Ça vous regarde - Loi immigration : Emmanuel Macron a-t-il convaincu ?

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Grand témoin : Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique et auteur de « La guerre des mondes » (L'Observatoire)

GRAND DÉBAT / Loi immigration : Emmanuel Macron a-t-il convaincu ?

« Soyons clairs » par Valérie Brochard

Depuis le lancement des débats sur la loi immigration, Emmanuel Macron avait choisi de rester dans l'ombre de son ministre de l'Intérieur sur ce sujet bouillant. Le Président de la République s'est finalement exprimé durant deux heures, ce mercredi 20 décembre, dans l'émission « C à vous ». Une interview dans laquelle il a été questionné sur la position de la France sur le conflit ukrainien, sur les affaires Gérard Depardieu, l'inflation et bien entendu sur la loi que l'Assemblée nationale a adoptée le mardi 19 décembre 2023. Si le Président a défendu le texte, il a concédé ne pas être en accord avec l'ensemble de celui-ci. Il a d'ailleurs affirmé son choix de soumettre au Conseil constitutionnel le projet de loi. Durcissement des conditions du regroupement familial, modification de l'accès aux prestations familiales, caution étudiante... La loi immigration sera-t-elle à nouveau modifiée ?

Invités :
- Carole Barjon, grand reporter et éditorialiste politique à l'Obs,
- Didier Maus, Président émérite de l'association française de droit constitutionnel,
- Adrien Broche, responsable des études politiques chez ViaVoice,
- Jean-Sébastien Ferjou, fondateur d' « Atlantico ».

GRAND ENTRETIEN / Bruno Tertrais : quel ordre mondial demain ?

D'après Bruno Tertrais, un troisième conflit opposant le monde des autocraties et celui des démocraties s'apprête à éclater. Selon lui, cette « guerre tiède » sera « émaillée de crises régionales et de conflits limités, mais restera probablement contenue, ne serait-ce que par le jeu de cette corde de rappel ultime qu'est la dissuasion nucléaire ». Deux familles s'affronteront : l'une euro-atlantique et indo-pacifique, plutôt libérale, contre l'autre continentale et eurasiatique, plutôt autoritaire. Cette guerre culturelle et de valeurs ressemble à une revanche, voire une vengeance, de la Russie et de la Chine envers l'Occident. L'Eurasie arrivera-t-elle à refaire le monde à son image ?

Grand témoin : Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique et auteur de « La guerre des mondes » (L'Observatoire)

LES AFFRANCHIS

- Richard Werly, correspondant France/Europe pour « Blick »,
- Pierre-Henri Tavoillot, philosophe,
- « Bourbon express » : Marco Paumier, journaliste LCP.

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcript
00:00 ...
00:05 -Bonsoir à tous et bienvenue dans "Ça vous regarde".
00:09 Ce soir, ce nouvel ordre mondial
00:11 qui se dessine de l'Ukraine à Gaza en passant par Taïwan,
00:15 l'Occident est-il capable de résister
00:17 aux ambitions de la Chine et de la Russie ?
00:20 On en parle avec notre grand témoin, Bruno Tertrais.
00:23 Bonsoir. -Bonsoir.
00:24 -Vous allez nous présenter votre dernier ouvrage,
00:27 "La guerre des mondes".
00:29 Nous reviendrons sur l'intervention d'Emmanuel Macron hier soir,
00:32 sur les répercussions politiques de l'adoption de la loi immigration.
00:36 Est-il normal que l'exécutif mise sur une censure de ce texte,
00:40 qu'il a pourtant appelé à voter ?
00:42 Le macronisme peut-il survivre à cette crise ?
00:45 Le RN et les Républicains en sortent-ils forcément gagnants ?
00:48 La gauche peut-elle refaire son unité ?
00:51 A cette occasion, on en débat avec nos invités.
00:53 Nos appranchis, ce soir, Richard Verli
00:56 reviendra sur la réforme de l'immigration,
00:59 de la politique migratoire, mais au niveau européen.
01:02 On s'interrogera avec Pierre-Henri Tavaillot.
01:05 Peut-on définir ce qu'est la culture générale ?
01:07 Enfin, Marco Pommier reviendra sur la dernière motion censure
01:11 de l'année, avant les vacances parlementaires.
01:14 Voilà pour le sommaire. C'est parti.
01:16 Pour "Ça vous regarde", on y va.
01:18 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:20 ...
01:26 -Un président ne devrait pas dire cela.
01:28 C'est en substance le message qu'a voulu faire passer
01:31 François Hollande à celui qui lui a succédé.
01:34 Il a reproché, donc, ce matin, à Emmanuel Macron,
01:36 d'avoir encouragé sa majorité à voter une loi
01:39 tout en misant sur une censure du Conseil constitutionnel.
01:42 Est-ce choquant qu'un président assume publiquement
01:45 une telle stratégie politique ?
01:47 C'est une des questions dont on va débattre avec nos invités.
01:50 Nous accueillons ce soir Carole Barjon. Bonsoir.
01:53 -Bonsoir. -Bonsoir.
01:55 -Carole Barjon, bonsoir. -Bonsoir.
01:56 -Vous êtes grand reporter et éditorialiste politique à L'Obs.
02:00 Didier Mauss, bonsoir. -Bonsoir.
02:02 -Vous êtes professeur de droit constitutionnel,
02:04 président émérite de l'Association française de droit constitutionnel.
02:08 Jean-Sébastien Ferjou, bonsoir. -Bonsoir.
02:10 -Vous êtes fondateur et directeur de la publication
02:13 du site d'information Atlantico.
02:15 Adrien Broche, bonsoir. -Bonsoir.
02:17 -Vous êtes responsable des études politiques
02:20 à l'Institut de sondage Via Voice.
02:22 Et enfin, notre grand témoin, Bruno Tertrais.
02:24 Directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique
02:28 et auteur de "La guerre des mondes",
02:30 dont on parlera dans la seconde partie.
02:32 Mais avant de débattre, soyons clairs sur ce sujet.
02:35 C'est la mission qui est confiée à Valérie Brochard.
02:38 Bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip,
02:42 -Bonsoir, Valérie. -Bonsoir, Clément.
02:44 -Au lendemain des explications du président de la République,
02:47 il reste encore beaucoup de questions autour de cette loi immigration.
02:51 -Le texte est voté par les deux chambres.
02:53 Il est bien passé, mais quand on ouvre le carton,
02:56 il reste encore deux, trois points qui chiffonnent.
02:59 Quand ça coince, on appelle le service,
03:01 tout simplement le service après-vente.
03:03 -On doit se battre contre les flux,
03:05 c'est-à-dire les arrivées clandestines
03:08 de personnes qui arrivent sur notre territoire
03:10 de manière irrégulière.
03:12 C'est le premier objectif.
03:13 Le deuxième, c'est mieux intégrer
03:15 par l'apprentissage de la langue et le travail,
03:18 ce que permet aussi ce texte.
03:20 -C'est très clair, mais le président de la République
03:23 a dit que c'était bien, mais il y a encore des défauts.
03:26 Il faudra peut-être envisager une mise au point,
03:28 une mise à jour du produit.
03:30 -Ce texte qui sort, il est le fruit de ce compromis.
03:33 Est-ce que c'est le texte du gouvernement ?
03:35 -Celui que vous souhaitiez, non. -Evidemment que non.
03:38 Je ne vais pas vous dire que je saute au plafond,
03:41 je les trouve formidables. -Par exemple ?
03:43 -La caution demandée aux étudiants étrangers,
03:46 je pense que c'est pas une bonne idée.
03:48 Dire "parce que vous êtes étrangers, on vous demande une caution",
03:52 ça peut se retravailler.
03:53 -Ces précisions ne persuadent pas tout le monde.
03:56 Il reste, malgré ces explications, un client pas convaincu
03:59 de l'efficacité du produit. Vous allez le reconnaître.
04:02 -On accentue la pauvreté dans ce pays ?
04:05 On ne lutte pas contre l'immigration irrégulière ?
04:08 Vous pensez que c'est parce qu'il y a l'APL
04:10 qui est versée à une femme monoparentale
04:13 dans notre pays que des étrangers vont traverser la Méditerranée
04:17 avec les barques, risquant de mourir, pour toucher l'APL ?
04:21 -Normal, vous me direz que ce texte ne plaise pas du tout
04:24 à l'ancien président socialiste, puisque la notice du produit
04:27 serait signée par les Républicains en personne.
04:30 -Ce texte, très largement, c'est le nôtre.
04:34 Les députés LR ont voté une motion de rejet pour dire non.
04:38 Nous ne voulons pas le texte de gauche
04:41 sorti de la Commission des lois, totalement dénaturé.
04:44 Nous voulons revenir au texte des Républicains
04:47 tel qu'il était sorti du Sénat,
04:49 avec des dispositions courageuses, fortes, puissantes,
04:52 qui peuvent endiguer ces flux migratoires
04:55 qui deviennent insupportables.
04:57 -Dans le tout dernier sondage Elab,
04:59 on découvre que 70 % des Français interrogés
05:02 se déclarent satisfaits du texte.
05:05 J'ai comme l'impression, Clément,
05:07 que cette enquête, Emmanuel Macron l'a vue aussi.
05:10 -Lutter contre l'immigration clandestine,
05:13 je n'ai pas l'impression que ce serait que de droite.
05:16 Quand je vois l'électorat populaire,
05:18 il est pour ça.
05:19 Quand vous vivez dans des quartiers populaires
05:22 où vous avez des difficultés de sécurité,
05:24 parfois, une immigration qui n'est pas bien contrôlée,
05:27 dont vous vivez les conséquences, vous êtes pour cette loi.
05:31 Mais les gens qui sont dans les quartiers les plus sensibles,
05:34 pourquoi une partie d'entre eux s'est parfois tourné
05:37 vers l'extrême droite ?
05:38 -Une loi immigration pour faire barrage
05:41 au Rassemblement national, est-ce que ce serait ça,
05:44 le meilleur rempart contre l'extrême droite ?
05:46 -On va en débattre avec nos invités.
05:48 Merci à vous, Valérie Brochard.
05:50 On a donc bien compris la stratégie d'Emmanuel Macron.
05:54 Il assume cette loi qu'il qualifie de courageuse.
05:56 Il revendique de répondre aux préoccupations des Français,
06:00 mais il se défend de valider les idées et les valeurs
06:03 du Rassemblement national.
06:04 Un petit tour de table.
06:06 Comment avez-vous trouvé Emmanuel Macron,
06:08 hier soir, convaincant ?
06:09 -Plutôt parce qu'il assume, quand même.
06:12 Enfin, dans une première partie, en tout cas,
06:14 je l'ai trouvé convaincant. Dans une deuxième, un peu moins.
06:18 Mais il assume, malgré tout, un certain nombre de mesures
06:22 qui font hurler l'aile gauche de sa majorité.
06:25 Il n'a pas été mauvais quand il a démontré qu'au fond,
06:31 appelons ça la préférence nationale
06:33 ou la priorité nationale,
06:35 aujourd'hui, était déjà en réalité présente en France,
06:40 avec, sur le RSA, par exemple,
06:42 et la prime d'activité.
06:44 Donc, on a déjà fait des différences
06:46 entre les prestations accordées
06:50 aux étrangers et aux Français.
06:52 Donc, là-dessus, il n'était pas mauvais.
06:55 Bon, après, je dois dire
06:57 qu'il est quand même un peu étonnant
06:59 d'entendre le président de la République
07:01 et la première ministre, qui a fait à peu près la même chose,
07:05 expliquer que oui, le Conseil constitutionnel
07:08 va se transformer en chambre d'appel
07:10 pour retoquer quelques mesures
07:13 qui, finalement, ne lui plaisent pas, a-t-il dit...
07:16 -De ça, on va en débattre dans un second temps.
07:18 -Non, mais... Et donc, on comprend...
07:21 Enfin, on comprend qu'il a laissé passer, en fait, ce texte
07:25 parce qu'il était très pressé,
07:27 parce que l'usage, quand même, veut qu'on soumette
07:30 un projet de loi au Conseil d'Etat
07:33 pour que, précisément, il retire
07:35 ce qui est suspect d'anticonstitutionnalité.
07:39 Il ne l'a pas fait
07:41 parce qu'il voulait absolument
07:43 que ce texte soit voté avant Noël
07:46 pour s'en débarrasser et qu'on n'en parle plus.
07:49 Le problème, c'est que ça ne va pas se passer du tout comme ça,
07:53 puisque je pense qu'on va en reparler...
07:55 Didier Mauss nous l'expliquera. -Il va nous donner son point de vue.
07:59 -On va en reparler à la rentrée.
08:01 -Jean-Sébastien Ferjou,
08:02 votre point de vue ? Vous l'avez trouvé bon ?
08:05 -Il y avait deux Emmanuel Macron
08:07 où il y avait deux dimensions assez différentes.
08:10 Il était sur la pédagogie de la loi
08:12 et je pense qu'il était à la fois combatif
08:14 et qu'il a réussi à convaincre des gens
08:16 qui, peut-être dans sa majorité,
08:18 avaient pu être perturbés, ou au-delà de sa majorité,
08:22 dans son électorat, qui avaient pu être perturbés
08:24 par les arguments d'une loi indigne,
08:27 d'une espèce de bascule hors du champ républicain.
08:30 Il a su montrer et ramener, à mon sens,
08:32 les choses à leur juste mesure,
08:34 en montrant notamment ce qui existait à l'étranger.
08:37 Là où je l'ai trouvé infiniment moins convaincant,
08:40 c'est que le service politique est dans un déni absolu.
08:43 C'est une posture, bien sûr,
08:45 et on peut, en quelque sorte, parfois,
08:47 la volonté permet, et ça lui a réussi
08:49 quelques fois dans le passé,
08:51 de traverser des montagnes de feu,
08:53 mais je pense que là, ça ne suffira pas
08:55 et que cet espèce de déni de réalité
08:57 concernant l'ampleur du trouble que ça a ajouté
09:00 comme le fait qu'il n'ait plus véritablement
09:03 de majorité à l'Assemblée nationale,
09:05 encore moins que la majorité relative
09:07 qui est censée être la sienne,
09:09 là-dessus, je l'ai trouvé... -Pas convaincant.
09:12 -J'ai été assez perturbé, par ailleurs,
09:14 de ne pas l'entendre plus que ça sur un certain nombre de choses
09:18 qui me paraissent relever d'un trouble
09:20 au fonctionnement régulier des institutions.
09:22 Quand la moitié des présidents des conseils départementaux
09:26 de gauche disent qu'ils n'appliqueront pas la loi
09:28 si elle est votée, Mme Hidalgo disant la même chose
09:31 pour la mairie de Paris,
09:33 le rôle du président de la République
09:35 prévu dans la Constitution, c'est qu'il est garant
09:38 que le fonctionnement régulier des institutions,
09:41 je trouve que la mesure de la crise politique n'a pas été prise.
09:44 -Adrien Broche. -Pas admise par Macron.
09:47 -Quand le chef de l'Etat dit qu'il répond
09:49 aux préoccupations des Français,
09:51 vous confirmez les différentes mesures
09:53 contenues dans ce texte sont majoritairement plébiscitées
09:57 par les Français ? -Oui, bien sûr.
09:59 Pour faire une petite photographie d'opinion,
10:01 on a une opinion qui reconnaît assez peu connaître le sujet.
10:05 On a 6 Français sur 10 qui disent
10:07 que la question fonctionne.
10:08 Néanmoins, une opinion qui ne se prive pas de donner son avis,
10:12 quand on les interroge, ils ont un avis,
10:14 il va plutôt du côté d'une demande de régulation
10:17 avec évidemment des sortes d'ambivalence
10:19 puisque à la fois les mesures de régularisation
10:22 sur les secteurs en tension étaient plébiscitées
10:25 par entre 55 et 60 % des Français
10:27 et des mesures de plus grande fermeté aussi en même temps.
10:30 On est vraiment sur cette dimension un peu particulière
10:33 qui répond à la question des retraites
10:36 et de la réduction de la retraite.
10:37 -C'est un peu comme si on avait un peu
10:40 un peu de la même chose.
10:41 -Oui, c'est un peu comme si on avait
10:44 un peu de la même chose.
10:45 -On a un peu de la même chose.
10:47 -On a un peu de la même chose.
10:49 -On a un peu de la même chose.
10:51 -On a un peu de la même chose.
10:53 -On a un peu de la même chose.
10:55 -On a un peu de la même chose.
10:57 -On a un peu de la même chose.
10:59 -On a un peu de la même chose.
11:01 -On a un peu de la même chose.
11:03 -On a un peu de la même chose.
11:05 -On a un peu de la même chose.
11:07 -On a un peu de la même chose.
11:09 -On a un peu de la même chose.
11:11 -On a un peu de la même chose.
11:14 -On a un peu de la même chose.
11:16 -On a un peu de la même chose.
11:18 -On a un peu de la même chose.
11:20 -On a un peu de la même chose.
11:22 -On a un peu de la même chose.
11:24 -On a un peu de la même chose.
11:27 -On a un peu de la même chose.
11:29 -On a un peu de la même chose.
11:31 -On a un peu de la même chose.
11:33 -On a un peu de la même chose.
11:35 -On a un peu de la même chose.
11:37 -On a un peu de la même chose.
11:39 -On a un peu de la même chose.
11:42 -On a un peu de la même chose.
11:44 -On a un peu de la même chose.
11:46 -On a un peu de la même chose.
11:48 -On a un peu de la même chose.
11:50 -On a un peu de la même chose.
11:52 -On a un peu de la même chose.
11:55 -On a un peu de la même chose.
11:57 -On a un peu de la même chose.
11:59 -On a un peu de la même chose.
12:01 -On a un peu de la même chose.
12:03 -On a un peu de la même chose.
12:05 -On a un peu de la même chose.
12:08 -On a un peu de la même chose.
12:10 -On a un peu de la même chose.
12:12 -On a un peu de la même chose.
12:14 -On a un peu de la même chose.
12:16 -On a un peu de la même chose.
12:18 -On a un peu de la même chose.
12:21 -On a un peu de la même chose.
12:23 -On a un peu de la même chose.
12:25 -On a un peu de la même chose.
12:27 -On a un peu de la même chose.
12:29 -Je pense que ça aurait permis, peut-être,
12:32 d'avoir un débat plus sain et plus centré
12:34 sur des sujets qui sont extrêmement difficiles.
12:37 C'est une loi sur un sujet très politique,
12:39 mais moi, qui connais un peu ces sujets,
12:42 j'avoue que j'ai dû, franchement,
12:44 travailler énormément pour bien comprendre
12:47 ce dont il était question.
12:48 Je ne sais pas ce que les spécialistes en pensent,
12:51 mais lorsque l'opinion dit à 70 % qu'elle soutient cette loi,
12:55 qu'est-ce qu'elle veut dire ?
12:57 Est-ce qu'elle veut dire qu'on est pour une politique d'équilibre ?
13:00 Il y a eu beaucoup de débats sur la répression de l'immigration.
13:04 C'est ça. Ca serait intéressant d'avoir votre point de vue
13:07 sur ce que veut dire l'opinion quand elle approuve à 70 %
13:10 ce projet de loi. -La question a été posée
13:13 point par point. Les Français approuvent
13:15 quasiment toutes les mesures.
13:17 On n'a une seule de mémoire qui n'en porte pas une.
13:20 -Un autre sondage donne 71 % des Français
13:22 favorables à la préférence nationale
13:25 et familiale. -Un autre sujet
13:26 sur lequel j'ai un regard extérieur,
13:29 c'est le vieux débat sur comment est-ce qu'on prétend
13:32 combattre le Front national,
13:34 le fameux débat sur l'original et la copie.
13:37 Ca, c'est un débat sur lequel, en tant qu'observateur,
13:40 on peut avoir des idées. -On va en parler,
13:42 mais d'abord, sur le volet constitutionnel,
13:45 la prochaine étape qui attend ce texte de loi.
13:48 Emmanuel Macron a saisi le Conseil constitutionnel.
13:51 Gérald Darmanin l'a reconnu devant le Sénat.
13:53 Les mesures sont, je cite, "manifestement et clairement
13:56 "contraires à la Constitution".
13:58 On fait le point sur les mesures qui pourraient être censurées
14:02 par le Conseil constitutionnel, avec Hélène Bonduelle.
14:05 Musique rythmée
14:07 -Dans le texte transmis ce mercredi
14:09 au Conseil constitutionnel, plusieurs dispositions
14:12 pourraient être jugées non conformes à la Constitution.
14:17 La plus épineuse, sans doute,
14:19 concerne la création de quotas migratoires.
14:22 Il s'agit de fixer sur 3 ans le nombre d'étrangers admis
14:25 sur le territoire français,
14:27 en clair de limiter le nombre de titres de séjour.
14:30 Les sages pourraient considérer qu'il y a une rupture d'égalité
14:33 entre deux migrants dans des situations similaires,
14:36 mais séparées par le seuil des quotas.
14:39 Autre disposition, les aides sociales conditionnées.
14:42 Les personnes sans emploi seront désormais soumises
14:46 à un délai de 5 ans avant de pouvoir bénéficier
14:49 des allocations familiales,
14:51 contre 2 ans et demi pour celles qui travaillent.
14:53 Idem pour les APL, les allocations logements,
14:56 conditionnées à 5 ans de présence en France
14:59 pour les étrangers sans emploi, 3 mois pour les autres.
15:02 Les sages pourraient décider qu'il y a rupture d'égalité
15:06 face aux prestations sociales, voire une préférence nationale.
15:09 Le Conseil constitutionnel devra valider ou non
15:12 le durcissement du regroupement familial.
15:15 La nouvelle loi prévoit qu'une personne étrangère,
15:18 qui veut faire venir sa famille en France,
15:21 doit passer 24 mois sur le territoire
15:23 au lieu de 18 actuellement pour faire la demande.
15:26 Elle doit aussi avoir des ressources stables,
15:29 régulières et suffisantes,
15:31 disposer d'une assurance maladie
15:33 et avoir un conjoint d'au moins 21 ans.
15:35 Cette disposition pourrait contrevenir
15:37 à la Convention européenne des droits de l'homme,
15:41 qui prévoit le droit au respect d'une vie privée et familiale.
15:44 Enfin, concernant l'article sur le droit du sol en France,
15:48 le droit du sol romanier,
15:49 il prévoit qu'une personne née en France de parents étrangers
15:53 doit faire la demande pour obtenir la nationalité française,
15:57 et ce, entre ses 16 et ses 18 ans.
15:59 Cette mesure pourrait être considérée
16:02 comme un cavalier législatif,
16:04 c'est-à-dire concernant une autre thématique
16:07 que celle de l'immigration.
16:08 Les sages ont maximum un mois
16:11 pour se prononcer sur le texte.
16:13 -Didier Mauss, d'abord, sur le fond,
16:15 est-ce que vous partagez cette analyse
16:17 sur les différents points de ce projet de loi
16:20 qui pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel ?
16:23 -Tout le monde savait dès le départ
16:25 qu'il y aurait des problèmes de constitutionnalité.
16:29 Ce n'est pas une surprise, ce n'est pas un scoop.
16:31 On le savait sur les retraites, sur l'immigration.
16:34 Par nature, une loi sur l'immigration,
16:36 quel que soit son contenu, touche aux libertés,
16:39 aux principes d'égalité, aux principes de proportionnalité,
16:43 aux droits familiales.
16:44 Là, les questions de constitutionnalité
16:47 étaient présentes dès le départ.
16:50 Ce qui est assez original,
16:51 et ça, M. Macron l'a dit hier,
16:53 c'est qu'on est parti d'un texte de 20 articles.
16:56 On en est à 80, grosso modo, en chiffres ronds.
16:59 C'est-à-dire qu'il y a 60 articles
17:01 qui ont été ajoutés ou en commission mixte paritaire
17:04 et qui n'ont pas fait l'objet d'un avis du Conseil d'Etat
17:08 parce que ce sont des amendements parlementaires.
17:11 Il faudrait arriver à savoir,
17:13 dans le texte d'aujourd'hui,
17:15 ce qui est du texte d'origine et de l'ajout des débats parlementaires.
17:18 Honnêtement, je suis incapable de vous le dire ce soir.
17:22 Nous savons qu'il y a des problèmes.
17:24 Ceux qui ont été évoqués à l'instant sont réels.
17:27 Moi, je suis incapable, aujourd'hui,
17:29 d'avoir une réponse précise.
17:31 Je le dis franchement pour une raison extrêmement simple.
17:34 Le Conseil constitutionnel, quand je suis parti de chez moi,
17:37 n'avait pas encore mis en ligne les saisines
17:39 qui lui sont adressées, ni celle du président,
17:42 ni celle des groupes parlementaires.
17:44 Est-ce qu'elles sont arrivées ? Je n'en sais rien.
17:47 Dès que je les aurai, je les lirai.
17:49 J'arriverai peut-être à avoir un avis.
17:51 Pour l'instant, la seule chose que je puisse dire,
17:54 c'est que les questions sont évidentes,
17:56 qu'il y a des problèmes de constitutionnalité
17:59 et qu'il est probable qu'il y aura quelques censures.
18:02 Mais vous dire lesquelles, je ne prendrai pas le pari.
18:05 -Est-ce que ça vous choque qu'Emmanuel Macron
18:07 ait appelé sa majorité à voter un texte
18:09 en sachant pertinemment que plusieurs mesures
18:12 sont en train de se faire, et peut-être en misant sur une censure
18:15 pour lui retirer une épée du pied ?
18:17 -C'est assez original, mais rappelez-vous un jour
18:20 Jacques Chirac, avec le contrat premier remboursement,
18:23 qui a dit "je promulgue une loi, mais je vous demande
18:26 "de ne pas l'appliquer".
18:28 J'ai entendu ça dans ma voiture, avoir pris mon téléphone
18:31 et appelé certains de vos confrères en leur disant
18:33 "faites quelque chose là-dessus".
18:35 C'est étonnant que le président de la République dise ça.
18:38 C'est pas la première fois qu'il saisit le Conseil constitutionnel.
18:42 -Il dit que, quelque part, il mise sur une censure
18:45 pour l'arranger politiquement.
18:47 -Dans ce fond intérieur, on peut avoir des doutes.
18:49 -Il souhaite détricoter la loi, en tout cas,
18:52 c'est ce qu'il a laissé entendre, ce qui est différent.
18:55 -Ca vient fondamentalement...
18:57 -C'est pas une instrumentalisation du Conseil ?
18:59 -C'est engagé et c'est poursuivi.
19:01 Quand vous avez les trois quarts de la loi
19:04 qui, en réalité, n'ont pas fait l'objet
19:06 d'un avis du Conseil d'Etat,
19:08 parce que ce sont des amendements parlementaires,
19:11 ça ne peut pas garantir la conformité à la Constitution,
19:14 les parlementaires de droite
19:15 ont voulu mettre un certain nombre de dispositions.
19:18 Est-ce qu'ils savaient par avance
19:20 que certaines auraient des difficultés ?
19:23 Je n'en sais rien, je suis incapable de sonder les coeurs et les reins,
19:26 mais ça existe. Je vais simplement vous dire...
19:29 Je me souviens, un jour, du temps de M. Jospin, Premier ministre,
19:32 ça commence à dater, il y a eu un projet de loi sur la Corse,
19:36 avec la notion de "peuple corse".
19:38 Le Conseil constitutionnel avait retoqué la notion de "peuple corse".
19:41 J'avais demandé à un de mes amis, qui était très proche de Jospin,
19:45 je lui avais dit "Est-ce que vous y attendiez ?"
19:47 Il a dit "On ne savait pas où était la barre,
19:50 "on ne savait pas exactement jusqu'où on pouvait aller.
19:53 "On a pris le risque, on a gagné sur 80 %,
19:55 "on a perdu sur 20 %, c'est le rôle, je crois,
19:58 "d'un pouvoir politique." -Ce qui joue,
20:00 je laisse la parole à Carole, est profondément différent.
20:03 Là, on a un Emmanuel Macron, comme Elisabeth Borne,
20:06 qui, auprès de leur propre majorité,
20:08 dit "Vous pouvez le voter, de toute façon, ça sera retoqué."
20:12 Ce qui est autre que de se poser des questions,
20:14 comme ça existe sur quasiment tous les projets de loi,
20:17 sur la régularité de la loi,
20:19 là, c'est assumer en disant "Vous inquiétez pas,
20:22 "vous êtes pas d'accord, ça n'est pas grave,
20:24 "ça sera retoqué."
20:25 Est-ce que ça, c'est pas de cynisme institutionnel
20:28 qui est profondément différent ? -Il n'y a pas que l'argument
20:31 du Conseil constitutionnel, parce que la Première ministre,
20:35 hier matin ou hier matin à la radio,
20:37 a dit, par exemple, et ça, ça ne concernait
20:39 apparemment pas le Conseil constitutionnel,
20:42 c'est qu'on pouvait revenir sur un certain nombre de mesures,
20:45 enfin, revenir de fait, en déplaçant le curseur.
20:49 -Oui. -Par exemple,
20:51 sur la question pour les étudiants étrangers.
20:54 -Ca a beaucoup agacé Bruno Retailleau,
20:56 Eric Ciotti, qui s'est fendu d'un coup de fil
20:58 directement à Elisabeth Borne. -Mais là, elle a dit
21:01 que ça pourrait être 10 ou 20 euros,
21:04 et qu'il y a une manière de vider la mesure.
21:06 -Nous apprenons ce soir par ailleurs
21:08 que la démission de Retailleau et de l'enseignement supérieur
21:11 a été refusée, mais qu'elle aurait obtenu
21:13 des garanties de l'Elysée comme de Matignon
21:16 pour détricoter cette mesure sur la caution.
21:18 Je trouve que ça ressemble à une république balanière,
21:21 quand le chantage à la démission permet de dépasser
21:24 le vote du Parlement, quoi qu'on pense de la mesure sur le fond,
21:28 d'un point de vue institutionnel, s'il y a une majorité
21:31 qui a voté la loi, et quand à la mettre à 10 ou 20 euros,
21:34 autant y renoncer, car c'est un coût administratif tel
21:37 de gérer ce dispositif-là que là, on est en pleine folie.
21:40 -Les conditions d'élaboration de la loi et d'adoption
21:43 dans la dernière semaine, en particulier,
21:45 n'ont pas permis de faire les contrôles
21:48 de validité constitutionnelle qu'on doit faire.
21:50 C'est tout. -Juste une question.
21:52 -C'est une opportunité, ils ne veulent pas de ça
21:55 politiquement. -D'un point de vue politique,
21:57 est-ce qu'Emmanuel Macron a vraiment intérêt
22:00 à faire un référendum ? Est-ce que ça ne validera pas
22:03 les positions de la droite et du RN qui disent
22:05 qu'on ne peut pas réformer la politique migratoire
22:08 de la France sans réviser la Constitution ?
22:11 -Sans faire un référendum. -Ceci étant,
22:13 je voudrais qu'on me dise qui croit
22:16 qu'une révision de la Constitution permettrait de régler
22:19 le problème de l'immigration clandestine.
22:22 Je pars du principe de la réalité,
22:24 mais M. Macron n'a pas assez longtemps
22:26 de nous expliquer qu'il y avait un principe de réalité.
22:29 Il ne sert à rien contre ce qui est illégal.
22:32 Ce qu'on vit, c'est l'immigration illégale.
22:34 Donc, faire une loi de plus, même une loi constitutionnelle,
22:38 ne servira pas à grand-chose.
22:40 Mais qu'il y ait ensuite une distinction
22:42 entre ceux qui sont là depuis X années, etc.,
22:45 et qu'on fasse des régularisations, oui.
22:47 On retrouve le problème du curseur.
22:49 Il était très bien indiqué dans votre tableau.
22:52 Est-ce que c'est 6 mois, 2 ans, 5 ans ?
22:54 Honnêtement, c'est ce qu'on appelle le contrôle
22:57 de proportionnalité et personne ne peut vous dire
22:59 ce qui sortira du Conseil constitutionnel.
23:02 -Adrien Brogère, vous entendez-vous
23:04 sur ce qui peut s'apparenter à une manoeuvre politicienne,
23:07 détricoter la loi a posteriori ?
23:09 Est-ce que ça ne peut pas se retourner contre lui
23:11 du côté de l'opinion publique, des Français qui attendaient
23:15 ces mesures ? On a l'impression qu'on l'a fait à l'envers.
23:18 -Ce serait une critique, bien au-delà d'Emmanuel Macron,
23:21 d'impuissance politique.
23:23 Quoi que nous disent les politiques,
23:25 à la limite, il y a des censures qui,
23:27 même si l'opinion n'y connaît pas grand-chose
23:30 du point de vue des sages, il y a une impuissance
23:32 qui fait qu'on bloque pour avancer sur un certain nombre de sujets.
23:36 Je suis d'accord, ce qui m'a marqué dans cette séquence,
23:39 c'est que le Conseil constitutionnel,
23:41 même si c'est pas nouveau, est devenu une question politique
23:45 le temps de quelques heures, puisque dès son discours
23:48 devant le Sénat, Gérald Darmanin a évoqué cette question-là,
23:51 et qu'on était dans une séquence où,
23:53 entre les voix du RN, qui devaient ou non être comptabilisées,
23:57 les démissions annoncées de ministres,
23:59 si le texte est voté, je sortirais du gouvernement,
24:02 ce qui pose aussi question, parce qu'à la limite,
24:05 si on est en désaccord avec un texte,
24:07 qu'il soit voté ou pas, on peut sortir
24:10 et considérer qu'il y a une distinction philosophique
24:13 qui se joue et que ce texte ne peut pas être porté
24:15 par un gouvernement dont on est membre,
24:18 et l'épisode sur le Conseil constitutionnel,
24:20 tout ça a participé d'une sorte de faisceau d'indices,
24:24 le temps d'entre 18h et 23h30,
24:26 et il y a eu un démission des ministres.
24:28 Jean-Pierre Chevènement et Michel Rocart
24:30 ont quitté les gouvernements
24:32 parce qu'ils n'étaient pas d'accord, et ils l'ont fait.
24:35 -Le sujet, c'est de le dire sans le faire
24:38 et que ce ne soit pas sanctionné.
24:40 -Ou le faire, mais que ce soit refusé.
24:42 -Mais regardez, pour le coup,
24:44 François Hollande, et c'est comme ça qu'Emmanuel Macron
24:47 est devenu ministre, avait démissionné,
24:49 ou demandait à Arnaud Montebourg et Benoît Hamon
24:52 de démissionner pour des propos qui étaient, à mon sens,
24:55 infiniment moins...
24:57 Vous vous souvenez de la fameuse cuvée du redressement
25:00 de Arnaud Montebourg,
25:01 ce qui était moins philosophiquement grave
25:04 que d'avoir des membres d'une majorité
25:06 qui considèrent que vous versez dans l'indignité.
25:09 Ca, c'est quand même...
25:10 Rester au gouvernement après avoir exprimé publiquement
25:13 le fait que cette loi relevait de l'indignité,
25:16 je ne vois pas où est la cohésion.
25:18 -On avance dans le débat.
25:20 Sur les répercussions de cette crise politique,
25:22 d'abord sur la majorité.
25:24 Est-ce qu'Emmanuel Macron a tué le macronisme
25:27 en imposant cette loi à sa majorité, selon vous ?
25:30 Est-ce que c'est la fin de l'ADN du macronisme,
25:33 c'est-à-dire le "en même temps" ?
25:36 -Oui, parce que là, on voit bien
25:38 que pour répondre à une préoccupation des Français,
25:43 qui s'exprime quand même, enfin, on confirmerait,
25:46 mais depuis des années et des années,
25:48 ça n'est pas depuis hier matin
25:51 qu'on découvre que les Français,
25:53 dans tous les sondages, que ce soit l'IFOP,
25:56 l'IPSOS, etc., votre institut certainement,
25:58 trouvent qu'il y a trop d'étrangers en France,
26:01 que je sais plus quoi, qu'on se sent plus chez soi,
26:04 enfin, il y avait plein d'items
26:06 qui ont été étudiés depuis des années.
26:08 Donc, Emmanuel Macron, lorsqu'il a été élu en 2017,
26:12 n'a pas dit un mot ou très peu dans sa campagne en 2017
26:16 sur ce sujet-là.
26:18 Le régalien ne l'intéresse pas.
26:20 Il pensait que tout se réglait par l'économie,
26:22 le ruissellement, et qu'au fond,
26:24 il n'y avait pas vraiment ni de problèmes identitaires
26:28 ni de problèmes régaliens.
26:29 Et là, il est rattrapé quand même par la réalité.
26:32 Donc, effectivement, je pense que c'est la fin du en même temps.
26:36 Mais la fin du en même temps, ça veut dire aussi
26:39 que sa majorité se fracture.
26:41 -Est-ce qu'il y a un risque d'implosion, selon vous ?
26:44 -Risque ?
26:45 -Elle est dans l'implosion, là.
26:47 -On est dans l'implosion.
26:49 Sur la question que vous posiez sur la fin du en même temps,
26:52 ça fait longtemps qu'on ne résonne pas sur sa traduction politique.
26:56 C'est une forme de négation de la démocratie.
26:58 Le clivage, c'est ce qui fonde la démocratie.
27:01 Il n'y a pas de démocratie sans clivage.
27:03 Si on regarde les nouveaux clivages,
27:05 c'est vouloir substituer la morale à la politique
27:08 et le centrisme, celui qu'incarne Macron,
27:10 c'est vouloir substituer la technique aux politiques.
27:14 Demandons à McKinsey ou appliquons des rapports
27:17 pour que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes.
27:20 C'est une forme de déni du politique.
27:22 Je ne crois pas que le président de la République ait changé.
27:25 L'inspiration de cette loi, c'est la distinction qu'il y a
27:28 avec les Républicains. -Lui, il n'a pas changé.
27:31 La manière dont les autres le voient a changé.
27:33 -Carotte, je suis d'accord.
27:35 La traduction politique n'existe plus,
27:37 mais lui n'a pas changé.
27:39 La grande différence avec les Républicains
27:41 ou le RN, c'est qu'ils sont conscients
27:43 qu'il y a des choses non constitutionnelles.
27:46 Ils ont dit que nous ne changerions rien à l'immigration.
27:49 On n'est pas obligés d'être d'accord avec ce point de vue-là.
27:52 Aucune loi ou révision constitutionnelle
27:55 ne permet de gérer le réel en soi.
27:57 Mais au moins, sont-ils cohérents dans la démarche
28:00 en disant qu'il faut en passer par là si on veut tenir des résultats ?
28:03 -D'un mot, Didier Moss... -Ce qu'on voit en ce moment,
28:06 c'est la difficulté de M. Macron de tenir sa majorité,
28:09 même minoritaire, et en réalité, c'est un effet
28:12 de la révision constitutionnelle de 2008
28:14 sur l'interdiction de se représenter une troisième fois.
28:17 On savait au départ, moi, je l'ai dit en 2008,
28:20 le deuxième mandat sera difficile,
28:22 on a l'expérience des Etats-Unis.
28:24 Dès le printemps 2022,
28:26 on a bien vu que la question fondamentale
28:29 pour les députés "macronistes",
28:31 c'est qui va être notre chef la prochaine fois ?
28:34 On sait que ce ne sera pas Emmanuel Macron.
28:37 Jean-Louis Bourlange l'a dit d'ailleurs un jour,
28:39 très honnêtement, il nous manque un chef.
28:42 Tant qu'ils n'ont pas de chef, c'est la discipline.
28:45 -Est-ce qu'Emmanuel Macron ne paye pas aussi un peu
28:47 la façon dont il a pu traiter parfois le Parlement depuis 2017 ?
28:51 On a entendu certains députés de la majorité
28:53 se plaindre que la commission mixte paritaire
28:56 se joue dans le bureau d'Elisabeth Borne à Matignon.
28:59 -Ca a toujours été comme ça.
29:01 La révision constitutionnelle de 2008,
29:03 la vraie commission mixte paritaire,
29:05 il y en a une dans le bureau de Nicolas Sarkozy,
29:09 où il a réuni les dignitaires de la révision,
29:12 il leur a dit "c'est comme ça",
29:14 et le lendemain, tout le monde s'est écrasé.
29:16 -Ca a toujours été comme ça, avec un bémol.
29:19 Les autres présidents avaient une pratique similaire,
29:22 sauf qu'ils avaient des vrais politiques.
29:24 Une autre réforme qui a eu un impact profond,
29:27 c'était l'interdiction du cumul des mandats.
29:29 Nous avons des parlementaires qui ont moins d'expérience politique,
29:33 moins de passé politique et moins d'épaisseur politique.
29:36 C'est une chose que le président de la République
29:39 a fait, mais c'est une autre
29:40 qui n'y est plus aucune résistance au Parlement,
29:43 faute d'avoir les personnalités pour le porter politiquement.
29:47 Ca change profondément.
29:48 -Il nous reste peu de temps pour aborder
29:50 les conséquences de cette crise.
29:52 Carole Barjon, on a vu que la droite a réussi
29:55 à faire voter le texte qu'elle souhaitait,
29:57 que le RN a imposé une partie de ses idées
30:00 dans le débat public.
30:01 Ils sortent tous les deux gagnants ?
30:03 -Alors, moi, je pense que, ponctuellement,
30:06 ponctuellement,
30:07 LR a plutôt gagné cette séquence.
30:12 C'est un projet de loi retaillot,
30:14 dont il restera ce qu'il restera,
30:17 mais, en tout cas, là,
30:19 ils ont, oui, clairement, ils ont bossé,
30:22 et je trouve que, au fond,
30:24 ce sont eux qui ont gagné la séquence.
30:27 Marine Le Pen a fait un super coup médiatique,
30:30 en, effectivement, expliquant
30:33 que c'était la victoire idéologique de son parti, etc.,
30:37 mais est-ce si vrai ?
30:39 On met beaucoup l'accent sur la préférence nationale.
30:42 François Hollande l'a fait dans le monde
30:44 aujourd'hui ou hier,
30:46 mais toutes ces mesures,
30:50 enfin, beaucoup de ces mesures,
30:52 étaient déjà dans le programme du RPR
30:54 dans les années 90.
30:56 LR, c'est l'héritier du RPR.
30:59 Donc, moi, je pense que, ponctuellement,
31:03 les Républicains ont gagné cette semaine,
31:05 cette séquence, maintenant,
31:07 ils n'ont pas d'incarnation présidentielle.
31:09 Ca ne veut rien dire.
31:11 -D'un mot, Adrien Broche,
31:12 est-ce que c'est le meilleur moyen
31:14 de combattre les idées du RN ?
31:16 C'est la thèse défendue par Emmanuel Macron.
31:19 -C'est un élément important de l'interview d'hier.
31:22 Si on se replace un peu dans la typologie des réponses ORN,
31:25 on a une première réponse qui consiste à éviter ces sujets.
31:29 C'est un peu la proposition, au fond, les Insoumis.
31:32 Il ne faut pas aller sur le terrain du régalien,
31:34 de la laïcité, de l'immigration,
31:36 parce que c'est l'argument du "faire le jeu de".
31:39 Il y a un autre type d'argument,
31:41 plutôt celui d'Emmanuel Macron,
31:42 qui est qu'on va investir ces sujets-là
31:45 et on va essayer de démonter le RN,
31:47 d'y apporter des réponses.
31:49 Avant, c'était plutôt sur le côté technique, résultat.
31:52 Là, c'est plutôt sur la grammaire
31:54 ou la manière d'aborder les sujets.
31:56 On peut aller sur un terrain et se dire
31:58 qu'on va apporter une réponse républicaine
32:01 à la question de la sécurité, autoritaire ou pas.
32:04 C'est cette grammaire-là qui est importante.
32:06 Là, il est dans un flou,
32:07 et c'est le malentendu du point de vue de sa majorité,
32:10 qui lui reproche non seulement d'aller sur ce terrain-là,
32:13 mais en plus, d'y épouser des solutions,
32:16 voire d'y adopter des mots.
32:18 -C'est surtout un objectif politique absurde
32:20 que de faire de la lutte contre le RN.
32:22 L'objet premier de la politique, c'est de répondre
32:25 aux attentes des citoyens français.
32:27 Quand un ministre de la Santé démissionne
32:29 parce qu'il a des états d'âme par rapport aux APL
32:32 ou à une disposition de cette loi-là,
32:34 et qu'on apprend que plus de 6 700 lits
32:36 ont été fermés en France l'année dernière,
32:39 que les services d'urgence sont fermés,
32:41 qu'il n'y a pas de professeurs face aux enfants,
32:44 le meilleur moyen de lutter contre le RN
32:46 ou contre n'importe quel autre parti d'opposition,
32:49 c'est de faire en sorte que le pays soit géré et gouverné.
32:52 -Merci à tous les quatre d'être venus
32:54 sur le plateau de "Ça vous regarde".
32:57 Bruno Tertrais, vous restez avec nous.
32:59 Dans une dizaine de minutes,
33:01 ce sont nos affranchis qui vont entrer en scène.
33:03 Avec Richard Verly, on parlera politique migratoire
33:06 mais au niveau européen.
33:08 Pierre-Henri Tavaio essaiera de définir
33:10 ce qu'est la culture générale.
33:12 Enfin, la chronique Bourbon Express de Marco Pommier.
33:15 De quoi comptez-vous nous parler ?
33:17 -Ce soir, je vous parle du 31e épisode
33:20 de la série "Motion de censure".
33:21 Ca passe sur LCP depuis un an et demi,
33:24 mais ça commence à l'assayer.
33:25 -Ca passionne nos téléspectateurs.
33:27 Merci, Marco. A tout à l'heure.
33:30 On témoigne à présent Bruno Tertrais,
33:32 directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique.
33:35 Si on vous invite, c'est parce que vous nous proposez
33:38 une grille de lecture des crises qui secouent le monde.
33:41 Cette grille de lecture est au coeur de votre dernier ouvrage
33:45 que nous présente Marco Pommier avec Baptiste Gargui-Chartier.
33:48 -Si on vous invite, Bruno Tertrais,
33:53 c'est pour avoir votre regard sur ces conflits qui s'enlisent.
33:57 D'un côté, l'embrasement du Proche-Orient
33:59 entre le Hamas et Israël.
34:01 De l'autre, l'Ukraine en guerre contre la Russie.
34:04 Alors serait-ce un nouvel ordre mondial ?
34:07 Vous qui prédisez dans votre dernier livre
34:10 la guerre des mondes avec un affrontement inéluctable
34:13 entre l'Occident et l'axe sino-russe.
34:16 -C'est aussi une guerre culturelle,
34:18 parce qu'aujourd'hui, Xi Jinping et Vladimir Poutine
34:21 veulent refaire le monde à leur image.
34:23 C'est un monde qui ne nous convient pas,
34:26 à nous, Occidentaux.
34:27 -Bruno Tertrais, vous êtes politologue,
34:29 spécialiste en géopolitique
34:31 et directeur adjoint de la Fondation
34:33 pour la Recherche Stratégique.
34:35 Un prix Vauban pour l'intégralité de votre oeuvre,
34:38 plusieurs ouvrages à votre actif,
34:40 dont l'un très remarqué, "Le président et la bombe".
34:43 Dans votre nouveau livre,
34:45 vous évoquez cette nouvelle guerre, une guerre tiède.
34:48 -Une guerre à la fois militaire, politique, économique, technologique.
34:52 Ca sera différent de la guerre froide qu'on a connue
34:55 au XIXe siècle.
34:56 Les mondes dont je parle, ce sont deux grandes familles,
34:59 pas deux blocs, mais deux familles,
35:01 une plutôt libérale, occidentale, l'autre plutôt eurasiatique.
35:05 -Cette fois, vous nous plongez dans une nouvelle ère.
35:08 Vous analysez la tectonique des plaques géopolitiques
35:11 qui, dites-vous, se sont remises à bouger.
35:13 Pour bien comprendre, flashback historique,
35:16 vous évoquez d'abord les années 1910,
35:19 celle de la compétition des empires,
35:21 les années 30,
35:22 celle de la menace des Etats fascistes,
35:25 puis les années 50, avec la guerre froide.
35:27 Aujourd'hui, la Chine et la Russie contestent
35:30 l'ordre international, l'une avec Taïwan,
35:34 l'autre avec l'Ukraine, une revanche contre l'Occident.
35:37 -Et, Dieu de nui,
35:38 aujourd'hui, vous vous battez pour nos enfants dans le Donbass,
35:42 pour la sécurité de notre patrie, la Russie.
35:46 -Vous parlez d'un monde ni bipolaire ni multipolaire
35:50 où se déroulera une guerre d'influence permanente
35:53 et elle pourrait durer plusieurs décennies, selon vous.
35:56 Alors, Bruno Tertré,
35:58 dans cette guerre des mondes, qui sortira vainqueur ?
36:01 -Je ne vais pas vous demander de faire une prédiction hasardeuse,
36:04 mais ce qui ressort de votre livre,
36:07 c'est une forme d'optimisme sur les atouts
36:09 dont dispose l'Occident.
36:11 C'est un peu à contre-courant de ce qu'on entend
36:14 majoritairement aujourd'hui.
36:15 Quels sont ses atouts ?
36:17 -L'Occident, c'est vrai, a tendance
36:20 à s'autoflageler et à se dire qu'il y a quelque chose
36:22 d'inéluctable au fait que des néo-empires
36:25 tels que la Chine, la Russie et d'autres,
36:28 eh bien, après tout, c'est peut-être leur tour
36:30 de dominer le monde et qu'il y a peut-être
36:33 quelque chose de normal à voir un Occident
36:36 qui a beaucoup pêché et qui a beaucoup fauté
36:38 prendre ses distances avec le leadership
36:41 qu'il a exercé, en tout cas, au moins partiellement,
36:45 depuis 1945, voire depuis beaucoup plus longtemps.
36:48 En fait, je crois qu'effectivement,
36:50 nous, Européens, nous, Occidentaux,
36:52 nous avons des atouts.
36:53 D'abord, le fait que nous sommes des sociétés démocratiques,
36:57 donc résilientes, plus inventives aussi.
36:59 Regardez, je prends un exemple très concret.
37:02 Quelles sont les sociétés qui, face à une crise majeure
37:05 que le monde n'avait jamais connue,
37:07 celle du Covid-19, ont inventé les vaccins performants,
37:10 ceux qui marchaient, ceux avec lesquels, j'imagine,
37:13 vous et moi, on s'est fait vacciner ?
37:16 C'est pas les Chinois, c'est pas les Russes,
37:18 c'est les Américains et les Européens,
37:20 souvent avec des gens qui ont émigré
37:22 depuis d'autres parties du monde.
37:25 Cette capacité d'inventivité, de réactivité,
37:27 c'est typiquement un atout important de l'Occident.
37:30 -Comment expliquez-vous que l'universalisme,
37:33 soit rejeté par une grande partie du monde ?
37:35 Que les démocraties ne soient plus un modèle
37:38 qui attire qu'une partie de l'opinion ?
37:40 -Je vous arrête. La démocratie, officiellement,
37:43 est toujours un modèle qui attire.
37:45 Les Etats-Unis et le Royaume-Uni se prétendent démocratiques.
37:49 -Vous faites des statistiques qui montrent
37:51 qu'il y a de moins en moins de démocratie libérale.
37:54 -Notre modèle de démocratie libérale,
37:56 tel qu'il est pratiqué dans la majorité des pays dits occidentaux,
38:00 eh bien, il subit une crise, c'est vrai,
38:02 mais il n'y a pas de recul massif de la démocratie dans le monde.
38:06 On est encore dans un monde dans lequel,
38:08 depuis le début du 20e siècle,
38:10 il y a eu une lente, avec des à-coups,
38:12 avec des erreurs, avec des allers-retours,
38:15 des grandes progressions.
38:16 La démocratie n'est pas en train de tomber.
38:19 Elle est en crise, notamment en Occident,
38:21 mais pas rejetée par les peuples.
38:23 La majorité des Chinois et des Russes
38:25 veulent vivre dans des pays fascistes.
38:28 Je ne crois pas que ce soit le cas.
38:30 Ils acceptaient l'idée d'être gouvernés
38:32 par des pouvoirs autoritaires, du moment que la croissance,
38:35 l'accès au logement, l'accès aux biens de consommation,
38:40 c'est quelque chose qui n'est pas très communiste,
38:43 c'est plutôt quelque chose qui vient du capitalisme libéral.
38:46 -Les Chinois et les Russes se révoltaient
38:48 contre leurs dirigeants ? -Je les vois
38:51 de plus en plus insatisfaits.
38:53 En Russie, ça ne se voit pas trop ouvertement,
38:55 mais regardez les Chinois, qu'est-ce qu'ils font ?
38:58 D'abord, ils en ont eu marre des restrictions
39:01 quasiment totalitaires imposées par leur gouvernement
39:04 pendant le Covid. Ils se sont révoltés.
39:06 Aujourd'hui, ils sont de plus en plus en retrait de la société,
39:10 ils font plus du tout l'enfant.
39:12 La crise démographique, elle est d'abord et avant tout...
39:15 On a une crise démographique en Europe,
39:17 mais elle est d'abord et avant tout chinoise, russe
39:20 et dans d'autres pays du monde.
39:22 Donc, si vous voulez, je ne vois pas de révolte, évidemment,
39:25 contre ces dirigeants aujourd'hui,
39:27 mais je pense que le pari qui consiste à dire
39:30 que parce que ce sont des pouvoirs autoritaires,
39:33 ils ont plus de chance d'avoir de la stabilité sur le long terme,
39:36 n'est pas forcément gagnant.
39:38 -La guerre tiède que vous nous décrivez,
39:40 parce qu'elle a déjà débuté à vos yeux,
39:43 vous expliquez que le terrain militaire
39:45 ne sera pas le principal champ de bataille.
39:48 Qu'est-ce qui va primer ? -D'abord, l'influence.
39:50 -Vous mettez quoi là-dedans ?
39:52 -L'influence, c'est gagner la bataille des idées,
39:55 la bataille de la propagande, y compris avec de fausses nouvelles,
39:59 des fameuses fake news, par la conjonction
40:02 des réseaux sociaux, des chaînes d'information.
40:05 -Vous parlez de la globalisation des émotions
40:08 et de la dégradation des émotions.
40:10 -Je ne suis pas le seul à parler de ça,
40:12 mais aujourd'hui, dès qu'il y a une crise ou un conflit
40:15 ou un événement dans le monde,
40:17 les réseaux sociaux et les chaînes d'information
40:20 amplifient considérablement
40:22 et rendent immédiatement accessibles
40:25 ces images créatrices d'émotions.
40:27 -On est armés, nous, de l'Occident,
40:29 pour contrer les discours... -On commence à l'être.
40:32 Pourtant, c'est une bataille qui ne fait que commencer,
40:35 et on va avoir, à partir de cette année,
40:37 notamment dans les campagnes électorales,
40:40 qui vont se dérouler en 2024,
40:42 beaucoup de fausses vidéos,
40:45 de fausses images générées par l'intelligence artificielle,
40:48 et donc la compétition de l'influence,
40:51 ça se fait aussi à travers des batailles d'images.
40:53 L'élection américaine va être un vrai test de ce point de vue-là.
40:57 Les démocraties commencent à savoir se défendre,
41:00 mais c'est vrai que là, elles ne partent pas
41:03 avec un atout d'avance,
41:05 puisque les Chinois et les Russes se permettent à peu près tout,
41:08 y compris contre espèces sonores très bûchantes.
41:11 Il y a des agents de ces sociétés à peu près partout en Occident.
41:15 -On évoque la guerre en Ukraine.
41:17 Elle a eu le mérite, selon vous, de dessier les yeux
41:20 sur la réalité du régime russe,
41:21 sur la nécessité d'assumer l'épreuve de force
41:24 face à nos ennemis, sauf qu'on voit
41:26 que l'aide occidentale à l'Ukraine est en train de faiblir,
41:30 que l'armée russe enregistre à nouveau des succès
41:33 et qu'une réélection de Donald Trump
41:35 à la fin de l'année prochaine n'est pas impossible.
41:38 Est-ce que 2024 pourrait être l'année
41:40 de toutes les victoires pour Vladimir Poutine ?
41:42 -Il y aura une victoire qui est assurée,
41:45 c'est celle de sa réélection. -Ca fait pas trop de doute.
41:48 -Vous me parlez de victoire militaire russe.
41:51 Je n'en vois pas. Je vois des petites tentatives limitées
41:54 de l'armée russe de reconquérir du terrain,
41:56 qui se soldent, certes, parfois, par la reconquête
41:59 de quelques kilomètres carrés, mais à un coût phénoménal
42:02 pour un homme. Je crois que plutôt en 2024,
42:05 on aura toujours cette stabilité globale du front,
42:07 mais avec un effort ukrainien, sans doute,
42:10 pour s'adresser à la Crimée,
42:12 car leur stratégie, au lieu de prendre les Russes
42:14 frontalement, ce sera plutôt d'essayer de les déloger
42:17 de Crimée par de multiples moyens. J'en dis pas plus,
42:20 ce sera, à mon sens, la question militaire
42:23 sur le terrain ukrainien de 2024.
42:26 -Et cette menace d'une réélection de Donald Trump ?
42:29 -Les Ukrainiens le savent et y pensent déjà depuis six mois.
42:32 Ils commencent à s'organiser. -Les Européens ?
42:35 -Les Européens, justement, pas encore totalement.
42:38 C'est vrai que si Donald Trump est élu au mois de novembre,
42:41 ça forcera les Européens à prendre le relais,
42:45 mais les Européens font déjà beaucoup.
42:47 Ils ont maintenant six, huit, dix mois pour s'organiser,
42:51 pour, en gros, permettre à leurs industries de défense
42:54 de connaître un saut qualitatif
42:56 dans la production de matériel et de munitions pour l'Ukraine
42:59 à partir de janvier 2025, au cas où Donald Trump
43:02 décide de fermer les robinets.
43:04 A mon avis, ça sera pas aussi simple que ça pour lui,
43:07 ça met du temps.
43:08 Si vous laissez un or, on appuie sur un bouton,
43:10 et rien part pour l'Ukraine.
43:12 Les Européens, pour que l'Ukraine puisse l'emporter,
43:15 doivent se préparer à cette éventualité.
43:17 -Vous avez écrit votre livre avant que le Proche-Orient
43:20 ne revienne au coeur de l'actualité.
43:23 Comment cette guerre entre Israël et le Hamas
43:25 s'inscrit-elle dans la guerre des mondes ?
43:27 -Elle s'inscrit parfaitement dedans.
43:30 Ce que je décris, c'est la stratégie
43:32 de quatre néo-empires revanchistes,
43:34 la Russie, la Chine, l'Iran, mais aussi la Turquie,
43:37 à sa manière, qui veulent désormais avancer leur pion
43:40 contre l'Occident au sens le plus large du terme,
43:43 y compris Israël, qui est quand même
43:45 un pays globalement de culture occidentale,
43:48 et avec des pratiques qui sont parfois de type génocidaire,
43:51 la Chine avec les Ouïghours, la Russie avec les Ukrainiens,
43:54 la Turquie, pas directement, même si elle a passé génocidaire,
43:58 mais un pays de géants qui, lui, a des comportements
44:01 de ce type contre une partie de la population arménienne,
44:05 et l'Iran, eh bien, l'Iran soutient le Hamas.
44:07 Ca fait bien partie de cette guerre des mondes que je décris,
44:11 même si c'est un conflit qui a sa dynamique propre.
44:14 -Dans ce contexte,
44:15 est-ce que l'objectif militaire réaffirmé
44:17 par Benyamin Netanyahou d'éliminer le Hamas,
44:20 il n'y aura pas de cesser le feu à Gaza
44:22 avant cette élimination du Hamas,
44:24 est-ce que cet objectif militaire vous semble atteignable ?
44:28 -Quand on dit "éliminer",
44:29 ça veut dire réduire à néant, du point de vue de la menace militaire.
44:33 Evidemment, on n'élimine jamais totalement
44:35 un mouvement de ce type.
44:37 Vous pensez qu'on a éliminé le nazisme en 1945 ?
44:40 Non, on a réduit à néant sa capacité de nuisance.
44:43 Il y avait encore des nazis en 1945.
44:45 Il y aura encore des militants du Hamas.
44:47 Le problème, c'est plutôt à quel prix ?
44:49 Et là, le prix que paye la population gazaouie
44:52 peut sembler, à de nombreux observateurs,
44:54 et c'est tout à fait légitime, excessif
44:57 à l'objectif tout aussi légitime d'Israël,
44:59 qui est de dire "nous ne pouvons pas continuer à vivre
45:02 "avec cette menace-là".
45:04 -Un mot pour conclure de la situation de Taïwan.
45:06 On en parle peu en France, mais pour vous,
45:09 c'est Taïwan qui présente le plus gros risque
45:11 d'embrasement mondial, de guerre mondiale.
45:14 -Je suis optimiste sur le risque de guerre mondiale.
45:17 Il y a dans le système international
45:19 des cordes de rappel, l'interdépendance économique
45:22 et financière, la dissuasion nucléaire,
45:24 les alliances et les armes nucléaires.
45:27 Il y a le seul vrai risque de conflit mondial,
45:29 parce que si Xi Jinping devait s'emparer de Taïwan par la force,
45:33 les Etats-Unis seraient obligés de réagir,
45:36 sauf peut-être avec Trump, d'où l'importance du facteur Trump.
45:39 Là, il y aurait une bataille de titans qui s'engagerait,
45:42 dont les répercussions seraient mondiales,
45:45 pas forcément tout de suite sur le plan militaire,
45:48 mais au moins sur le plan économique, commercial et financier.
45:51 Si vous pensez que la guerre d'Ukraine
45:53 était une guerre aux répercussions économiques,
45:56 vous avez des conséquences 10 fois plus grandes.
45:59 -Merci, Bruno Tertrais.
46:00 Je rappelle le titre de votre dernier ouvrage,
46:03 "La guerre des mondes", sous-titre "Le retour de la géopolitique
46:07 "et le choc des empires", aux éditions de l'Observatoire.
46:10 Vous restez avec nous, parce qu'on accueille à présent
46:13 nos affranchis, qui vont rentrer tout de suite sur le plateau.
46:17 Musique rythmée
46:19 ...
46:21 Installez-vous, messieurs, Pierre-Henri Tawayo,
46:24 Richard Verly et Marco Pommier.
46:27 Bonsoir, Marco. -Bonsoir, Clément.
46:29 -De quoi parlez-vous dans votre chronique "Bourbon Express" ?
46:32 -Je vous raconte l'histoire du 31e épisode
46:35 de la série "Motion de censure".
46:36 C'était cet après-midi, dans l'hémicycle,
46:39 dernière motion de la séquence budgétaire,
46:41 "Motion déposée par la gauche",
46:43 en réaction au 23e 49-3 d'Elisabeth Borne,
46:47 déclenché lundi pour faire adopter définitivement le budget 2024.
46:51 Clément, je vous passe les roulements de tambour.
46:54 Inutile de faire durer le suspense, le gouvernement n'a pas été renversé.
46:58 -Majorité requise pour l'adoption de la motion de censure
47:01 sur la majorité absolue des membres de cette assemblée 289
47:05 pour l'adoption 116.
47:06 La majorité requise n'étant pas atteinte,
47:08 la motion de censure n'est pas adoptée.
47:11 En conséquence, le projet de loi de finances pour 2024
47:14 est considéré comme adopté.
47:15 -Clap de fin. Il était temps, vous allez me dire,
47:18 parce qu'il y avait plus grand monde pour suivre cette série.
47:21 -Il y a eu un hémicycle quasiment vide cet après-midi.
47:24 Dans la salle des 4 colonnes, je vous avoue,
47:27 je me suis senti un peu seul,
47:28 aucun journaliste pour suivre la séance.
47:31 -Pourquoi ce désintérêt ?
47:32 -C'est l'inconvénient des séries trop prévisibles,
47:35 sans repondissement ni coup de théâtre.
47:37 Rappelons le synopsis.
47:39 Par principe, voter le budget du gouvernement,
47:41 c'est appartenir à la majorité.
47:43 Pour les oppositions, c'est hors de question.
47:46 Comme l'Assemblée est en majorité relative,
47:48 pour ce plateau, le gouvernement déclenche une série de 49.3
47:51 pour faire adopter les différentes parties de son budget.
47:55 L'opposition répond, motion de censure,
47:57 sauf les Républicains, qui sont contre le budget,
48:00 mais qui ne votent pas les motions.
48:01 Résultat, le gouvernement n'est jamais renversé.
48:04 Pour Elisabeth Borne, toutes ces motions, ça n'a pas de sens.
48:08 -Les motions de censure sont censées être réservées
48:10 pour des moments exceptionnels.
48:12 Lors de la précédente législature en majorité relative,
48:16 de 1988 à 1993,
48:20 39.49.3 avait conduit à seulement 8 motions de censure.
48:25 -La Première ministre vise principalement la gauche.
48:28 C'est la gauche qui a déposé le plus de motions
48:31 depuis le début de la législature.
48:33 La France Insoumise le fait systématiquement.
48:36 -B.Mannucat, à quoi ça sert de déposer
48:38 des motions de censure régulièrement
48:40 qui n'ont aucune chance d'être adoptées ?
48:42 -C'est un réflexe.
48:43 49.3 = motion de censure.
48:45 C'est un outil antidémocratique.
48:47 Les gens qui nous regardent doivent savoir
48:49 que c'est l'outil dont dispose l'opposition
48:52 pour dénoncer l'usage du 49.3.
48:53 -Qu'est-ce qu'on fait pour essayer de trouver un accord
48:57 sur le budget, par exemple, le prochain budget en 2025 ?
49:00 -La Première ministre pourrait attendre la fin de l'examen
49:03 et le constat réel de l'absence de majorité
49:05 pour dégainer son 49.3 et à minima reprendre
49:08 les amendements votés par les parlementaires.
49:10 On ne peut même pas voter les amendements.
49:13 C'est un outil pour les écologistes,
49:15 donc des motions de censure en pagaille.
49:17 Si on regarde dans les archives, c'est un outil
49:20 qui semble peu efficace depuis le début de la Ve République.
49:23 90 motions ont été examinées.
49:25 Une seule a été adoptée, c'était en 1962.
49:27 Georges Pompidou, alors Premier ministre,
49:29 avait dû remettre la démission de son gouvernement
49:32 au général de Gaulle. -Merci beaucoup,
49:34 Marco Pommier. On va passer à votre chronique,
49:37 à vous, Richard Verdi. Bonsoir. -Bonsoir.
49:40 -Il n'y a pas qu'à Paris qu'on parle de loi immigration,
49:43 à Strasbourg, un accord est enfin intervenu
49:45 au niveau européen sur ce qu'on appelle
49:47 le paquet législatif asile et migration.
49:50 Pour vous, Richard, cela ne va pas stopper
49:52 ceux qui réclament des murs pour arrêter les migrants.
49:55 -Effectivement. Je vais d'abord vous rappeler
49:58 deux faits particulièrement éclairants.
50:00 Le premier, c'est le calendrier, le pacte asile et migration
50:03 sur lequel les 27 sont enfin tombés d'accord,
50:06 il avait été présenté par la Commission européenne
50:09 en septembre 2020, il y a trois ans.
50:11 Il doit encore être voté définitivement
50:13 par le Parlement européen,
50:15 puis transposé dans leur droit pour sa partie législative
50:18 par les Etats membres. Bref, ces mesures européennes
50:21 pour gérer l'afflux de migrants, elles viennent quand même
50:24 bien tard, il faut se féliciter de leur adoption,
50:27 mais on est encore loin du Big Bang d'application immédiate
50:30 qui est exigé par l'explosion du nombre des demandes d'asile
50:34 dans l'Union, il y en a eu près de 900 000 en 2022.
50:37 Le second fait, c'est la coïncidence,
50:39 qui s'est faite entre l'adoption de ce paquet législatif européen,
50:43 qui s'imposera à tous les Etats membres,
50:45 et le débat la veille sur le projet de loi français.
50:48 Ca s'est passé simultanément.
50:50 Clément, à aucun moment, Gérald Darmanin n'a évoqué
50:53 la négociation parallèle à Strasbourg.
50:55 C'était pourtant, en même temps, rien, pas un mot,
50:58 alors que la gestion migratoire dépend quand même d'abord
51:01 du contrôle des frontières extérieures de l'Union
51:04 et de ses futures règles européennes.
51:06 On continue de faire croire que l'immigration
51:09 peut se régler au niveau national,
51:11 or c'est largement faux.
51:12 -Ce texte est adopté, ça veut dire que tout va changer ?
51:15 -Disons que l'Union européenne prend enfin la mesure des migrations.
51:19 L'harmonisation des législations sur le droit d'asile
51:22 va pouvoir enfin commencer.
51:24 La création de centres d'accueil et de tris,
51:26 pardonnez-moi l'expression, des réfugiés
51:29 aux portes de l'Union et préconiser le lien effectif
51:32 entre l'aide au développement et l'acceptation
51:35 des pays d'origine ou de transit des migrants déboutés de l'asile
51:38 va pouvoir avoir lieu.
51:39 L'agence Frontex de contrôle des frontières de l'UE
51:42 va être étoffée et il y a le plan de répartition des migrants,
51:46 vous savez, le nécessaire acte de solidarité
51:48 entre pays membres de l'Union, qui va être mis en oeuvre.
51:52 Le problème, c'est que la plupart des dirigeants européens,
51:55 eux, continuent de miser sur des solutions nationales,
51:58 voire sur des murs ou des frontières hérissées de barbelés.
52:01 Certains refusent les solutions communautaires,
52:04 comme le ministre hongrois, Victor Orban.
52:07 Le drame, c'est que ce pacte sur l'asile et l'immigration
52:10 est traité comme une seconde ligne de défense,
52:12 alors que nos frontières européennes
52:15 constituent la première ligne.
52:17 -Merci, Richard. Bruno Tertrais,
52:19 vous partagez cette analyse ?
52:20 -Oui, c'est une excellente analyse.
52:22 J'ai beaucoup regretté, justement,
52:25 que, alors qu'on était en plein débat sur la loi immigration,
52:28 cet événement politique majeur, après des années de discussion,
52:32 sur le pacte asile-immigration, intervient,
52:34 et on n'en parle quasiment pas, alors que c'est le coeur du sujet.
52:38 Je disais, en plaisantant à Moiti, il y a quelques années,
52:41 qu'on a fait un petit peu l'erreur,
52:43 je soutiens, je suis un Européen, comme nombre d'entre nous,
52:47 mais on a fait les mêmes erreurs avec les frontières extérieures
52:50 qu'on a faites avec l'euro.
52:52 C'est-à-dire qu'avant, on a fait l'euro
52:54 sans faire de convergence budgétaire,
52:57 alors qu'il aurait fallu...
52:58 On a fait la libre circulation
53:00 avant de faire le contrôle des frontières.
53:03 C'est un peu facile de dire cela,
53:05 mais il y a quelque chose de vrai.
53:07 C'est tout à fait juste, ce que vous dites.
53:09 On voit encore, avec ce qui s'est passé en Grande-Bretagne
53:12 dans les mois derniers et en Italie dans les semaines dernières,
53:16 que les pays qui votent pour un meilleur contrôle
53:19 de leurs frontières et contre l'immigration
53:21 sont forcés d'avoir davantage recours à l'immigration.
53:25 C'est en lien aussi avec ce qu'on disait tout à l'heure
53:28 avec la natalité et le déclin de la population active
53:31 et des populations qui vieillissent.
53:33 Je partage cette analyse.
53:34 La question, pour moi, c'est de savoir
53:37 si cela aura un impact sur les élections européennes,
53:40 sur le scrutin du mois de juin.
53:42 Seront-ce des mesures suffisamment visibles et perçues
53:45 comme suffisamment fortes
53:47 pour influer, dans un sens ou dans un autre, d'ailleurs,
53:50 sur le vote des électeurs européens au mois de juin prochain ?
53:53 -Vous craignez que l'opinion publique
53:56 ne se focalise que sur des mesures nationales ?
53:58 -Non, je pense que ces débats sont devenus tellement techniques
54:02 que les électeurs, malgré ce qu'on nous a dit tout à l'heure
54:05 sur la perception, mesure par mesure,
54:07 de la loi d'Armanin, que les électeurs se définissent
54:10 en fonction de principes généraux et qu'ils seront toujours
54:13 plus attirés, c'est la nature humaine,
54:16 par un mur visible, même s'il n'est que efficace.
54:19 Ca ne veut pas dire que les murs ne servent à rien.
54:21 J'ai aussi écrit sur les frontières.
54:24 Les murs, ce sont aussi des symboles.
54:26 Le philosophe ne me démentira pas.
54:28 Les symboles, c'est important pour les peuples.
54:30 -Bonsoir, Pierre-Henri Tavoyot. -Bonsoir.
54:33 -Vous vous êtes penché sur les résultats catastrophiques
54:36 de la France dans l'enquête PISA consacrée à l'école
54:39 et sur les déclarations du ministre de l'Education nationale,
54:42 Gabriel Attal, qui a promis un "choc des savoirs".
54:45 Il veut mettre l'accent sur l'apprentissage
54:48 de la culture générale. Vous vous êtes interrogé
54:50 sur comment définit-on la culture générale.
54:53 -C'est ce qu'est la culture générale,
54:55 ce qu'il n'est pas permis d'ignorer. Ca suscite un consensus total.
54:59 Quand on va essayer de la définir en détail,
55:01 ça devient plus compliqué.
55:03 Il y a une sorte d'antinomie qui se met en place
55:05 entre ceux qui disent que c'est un SMIC culturel,
55:08 un kit de survie, on a entendu ces expressions,
55:11 ou ceux qui se lancent dans une liste
55:13 digne des questions pour un champion
55:15 avec une nomenclature qui n'en finit pas.
55:18 -Pourquoi est-ce qu'il est aussi difficile
55:20 de définir le contenu ?
55:21 -On recule. La notion de culture générale date de 1905.
55:24 C'est la loi sur l'enseignement secondaire en France.
55:27 C'est le moment où on va substituer, justement,
55:30 à la culture des humanités, la culture générale.
55:33 Les humanités, c'est vraiment très élitiste.
55:35 C'est Cicéron qui dit que les humanités,
55:38 c'est ce qui rend l'homme encore plus homme,
55:40 mais aussi ce qui peut le sauver.
55:42 En lisant des oeuvres éternelles, d'une certaine façon,
55:45 il y a une parcelle de cette immortalité
55:48 qui revient sur le lecteur. C'est quelque chose
55:51 qui rend religieux les humanités.
55:52 La culture générale, c'est plus modeste,
55:55 plus utilitaire, plus mordaine.
55:57 Il y a des sciences.
55:58 La perspective de salut disparaît un peu.
56:00 Cette culture générale, qui est plus démocratique,
56:03 se trouve immédiatement confrontée à deux types de critiques.
56:07 D'un côté, la critique, j'allais dire, à la Finkelkraut,
56:10 c'est-à-dire que la démocratie, ça égalise.
56:12 Si ça égalise, il n'y a plus de culture,
56:15 parce qu'un rap vaut Madame Bovary,
56:17 un tag vaut Léonard De Vinci.
56:19 Donc, au fond, la culture disparaît dans la démocratie.
56:22 A l'inverse, et là, je vais faire du bourdieu,
56:25 pas du tout, c'est au contraire la culture générale
56:28 qui menace la démocratie.
56:29 En définissant la culture générale,
56:31 on crée des délits d'initiés.
56:33 Il y a ceux qui savent, ceux qui ne savent pas,
56:36 ceux qui ont les codes, et ceux qui n'ont pas les codes
56:39 ne vont pas dans la censure sociale.
56:41 -Definir la culture générale, c'est impossible ?
56:43 -Je crois que c'est possible, mais il faut se mettre d'accord
56:47 avec les contenus. Il faut le rappeler,
56:49 il faut savoir des choses par coeur,
56:51 des dates, des cartes, des oeuvres, des récits,
56:53 il faut le savoir. On ne peut pas se lancer dans une liste,
56:57 parce que la liste sera forcément manquante, déficiante,
57:00 et le but de la culture générale, c'est pas l'érudition,
57:03 c'est de mettre les savoirs en culture.
57:05 C'est là que la méthode intervient.
57:07 Dans la querelle des anciens et des modernes,
57:10 au XVIe et XVIIe siècle, il y avait une très belle métaphore
57:13 qui opposait les fourmis, les araignées et les abeilles.
57:16 La fourmi, c'était l'archétype de l'ancien,
57:19 celui qui lit, qui accumule, mais sans rien produire.
57:22 C'est l'érudit stérile. L'araignée,
57:24 c'est le synonyme des modernes, qui n'a pas besoin des autres,
57:27 qui se débrouille tout seul, qui déduit tout d'elle-même,
57:30 elle produit sa toile à partir de sa propre bave.
57:33 Et puis, il y a l'abeille. C'est l'idéal,
57:35 parce qu'elle a besoin des fleurs pour butiner,
57:38 elle va chercher, et elle en fait le miel,
57:40 qui est tout leur, tout sien.
57:42 C'est ça. L'étymologie du mot "examen"
57:45 est intéressante. "Examen", en latin,
57:47 ça veut dire "lessain d'abeille".
57:49 Dites ça à vos enfants quand ils passent des examens.
57:52 Il y a la ruche, le cerveau,
57:53 puis on va envoyer les abeilles exploratrices
57:56 aller cueillir des choses sur les fleurs,
57:58 ramener le nectar, et on va faire le miel,
58:01 la dissertation en quatre heures.
58:03 C'est ça, la culture générale, c'est l'art sérieux du butinage.
58:06 Voilà comment on pourrait la définir.
58:08 Je voudrais terminer avec cette phrase du moraliste Joubert,
58:12 qui regrettait la disparition de la culture générale,
58:15 mais qui disait la chose suivante.
58:17 "On sortait des anciennes écoles avec une ignorance
58:20 "qui se connaissait et un savoir qui s'ignorait.
58:22 "On les quittait avides de s'instruire encore
58:25 "et plein d'amour et de respect pour les hommes qu'on croyait instruits."
58:29 On a de la culture générale quand on mesure l'ampleur
58:32 de son ignorance. -C'est une très belle définition.
58:35 D'un mot, Bruno Tertrais,
58:36 vous avez votre propre définition de la culture générale ?
58:40 -Ce que je l'ai appris et que je continue à transmettre,
58:43 très tôt dans mes études, c'est que savoir dire "je ne sais pas"
58:46 et le dire en toute franchise et très honnêtement
58:49 et sans dire "euh, euh", voilà, "je ne sais pas",
58:52 ce n'est pas une preuve d'ignorance,
58:54 c'est aussi, en tout cas, une forme, j'espère, d'intelligence
58:57 et de sagesse. -Et de transmettre ça.
59:00 -Voilà. Savoir dire "je ne sais pas".
59:02 -Merci beaucoup à vous, Bruno Tertrais.
59:04 Je rappelle le titre de votre ouvrage,
59:07 "La guerre des mondes, le retour de la géopolitique",
59:10 et "Le choc des empires" aux éditions de l'Observatoire.
59:13 Merci à notre équipe d'Afranchi et à tous les trois.
59:16 Demain, c'est la dernière de l'année pour Savourgarde.
59:19 Ne ratez pas le rendez-vous.
59:20 On fera le bilan de cette année parlementaire riche.
59:23 Bonne soirée à tous et à demain.
59:25 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
59:27 Générique
59:30 ...

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