L'Aa a été placé en vigilance rouge car un nouvel épisode pluvieux est à prévoir. "Cette réaction est couplée à un état de fragilité des berges et des digues à l'aval", précise Vigicrues. Le risque de crue sera similaire à la crue du 6 novembre dernier. "Des débordements importants peuvent être observés en particulier à l'aval du tronçon", peut-on lire sur Vigicrues. Dans le Pas-de-Calais et le Nord, la Lys, l'Hem, la Canche, la Liane, LaweClarence restent en vigilance orange pour crues. Dans les prochaines heures, les précipitations attendues sont plus faibles, explique Météo-France, "mais le département du Pas-de-Calais reste en vigilance jaune "pluie-inondation" au regard du contexte hydrologique tendu".
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00:00 [Générique]
00:05 Le Pas-de-Calais où la vigilance rouge au cru est maintenue ce matin,
00:09 avec notamment la crue de l'Arc, ce fleuve côtier qui traverse notamment Saint-Omer.
00:14 On va en parler avec Boris Veliachev, vous êtes architecte et expert en risques majeurs.
00:18 Merci d'être avec nous ce matin.
00:20 Marquet continue bien sûr de nous accompagner et puis les envoyés spéciaux de BFMTV sur le terrain auprès des sinistrés.
00:26 Cédric Fech, le reporter de première édition est à Blendec.
00:29 Et on le voit derrière vous, là a donc largement débordé.
00:33 Est-ce qu'on a atteint la cote du mois de novembre dernier ?
00:36 Si vous vous souvenez bien, en novembre j'étais venu ici parce que là il y a là qui est derrière ces bâtiments
00:45 et là c'est une société d'ambulance.
00:47 On pouvait encore passer ici en voiture et ils avaient été obligés de découper le grillage pour faire traverser les ambulances.
00:53 Et vous voyez que là c'est plus simplement la société d'ambulance qui est immergée, c'est toute la rue.
00:57 Alors vous avez là qui a débordé, sorti de son lit et qui finalement a choisi un autre chemin.
01:05 Elle traverse ce lotissement. Je suis avec des habitants du lotissement.
01:08 Raphaël, l'eau elle est montée plus haut qu'en novembre ou pas ?
01:13 Non, non, elle est moins haute.
01:15 Ça monte rapidement quand ça monte là ?
01:18 Non, petit à petit on va dire.
01:20 Mais bon, apparemment ils vont peut-être ouvrir des vannes sur Huysern.
01:23 Donc on devra avoir l'arrestant.
01:25 Et là il y a David qui habite depuis 3 ans.
01:28 Non, 13 ans.
01:30 Est-ce que vous vous posez la question de rester ou de partir ou pas ?
01:35 Oui, on se pose beaucoup de questions.
01:38 On ne peut pas vivre ça tous les mois, voire tous les ans.
01:42 Non, on se pose beaucoup de questions.
01:44 Mais est-ce qu'on peut vendre ? Parce qu'on veut partir, vous êtes propriétaire.
01:47 Est-ce que ça vaut encore quelque chose ? Est-ce que des gens vont vouloir acheter ?
01:50 C'est ça le problème.
01:52 Vous vous saviez que c'était inondable quand vous avez acheté il y a 13 ans ?
01:55 Non, non, non, non. Non, non, pas du tout.
01:58 Vous auriez acheté si vous l'aviez su ?
02:00 Non, non, non, non, non.
02:03 Donc on verra bien, on se pose beaucoup de questions.
02:06 On va laisser les événements passer.
02:09 Mais on va en discuter, on va discuter.
02:13 C'est quoi le quotidien ? Vous disiez que c'est insupportable.
02:15 C'est-à-dire que vous ne dormez pas, dès qu'il pleut vous êtes inquiété.
02:18 Oui, c'est ça exactement.
02:20 On dort la nuit, toutes les heures on se réveille, on regarde au carreau, voir si ça ne monte pas.
02:24 Ce n'est pas une vie.
02:26 Et puis il y a les enfants, donc il faut la sécurité.
02:31 Le lotissement que vous voyez derrière moi, c'est un lotissement fantôme.
02:35 Parce que depuis des semaines, il n'y a plus d'habitants, ils sont partis pour l'essentiel.
02:38 Oui, c'est un cas d'école ça.
02:40 Parce qu'on voit tous ces sinistrés qui ont le désir maintenant de partir,
02:44 compte tenu de ce qu'ils vivent depuis plusieurs semaines.
02:47 Et qu'ils pensent que c'est invendable et qu'ils sont en quelque sorte coincés.
02:51 Est-ce que la solution radicale ne consisterait pas à raser ces quartiers pour les reconstruire ailleurs ?
02:58 Alors, solution radicale, c'est vrai.
03:01 Pour pallier le problème sur l'ensemble de la région,
03:04 je crois qu'il faut vraiment faire une analyse précise.
03:08 Si on veut mener un plan de prévention efficace dans tout le nord de la France,
03:11 parce que la région est quand même très vaste,
03:13 et il y a beaucoup de lotissements de ce type-là,
03:15 il y a beaucoup de zones qui sont inondées avec beaucoup d'habitations,
03:18 il s'agit de faire ce qu'on appelle une analyse systémique.
03:21 C'est-à-dire prendre en compte absolument toutes les caractéristiques topographiques, géologiques,
03:27 anthropologiques aussi, là où habitent les gens,
03:30 comment se déplacent les gens pour aller à leur travail, etc.
03:33 Tout ça, c'est à prendre en compte de façon à mener un plan de prévention,
03:38 mais à toutes les échelles, ça va de l'échelle du territoire jusqu'à l'échelle...
03:42 - Mais ça n'a pas été déjà fait, ça ?
03:44 - Non, ça n'a jamais été fait à cette échelle-là.
03:46 Il faut vraiment le faire sérieusement si on veut,
03:48 mais ce n'est pas un plan qui va se faire du jour au lendemain.
03:51 Ça va demander des années, ça va se demander sans doute 10 ans, peut-être 20 ans,
03:54 ça va demander des moyens, il va falloir aller plus vite en plus que le réchauffement climatique,
04:00 parce que ça va encore accélérer les phénomènes.
04:02 Donc il faut s'y mettre tout de suite, il faut le faire sérieusement,
04:05 et il faut le faire à toutes les échelles, il faut faire de l'échelle du territoire,
04:08 parce que sinon on va sans arrêt tomber dans un système où on met des rustines.
04:12 - Mais très bien Boris, mais en attendant on fait quoi ?
04:15 Parce que Marc, depuis 2002, il y a eu de grosses inondations en 2002,
04:18 et là des mesures spectaculaires, importantes avaient été prises.
04:21 - Ce qu'on a fait jusqu'à présent, on a construit des digues,
04:23 donc on construit à chaque fois des digues plus hautes,
04:25 on a également créé ce qu'on appelle des champs d'expansion
04:28 qui permettent de retenir 610 000 m3 d'eau,
04:31 donc c'est considérable, ça permet quand même de préserver beaucoup d'habitations.
04:34 Le problème c'est qu'avec le réchauffement climatique,
04:36 en réalité plus vous avez des températures à la surface de la Terre qui sont chaudes,
04:39 plus les océans sont chauds, plus vous avez de l'évaporation,
04:41 et au final, ces nuages déversent des quantités d'eau plus importantes.
04:46 - Ce que vous voulez dire c'est que ces mesures de 2002 ont été prises
04:48 à l'aune de ce qui se passait il y a 20 ans.
04:50 - Exactement, et que plus on avance dans le temps,
04:52 plus les phénomènes sont exceptionnels, sont extrêmes,
04:55 et en réalité, ce ne sont plus maintenant 10 champs qu'il faudrait,
04:57 c'est davantage, et ce ne sont plus des digues d'une telle hauteur,
05:00 mais des digues encore plus hautes.
05:02 Donc la question c'est jusqu'où on va faire des zones d'expansion,
05:05 jusqu'à quelle hauteur on va construire des digues,
05:07 parce qu'on sait très bien que dans les années à venir,
05:09 chaque crue, à chaque fois, les crues seront plus importantes que celles du passé.
05:14 - Et le Pas-de-Calais est aussi une zone très particulière,
05:16 c'est-à-dire que c'est tout le département qui aurait dû être une zone inondable.
05:19 - Oui, c'est toute la région, on a une grande partie de la région en plus
05:21 qui est en configuration de pôle d'air,
05:23 on est en dessous du niveau de la mer, donc ça pose encore plus de problèmes,
05:26 et comme ça vient d'être dit, la réponse climatique a toujours ses limites,
05:30 et elle va constamment dépasser.
05:33 - Mais les pays vont trouver la solution.
05:34 - Donc il y a des solutions, maintenant on n'est plus,
05:36 depuis les accords de Sendai de 2015 d'ailleurs,
05:38 ça ne concerne pas seulement les inondations,
05:40 mais on n'est plus dans l'optique d'essayer absolument
05:43 par des solutions techniques, purement techniques,
05:46 de pallier complètement le problème,
05:48 on essaie de vivre avec le risque,
05:50 comme beaucoup de pays l'ont compris, particulièrement en Asie.
05:53 Donc certes, la région est inondable, il va falloir le prendre en compte,
05:57 il va falloir l'équiper, l'aménager de façon à ce que ces inondations
06:00 ne causent pas de pertes et de dommages importants aux populations,
06:04 et ne perturbe pas non plus l'économie et la vie,
06:06 il faut vraiment prendre ça en compte.
06:08 - Mais en attendant, et je me mets à la place évidemment de ces sinistrés,
06:10 on fait quoi ? Parce que tout ce que vous dites est effectivement très intéressant,
06:13 mais ça va prendre du temps.
06:14 - Ah oui bien sûr, ça va prendre du temps.
06:15 Alors dans l'immédiat, là pour l'instant, dans l'immédiat bien sûr,
06:17 ce sont toutes les assurances, il va falloir voir ça au cas par cas,
06:21 en plus les assureurs, il faut dire que...
06:23 - Parce qu'encore une fois, l'expropriation,
06:25 la décision de l'État d'exproprier pour reconstruire ailleurs
06:29 est impossible, est inimaginable ?
06:31 - Ça va être difficile, il va falloir voir ça au cas par cas,
06:33 mais ça va être difficile parce que là il y a quand même
06:36 une très grande capacité d'habitation.
06:38 En France, on a un système particulier avec une caisse de réassurance,
06:44 on a des moyens sur cette caisse de réassurance aujourd'hui,
06:47 mais ils vont s'amoindrir au fur et à mesure du temps de toute façon.
06:50 On a eu la chance en France d'avoir un petit peu moins de catastrophes naturelles
06:54 que d'autres pays comme l'Angleterre, l'Allemagne depuis quelques années,
06:57 mais là ça commence à revenir et on va avoir des problèmes d'ici peu.
07:02 - Est-ce qu'on ne paye pas ici un aménagement du territoire
07:06 peut-être pas suffisamment rigoureux, dont on n'a pas peut-être tenu suffisamment compte,
07:11 des risques ?
07:13 - Bien sûr, on a passé ça au second plan.
07:15 - Parce que la nature en quelque sorte reprend un peu ses droits, non ?
07:18 - Oui, et puis bon, il y a des changements comme ça a été dit
07:20 avec le réchauffement climatique, il y a des changements,
07:22 et on l'a vu en plus en ce moment, cette année particulièrement,
07:25 il y a le phénomène El Niño qui a réchauffé toute la partie sud de l'océan Atlantique,
07:29 enfin de tous les océans en fait,
07:31 ce qui fait que les phénomènes sont d'autant plus intensifs cette année,
07:35 donc on a de très fortes précipitations, on va l'observer encore durant presque une année là,
07:40 et ça va revenir par cycle, et puis en plus il y a la montée des eaux,
07:43 donc de toute façon les catastrophes, elles vont être de pire en pire,
07:47 et en plus il y a un gros problème au niveau des assureurs,
07:49 qui vont progressivement, alors ils ne vont pas quitter la chose,
07:52 mais bon, les gens vont peut-être changer d'assureur,
07:54 ça va être de plus en plus cher, de moins en moins possible.
07:56 - C'est intéressant ce que vous dites, est-ce qu'il y a un risque que ces gens-là ne soient plus assurables ?
07:59 - Assurables ? Oui bien sûr, ils pourront toujours être assurés quelque part,
08:03 mais ça va devenir hors de prix, ils pourront plus chers.
08:05 - Non seulement ils ne vont pas pouvoir vendre, mais en plus ils seront assurés difficilement.
08:09 - Ah oui, bien sûr, oui.
08:10 - Et on entendait tout à l'heure un résident dire qu'il ne savait pas que c'était une zone inondable
08:13 quand il a acheté, est-ce que c'est encore possible aujourd'hui ?
08:16 Parce qu'il y a quand même le code de l'environnement qui prévoit que l'acclaireur...
08:19 - Oui bien sûr, il y a eu des PPRI, il y a eu des plans qui ont été faits,
08:23 mais ils sont à revoir de toute façon, puisqu'ils vont évoluer dans le temps.
08:26 - On peut encore acheter des biens qui sont en zone inondable, sans le savoir aujourd'hui en France ?
08:29 - Sans le savoir, normalement non.
08:31 - Plan de prévention des risques.
08:33 - Dans toutes les zones où il y a un plan de prévention du risque d'inondation,
08:37 normalement on doit savoir qu'on est sur une zone inondable ou pas,
08:40 et à quel niveau d'inondation on a la zone, et puis les zones non constructibles sont prévues.
08:45 Maintenant il reste des communes bien sûr où ces plans de prévention ne sont pas appliqués.
08:49 Après c'est au cas par cas, il y a des permis de construire qui sont délivrés des fois dans des zones où ça ne devrait pas être le cas.
08:55 On l'a déjà vu dans des désastres précédents.
08:57 Enfin dans cette région-là il y a aussi beaucoup de lieux où une inondation de ce type, de cette intensité, n'était pas prévue.
09:06 - Et ce n'est pas fini, puisqu'on voit la pluie qui tombe de nouveau à Blandec,
09:10 des trombes d'eau sur Cédric Fech au milieu des inondations sur les bords de l'Aa.
09:15 Marc, la pluie va s'arrêter quand dans le Pas-de-Calais ?
09:17 - Pas tout de suite, pas avant vendredi.
09:20 C'est ça le problème, c'est qu'on voit que les cours d'eau continuent de réagir.
09:24 L'Aa notamment, qui est un niveau très élevé, qui est comparable d'ailleurs à celui de novembre de l'année dernière.
09:30 Et puis la Cange aussi inquiète, parce que là pour le coup on est vraiment sur les niveaux de novembre.
09:35 Et puis avec les pluies prévues aujourd'hui, les pluies prévues jeudi soir, les cours d'eau vont encore réagir.
09:41 Donc très clairement l'heure n'est pas à la décrue, la vigilance rouge est maintenue et elle peut le rester encore pendant plusieurs heures.
09:48 Et en tout cas la vigilance orange, elle restera en place sans doute jusqu'au week-end.
09:53 Et malheureusement on n'est qu'à un tiers de l'hiver.
09:55 Et dès lors que les nappes phréatiques sont saturées, à chaque fois qu'il va pleuvoir, les habitants vont revivre la même situation.
10:03 Ils l'ont vécu il y a six semaines, ils la vivent encore aujourd'hui.
10:06 Et malheureusement ils vont peut-être encore la vivre pendant l'hiver.
10:09 Forcément, on a une grosse pensée évidemment pour les sinistres du Pas-de-Calais.
10:12 Pour la plupart, on l'a vu sur nos images ce matin en direct, ils craquent évidemment, victimes pour certains, jusqu'à six, sept inondations depuis le mois de novembre.
10:20 Merci d'être venu nous voir Boris.