Pourquoi ils en veulent à l'Occident ?
22:17 ...
22:19 -C'est une bonne question.
22:20 C'est une bonne question.
22:23 Comment pourrais-je y répondre d'un point de vue personnel ?
22:26 Non, mais nous assistons aujourd'hui à une recomposition.
22:29 Si c'est ce que suggère ta question,
22:33 on est dans un contexte
22:35 qui s'est profondément modifié.
22:38 Quand on parle aussi avec des amis qui vivent en Afrique,
22:41 qui vivent au Proche-Orient,
22:44 c'est sûr que cette approche est très différente de la nôtre.
22:48 En même temps, il y a beaucoup d'incertitudes,
22:51 il y a beaucoup d'inquiétudes.
22:53 Je ne saurais pas répondre à ce que j'aimerais,
22:56 avoir les mains pleines de vérité et dire...
22:59 Voilà comment faudrait faire, comment faut faire.
23:02 Simplement, il y a une recomposition
23:06 des territoires et des cultures
23:09 qui n'est pas au bout de ses peines.
23:13 -Vous voyez ça, monsieur Dabauvil,
23:15 comme une revanche de civilisations ?
23:17 Est-ce qu'ils estiment qu'ils ont été bridés ?
23:20 -Non, c'est l'utilisation
23:23 de certains thèmes politiques et idéologiques
23:28 pour retrouver un pouvoir.
23:30 Donc, ils estiment qu'ils ont été perdus.
23:33 Pour les Chinois, c'est très simple.
23:35 Ils considèrent qu'ils étaient une grande civilisation
23:38 et qu'ils ont perdu le pouvoir international.
23:41 Ils sont membres du Conseil de sécurité,
23:43 mais au cours des 50 dernières années,
23:48 ils n'ont pas joué le rôle
23:50 qu'ils estiment devoir être le leur.
23:53 -Mais quel rôle ?
23:56 -Leur rôle, c'est d'être une des trois puissances mondiales...
24:00 -Ils le sont, ils sont même la deuxième puissance.
24:03 -Oui, mais c'est récent, parce qu'ils ont accédé,
24:06 ils ont fait un effort extraordinaire
24:08 de développement économique,
24:11 et maintenant, ils disent qu'on n'est plus dans le monde de 45,
24:14 et donc, il faut le changer.
24:17 Poutine, pour des raisons opportunistes,
24:20 s'est rallié à ça,
24:22 mais si vous voulez,
24:23 entre leurs différentes recherches de pouvoir,
24:29 il y a beaucoup de nuances.
24:31 J'étais très intéressé par les différentes nuances
24:34 que vous avez mentionnées sur les courants islamistes,
24:37 mais vous constatez qu'ils sont appuyés au Broche-Orient
24:41 par des puissances qui, elles-mêmes, s'opposent entre elles.
24:45 L'Arabie saoudite ou l'Iran
24:49 ont des clientèles très différentes.
24:52 -Est-ce que vous accordez...
24:54 -Regardez la situation entre le Liban et la Syrie.
24:59 C'est véritablement...
25:01 Ils ont des patrons qui sont différents,
25:05 mais qui, pour des raisons conjoncturelles,
25:09 qui durent ou qui ne dureront pas,
25:11 aboutissent à ce qu'il y ait des protections,
25:16 de l'argent, des armes,
25:18 qui vont aux différents acteurs
25:21 qui profitent du désordre moyen-oriental.
25:25 -Oui, alors, Hakim Al Karoui, là-dessus,
25:27 et aussi sur la question de l'Iran,
25:30 est-ce que vous croyez que le schisme
25:33 entre sunnites et chiites
25:35 soit une réalité aujourd'hui ?
25:38 J'ai entendu des diplomates saoudiens
25:44 s'inquiéter d'une revendication iranienne
25:49 sur les lieux saints.
25:51 Autrement dit, ça reviendrait
25:54 à un conflit un peu historique
25:57 qui date de plusieurs siècles.
26:01 A votre avis, qu'est-ce que cherche l'Iran aujourd'hui,
26:05 au-delà du conflit au Moyen-Orient
26:08 avec le Hamas, le Hezbollah, les Houthis ?
26:11 Mais quelle est sa stratégie, aujourd'hui ?
26:14 Au-delà de son opposition à Israël ?
26:16 -C'est moins l'Iran que le régime iranien.
26:19 L'Iran, vous savez, le régime,
26:22 il a perdu sa population depuis un certain temps,
26:25 notamment ses femmes, ce qu'on voit depuis deux ans.
26:28 Je crois que le régime iranien, sa stratégie est simple.
26:31 Il est dans un mode défensif.
26:33 Il essaie d'exister, de se maintenir au pouvoir,
26:35 coûte que coûte, avec une dimension idéologique
26:38 qui est toujours présente dans le discours,
26:41 mais maintenant, on parle surtout d'intérêt,
26:43 d'intérêt personnel, des pass d'Aran, des clercs, etc.
26:46 Et comment il essaie de se maintenir au pouvoir ?
26:49 En créant des problèmes dans tout son environnement,
26:53 en étant agressif dans tout son environnement,
26:56 pour essayer de construire une sorte de glacis protecteur.
27:00 Et donc, c'est en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen,
27:04 tout autour de son adversaire régional,
27:07 qui est l'adversaire saoudien,
27:09 et puis à son adversaire mondial, que sont les Etats-Unis.
27:12 Mais les Iraniens, ils ont perdu leur vocation messianique.
27:17 Ils l'ont perdue depuis 40 ans, depuis la guerre contre l'Irak,
27:20 qui s'est soldée par une sorte de match nul,
27:23 mais qui les a considérablement affaiblis.
27:25 La révolution islamique mondiale, c'était surtout les Wahhabites.
27:29 C'est eux qui ont wahhabisé, d'abord,
27:31 les musulmans immigrés en Arabie saoudite,
27:34 et qui, ensuite, ont wahhabisé les Égyptiens, les Maghrébins,
27:38 et puis le salafisme est arrivé en France,
27:40 et il est arrivé en France par les Maghrébins.
27:43 Donc, il faut laisser l'alliance à juste place.
27:46 Et puis, on disait, il y a quelques années,
27:48 c'est Gilles Kepel qui disait ça,
27:50 il y a l'axe chiite contre le croissant chiite,
27:53 contre les accords d'Abraham.
27:55 Donc, les Iraniens, les Turcs et les Qataris,
27:58 déjà, il y a des sunnites et des chiites.
28:00 Et puis, en face, il y avait les Émériens,
28:02 les Saoudiens et Israël.
28:04 Ca, c'était quand Trump était au pouvoir.
28:06 Biden est arrivé au pouvoir, et tout ce petit monde s'est rabiboché.
28:10 Il n'y a pas de conflit idéologique et religieux au Proche-Orient.
28:14 Il y a un conflit politique, il y a un conflit d'intérêt,
28:17 il y a un conflit, y compris de personnes,
28:20 de gens qui veulent rester au pouvoir
28:22 et qui veulent dominer la région.
28:24 Mais il ne faut pas tomber dans le piège de leur discours.
28:27 Leur discours, c'est souvent des paravents.
28:30 -Il n'y a pas que les discours.
28:31 Si on prend le conflit, madame Berjobin-Leclerc,
28:34 le conflit, le dernier conflit,
28:36 que ce soit à travers le Hamas ou le Hezbollah ou les Houthis,
28:40 quelle place vous attribuez à l'Iran
28:45 dans cette conflictualité à la fois moyenne-orientale
28:49 et mondiale, puisqu'ils arment aussi, en partie,
28:52 l'armée russe contre l'Ukraine ?
28:54 -Je crois qu'il faut...
28:55 Ca, c'est le problème de l'approche politique,
28:58 et politiste en général, c'est de considérer
29:00 que les êtres humains sont des êtres assoiffés de pouvoir
29:04 et qu'ils ne rêvent que de pouvoir et qu'il n'y a rien d'autre.
29:07 Évidemment, nous, les anthropologues,
29:10 on considère qu'il y a aussi d'autres dimensions,
29:13 des dimensions symboliques, religieuses,
29:15 qui sont très importantes à comprendre.
29:17 Donc, c'est pas étonnant qu'on trouve
29:20 que les politistes s'intéressaient particulièrement
29:23 aux Etats-nations.
29:24 Ils sont dans... Ils essayent de comprendre
29:26 les logiques qui habitent les conflits entre Etats-nations.
29:30 Le problème, c'est qu'on est dans un monde mondialisé,
29:33 qu'il y a des réseaux sociaux,
29:35 qu'aujourd'hui, ce qui se passe en Israël,
29:38 on le connaît immédiatement,
29:40 ça produit des manifestations partout en Europe.
29:43 Donc, il faut penser, il faut se décaler,
29:45 il faut comprendre que les Etats-nations,
29:49 aujourd'hui, sont tenus par des forces globalisées,
29:52 nécessairement, ça s'appelle les réseaux sociaux.
29:55 Et donc, ce qu'on voit,
29:57 aujourd'hui, avec le Hamas et Israël,
30:01 c'est une mondialisation du conflit israélo-arabe,
30:06 qui est...
30:09 Sur lequel appuient ces réseaux fréristes,
30:12 qui sont très puissants, un peu partout sur les continents.
30:15 Qu'est-ce qu'ils font ? Permettez-moi.
30:18 Youssef El Kardaoui,
30:20 quand il commence à penser son plan
30:22 pour les 30 prochaines années, c'était il y a 30 ans,
30:25 qu'est-ce qu'il dit ?
30:27 Il dit qu'il faut créer une opinion publique mondiale.
30:30 C'était quand même avant les réseaux sociaux,
30:33 il était assez fort.
30:34 Aujourd'hui, on voit que...
30:36 Qui appuie, qui tire aussi un peu les ficelles
30:39 des conflits dans cette partie-là ?
30:42 Ce sont les réseaux sociaux,
30:44 ce sont les mosquées de Grande-Bretagne,
30:47 c'est les manifestations gigantesques,
30:49 c'est aussi les pressions par le marché BDS, par exemple,
30:53 cette grande organisation qui veut boycotter
30:56 les produits israéliens.
30:58 Il y a une incidence considérable sur le conflit.
31:01 Donc tout ça, je pense qu'il faut le recomposer
31:04 et surtout prendre en considération la dimension religieuse,
31:07 la dimension de la visée du califat pour ces populations-là.
31:12 Ils rêvent d'une Ouma.
31:13 Et quand on voit partout, sur tous les continents,
31:17 des manifestations qui disent "Allah ou Akbar",
31:19 ça veut dire quelque chose.
31:21 Il faut pas le ramener systématiquement
31:23 à des conflits de pays.
31:25 Je ne dis pas que la dimension territoriale n'existe pas,
31:28 mais il y a autre chose qui se joue.
31:30 -Oui, monsieur Dabourghide ?
31:32 -Je vais simplement observer que la recherche
31:35 d'une domination idéologique mondiale,
31:39 ça a été de tout temps...
31:41 Je veux dire, Lénine avait un projet mondial.
31:45 Euh...
31:46 Et donc...
31:49 Mais c'était au service d'ambitions politiques.
31:54 Et nous retrouvons,
31:55 nous retrouvons, avec l'instrumentalisation
31:59 des différents courants islamiques,
32:01 nous retrouvons exactement quelque chose qui est éternel.
32:06 Et dans le cas du Proche-Orient,
32:08 il y a des ambitions territoriales,
32:12 il y a des jeux d'influence qui sont d'ailleurs changeants.
32:15 Alors, moi, je pense, par exemple,
32:17 que les Etats-Unis ont fait une erreur considérable
32:20 en attaquant l'Irak,
32:21 qui était un bouclier contre l'Iran.
32:24 C'était d'ailleurs l'argumentation française.
32:28 Nous avons pas été écoutés par les Etats-Unis,
32:31 mais on a donné un coup de pied occidental
32:35 dans la fourmilière moyen-orientale,
32:37 et maintenant, on a les dérivations.
32:41 -Oui, Akim Al-Karoui, là-dessus.
32:43 -Oui, je pense, le louma mondial, c'est le discours des islamistes,
32:46 mais c'est pas pour autant que c'est la vérité,
32:49 que c'est la réalité.
32:50 Vous allez dans les pays arabes, les pays musulmans,
32:53 l'identité nationale est très forte.
32:55 Les gens, quand ils manifestent en Tunisie,
32:58 ils manifestent pas pour le louma mondial,
33:00 ils manifestent pour le droit des Palestiniens,
33:03 qui est une sorte de mythologie politique dans le monde arabe.
33:07 Enfin, ils sont très tunisiens.
33:09 Et les islamistes ont été au pouvoir en Tunisie.
33:12 Ils ont échoué lamentablement,
33:14 comme ils ont échoué partout où ils ont été au pouvoir,
33:17 et les identités nationales se sont construites.
33:19 Il y a toujours un discours islamiste global,
33:22 mais le discours n'est pas la réalité.
33:24 Il faut pas tomber dans le piège du discours.
33:27 C'est pas parce qu'il y a des gens qui disent
33:29 "vous êtes que des musulmans",
33:31 c'est pas parce qu'ils le disent que c'est vrai.
33:34 -Il faut pas les prendre pour des idiots.
33:36 -C'est vrai, mais ils ont une parole, ce sont des sujets de l'histoire.
33:40 -Il faut parler du frérisme.
33:42 -Cette forme d'arrogance, à mon avis,
33:44 ne fait pas nos affaires.
33:45 -C'est combien de musulmans pour vous ?
33:48 Chez les musulmans français, vous disiez "le frérisme"...
33:51 -C'est une idéologie.
33:52 -Ca représente quelle part les musulmans français ?
33:55 C'est 10 %, 20 %, 100 % ?
33:57 -Vous pouvez pas évaluer la force d'une idéologie
34:00 sur une population. Il y a des influences.
34:03 -J'ai fait une enquête sur les musulmans,
34:05 sur leurs idées, leurs comportements,
34:07 leurs croyances. Je suis arrivé à une certaine répartition.
34:11 -On pourrait en discuter. -C'est pas le lieu
34:13 de discuter de votre enquête. -Je comprends pas...
34:16 -Ca nous amènerait un petit peu...
34:18 Lisez mon livre si vous voulez comprendre.
34:20 -Je l'ai lu avec grand intérêt.
34:22 -On dirait pas, en tout cas.
34:24 Ce que je pense, c'est qu'il ne faut pas prendre
34:27 les frères musulmans pour des idiots,
34:29 ni l'Ummah pour le rêve des islamistes.
34:31 Ca n'est pas que le rêve des islamistes.
34:34 C'est en train de prendre des formes.
34:36 La violence du Hamas, aujourd'hui,
34:38 cette violence terrible,
34:40 c'est pas seulement la violence,
34:42 mais aussi les cris du joie qui l'accompagnent.
34:45 Qu'est-ce que c'est ?
34:46 Qu'est-ce qu'on entend ? On entend "Allahou akbar".
34:49 On entend pas "Vive la Palestine".
34:51 Je veux dire, il faut quand même prendre au sérieux
34:55 ces mouvements de fond qui sont très anciens
34:58 et qui ont des résonances historiques.
35:00 -Est-ce que la priorité, quand même, pour le Hamas,
35:03 c'est la thématique d'Israël, des colons, etc. ?
35:07 -Non, et ça, c'est intéressant,
35:09 mais c'est pour ça qu'il faut lire les grands idéologues.
35:13 Kardaoui a été un grand idéologue très important pour le Hamas.
35:16 L'objectif, c'est vraiment le temps religieux.
35:19 C'est l'espace religieux.
35:21 Quand ils disent... Ils ne veulent pas négocier avec Israël.
35:25 Ils veulent qu'Israël disparaisse.
35:27 C'est très clair dans leurs chartes.
35:29 Vous allez me dire qu'il y a la 1re, la 2e...
35:32 C'est la 2e charte. Le statut de ce qu'on appelle
35:34 la 2e charte n'est qu'un document.
35:36 C'est un document politique.
35:38 Quand on traduit, c'est pas du tout...
35:41 Donc la charte, elle est restée.
35:43 La charte ne veut pas de l'existence d'Israël.
35:45 La charte est profondément antisémite
35:48 et son antisémitisme est profondément ancré
35:50 dans le texte religieux.
35:52 On peut dire tout ce qu'on veut,
35:54 on peut dire que c'est juste une instrumentalisation politique
35:57 du religieux, mais à penser comme ça,
36:00 on est passé complètement à côté de la force de ces mouvements
36:03 et de l'influence qu'ils ont aujourd'hui
36:05 sur les musulmans d'Europe.
36:07 -Ce qui est... Je m'excuse, mais enfin...
36:10 Ce qui est certain, c'est que les tentatives,
36:12 à l'époque de Trump, des accords d'Abraham,
36:15 donc, qui mettaient de côté les...
36:20 les Palestiniens,
36:22 ont, en quelque sorte,
36:24 ranimé l'espèce de solidarité
36:28 au Proche-Orient
36:30 sur le thème de...
36:32 sur le thème religieux.
36:35 Moi, je pense que les Occidentaux,
36:39 actuellement, sont sur la défensive,
36:42 notamment vis-à-vis des pays arabes,
36:45 mais pas seulement, puisqu'il y a
36:47 une instrumentalisation chinoise,
36:49 euh... russe,
36:52 même les Indiens,
36:54 qui ne sont pas...
36:56 ne partagent pas les thèses, par définition, chinois,
37:00 puisqu'ils sont opposés,
37:02 mais même russes, qui jouent
37:04 une espèce de diplomatie opportuniste.
37:06 Tout ce...
37:08 Tout ce sud global...
37:11 a des ambitions de pouvoir
37:16 international,
37:17 mais ça ne passe pas nécessairement
37:20 par le Moyen-Orient,
37:21 ni par les idéologies.
37:23 -Oui, alors, écoutez, moi, je voudrais...
37:26 C'est dissonance, mais c'est le débat.
37:28 Mais à qui met le cas ?
37:30 Je voudrais partir d'une réflexion de Churchill,
37:32 qui disait "Vous verrez que les guerres des peuples
37:36 "seront autrement plus redoutables
37:38 "que les guerres des nations et des états-nations."
37:41 On y est, non ?
37:42 Aujourd'hui. -Non, après,
37:45 si vous regardez l'histoire,
37:47 si vous regardez les chiffres, le nombre de morts,
37:50 les guerres des états-nations sont effroyablement
37:53 plus graves et plus létales
37:55 que les guerres des peuples ou les guerres des idées.
37:58 Enfin, s'il n'y a pas le bras armé de l'état-nation,
38:01 le bras armé de l'armée,
38:03 enfin, du système militaire...
38:06 -On ne va pas rester sur le Proche-Orient,
38:10 puisqu'on va aborder d'autres sujets,
38:12 mais manifestement,
38:14 avec des Etats, les problèmes se règlent,
38:17 tandis que hors des Etats,
38:20 les problèmes ne se règlent pas.
38:22 -Je ne suis pas d'accord.
38:24 -Les problèmes se règlent par la guerre.
38:26 -Mais avec d'autres outils d'analyse.
38:28 -Vous avez évoqué la violence de Lénine,
38:32 mais Lénine, aujourd'hui,
38:34 un historien comme Kershaw, par exemple,
38:37 britannique, qui est au-delà de toute critique extrémiste,
38:41 il serait même plutôt à gauche,
38:43 il considère que le pouvoir a été conquis
38:46 par la violence pour la violence.
38:48 Et que... -Le pouvoir...
38:51 Il n'y a pas qu'à l'époque de Lénine.
38:54 Napoléon a acquis le pouvoir
38:58 par un coup d'Etat et qui était, par définition,
39:01 l'utilisation d'une violence circonscrite, certes, mais...
39:04 -Oui, mais ça revient dans l'actualité,
39:07 c'est aujourd'hui. -Qui a aidé Israël
39:09 au moment de son indépendance ?
39:11 C'était la Russie, l'Union soviétique,
39:15 via les Tchèques, qui ont envoyé des armes.
39:17 Aujourd'hui,
39:20 la Russie s'allie
39:24 avec les anti-israéliens.
39:26 Donc, si vous voulez,
39:28 on peut pas... C'est pas idéologique.
39:31 C'est simplement de l'opportunisme diplomatique.
39:36 -Bien. -Il n'y a aucune idéologie
39:38 derrière tout ça.
39:40 Musique rythmée
39:43 ...
39:52 -Bon, pour revenir un peu
39:54 dans le cadre de notre émission,
39:57 est-ce que vous pensez que les valeurs démocratiques,
40:01 celles qui sont issues des Lumières,
40:04 est-ce qu'elles sont aujourd'hui en danger
40:08 et est-ce que ce Sud global,
40:10 au-delà de ses intérêts divers,
40:16 veut mettre en cause les valeurs occidentales,
40:19 les valeurs des Lumières ?
40:21 -Difficile de répondre oui ou non,
40:23 parce que nous ne sommes pas dans une situation de ce type,
40:28 mais il est certain qu'on est dans une phase
40:31 fort compliquée
40:34 et où on voit très bien comment se décompose
40:37 un certain nombre de valeurs sur lesquelles ont été fondées
40:40 les principes républicains, les Lumières,
40:43 des choses qui sont évidentes quand on les recasse
40:46 dans des articles,
40:49 quand on les recasse à la télévision.
40:51 Ca paraît évident et pourtant,
40:53 on sent bien que c'est pas du tout évident, en ce moment.
40:56 C'est même profondément menacé.
40:59 On est dans un contexte où on voit bien
41:03 que les principes des Lumières
41:06 sont aujourd'hui fortement contestés
41:10 par des gens qui ne se positionnent pas clairement, d'ailleurs,
41:13 sur ces sujets.
41:15 C'était ça, la question ?
41:17 -La question, elle est, est-ce que les valeurs démocratiques
41:21 auxquelles nous sommes attachés,
41:23 qui régissent le monde occidental,
41:26 est-ce que ces valeurs sont en danger ?
41:29 -Bien sûr.
41:30 -Si je peux me permettre... -Bien sûr.
41:34 -Je ne veux pas se demander ce qui les met en danger.
41:36 Je veux savoir ce qui se passe aux Etats-Unis.
41:39 On a quand même eu aux Etats-Unis une tentative de coup d'Etat
41:42 par le président sortant.
41:44 Pour moi, la plus grave menace pour la démocratie,
41:47 aujourd'hui, en tout cas, à l'égal de la Russie,
41:50 c'est les Etats-Unis.
41:52 Les Etats-Unis eux-mêmes, le retour de Trump,
41:54 et au-delà du retour de Trump, la polarisation du débat
41:58 entre la gauche woke,
42:00 qui devient totalement irraisonnée,
42:04 la droite conservatrice, qui, à l'évidence,
42:07 n'adhère plus aux valeurs de la démocratie libérale.
42:10 Ce n'est pas seulement le Sud global.
42:12 -Mais nous avons eu une contestation
42:14 de la démocratie en Europe même,
42:16 à l'intérieur de l'Union européenne,
42:18 qui s'est fondée sur les valeurs occidentales
42:22 et sur les valeurs des Lumières.
42:24 Je veux dire, quand même, l'Union européenne,
42:27 c'était pas seulement le libre marché économique,
42:33 c'était véritablement des valeurs.
42:35 Aujourd'hui, nous avons des gens en Autriche,
42:38 en Slovaquie,
42:40 aux Pays-Bas récemment,
42:43 en Hongrie et en Pologne,
42:46 avec le gouvernement précédent,
42:49 qui contestent ouvertement un certain nombre de valeurs
42:52 que nous considérons comme essentielles.
42:55 Alors, pour réagir, qu'est-ce que nous avons ?
42:58 Nous leur disons,
43:01 "Vous ne bénéficierez pas des crédits de l'Union européenne."
43:05 Alors, c'est quand même une question difficile,
43:09 et je suis pas sûr que ça soit efficace pour eux.
43:12 Et donc, nous avons...
43:15 Alors, aux Etats-Unis,
43:16 nous avons une division profonde du pays,
43:21 mais qui est accentuée par le communautarisme,
43:25 mais qui n'est pas seulement due au communautarisme.
43:30 C'est une...
43:31 Et je pense que cette division
43:34 de la société américaine,
43:37 elle est très périlleuse
43:39 pour la défense de nos valeurs occidentales,
43:42 tout simplement parce que les Etats-Unis
43:44 ont représenté pendant longtemps
43:46 une espèce de phare occidental.
43:49 Aujourd'hui,
43:50 l'Occident, c'est pas seulement les Etats-Unis,
43:55 c'est aussi l'Union européenne et d'autres pays
43:58 sur d'autres continents,
44:00 qui sont...
44:02 Qui adhèrent pas forcément à notre système...
44:06 À notre...
44:07 Républicain,
44:09 et aux formes institutionnelles de nos valeurs,
44:13 mais qui partagent quand même un certain nombre d'idées
44:16 qui sont proches, disons, de l'héritage des Lumières.
44:21 -Oui, madame Bergeau-Bleckler, là-dessus.
44:24 -Oui, rapidement.
44:26 -Je ne connais pas l'origine de cette expression "le Sud global".
44:29 Je ne sais pas à quoi ça correspond.
44:31 -Vous savez, c'est une...
44:33 J'allais dire, c'est une création médiatique.
44:36 -En tout cas... -Je m'excuse.
44:38 Ce sont les BRICS,
44:40 qui étaient des puissances économiques qui montaient,
44:43 qui ont décidé qu'elles n'étaient pas bien représentées
44:47 dans le système international.
44:49 Et puis ensuite, ils ont voulu globaliser...
44:51 -Je comprends.
44:53 -Ils ont pris des pays
44:55 qui ne sont pas des puissances économiques.
44:58 -C'est une réalité, voilà,
45:00 géostratégico-économique.
45:02 Par contre, ce qui est intéressant aujourd'hui,
45:05 c'est le mouvement décolonialiste.
45:07 Le mouvement décolonial,
45:09 qui est une partie du wokisme,
45:11 qui, effectivement, fait parler ce Sud global
45:14 sans en être,
45:16 et qui joue un rôle très important, justement,
45:19 dans notre représentation du monde,
45:21 avec les démocraties, les non-démocraties,
45:24 enfin, un nouveau tiers-mondisme, en réalité,
45:27 qui fait que ces mouvements antidémocratiques
45:31 de nos sociétés européennes, riches et d'amondance,
45:34 aujourd'hui, se positionnent ou parlent au nom de ces nations-là,
45:39 ce qui est une autre forme d'arrogance.
45:41 Je parlais d'arrogance tout à l'heure.
45:44 Et on se retrouve, effectivement, avec des analyses
45:47 qui sont produites par ce wokisme,
45:52 qui dessine un Sud dominé,
45:57 antilumière, et qui finit par faire la promotion
46:01 d'idéologies, comme celle de l'islamisme dont on parlait,
46:06 qui sont profondément antidémocratiques.
46:09 Donc, c'est pas que les pays du Sud
46:11 soient antidémocratiques et soient contre le Nord,
46:14 c'est qu'aussi, il faut savoir qui parle du Sud
46:18 et est-ce qu'on ne le fait pas parler ?
46:20 -Je crois pas que les décoloniaux parlent beaucoup du Sud global,
46:24 qui parle du Brésil, de l'Inde, de l'Afrique du Sud,
46:27 de la Chine.
46:28 -C'est parce que vous connaissez pas les décoloniaux.
46:31 -Ah bon ? OK.
46:33 -On s'entend, on avait parlé d'un conflit
46:37 des civilisations.
46:38 Aujourd'hui,
46:40 comment on peut appréhender
46:44 ce qui se passe ?
46:46 Parce que, manifestement,
46:48 vous avez de nouvelles alliances qui se créent
46:51 et est-ce que vous trouvez pas que les Occidentaux
46:54 sont là à se culpabiliser, à se flageller ?
46:57 Parce que, finalement,
46:59 prendre sa place dans le concert mondial,
47:02 on la prend par l'économie,
47:03 on la prend par la création culturelle,
47:06 on la prend par les valeurs initiées
47:09 sur le plan politique et donc...
47:12 -On la prend par la puissance. -On la prend par la puissance.
47:16 -La puissance supporte, encourage l'influence.
47:19 -Vous avez cette manière de se flageller aujourd'hui
47:23 en disant qu'on leur a pas laissé la place,
47:25 mais y a pas à laisser la place.
47:27 Chacun prend la place.
47:29 -Moi, je pense qu'il y a beaucoup de gens
47:32 qui ne se flagellent pas.
47:33 Je...
47:34 Nous constatons qu'il y a, actuellement,
47:38 l'idée d'une guerre idéologique mondiale.
47:44 Ca dérive
47:46 des analyses d'Huntington, etc.,
47:49 qui étaient opposées, à l'époque, au même moment,
47:53 à une autre idéologie,
47:54 c'était le triomphe de la démocratie universelle.
47:57 Il faut quand même se souvenir des débats.
48:00 Et des gens, des Français comme Pierre Hasner, par exemple,
48:04 avaient complètement démonté, déjà, ces conceptions.
48:09 Et ils reconnaissaient, comme Kissinger,
48:12 que c'est la puissance, y compris militaire et économique,
48:16 qui, finalement, fait pencher les bascules.
48:19 Et, actuellement, qu'est-ce que nous avons ?
48:22 Nous avons des Etats-Unis qui jouent un rôle moindre
48:26 parce qu'ils ne veulent pas s'engager autant dans le monde
48:31 parce qu'ils ont eu des échecs.
48:33 L'Afghanistan, le départ des forces américaines d'Afghanistan,
48:37 ça a été quand même très impressionnant
48:41 pour les gens du Sud global.
48:43 Ca, comment...
48:45 Les Américains, depuis le Vietnam,
48:48 ne veulent plus perdre leurs jeunes dans des conflits.
48:52 Et donc, actuellement, nous avons...
48:57 Et l'Europe n'est pas en mesure de compenser,
49:00 de jouer un rôle de rééquilibre.
49:04 Alors, elle le cherche, mais elle n'a pas les moyens.
49:08 En plus, si vous ajoutez le vieillissement démographique
49:11 de l'Europe, on n'a pas des...
49:14 On n'a pas une force qui est très active.
49:18 Mais je pense qu'il y a une prise de conscience
49:21 du fait que nos valeurs sont menacées,
49:23 que la démocratie est menacée.
49:26 Cela dit, on ne va pas faire comme l'avait proposé
49:30 Madeleine Albright, une conférence des démocraties
49:34 et une organisation des démocraties.
49:37 Il suffit de voir qui on va inviter.
49:40 Est-ce que l'Inde, aujourd'hui,
49:43 qui est plutôt pro-occidentale,
49:45 est une démocratie ?
49:46 Certainement pas avec M. Modi.
49:49 -Bien. -Je voudrais revenir.
49:50 J'étais un peu plus là-dessus.
49:52 -Soyez un peu concises, il nous reste peu de temps.
49:55 On va conclure.
49:56 -La fabrique du décolonialisme, aujourd'hui,
49:59 c'est les universités.
50:01 C'est tout à fait intéressant, les universités
50:03 ou les centres de recherche.
50:05 On a des étudiants qui sont systématiquement opposés
50:08 à tout ce qui provient de l'Europe.
50:10 Ils se mettent à la place des Indiens,
50:13 des Brésiliens, des Chinois, etc.
50:15 Ces Etats ne leur posent aucun problème,
50:19 même s'ils ont des pratiques antidémocratiques.
50:22 C'est ça qui est intéressant.
50:24 Aujourd'hui, une bonne partie de notre représentation du monde
50:27 est produite par ces jeunes, ces étudiants,
50:30 qu'on appelle décolonialistes ou wokistes.
50:33 -Vous parlez d'un noyautage.
50:35 Un mot là-dessus en conclue.
50:37 -Oui, il faut quantifier.
50:39 Qu'il y ait des mouvements minoritaires,
50:42 revendicatifs ou revendicateurs.
50:45 Oui, évidemment que ça a toujours existé.
50:47 D'extrême-gauche, aujourd'hui,
50:49 il y en a de plus en plus d'extrême-droite.
50:52 Le sujet, c'est quel est l'équilibre
50:54 et puis quelle est la dynamique, aussi.
50:57 Je pense pas qu'il faille avoir peur,
51:00 outre mesure, des mouvements minoritaires.
51:02 Ce qui compte, c'est la dynamique majoritaire.
51:05 Je crois pas que les Occidentaux se flagellent.
51:08 Certains aimeraient bien qu'ils se flagellent.
51:10 Certains, à l'intérieur de l'Occident,
51:13 aimeraient qu'ils se flagellent.
51:15 Je vois aucun gouvernement occidental qui se flagelle
51:18 et qui en fait un axe politique.
51:20 -Un mot pour conclure, Patrick Kessel.
51:22 Vous pensez qu'il y a un malaise des civilisations ?
51:25 Là-dessus, vous l'utiliserez plutôt
51:28 qu'un conflit de civilisations ?
51:30 -Je sais pas s'il y a un malaise des civilisations.
51:33 Il y a indéniablement un malaise global
51:37 face auquel nos gouvernants,
51:41 d'où qu'ils soient, ont bien du mal
51:43 à prendre le problème à bras le corps.
51:45 On sent aujourd'hui les tergiversations,
51:48 les besoins de se justifier, les besoins de...
51:52 Mais tout ça, c'est de la poudre aux yeux, quoi.
51:55 On est dans un vide sidéral
51:59 en termes de perspectives politiques.
52:01 -Voilà. Écoutez, puisque l'émission arrive à son terme,
52:05 je voudrais vous présenter une brève bibliographie.
52:10 Alors, madame Florence Bergeau-Blackler,
52:14 vous avez écrit "Le frérisme et ses réseaux,
52:17 l'enquête avec une préface de Gilles Kepel".
52:20 Mais en deux mots, pour les gens qui n'ont pas lu votre livre,
52:24 vous avez voulu montrer quoi ?
52:26 -C'était que le frérisme, cette idéologie,
52:28 est plus puissante qu'on ne le croit,
52:31 difficile à voir, mais qu'on peut la combattre.
52:33 -Elle a des racines à la fois historiques et contemporaines.
52:37 -Tout à fait. -Akim El Karoui,
52:39 vous êtes penché là-dessus,
52:41 puisque vous avez écrit "Les militants du djihad,
52:45 portraits d'une génération".
52:47 Est-ce que ce livre que vous avez publié
52:51 il y a quelques années,
52:52 vous pensez qu'il a pris quelques rides,
52:55 aujourd'hui, ou vous le consignerez
52:59 aujourd'hui de la même manière ?
53:01 -Il portait sur la génération des années 2010,
53:04 de la Syrie, les militants djihadistes
53:07 qui sont partis en Syrie,
53:09 et puis ce qui s'est produit après en France,
53:12 Charlie, le Bataclan, etc.
53:14 Aujourd'hui, c'est plus exactement les mêmes,
53:17 les terroristes, en France, c'est plutôt des individus isolés,
53:20 moins organisés, pas dirigés par des forces extérieures.
53:24 Après, sur l'analyse, non.
53:25 L'intérêt de cette analyse, c'était qu'elle était quantifiée.
53:29 C'était une analyse qui était fondée sur une base de données.
53:32 On avait des grands nombres, 700 djihadistes français,
53:36 1 500 au total, pour essayer de comprendre,
53:38 vu d'hélicoptère, d'une certaine manière,
53:41 les dynamiques sociales, personnelles,
53:43 et les dynamiques d'engagement, et idéologiques.
53:46 -Patrick Kessel,
53:47 Marianne Toujours,
53:49 c'est votre combat républicain d'hier et d'aujourd'hui.
53:53 -Ca veut dire Marianne Toujours, oui.
53:55 Ca veut dire que si on...
53:59 On feuillette les livres
54:01 de nos prédécesseurs,
54:03 on se rend compte que la question demeure
54:07 de la laïcité, de la liberté de conscience,
54:10 qu'on n'est pas sortis de ça,
54:12 et que ceux qui ont voulu en sortir
54:14 se sont grandement trompés.
54:16 On a besoin, aujourd'hui, de retrouver des valeurs sûres,
54:19 de trouver des gens...
54:20 -Pour vous, c'est la laïcité républicaine ?
54:23 -Pour moi, c'est sans aucun doute,
54:26 je dirais, le fondement
54:29 d'un complément
54:32 pour être ensemble.
54:34 C'est-à-dire être capable de vivre ensemble,
54:37 ça veut dire être capable
54:38 de se retrouver dans des valeurs,
54:42 dans des principes qui ne sont pas fondés
54:45 sur la haine de l'autre, sur l'affrontement
54:48 auquel on assiste de plus en plus.
54:50 On le voit avec la situation
54:53 au Proche-Orient, mais c'est véritablement
54:55 la nécessité, aujourd'hui, de trouver
54:58 un espace complémentaire,
55:01 deux complémentarités,
55:03 qui permettent d'avancer sur ce sujet.
55:06 -Merci. -On ne se rend pas au bout.
55:08 -Merci. Benoît Dabowi, je pense que vous voulez parler
55:11 d'un livre qui vous a marqué récemment.
55:14 -Sylvie Kaufmann, journaliste, éditorialiste au Monde,
55:18 a publié un livre tout à fait...
55:23 intéressant dans le contexte actuel,
55:25 qui montre comment Poutine
55:28 a, en quelque sorte,
55:31 avancé ses pions,
55:33 en Géorgie, d'abord, en Ukraine, aujourd'hui,
55:36 et que ceci a été fait
55:38 avec une réaction européenne,
55:42 notamment de la part
55:44 de Mme Merkel et de Macron,
55:49 qui n'ont pas tout à fait,
55:52 au bon moment, saisi les opportunités
55:55 où nous aurions pu réagir.
55:58 Je trouve que c'est très intéressant,
56:00 c'est très vivant, ce sont des témoignages
56:02 qu'elle a recueillis, et ça nous met
56:05 véritablement dans la politique active des Etats.
56:09 C'est pas du tout l'idéologie, c'est véritablement
56:12 la bataille diplomatique,
56:15 avec des avancées, des reculs,
56:18 et nous avons certainement perdu,
56:22 notamment en raison
56:24 de la puissance, disons,
56:27 du lobby pro-Poutine, pro-Allemande,
56:31 pour des raisons économiques, en Allemagne.
56:33 Nous avons quand même perdu des années.
56:36 Maintenant, on se retrouve avec l'Ukraine,
56:38 et c'est un problème très difficile pour nous tous,
56:41 car si Poutine gagne, nous perdons.
56:44 -Merci.
56:45 Ecoutez, je voudrais...
56:47 Merci, madame, merci, messieurs,
56:49 d'avoir participé à cette émission.
56:51 Je voudrais remercier notre équipe de LCP,
56:55 qui a permis sa réalisation.
56:57 Avant de nous quitter, je vous laisse
56:59 avec cette citation de Philippe Dirybarn.
57:02 "L'islam est dès l'origine un mouvement politico-religieux.
57:07 "Le fait que les mœurs de l'Occident
57:09 "soient si peu marquées par des impératifs religieux
57:13 "tend à le faire regarder globalement comme impie,
57:17 "rendant impie toute allégeance à son égard."
57:22 ...

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