Pourquoi les FEMMES qui fument sont plus BELLES ? (3 histoires)

Réflexions Basses

il y a 7 mois

Des suffragettes à Netflix, trois histoires qui montrent comment l’industrie du tabac a réussi à faire fumer les femmes en misant tout sur l’image que renvoie la fumeuse.

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Créée par : https://www.instagram.com/reflexionsbassespodcast/
Illustrations : https://www.instagram.com/traast_agram/
Miniature : https://www.instagram.com/boidinch/

Mes sources :
Olivier Milleron, Pourquoi fumer c’est de droite, 2022, Editions Textuelles
https://www.editionstextuel.com/livre/pourquoi_fumer_cest_de_droite

Santé publique France sur les chiffres du tabac en France
https://urlz.fr/pcFo

Olivier Milleron, Pourquoi fumer c’est de droite, 2022, Editions Textuelles
https://www.editionstextuel.com/livre/pourquoi_fumer_cest_de_droite

Emission Brut. de juillet 2019 sur la cigarette dans les séries
https://www.brut.media/fr/entertainment/trop-de-cigarettes-dans-les-series--c88668b4-8a72-4ad6-85ea-a2a3e4028259

Article de Courrier International de juin 2023 sur la cigarette dans The Idol
https://www.courrierinternational.com/article/decryptage-dans-the-idol-la-cigarette-retrouve-helas-le-beau-role

Transcript

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00:00 - Catherine, grâce à vous j'ai repris la clope et ça, je vous en remettrai jamais assez.

00:05 J'avais arrêté, j'étais bien et tout.

00:07 Et en fait elle fume tellement, comme si elle mangeait des petits macarons.

00:11 Donc ça donne envie de fumer, comme envie de manger.

00:13 - Elle fume bien. - Oh qu'est-ce qu'elle fume bien.

00:15 Aujourd'hui dans le monde, près de 8% des femmes sont fumeuses.

00:19 Alors Catherine Deneuve, ce n'est pas l'exemple le plus actuel,

00:23 mais elle a longtemps été une icône de beauté française,

00:25 notamment associée au fait de fumer.

00:27 Et aujourd'hui, la cigarette est toujours utilisée comme un accessoire esthétique

00:31 dans les films ou sous l'objectif des photographes de mode.

00:34 Il y a un truc que l'industrie du tabac a compris très tôt.

00:38 - On n'a pas commencé à fumer parce que c'était bon.

00:40 La première fois qu'on prend une cigarette, on a envie de vomir.

00:42 Donc en fait la seule chose qui fait que les gens fument, c'est par un mimétisme.

00:45 Et puis une fois qu'on a commencé à fumer, la nicotine c'est tellement addictif

00:48 qu'on va être tout de suite accroché et que donc on va continuer à fumer.

00:51 La cigarette, ça pue, ça a mauvais goût et ça tue une fumeuse sur deux.

00:54 Et pourtant 7 millions, soit 21% des françaises fument.

00:58 Même s'il y aurait aussi énormément de choses à dire sur les hommes,

01:01 l'épisode d'aujourd'hui va se focaliser sur l'histoire particulière

01:04 entre l'industrie du tabac et les femmes.

01:06 Aujourd'hui, on va voir qu'une femme qui fume, c'est politique.

01:10 - C'est très provocant même d'ailleurs de faire ça.

01:12 - Parce qu'il n'y aurait pas de noms, ça fait rien.

01:14 Je vais vous raconter trois histoires pour vous montrer comment l'industrie du tabac

01:19 a investi sur des symboles pour nous faire apprendre à fumer.

01:22 Investi sur des symboles pour nous faire apprécier l'esthétique

01:25 qui se dégage d'une femme qui fume.

01:27 Tout ça évidemment pour créer de nouveaux fumeurs et surtout de nouvelles fumeuses.

01:30 Alors, avant de démarrer, j'ai quelques infos à te donner.

01:40 Déjà, pense à t'abonner si c'est pas déjà le cas.

01:42 Réflexion Basse, c'est le podcast sur la politique du quotidien.

01:45 L'idée, c'est d'aller creuser la dimension politique des objets et des pratiques

01:49 qui font notre quotidien.

01:50 C'est le deuxième des quatre épisodes sur la clope.

01:52 Je suis toujours en compagnie d'Olivier Milron,

01:54 cardiologue et ancien fumeur qui a écrit l'essai "Pourquoi fumer ? C'est de droite".

01:57 Vous pouvez retrouver le lien en description

01:59 et qui va nous aider à comprendre un peu mieux l'histoire du tabac chez les femmes.

02:02 Et on démarre tout de suite avec la première histoire.

02:05 Pour commencer, on est en 1917,

02:12 pendant les élections présidentielles aux Etats-Unis.

02:14 C'est une période un peu spéciale puisque en Europe,

02:16 ça se fout sur la gueule dans les tranchées entre les Français et les Allemands.

02:19 On est en pleine Première Guerre mondiale.

02:21 Finalement, ça sera Wilson qui se fera élire 28e président des Etats-Unis

02:25 sur un programme de non-intervention dans cette guerre.

02:27 Sauf qu'une fois élu, il décide de rentrer en guerre.

02:29 Évidemment, il a peur de s'attirer des critiques et de perdre sa popularité.

02:32 Et c'est là qu'apparaît le personnage qui va nous intéresser.

02:35 Je te présente Edward Bernays, publicitaire étasunien d'origine autrichienne

02:39 qui va être chargé de rendre l'entrée en guerre désirable pour le peuple américain.

02:43 Il va faire une des premières grosses campagnes publicitaires et médiatiques de l'histoire.

02:46 D'ailleurs, de cette campagne, tu connais forcément cette image.

02:48 De l'oncle Sam appelant les jeunes américains à s'engager, qui est resté célèbre.

02:52 Grâce à cette campagne étatique d'un nouveau genre, directement tournée vers l'opinion publique,

02:56 les Américains vont changer d'avis et les Etats-Unis vont pouvoir rentrer en guerre.

03:00 Ils ont réussi à ce que l'opinion se retourne et ils sont rentrés en guerre.

03:03 Bernays qui a participé à ça, a lui-même été très impressionné de la possibilité qu'il y avait pour manipuler l'opinion.

03:08 Il a écrit d'ailleurs un traité qui s'appelle "Propaganda" que j'invite tout le monde à lire, ce qui est très impressionnant.

03:13 Et donc lui, son idée, c'est de dire avec des techniques de communication,

03:15 on peut dominer le monde et on est capable de le faire.

03:18 Et tout ça, ça va extrêmement bien marcher.

03:20 Les Etats-Unis rentrent en guerre.

03:22 Un an plus tard, c'est plié.

03:24 Et après ça, Édouard Bernays va décider d'aller vendre ses compétences aux entreprises.

03:29 Bon alors jusqu'ici, vous vous demandez peut-être le rapport entre Édouard Bernays et le thème de cet épisode.

03:33 Et bah justement, il va se mettre à bosser pour l'industrie du tabac.

03:36 Et là, on va lui donner une nouvelle cible, les femmes qui à ce moment-là fument encore très peu.

03:40 "Ces petites bouches, tout le monde le sait, ne peuvent fumer plus de 40 cigarettes par mois."

03:45 Alors, en tant que publicitaire, il va faire ce qu'il sait faire, c'est-à-dire des campagnes visuelles et médiatiques

03:49 dans lesquelles on voit des femmes qui correspondent au canon de beauté et qui fument.

03:52 Il vise notamment les ménagères en leur expliquant que pour maigrir, elles ont intérêt à remplacer le grignotage par la cigarette.

03:57 Pour être belle, il faut être mince.

03:58 Alors on affirme que la cigarette, ça fait maigrir.

04:00 Et encore une fois, c'est un énorme succès.

04:04 Le nombre de femmes qui fument va passer de 5 à 12% en 10 ans.

04:07 Et à partir de là, les femmes qui fument vont devenir des objets de désir.

04:10 On trouvera ça d'abord chez les prostituées, puis les pin-up des années 50.

04:13 Mais très vite, ça va se propager aux actrices hollywoodiennes, aux femmes politiques.

04:16 Allant jusqu'à atteindre la légitimation ultime de la beauté, le secteur de la mode.

04:20 Pour cette deuxième histoire, on est toujours dans les années 20, toujours avec Édouard Bernays,

04:31 juste après sa première campagne victorieuse.

04:33 Et il ne va pas s'arrêter là.

04:34 On va demander à Bernays de corriger le problème suivant.

04:37 Voici le problème.

04:38 Après la guerre, dans les années 20, les hommes fument.

04:41 Par contre, les femmes ne fument toujours pas.

04:43 Et c'est socialement mal vu pour les femmes de fumer, surtout en public.

04:46 Donc Édouard Bernays, il va devoir changer tout ça.

04:48 On lui demande de corriger ce problème-là, parce qu'évidemment, il y a la moitié du marché à les conquérir.

04:53 Et à ce moment-là, il va quand même tenter quelque chose de très ambitieux.

04:56 Bernays va se rendre compte que beaucoup de gens accueillent avec sympathie

05:01 la cause des femmes, des suffragettes, la liberté des femmes.

05:04 Il va donc jouer là-dessus pour créer un happening qui va rester dans l'histoire.

05:08 Il commence par laisser couvrir le bruit selon lequel les suffragettes vont créer un coup d'éclat

05:12 lors de la traditionnelle parade de Pâques en 1929.

05:15 De son côté, il s'occupe d'organiser un faux défilé dans lequel on va retrouver quelques militantes féministes

05:20 mélangées à des comédiennes recrutées pour l'occasion.

05:22 Il convoque la presse et il leur dit "Voilà, il va se passer un truc".

05:27 Et pendant ce défilé, devant la presse, elles ont chacune brandi de manière ostentatoire une cigarette

05:32 qu'elles ont fumée comme un symbole de prise de pouvoir et de défense des libertés des femmes.

05:36 Ça a peut-être l'air de rien comme ça, mais pour l'époque, on est au max de la subversion.

05:40 Et c'est encore un coup réussi pour Édouard Bernays puisque ça sera repris partout dans la presse

05:45 sous l'appellation "Flambeau de la liberté".

05:47 Après ça, une femme qui fume en public, ça devient une femme libre qui défend ses droits.

05:51 Évidemment, les marques de cigarettes vont capitaliser sur le féminisme et la défense des droits des femmes.

05:56 Puis plus tard, sur la défense des droits des minorités.

05:59 Tout ça pour séduire de nouvelles clientes.

06:01 Et encore aujourd'hui, on garde cette image-là que la femme qui fume est une femme libre

06:10 et qui est effée du patriarcat et des normes sociales.

06:13 Alors que c'est uniquement une construction de l'industrie du tabac.

06:16 Si Édouard Bernays est à l'origine des deux plus gros coups marketing de l'industrie du tabac à destination des femmes,

06:23 rien n'aurait été possible sans le soutien de la plus grosse industrie publicitaire du monde.

06:27 Le cinéma a utilisé la cigarette pour créer de nouveaux archétypes de femmes désirables afin de séduire le public.

06:41 On retrouve Jane Seberg en étudiante américaine qui tombe love d'un voyou chez Truffaut,

06:45 Lauren Bacall en chanteuse énigmatique et fauchée qui combat les nazis,

06:48 une Sharon Stone suspectée de meurtre qui parvient à faire peser une forte tension érotique à son interrogatoire,

06:53 une Monica Bellucci en solitaire convoitée de tous dans le Malena de Tornatore,

06:57 Anna Muglalis en Coco Chanel amoureuse qui explore sa sexualité,

07:00 ou encore Robin Wright en Claire Underwood complice et stratège autour d'une cigarette partagée avec son mari.

07:06 La cigarette qui est donc devenue l'accessoire incontournable de la séduction féminine au cinéma.

07:11 Et tout ça, c'est pas arrivé par hasard.

07:15 L'industrie du tabac, Big Tobacco, a payé Hollywood pour faire fumer les acteurs et donc c'est devenu super glamour.

07:21 Je sais pas, Lauren Bacall qui fume, je trouve ça tellement sexy que voilà, on peut tous trouver un imaginaire comme ça.

07:26 Donc ça, ça a été complètement programmé, alors qu'en fait, finalement, la clope c'est pas très glamour,

07:31 ça pue, on pue de la gueule après, les habits ils sentent mauvais, voilà.

07:35 Fumer c'est nul, ça fait tousser.

07:38 Une marque de cigarettes a longtemps été un sponsor comme un autre pour financer un film.

07:41 Et en finançant le cinéma, l'industrie du tabac a pu bénéficier d'une image positive auprès du public, notamment du public féminin.

07:47 Sauf que à partir des années 90-2000, on a commencé à interdire la publicité pour le tabac et à réglementer la présence de la cigarette au cinéma.

07:55 Aujourd'hui, y'a plus d'influence du tabac, a priori, l'industrie du tabac c'est complètement interdit.

08:01 Du coup, l'industrie du tabac s'est intéressée au monde des séries, qui était en pleine expansion.

08:08 Y'a plein d'articles sur le sujet qui s'indignent du nombre de cigarettes à l'écran dans les séries qui sortent.

08:13 D'ailleurs, la série qui revient le plus souvent, c'est Stranger Things, notamment la saison 2 avec 262 clopes à l'écran.

08:19 Après, les plateformes sont de plus en plus critiquées pour ça, et notamment quand elles glamourisent la clope dans des séries pour les jeunes comme Sex Education.

08:25 Mais bon, les choses évoluent et y'a plein de questionnements intéressants.

08:28 Y'a une vraie discussion de savoir quel est l'intérêt de faire fumer.

08:32 Là, on rentre sur la liberté artistique et c'est très compliqué de réglementer ça.

08:36 Si on commence à réglementer le tabac dans les films, on va réglementer l'alcool dans les films, la vitesse en voiture, enfin bon voilà.

08:41 *Avertissement. Suite à la nouvelle loi gouvernementale sur le tabagisme au cinéma, certaines scènes de ce film ont été légèrement modifiées.*

08:47 *Pouche pas. Reste calme. Mais ne pouche pas. Tiens.*

08:52 *Tiens. Voilà. Tiens dessus, ça tourne bien.*

08:56 Je pense que ce qui est important, c'est que les gens soient informés en fait. C'est pas tant l'interdiction, pas la réinterdiction, voilà.

09:01 *L'idée, c'est de garder les cigarettes qui ont une nécessité dans le scénario ou une logique historique, comme par exemple dans les biopics de personnages qui ont existé.*

09:08 Et surtout d'éviter de tomber dans des paresses d'écriture au scénario en utilisant juste la cigarette pour dire qu'un personnage est plus libre ou plus rebelle qu'un autre.

09:15 *Il paraît que Netflix, qui était au centre des critiques, a commencé à prendre des mesures.*

09:18 *Mais bon, on est assez loin d'une situation de censure créative au niveau de la clope dans le monde des séries quand on voit sortir des séries comme The Idol en 2023.*

09:28 Mais déjà, de savoir que certaines idoles qu'on trouve tellement glamour en fumant, ça aussi c'est l'industrie du tabac.

09:36 Si on s'aperçoit que finalement on s'est fait berner à tous les stades de ce qui nous donne envie de fumer, déjà, bon voilà, ça nous aide un peu peut-être pour lâcher le truc.

09:43 *Normalement maintenant, tu comprends mieux comment l'industrie du tabac a su séduire le public féminin et comment il a rendu la fumeuse rebelle et attrayante.*

09:56 *Et comme dit Olivier Milron dans son livre, le succès est complet puisque le taux de cancer du poumon et la surmortalité par cancer du poumon qui est stable, voire diminue chez les hommes depuis les années 90, a été multiplié par 4 chez les femmes.*

10:07 Voilà, c'est la fin de cet épisode. Si t'as kiffé, je t'invite à t'abonner, c'est la meilleure manière de me soutenir.

10:16 Tu peux aussi commenter, liker, partager la vidéo autour de toi, tout ce qui peut la faire remonter dans l'algorithme, je prends.

10:21 L'objectif, ça va être de pouvoir envoyer un épisode toutes les deux semaines.

10:24 Pour info, les épisodes sont aussi disponibles en podcast sur les plateformes audio.

10:28 Et si t'es intéressé par mes sources, mes lectures ou si tu veux suivre un peu l'actu du podcast, je te donne rendez-vous sur Insta, t'as juste à taper "Réflexion Basse, podcast".

10:35 Et bah voilà, je crois que je t'ai tout dit. Rendez-vous pour le prochain épisode, dimanche, dans deux semaines.

10:39 *Ah c'est vous Réflexion Basse !*

10:42 *T'es dur, t'es dur !*

10:43 *Ah vous êtes des stars !*

10:45 *Vous avez pris ça ?*

10:46 *Pourquoi pas ?*

10:47 *C'est parce que c'est exactement dans ce que je recherche dans la discussion à l'intérieur.*

10:50 *Putain ! Bah c'est des Réflexions Basses !*

10:52 *La Basse !*