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Rencontre avec Blutch et Bouzard, auteurs de bandes dessinées, animée par Sonia Déchamps, éditrice et animatrice de rencontres littéraires, au Forum de images, jeudi 7 décembre 2024.

Blutch sort le 1er décembre 2024 son album hommage à Lucky Luke : 'Les Indomptés'. Guillaume Bouzard l’avait fait en 2017 avec 'Jolly Jumper ne répond plus'. Comment ces deux grands auteurs, aussi drolatiques que brillants, se sont-ils réappropriés cette figure mythique de la bande dessinée ?

Séance suivie d’une dédicace.

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Amusant
Transcription
00:00:00 Bonsoir à toutes et à tous, bonsoir Guillaume Bouzard, bonsoir Blutch.
00:00:11 Guillaume Bouzard, vous avez publié en 2017 "Jolly Jumper ne répond plus" aux éditions
00:00:17 Lucky Comics et Blutch, votre réinterprétation amoureuse de Lucky Luke, "Les Indomptés"
00:00:22 vient tout juste de paraître chez Lucky Comics toujours.
00:00:25 Alors Lucky Luke a près de 80 ans l'un et l'autre, est-ce que vous pouvez nous raconter
00:00:32 ou nous dessiner votre premier souvenir de Lucky Luke ?
00:00:37 Guillaume, Lucky Luke je crois vous l'avez découvert à la fin des années 70 dans Télépoches
00:00:43 chez la dame qui vous gardait ?
00:00:45 Oui c'est ça exactement, j'avais découvert une petite remise où elle accumule, excusez-moi
00:00:54 je suis un peu ému, j'ai trop de monde pour moi déjà là, où elle accumulait plein
00:00:59 de choses et je suis tombé sur des vieux Télépoches et à l'époque ils mettaient
00:01:03 une petite planche de Lucky Luke et c'est comme ça que j'ai découvert Lucky Luke.
00:01:08 Je lisais des vieux Lucky Luke dans le désordre, une planche par une planche.
00:01:12 Et ensuite vous avez pu avoir enfin des albums et notamment l'Empereur Smith je crois à
00:01:18 Noël.
00:01:19 Ça c'était le dernier je crois, je me souviens bien.
00:01:21 Et puis je suis tombé dedans, c'était Lucky Luke.
00:01:25 Blutch, vous dites de Lucky Luke que c'est un ami d'enfance que vous avez gardé, est-ce
00:01:31 que vous vous souvenez de quand vous l'avez rencontré cet ami ?
00:01:34 Oui à peu près, au tout début des années 70 à Strasbourg.
00:01:41 Ma mère m'emmenait et avant d'aller au salon de thé manger une mousse au chocolat,
00:01:50 on achetait des Lucky Luke aux nouvelles galeries, aux grandes galeries pardon.
00:01:59 Mon premier souvenir c'est ça.
00:02:02 Et vous avez quasiment tout de suite commencé à le dessiner ?
00:02:05 Mon premier souvenir c'est ça, c'est le quatrième découverture des albums d'upuis
00:02:13 avec le truc en planche, le fond en planche et cette espèce de personnage très schématique
00:02:24 sur fond blanc.
00:02:25 Je me souviens de ça.
00:02:26 Et là il y a déjà le collectionneur qui commence à poindre.
00:02:30 Les albums que je n'avais pas, qui étaient en bas là, annoncés.
00:02:35 Les Scorts, La ville fantôme, Le vingtième de cavalerie, Les Scorts, Les barbelés sur
00:02:45 la prairie, Calamity Jane.
00:02:47 Donc moi je me souviens vachement de ça.
00:02:49 C'est mon premier souvenir, c'est cette quatre de couvre, en langage, c'est le jargon du
00:02:57 métier mais bon c'est l'arrière du livre.
00:03:00 Que le public appelle d'une manière incorrecte le dos.
00:03:05 C'est pas le dos mais en tout cas c'est l'arrière du bouquin.
00:03:08 Voilà c'est mon premier souvenir.
00:03:09 Le dos c'est ce qu'on voit dans la bibliothèque.
00:03:11 Et donc ça c'est vraiment un de mes premiers souvenirs de lecteur et c'est peut-être un
00:03:16 de mes premiers souvenirs conscients, mon premier choc esthétique peut-être.
00:03:19 Et Lucky Duke pour moi déjà à la base c'est ça, c'est un énorme choc esthétique.
00:03:26 C'est que Maurice au-delà d'être un grand dessinateur c'était aussi un excellent graphiste.
00:03:32 Et ses images elles sont très marquantes, elles s'impriment très très vite.
00:03:38 Et Lucky Duke il avait des couleurs en plus, la chemise jaune, le pantalon bleu, le foulard
00:03:48 rouge, tout ça ça s'imprime dans votre rétine, c'est des images très fortes.
00:03:52 Donc voilà, ça remonte à une cinquantaine d'années aussi.
00:03:56 Et vous avez rapidement commencé à le dessiner.
00:04:01 Là on voit que, et vous allez nous raconter si c'était finalement comme retrouver justement
00:04:07 un ami, de lui faire vivre ses aventures.
00:04:09 Mais je vous entendais dire sur France Culture il y a quelques jours à peine que vous aviez
00:04:14 maîtrisé le profil de Lucky Duke à la perfection en même temps que le profil de Pompidou.
00:04:19 Non ce n'était pas la perfection, je dis que je le savais faire, ça ne veut pas dire
00:04:25 que je savais bien le faire.
00:04:27 Mais je savais le faire par cœur, j'avais un petit succès familial, je pouvais dessiner
00:04:32 Pompidou par cœur.
00:04:33 Ça avait été un choc esthétique aussi ?
00:04:37 Et ça je sais encore le faire, je savais le faire quand j'étais petit.
00:04:42 J'avais un espèce de succès à la maison, je le faisais.
00:04:47 Lucky Duke n'est pas très éloigné, il a la clope, c'est presque pareil, il avait
00:04:54 la cigarette.
00:04:55 Justement vous évoquiez le costume de Lucky Duke, ses habits.
00:05:05 Avant de parler des aventures que vous avez imaginées l'un et l'autre, j'aimerais
00:05:10 qu'on parle de ce personnage en tant que tel, qui il est, ce qui la caractérise.
00:05:16 Ensuite, comment vous en êtes emparé graphiquement, mais sur sa personnalité peut-être d'abord
00:05:20 Blutch, Lucky Luke, il vous fascine depuis l'enfance, on vient de l'évoquer.
00:05:26 Pourtant c'est un personnage dont on ne sait quasiment rien, il a très peu d'attaches.
00:05:32 Non, Lucky Luke n'a pas de bagage, Lucky Luke il voyage léger.
00:05:39 Contrairement aux autres héros de la BD classique, il n'a pas construit de foyer, il n'a pas
00:05:50 d'affectif chez lui, il est juste de passage.
00:05:54 Je le disais hier sur l'antenne chez France Culture, c'est justement pour ça que je
00:06:05 trouvais qu'il était séduisant et attirant et qu'il était disponible même, parce que
00:06:15 c'est un personnage presque sans psychologie, c'est juste une apparence.
00:06:19 On peut s'emparer de lui d'une manière relativement aisée.
00:06:24 Guillaume Blutch dit que c'est quasiment qu'une apparence, mais il disait aussi la fascination
00:06:32 que ça pouvait engendrer.
00:06:34 Je vous entendais dire au sujet de Lucky Luke que c'était un personnage qu'on oubliait
00:06:40 assez facilement, justement pour ces mêmes raisons, que c'était un personnage qui n'avait
00:06:46 pas beaucoup de charisme, en tout cas au moment de la sortie de Jolly Jumper ne répond plus.
00:06:50 Vous disiez cela à propos de Lucky Luke, et puisqu'on parlait du costume, c'est une
00:06:55 chose avec laquelle vous avez joué dans Jolly Jumper, ne répond plus le fait qu'il se caractérise
00:07:00 par ces habits là.
00:07:02 C'est vrai que je trouvais que ce personnage n'avait aucune personnalité, à part tirer
00:07:07 plus vite que son nombre.
00:07:08 Je me le suis approprié grâce à cette image qu'il avait, l'image purement physique, avec
00:07:16 ses vêtements, avec son chapeau, sa mèche.
00:07:19 J'ai joué un peu avec ça, juste en changeant par exemple la couleur de sa chemise avec
00:07:25 la couleur de son foulard.
00:07:27 Plus personne ne le reconnaît, personne ne le croit.
00:07:29 En fait, ce n'est plus Lucky Luke.
00:07:31 Je trouve ça triste finalement d'être juste reconnu à cause de ses habits.
00:07:35 J'avais travaillé tout autour de cette sensation.
00:07:41 Lucky Luke, pour moi, c'était vraiment quelqu'un de secondaire par rapport au Dalton, par rapport
00:07:48 à Rantemplant, même à Jolly Jumper.
00:07:51 Je trouvais qu'il avait plus de corps.
00:07:54 C'est là-dessus que j'ai travaillé.
00:07:57 On parlait du costume.
00:08:00 Est-ce qu'il y a des choses qui ont été compliquées quand vous avez eu à dessiner Lucky Luke ?
00:08:06 Peut-être de le tenir d'un bout à l'autre puisqu'il a évolué ?
00:08:10 Peut-être le chapeau aussi ?
00:08:12 Je vous entendais dire que le chapeau, c'était ce qui était compliqué à dessiner.
00:08:17 En ce qui me concerne, le chapeau, c'était très compliqué.
00:08:21 Après, j'ai compris que je pouvais le faire toujours pareil finalement et que ça fonctionnait
00:08:24 tout simplement.
00:08:25 Mais moi, j'ai vraiment eu le problème avec le cheval.
00:08:28 Là-dessus, quelle galère Jolly Jumper !
00:08:32 Je suis allé dessiner des chevaux un peu partout pour voir comment ça fonctionnait.
00:08:36 De guerlasse, j'ai dit que je vais la faire à ma façon, c'est-à-dire avec des espèces
00:08:40 de petites arabesques pour les pattes qui fonctionnaient plutôt pas trop mal, je trouvais.
00:08:44 J'ai simplifié tout ça à outrance.
00:08:48 J'ai regardé sur tes vieux albums de Rancho Bravo comment tu dessinais les chevaux.
00:08:54 J'ai laissé tomber aussi après.
00:08:55 Donc on ne demande pas là une petite leçon express ?
00:08:59 Je peux dessiner des chevaux Jolly Jumper, mais vous allez pleurer je pense.
00:09:04 Ça fait longtemps que je ne l'ai pas fait en plus.
00:09:07 Tu n'as pas révisé dans le train ?
00:09:09 Je n'ai pas révisé, je n'ai rien fait.
00:09:11 Il a raison, faire Lucky Luke, c'est juste une suite, c'est des signes.
00:09:18 D'ailleurs, je ne parle pas uniquement du personnage, peut-être toute la série, c'est
00:09:26 une accumulation de signes, des points de reconnaissance, de connivence même avec le
00:09:32 lecteur.
00:09:33 En travaillant, je me suis quand même appuyé sur tous ces points.
00:09:37 Ça va des pancartes d'entrée de ville à la manière de dessiner, de représenter
00:09:43 les façades ou les triangles des collines qui barrent le paysage, l'horizon, la manière
00:09:52 des arbres, les silhouettes.
00:09:55 C'est tout un monde de signes.
00:09:58 Mais au-delà de ça, Lucky Luke pour moi a quand même une personnalité.
00:10:04 Je ne suis pas du tout d'accord avec Guillaume sur ce point parce que c'est un justicier,
00:10:10 c'est un héros et ce n'est pas anodin.
00:10:16 Par exemple, le chapeau, je l'ai fait à l'envers.
00:10:21 Complètement raté.
00:10:24 Jolie patte avant.
00:10:26 Oui, tu as vu.
00:10:27 Pour moi, c'est très compliqué de dessiner un cheval.
00:10:31 On n'est pas content.
00:10:32 Peut-être Blutch, puisque vous parliez de tous ces signes, des pancartes.
00:10:40 Un mot de l'esprit, on va parler encore une fois de l'histoire dans quelques instants,
00:10:44 mais dans l'esprit avec lequel vous avez abordé cet album, il y avait vraiment l'idée d'être
00:10:50 dans une forme d'orthodoxie dans votre interprétation.
00:10:53 Dans cette collection Lucky Luke, vu par, il y a des interprétations très différentes,
00:10:58 certaines qui s'éloignent graphiquement, esthétiquement de l'univers de Maurice.
00:11:04 Vous, il y avait vraiment cette envie, encore une fois on revient à l'enfance, de retrouver
00:11:08 le goût des albums que vous aviez aimé enfant.
00:11:11 Oui, je vous, je, contrairement à Guillaume, je ne voulais pas du tout faire de parodie.
00:11:15 Je voulais faire un album au premier degré, vraiment prendre le personnage tel quel et
00:11:21 le prendre en charge et de raconter une histoire à la presse.
00:11:26 Au premier degré, la première personne, j'allais dire.
00:11:29 Donc, et mon but, mon ambition, ma prétention, ça a été de mettre mes pas dans ceux de
00:11:38 Maurice.
00:11:39 D'accord.
00:11:40 Mais Goscinny surtout.
00:11:41 C'était vraiment le défi.
00:11:42 J'ai essayé de retrouver la concision, la vivacité des scénarios de Goscinny.
00:11:57 Et de raconter vraiment l'histoire au niveau des personnages.
00:12:03 Je ne voulais pas me moquer d'eux, me mettre au-dessus d'eux.
00:12:07 Je voulais donner aussi ma version de l'histoire.
00:12:13 Parce qu'au bout d'un moment, je vois tout le monde dessiner Luc et Luc et je me dis
00:12:18 mais non, Luc et Luc, c'est mon truc, c'est ma vie privée.
00:12:23 Donc, moi aussi, j'ai quelque chose à dire sur ce sujet là.
00:12:28 Mais c'est peut-être, Guillaume, vous me disiez juste avant cette rencontre que justement,
00:12:37 vous avez retrouvé aussi ce goût des Luc et Luc que vous lisiez enfant en lisant ce
00:12:43 Luc et Luc de Blutch.
00:12:44 Alors, effectivement, je suis tombé.
00:12:46 Alors moi, je suis abonné à Spirou.
00:12:47 J'ai commencé à lire les premières planches de son Luc et Luc.
00:12:52 Et ça a été terrible parce que je me suis retrouvé plongé en enfance.
00:12:56 J'ai retrouvé les sensations que j'avais quand j'avais, je ne sais pas quel âge on
00:13:00 a, quand on lit 7-8 ans peut-être.
00:13:02 Et je me suis régalé parce que je retrouvais ça.
00:13:08 C'est effectivement un coup de maître, je vais dire, par rapport à mon ressenti.
00:13:14 Je me suis dit, voilà, c'est ça que je voulais retrouver l'âme de Goscinny.
00:13:18 Je ne sais pas si c'est ce que tu as voulu faire, mais en tout cas, tu l'as bien réussi.
00:13:22 Et après, j'ai lu l'album et alors là, je suis parti.
00:13:25 Vous l'avez lu l'album tous ? Alors peut-être que vous avez ressenti ça aussi ou c'est
00:13:33 seulement moi ? Ceux qui ne répondent pas, ils disent, ben non.
00:13:42 Peut-être blotch un mot puisqu'on a commencé à évoquer Goscinny, à évoquer l'écriture,
00:13:53 l'esprit, la concision de Goscinny que vous vouliez retrouver.
00:13:58 Je vous entendais, c'était un autre moment à propos d'un autre album, mais vous racontiez
00:14:02 que quand vous travaillez sur un scénario, vous pouviez écrire une phrase de dialogue
00:14:07 et puis revenir et la changer et la changer encore.
00:14:09 Le fait de vous lancer dans cette aventure en étant dans une recherche de rythme, vous
00:14:18 avez écrit cette bande dessinée en un mois, vous l'avez dessinée en sept mois.
00:14:23 C'était aussi pour rester, pour être dans cet élan là, dans un élan, ne pas y revenir
00:14:29 sans cesse et être vraiment dans, essayer de vous approcher de ce rythme de Goscinny.
00:14:36 Il y avait, j'avais en ligne de mire le journal Pilote pour lequel les auteurs devaient fournir
00:14:58 deux planches par semaine.
00:14:59 Et je m'étais dit, je vais essayer de me tenir à ce rythme là, donc il faut que tu
00:15:04 avances sans te retourner.
00:15:05 J'avais mon éditeur ici présent, Thomas Ragon, au début il m'a dit, avec François
00:15:16 Lebescon, ils m'ont dit, c'est une interdiction de faire des ombres, des petits traits, tu
00:15:22 vas à l'essentiel.
00:15:23 Et j'ai souvent pensé à cette injonction en travaillant, parce que moi j'ai tendance
00:15:29 à en rajouter, à alourdir mon dessin, à en faire trop.
00:15:32 Et il y a beaucoup de moments où je me suis retenu pour aller, pour être à l'os, pour
00:15:42 être au plus près du récit.
00:15:43 Et pour cela il fallait un dessin rapide, pour à peu près retrouver cette cadence
00:15:54 mauricienne.
00:15:55 Et je me suis retrouvé à des moments avec des planches qui ont à la limite de la ligne
00:16:04 claire, quasiment.
00:16:05 J'étais presque surpris moi-même, parce que moi j'ai peur du vide, j'ai peur du blanc,
00:16:11 j'ai peur de ne pas en dire assez, enfin j'ai peur de ne pas…
00:16:14 C'est une espèce de crainte, et donc souvent j'alourdis mon dessin je trouve.
00:16:18 Et avec ce livre-là j'ai réussi à être un peu moins bavard, et un peu plus concis,
00:16:29 au niveau graphique en tout cas.
00:16:31 Donc je tenais à ce que ce soit un bouquin qui soit fait d'une manière plutôt vive.
00:16:37 J'ai une expérience à peu près similaire sur une autre reprise qui était « Tif et
00:16:42 Tondu », c'est un livre sur lequel j'ai travaillé cinq ans, et le résultat n'est
00:16:46 pas meilleur.
00:16:47 On peut lire sur la couverture des Indomptés un hommage à Lucky Luke, mais ce livre, et
00:16:56 vous le dites volontiers, c'est plutôt un hommage à vos enfants.
00:16:59 Est-ce que vous pouvez nous raconter comment vous est venue l'envie, l'idée de mettre
00:17:05 des enfants dans les pattes de Lucky Luke ?
00:17:08 Non, pas des enfants les miens.
00:17:10 J'avais envie de faire un portrait de mes enfants, un peu à la manière de Renoir quand
00:17:20 il peignait ses propres enfants.
00:17:22 J'ai toujours aimé les portraits, les toiles de portraits de Jean ou de Claude.
00:17:29 Il y a toujours une tendresse et en même temps un humour, quelque chose qui se dégage.
00:17:36 Ça fait longtemps que j'ai envie de faire un portrait de mes enfants, mais je ne voulais
00:17:40 pas être au plus près de l'autobiographie, ou en tout cas des complaisances de l'autobiographie.
00:17:46 Je me méfie de ça.
00:17:48 La fiction pour moi était bien utile.
00:17:51 J'ai pu faire jouer mes enfants, les mettre en scène, les représenter, mais à l'intérieur
00:17:56 d'une fiction comique en plus.
00:17:59 Ça a créé une distance qui m'était nécessaire et que je trouve plutôt féconde.
00:18:05 Je me mets fait du pathétique.
00:18:14 On peut se poser la question de savoir pourquoi il n'y a jamais eu d'enfants dans les histoires
00:18:18 de Luc et Luc quasiment ?
00:18:19 Pas beaucoup.
00:18:20 C'est incroyable ça.
00:18:21 Pas beaucoup, à part le Desperado à la dent de lait.
00:18:27 Dans l'album qui s'appelle "7 histoires de Luc et Luc" il y a 7 histoires courtes,
00:18:33 qui fait 6 ou 8 pages, je ne sais plus.
00:18:36 Billy le Kid, tu crois que c'est un gamin ou pas ?
00:18:40 C'est vrai qu'il fait un peu gamin aussi, effectivement.
00:18:43 Je ne y pensais pas.
00:18:44 Pour moi c'est une caricature de James Dean, avec le blouson, le rebelle sans cause.
00:18:49 Ils ont dessiné Billy le Kid comme si c'était un espèce de… tu vois ? Je le voyais comme
00:18:59 ça.
00:19:00 Mais ce n'est pas un enfant pour moi Billy le Kid.
00:19:04 Non, il y a une figure chez Goscinny, c'est Pépé dans "Astérix en Hispanie".
00:19:14 Il est génial lui.
00:19:15 Tu sais celui qui s'arrête de respirer dès qu'on fait partie.
00:19:20 J'ai un peu pensé à Pépé aussi des fois.
00:19:25 Je pensais à Pépé, puis au sale gosse de Desperado à la dente de lait.
00:19:33 Parce que Lucky Luke se trouve flanqué d'un sale mioche, il est moche en plus.
00:19:39 Le père a cassé la route, son chariot, et il ne peut pas emmener son gamin chez le dentiste.
00:19:43 Donc il demande à Lucky Luke d'emmener le gamin chez le dentiste dans la ville.
00:19:49 Le gamin est insupportable et Lucky Luke se met toute la ville à dos à cause du gosse.
00:19:53 Mon bouquin "Les Andantés" c'est un prolongement de cette histoire.
00:19:58 Et dans cette histoire, il se retrouve nounou par défaut et il est vraiment exaspéré
00:20:07 très rapidement.
00:20:08 Ça ne l'intéresse pas du tout de s'occuper d'une petite créature comme ça, remuante.
00:20:16 La rencontre a été immédiate parce que vous racontiez tout à l'heure que Lucky Luke
00:20:25 a été un choc esthétique très jeune, que vous l'avez dessiné pendant près de 50 ans.
00:20:31 Et d'un seul coup, de le dessiner avec vos enfants, la rencontre s'est faite tout de suite.
00:20:37 Il y a eu un temps d'acclimatation où il a fallu les faire se rencontrer, les présenter.
00:20:42 Oui, il y a eu un premier projet.
00:20:46 On a travaillé chez Dargaud sur un projet sur une histoire de Lucky Luke.
00:20:52 Il n'y avait qu'un seul de mes fils qui apparaissait.
00:20:55 C'était le petit garçon qui joue le rôle de Casper dans "Les Andantés".
00:21:03 Le projet est resté en jachère et on l'a abandonné.
00:21:12 Après un an ou deux de réflexion, je me suis dit que j'allais associer les deux autres.
00:21:17 Donc, je n'avais que Rose et Rufus à les rejoindre Casper dans l'aventure.
00:21:22 Au départ, ça tournait autour de Casper, qui est un portrait assez clinique de mon fils qui est autiste.
00:21:36 Casper, dans l'histoire, c'est lui.
00:21:42 C'était aussi une manière de parler de ce handicap, de cette BD, mais sans pathos.
00:21:50 Sans les excès du roman graphique, autobiographique, qui a souvent tendance à me hérisser.
00:21:59 Sans les complaisances, en tout cas.
00:22:03 Lucky Luke m'a servi aussi, a été utile pour tout ça, pour dire beaucoup de choses.
00:22:10 En dehors de la sphère westernienne, ou orthodoxie, de représentation de cow-boys, etc.
00:22:19 Mais moi, je n'imagine pas un travail artistique, quel qu'il soit, sans une forte part d'intime.
00:22:33 Mais après, ça marche aussi, parce que là, comme ça, ça a l'air un peu grave, mais ça marche parce que c'est humoristique,
00:22:46 et parce qu'il y a la distance qui est créée par la fiction.
00:22:51 Je tiens beaucoup à la fiction.
00:22:56 Guillaume, il n'y a pas d'enfant dont Jolly Jumper ne répond plus.
00:23:02 Est-ce que vous pouvez nous raconter, vous aussi, comment est née l'histoire de votre aventure de Lucky Luke ?
00:23:11 Puisque, au départ, je crois, il y avait une intrigue avec les Dalton, centré sur Jack William.
00:23:20 Et puis ensuite, Jolly Jumper a pris de plus en plus d'importance. Est-ce que vous pouvez nous raconter comment ça s'est passé ?
00:23:28 Alors moi, quand je commence une bande dessinée, que ce soit en cinq planches pour des magazines ou pour des albums,
00:23:35 je pars à l'aventure comme ça, sans vraiment avoir d'idées.
00:23:38 Et quand j'ai commencé, c'est vrai que j'avais une vague idée des Dalton, on ne sait jamais qui est Jack, William.
00:23:51 Les deux, je les mélangeais tout le temps. Je me disais qu'il y avait peut-être un truc à faire autour de ça.
00:23:54 Je me disais qu'on va voir à quoi ça va me mener.
00:23:57 Et j'ai fait ma première planche de Lucky Luke, comme ça, sans savoir. Lucky Luke, il arrive, etc.
00:24:02 Et en fait, toujours la problématique de dessiner mon Jolly Jumper, j'y galérais bien comme il fallait.
00:24:07 Et je l'ai dessiné comme ça. Et il avait l'œil un peu torve.
00:24:11 Et ce petit... Je ne sais pas pourquoi je l'ai dessiné avec un œil torve.
00:24:15 Et je me suis dit, ah, mais voilà, ça pourrait être marrant de faire un Jolly Jumper qui ne parle pas.
00:24:21 Parce qu'on ne sait pas finalement s'il parle ou s'il ne parle pas vraiment.
00:24:25 À chaque fois que j'ai posé la question dans des assemblées comme ça, et là, on peut faire le jeu.
00:24:33 Parmi vous, qui pense que Jolly Jumper parle à Lucky Luke ?
00:24:39 Alors là, dites-moi. Levez la main ceux qui pensent que Jolly Jumper parle à Lucky Luke.
00:24:44 Ben voilà.
00:24:46 Et dites-moi qui pense que finalement, Jolly Jumper ne parle pas, mais Lucky Luke pense qu'il lui parle.
00:24:52 Et qu'il y a quelque chose comme ça, de l'ordre de la folie.
00:24:56 Donc voilà, c'est typiquement ça. C'est l'exemple.
00:24:59 Donc là, il y a plus de monde qui pense que Lucky Luke est dingue.
00:25:04 Donc je suis parti sur cette idée-là, en me disant, il y a peut-être quelque chose à creuser là-dessus.
00:25:09 Puis voilà, c'est parti. Lucky Luke, ça le rend complètement fou de savoir que son cheval ne lui répond plus.
00:25:16 Il n'a plus aucun répondant.
00:25:20 Et d'ailleurs, quand il change d'habit, c'est aussi parce que le procureur qu'il rencontre au tout début de l'album,
00:25:25 quand Lucky Luke lui dit que Jolly Jumper ne répond plus à rien, c'est le procureur qui lui dit un peu,
00:25:31 mais il faut innover, il faut mettre un petit peu de folie dans le quotidien.
00:25:35 Et donc peut-être que changer de vêtement, ça réveillera quelque chose.
00:25:40 C'était ça l'idée à cette espèce de vieux couple, où plus personne ne se parle, où Jolly Jumper ne parle plus à Lucky Luke.
00:25:48 Et il se passe un... Ben voilà, c'est la vie, c'est l'amour qui disparaît, on va dire.
00:25:52 Et donc le procureur, qui est quand même un fin pédagogue, on va dire, lui a dit "mais il faut le surprendre votre cheval,
00:25:59 il faut vous changer, il faut de temps en temps, il faut un peu de... Tac !"
00:26:04 Et donc je casse l'image de Lucky Luke justement pour que Jolly Jumper se réveille,
00:26:08 où Jolly Jumper ne se réveille pas du tout.
00:26:11 Et pour le coup, tout tourne autour de ça, Lucky Luke est complètement stressé, triste de ne pas pouvoir parler à son cheval en fait.
00:26:21 Et puis l'histoire me mène comme ça, et comme je voulais absolument moins mettre les Dalton,
00:26:25 parce que c'est quand même les personnages qui m'ont le plus marqué.
00:26:28 Donc on m'a parlé de Rantemplant, et c'est vrai que Rantemplant m'a marqué,
00:26:31 mais je l'ai découvert plus tard dans mes lectures de Télépoches,
00:26:35 et du coup c'était plus les Dalton qui m'avaient marqué.
00:26:39 Là aussi, c'est un sujet sur lequel vous n'allez pas être d'accord, comme le caractère de Lucky Luke tout à l'heure,
00:26:45 c'est que vous, vous aviez été marqué par les Dalton, vous vouliez raconter une histoire où ils seraient présents,
00:26:52 Blutch, vous au contraire, les Dalton, vous n'en vouliez absolument pas.
00:26:56 Non, non, non, j'en voulais pas moi.
00:26:59 Non, non, parce qu'ils sont trop autoritaires ces personnages.
00:27:04 Ils prennent trop de place.
00:27:06 Oui, ils tirent la couverture à eux, non, non, non, il fallait que les autres puissent s'exprimer.
00:27:11 Et moi je préfère Lucky Luke, je préfère les héros.
00:27:14 Vous préférez les héros, mais il y a quand même une bande dans les Indomptés, la bande de Grubby Feller.
00:27:21 Vous fallait malgré tout ces personnages-là, et vous les avez préférés à O'Dalton.
00:27:27 Oui, il me fallait, d'ailleurs, la loi que je suis allé chercher dans l'escorte,
00:27:33 l'album numéro 26, je crois, de chez... non, non, 27, 28, enfin bref, de chez Dubuis.
00:27:41 Et c'est un... c'est l'aspirateur.
00:27:46 Il va falloir parler plus fort. Ah non, ça va.
00:27:49 Et j'aime beaucoup cette bande, ça faisait longtemps que j'avais envie de les faire rejouer.
00:27:57 Ils apparaissent d'une manière un peu trop fugace à mon goût dans cet album.
00:28:04 C'était une bonne occasion de les remettre en scelle.
00:28:09 Je les ai convoqués et ils gardent leur place, alors que les Dalton, quand ils sont là, ils sont prévisibles.
00:28:24 C'est ça qui m'embêtait un peu aussi, c'est qu'ils sont vraiment prévisibles, les Dalton.
00:28:29 Là, on est un peu moins sûr, il y a une incertitude.
00:28:35 Et Joe, avec son côté Louis de Funès, il me fatigue un peu.
00:28:39 Il y a un truc avec Louis de Funès, ouais.
00:28:41 Ouais, ouais, ouais, mais si, j'adore, mais pas en BD, quoi.
00:28:45 Il a... non, ouais, voilà.
00:28:49 Donc, et puis, alors, ça doit être fatigant de dessiner quatre fois le même personnage à des échelles différentes, non ?
00:28:56 Ça doit vraiment être... enfin, quand je dis fatigant, je veux dire que ça doit être barbant.
00:29:01 Il y a quelque chose, effectivement, d'un peu pénible là-dedans.
00:29:04 Parce que le troisième ne ressemble pas forcément au premier.
00:29:07 Tu fais bon, il faut que je recommence.
00:29:09 Heureusement, j'avais fait Avrèl un petit peu différent, on va dire.
00:29:13 Ce qui m'a permis de m'amuser un petit peu avec ça.
00:29:15 Effectivement, je me suis posé la question, pour Maurice, ça devait être pénible de dessiner les quatre à chaque fois.
00:29:21 Oui, mais je pense qu'il prenait un calque, tu sais, qu'il mettait le calque à différentes...
00:29:25 parce qu'il était très... il avait un côté très géométrique, je pense qu'il devait essayer...
00:29:30 En fait, il a dû s'amuser avec ça, effectivement, de les dessiner toujours comme ça.
00:29:34 Ouais, ouais, et puis de dessiner, tu sais, les bandes noires, ça devait être vraiment pénible à faire.
00:29:42 C'était pénible.
00:29:43 Ouais, ouais, ouais, non, mais tu vois, donc je me suis...
00:29:47 je me suis évité cette corvée, quoi.
00:29:50 Peut-être, j'ouvre une parenthèse, mais par rapport à une chose que vous avez dite, c'est que vous parliez de rentemplant.
00:29:57 Alors, Guillaume, vous disiez que ça ne vous était pas venu, en tout cas, peut-être parce que vous l'aviez découvert plus tard.
00:30:06 Blutch, en revanche, c'est le personnage secondaire, un des personnages secondaires que vous préférez, je crois, dans l'Ukulé.
00:30:12 Est-ce que l'un et l'autre, vous pouvez nous dessiner un rentemplant ?
00:30:18 Ah, bonne question. Rentemplant.
00:30:21 Je te file celui-là.
00:30:22 C'est gentil.
00:30:23 Et qu'est-ce que vous aimez particulièrement dans ce personnage, Blutch ?
00:30:30 C'est qu'il est à côté de la... il est à côté de...
00:30:34 Comme Julie Jumper, il commente l'action, quand même, beaucoup, mais alors il n'a aucune pertinence, quoi.
00:30:42 C'est le personnage inutile.
00:30:44 C'est une scorie, quoi.
00:30:46 J'aime bien les personnages qui ne font pas avancer l'intrigue, et même qui la ralentissent.
00:30:52 Il y a tout un passage dans l'héritage de Rentemplant, justement, où il bouffe des champignons hallucinogènes,
00:30:59 et puis il y a trois, quatre planches complètement inutiles qui ne font pas du tout avancer l'histoire,
00:31:04 où il est là, en train d'errer dans la nature.
00:31:08 Et je l'adore dans la guérison des Daltons, parce qu'il se rappelle sa jeunesse,
00:31:16 parce qu'il fait sa psychanalyse en même temps que les Daltons,
00:31:19 parce qu'il est couché devant la maison où il y a le psychanalyste qui est en train de faire parler les Daltons,
00:31:25 et puis lui aussi, il évoque ses souvenirs de jeunesse.
00:31:27 C'est un personnage, je trouve, vraiment hilarant.
00:31:29 Après, on se disait tout à l'heure que Maurice avait en partie galvaudé l'héritage,
00:31:39 parce qu'il y a eu la série, moi, qui m'a un peu dégoûté, la série parallèle,
00:31:44 Rentemplant, qui n'a pas la qualité qu'il a sa désirée.
00:31:49 Donc on a un peu perdu de vue le personnage, mais si on revient aux albums classiques,
00:31:59 ou alors il y a cet épisode entier où il se demande, je crois que c'est dans la...
00:32:09 Les gars Dalton se rachètent, il se demande...
00:32:12 Il ne sait pas qui est Lucky Luke, pendant tout l'album, il est là en train de se demander...
00:32:17 Donc, oui, j'aime beaucoup ce personnage.
00:32:20 - Au début, vous aviez dessiné, je crois, quelques scènes, en tout cas avec le personnage de la petite fille,
00:32:26 avec Rose et Rentemplant.
00:32:27 - Non, j'avais imaginé quelques séquences que je n'ai pas réalisées,
00:32:31 que je n'ai même pas dessinées, que je ne les ai même pas mises en image.
00:32:36 Mais je voyais Rose s'anticher de Rentemplant, et le trouver très très mignon,
00:32:44 et lui attacher un oeil rose au cou, et le prendre comme une peluche.
00:32:51 J'avais des idées comme ça.
00:32:54 Mais Rentemplant, ça marche avec les Dalton, et comme je ne voulais pas des Dalton,
00:33:01 j'ai renoncé à Rentemplant.
00:33:03 - Sacrifié à cause des Dalton.
00:33:07 - Ça fait longtemps que je n'ai pas vu Rentemplant.
00:33:13 On dirait un peu le chat de Gaeluc, non ?
00:33:16 - On dirait Rintintin.
00:33:20 - Ah oui, toi, tu as lu Desluqueluc plus récemment, ça se voit.
00:33:29 - Oui, mais moi, j'en relis tout le temps, Desluqueluc.
00:33:31 C'est vraiment une lecture.
00:33:34 Avec Tintin, c'est des BD que j'en relis tous les ans.
00:33:41 Pas tout, mais j'en lis beaucoup.
00:33:45 - Guillaume, avant de faire votre album, vous vous êtes aussi replongé dans les albums de Desluqueluc ?
00:33:56 - Je ne m'étais pas rendu compte qu'il y avait plus de 70 albums de Desluqueluc,
00:34:02 donc je m'étais dit que je vais les lire tous.
00:34:04 Et dans l'ordre, malheur, les premiers, je les ai lus.
00:34:09 J'ai lu les trois premiers, je les ai laissés tomber.
00:34:11 Je me suis dit que ce n'était pas possible, je ne pouvais pas m'infliger ça.
00:34:14 C'était vraiment trop dur pour moi.
00:34:16 En plus, j'avais l'impression de gâcher tous mes souvenirs de jeunesse.
00:34:20 Ça me faisait plus de mal que de bien.
00:34:22 Donc j'ai dit que je vais faire l'album en travaillant sur mes souvenirs de Lucky Luke.
00:34:28 C'est-à-dire toutes les images fortes que j'avais en tête, je ne les ai pas vues.
00:34:32 J'ai essayé de remettre tout ce qui m'avait touché.
00:34:36 Et à un moment, notamment, j'ai une planche sans parole,
00:34:40 où Lucky Luke est en train de faire un café,
00:34:42 après il saute à la corde sur un ballon.
00:34:46 C'était tous mes souvenirs de ce qui m'avait marqué à l'époque.
00:34:50 Je me suis dit que c'était plus fort de le faire comme ça,
00:34:53 plutôt que de se remettre dedans.
00:34:55 Ça a été mon choix, effectivement.
00:34:57 On va parler peut-être dans quelques instants du dessin de Maurice.
00:35:03 Puisqu'on parle de la réalisation de vos deux bandes dessinées,
00:35:07 et de ce avec quoi, finalement, le souvenir avec lequel vous avez pu les réaliser.
00:35:13 Quand Guillaume aura...
00:35:17 Oui, on peut repasser.
00:35:19 Je veux juste montrer, même si j'ai l'impression que les images...
00:35:22 Je voulais qu'on parle de cette planche Blutch,
00:35:25 parce qu'il y a forcément une scène de bagarre dans votre Lucky Luke.
00:35:31 Et pour cette scène de bagarre en particulier,
00:35:35 vous avez été justement cherché, même pas dans vos souvenirs d'enfants,
00:35:39 mais même dans vos dessins d'enfants.
00:35:42 Non, j'ai fait poser mes voisins.
00:35:44 J'ai pris une dizaine de voisins,
00:35:46 je les ai fait poser dans le jardin.
00:35:49 Avec...
00:35:50 Tu ne bouges pas là, tu tends le bras.
00:35:53 Au bal dans le village, il n'y a pas de problème.
00:35:55 Oui, le bal du village.
00:35:57 Chez nous, en Alsace, ça finit comme ça, toujours.
00:36:00 Non, je dessinais beaucoup de scènes de bagarre quand j'étais gamin.
00:36:04 Je recopiais des scènes de...
00:36:06 Non, j'inventais des scènes de bagarre,
00:36:08 mais parce que j'en avais vu dans Lucky Luke.
00:36:10 J'en ai encore pas mal à la maison,
00:36:13 dans une petite pochette.
00:36:16 Je suis allé en chercher.
00:36:18 Je me suis inspiré d'une de mes scènes que j'ai dessinée en 1977
00:36:21 pour celle-ci.
00:36:23 En fait, c'est idiot,
00:36:28 je devrais montrer le dessin de 1977 et celui-là.
00:36:31 C'est deux dessins qui se répondent.
00:36:35 Mais j'étais beaucoup plus détendu en 1977,
00:36:42 quand je dessinais ça, je n'avais pas d'enjeu.
00:36:45 Et là, maintenant, parce que je m'en fichais,
00:36:48 je me moquais de la proportion,
00:36:51 je me moquais de l'exactitude,
00:36:53 alors que maintenant, évidemment, c'est un travail.
00:36:56 Je me suis mis des exigences que je n'avais pas à l'époque,
00:36:59 mais en même temps, je m'amuse moins, presque, j'allais dire.
00:37:02 Est-ce que sans aucune exigence,
00:37:08 vous pourriez nous faire tous les deux une scène de bagarre ?
00:37:12 Il y en a un qui tape sur son dessin
00:37:15 et l'autre qui se prend le coup.
00:37:17 Si on remet vos feuilles côte à côte,
00:37:20 si on les remet à l'écran côte à côte.
00:37:23 Tu fais quoi ?
00:37:25 Celui qui prend le coup, côté maso.
00:37:28 Je fais celui qui tape.
00:37:32 Je te laisse dessiner d'abord.
00:37:34 Oui, c'est à l'envers.
00:37:35 Non, mais je vais vers toi.
00:37:37 Je te laisse dessiner.
00:37:38 Justement.
00:37:40 Là, à l'envers.
00:37:46 J'ai essayé de dessiner cette séquence-là,
00:37:51 cette case où il y en a deux ou trois cases
00:37:54 où on voit des personnages se battre,
00:37:56 mais sans mettre de trait.
00:37:58 La scène de bagarre qu'on a vue tout à l'heure sur l'écran,
00:38:04 la grande case, il n'y a pas de trait de vitesse et de coup.
00:38:08 Je n'ai pas dessiné des petites étoiles ni rien.
00:38:11 Je voulais donner l'impression du mouvement,
00:38:14 mais sans utiliser les codes habituels du mouvement en bande dessinée.
00:38:21 Rien qu'avec le mouvement ou la chorégraphie des personnages.
00:38:25 C'était le petit défi que je m'étais donné pour un peu pimenter le quotidien.
00:38:31 Je me suis dit, tiens, je vais faire la scène de bagarre,
00:38:33 je vais mettre des éclaboussures, des traits partout.
00:38:37 Guillaume, je vous vois dubitatif.
00:38:41 Je pense qu'il faut que vous dessinez comme si vous le prenez
00:38:44 et ensuite on pourra inverser les dessins pour les mettre à l'écran.
00:38:47 Mon cerveau commence à bugger, puisqu'il faut que je réfléchisse des deux côtés.
00:38:52 Tu vois ce que je veux faire ?
00:39:00 Je vois ce que tu veux faire.
00:39:02 Les caméras sont inversées.
00:39:04 On mettra dans l'autre sens et un peu la tête à l'envers.
00:39:14 On fera ça à la post-prod ?
00:39:16 Oui.
00:39:17 Votre imagination fera le reste.
00:39:21 Après, en nous faisant faire ça en retombant d'enfance,
00:39:35 on est presque gâteux.
00:39:36 Peut-être parce que je vois que le temps passe très vite
00:39:44 et que j'aimerais vous laisser aussi à vous, dans la salle, la parole.
00:39:47 Blutch, à propos du dessin de Maurice,
00:39:51 je vous entendais dire que le dessin de Maurice ne vieillissait pas.
00:39:55 À quoi est-ce que ça tient ?
00:39:57 Je ne sais pas, c'est pour ça que je continue à lire.
00:40:00 J'essaie de percer ce mystère.
00:40:02 Et Hergé me fait la même impression.
00:40:05 Je ne sais pas ce qui fait que ça ne se démote pas.
00:40:09 C'est même devenu encore plus moderne qu'avant.
00:40:12 Je ne comprends pas.
00:40:14 Je ne comprends pas ce qui peut séduire ma fille de 9 ans.
00:40:18 Alors que les téléphones ont des fils, les avions ont des hélices.
00:40:23 En même temps, je ne comprends pas.
00:40:26 Pareil, il y a une vie dans le dessin de Maurice.
00:40:31 De toute façon, le dessin de Maurice est hors école.
00:40:34 Il n'est pas du tout...
00:40:36 Il est à côté de la tradition de l'école de Marcinelle.
00:40:40 Il n'est pas dans la sphère JG,
00:40:43 il n'est pas dans la sphère Franquin, il est ailleurs.
00:40:45 Il y a peu de gens qui se sont frottés à lui.
00:40:50 Il y en a un qui s'est frotté à lui.
00:40:52 C'est un dessinateur oublié qui s'appelle Remakl.
00:40:55 Il dessinait une série qui s'appelait "Vieux Nick".
00:40:57 Cette série ressemble à...
00:41:01 "Barbe Noire".
00:41:03 Oui, "Barbe Noire".
00:41:04 Et ça, ça ressemble à...
00:41:06 Il a un style qui s'approche de Maurice.
00:41:08 Il est beaucoup plus raide et beaucoup moins vivant.
00:41:13 Mais sinon, je trouve qu'il est unique.
00:41:15 Moi, je ne suis pas...
00:41:22 Je trouve que les premiers...
00:41:25 Les Franquins des années 50 ont davantage vieilli
00:41:29 plastiquement, on va dire, que les albums de Maurice de la même époque.
00:41:34 Et puis, on ne parle pas de toute la production de la bande dessinée de l'époque
00:41:37 qui est complètement périmée et irrecevable.
00:41:40 Mais c'est pareil pour...
00:41:44 Pour Hergé.
00:41:45 Qui se souvient de...
00:41:48 Marie-Jacques, qui se souvient de...
00:41:52 Cuvelier, qui se souvient de...
00:41:56 Voilà, donc il y a...
00:42:01 Même Jacobs, il a un côté complètement désuet.
00:42:04 Si on relit les premiers, les Black et Mortimer, c'est mon avis.
00:42:09 Je ne savais pas dire que j'ai raison, mais je trouve qu'il y a un côté un peu amidonné chez lui.
00:42:14 Et les autres...
00:42:18 Il y a quelque chose de diabolique chez eux.
00:42:22 Je ne sais pas d'où ça sort.
00:42:24 C'est peut-être pour ça que je les regarde encore aujourd'hui.
00:42:26 Je ne sais pas comment ils font.
00:42:28 Je ne sais pas comment ils font pour rester toujours présents, toujours vivants.
00:42:32 Mais au moment de la sortie de "Variations",
00:42:35 un livre dans lequel vous repreniez des planches issues d'oeuvres importantes,
00:42:39 vous proposiez précisément des variations de ces planches.
00:42:42 Vous disiez ceci, et là je vais lire vos propos à l'époque, au moment de la sortie.
00:42:50 "Quand je me suis plongée dans ces auteurs, les uns après les autres,
00:42:53 j'avais l'impression de pénétrer dans leur crâne.
00:42:56 La manière dont ils placent un trait, c'est la traduction de leur être profond.
00:42:59 J'ai l'impression de les comprendre, de voir à travers leurs yeux
00:43:02 ce qui les avait excités, intéressés à ce moment-là.
00:43:05 Le dessin, c'est aussi intime qu'une écriture."
00:43:08 Qu'est-ce que vous avez perçu dans le crâne de Maurice,
00:43:11 même si vous n'avez pas touché le mystère ?
00:43:14 - Je nuance un petit peu mes propos.
00:43:18 Je dirais que j'ai essayé de percer.
00:43:20 Ça ne veut pas dire que j'ai...
00:43:23 Maurice, surtout, je vois...
00:43:25 Les planches, là, originales, si des gens dans le public vont à Bruxelles,
00:43:30 je les invite à aller à la galerie Huberti-Brenn,
00:43:33 qui présente une sélection assez riche de planches de toutes les époques,
00:43:39 toutes les périodes de Luc et Luc, mais de l'origine jusqu'à la fin,
00:43:43 avec un choix de couverture originale.
00:43:46 Et ces planches, elles éclatent de vie.
00:43:50 Elles remuent dans tous les sens, même dans le bouquin.
00:43:54 Les bouquins, elles sont un peu éteintes, je trouve.
00:43:57 Et là, le dessin, il est tellement généreux.
00:44:03 Alors, je sais que dans la vie, c'était quelqu'un d'assez étriqué, quand même, je crois, Maurice.
00:44:09 J'ai l'impression qu'il a mis toute sa générosité dans ses dessins.
00:44:13 Tout ce qu'il pouvait donner, en fait, il l'a mis dans son boulot.
00:44:17 - Mais non, en fait, ça ne va pas aller du tout, ça.
00:44:21 - Pardon, je suis dans ma chambre.
00:44:24 - Tu parles boutique, là ?
00:44:26 - C'est mon cerveau qui va pas.
00:44:28 - Mais si, ça va. Ça marche.
00:44:31 Ça marchait à la régie. Merci beaucoup, d'ailleurs.
00:44:33 À la régie, ils ont inversé les caméras et ça marchait.
00:44:36 - Voilà. - Complètement, mais oui.
00:44:39 - J'ai l'impression que dans les émissions enfantine,
00:44:42 avec Cabu qui faisait des trucs, tu vois.
00:44:48 Peut-être un mot rapidement, également, des couleurs
00:44:53 dans vos aventures de liquiluc, puisque vous avez tous les deux travaillé avec un coloriste.
00:44:58 Guillaume avec Philippe Paury et Blutch avec Daniel Blancou.
00:45:02 Un mot de la façon dont vous avez travaillé ces couleurs avec eux.
00:45:08 La façon, encore une fois, on parlait tout à l'heure de la fidélité,
00:45:13 de la façon de se fondre ou en tout cas d'être dans une certaine orthodoxie
00:45:19 par rapport à l'œuvre de Maurice.
00:45:21 Comment est-ce que vous avez pensé l'un et l'autre, la couleur avec votre coloriste ?
00:45:26 - Il m'a fait plusieurs propositions, déjà.
00:45:30 Et on s'est mis d'accord sur une espèce de gamme de couleurs.
00:45:34 J'ai toujours fait rehausser un peu les couleurs que je trouvais fades.
00:45:37 Au début, il avait commencé très plat.
00:45:39 Et les couleurs de Maurice sont vraiment hyper pétard.
00:45:42 Je l'ai obligé un petit peu à aller contre sa nature et de forcer à fond.
00:45:47 Et à la fin, il était un peu énervé.
00:45:48 Il a dit "Ah, tiens, je vais te faire ça".
00:45:50 On est des bons potes, donc ça va.
00:45:52 Mais effectivement, il avait un peu forcé tout.
00:45:54 Et du coup, je lui ai dit "Voilà, c'est exactement ce que je veux".
00:45:57 Et j'ai vu que les couleurs sont aussi très présentes, très fortes.
00:46:03 Et surtout, ce qui est magnifique chez Maurice,
00:46:05 c'est ces espèces de pans entiers de personnages qui ont une seule couleur.
00:46:10 Qui sont bleu, en violet, en rouge.
00:46:12 C'est incroyable parce qu'en plus, ça marche terriblement bien.
00:46:16 On peut se dire "Ouais, ça ne peut pas marcher".
00:46:19 Mais si, ça marche plus que mieux même.
00:46:21 Oui, oui, il était très très bien.
00:46:23 C'est vrai qu'on oublie un peu sa couleur.
00:46:26 L'art de la concision, oui.
00:46:28 C'est vraiment très très très très connu.
00:46:30 Maintenant, de mon côté, Daniel avait une connaissance aussi profonde des albums.
00:46:39 Il a une culture de Luc-et-Luc.
00:46:41 Il avait des idées sur la question.
00:46:43 On a un peu tâtonné au début parce qu'il est parti.
00:46:47 Il a voulu rajouter de la matière.
00:46:51 Et en fait, c'était inutile.
00:46:53 Donc, j'ai plutôt dirigé vers des aplats tout simples.
00:46:57 Et éviter tous les effets d'ombre, de lumière et de reflets.
00:47:02 Et après, dès qu'on a trouvé notre vitesse de croisière, ça allait parfaitement.
00:47:07 J'ai vu que tu avais mis de la trame aussi sur des montagnes au loin.
00:47:12 J'ai mis beaucoup de trame.
00:47:14 Il y a des trame quasiment dans toutes les planches.
00:47:17 Maurice en mettait beaucoup.
00:47:19 Il y en a vraiment pas mal dans Luc-et-Luc, de la trame.
00:47:23 Et puis moi, j'adore ça. J'en ai plein.
00:47:25 J'aime bien parce que ça fait BD.
00:47:27 Ne me dis pas que c'est des Lutracet.
00:47:29 Si, c'est des trame qu'on m'a ramené du Japon.
00:47:33 Parce qu'on s'en sert encore pour les mangas.
00:47:35 Mais ici, t'en trouves plus.
00:47:37 C'est des trame autocollantes que tu découpes et que tu colles.
00:47:41 Des coups populaires.
00:47:43 Vous disiez, Bludge, ça fait très BD.
00:47:49 On est au Forum des images, dans une salle de cinéma.
00:47:53 Au-delà des bandes dessinées, est-ce qu'il y a des films, l'un et l'autre,
00:47:59 qui vous ont inspiré ou accompagné dans la réalisation de vos livres ?
00:48:03 Je vais vous citer "Cluso".
00:48:05 "Le Corbeau" de Cluso.
00:48:07 C'est peut-être le film qui m'a le plus inspiré.
00:48:13 En tout cas, pour brosser le Lucky Luke,
00:48:17 je me suis inspiré du personnage de Frenet dans le film.
00:48:22 Ce médecin qui se dévoue pour les autres,
00:48:25 et puis en même temps, il ne les aime pas.
00:48:27 J'avais en tête, tout le long de la genèse et de la réalisation...
00:48:33 Je n'ai pas revu le film,
00:48:35 mais j'avais vraiment à l'esprit le personnage de Pierre Frenet dans "Le Corbeau".
00:48:40 J'avais une réminiscence de réplique que j'ai reprise,
00:48:46 je crois quasiment telle quelle.
00:48:48 C'est quand Rose demande à Lucky Luke,
00:48:51 "Tu n'aimes pas les enfants, Lucky Luke ?"
00:48:53 Elle lui dit, "Pas trop, non."
00:48:55 Il y a un dialogue quasiment similaire,
00:48:58 où la maîtresse d'école demande à Pierre,
00:49:00 "Vous n'aimez pas les enfants, docteur ?"
00:49:02 Et il dit, "Pas trop, non."
00:49:04 Alors qu'il se dévoue pour eux, pour la communauté,
00:49:08 mais en même temps, les gens l'écœurent.
00:49:10 Je vois Lucky Luke comme ça.
00:49:12 Pourquoi il s'en va ? Pourquoi il ne reste jamais ?
00:49:15 Pourquoi quand le maire ou le chef de la caravane
00:49:18 dit "Lucky Luke nous a sauvés", il y a le banquier,
00:49:21 on va lui remettre une médaille, mais où est-ce qu'il est parti ?
00:49:23 Il n'est plus là. Il est déjà ailleurs.
00:49:25 Il a pris son cheval. Pourquoi il ne reste pas ?
00:49:27 C'est parce qu'il n'est pas dupe.
00:49:30 D'abord, il ne veut pas s'attacher.
00:49:32 Je me suis dit, c'est un peu Pierre Freyne.
00:49:37 Ça, c'est l'enfance traumatisée, je pense.
00:49:40 Oui.
00:49:41 De Lucky Luke.
00:49:42 Il faudrait faire lentement.
00:49:44 Justement, il ne faut pas le psychologiser.
00:49:46 Il perd de sa charge, je trouve.
00:49:50 Dès qu'on commence à faire de la psychologie,
00:49:53 on perd un peu du parfum, du sel.
00:50:00 Dès qu'on commence à raconter l'histoire des personnages,
00:50:03 d'où ils viennent et qu'est-ce qui leur est arrivé,
00:50:05 il y a moins de place pour le rêve.
00:50:08 Et c'est ce que...
00:50:11 Lucky Luke est super parce que
00:50:17 chez les personnages des BD, il y a un côté abstrait.
00:50:20 Ils sont un peu abstraits et je trouve ça très bien.
00:50:27 Gaston, il est un peu abstrait.
00:50:33 J'ai lu le bouquin de Laf et j'ai réalisé au bout d'un moment,
00:50:37 en lisant l'album, qu'il nous présentait une grande histoire.
00:50:42 Je ne sais pas si quelqu'un a lu le retour de Gaston.
00:50:45 Au début, c'est une suite de gags,
00:50:49 tout à fait dans l'esprit de Franquin.
00:50:51 Et puis au bout d'un moment, il y a un déroulé,
00:50:54 une intrigue qui se met en place.
00:50:56 Elle est ponctuée par des gags à chaque fin de planche.
00:51:01 Mais on assiste à une grande aventure.
00:51:04 Et la grande aventure, l'intrigue, d'un coup,
00:51:07 on est en train de se dire "ah, je me raconte une histoire".
00:51:10 Il y a une espèce de psychologie qui se met en place.
00:51:12 Et moi, ça me gêne.
00:51:14 Je trouve que le personnage perd de la portée,
00:51:16 il perd de la poésie, parce qu'on commence à dire
00:51:20 "ah, il est déprimé" ou alors "ah, il a un but, il va faire ça parce qu'il a..."
00:51:24 Et voilà.
00:51:26 Et ben...
00:51:28 Je trouve qu'on perd un petit peu le sel
00:51:32 de ce qu'est une bande dessinée,
00:51:34 quand on se met à psychologiser.
00:51:38 Prunel est déprimé, il picole, il ne va pas du tout.
00:51:42 Et en fait, non, ce sont des personnages qui n'ont rien de réel.
00:51:46 Prunel, il se fait éclater la gueule dans un gag.
00:51:50 Mais la planche suivante, il est de nouveau là, en costume.
00:51:53 Il recommence.
00:51:54 C'est ça qui fait que c'est la BD,
00:51:56 que c'est super poétique, que c'est super beau.
00:51:58 Je n'ai pas envie de le voir déprimé pendant quatre pages,
00:52:01 en disant "ah oui, et puis après, il va prendre des médicaments,
00:52:03 ah, il va mieux".
00:52:05 Je trouve que ça rabaisse, en fait, le truc.
00:52:08 Je tiens au côté un peu abstrait des personnages.
00:52:13 Je n'ai pas envie de savoir ce qui s'est passé.
00:52:15 Je ne raconterai jamais la jeunesse de Lucky Luke.
00:52:18 Il est comme ça parce que sa mère ne lui a pas donné de pistolet.
00:52:22 - Il n'a pas de mère.
00:52:24 - Guillaume, peut-être juste un mot,
00:52:28 et je vous laisse la parole juste après.
00:52:31 On parlait de cinéma.
00:52:33 Ça me permet juste de reboucler aussi avec la question du rythme,
00:52:37 où il y a dans votre bande dessinée un côté théâtral,
00:52:42 l'idée de scénette,
00:52:44 qui aussi a rapproché de votre travail en tant que dessinateur de presse,
00:52:49 même si, évidemment, on a raconté dans les grandes lignes l'histoire,
00:52:54 il y a une histoire principale,
00:52:56 mais ce rythme-là, il est particulier,
00:52:59 ce rythme des scénettes avec ce côté très théâtral.
00:53:02 - C'est vrai que moi, je travaille beaucoup pour la presse.
00:53:05 Je fais des histoires courtes, c'est vraiment mon format.
00:53:08 Cinq planches, six planches maximum.
00:53:10 Et donc j'ai ce rythme-là qui me permet d'aller vite.
00:53:14 Je dois raconter plein de choses en très peu de planches.
00:53:17 Et avec ce côté d'improvisation,
00:53:20 ça me permet de me surprendre moi-même.
00:53:22 Parfois, je commence une histoire et je me dirige dans plusieurs directions.
00:53:26 Je ne sais jamais où ça va aller.
00:53:28 Après, quand on fait un album comme ça, c'est plus compliqué,
00:53:31 déjà par le nombre de pages.
00:53:33 Il faut cinq planches, je fais cinq planches.
00:53:35 Et à la troisième, quatrième, je sais vaguement où je vais aller pour la chute.
00:53:39 Parfois, à l'avant-dernière quatre, je ne sais pas,
00:53:42 mais c'est ça qui est encore mieux.
00:53:44 Du coup, tu es obligé de trouver un truc qui surprend tout le monde,
00:53:47 qui me surprend.
00:53:48 Et là, j'aime bien ça, cette mise en danger tout le temps.
00:53:51 Sur un album comme ça, c'est très compliqué pour moi,
00:53:54 parce que je travaille pareil.
00:53:55 Et donc forcément, il y a des scénettes qui se mettent en place malgré moi.
00:53:58 Mais surtout, ce qui est compliqué,
00:54:00 c'est de voir arriver la fin de l'album,
00:54:03 sachant qu'il me reste dix planches.
00:54:05 Et je fais "Oh là là, mais je n'aurai jamais assez".
00:54:07 Et donc, si vous relisez ou lisez cet album-là,
00:54:10 vous allez voir qu'à la fin, les cinq dernières planches,
00:54:13 tout se précipite en fait.
00:54:14 Et dans mes albums longs, chez Dargo notamment,
00:54:17 j'ai toujours un problème de fin, puisque je n'ai rien écrit.
00:54:21 Je me dis, il faut le terminer.
00:54:22 Et on me dit "Mais non, tu ne peux pas avoir trois planches de plus,
00:54:25 puisque tu as un nombre de pages, c'est des cahiers, c'est des..."
00:54:28 Je ne peux pas avoir trois planches de plus.
00:54:30 Et donc du coup, je suis obligé de prendre des raccourcis.
00:54:34 Et parfois, c'est un peu bizarre, je trouve.
00:54:38 Quand je me relis, je fais "Oh là, là, tu as été vite quand même".
00:54:41 Et j'avais fait un album chez Dargo qui s'appelait "L'autobiographie".
00:54:46 J'avais commencé un premier album.
00:54:48 Puis j'ai vu, je me dis "Mais je n'aurai jamais le temps de terminer".
00:54:50 Genre à la 25e ou la 30e planche, j'ai fait "Oh mais non, mais c'est mort".
00:54:53 Donc j'ai fait un deuxième tome.
00:54:55 Le deuxième tome, je dis "Oh mais j'ai le temps".
00:54:57 Et quand j'arrivais à la 30e planche, pareil, j'ai fait "Oh non, mais c'est foutu".
00:55:01 Donc voilà, j'ai ce rythme-là qui biaise un peu la narration peut-être.
00:55:05 Je ne me rends pas compte après, moi, quand je le lis.
00:55:07 C'est dans mon fonctionnement.
00:55:09 Mais c'est des petites scénettes et ça peut être difficile après pour moi
00:55:13 de boucler l'album dans les temps...
00:55:15 Je ne parle pas du temps, tantôt.
00:55:18 Je parle du temps... page, pagination.
00:55:22 Parce qu'on est bloqué avec cette espèce d'histoire de cahier, quoi.
00:55:25 Tu n'es pas le premier, de toute façon, parce que J.G. ou même Thieu,
00:55:29 ils se retrouvent souvent...
00:55:31 Des fois, ils arrivent à la fin d'un bouquin, je me souviens de Valardi ou quoi,
00:55:35 où tu es là, pépère dans l'aventure, et puis il doit se rendre compte
00:55:38 qu'il est arrivé à la fin de sa pagination et qu'il n'a rien raconté,
00:55:42 il n'a rien dévoilé de son intrigue et de qui est le coupable.
00:55:45 Et la dernière planche, elle est couverte de textes,
00:55:47 parce qu'il faut tout expliquer.
00:55:49 C'est un petit peu ça.
00:55:51 Il y a un Gilles Jourdan aussi qui est comme ça, qui est très mal branlé.
00:55:57 On n'a pas le droit de dire ça Thieu, mais toute la dernière planche,
00:56:00 c'est une espèce de tartine d'explications.
00:56:03 - Tu dois expliquer en trois planches.
00:56:05 - Non, en une page, il explique tout.
00:56:07 Oui, c'est parce que j'étais là et qu'il est coupable,
00:56:09 et lui, il n'était pas là, il est arrivé...
00:56:11 C'est le charme aussi.
00:56:13 - C'est ça, à l'époque, c'est aussi parce qu'il travaillait dans les magazines
00:56:16 qui étaient publiés.
00:56:17 - Oui, il bossait sans construction, il bossait comme ça, à l'instinct.
00:56:24 Et Goscinny, c'est un des premiers, même Charlie, il ne faisait pas ça,
00:56:28 Charlie, il bossait comme par bloc de planche.
00:56:31 Goscinny, c'est un des premiers, je pense, qui a construit,
00:56:34 qui a imaginé, avec un premier scénariste, on va dire,
00:56:37 parce qu'il y a des auteurs, mais qui imaginait l'histoire de A à Z,
00:56:41 qui la concevait, qui l'écrivait vraiment, le Psygnosis,
00:56:45 qui... ça se tenait vraiment, tu vois, c'était bien équilibré.
00:56:51 - En plus, j'ai l'impression qu'en écrivant l'histoire,
00:56:55 je ne sais pas, quand tu fais un scénario,
00:56:57 quand tu m'as dit que tu avais fait le scénario,
00:56:59 tu le dessines ou tu l'écris ?
00:57:00 - Les deux, en général.
00:57:01 - J'ai l'impression qu'en le dessinant,
00:57:03 et reprendre après, de faire deux fois le même travail,
00:57:06 je trouve ça tellement...
00:57:07 - Ah non, non, non, parce que moi, le premier jet, là,
00:57:11 le premier jet qui... voilà, après, ça me sert de guide.
00:57:17 - Oui, mais je comprends.
00:57:19 - Tout est dedans, en fait, déjà.
00:57:20 C'est dessiner comme... il n'y a rien, mais déjà, je vois à peu près tout.
00:57:24 - Et tu arrives, derrière, à rajouter des trucs qui te viennent...
00:57:27 - Oui, oui, oui.
00:57:28 - ... improviser quelque part, aussi ?
00:57:30 - Oui, oui, oui, je crois, oui.
00:57:33 Mais après, je dis "je crois" parce qu'il y a une part d'instinct, là, quand même.
00:57:38 Tu fais ça un peu au feeling, tu ne réfléchis pas tellement, non plus.
00:57:42 Et puis, il ne faut pas trop, non plus, se dire "ah, je fais comme ça".
00:57:48 Il faut le faire, sans dire...
00:57:50 - J'ai remarqué aussi...
00:57:51 - Il ne faut pas se regarder faire, quoi.
00:57:52 - Dans le rythme, j'ai remarqué, quand je suis super à la bourre,
00:57:55 donc je travaille vite,
00:57:57 et j'ai l'impression que ma narration suit cette espèce de rapidité,
00:58:01 et j'adore ça, en fait.
00:58:02 Tout d'un coup, tu fais "ouais, ça va hyper vite".
00:58:05 J'aime bien ce rythme, je ne sais pas si ça se ressent dans la lecture,
00:58:10 mais parfois, quand je fais des planches comme ça, où je suis un peu en retard,
00:58:14 la narration va plus vite.
00:58:16 Et quand je sais que j'ai le temps, c'est pour ça que je travaille toujours au dernier moment,
00:58:20 parce que quand j'ai le temps, je dis "ouais, j'ai un mois, donc je suis là".
00:58:23 Et j'ai l'impression que ma BD est aussi molle que moi.
00:58:26 J'ai cette sensation de travailler dans l'urgence.
00:58:31 Ça donne du rythme à mes planches et à mon histoire.
00:58:35 - Il va bientôt être temps de nous quitter.
00:58:40 Est-ce que certaines ou certains d'entre vous ont des questions ?
00:58:44 On a une dizaine de minutes pour celles et ceux qui souhaiteraient poser des questions à l'un ou à l'autre,
00:58:49 ou bien si quelqu'un a...
00:58:51 Un abayage.
00:58:54 - Moi, j'avais une question concernant l'album de Blutch sur les cieux.
00:59:00 Les cieux, parfois, ils sont jaunes.
00:59:03 Et je me doute que ça n'existe pas, un ciel jaune.
00:59:07 Pourquoi est-ce qu'ils sont jaunes ?
00:59:10 Moi, je trouve ça très sympa, ça marche bien.
00:59:13 Quelle est l'idée qui vous traverse quand vous mettez un ciel jaune ?
00:59:17 - Si vous vous référez aux albums de Maurice et Goscinny,
00:59:24 et Maurice aussi ultérieurement,
00:59:27 c'est pas du tout un dessinateur naturaliste.
00:59:30 Il aborde la couleur d'une manière assez brutale, frontale.
00:59:39 Elles sont souvent, on va dire, presque à la limite du primaire.
00:59:43 Donc ce sont des couleurs qui s'entrechoquent,
00:59:46 qui ne tiennent pas compte d'une quelconque forme de description frontale,
00:59:52 mais plutôt d'une représentation, on va dire, presque mentale.
01:00:00 Le ciel est rouge, les personnages sont bleus.
01:00:08 Le ciel est jaune, les personnages sont bleus, les murs sont rouges.
01:00:16 On tenait vraiment à ce côté presque cartoonesque,
01:00:22 très synthétique,
01:00:25 et loin de toute forme de description naturaliste.
01:00:30 Mais ça, on n'a rien inventé, c'est déjà dans les cahiers des charges.
01:00:44 Enfin, je veux dire, je pense que tous les amateurs de la série sont d'accord là-dessus.
01:00:50 Ces fameuses planches qui sont entièrement rouges,
01:00:54 et qui sont juste, qui sont parfaitement recevables et lisibles.
01:01:00 Je pense à l'incendie dans "Mad Hatton",
01:01:04 et je pense aussi à une scène de nuit fameuse
01:01:08 dans les "Périvaux" de "Painful Gulch" vers la fin de l'album.
01:01:12 - Est-ce qu'il y a d'autres questions, réflexions, ou suggestions de dernier dessin ?
01:01:23 - Bonsoir, moi j'avais une question qui était un peu très simple.
01:01:30 Vous l'avez évoqué tout à l'heure, quand vous avez parlé du scénario.
01:01:34 En fait, qu'est-ce que vous avez préféré ?
01:01:38 C'est écrire l'histoire ou la dessiner ?
01:01:42 - C'est pour toi vu que je n'ai pas écrit l'histoire.
01:01:45 - En allant, ça marche pour les deux auteurs.
01:01:49 - Ce qu'on préfère c'est quand on en finit.
01:01:55 - C'est pas faux.
01:01:57 - Je crois que c'est le moment qu'on préfère.
01:02:00 C'est quand on dessine la dernière case et qu'on dit "c'est fini".
01:02:03 Au bout du tunnel.
01:02:05 - Et le moment où on te propose aussi de faire un Lucky Luke.
01:02:08 Ça c'est pas mal aussi.
01:02:10 - Ouais, mais je crois que c'est moi qui ai proposé ça chez Dargaud.
01:02:15 Si mes souvenirs sont bons.
01:02:17 Mais après les historiens trancheront.
01:02:19 - C'est Philippe Osterman qui m'avait proposé ça un soir au festival de Blois.
01:02:24 C'était assez marrant.
01:02:25 - Le lendemain il a regretté.
01:02:27 - Il a dit "mais c'est avec Bouzard que j'ai parlé hier, c'est trop tard".
01:02:32 En tout cas je le remercie pour ça.
01:02:35 C'est vrai que c'est un chouette cadeau quand même.
01:02:38 - Je n'aurais jamais imaginé qu'un jour je pourrais faire un Lucky Luke.
01:02:41 Je ne m'étais d'ailleurs jamais posé la question.
01:02:44 - Je ne peux pas répondre à cette question.
01:02:49 Que la beauté en touche.
01:02:52 Parce que d'abord les deux sont indissociables.
01:03:00 Donc ça ne va pas.
01:03:02 En tout cas dans ma pratique je ne peux pas les dissocier.
01:03:08 C'est la même chose.
01:03:10 - Guillaume vous évoquiez le cadeau que c'était de se voir proposer de faire un Lucky Luke.
01:03:17 À aucun moment il y a une petite pression vis-à-vis de soi-même.
01:03:23 De se dire justement parce qu'on a des souvenirs d'enfance tellement forts.
01:03:27 Qu'on se dit qu'il faut que quelque part je sois à la hauteur de ces souvenirs.
01:03:32 Peut-être pour les lectrices et les lecteurs.
01:03:34 Ou peut-être simplement pour soi-même enfant.
01:03:37 Est-ce qu'on évacue vite cette question-là ?
01:03:41 Et on reste juste dans le plaisir de le faire ?
01:03:44 - La pression peut être vraiment aussi parce qu'on met les pieds dans les pas des grands anciens.
01:03:49 Entre Goscinny et Maurice.
01:03:53 Là tu fais "Waouh".
01:03:55 Donc tu as intérêt à évacuer ça très vite.
01:03:57 Sinon tu es bloqué tout de suite.
01:03:59 J'ai mis très longtemps avant de m'y coller.
01:04:02 Parce que justement je pense que je ne savais pas trop comment m'y attaquer.
01:04:05 Et puis à un moment tu ne peux plus reculer parce que le temps passe.
01:04:08 Et donc là c'est là que je suis parti.
01:04:10 Et en fait après tout ça c'est oublié.
01:04:12 Mais au début oui.
01:04:13 Puisqu'en plus c'était un des premiers hommages on va dire.
01:04:17 Et donc là comme ça se fait un petit peu plus.
01:04:22 Peut-être qu'il y a moins de pression.
01:04:23 Je ne me rends pas compte.
01:04:24 Je ne sais pas si tu avais la pression.
01:04:25 Je ne suis pas certain.
01:04:26 Tu avais déjà fait "Tif et Tendu".
01:04:28 Oui "Variation", "Tif et Tendu".
01:04:31 Donc non une fois je me suis lancé.
01:04:34 Après c'était...
01:04:36 Et puis honnêtement j'ai évacué assez vite ça en fait.
01:04:41 C'était ça la question.
01:04:43 Moi je connaissais bien mon rôle.
01:04:45 C'est un truc que je connais à peu près dans la vie.
01:04:47 C'est ça.
01:04:49 C'est les BD comme ça de ce genre là.
01:04:52 J'étais comme un acteur qui avait bien appris son rôle.
01:04:54 Donc je n'avais pas trop le track.
01:04:56 Parce que je connaissais à fond mon sujet.
01:05:01 Et après il y a un truc aussi.
01:05:03 Moi en l'occurrence je connais mes limites en dessin.
01:05:06 Je sais ce que je sais dessiner.
01:05:08 Je sais quels sont mes points faibles.
01:05:09 Quels sont mes points forts.
01:05:11 Donc je me suis dit je ne vais pas commencer à essayer de dessiner comme Maurice par exemple.
01:05:14 Ou essayer de me coller à ce qu'il sait faire.
01:05:17 Je vais vraiment faire ce que moi je sais faire.
01:05:20 Donc partant de là,
01:05:22 notamment c'est toujours cette histoire de chevaux.
01:05:24 Je trouve ça hyper compliqué de dessiner les pattes des chevaux.
01:05:28 C'était un truc de dingue.
01:05:30 Et donc quand j'ai trouvé ces espèces d'arabesques là.
01:05:33 Alors ce n'est pas sur la couverture.
01:05:35 Mais quand je les ai fait marcher, là on dirait qu'ils ont des fils aux pattes.
01:05:38 Et je me suis dit mais après tout ça fonctionne comme ça.
01:05:40 Et puis c'est moi quoi en fait.
01:05:43 Donc allons-y comme ça.
01:05:45 Ce n'est pas la peine d'essayer de faire des choses que tu ne sais pas faire.
01:05:47 Tout simplement.
01:05:49 Est-ce qu'il y a une toute dernière question ? Oui.
01:05:51 Bonsoir.
01:05:56 Merci pour votre intervention.
01:05:58 J'ai une question peut-être de non connaisseur.
01:06:00 Mais pourquoi dans la BD,
01:06:02 vous séparez la partie dessin et ancrage
01:06:08 à deux personnes différentes ?
01:06:11 Est-ce que c'est pour une question d'efficacité ?
01:06:15 Pourquoi il y a cette séparation de rôle en fait
01:06:17 entre la personne qui va dessiner et la personne qui va mettre la couleur ?
01:06:20 Oui, pour la couleur.
01:06:22 L'album précédent, je l'ai mis en couleur moi-même.
01:06:28 Celui-là, écoutez, on a été quand même...
01:06:34 On a eu le facteur temps quoi.
01:06:39 Il a fallu être efficace, gagner du temps.
01:06:42 Mais sinon, je pense que je l'aurais bien colorié, ce bouquin.
01:06:47 Mais en même temps, c'est bien parce que quelqu'un de neuf arrive
01:06:52 et puis jette un autre regard et ça rajoute quand même des fois quelques...
01:06:57 Voilà.
01:06:58 Mais c'est une tradition dans la BD.
01:07:03 Le travail de coloriste est assez important depuis l'origine.
01:07:11 Et assumer l'écriture, le scénario, le dessin,
01:07:16 c'est quand même une grosse machinerie.
01:07:20 Des fois, de se coller à la couleur après coup,
01:07:25 c'est un peu pesant.
01:07:29 Comme dit Guillaume, moi si je fais des esquisses,
01:07:36 puis après, je suis encore en train de remettre mes esquisses au propre,
01:07:40 j'ai l'impression de refaire le même dessin.
01:07:42 Mais après, quand on revient encore avec la couleur,
01:07:44 on revient une troisième fois sur le dessin.
01:07:47 Donc voilà, mais c'est une coutume.
01:07:51 C'était un peu le même cas aussi.
01:07:53 J'étais pas très en avance, on va dire, sur le Lucky Luke.
01:07:56 Je fais mes couleurs autrement quand je travaille dans la presse
01:07:59 parce que comme je suis toujours en dernière limite de temps,
01:08:02 je fais les couleurs dans la foulée.
01:08:05 Si je prenais un autre coloriste pour mes histoires,
01:08:08 je le mettrais toujours dans la panade.
01:08:11 Et là, pour le Jolly Jumper,
01:08:14 j'ai fait travailler un copain qui était graphiste,
01:08:17 passionné de bande dessinée,
01:08:19 et quelque part, ça me faisait plaisir aussi de lui faire un cadeau.
01:08:22 Quand je lui ai proposé ça, il était...
01:08:24 C'était un gamin, vraiment un gamin.
01:08:26 Et donc rien que pour ça, c'était génial.
01:08:28 Et en plus, personnellement, je trouve qu'il fait du super bon boulot en couleur.
01:08:32 Donc c'était vraiment bien.
01:08:34 J'ai fait plaisir tout en m'en mettant une épine du pied, on va dire.
01:08:38 Donc après tout, pourquoi se gêner ?
01:08:41 Et puis il l'a fait sûrement mieux que moi je ne l'aurais fait.
01:08:44 Alors la problématique qu'il avait, lui, c'est que je termine rarement mes dessins.
01:08:48 C'est-à-dire que mes traînes ne sont pas fermées,
01:08:52 comme souvent dans les BD un peu classiques.
01:08:54 Lui, ça l'a vraiment fait galérer parce que des fois,
01:08:57 il y avait des villes où il y avait juste un toit,
01:09:00 et il ne savait pas comment faire.
01:09:02 Il disait "Ah non, mais là, non, ça ne va pas.
01:09:04 Il faut que tu dessines un petit peu à un moment."
01:09:07 Et c'est vrai, je ne me rendais pas compte de le dessin que j'avais,
01:09:11 où effectivement, pour moi, ça fonctionne.
01:09:13 Voilà.
01:09:14 Et il a bien galéré sur certains trucs, effectivement.
01:09:17 Merci beaucoup.
01:09:21 Merci infiniment à tous les deux d'avoir été avec nous ce soir.
01:09:24 Pour celles et ceux qui le souhaitent, il y a une séance de dédicaces juste après.
01:09:27 Merci à vous toutes et tous d'avoir été avec nous.
01:09:30 Et très bonne soirée.
01:09:32 (Applaudissements)
01:09:34 (Applaudissements)

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