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Russie, la nostalgie de l'Empire - Documentaire complet

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00:00 ...
00:13 ...
00:16 -Moscou, 4 novembre 2011, jour de l'unité nationale.
00:20 Une fête instaurée par Vladimir Poutine
00:22 pour célébrer la grandeur de la Russie.
00:25 ...
00:33 Ces cortèges évoquent autant les heures soviétiques
00:36 que le vieil empire des Tsars.
00:38 ...
00:42 -Bonjour, camarades !
00:44 ...
00:47 Je vous souhaite une bonne fête de l'unité nationale.
00:50 ...
00:52 -Ce jour-là, Russie unit,
00:54 le parti de Vladimir Poutine, organise un grand rassemblement.
00:57 Pour Alena, présidente de la Jeanne-Garde poutinienne
01:01 et candidate à la Duma, le passé est plus actuel que jamais.
01:05 ...
01:08 -Bonjour, tout le monde !
01:11 ...
01:12 -Vous savez,
01:15 prononcer ce chiffre à haute voix me donne des frissons.
01:22 Il y a 400 ans,
01:25 les armées de Minine et de Pojarski
01:28 ont libéré Moscou des envahisseurs polonais.
01:31 Ils ont aussi chassé leurs laquais et tous ceux qui nous ont trahis.
01:36 On peut les applaudir.
01:38 ...
01:41 N'oubliez pas qu'il existe encore aujourd'hui
01:44 des groupes qui veulent faire éclater la Russie.
01:47 ...
01:49 Ils ne se gênent pas de profiter de l'aide venant de l'étranger,
01:53 tout comme les traîtres, il y a 400 ans.
01:57 Il est de notre devoir de résister à ces groupes.
02:01 -Rossie ! Rossie ! Rossie !
02:07 -Aujourd'hui, il faut que le pays soit fort.
02:09 Il n'y a de la place que pour les forts dans ce monde.
02:13 ...
02:15 -La quête de la puissance pour la Russie,
02:17 c'est avec ce credo que Vladimir Poutine,
02:20 au sommet du pouvoir depuis 12 ans,
02:22 mène sa campagne présidentielle en tandem avec Dmitri Medvedev
02:26 pour diriger la Russie six années encore.
02:28 -Rossie ! Rossie !
02:29 -Une durée digne d'un tsar.
02:31 -Rossie ! Rossie !
02:33 -Que veut Poutine ?
02:34 Faire de la Russie à nouveau un empire ?
02:37 En a-t-il les moyens ?
02:38 Ses voisins vont-ils payer le prix fort des rêves impériaux russes ?
02:42 -Rossie ! Rossie ! Rossie !
02:45 ...
02:54 -Les Russes veulent avoir la main mise sur tous leurs voisins.
02:59 C'est un peu comme de la jalousie, vous savez.
03:02 Si vous avez une jolie jeune femme
03:04 et qu'elle veut quitter votre famille pour une autre,
03:07 vous vous demandez pourquoi elle fait ça.
03:10 Mais on ne peut pas tomber amoureux sur un ordre de Moscou.
03:14 ...
03:31 -J'ai l'impression que le monde nous prend
03:33 pour des adolescents en crise,
03:36 qui possèdent l'arme nucléaire, qui peuvent faire beaucoup de dégâts.
03:41 Ce n'est pas ça, le respect.
03:44 C'est de l'appréhension.
03:47 C'est la peur qu'on fasse quelque chose de grave,
03:50 d'imprévisible.
03:54 ...
04:02 -L'élite politique russe est malade de quête impériale.
04:08 C'est comme ça depuis des siècles.
04:13 La Russie n'a pas changé.
04:16 ...
04:24 -Géorgie, au sud du Caucase.
04:27 Ce petit pays de 4,5 millions d'habitants
04:30 est devenu indépendant il y a 20 ans, à la chute de l'URSS.
04:34 La Géorgie est l'exemple le plus frappant
04:37 de la stratégie de puissance de Vladimir Poutine.
04:40 Des soldats russes occupent en effet une partie de son territoire.
04:44 Au nord du pays,
04:47 10 000 militaires russes contrôlent deux enclaves,
04:50 les provinces d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud.
04:54 La Géorgie se trouve ainsi amputée de 20 % de ces territoires.
04:58 Certaines de ces bases militaires russes
05:01 se trouvent à seulement 40 km de Tbilissi, la capitale.
05:05 ...
05:09 David est un jeune Géorgien de 27 ans.
05:11 Il travaille pour le gouvernement géorgien
05:14 et accompagne des journalistes
05:16 qui souhaitent visiter ces frontières provisoires.
05:19 ...
05:21 -Là-bas, c'est déjà la Russie.
05:24 ...
05:33 Ce qu'on voit là-bas,
05:36 c'est la future base militaire des gardes-frontières russes.
05:41 Elle est protégée par un mur épais d'un mètre.
05:46 ...
05:51 On voit qu'ils sont en train de construire
05:54 leur quartier général, avec des bureaux,
05:57 des maisons pour les officiers et leurs familles.
06:00 ...
06:04 Il y a une ligne d'occupation en plein milieu de mon pays.
06:08 Bien sûr que ça m'énerve.
06:10 C'est dangereux d'avoir une grande base militaire russe ici.
06:15 Ils peuvent s'en servir pour envahir le reste de la Géorgie
06:20 si jamais ils décident de le faire.
06:24 ...
06:27 -Ces checkpoints sont des endroits de haute tension
06:30 où policiers géorgiens et soldats russes
06:33 se battent 24 heures sur 24.
06:35 Il y en a une trentaine le long des deux lignes de démarcation.
06:38 ...
06:49 -C'est la situation d'impasse.
06:52 C'est-à-dire que la Russie ne reconnaît pas nos frontières,
07:00 ils ne reconnaissent pas notre gouvernement,
07:03 ils refusent de faire des rapports avec notre gouvernement
07:06 d'importe quelle forme, et ils même rejettent
07:10 la Côte d'Issesfeu,
07:13 que la Russie elle-même a signée.
07:16 Donc...
07:20 Juridiquement, c'est la situation de la guerre.
07:24 Musique rythmée
07:26 -L'armée russe est installée en Géorgie pour longtemps encore.
07:30 Une occupation militaire russe hors de Russie,
07:33 une première depuis la chute de l'URSS
07:36 et même depuis la guerre en Afghanistan.
07:39 Pourquoi ce tout petit pays préoccupe-t-il autant
07:42 Vladimir Poutine ?
07:43 ...
07:46 Que s'est-il passé pour en arriver là ?
07:49 ...
07:53 Tout trouve sa source dans la situation de la Russie
07:57 dont Poutine hérite lorsqu'il arrive au pouvoir en 2000.
07:59 -Nous sommes responsables de nos propres malheurs.
08:04 Nous sommes faibles, nous manquons de fermeté, de rigueur.
08:07 Regardez notre économie.
08:09 C'est la misère, le chaos partout.
08:13 Regardez nos relations internationales,
08:16 surtout avec les pays de l'étranger proche.
08:19 C'est l'éclatement généralisé.
08:22 -Cet éclatement, Poutine le qualifie
08:26 de "plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle".
08:29 Pendant 70 ans, l'URSS fut une superpuissance mondiale
08:34 dont l'influence s'étendait jusqu'aux portes de l'Europe.
08:37 Du jour au lendemain, elle perd un quart de son territoire
08:40 et la moitié de ses habitants.
08:42 1991. Boris Yeltsin annonce la fin de l'Union soviétique.
08:47 La plupart des anciennes républiques soviétiques
08:50 sont regroupées au sein de la CEI,
08:52 la Communauté des États indépendants.
08:54 Vaine tentative pour maintenir les liens fixés pendant des décennies.
08:58 L'Empire n'existe plus.
08:59 A cette époque, Vladimir Poutine, agent du KGB,
09:03 revient d'Allemagne de l'Est
09:05 pour prendre ses fonctions à Saint-Pétersbourg.
09:07 Pour lui, comme pour les élites dirigeantes,
09:10 le réveil est brutal.
09:11 En réalité, Moscou n'a aucun moyen d'arrêter cet éclatement.
09:14 La Nouvelle-Russie a d'autres préoccupations.
09:17 Son économie est aux abois.
09:19 Les chaînes de télévision internationales
09:21 sont en boucle d'humiliantes images de pauvreté et de pénurie.
09:25 Pour survivre, la Russie doit demander de l'aide au FMI.
09:28 Sur le plan international,
09:30 l'influence russe est également considérablement réduite.
09:33 Lorsque l'OTAN décide en 1999 de bombarder Belgrade,
09:37 la vie de Moscou ne compte pas.
09:39 Le 31 décembre 1999,
09:42 le président Yeltsin, devenu symbole d'une période de chaos
09:46 et d'humiliation, tire sa révérence.
09:48 ...
10:05 -Mais Yeltsin a prévu son successeur,
10:07 Vladimir Poutine, son Premier ministre.
10:10 ...
10:12 Le nouveau président n'a pas le choix.
10:14 Il doit redresser la situation.
10:16 La Russie est au bord du gouffre.
10:18 ...
10:22 -C'était absolument nécessaire, à l'époque.
10:25 ...
10:27 Quand Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir,
10:30 l'Etat russe était insolvable.
10:31 ...
10:34 Les citoyens russes avaient perdu toutes leurs économies.
10:37 ...
10:40 La crise financière était catastrophique.
10:43 La guerre en Tchétchénie, dans le Caucase,
10:46 était une menace pour l'intégrité du pays.
10:48 ...
10:51 Toutes ces choses nous donnaient l'impression
10:53 qu'on était au bord d'une catastrophe.
10:56 ...
10:57 -Poutine commence par rétablir l'ordre à l'intérieur du pays.
11:01 Il instaure un Etat fort,
11:02 nationalise le secteur des matières premières,
11:05 combat les indépendantistes tchétchènes
11:07 et fait rentrer les impôts.
11:09 Résultat, deux ans plus tard,
11:11 l'économie repart avec 10 % de croissance
11:14 grâce à la hausse des cours du pétrole.
11:16 Vladimir Poutine annonce aussi un tournant
11:19 sur la scène internationale.
11:20 Contrairement à son prédécesseur Yeltsin,
11:23 il ne sera pas l'ami de l'Occident.
11:25 Et il le dit haut et fort dans des discours musclés.
11:29 -Il suffisait que la Russie faiblisse.
11:33 On montre le moindre signe de notre faiblesse
11:38 pour que nos ennemis s'engouffrent dans la brèche
11:42 et essaient de nous mettre à genoux.
11:45 Ils n'ont jamais réussi.
11:48 Et ils ne réussiront jamais
11:51 parce que le peuple russe
11:55 va les en empêcher.
11:59 -C'est à ces frontières
12:01 que Poutine juge la situation préoccupante.
12:03 Attirés par les promesses de l'Occident,
12:06 les anciennes républiques soviétiques
12:08 commencent dangereusement à s'éloigner de Moscou.
12:12 -Cadre à la démocratie !
12:14 -En 2003 et 2004,
12:17 les révolutions de couleur en Géorgie et en Ukraine
12:20 mettent en place des gouvernements démocratiques,
12:23 soutenus par l'Europe et les Etats-Unis.
12:25 Au Kremlin, c'est la panique.
12:29 On va jusqu'à évoquer un 11 septembre russe
12:31 et une conspiration de l'Occident contre la Russie.
12:34 -La majeure partie de l'élite politique russe
12:38 n'a jamais considéré
12:40 que cette indépendance était définitive de ces pays.
12:45 On peut accepter que la Géorgie, l'Ukraine, d'autres pays
12:48 soient formellement indépendants, membres de l'ONU.
12:51 Ca, on est passé, je pense que c'est accepté.
12:54 Mais ce qui est inacceptable,
12:57 c'est leur émancipation définitive.
13:00 -Ils ne nous considèrent pas comme des voisins normaux.
13:03 Ils veulent nous dicter notre politique.
13:06 Ils le font depuis toujours.
13:08 Ils nous disent "demandez-nous ce que vous devez faire".
13:11 -D'autant que ces révolutions
13:13 coïncident avec l'avancée de l'OTAN,
13:16 l'alliance militaire euro-américaine.
13:18 Déjà en 1999, la Russie a vu la Hongrie,
13:22 la République tchèque et la Pologne, anciens membres du pacte de Varsovie,
13:26 grossir les rangs de l'OTAN.
13:28 En 2004, c'est au tour de 7 autres pays,
13:31 parmi eux les pays baltes, aux frontières de la Russie
13:34 et ancienne république de l'URSS.
13:36 ...
13:43 -Aux yeux des Russes, l'expansion de l'OTAN vers l'est
13:49 est le symbole de la victoire de l'Occident dans la guerre froide.
13:53 Mais nous n'acceptons pas cette version des faits.
13:57 Et en plus, elle ne correspond pas à la réalité.
14:01 Personne n'a gagné la guerre froide.
14:04 C'est grâce à l'Union soviétique et à la volonté de Gorbatchev
14:07 qu'elle a pris fin.
14:09 Ce n'est pas l'Occident qui a gagné la guerre froide.
14:12 Ca, non.
14:13 -Au début des années 90,
14:18 l'élite russe voulait rejoindre l'Europe,
14:20 et même en acceptant ces conditions.
14:24 C'était une opportunité unique.
14:28 On voulait faire partie de l'OTAN
14:31 et devenir un membre associé de l'Union européenne.
14:34 Mais l'Occident n'a pas saisi cette chance.
14:38 L'OTAN a commencé son élargissement
14:41 et cette option a été perdue à jamais.
14:45 Et depuis ce temps,
14:47 la Russie a décidé de changer les règles du jeu.
14:52 -En 2007, la Russie se sent une fois encore agressée.
14:56 L'administration américaine Bush
14:59 veut installer un bouclier antimissile
15:01 en Europe orientale aux portes de la Russie.
15:04 Poutine estime alors que l'Occident et surtout les Etats-Unis
15:08 ont assez piétiné les intérêts russes.
15:10 Et il l'exprime haut et fort
15:12 lors du Conseil de sécurité à Munich
15:15 devant une assemblée internationale.
15:17 -Nous sommes témoins d'un mépris grandissant
15:20 des principes fondamentaux du droit international.
15:24 Pire encore, on peut dire
15:27 que le système de droit d'un seul Etat,
15:30 je parle ici bien sûr des Etats-Unis,
15:33 a débordé de ses frontières internationales
15:36 dans tous les domaines.
15:37 Les Etats-Unis imposent leurs règles économiques,
15:40 politiques, humanitaires au monde entier.
15:43 A qui cela peut-il convenir ?
15:46 -Un an plus tard, Poutine décide d'agir.
15:50 Il avance ses pions en Géorgie.
15:52 En 2004, cette ancienne république soviétique
15:55 a commencé à entreprendre des réformes démocratiques.
15:58 Pire, son gouvernement a noué alliance
16:01 avec l'Europe et l'Amérique et demande à entrer dans l'OTAN.
16:04 En août 2008, sous prétexte de défendre
16:07 deux minorités pro-russes, les Abkhazes et les Ossètes,
16:11 Poutine envahit la Géorgie
16:13 dans un déploiement de forces spectaculaires.
16:15 Musique sombre
16:19 -Il est vrai que la Russie a utilisé
16:21 des tensions ethniques en Géorgie
16:23 pour garder le pays dans sa zone d'influence.
16:26 Mais en même temps, le gouvernement géorgien
16:29 est coupable de pratiquer une forme de discrimination ethnique
16:33 contre une partie de la population de son pays.
16:36 Et puisque la Géorgie est coupable
16:39 d'avoir laissé cette situation s'installer,
16:42 la Russie s'en sert pour ses propres intérêts.
16:45 -La Russie a été la première
16:47 à s'intéresser à la Russie.
16:49 La Russie s'en sert pour ses propres intérêts.
16:54 -Au bout de cinq jours, la Géorgie est à genoux.
16:58 Seule une intervention diplomatique européenne
17:01 évite que les troupes russes ne s'emparent de la capitale.
17:05 Musique sombre
17:08 La Géorgie n'est pas une cible anodine.
17:11 Terre natale de Staline, choyée par l'URSS,
17:14 elle se serait montrée coupable d'un grand péché
17:16 aux yeux du Kremlin,
17:18 en plus de vouloir adhérer à l'OTAN.
17:20 -Le gouvernement russe considère
17:23 que le gouvernement géorgien actuel
17:26 est une anomalie, d'après eux.
17:28 Ce sont des paroles de M. Lavrov,
17:30 ministre des Affaires étrangères russe,
17:33 sur l'espace post-soviétique.
17:35 Pourquoi c'est une anomalie ?
17:37 Parce que, finalement, c'était l'objectif
17:40 et la raison principale de la guerre de 2008.
17:42 Une démocratie libérale de type occidental
17:45 est impossible sur le territoire de l'ex-Empire soviétique,
17:49 parce que c'est culturellement incompatible
17:52 avec l'homo soviéticus ou post-soviéticus.
17:55 Et également, culturellement,
17:58 c'est une expansion occidentale,
18:00 et la démocratie de type occidental
18:04 est seulement valable dans le cadre géographique
18:07 et historique du monde occidental.
18:09 Donc nous avons démontré l'inverse de cela.
18:12 On a dit qu'un pays qui a connu 70 ans de communisme
18:16 pouvait se transformer en un pays démocratique.
18:19 On devait être puni pour cela.
18:22 -Résultat, en occupant militairement
18:24 une partie de la Géorgie encore aujourd'hui,
18:27 la Russie parvient à bloquer son processus d'adhésion à l'OTAN.
18:31 En effet, un pays dont les frontières sont disputées
18:34 ne peut pas en devenir membre.
18:36 L'Union européenne, elle, impuissante,
18:38 en est réduite à surveiller les nouvelles frontières.
18:42 Depuis la fin du conflit,
18:43 les voitures patrouillent régulièrement
18:46 le long de cette zone sensible.
18:48 Malgré leur mandat international,
19:04 les observateurs européens ne sont même pas autorisés
19:07 par les Russes à se rendre du côté occupé.
19:10 Ils se contentent d'observer la situation du côté géorgien,
19:14 dans ces villages reculés
19:15 où la vie a radicalement changé depuis la guerre.
19:18 -Est-ce qu'il y a toujours les drapeaux russes et haussettes
19:22 sur le sommet de la montagne ?
19:23 -Il y a des drapeaux russes et haussettes
19:26 sur le sommet de la montagne.
19:28 -Il dit qu'ils ne peuvent pas s'en approcher
19:31 parce qu'ils savent qu'il y a une frontière,
19:34 alors ils évitent d'y aller.
19:35 -Ce n'est pas une frontière pour nous.
19:38 C'est une ligne de transport.
19:40 C'est une ligne de démarcation, mais pas une frontière.
19:43 -Avant, quand on avait des relations normales avec les Russes,
19:46 on allait librement où on voulait avec nos chèvres.
19:50 Mais maintenant, nous sommes des ennemis de sang.
19:52 Ils nous arrêtent
19:54 et ils ne nous laissent pas partir sans l'aide des autorités.
19:57 -Si la Russie se montre intransigeante en Géorgie,
20:00 ce n'est pas seulement pour maintenir dans son giron
20:04 un pays pauvre et minuscule comparé à son propre territoire.
20:08 Cette intervention militaire va bien au-delà
20:10 de la simple question géorgienne.
20:12 -C'était une victoire envoyée des dieux.
20:18 Une petite victoire, bon marché, mais très efficace.
20:23 Nous avons arrêté l'expansion de l'OTAN.
20:28 Nous avons montré que nous devions être respectés.
20:32 Depuis ce temps, nous avons établi une ligne rouge
20:35 que personne n'a osé franchir depuis.
20:38 -Ca veut dire que la Russie est prête à aller en guerre
20:46 pour défendre ses intérêts ?
20:48 -Oui. C'est exactement ce message-là
20:50 que nous voulions envoyer au monde entier.
20:52 C'est comme ça qu'il a été reçu.
20:54 -La ligne rouge à ne pas franchir.
20:59 La Russie ne tolérera pas que l'OTAN prenne pied
21:01 dans ce que Poutine estime être sa zone d'influence.
21:05 La zone d'influence, les ex-républiques soviétiques.
21:08 La Géorgie, mais aussi l'Ukraine.
21:11 ...
21:15 Bruits de la mer
21:17 ...
21:20 Un message entendu par le nouveau président ukrainien,
21:23 Viktor Yanukovych,
21:25 qui succède à un gouvernement pro-occidental.
21:27 A la suite de la guerre en Géorgie,
21:29 sa 1re décision politique consiste à annoncer au chef du Kremlin
21:33 qu'il renonce à adhérer à l'Alliance atlantique.
21:36 L'Ukraine se proclame désormais état neutre.
21:38 Un message également entendu par les Occidentaux,
21:42 et en particulier à Washington.
21:44 En 2009,
21:46 Barack Obama décide d'assouplir la politique américaine
21:50 vis-à-vis de Moscou.
21:51 Pour saisir la main tendue de Washington,
21:54 Poutine dépêche alors le président Dmitri Medvedev
21:57 aux Etats-Unis.
21:58 ...
22:01 -C'est une politique basée sur une analyse froide
22:06 et sobre de la situation actuelle.
22:09 Les Américains ont compris qu'il était légitime pour les Russes
22:16 d'avoir leurs intérêts dans leurs pays voisins.
22:19 ...
22:24 -En gage de bonne volonté,
22:26 Washington signe un nouveau traité avec Moscou
22:28 sur la réduction des armes nucléaires.
22:31 De plus, Washington reconnaît le rôle stratégique de la Russie
22:35 dans un dossier brûlant, l'Afghanistan.
22:38 L'Amérique réclame l'aide de Moscou pour évacuer ses troupes
22:41 à travers le territoire russe.
22:43 ...
22:45 Mais Barack Obama compte sur la Russie
22:47 dans un dossier plus sensible encore.
22:49 ...
22:52 -Tout le monde sait que le retrait d'Afghanistan
22:57 des troupes de l'OTAN en 2014
23:00 va précipiter l'avancée des talibans en Asie centrale.
23:03 ...
23:07 Et la Russie est le seul pays dans la région
23:10 à pouvoir contenir cette menace,
23:12 à disposer de l'équipement militaire nécessaire.
23:15 ...
23:18 ...
23:25 -Le Kremlin a marqué des points.
23:27 Pour la première fois depuis la chute de l'URSS,
23:30 l'influence russe progresse.
23:32 Mais sur un dossier hautement symbolique,
23:34 Moscou est tenu en échec.
23:36 Le bouclier antimissile que l'OTAN va commencer à mettre en place
23:40 à partir de 2012.
23:41 Officiellement, ce dispositif est censé protéger l'Europe
23:45 contre la menace iranienne.
23:47 Mais des éléments de ce système de défense antimissile
23:50 vont être installés en Roumanie et en Pologne,
23:53 aux frontières de la Russie,
23:54 à la demande de ces ex-pays de l'Est,
23:57 préoccupés par leur sécurité vis-à-vis de l'ancien grand frère russe.
24:00 Une provocation pour Moscou,
24:02 qui estime que ce dispositif met en danger son système de défense
24:06 basé sur la dissuasion nucléaire.
24:09 ...
24:13 -Russie n'a pas prévu les Etats-Unis.
24:16 Nous ne pensions pas que les Etats-Unis
24:18 prendraient une décision aussi importante
24:20 sans demander l'avis des Russes.
24:23 -Je peux vous garantir qu'il y aura un système de défense antimissile
24:27 mis en place par l'OTAN.
24:28 Nous voulons coopérer avec la Russie sur cette question,
24:31 mais nos négociations n'avancent pas aussi vite qu'on le voudrait.
24:35 Cependant, nous ne pouvons pas jouer avec la sécurité
24:38 des pays membres de l'OTAN en attendant que ce dossier avance.
24:42 Ce n'est pas notre travail.
24:43 Notre travail, c'est d'assurer la sécurité de nos concitoyens.
24:47 ...
24:51 -Vers l'année 2020,
24:52 quand le système antimissile de l'OTAN sera en place
24:55 sur le sol européen et sur ses bateaux, autour,
25:01 la Russie va considérer cela comme une menace pour elle-même
25:06 et elle va entreprendre toutes sortes de mesures.
25:09 Elle va augmenter ses forces militaires,
25:13 et construire sa propre défense antimissile.
25:18 Mais celle-ci ne sera sûrement pas dirigée contre l'Iran,
25:21 mais contre les Etats-Unis et l'OTAN.
25:24 ...
25:27 -En novembre 2011, le Kremlin annonce l'intention de la Russie
25:30 d'installer son propre système de défense antimissile
25:33 à Kaliningrad, aux portes de l'Union européenne.
25:36 La réaction du pouvoir russe
25:38 n'est pas sans rappeler la période de la guerre froide.
25:41 Vladimir Poutine cherche-t-il à régler ses comptes avec l'Occident ?
25:45 -Si la guerre froide est finie pour l'Amérique ou pour l'Europe,
25:49 c'est pas la même chose avec les Russes,
25:51 avec Poutine,
25:54 parce que Poutine, pour lui,
25:56 il a créé un État révisionniste,
26:02 même rémanchiste,
26:04 et pour lui, il a perdu la guerre froide.
26:07 Et maintenant, il a besoin de rematch.
26:11 -Du côté géorgien, la réponse ne fait pas de doute.
26:15 Autre son de cloche du côté d'un des chefs de l'opposition russe,
26:18 Boris Nemtsov.
26:20 -N'importe quel dictateur a besoin d'un ennemi,
26:24 intérieur ou extérieur,
26:26 mais s'il en a les deux, c'est encore mieux.
26:29 Ca sert à expliquer ses échecs.
26:31 ...
26:34 Par exemple, la montée de la corruption,
26:38 les 25 millions de pauvres dans le pays,
26:41 pourquoi le niveau de vie à Moscou est 6 fois supérieur
26:44 à celui des régions,
26:46 pourquoi il n'y a pas de routes,
26:49 pourquoi les avions s'écrasent,
26:51 pourquoi les bateaux coulent.
26:53 Tout cela, le régime ne peut pas l'expliquer.
26:58 Alors, il a besoin d'un ennemi.
27:00 Et pour Poutine, l'ennemi principal,
27:03 ce sont les Etats-Unis, l'OTAN et leurs laquais,
27:07 la Géorgie, les Pays-Baltes
27:09 et, dans une certaine mesure aussi, l'Ukraine.
27:12 ...
27:14 -Récupérer l'empire perdu,
27:17 peut-être est-ce pour Poutine d'abord le moyen
27:21 de se maintenir au pouvoir dans un pays
27:23 où le nationalisme est un thème fédérateur.
27:25 Mais la puissance russe,
27:27 retrouvée à l'échelle internationale,
27:29 dissimule à l'intérieur du pays
27:31 une industrie dans un état pire qu'à l'époque de l'URSS,
27:35 un réseau routier inexistant
27:37 et une population qui diminue.
27:40 ...
27:41 Bref, l'empire rêvé par Poutine est un colosse au pied d'argile.
27:46 ...
27:47 -Notre économie devient de plus en plus dépendante
27:51 des exportations des matières premières.
27:54 Elle est excessivement sensible
27:57 au prix de l'acier et du gaz.
28:00 Ca signifie que le pays n'a pas su diversifier son économie
28:04 pendant le règne de Poutine.
28:06 Les investissements quittent la Russie.
28:08 Cette année, la perte s'élève à 100 milliards de dollars.
28:12 100 milliards de dollars ! Vous vous rendez compte ?
28:15 Il y a la corruption,
28:17 il n'y a pas de protection de la propriété privée.
28:20 ...
28:25 -Retour à Moscou,
28:26 où se trouve le quartier de l'Ukraine.
28:29 Où se trouve le quartier général de Gazprom.
28:31 ...
28:34 Ce tableau de pipeline représente l'atout maître,
28:37 la pierre angulaire de la politique de puissance de Poutine.
28:41 Gazprom, l'entreprise qui dispose
28:43 des premières réserves gazières du monde.
28:45 Son chiffre d'affaires équivaut à 30 % du budget de l'Etat russe,
28:49 au point que Vladimir Poutine a même songé à en prendre la tête.
28:53 Gazprom, mais pas seulement.
28:55 Les immenses ressources naturelles russes,
28:58 minerais,
28:59 représentent 80 % du PIB de la Russie.
29:01 Sans ces ressources, la puissance russe serait nue.
29:05 Les salaires des fonctionnaires pas payés,
29:07 l'armée sans moyens.
29:09 C'est cet empire économique
29:10 que Poutine s'efforce de protéger à tout prix.
29:13 ...
29:20 -La Russie essaye de reconstruire son devenir économique
29:25 sur la base de l'énergie.
29:27 L'énergie qui apporte une très forte contribution
29:31 au PIB du pays.
29:33 Il est certain que comme c'est une question vitale,
29:37 si je puis dire, de la Russie, de pouvoir exporter son énergie,
29:40 la Russie regarde l'énergie, comme je le disais,
29:43 au travers d'un prisme
29:45 qui est le prisme de la sécurité nationale et de la politique.
29:49 -Poutine sait bien que ses revenus immenses
29:52 dépendent des exportations vers un client en particulier, l'Europe.
29:56 60 % des exportations de pétrole
29:58 et 70 % des exportations de gaz russe
30:01 sont destinées au Vieux Continent.
30:03 Pour approvisionner l'Europe, les Russes ont un besoin vital
30:06 de ce réseau de pipelines hérité de l'Union soviétique.
30:09 Sauf qu'entre l'Europe et la Russie, il y a l'Ukraine,
30:13 par laquelle transitent 80 % du gaz et 40 % du pétrole russe.
30:16 Or, l'Ukraine, indépendante,
30:18 se montre rétive à la tutelle de Moscou.
30:21 Le rapprochement avec l'Europe, notamment,
30:24 fragilise les relations avec l'ancien grand frère.
30:27 Mais pour conserver l'Ukraine dans son giron,
30:31 Poutine dispose d'une pièce maîtresse en Ukraine même,
30:34 Sébastopol, dans le sud de la Crimée.
30:37 Le coeur de la ville, son port, qui abrite la flotte russe.
30:43 Sébastopol est le seul port militaire russe
30:47 dans la Mer Noire,
30:49 une présence en Ukraine qui marque le terrain.
30:52 ...
30:54 -Il y a des drapeaux russes un peu partout dans la ville.
31:00 Les autorités russes bloquent régulièrement les rues
31:04 pour des manœuvres militaires.
31:06 Tout récemment,
31:10 ils ont organisé un défilé armé à travers la ville,
31:14 qui est tout de même sur territoire ukrainien.
31:18 Pour s'implanter durablement,
31:23 ils investissent de l'argent pour construire des maisons
31:27 pour leurs officiers et leurs familles.
31:29 Donc, la présence militaire russe
31:35 va rester un problème pendant encore des années.
31:39 -En 2010, Poutine a obtenu du gouvernement ukrainien
31:43 de conserver l'usage du port jusqu'en 2042.
31:47 ...
31:51 La flotte russe à Sébastopol permet au Kremlin
31:54 de contrôler le trafic de ses pétroliers sur la Mer Noire.
31:58 A cette présence militaire s'ajoute un autre moyen
32:01 de pression sur l'Ukraine, la population russe de la ville,
32:04 fortement attachée à Moscou.
32:07 La région de la Crimée est majoritairement russe
32:10 et Moscou sait entretenir cet attachement.
32:13 Sébastopol ressemble à une véritable colonie
32:16 russe. Les institutions culturelles,
32:19 comme les musées ou les écoles,
32:20 sont financées par le maire de la capitale russe.
32:23 Pour montrer que la Russie n'est pas prête
32:26 à abandonner ce port stratégique,
32:28 des militants prorusses arpentent les rues
32:31 pour rappeler à tout le monde qu'on est ici, en Russie.
32:34 ...
32:39 ...
32:45 ...
32:50 ...
32:58 -Merci à tout le monde d'avoir participé
33:01 au rituel patriotique de Sébastopol.
33:04 Gloire à la Russie forte et indivisible !
33:06 -Hurrah ! Hurrah ! Hurrah !
33:08 -C'est le flauque russe.
33:11 -C'est le drapeau de la fédération russe.
33:14 -Malgré le fait qu'on se trouve en Crimée,
33:17 qui dépend de l'Ukraine, Sébastopol est une ville
33:20 qui n'oublie jamais ses racines.
33:21 ...
33:24 -Nous savons que notre patrie est la Russie
33:27 parce que l'Ukraine est aussi une partie de la Russie.
33:30 ...
33:32 -Donc, chaque semaine, le dimanche à midi,
33:35 on rappelle aux habitants de Sébastopol
33:37 et aux touristes quelle est la vraie identité de cette ville.
33:41 -Que c'est Sébastopol ?
33:42 -Légendarneuse Sébastopol !
33:46 Inacceptable aux ennemis !
33:49 -Pour Moscou, qui finance certains de ses groupuscules,
33:53 ces militants sont prêts à être mobilisés
33:55 si l'Ukraine sort du rang.
33:57 ...
33:58 Pour preuve, les événements de l'année 2008.
34:02 A cette époque,
34:03 Victor Yushchenko, le président de la Révolution orange,
34:06 mène une politique d'ukrainisation dans tout le pays.
34:09 A Sébastopol, la marine ukrainienne veut alors apposer une plaque
34:13 qui commémore la création de sa flotte.
34:16 Une décision qui suscite de violentes protestations
34:19 au sein des Russes ukrainiens.
34:21 ...
34:31 Sébastopol, un casse-tête pour l'Ukraine.
34:34 Pour une partie de la population,
34:36 la base militaire russe sur leur sol
34:38 est un abandon de la souveraineté du pays.
34:40 Mais l'Ukraine n'a guère le choix.
34:42 En échange, Moscou propose des tarifs avantageux de gaz,
34:46 une question de survie pour l'économie ukrainienne.
34:49 ...
34:51 Le gaz, un moyen de pression utilisé par Moscou à plusieurs reprises,
34:55 surtout quand l'Ukraine se montre trop indépendante
34:58 aux yeux du Kremlin.
34:59 Comme au lendemain de la Révolution orange.
35:02 En 2006 et 2009,
35:04 des disputes au sujet des prix du gaz
35:06 éclatent entre l'Ukraine et la Russie.
35:08 Faute d'accords, Gazprom coupe tout simplement le robinet.
35:12 ...
35:17 -Pour la Russie,
35:19 c'était une opportunité de montrer à l'Europe et à l'Ukraine
35:24 qui commande.
35:25 ...
35:28 Ca n'avait rien à voir avec les Ukrainiens
35:31 qui n'avaient pas payé leur facture de gaz.
35:33 ...
35:36 C'était un moyen pour les Russes
35:40 de montrer qu'ils pouvaient utiliser l'énergie
35:43 comme outil diplomatique.
35:46 -Le vendeur veut toujours vendre plus cher
35:50 et l'acheteur veut toujours acheter moins cher.
35:53 Nous comprenons que c'est beaucoup d'argent.
35:57 Mais ce n'est pas nous qui avons créé les conditions
36:00 qui ont provoqué l'augmentation des prix des carburants.
36:03 ...
36:06 Ce n'est pas nous qui avons envahi l'Irak.
36:08 Ce n'est pas nous qui jouons à la bourse.
36:11 ...
36:14 Mais il faudra payer.
36:15 -Un bras de fer permanent avec Kiev qui pourrait coûter cher à Poutine.
36:19 Car en bloquant le transit par l'Ukraine,
36:22 c'est l'Europe qui se retrouve sans gaz.
36:24 Faire pression sur l'Ukraine au risque de priver son principal client,
36:28 un jeu dangereux, car l'Europe n'entend pas en rester là.
36:31 -Ce qui est en jeu ici,
36:34 c'est la crédibilité de la Russie en tant que pays fournisseur
36:38 et de l'Ukraine en tant que pays de transit.
36:42 Si ces deux pays ont mené à bien leur négociation
36:47 comme ils le prétendent, il ne devrait pas y avoir de problème.
36:51 -Pour montrer à quel point l'Europe prend sa sécurité énergétique
36:55 au sérieux, voici un petit clip pédagogique
36:58 réalisé par la Commission européenne
37:00 après la 2e crise gazière.
37:01 ...
37:05 -Europe, janvier 2009.
37:08 Les coupures d'approvisionnement de gaz venant de l'Est
37:11 font trembler de froid la moitié du continent.
37:14 Cette crise du gaz révèle la dépendance énergétique européenne
37:17 de ces importations, qui s'élève à 60 %.
37:20 La crise de gaz montre que cette dépendance
37:23 peut être un risque majeur pour l'économie des pays
37:26 qui sont frappés par ces coupures.
37:28 ...
37:30 L'Europe doit diversifier ses approvisionnements
37:33 pour ne plus dépendre que d'un seul distributeur.
37:36 ...
37:38 -Echaudée par les crises de gaz ukrainiennes,
37:40 l'Europe entend construire ses propres gazoducs
37:43 pour aller chercher son énergie ailleurs
37:45 que dans cette Russie inquiétante.
37:47 Alors, en 2009, à Ankara,
37:49 les Européens lancent le projet du gazoduc Nabucco.
37:52 Il est destiné à importer du gaz depuis une autre source,
37:56 la mer Caspienne et l'Asie centrale,
37:58 qui recèle de très importantes réserves encore peu exploitées.
38:01 ...
38:04 Précédemment, en 2005, un autre pipeline
38:06 avait été inauguré avec le soutien américain,
38:09 le pipeline BTC, qui, lui, transporte du pétrole
38:12 depuis cette région si stratégique d'Asie centrale.
38:15 ...
38:18 -Quand l'Europe invente et fait la promotion de projets
38:25 qui ont pour unique but de contourner le territoire russe...
38:28 ...alors que ces projets ne sont même pas viables économiquement...
38:37 Là, on peut véritablement dire
38:43 que l'énergie est utilisée comme outil politique.
38:46 ...
38:48 -Je ne crois pas du tout
38:50 que Nabucco soit un projet sérieux.
38:55 Je crois que l'Europe fait très attention
38:57 à la manière dont elle gère ses projets
38:59 parce qu'il s'agit surtout
39:01 d'un outil de négociation supplémentaire avec la Russie.
39:05 -Vous pouvez préciser ?
39:11 -Ce projet est destiné à faire stresser les autorités russes,
39:15 leur faire croire que l'Europe va développer
39:17 des voies alternatives d'approvisionnement énergétique.
39:20 ...
39:23 -Alors pour Poutine, il y a péril en la demeure.
39:26 Pas question que les Etats d'Asie centrale
39:28 échappent au contrôle de Moscou.
39:30 ...
39:33 Le plus grand Etat dans cette région convoitée
39:35 est le Kazakhstan.
39:36 Sa nouvelle capitale, Astana,
39:39 a des airs de Dubaï d'Asie centrale.
39:41 ...
39:46 A l'image de son architecture moderne,
39:48 le Kazakhstan est aussi le plus riche des Etats d'Asie centrale.
39:52 Ses sous-sols regorgent d'uranium et autres minerais,
39:55 de gaz et surtout de pétrole.
39:57 ...
40:01 Ses ressources lui valent une croissance annuelle de 8 %
40:04 depuis l'année 2000.
40:05 ...
40:14 -Les 15 millions de Kazakhs sont dirigés d'une main de fer
40:18 par le dictateur Nusultan Nazarbayev.
40:21 Cette année, cette ex-république soviétique
40:24 fête ses 20 ans d'indépendance.
40:26 Une indépendance encore conditionnelle,
40:29 car 90 % des exportations de pétrole, notamment,
40:33 sont assurées par Moscou.
40:35 -L'élite de notre pays se rend compte
40:37 qu'elle n'est pas tout à fait indépendante encore.
40:40 Pour exporter le pétrole et le gaz,
40:42 nous sommes obligés de négocier avec la Russie
40:45 et d'acheter ce droit dans tous les sens du terme.
40:48 Comment vous expliquez ?
40:50 -Il suffit de prendre exemple sur cet immeuble.
40:53 Son plan, ses voies de communication
40:56 se trouvent à Moscou,
40:58 parce que cette maison a été construite
41:00 pendant l'époque soviétique.
41:02 S'ils le veulent,
41:04 les services de renseignement russes
41:06 peuvent organiser une explosion,
41:08 liquider quelque chose très facilement.
41:10 C'est juste un exemple.
41:13 Tout reste concentré à Moscou.
41:15 Et les leviers invisibles du passé sont toujours là.
41:18 Nos militaires sont liés,
41:20 les agents du KGB aussi.
41:22 C'est la même caste.
41:24 -Si les Russes jouent sur les liens hérités du passé,
41:27 cela n'empêche pas Européens et Américains
41:30 de s'implanter au Kazakhstan de manière croissante
41:33 pour faire des affaires.
41:35 Mais un autre acteur menace lui aussi
41:49 les prises de services russes dans ce pays.
41:52 ...
41:54 -Je suis heureuse
41:58 qu'en ce jour de fête,
42:01 nous fêtons aussi nos 20 ans d'amitié
42:04 et de relations diplomatiques
42:06 entre la Chine et le Kazakhstan.
42:10 Musique rythmée
42:12 -A l'occasion du jour de l'indépendance,
42:14 à l'hôtel intercontinental d'Almaty,
42:16 la 2e ville du pays,
42:18 une réception est donnée pour le monde des affaires kazakh.
42:21 ...
42:35 Applaudissements
42:38 C'est l'ambassade de Chine qui invite.
42:40 Cette réception illustre bien la diplomatie chinoise.
42:44 La Chine mise sur le partenariat commercial,
42:47 une approche qui contraste avec le désir de domination russe.
42:50 ...
42:53 -Voilà, voilà.
42:54 -Voilà, voilà.
42:55 -Vous devriez faire ça.
42:57 -Non, s'il vous plaît.
42:58 Non, là, il faut arrêter de filmer.
43:00 On veut rester entre nous. On va parler affaires.
43:03 -Non, ça, c'est bon.
43:05 -La Chine tient compte de nos traditions
43:07 et de nos intérêts.
43:08 Elle tient surtout compte des intérêts économiques
43:11 des pays de l'Asie centrale.
43:13 Elle propose des projets financiers intéressants.
43:16 La Chine voit que les pays d'Asie centrale
43:18 s'éloignent de plus en plus de la Russie.
43:21 Elle emploie le maximum d'efforts pour gagner la confiance de ces pays.
43:25 Elle n'essaie pas de dominer, au contraire.
43:27 Elle essaie de construire des relations d'égal à égal.
43:32 ...
43:34 -La Chine est une entreprise
43:36 qui a une relation avec l'Asie centrale.
43:38 Elle est une entreprise qui a une relation avec l'Asie centrale.
43:42 La Chine se développe malgré les ambitions impériales de la Russie.
43:46 Elle se développe avec une telle vitesse
43:48 qu'elle est en train de faire de la Russie un empire régional.
43:52 Si un jour, la Russie perd son influence en Asie centrale,
43:56 elle deviendra un Etat comme les autres.
44:00 -Face à la Chine, ses 1,3 milliard d'habitants,
44:04 sa croissance vertigineuse, sa puissance mondiale,
44:08 la Russie doit réagir.
44:10 Car l'exemple chinois met cruellement en lumière
44:13 ce qui manque à la Russie,
44:14 une capacité d'attraction économique
44:17 pour former des alliances autrement que par la force.
44:20 Là est la limite du modèle impérial de Vladimir Poutine.
44:24 Alors, pour concurrencer la stratégie chinoise,
44:27 Vladimir Poutine vient de lancer un projet ambitieux,
44:30 l'union eurasienne.
44:32 L'objectif ? Rassembler tous les anciens pays frères
44:36 pour créer un ensemble économique et politique
44:39 et peut-être, à terme, concurrencer l'Union européenne.
44:43 -L'union eurasienne a commencé à fonctionner
44:49 depuis le 1er janvier 2012.
44:51 Nous allons créer un nouveau marché pour nos entreprises
44:55 avec une régulation unifiée pour tous les pays adhérents.
44:59 Je suis convaincu que le concept de l'union eurasienne
45:04 a un grand avenir.
45:05 Nous avons le soutien politique et public nécessaire.
45:09 Nous essayons de mettre en application
45:11 ces idées de manière concrète.
45:13 -En 2010, les premiers jalons de l'union eurasienne
45:19 avaient été posés avec la création de l'union douanière.
45:23 Ses 2 premiers membres, le Kazakhstan et la Biélorussie.
45:26 Si ces 2 pays adhèrent, c'est pour préserver
45:29 de bonnes relations avec le puissant voisin.
45:32 Mais l'union douanière est encore loin
45:34 du miracle économique promis par Moscou.
45:36 -A vrai dire, actuellement, il y a un grand mécontentement
45:40 et de sérieux problèmes au sein de la population.
45:43 Les prix ont augmenté sur beaucoup de produits.
45:46 Nous sommes obligés d'augmenter nos taxes
45:48 pour correspondre aux taux russes.
45:50 C'est pour cette raison que la population souffre.
45:53 Dans l'avenir, quand cet espace commun économique va fonctionner,
45:58 nous serons gagnants.
46:00 Cependant, il est inévitable que la Russie domine
46:03 au sein de l'union eurasienne comme l'Etat le plus important.
46:07 La question est de savoir
46:08 quelle marge d'autonomie Moscou va laisser aux autres républiques
46:12 dans cette future union et quel en sera le prix à payer.
46:15 -Avec comme seul membre le président kazakh Nazarbayev
46:18 et le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko,
46:21 le club de Poutine ressemble à une alliance de régimes autoritaires.
46:25 Applaudissements
46:27 Des régimes qui comptent sur le soutien de Moscou
46:29 pour se maintenir au pouvoir
46:31 contre les pressions politiques occidentales.
46:34 ...
46:41 -Mais quelle est justement l'idéologie
46:43 derrière cette union eurasienne ?
46:45 ...
46:47 Voici le père du principe d'eurasisme,
46:50 Alexandre Douguin,
46:51 philosophe ultranationaliste et proche du pouvoir.
46:54 Ses thèses sont écoutées par les plus hautes sphères du Kremlin
46:58 et aussi par Vladimir Poutine.
47:01 Douguin défend l'idée de la Russie comme un continent à part entière,
47:05 avec ses propres valeurs, destiné à dominer ses voisins.
47:09 ...
47:12 -Nous refusons l'hégémonie américaine,
47:16 le modèle occidental global,
47:19 et nous revendiquons la possibilité de construire une société
47:23 sans la dictature du modèle occidental.
47:26 Il faut un monde multipolaire.
47:30 Mais pour établir ce monde multipolaire,
47:33 la Russie seule ne suffit pas.
47:35 L'eurasisme demande l'intégration de tout l'espace postsoviétique.
47:41 Dans notre société eurasienne,
47:45 la liberté ne représente pas une valeur suprême,
47:48 ni d'ailleurs la vie humaine, l'individu
47:51 et la société de consommation.
47:54 Ce sont des valeurs, certes, mais pas suprêmes.
47:58 Notre société exige le modèle paternaliste.
48:04 En d'autres termes, pour nous,
48:08 le culte de la personnalité et l'autoritarisme sont importants.
48:12 A l'origine, Poutine n'est pas un personnage autoritaire.
48:17 C'est la société qui l'a transformée en dictateur.
48:21 Elle projette ses désirs d'autoritarisme sur lui.
48:24 Poutine est une construction sociologique,
48:27 non pas un usurpateur.
48:30 Poutine reste au pouvoir parce que le peuple le veut.
48:34 L'eurasisme est la seule et la meilleure idéologie
48:38 qui préserve les intérêts nationaux russes.
48:41 -Des principes inquiétants
48:43 qui servent le nouveau projet politique de Vladimir Poutine.
48:46 Pragmatique, il a adopté l'eurasisme
48:49 parce que l'idée lui permet de façonner un nouvel empire
48:52 sans que rien ne change.
48:54 -Au cours de la guerre,
48:55 Vladimir Poutine s'apprête à redevenir président.
48:58 -Je suis sûr que Russie unie va gagner.
49:01 Avec le soutien du peuple,
49:05 Dmitri Medvedev va créer une nouvelle équipe, jeune.
49:11 Il sera à la tête d'un nouveau gouvernement
49:16 pour continuer le travail de modernisation de notre pays.
49:20 Je propose qu'il devienne Premier ministre.
49:25 ...
49:30 -En septembre 2011, lors d'un grand meeting de Russie unie,
49:34 Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev
49:36 se nomment mutuellement Premier ministre et président.
49:39 La mise en scène est parfaite.
49:41 ...
49:45 -C'est une proposition très responsable.
49:49 ...
49:53 Bon, j'accepte.
49:55 ...
50:06 Et je considère qu'il serait juste
50:09 de proposer comme président Vladimir Poutine.
50:13 ...
50:25 Musique douce
50:27 -Autrefois symbole de stabilité,
50:29 la politique de Vladimir Poutine
50:31 est aujourd'hui devenue synonyme de stagnation,
50:34 incapable d'offrir la modernisation tant attendue.
50:37 ...
50:39 Et même dans le cercle des proches du pouvoir,
50:42 la contestation de la politique poutinienne
50:45 commence à se sentir.
50:46 Comme chez Igor Jurgens,
50:47 conseiller économique du président Medvedev
50:50 et partisan de la modernisation.
50:52 ...
50:54 -La modernisation doit se faire à tous les niveaux.
50:59 Ca ne concerne pas uniquement les technologies,
51:03 mais aussi nos institutions.
51:06 Et les institutions ne peuvent pas être modernisées
51:10 autrement que par la voie démocratique.
51:12 Cela veut dire qu'il faut donner la parole à un maximum de gens,
51:16 ce qui, en Russie, n'est pas le cas,
51:18 surtout en ce moment.
51:20 -Les Russes supportent de moins en moins
51:23 le jeu politique de leurs élites.
51:25 Depuis les fraudes électorales aux législatives de décembre 2011,
51:29 le système Poutine se retrouve confronté
51:31 à un mouvement de protestation sans précédent.
51:34 ...
51:37 -C'est notre pays !
51:39 -Si au départ, les manifestants réclamaient
51:41 simplement des élections libres,
51:43 ils demandent aujourd'hui la démission de Vladimir Poutine.
51:46 -Pas en sauve !
51:48 ...
51:50 -Et si le rêve de l'Empire, l'idéologie de la puissance,
51:54 ne suffisait plus aux Russes ?
51:55 Le nouveau président du pays
51:57 saura-t-il proposer un nouveau projet politique
52:00 pour regagner la confiance de son peuple ?
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