Anne, abusée par son supérieur dans l'Église : “On m’enterre vivante"

  • l’année dernière
"Bon de toute façon, puisque je suis morte, autant y aller, on m'enterre vivante." Pendant plus de vingt ans, Anne Mardon, religieuse, a été abusée par son supérieur. Elle raconte l'emprise, les conséquences sur sa santé

#Religion #Église #Témoignage
Transcript
00:00 c'est même pas à contrecoeur, c'est que je me disais "bon de toute façon, puisque
00:03 je suis morte, autant y aller, on m'enterre vivante". Mais j'ai eu une telle pression
00:07 pendant plusieurs jours parce que le Pierre-Marie Delfieux, mon supérieur, le fondateur, mon
00:13 supérieur, mon confesseur et tout ce qu'on peut imaginer, m'a dit "écoute, tu prends
00:18 la bille ou tu fiches le camp, mais on se verra plus et je serai plus ton papa chéri".
00:22 Donc j'ai pris la bille tout en lui disant la veille "je peux pas, je peux pas".
00:27 J'ai fini par lui dire "écoute, je ne peux pas parce que je ne veux être ni pauvre,
00:31 ni chaste, ni obéissante". Ah mais c'est… et ça a recommencé en fait. Mais c'est
00:35 que ça, ça viendra, c'est pas grave et de toute façon tu seras pauvre, chaste et
00:39 obéissante avec moi. Donc aucun problème, on se débrouillera.
00:42 De ce jour-là et pendant 20 ans, vous avez eu la migraine ?
00:46 De ce jour-là, j'ai fait une espèce de paralysie faciale, je voyais plus clair d'un
00:51 oeil, j'ai plus entendu d'une oreille, personne ne s'en est soucié, ni frère,
00:55 ni sœur. On m'a dit "non mais c'est comme une jeune fille la veille de son mariage,
00:59 elle est inquiète". Et moi je me disais "mais on me met dans une tombe et on me
01:03 met cet habit sur le dos qui était une peau que je voulais absolument enlever et je ne
01:10 savais pas qu'en faire". Mais à partir de là, je me suis dit "bon ben c'est
01:13 parti, c'est mon destin et je suis obligée d'accepter ça".
01:16 Alors naïvement, on se dit "mais pourquoi vous n'êtes pas partie ? C'est pas si
01:19 facile que ça". Non, j'étais sous emprise. Donc je ne
01:23 suis pas partie parce que j'habitais là. Parce qu'un enfant qui est battu, maltraité
01:30 ne se demande pas tous les matins "je fais ma valise ou pas ?" Je ne me suis jamais
01:33 posé cette question. Personne de l'extérieur ne m'a dit que j'avais une possibilité
01:37 c'était de partir. Au contraire, c'était plutôt "retourne-y, obéis et prie, ça
01:43 ira mieux". Et puis il y avait aussi les frères et sœurs avec qui je vivais finalement.
01:49 Il y avait un attachement aussi. Il y a tout un tas de choses qui se passent. En plus de
01:54 tout ça, on n'a plus les moyens de partir. On a un habit sur le dos, pas un sou. On n'a
01:59 plus de logement, pas de travail, rupture avec la famille. On ne comprend rien à ce
02:04 qui se passe. On essaie de continuer jusqu'au soir, le soir de continuer jusqu'au matin
02:09 en se disant "comment je vais améliorer un tout petit peu l'heure qui vient en fait".

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