Loi immigration: de Darmanin à Le Pen, retour sur une séquence qui laissera des traces

  • l’année dernière
Dinah Cohen, journaliste au service politique, revient sur la séquence politique mouvementée que vient de vivre le gouvernement
Transcript
00:00 En façade, l'ERN revendique une victoire, mais dans le fond, l'ERN n'a rien fait.
00:05 Le projet de loi immigration, ça a été une séquence très compliquée,
00:12 autant pour les députés que pour le gouvernement.
00:14 Puisque mardi soir, le texte a finalement été adopté,
00:20 mais il faut prendre en compte le fait que ce n'est pas le texte que voulaient les députés.
00:24 Une semaine plus tôt, ils s'étaient réunis en hémicycle pour débuter les débats.
00:28 Or, ces débats ont été arrêtés de manière prématurée,
00:30 puisque les oppositions se sont coalisées et ont adopté une motion de rejet préalable.
00:34 Les députés n'ont pas pu avoir de débats,
00:36 ils n'ont pas pu examiner la version du texte qu'ils avaient établi en commission des lois,
00:41 qui revenait sur le travail qu'avaient fait les sénateurs quelques semaines plus tôt
00:44 et qui avait sévèrement durci le texte initial du gouvernement.
00:47 Et en plus, c'est cette version durcie du Sénat,
00:50 qui a finalement été examinée en commission mixte paritaire à huit clots,
00:54 pour essayer de trouver un accord, un compromis,
00:56 entre les Républicains et le gouvernement et sa majorité.
00:59 Donc finalement, certes, le projet de loi immigration a été adopté,
01:02 mais les députés n'ont pas eu de débat,
01:04 et ils ont dû s'exprimer sur un texte qui n'était pas le leur,
01:07 qui était celui de la droite, et qui dans sa forme finale,
01:09 ressemble beaucoup plus à ce que voulaient les Républicains
01:11 que ce que voulait la majorité présidentielle.
01:13 Le Rassemblement national, ces derniers jours, a beaucoup parlé d'une victoire idéologique,
01:22 qui serait due au fait que l'accord issu de la commission mixte paritaire
01:25 signe un texte de droite, du moins beaucoup plus à droite que le texte initial,
01:29 et qui a la patte des Républicains,
01:31 puisque les Républicains en revendiquent une forme de paternité.
01:34 Dans l'hémicycle, le Rassemblement national a décidé de voter pour ce texte,
01:37 tant selon les explications des membres du RN,
01:40 il rentre dans ce que veut faire Marine Le Pen.
01:42 Marine Le Pen a dit que c'était quand même une petite loi,
01:44 mais que ça correspond en partie aux idées du Rassemblement national.
01:48 Mais il faut quand même souligner le fait
01:50 que depuis le début, le Rassemblement national a beaucoup changé d'avis.
01:53 Ce texte, qui ressemble très fortement à ce qu'il était au Sénat,
01:56 n'avait pas été soutenu par les sénateurs du Rassemblement national
01:59 quand il était en hémicycle dans la Chambre haute.
02:01 Encore récemment, le Rassemblement national ne savait pas
02:03 s'il allait s'abstenir, voter contre, voter pour.
02:06 Certains cadres du groupe disaient même qu'il y avait du bon dans les trois options.
02:10 En façade, le RN revendique une victoire,
02:12 mais dans le fond, le RN n'a rien fait concrètement pour ce qui figure dans le texte.
02:17 C'est-à-dire que le RN n'a pas fait passer d'amendement,
02:19 le RN n'avait pas un rôle capital dans les négociations qui se sont menées en CMP,
02:22 c'était bien les Républicains qui avaient ce rôle.
02:24 Et donc, ils arrivent et essayent de prendre une partie de cette victoire
02:28 que la droite revendique aussi beaucoup.
02:29 Mais on voit aussi qu'on est plus dans des histoires de coups politiques,
02:33 puisque le RN est finalement allé là où il avait le plus d'intérêt à aller.
02:36 Il savait qu'en votant pour, il allait mettre en difficulté
02:39 et piéger d'une certaine manière la majorité.
02:41 Mais il ne faut pas oublier que sur le fond du texte,
02:43 le RN n'a rien fait pour en arriver là.
02:45 Ce sont majoritairement des décisions prises du côté des Républicains et de la majorité.
02:50 Donc, il est possible que dans l'opinion Marine Le Pen ait un certain gain,
02:55 finalement, à l'issue de cette séquence.
02:56 Mais le RN a aussi montré à quel point il pouvait agir par opportunisme.
03:01 Alors, Gérald Darmanin est parti avec beaucoup de confiance
03:08 dans ce projet de loi immigration.
03:10 Il voulait absolument sa grande loi,
03:12 qui conservait l'aspect à la fois ferme et l'aspect humaniste,
03:16 en même temps à l'Emmanuel Macron,
03:17 auquel Gérald Darmanin tenait.
03:19 Et finalement, dans ce moment, il nous a montré qu'il pouvait se tromper.
03:23 Lui qui était vanté comme étant un grand politique,
03:26 même un des meilleurs du gouvernement,
03:27 nous a montré qu'il pouvait avoir des affirmations assez péremptoires
03:31 et que finalement, celles-ci soient démenties.
03:33 Puisque Gérald Darmanin a fait plusieurs paris
03:35 qui se sont révélés être des échecs.
03:37 Il a d'abord commencé l'examen du projet de loi immigration par le Sénat
03:41 en se disant que ça allait lui permettre d'envoyer des signaux à la droite.
03:43 Ensuite, il est venu en commission des lois à l'Assemblée nationale.
03:46 Sauf que dans cette commission des lois,
03:47 il s'était un peu mis à dos les députés de sa propre majorité,
03:50 parce qu'il avait laissé le Sénat, justement,
03:52 beaucoup modifier la version du texte initial.
03:54 Et puis, en commission des lois,
03:55 pour retrouver un peu la confiance de ses députés,
03:57 il a laissé la majorité détricoter ce qui s'était passé au Sénat.
04:00 Et donc, finalement, il s'est mis à dos le Sénat et la droite de manière générale.
04:04 Et à la fin, là où il continuait de dire que les Républicains
04:06 allaient lui apporter son soutien, du moins une partie d'entre eux,
04:09 et bien finalement, on lui a démontré le contraire,
04:11 puisque les Républicains se sont liés avec les autres oppositions,
04:15 la gauche et le Rassemblement national,
04:17 pour voter une motion de rejet préalable
04:18 et donc faire échouer le texte dès son arrivée à l'Assemblée.
04:21 Donc, on voit qu'à plusieurs reprises,
04:22 Gérald Darmanin, qui envoyait des signaux toujours très rassurants aux uns et aux autres,
04:25 a finalement montré qu'il pouvait se tromper,
04:27 aussi bien dans ses calculs que dans ses paris,
04:29 même dans ses négociations en coulisses.
04:31 Et récemment encore, il s'est trompé,
04:33 puisque il a dit aux députés de la majorité
04:35 que le Rassemblement national ne voterait pas le texte
04:38 tel que sorti de la commission m'ex paritaire,
04:40 parce que le Rassemblement national avait voté contre ce texte au Sénat,
04:44 et finalement, le Rassemblement national a annoncé
04:46 qu'il allait voter pour en début d'après-midi mardi,
04:48 ce qui a plongé la Macronie dans une forme de panique
04:51 à l'idée de joindre ses voix à celles du Rassemblement national.
04:54 Donc, une fois de plus, Gérald Darmanin s'est trompé,
04:56 à la fin, il a son projet de loi,
04:58 mais ça n'est plus du tout ce qu'il avait envisagé au départ,
05:00 et surtout, entre temps, sa crédibilité vis-à-vis des députés de la majorité
05:04 a été sérieusement entachée.
05:06 [Générique]

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