Charlotte Laizet, co-secrétaire du SNES Gironde

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Charlotte Laizet, co-secrétaire du SNES Gironde

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00:00 France Bleu Gironde, François Novelle-Aquitaine, il est 7h45, on parle de l'état d'esprit des profs ce matin avec votre invitée Laetitia Oeuvline,
00:09 la co-secrétaire départementale du SNES après différentes menaces, notamment à Libourne et une réforme qui approche.
00:15 Bonjour Charlotte Lézé. Bonjour. Alors vous enseignez depuis 20 ans, est-ce que vous avez vu déjà les profs partir en vacances de Noël dans cet état d'esprit ?
00:25 Alors effectivement, cette fin d'année est quand même très compliquée pour les personnels de l'éducation, pas seulement les enseignants.
00:33 À Libourne, il y a eu effectivement plusieurs événements qui ont contribué à fatiguer et à mettre en colère les collègues.
00:43 Le lycée Jean Monnet a exercé son droit de retrait, les collègues du lycée ont exercé leur droit de retrait le 4 décembre et pour toute la semaine,
00:52 suite à une lettre de menace qui avait été trouvée dans l'établissement, une lettre anonyme qui menaçait une enseignante de mort et qui tenait des propos racistes.
01:03 Et donc ça avait beaucoup choqué les collègues. On a appris qu'hier, ces mêmes collègues avaient reçu dans leur casier une notification
01:12 avec un retrait de salaire de deux jours pour le jeudi et le vendredi. Et donc les collègues sont vraiment très en colère
01:20 parce que pour eux, c'est vraiment un manque de considération de la part de l'administration.
01:24 Ce droit de retrait d'une semaine, ils l'ont exercé parce qu'ils ne se sentaient pas en sécurité dans l'établissement,
01:29 parce qu'ils considéraient que les réponses qui leur avaient été apportées n'étaient pas suffisantes.
01:33 Et ce papier qu'ils ont découvert hier dans les casiers juste avant les vacances de Noël, je peux vous dire que franchement, ça les a vraiment mis très en colère.
01:44 Il y avait des menaces aussi au collège Duras, il y avait eu des alertes à la bombe. Comment on va travailler dans ces conditions ?
01:51 Alors c'est très anxiogène. C'est très anxiogène. Au collège Marguerite Duras, ça fait des semaines que les collègues alertent sur un climat scolaire extrêmement dégradé.
02:01 Ça fait des semaines que les collègues alertent sur des incivilités, sur des violences.
02:06 Il y a eu une AED qui avait été prise à partie et bousculée et menacée à la sortie du collège.
02:11 Il y a eu cet élève qui a menacé de mort un enseignant. Il y avait eu un droit de retrait exercé pour une journée au début du mois de décembre.
02:19 Donc on n'y pense pas forcément tous les jours, mais à certains moments de la journée, on y pense.
02:24 C'est-à-dire qu'on se dit qu'un petit événement, une petite remarque à un élève, ça peut prendre des proportions importantes.
02:32 Ça peut entraîner des insultes, ça peut entraîner des menaces.
02:35 Et donc on vit avec ça. Alors on ne s'y résigne pas parce que ce n'est pas acceptable d'aller travailler la boule au ventre.
02:42 Mais c'est ce qui se passe aujourd'hui, c'est aller travailler la boule au ventre.
02:45 Alors dans certains établissements, clairement oui. Dans certains établissements, il y a un climat scolaire tellement dégradé que les collègues ont peur.
02:54 Au collège Marguerite Duras, les collègues se demandent s'il n'y a pas d'amélioration, comment est-ce qu'ils vont tenir ?
03:00 Ils ont eu une audience avec la DSDEN ce mercredi.
03:05 Donc la Direction de l'Éducation nationale au niveau du département.
03:07 Tout à fait. Il n'y a pas de réponse concrète. C'est-à-dire quand on demande, on veut plus d'adultes, on veut plus de surveillants, on veut des CPE,
03:13 on veut une infirmière présente plus souvent, on veut une psychologue présente plus souvent, il n'y a pas de réponse.
03:19 Parce que derrière, il n'y a pas de moyens. Et donc s'il n'y a pas d'adultes, on ne peut pas repérer les élèves, on ne peut pas accompagner les élèves, on ne peut pas encadrer les élèves.
03:26 Aujourd'hui, vous nous dites qu'ils ne se sentent pas écoutés, c'est ça ?
03:29 Oui, ils ne se sentent pas écoutés. En fait, on se sent seul. Alors il y a des beaux discours, effectivement, quand on a Samuel Paty, Agnès Lassalle ou Dominique Bernard qui sont assassinés.
03:39 Effectivement, on a le droit aux honneurs de la République. On a le droit aux beaux discours sur notre rôle de rempart pour protéger les valeurs de la République.
03:48 Mais concrètement, derrière, il n'y a rien. Et le retrait de salaire des collègues de Jean Monnet à Libourne, pour nous, c'est ça en fait.
03:57 C'est qu'on est seul et que l'administration, en dehors de ces discours de façade, ne fait rien.
04:02 À Libourne, au lycée Jean Monnet, ils demandaient la création de trois postes de surveillants, d'AED supplémentaires. Ils n'ont rien eu.
04:11 France Bleu Gironde, il est 7h49. Charlotte Lézé, co-secrétaire départementale du Syndicat national des enseignements de second degré.
04:17 Et notre invitée, elle répond à vos questions, Laetitia Eveline.
04:19 On l'a dit et répété, Gabriel Attal, le ministre de l'Éducation, veut un choc des savoirs avec l'uniforme des groupes d'haut niveau au collège.
04:26 Un redoublement plus facile aussi. Ce matin, on vous demande justement si ce redoublement n'a pas été un peu diabolisé. Alors, pour ou contre ?
04:35 Je m'appelle Simon Guéguen, je suis étudiant à l'IUT Bordeaux-Montagnes. Je suis pour le redoublement et je suis pour que ce soit les profs qui ont le dernier mot et aussi l'étudiant, l'élève.
04:45 Pour la simple et bonne raison qu'on peut tous avoir des difficultés à n'importe quel moment. Le résultat scolaire n'est pas forcément lié à la qualité de chacun.
04:53 Donc forcément, on peut avoir une année, une mauvaise année, ça arrive.
04:57 Alors, Charlotte Lézé, une mauvaise année, ça arrive, le redoublement, il faut le faciliter selon vous ?
05:03 Alors, juste pour revenir sur les annonces de Gabriel Attal, il nous parle d'un choc des savoirs.
05:09 C'est un grand communicant, mais derrière ça, en fait, il y a des finalités, il y a une vision de l'école et des choix pour l'école qui sont aussi des choix politiques.
05:18 Pour nous, ces réformes, elles sont aussi celles du tri social.
05:25 C'est-à-dire qu'il s'agit, dès le collège, de faire un tri parmi les élèves, entre ceux qui vont poursuivre des études et les autres, avec des groupes de niveaux qui permettraient de séparer les bons, les moyens, les mauvais.
05:42 Et les études en sciences de l'éducation montrent que ces groupes de niveaux, ainsi que le redoublement, sont souvent peu profitables et ne permettent pas forcément de progresser.
05:53 Le redoublement, il peut être positif, bien sûr, à la marge. On n'est absolument pas opposé au redoublement.
05:59 Le redoublement peut être efficace quand il est voulu par les parents, quand il est accepté par l'élève et quand il se fait dans de bonnes conditions.
06:08 Alors, vous dites qu'il ne faut pas qu'il soit subi, en fait ?
06:10 Oui, il ne faut pas qu'il soit subi et qu'il se fasse dans de bonnes conditions.
06:13 Parce que quand on fait redoubler un élève dans une classe de 30 et que dans cette classe de 30, effectivement, le suivi est plus individualisé, la gestion de l'hétérogénéité de la classe, etc., c'est plus difficile à mettre en œuvre.
06:26 Donc, on n'est pas du tout opposé au redoublement. Il doit être fait quand il est nécessaire et quand il est accepté par les familles, l'élève, etc.
06:38 Mais il doit se faire dans de bonnes conditions. Et pour qu'il se fasse dans de bonnes conditions, il faut des moyens.
06:42 Parce que si de nombreux élèves redoublent, il va falloir créer des postes. Il va falloir créer des milliers de postes.
06:50 Et pour l'instant, ce n'est pas du tout à l'ordre du jour.
06:53 Il y a Ghislaine sur Facebook qui nous dit qu'un redoublement bien suivi peut sauver des fois une scolarité.
07:00 Et Nico qui dit "moi ça ne m'a pas tué", bien au contraire. Alors, il y a ce redoublement, il y a, vous le disiez, les classes de niveau, l'uniforme.
07:09 Est-ce qu'aujourd'hui, rapidement, vous avez l'impression que ça colle aux réalités du terrain ?
07:14 Alors, pas du tout. On est très éloigné des réalités du terrain. L'uniforme, dans les établissements scolaires, vous parlez de l'uniforme, mais c'est la dernière préoccupation des collègues.
07:23 En plus, encore une fois, on voit que ce sont des annonces qui sont politiques, qui sont idéologiques. L'uniforme pour lutter contre les inégalités et après créer des groupes de niveau qui accentuent ces inégalités.
07:34 Donc, il n'y a pas de cohérence. Ce sont des annonces qui sont politiques et qui ne permettront pas de répondre aux besoins des collègues.
07:41 Ce dont on a besoin, ce sont des créations de postes. Pour créer ces postes, il faut des moyens. Il faut des professeurs aussi à recruter.
07:49 Il y a de moins en moins d'enseignants qui passent les concours. Il faut le savoir, les salaires se sont tellement dévalorisés qu'il y a une pénurie d'enseignements.
07:59 Les concours n'arrivent pas à trouver preneurs. Là, ils ont encore déplacé d'un mois la date d'inscription au concours en pensant que subitement, des milliers de personnes allaient s'inscrire au concours d'enseignants.
08:09 Et ce n'est absolument pas le cas.
08:11 Merci beaucoup d'avoir été avec nous, Charlotte Lézé. Je rappelle que vous êtes co-secrétaire départementale du SNES en Gironde.
08:18 Merci.
08:19 Vous pouvez retrouver cet échange en intégralité et en vidéo sur francebleu.fr.

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