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William Elong : « 90 % des jeunes Africains pensent qu’il faut sortir du franc CFA »

Pour l’entrepreneur camerounais, qui a fondé sa première société à 21 ans, le développement de l’intelligence artificielle, les terrains de guerre, la menace cyber, les relations internationales, et bien sûr l’économie sont autant de sujets à surveiller de près cette année.

William Elong est le Grand invité de l’économie RFI – Jeune Afrique. Souveraineté, cybersécurité, intelligence économique… Il répond aux questions de Aurélie M'Bida et Bruno Faure

L’intégralité de l’entretien est à retrouver sur JA : https://www.jeuneafrique.com/1524882/economie-entreprises/william-elong-90-des-jeunes-africains-pensent-quil-faut-sortir-du-franc-cfa/

#Tech #Cybersécurite #Cameroun #Elong #CFA #Monnaie #cameroun

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Transcription
00:00:00 Ecodici, Ecod'ailleurs, le grand invité de l'économie RFI Jeune Afrique, Auréline Bida, Bruno Fort.
00:00:10 Bonjour, bonjour à tous. Nous sommes très heureux de vous retrouver en 2024 avec ma camarade, ma coéquipière, Auréline Bida, rédactrice en chef économie à Jeune Afrique.
00:00:23 Bonjour Aurélie. Bonjour Bruno. Meilleur vœu, plein de bonnes choses. Bonne année également, merci.
00:00:28 Ensemble, comme en 2023, nous allons recevoir chaque mois encore les grands invités de l'économie RFI Jeune Afrique,
00:00:35 ces personnalités qui comptent sur le continent, qui le développent, qui le réfléchissent, qui le questionnent, des prises de positions sans concession.
00:00:44 Et pour inaugurer cette année qui s'annonce riche en événements et en évolutions profondes, nous avons choisi un entrepreneur atypique, précoce et tourné vers l'avenir.
00:00:56 Bonjour William Elong. Bonjour Bruno. On est ravis de vous accueillir ici dans notre cher studio 51 de RFI.
00:01:03 William Elong, votre visage est apparu dans les radars, vous apprécierez le jeu de mots.
00:01:09 Il y a quelques années, on vous a présenté comme le petit génie du drone camerounais qui a grandi, en tout cas qui a engrangé de l'expérience et de la notoriété,
00:01:20 intelligence artificielle, intelligence économique, cybersécurité, robotique en Afrique, en Amérique, en Europe, avec un oeil sur l'Asie, nous le verrons.
00:01:29 Un parcours que vous nous résumez Aurélie.
00:01:32 Oui, alors William Elong, vous êtes le concepteur du premier drone made in Cameroun, 100% assemblé en Afrique centrale,
00:01:41 et l'une des personnalités les plus étonnantes et atypiques du monde de la tech africaine.
00:01:47 Vous avez en effet fondé et dirigé plusieurs jeunes entreprises au Cameroun, puis en Europe.
00:01:53 D'abord dans les drones, destinés à la surveillance des frontières et la sécurité.
00:01:58 Puis vous avez développé vos activités dans le conseil, l'IA, l'intelligence artificielle et l'intelligence économique.
00:02:06 Dernièrement, vous avez lancé Faraday à Paris, une startup qui développe un logiciel open sources dans la cybersécurité.
00:02:15 Mais en disant cela, on n'a pas tout dit.
00:02:17 En effet, à en croire vos différents réseaux sociaux, vous vous définissez à travers des locutions plutôt élogieuses et même justifiées.
00:02:28 Geek entrepreneur, vous assumez le côté geek. Vous mettez en avant aussi votre distinction Forbes Africa, 30 under 30.
00:02:37 Vous êtes très actif. - Moins de 30 ans. Jusque là en tout cas.
00:02:41 - Pardon pour l'anglicisme. Vous participez aux fameuses conférences TED, un propagateur d'idées né en Californie.
00:02:50 Que ce soit vos activités, le vocabulaire et même si vous faites aussi référence à la culture japonaise en vous définissant comme otaku,
00:02:59 on baigne finalement dans l'univers anglo-saxon.
00:03:02 - D'ailleurs, vous avez passé pas mal de temps aux États-Unis. Vous y avez fait quelques voyages.
00:03:07 Vous avez découvert New York dans votre jeunesse, mais ce n'est pas aux États-Unis que vous avez percé.
00:03:15 Pourquoi est-ce que vous avez choisi l'Europe ? C'était plus facile l'Europe pour réussir rapidement et pour bien réussir ?
00:03:23 - Pour plusieurs raisons. La première, effectivement, du point de vue purement, et ça me permet de soulever d'emblée la question de la mobilité internationale des jeunes entrepreneurs.
00:03:34 Lorsqu'un entrepreneur est occidental d'un pays européen, c'est plus simple pour lui de se déplacer.
00:03:39 Pour un entrepreneur africain, qui plus est d'Afrique francophone, le plus simple en termes administratifs, en termes de procédures, c'est souvent l'Europe.
00:03:47 C'est pour une raison objective, pratique déjà. Et aussi parce que du point de vue des financements et sur les thématiques que j'aborde,
00:03:55 notamment l'intelligence artificielle, la France est aujourd'hui, en Europe en tout cas, le pays qui mène le plus d'actions et fait le plus d'investissements.
00:04:04 D'ailleurs, Paris est devenue en Europe la ville la plus attractive pour les startups.
00:04:08 Donc en réalité, mon choix et le choix de beaucoup d'entrepreneurs étrangers...
00:04:12 - Il y en a quand même qui ont réussi aux États-Unis, des Africains.
00:04:15 - Bien sûr, il y en a qui réussissent aux États-Unis, et c'est mon but, d'ailleurs. L'Europe n'est qu'une étape.
00:04:20 Mais il faut bien comprendre que dans le processus de projection internationale vers le monde, partant d'Afrique, l'Europe est une escale.
00:04:28 - Alors la France, vous l'avez découvert à l'âge de 19 ans dans la capitale, Paris. Pourquoi est-ce que vous avez quitté si tôt dans votre vie, votre pays natal, le Cameroun ?
00:04:40 - Pour les études, tout simplement. J'avais l'envie, l'espoir et l'ambition de me spécialiser en intelligence économique.
00:04:49 Et à l'époque, il y a quand même 10 ans aujourd'hui, l'école de référence, et l'école qui est toujours de référence sur la thématique, c'était l'école de guerre économique de Paris.
00:04:59 Donc très naturellement et sur les conseils de mes proches, j'ai postulé, j'ai été admis au sein de l'école, et le choix s'est fait naturellement.
00:05:08 - C'est en effet Paris. À l'âge de 19-20 ans, là où vous êtes arrivé pour vos études, vous avez obtenu votre diplôme MBA de l'école de guerre économique.
00:05:18 Vous l'avez dit, en stratégie et intelligence économique, un record de précocité quand même par rapport à l'âge d'obtention du diplôme.
00:05:25 Dans la foulée, vous fondez votre première société, Will Brothers, spécialisée dans le conseil en intelligence économique et l'innovation technologique.
00:05:36 Et vous la fondez à Douala, au Cameroun, parce qu'à aucun moment vous n'avez oublié votre pays natal. Vous êtes né en 1993 à Eboné, près de Douala et de Bafoussam.
00:05:50 Vous avez étudié à l'école des hautes études de commerce de Yaoundé. Vous aviez 15 ans lorsque vous en ressortez diplômé.
00:05:59 Vous avez appris, du moins par des stages, ce que c'est que de travailler dans des compagnies nationales, la Sonara, Société Nationale de Raffinage,
00:06:10 mais aussi dans les télécoms chez Camtel, un passage obligé. En parallèle, vous lancez votre activité dans les drones et la robotique.
00:06:18 On est en 2014-2015, vous avez 21 ans. Au même âge, beaucoup de jeunes ont à peine obtenu le droit de conduire ou de commander de l'alcool dans un bar.
00:06:28 Vous conduisiez quand même ?
00:06:30 Non, pas encore.
00:06:31 Pas encore ?
00:06:32 Toujours pas ?
00:06:33 Déjà.
00:06:34 Ah bon, quand même.
00:06:35 Bon, le Cameroun vous le rend bien, tout ce parcours, puisque finalement, et même si vous êtes discret sur vos activités, vos clients, vos débouchés,
00:06:44 c'est le secteur qui le veut, l'un de vos principaux contrats, vous l'avez quand même signé avec l'armée camerounaise.
00:06:50 Et vous êtes régulièrement invité, en tant qu'enfant du pays, présenté comme un jeune prodige de la tech et de l'entreprenariat,
00:06:59 à vous exprimer dans des forums liés à ces secteurs de l'économie.
00:07:03 Vous profitez d'ailleurs de ces tribunes, tantôt dans la défense sécurité, l'intelligence artificielle, la robotique, les sciences,
00:07:10 pour défendre vos opinions sur les réalités et les maux aussi de ces milieux.
00:07:16 Mais comme vous restez un jeune entrepreneur africain, bien dans son temps, comme on dit,
00:07:22 vous avez également votre mot à dire sur les sujets de société, de la politique.
00:07:26 Et vous allez avoir l'occasion de le faire dans quelques minutes.
00:07:29 Exactement. Mais vous qui avez accompli tant de choses très tôt dans votre vie, vous êtes l'aîné de cinq enfants,
00:07:35 qu'espérez-vous que l'on retienne de votre parcours ? Vos frères et sœurs, par exemple, votre fils, qu'est-ce qu'ils doivent retenir ?
00:07:42 J'espère en tout cas que mon fils, qu'on lui dira que son père a impacté l'histoire du monde et l'histoire de la technologie,
00:07:53 pas que l'histoire de l'Afrique. Et qu'il a apporté, par son travail, par ses efforts, une révolution et qu'il a inspiré des gens.
00:08:02 Vous-même, vous vous êtes inspiré de votre propre père ?
00:08:05 Tout à fait.
00:08:07 Il était aussi dans le business ?
00:08:09 Il est toujours d'ailleurs. Il va frimer quand il va voir ça.
00:08:13 Qu'est-ce qu'il fait ?
00:08:15 Il fait plein de choses. Mais justement, je pense que c'est extrêmement important d'avoir des modèles.
00:08:21 Parce que moi, quand j'étais plus jeune, je me rappelle, avant que je comprenne exactement ce qu'étaient les affaires,
00:08:27 j'ai souffert du fait de ne pas avoir beaucoup de modèles noirs, beaucoup de modèles africains, dans la technologie surtout.
00:08:32 Parce qu'on a des modèles dans d'autres domaines, mais dans la technologie, plus jeune que moi, j'avais 10-11 ans.
00:08:39 A 10-11 ans, moi, j'étais déjà en troisième ou quelque chose comme ça.
00:08:44 Donc je me posais déjà des questions assez existentielles.
00:08:46 Et j'avais envie d'avoir des modèles.
00:08:49 Et force à être constaté que le modèle que j'avais sous les yeux, c'était mon père.
00:08:54 Parce que j'ai vu quelqu'un quitter notre petit village, Eboné,
00:08:59 se construire étape par étape et gravir tous les échelons de la société.
00:09:04 Donc pour moi, entreprendre n'est pas quelque chose de nouveau ou de particulier.
00:09:09 En réalité, pour moi, c'est ne pas entreprendre qui aurait été bizarre.
00:09:12 En parlant de modèles, vous avez des modèles dans d'autres domaines,
00:09:16 puisque vous êtes un fan inconditionnel de la sélection camerounaise de football,
00:09:20 celle qui est engagée à la Cannes, qui se déroulera en Côte d'Ivoire,
00:09:24 et un fan du président de sa fédération, Samuel Eto'o.
00:09:28 On y reviendra.
00:09:29 Et ça sera en toute fin d'émission.
00:09:31 Avant cela, énormément de sujets d'actualité à aborder avec vous, William Elong.
00:09:36 Le développement de l'intelligence artificielle, bien sûr, l'économie,
00:09:40 terrain de guerre, la menace cyber, les relations internationales,
00:09:45 les questions d'immigration, les relations Nord-Sud.
00:09:47 William Elong, vous êtes notre grand invité de l'économie RFI Jeune Afrique.
00:09:52 A retrouver en vidéo sur notre chaîne YouTube
00:09:55 les meilleurs passages à lire sur le site de Jeune Afrique, jeuneafrique.com.
00:10:00 Bonne émission à toutes et à tous.
00:10:02 2023 a été l'année de l'IA.
00:10:15 2024, sans doute aussi, on s'en est rendu compte lors du CES de Las Vegas,
00:10:20 le méga salon de l'électronique aux États-Unis, qui est à l'image de la société.
00:10:25 Des voitures, aux réfrigérateurs, en passant par les ordinateurs,
00:10:29 par les drones, l'IA est partout, William Elong.
00:10:33 Pourquoi, selon vous, le phénomène a-t-il pris si vite,
00:10:37 ou en tout cas s'est amplifié à une telle vitesse ?
00:10:40 Parce que jusque-là, l'intelligence artificielle
00:10:43 reste un domaine relativement technique et relativement fermé.
00:10:47 L'explosion de solutions comme ChatGPT a permis à monsieur et madame,
00:10:52 tout le monde, sur une interface simple,
00:10:55 de se familiariser avec l'intelligence artificielle.
00:10:58 Ça change tout.
00:10:59 Quand vous avez 100 millions de personnes qui peuvent accéder à de l'IA,
00:11:02 et quand vous en avez quelques dizaines de milliers
00:11:06 qui ont une expertise métier, ça change totalement la donne.
00:11:10 Parce que dans ces millions d'utilisateurs, vous avez des professionnels,
00:11:14 des gens du secteur public, des gens dans tous les métiers,
00:11:17 c'est comme cela que l'IA infuse la société.
00:11:19 En parallèle, on voit que l'intelligence artificielle
00:11:22 suscite de nombreuses craintes, des interrogations
00:11:26 du fait d'une méconnaissance des enjeux,
00:11:28 mais aussi du manque client de réglementation,
00:11:31 d'encadrement de cette technologie.
00:11:33 Vous trouvez ces discours et ces craintes légitimes ?
00:11:36 Alors, oui et non.
00:11:38 Maintenant, il faut préciser les choses.
00:11:41 Aujourd'hui, les discours de craintes sur l'intelligence artificielle
00:11:44 sont exprimés premièrement par des entreprises
00:11:46 qui sont elles-mêmes souvent des entreprises d'IA.
00:11:48 Premier point.
00:11:49 Le second point, beaucoup de ces entreprises expriment ces craintes
00:11:52 après avoir levé des centaines de millions de dollars sur le sujet.
00:11:55 Et troisième point, elles font ce qu'on appelle du regulatory capture,
00:11:59 qui est une méthode très prisée par les entreprises américaines
00:12:02 qui consiste à entrer dans un secteur d'activité,
00:12:04 lever des fonds dans ce secteur d'activité,
00:12:07 et ensuite écrire la loi sur ce secteur d'activité.
00:12:10 Beaucoup de ces entreprises à la Commission européenne,
00:12:12 à l'instant où nous sommes en train de parler,
00:12:14 font du lobbying, investissent des millions de dollars
00:12:17 en relations publiques.
00:12:19 Chez nous, on n'appelle pas ça des relations publiques,
00:12:22 mais pour influencer les lois et donc créer des barrières à l'entrée
00:12:26 que des think tanks européens estiment parfois
00:12:28 à des centaines de milliers d'euros.
00:12:30 Concrètement, ça signifie que si vous voulez devenir un de leurs concurrents,
00:12:34 il vous faut au moins des centaines de milliers de dollars dans les caisses.
00:12:37 Donc, il va y avoir des procédures ?
00:12:39 Est-ce que les règles de la concurrence
00:12:42 pourraient être mises en danger ?
00:12:44 Tout le point, c'est qu'ils le font avec beaucoup de subtilité.
00:12:47 Aujourd'hui, les règles de la concurrence sont telles
00:12:51 qu'elles sont peu écrites et comme vous l'avez évoqué,
00:12:54 l'intelligence artificielle est peu régulée.
00:12:56 Il y a l'IA Act qui a été voté,
00:12:58 mais qui ne va être mis en application qu'en 2026.
00:13:01 Sauf que le secteur de l'IA évolue littéralement tous les 15 jours.
00:13:04 Et entendons-nous bien, on parle de l'IA générative depuis à peu près un an.
00:13:09 Mais en réalité, l'IA, en fait, explose depuis une bonne dizaine d'années.
00:13:13 Au fond, avec le big data, l'explosion de l'accès à Internet,
00:13:17 l'accès à l'intelligence artificielle s'est démocratisé.
00:13:20 Dans d'autres secteurs d'activité, on pense aux voitures autonomes,
00:13:23 on pense aux drones.
00:13:24 Donc, ce n'est qu'un pan de l'IA qui est devenu de plus en plus commun
00:13:27 qui est subi des LLM et des outils type JAD-GPT.
00:13:30 – Donc la régulation n'ira jamais suffisamment vite
00:13:34 par rapport à l'évolution du marché, c'est ça que vous voulez dire ?
00:13:36 – Pour le moment, non.
00:13:37 Pour le moment, clairement, la régulation a du retard.
00:13:39 Et au fond, l'Europe est en train de s'attaquer,
00:13:43 de mon point de vue, au mauvais combat.
00:13:45 Pour plusieurs raisons.
00:13:47 Aujourd'hui, vous avez soit une IA américaine, soit une IA asiatique.
00:13:51 Et donc, au lieu de juste réguler des secteurs,
00:13:54 il faudrait être acteur de ce secteur-là.
00:13:56 Donc, on ne peut pas réfléchir plus à comment rédiger des textes de loi
00:13:59 pendant que les autres réfléchissent à créer des solutions.
00:14:01 – Il y a quand même une barrière qu'on ne peut pas démentir,
00:14:04 c'est la question qui a animé ces dernières semaines et ces derniers mois
00:14:09 la totalité de la société, c'est sur le biais cognitif
00:14:13 et notamment avec l'IA génératif qui, de par son fonctionnement
00:14:18 et ses origines occidentales, discriminerait certaines catégories de population.
00:14:23 Donc, ça concerne l'Afrique.
00:14:25 À ce titre, on peut se demander s'il y a ces faits pour le continent africain,
00:14:30 quels bénéfices en tirer quand on voit qu'il y a tant d'autres priorités ?
00:14:34 – Alors, la question est vaste.
00:14:36 Il y a deux choses dans votre question.
00:14:38 Il y a la question des biais et il y a la question de l'opportunité.
00:14:40 – Exactement.
00:14:41 – Alors, les biais, c'est une chose.
00:14:43 Aujourd'hui, oui, il y a des biais sur les IA.
00:14:45 Et ces biais sont le fait des créateurs des solutions
00:14:48 qui sont eux-mêmes porteurs d'une culture, d'une identité.
00:14:52 Donc, clairement, je vais vous donner un exemple très concret.
00:14:54 Si vous posez une question à une IA taïwanaise, par exemple,
00:14:56 est-ce que Taïwan est un pays indépendant ou pas ?
00:14:58 Eh bien, elle aura tendance à vous dire oui.
00:15:00 Si vous posez la même question à une IA chinoise,
00:15:02 elle aura tendance à vous dire non.
00:15:04 Donc, ça montre bien que l'IA n'est pas neutre.
00:15:07 Sur la question de la famille, sur la question de la sexualité,
00:15:10 sur la question de la société, les IA américaines ont clairement un biais
00:15:15 qui est porté vers la vision américaine du monde.
00:15:17 – Et donc, les Africains ne s'y retrouvent pas forcément ?
00:15:19 – Les Africains s'y retrouvent peut-être plus qu'on pourrait le penser,
00:15:23 étrangement, parce qu'aujourd'hui, la technologie est quelque chose d'assez universel.
00:15:27 C'est-à-dire qu'il ne faut pas croire que parce qu'il y aurait
00:15:30 certains biais cognitifs, les Africains seraient loin de cette technologie.
00:15:33 D'ailleurs, quand on parle d'IA, vous avez évoqué, on a évoqué Chad Gpt.
00:15:38 Mais qui se souvient, à l'instant où nous sommes en train de parler,
00:15:41 que Chad Gpt a été modéré par des Kényans payés 2 dollars de l'heure ?
00:15:44 Lorsqu'on parle d'intelligence artificielle,
00:15:46 on ne parle pas souvent des enjeux non seulement des personnes.
00:15:49 Ça représente un problème, parce qu'il y a de l'exploitation humaine derrière,
00:15:53 ces intelligences artificielles. Il y a de l'exploitation des sous-sols.
00:15:56 Parce que vous avez vu certaines entreprises ont explosé leurs chiffres d'affaires
00:16:00 ces derniers mois grâce à l'intelligence artificielle.
00:16:03 Mais on ne parle pas du fait qu'il faut des data centers,
00:16:06 il faut des cartes graphiques, il faut des microprocesseurs.
00:16:09 Tout cela demande des minerais. Il faut du coltan, il faut du cobalt
00:16:12 pour les batteries, pour les processeurs. Et tout ça vient d'où ? Du Congo.
00:16:17 Donc il faut bien comprendre que si on ferme les frontières de l'Afrique aujourd'hui,
00:16:21 l'IA s'arrête. Donc ça représente une opportunité financière pour l'Afrique,
00:16:25 parce qu'il y a un marché qui explose et l'Afrique doit prendre ce sujet à bras le corps.
00:16:29 Mais c'est aussi une faiblesse.
00:16:31 Alors justement, certains quand même craignent une fracture liée à l'intelligence artificielle,
00:16:37 comme on a eu une fracture numérique ces dernières décennies.
00:16:41 Je voudrais vous faire réagir au propos d'Amal El Fella Segrouchny.
00:16:45 C'est la présidente du Centre de recherche sur l'intelligence artificielle du Maroc,
00:16:50 qui a des ambitions continentales. Elle était l'une de nos dernières invitées
00:16:54 ici à Radio France Internationale. On l'écoute.
00:16:57 En Afrique, on sait que 70% de la population est en dessous de 30 ans.
00:17:04 Donc il y a un terreau exceptionnel de talents.
00:17:09 Et bien sûr, les géants du numérique... - Et de clients.
00:17:15 - Et les géants du numérique, ils vont certainement, c'est déjà en cours,
00:17:20 proposer un certain nombre d'initiatives sur le continent africain.
00:17:25 Mais moi, je pense que les pays africains ont tout intérêt à garder leur souveraineté numérique
00:17:33 et leur souveraineté dans le domaine de l'intelligence artificielle.
00:17:36 Collaborer avec les géants, c'est une chose. Sans remettre aux géants, c'en est une autre.
00:17:42 Et donc moi, je pense aujourd'hui qu'à l'instar de ce qui s'est passé en Europe,
00:17:47 parce qu'un pays tout seul, il ne peut pas faire face aujourd'hui,
00:17:51 à l'instar de ce qui s'est passé en Europe, il faut créer une stratégie africaine
00:17:56 du développement de l'intelligence artificielle.
00:17:58 - William Elong, est-ce que vous êtes d'accord ?
00:18:01 En Afrique, oui, mais en préservant la souveraineté numérique.
00:18:05 Attention à ne pas se laisser envahir par les géants du numérique.
00:18:10 - Totalement. J'adhère surtout à ce qui a été dit en amont,
00:18:14 à savoir qu'on peut collaborer avec les géants sans se livrer à eux.
00:18:17 Pourquoi ? Parce que Faraday, nous-mêmes, nous travaillons avec deux géants,
00:18:20 Amazon dans leur programme Startup et Nvidia,
00:18:23 qui sont les deux principaux acteurs aujourd'hui de cette révolution de l'intelligence artificielle.
00:18:28 Pourtant, le cœur de notre stratégie est la souveraineté.
00:18:31 Donc oui, l'Afrique doit garder son autonomie sur ces questions-là,
00:18:35 mais ça passe par la création de data centers locaux.
00:18:38 Il y a du talent, c'est-à-dire, détrompez-vous, n'ayez pas l'illusion
00:18:42 qu'il n'y aurait pas assez de talent africain en matière d'intelligence artificielle.
00:18:45 Il y en a des milliers. Il y a des experts en intelligence artificielle à Yaoundé,
00:18:49 à Dakar, à Bamako, à l'instant, nous sommes en train de parler.
00:18:52 Malheureusement, ces experts n'ont pas la même visibilité,
00:18:55 et lorsqu'ils créent des choses, il n'y a pas le même ramdam médiatique
00:19:00 que lorsque ça vient de l'université de Stanford ou de Harvard, de la Silicon Valley.
00:19:04 Et pourtant, la qualité de ce qui est fait en Afrique égale, mais totalement,
00:19:09 la qualité de ce qui est fait à Paris, de ce qui est fait à New York, de ce qui est fait à Pékin.
00:19:13 Donc il faut une stratégie à l'échelle continentale, ou pays par pays ?
00:19:18 Je pense qu'il faut pays par pays, parce que c'est triste à admettre,
00:19:23 mais la réalité est que les initiatives continentales ou intra-régionales,
00:19:30 ou même entre pays africains, ont tendance à ramer.
00:19:34 C'est l'histoire qui nous le dit, malheureusement.
00:19:36 Aurélie Mbida de Jeune Afrique.
00:19:38 Il y a un autre sujet qui rame un peu aussi, en ce qui concerne la souveraineté,
00:19:41 c'est le financement des start-up en Afrique, pour lancer vos diverses sociétés.
00:19:47 Vous avez vous-même été, et dû être confronté à l'étape de la levée de fonds.
00:19:53 Quelle expérience en tirez-vous, cette étape ?
00:19:57 Alors, il y a beaucoup de choses à dire sur ce sujet.
00:20:01 Ça tombe bien.
00:20:02 Ça tombe bien, effectivement.
00:20:04 Alors, mon expérience, elle est globalement bonne, dans le sens où j'ai pu m'en tirer.
00:20:09 J'ai pu, au final, lever des fonds pour ma boîte et pour mes différentes initiatives.
00:20:14 Mais ça a été laborieux, pour plusieurs raisons.
00:20:17 Premièrement, 90% des capitaux que j'ai levés n'ont pas été levés en Afrique.
00:20:21 Ils auraient été levés en Europe.
00:20:22 Ça, c'est factuel.
00:20:24 Second point, on parle de 3 milliards d'euros que les start-up africaines auraient levés en 2023.
00:20:30 Aujourd'hui, il faut que le chiffre… et on s'en gargarisse.
00:20:33 Il faut bien comprendre qu'aujourd'hui, en France, les start-up, au premier semestre 2023,
00:20:39 ont levés 4 milliards d'euros.
00:20:41 C'est-à-dire à peu près 30% de plus.
00:20:44 Ça, c'est le premier point.
00:20:45 Ça signifie qu'un pays, en 6 mois, lève plus qu'un continent en un an.
00:20:51 Premier point.
00:20:52 Second point, il y a plus d'incubateurs à Paris, aujourd'hui, que dans toute l'Afrique centrale.
00:20:56 Donc, le Fonds d'investissement étranger, lorsqu'il arrive en Afrique et qu'il a envie d'investir,
00:21:01 il a besoin de personnes qui lui ont, en quelque sorte, déblayé le terrain.
00:21:05 Et donc, naturellement, il se tourne vers les tech hubs, vers les hubs d'innovation,
00:21:08 vers les espaces de gens censés accompagner les start-up locales.
00:21:12 La problématique à laquelle on fait face aujourd'hui, c'est qu'entre le montant
00:21:16 qui dit être investi dans les start-up africaines,
00:21:20 que ce soit via des mécanismes d'aide au développement, de coopération, peu importe,
00:21:24 et l'argent qui arrive de manière effective dans les comptes en banque des start-upeurs,
00:21:29 il y a huit montants.
00:21:30 Et ça, c'est quelque chose que je dénonce depuis des années.
00:21:34 Je critique fortement le fait que des intermédiaires aient créé ce que j'ai appelé la start-up mafia.
00:21:40 Il y a une sorte d'économie parallèle aujourd'hui autour de l'investissement
00:21:44 vers les start-up africaines, qui fait que si vous demandez à des start-upeurs aujourd'hui
00:21:48 à Bamako, à Yaoundé, à Dakar, vous vous rendrez bien compte que beaucoup vivent dans la précarité.
00:21:53 Et qui sont les mafieux ?
00:21:55 Les mafieux, pour moi, ils sont de deux côtés. Ils sont en Afrique et ils sont en Europe.
00:22:00 Il y a les mafieux en Europe qui organisent des activités, qui ont parfois des budgets conséquents
00:22:07 sur la thématique afrique, qui surfent sur la vague de la thématique afrique
00:22:10 et l'intérêt que les gouvernements européens, notamment le gouvernement français,
00:22:14 ont pour essayer de capter le plus de fonds sur le sujet.
00:22:18 Et il y a ceux qui sont en Afrique, qui aujourd'hui, en fait, reçoivent l'argent
00:22:24 d'organismes de coopération, d'ambassades étrangères, qui reçoivent ces capitaux.
00:22:29 Et au final, très peu de start-up sortent de leurs incubateurs.
00:22:35 Très peu de start-up arrivent à survivre et à sortir de là.
00:22:39 Et c'est cela qui, moi, me gêne un peu.
00:22:42 Donc il faudrait des enquêtes ? Il faudrait davantage d'évaluations, des résultats ?
00:22:46 L'évaluation, elle est très simple. Posez la question.
00:22:49 Vous savez, posez une question très simple à ces personnes-là.
00:22:52 Pouvez-vous nous lister 10 start-up que vous avez financées et qui ont réussi ?
00:22:57 La question, elle est simple. Posez la question aux start-upeurs.
00:23:02 Combien avez-vous reçu dans votre compte en banque ?
00:23:05 Et vous vous rendrez compte très vite, très, très vite, de ce que je suis en train de dire.
00:23:10 Un des rares programmes qui ne fait pas ça, parce qu'il ne faut pas juste critiquer,
00:23:13 il faut aussi dire ce qui est bien. Le programme, par exemple, de Tony et Lou Mello.
00:23:18 Il n'est pas parfait, mais au moins, les start-upeurs, dans leur compte en banque,
00:23:23 reçoivent ce qui a été annoncé. Et donc la problématique, elle est simple.
00:23:27 Lorsque vous avez, par exemple, un programme d'accompagnement de start-up,
00:23:30 on va vous dire, je prends un exemple très simple.
00:23:32 On va vous dire, il y a 100 000 euros pour lancer un programme pour les start-up.
00:23:37 Eh bien, il y a des experts qui sont des consultants en marketing, en finance, en stratégie,
00:23:41 qui vont consommer sur ce budget-là, parfois, 70, 80 %.
00:23:46 Et les 20 000 euros restants, eh bien, c'est ça la trésorerie qu'on essaye de partager aux start-upeurs.
00:23:50 Et ça, c'est quelque chose que j'ai vécu moi-même en tant que start-upeur.
00:23:56 Donc, je parle de quelque chose que j'ai connu dans ma chaire et que les autres connaissent aujourd'hui.
00:24:02 Et tant donné que j'ai pu sortir de cette étape de précarité-là, je me fais le devoir,
00:24:09 à chaque fois que j'en ai l'occasion, de parler pour eux et de dire aux organismes de financement,
00:24:14 écoutez, faites simple, virez l'argent aux entrepreneurs africains eux-mêmes.
00:24:19 Les mafieux sont démasqués. Aurélie.
00:24:22 Néanmoins, vous connaissez ce système, mais vous avez choisi d'y matriculer votre dernière start-up à Paris.
00:24:30 Vous pensez, du coup, que l'accès aux capitaux en Europe est plus facile.
00:24:35 Et vous avez peut-être fait fi des problèmes.
00:24:38 En tout cas, vous avez dit, il y a un problème de perception en Afrique du risque,
00:24:43 de la part des investisseurs, qui n'est pas bon.
00:24:46 Mais qu'est-ce que vous faites et qu'est-ce que vous recommandez pour que ça change et que ça évolue, justement ?
00:24:51 Qu'on ne soit pas dans le constat, mais qu'on soit dans l'action.
00:24:54 C'est ça. Eh bien, pour être dans l'action, la première des choses, c'est d'avoir des échanges comme celui qu'on est en train d'avoir.
00:25:02 C'est de sensibiliser les gens. Parce qu'il y a aussi la culture de l'investissement, parfois, qui manque.
00:25:07 Chez nous, parfois, on a l'impression qu'investir, c'est prêter de l'argent à un entrepreneur.
00:25:12 Ça, c'est lui faire un prêt. C'est lui créer de la dette.
00:25:15 L'investissement, ça signifie qu'on est solidaires de la réussite et des échecs.
00:25:18 Et donc, on entre dans le capital de l'entreprise. C'est une toute autre histoire.
00:25:22 C'est une question de court terme, de long terme aussi ?
00:25:24 C'est une question de court terme, de long terme. Donc, il y a d'abord une question d'éducation.
00:25:28 Les gens sont de bonne foi. Il y a une culture de l'investissement en Afrique, la tontine.
00:25:32 On n'a pas attendu les Venture Capital américains pour inventer la tontine.
00:25:35 Et nos mamans arrivent à financer l'école, des projets en Afrique avec ça.
00:25:40 Donc, on sait investir en Afrique. Maintenant, investir sur des projets technologiques à forte valeur ajoutée, c'est une autre histoire.
00:25:46 Vous remarquerez que les investisseurs en Afrique, tous ceux qui se lancent,
00:25:49 très souvent, c'est sur des secteurs qui, de mon point de vue, sont intéressants, mais qui sont beaucoup plus simples.
00:25:56 Par exemple, ils vont se lancer souvent dans l'immobilier, souvent dans l'agriculture.
00:26:00 Et même quand c'est de la tech, c'est souvent, parfois, du e-commerce avec un aspect où il y a des choses palpables.
00:26:06 Il y a du commerce clair, ou parfois de la fintech. La fintech, par exemple, au Nigeria, explose parce qu'il y a des problématiques de transfert de fonds.
00:26:13 Il y a des forts diasporas. Donc, en gros, sur tous les secteurs d'activité, y compris technologiques,
00:26:17 où il y a un jeu de rentabilité facile à cerner, les investisseurs y vont, en Afrique.
00:26:24 Par contre, sur le quantique, sur le spatial, sur l'intelligence artificielle, comme un vieux tonton m'avait dit, on ne voit pas ça.
00:26:33 C'est trop compliqué.
00:26:36 Le dicton du vieux tonton William Elong, figure de la tech africaine et européenne, est le grand invité de l'économie RFI Jeune Afrique.
00:26:46 Parmi les principaux défis du moment pour les entreprises, y compris sur le sol africain,
00:26:53 la cybersécurité, avec des attaques cyber qui se multiplient, y compris contre des organismes publics.
00:27:00 On va en parler avec un expert de ces questions, Clément Domingo, qui se présente comme un hacker éthique.
00:27:06 C'est un Sénégalais installé dans l'ouest de la France. Bonjour Clément Domingo.
00:27:11 Bonjour Bruno. Bonjour à tous les auditeurs.
00:27:14 Que pensez-vous de l'action des gouvernements africains ?
00:27:17 Je travaille avec plusieurs gouvernements, avec plusieurs ministères.
00:27:24 Je ne dirais pas qu'à date, en 2024, la réponse est à la hauteur, même s'il y a beaucoup de choses qui sont en train d'être faites pour relever ce niveau de cybersécurité.
00:27:35 Par exemple, je peux en citer deux.
00:27:37 Depuis 2014, il y a un texte fondamental qui s'appelle la Convention de Malabo.
00:27:42 Cette Convention de Malabo, à l'instar de la Convention de Budapest, voudrait que les pays en Afrique puissent ratifier, signer,
00:27:51 mais surtout mettre en œuvre cette convention qui vient un peu rédiger, stipuler des différents moyens pour protéger un pays par rapport à l'espace numérique.
00:28:03 Sauf que dans les faits, neuf ans après la signature, en tout cas cette convention-là, en Guinée-Équatoriale, donc à Malabo,
00:28:09 on se rend compte quand même qu'il y a beaucoup de pays qui ne sont pas encore, qui déjà n'ont pas ratifié cette convention,
00:28:15 et pire encore, ne l'ont pas signée, et même pour ceux qui l'ont ratifiée et signée, ça peine encore à mettre en place vraiment cet organe-là,
00:28:22 ces différents textes, ces différents moyens pour venir pleinement défendre le cyberspace africain.
00:28:29 Donc non, hélas, les gouvernements africains ne sont pas encore à la hauteur.
00:28:33 Alors ça, c'est du côté des gouvernements. Du côté des entreprises, Clément Domingo, est-ce qu'elles sont, selon vous, davantage conscientes des risques ?
00:28:42 On se doute bien que si les États eux-mêmes ne sont pas garants de mettre en place les politiques,
00:28:50 ça ruisselle négativement une fois de plus sur les entreprises, sur les banques, qui elles-mêmes aussi sont littéralement,
00:28:58 comment dire, qui sont en fait, sont juste littéralement dépassées.
00:29:03 Pour preuve, il y a eu pas mal de cas de cyberattaques en 2023 sur des banques, et d'ailleurs sur des banques majeures en Afrique.
00:29:10 Je ne les citerai pas ici, mais tout le monde pourra les retrouver très facilement.
00:29:14 Où à chaque fois, j'ai été très surpris par la réaction, donc à la fois juste la politique de l'autruche, comme quoi il ne s'était jamais rien passé.
00:29:22 Et ensuite, on se rend compte quand même que ces banques-là ne prennent pas aujourd'hui totalement la mesure de la protection des données des citoyens,
00:29:32 de la protection des données des clients, et ce qui fait que c'est juste un désastre.
00:29:36 Et ça, il va falloir littéralement trouver quelque chose pour remédier à ça.
00:29:40 Et 2024, 2025, en tout cas les années à venir, les mois à venir, les semaines à venir,
00:29:44 devront être cruciales si on veut rehausser le niveau de sécurité au niveau de l'Afrique.
00:29:49 Merci Clément Domingo.
00:29:51 Merci Bruno, à bientôt.
00:29:53 Clément Domingo, alias Saks, spécialiste sénégalais du Dark Web.
00:29:59 William Elong, on revient vers vous.
00:30:02 Est-ce que vous êtes aussi pessimiste ? Est-ce que selon vous la prise de conscience est réellement insuffisante de ces risques cyber sur le continent africain ?
00:30:12 Oui, il a raison, il a raison.
00:30:14 C'est-à-dire qu'effectivement, la prise de conscience reste insuffisante, mais les choses commencent à bouger.
00:30:20 C'est-à-dire que dans les pays africains, il y a de plus en plus de start-up blocage,
00:30:25 comme Cameroon par exemple, je pense à Enix, qui oeuvre à sensibiliser, à limiter en tout cas les risques de cyberattaque dans le pays.
00:30:34 Et dans chaque pays d'Afrique francophone aujourd'hui, vous avez des jeunes, des entrepreneurs, et il y a en réalité une grosse culture du hacking qu'on a.
00:30:42 Je vais vous donner un exemple très concret.
00:30:44 La première fois de ma vie que j'ai payé un logiciel, je crois que c'est quand j'étais à Paris pour mes études.
00:30:49 Et je pense que cette réalité-là, elle est vraie pour beaucoup de jeunes africains.
00:30:52 Il y a une vraie culture du hacking.
00:30:57 Maintenant, est-ce que les gouvernants ont le même niveau de conscience du risque que les jeunes ? C'est une autre histoire.
00:31:05 Et ils viennent d'où justement ces risques ?
00:31:07 Vous citiez, il y a une culture de hacking en Afrique, sur le continent.
00:31:11 C'est peut-être aussi le revers de la médaille de la culture de la débrouille et aussi des bonnes formations.
00:31:17 Mais ils viennent d'où les vrais risques qui ont un impact qu'on n'arrive pas à mesurer ?
00:31:22 Clément Domingo disait tout à l'heure, les chiffres et les noms, on ne les a pas parce que personne ne va le dire.
00:31:28 On les a, on les connaît. Je vais vous donner un exemple.
00:31:31 Quels sont-ils ?
00:31:32 Aujourd'hui, vous vous rappelez, il y a eu un scandale sur le siège de l'Union africaine et les micros.
00:31:38 Donc par exemple, c'est quand même fort de café de se dire qu'au siège des institutions africaines,
00:31:44 là où les décisions sont prises, les serveurs, les discussions stratégiques, l'infrastructure technologique
00:31:50 est faite par un groupe chinois et personne n'a eu l'idée d'auditer l'infrastructure qui a été déployée.
00:31:55 C'est le premier point.
00:31:57 Il y a la question des contrats sur, j'ai envie de dire, les transmissions nationales.
00:32:03 Et c'est vrai dans toute l'Afrique.
00:32:05 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, malgré le fait qu'il y ait en local des compétences dans tous les pays d'Afrique aujourd'hui,
00:32:11 vous avez des gens capables d'assurer des transmissions radio, HF, Internet, parfaitement, en totale autonomie.
00:32:19 Vous avez des gens capables de vous monter un data center de A à Z.
00:32:23 Mais il y a un tel complexe d'infériorité.
00:32:25 Eh bien, c'est cela le vrai problème.
00:32:27 C'est que vous avez des personnes qui décident et qui sont tellement complexées, qui sont convaincues
00:32:33 qu'il faut que ce soit un Américain, un Européen, qui vienne faire le travail,
00:32:37 que des acteurs locaux pourraient parfaitement exécuter.
00:32:40 Et tant qu'on ne règle pas ce problème de mentalité à la racine, on va brasser du vent.
00:32:45 On va parler de sensibilisation à longueur d'aujourd'hui.
00:32:48 Ils savent très bien qu'il y a des solutions locales.
00:32:50 Mais par habitude, par facilité et surtout par complexe,
00:32:55 ils continuent d'aller chercher à l'étranger ce qu'ils ont à porter de main.
00:32:58 – Vous, avec Faraday, vous travaillez avec qui ?
00:33:00 – Aujourd'hui, on travaille avec des acteurs privés, des acteurs publics.
00:33:04 Je vous ai évoqué tout à l'heure, par exemple, dans le cadre du programme Start-Up Amazon et Nvidia,
00:33:09 qui nous permet d'avoir, par exemple, de la puissance de calcul.
00:33:12 Nvidia nous permet d'avoir accès aux cartes graphiques les plus performantes
00:33:16 pour entraîner nos modèles, et c'est d'ailleurs ce que nous avons fait.
00:33:19 Et nous avons très rapidement, en quelques mois, réussi à déployer des modèles ARIA,
00:33:24 alternatifs à des modèles comme GPT 3.5, des solutions américaines.
00:33:28 Et sur ce point-là, notre positionnement est de dire, en France, en Europe,
00:33:32 on est capable de créer des solutions alternatives aux solutions américaines
00:33:36 qui soient entraînées sur des données francophones.
00:33:38 Nous avons, par exemple, pris le dataset du Parlement français, qui est open source,
00:33:42 pour entraîner nos modèles.
00:33:44 Et c'est en travaillant de cette manière-là, avec des entreprises européennes d'ailleurs,
00:33:48 comme Reply, qu'on arrive à faire des choses concrètes.
00:33:52 Et cet écosystème de partenaires, vous rappeliez tout à l'heure
00:33:56 qu'on s'est immatriculés à Paris, eh bien, c'est tout cela que l'Europe donne.
00:34:00 Parce que vous avez des gens qui, ici, et ailleurs aussi, comme je le dis,
00:34:05 surtout aujourd'hui en France, l'Europe a peur.
00:34:08 L'Europe, aujourd'hui, a peur d'être déclassée.
00:34:10 Et pour moi, en tant qu'entrepreneur, c'est une opportunité d'affaire.
00:34:13 – Vous travaillez avec des organismes ou des entreprises africaines ?
00:34:16 – Bien sûr, beaucoup. – Où ?
00:34:19 – Au Cameroun, notamment, au Sénégal, en Côte d'Ivoire,
00:34:23 dans l'Afrique francophone, on travaille.
00:34:25 – Il n'y a pas que l'immateriel, l'impalpable, qu'il faut protéger en Afrique et ailleurs,
00:34:31 mais il y a aussi du très, très concret à défendre.
00:34:34 C'est le cas de la sécurité des personnes, des biens, des infrastructures.
00:34:39 Vous êtes spécialisé, d'ailleurs, dans les drones sécuritaires. Pourquoi ?
00:34:43 Quel a été le déclic ?
00:34:45 – Après, il faut savoir que moi, je travaille dans le domaine de la sécurité
00:34:49 depuis que j'ai 18 ans.
00:34:51 Ma première entreprise pour laquelle je travaillais, c'est Thalès.
00:34:54 Après ça, j'ai travaillé pour Nexter,
00:34:56 qui est un fabricant d'équipements de défense français.
00:35:00 Donc, pour moi, cet écosystème de la défense est totalement naturel.
00:35:06 Il faut bien le comprendre.
00:35:08 Aujourd'hui, j'estime que si on ne règle pas les problématiques de défense,
00:35:13 il n'y a pas de développement.
00:35:15 Personne ne va à l'école sous les balles.
00:35:17 Personne ne construit un hôpital sous les balles.
00:35:19 Personne ne construit une route sous le feu des balles.
00:35:22 Et donc, la question centrale aujourd'hui du développement,
00:35:25 de mon point de vue, c'est la sécurité.
00:35:28 Et donc, à partir du moment où vous avez réussi à assurer la sécurité de la population,
00:35:32 et bien, tout le reste peut commencer à suivre.
00:35:35 Entendons-nous bien, il y a des pays qui n'ont pas de problématiques de sécurité,
00:35:40 qui sont sous-développés.
00:35:41 Mais ce que je dis, c'est que c'est encore plus compliqué
00:35:44 si en plus, on a des problématiques de sécurité.
00:35:46 – Les drones sont pour vous un instrument majeur, décisif,
00:35:51 dans cette politique de sécurité ?
00:35:53 – Aujourd'hui, oui, totalement.
00:35:55 Aujourd'hui, je dirais même que les drones, sur tous les conflits armés,
00:35:59 ce que j'appelle la guerre des drones, regardez l'Azerbaïdjan et l'Arménie,
00:36:03 le conflit aujourd'hui a été gagné surtout grâce aux drones turcs.
00:36:07 Regardez sur le Sahel, il faut savoir qu'une des plus grandes bases de drones,
00:36:12 pour vous montrer à quel point c'est important,
00:36:15 une des plus grandes bases de drones au monde est au Niger.
00:36:18 Elle est gérée par des Américains.
00:36:20 Donc, on parle beaucoup de la présence militaire française-américaine.
00:36:23 Eh bien, ce sont des drones américains qui frappent le plus dans le Sahel.
00:36:26 Ce ne sont pas des drones français.
00:36:28 Donc, il faut bien comprendre qu'aujourd'hui, les drones ont un rôle extrêmement stratégique
00:36:33 sur tous les conflits armés dans le monde et permettent de décider qui gagne et qui perd.
00:36:37 – D'ailleurs, depuis que vous avez lancé votre activité,
00:36:40 les initiatives de création de production de drones sont multipliées sur le continent
00:36:46 et sont développées dans plusieurs secteurs, dans l'agriculture,
00:36:49 mais aussi dans, c'est un autre sujet, la lutte contre le terrorisme.
00:36:53 Je pense notamment au Cameroun, au nord Cameroun, Boko Haram.
00:36:58 Qu'est-ce que ces technologies, que ce soit dans l'agriculture ou dans le terrorisme,
00:37:02 le grand saut, qu'est-ce que cette technologie permet de faire mieux ?
00:37:05 – Alors, plusieurs choses. Dans le civil, aujourd'hui, ces technologies permettent,
00:37:09 par exemple dans l'agriculture, d'optimiser les rendements agricoles,
00:37:13 de détecter les zones d'irrigation des sols, de faire de l'épandage aujourd'hui.
00:37:20 Donc sur l'agriculture, on peut faire par exemple un hectare en 30 minutes aujourd'hui avec un drone.
00:37:26 Donc il y a beaucoup de choses comme ça qui permettent d'économiser du temps
00:37:29 et donc des coûts dans ce secteur-là.
00:37:32 Pour la sécurité, c'est révolutionnaire.
00:37:35 Aujourd'hui, au lieu d'exposer un homme, et bien sur une portée entre 5 et 50 km,
00:37:40 voire plus, on peut exposer un objet, un drone.
00:37:43 Former un pilote d'avion peut prendre une dizaine d'années,
00:37:46 former un pilote de drone, ça prend quelques semaines.
00:37:48 Et donc ça signifie que pour une arme, aujourd'hui,
00:37:51 je peux avoir très rapidement 100 télépilotes de drone,
00:37:54 là où 100 pilotes de F-16, ça prendrait un peu plus de temps.
00:37:57 – Mais aussi pour les adversaires des armées.
00:38:00 – Bien sûr, on le voit bien avec le conflit russo-ikrénien,
00:38:03 la question des drones est centrale.
00:38:05 D'un côté, il y a des drones iraniens, de l'autre, des drones turcs, des drones américains.
00:38:09 Et même en termes de renseignements, aujourd'hui, plus votre drone vole haut,
00:38:14 plus il a une portée élevée, plus vous pouvez capter du renseignement en amont
00:38:18 et plus vous pouvez anticiper sur les choix, les décisions tactiques de l'ennemi.
00:38:23 Et donc c'est un enjeu réel.
00:38:25 Et même un enjeu diplomatique, parce qu'il y a une législation
00:38:30 qui s'appelle la législation ITAR, dont on ne parle pas beaucoup.
00:38:33 Qu'est-ce que c'est la législation ITAR ?
00:38:35 C'est une législation américaine qui dit que s'il y a un composant
00:38:39 dans un équipement de défense que vous utilisez,
00:38:41 le gouvernement américain décide si vous pouvez exporter un matériel ou pas.
00:38:45 Et bien, beaucoup de pays africains, sur la question des drones,
00:38:48 de la robotique et des équipements de défense, se sont retrouvés coincés à cause de ça.
00:38:51 Parce qu'à un moment ou un autre, vos relations avec un pays occidental
00:38:57 se sont un peu brouillées, et bien on vous interdit d'avoir des pièces de rechange.
00:39:01 C'est très facile. Si vous avez dit drone, et que je vous interdis d'importer les hélices, c'est fini.
00:39:07 Mais elles viennent d'où les pièces détachées ? Elles ne viennent pas forcément des États-Unis, justement ?
00:39:11 Pas que des États-Unis. C'est exactement ça la subtilité de la loi ITAR.
00:39:16 Il suffit qu'une vis dans ce drone vienne des États-Unis,
00:39:20 et bien les Américains ont le droit de dire si vous avez le droit de le vendre ou pas.
00:39:24 Et d'ailleurs, la France en a fait les frais.
00:39:26 Aujourd'hui, sur plusieurs fronts, il arrive parfaitement que le gouvernement américain ralentisse,
00:39:32 traine des pas pour donner une autorisation d'exportation pour une vente d'équipements.
00:39:37 William Elong, le petit génie du drone Camerounais, comme le titrait un article de RFI,
00:39:43 il y a un peu plus d'un an, est le grand invité de l'économie RFI Jeune Afrique.
00:39:47 On va continuer à parler ensemble des grands enjeux économiques pour le continent,
00:39:54 de la relation avec la France, des questions d'immigration en Europe,
00:39:58 de la recherche de talents et de football, bien sûr.
00:40:01 Avant cela, on vous a demandé de choisir une musique, une chanson, et vous avez choisi celle-ci,
00:40:06 "Zamina, mina, zangarewa", un tube rendu planétaire par Shakira lors du Mondial en Afrique du Sud.
00:40:13 Mais à l'origine, c'était en 1986, il y a une chanson camerounaise
00:40:18 qui fait partie du répertoire des soldats, mais aussi des groupes de jeunes scouts dans toute l'Afrique.
00:40:23 Le groupe camerounais Golden Sounds, rebaptisé Zangarewa. On écoute un extrait.
00:40:28 Zangarewa, c'était en 1986, vous n'étiez pas né.
00:40:48 William Elong, qu'est-ce qu'elle signifie pour vous, cette chanson ?
00:40:52 Moi, j'aime beaucoup cette chanson pour plein de raisons.
00:40:55 Parce que déjà, ça évoque mon enfance, ça évoque mon pays,
00:40:58 ça évoque beaucoup de choses qui m'ont fait grandir.
00:41:03 Et c'est une chanson de motivation, qui encourage, qui dit…
00:41:07 Et aussi parce que, du point de vue startup, je ramène souvent toi à ça,
00:41:12 pour moi, c'est la plus belle startup africaine, cette chanson.
00:41:15 Parce que c'est la preuve que vous pouvez commencer en Afrique et finir sur le toit du monde.
00:41:19 Aujourd'hui, j'étais aux États-Unis, dans le cadre d'un programme, le programme IVLP,
00:41:23 et j'étais entouré de gens de 15 pays différents.
00:41:27 Et bien, étonnamment, notre point commun, c'était cette chanson.
00:41:30 Dès que j'ai chanté cette chanson, ils ont pensé à la reprise de Shakira, évidemment.
00:41:35 Et ça montre que vous pouvez commencer en Afrique et tout est possible.
00:41:41 En l'occurrence, c'est une marche militaire, l'Afrique en marche,
00:41:44 l'Afrique qui conquiert le monde, mais dans un monde de plus en plus compliqué.
00:41:48 Je voudrais vous faire réagir aux propos tenus en ce début d'année 2024
00:41:52 par Bruno Le Maire au ministère français de l'économie, lors de ses voeux.
00:41:57 Tout a changé enfin en sept ans, parce que le monde a changé.
00:42:01 Et que nous devons tous en prendre une conscience aiguë.
00:42:06 Sans quoi nous ne prendrons pas les bonnes orientations politiques dans les années qui viennent.
00:42:12 Nous vivons un moment historique qui définira les rapports de force mondiaux des 50 prochaines années.
00:42:19 Historique, la réorganisation des chaînes de valeur que nous avons tous connues depuis plusieurs mois.
00:42:24 La mondialisation ne sera plus jamais comme avant.
00:42:28 Elle était purement économique, elle va devenir politique.
00:42:33 Je veux dire dictée par des impératifs de puissance,
00:42:37 motivée par des logiques de transaction et de pur intérêt.
00:42:41 Et guidée par une course à l'indépendance.
00:42:45 Le temps est à la dureté des nations.
00:42:49 Le temps est à la dureté des puissances.
00:42:53 Ça fait un peu de froid dans le dos William Elong.
00:42:56 La course aux indépendances, l'heure est à la dureté des puissances.
00:43:00 Comment vous analysez ça ?
00:43:03 L'heure a toujours été à la dureté des puissances.
00:43:05 Et les rapports entre les temps ont toujours été des rapports de force.
00:43:08 Je ne dis rien de nouveau là.
00:43:11 Pas plus en 2023-2024 qu'avant ?
00:43:14 Un peu plus. Pourquoi ?
00:43:16 Parce qu'avant, le monde était régi par un camp dominant.
00:43:22 C'était l'Occident qui dictait la marche du monde à tout le monde.
00:43:25 Et bien depuis, les choses ont un peu changé.
00:43:28 Il y a aujourd'hui ce que certains appellent le sud global.
00:43:31 Il y a l'Afrique, il y a l'Amérique latine.
00:43:34 Et bien le monde aujourd'hui n'est plus unipolaire.
00:43:37 C'est un monde multipolaire.
00:43:39 Et donc le champ de confrontation s'élargit effectivement.
00:43:43 Mais ça a toujours été le cas.
00:43:46 C'est juste qu'avant, il y en avait un qui était plus fort que tous les autres.
00:43:49 Il les écrasait et imposait sa façon de penser.
00:43:51 Aujourd'hui, vous avez des générations en Afrique, en Asie, qui disent non.
00:43:56 Qui disent on ne veut pas qu'on nous impose une culture.
00:43:59 On ne veut pas qu'on nous impose une façon de voir le monde.
00:44:01 On ne veut pas qu'on nous impose une façon de penser.
00:44:03 On estime que nous avons des états et que nous sommes des gens assez matures pour décider de notre destin.
00:44:09 Aurélie ?
00:44:10 Vous avez récemment publié un poste que je vais vous lire.
00:44:14 Je vous cite.
00:44:15 "Nous, Africains, ne devons ni suivre les Russes, ni suivre l'Occident,
00:44:21 mais créer notre propre voix pour nos propres intérêts.
00:44:25 Devenir des vassaux d'un camp comme de l'autre me semble être une insulte
00:44:29 à l'honneur de tous ces héros comme Thomas Sankara
00:44:33 qui se sont battus pour notre indépendance et notre liberté."
00:44:36 Fin de citation.
00:44:38 Qu'est-ce que vous vouliez dire ?
00:44:40 Je voulais dire exactement ce que j'ai dit.
00:44:43 À savoir qu'on ne peut pas et on ne doit pas remplacer le colon français par le colon russe ou par le colon chinois.
00:44:51 On doit écrire notre histoire.
00:44:52 C'est très simple.
00:44:54 Aujourd'hui, les Africains doivent prendre conscience du fait qu'ils sont les seuls maîtres de leur destin.
00:44:59 Et oui, il y a eu la colonisation.
00:45:01 Oui, il y a eu l'esclavage.
00:45:03 Mais la victimisation permanente, j'estime que c'est le passé.
00:45:08 On a compris.
00:45:10 S'il fallait que tous les pays qui ont été écrasés, qui ont été dominés,
00:45:14 s'enferment dans ce discours-là, on n'irait pas plus loin.
00:45:17 Et ceci dit, entendons-nous bien,
00:45:19 dire "il ne faut pas se victimiser" ne signifie pas nier la réalité de l'impact continu de la colonisation
00:45:26 via des mécanismes néocoloniaux tels que le franc CFA.
00:45:29 Donc, c'est juste de dire qu'il faut se projeter sur l'avenir.
00:45:33 Il faut quoi ? Coopérer ?
00:45:36 Bien sûr qu'il faut coopérer.
00:45:37 Personne ne se développe seul.
00:45:39 Il ne faut pas non plus tomber dans un discours radicaliste qui dirait "l'autre est forcément mon ennemi".
00:45:45 Ce n'est pas le cas.
00:45:46 Aujourd'hui, vous avez des exemples.
00:45:49 Je dis exemple, mais ça, c'est défaut.
00:45:51 L'Union européenne.
00:45:52 Vous avez 27 États qui ont 27 intérêts différents.
00:45:56 Mais croyez-moi, ils arrivent à parler parfois d'une seule voix.
00:45:59 Face à la Chine, ils savent parler d'une seule voix.
00:46:02 Face aux États-Unis, ils savent parler d'une seule voix.
00:46:05 Donc, défendre, aimer son pays, ce n'est pas rejeter les autres.
00:46:09 Défendre son pays, ce n'est pas créer des barrières entre nous et les autres.
00:46:13 Ça signifie, on dit la mondialisation, c'est le carrefour du donner et du recevoir.
00:46:17 Donc, il faut prendre chez les autres ce qu'on peut prendre et garder notre propre identité.
00:46:22 Donc, dans ce contexte, les Africains se trompent en se divisant entre ceux qui s'éloignent totalement de la France
00:46:28 et ceux qui continuent complètement de travailler avec elle ?
00:46:31 Totalement.
00:46:32 Alors, je dirais que c'est beaucoup plus subtil que ça.
00:46:35 C'est beaucoup plus mincé que ça.
00:46:37 On ne peut pas, aujourd'hui, déjà, personne ne peut se développer seul.
00:46:42 L'Occident ne peut plus se développer seul.
00:46:45 L'Afrique ne peut pas se développer seule.
00:46:47 Ça, c'est un point.
00:46:48 Mais, j'aime souvent rappeler que si on fermait les frontières totalement de l'Europe
00:46:53 et si on fermait les frontières totalement de l'Afrique, je ne suis pas sûr que ce sont les Africains qui perdraient le plus.
00:46:58 Aujourd'hui, vous avez, par exemple, si on pense au cacao, vous avez une bonne partie de la production mondiale de cacao
00:47:05 qui est entre le Ghana et la Côte d'Ivoire.
00:47:08 Au dernier, à Nouvelle, il n'y a pas de cacao.
00:47:10 Il y a à Genève.
00:47:11 Mais, il se trouve que les pays européens sont les premiers producteurs de chocolat.
00:47:15 Donc, ça signifie qu'il faut une industrialisation et que les Africains prennent la capacité à transformer leur matière première au niveau local.
00:47:22 Et pour cela, parfois, l'expertise, aujourd'hui, en matière d'industrialisation, elle est souvent à l'étranger.
00:47:28 Donc, il ne faut pas hésiter à coopérer.
00:47:30 Il ne faut pas hésiter à travailler avec des Français, des Russes, des Chinois.
00:47:34 Mais, par contre, il faut le faire dans une logique de respect mutuel.
00:47:37 C'est cela, mon message.
00:47:38 Il est très simple.
00:47:39 C'est de dire qu'on doit travailler ensemble.
00:47:41 Il faut qu'on travaille ensemble, mais dans le respect.
00:47:44 Le principal reproche que les Africains font, parce qu'on parle souvent de sentiments anti-français.
00:47:48 Mais non, il n'y a pas de sentiments anti-français.
00:47:50 Il n'y a pas des Africains comme ça, assis dans leur famille, en train de chuchoter.
00:47:55 "Oh là là, la France serait le diable absolu."
00:47:57 Non.
00:47:58 Par contre, il y a des Africains en train de dire, "Oui, la France nous a laissé quelque chose qui s'appelle le franc Cefa dont on ne veut plus."
00:48:03 C'est un sentiment anti-néocolonial.
00:48:05 Ce n'est pas un sentiment anti-français.
00:48:07 Au contraire, regardez l'agence universitaire de la francophonie.
00:48:10 Regardez les instituts français qui sont prisés.
00:48:13 Regardez les milliers d'étudiants africains qui viennent en France étudier chaque année.
00:48:16 Ne me dites pas que ces gens-là détestent la France.
00:48:19 Ce n'est pas vrai.
00:48:20 Voilà.
00:48:21 Vous venez d'évoquer justement le franc Cefa.
00:48:24 Il y a un mois, on a assisté à la formation de l'Alliance des États du Sahel entre le Burkina, le Mali et le Niger.
00:48:32 Un pacte de coopération sur divers sujets.
00:48:35 Mais en tout cas, qui a le même but.
00:48:38 Ils réfléchissent notamment à créer leur propre monnaie, sortir du franc Cefa et son héritage colonial.
00:48:45 Qu'est-ce que cela vous inspire ?
00:48:47 Je trouve qu'ils sont géniaux.
00:48:49 Je trouve que c'est une idée magnifique.
00:48:51 Vous pensez qu'il faut sortir du franc Cefa ?
00:48:53 Comme je pense, 80, peut-être même 90% des jeunes Africains qui vont écouter ce reportage,
00:49:00 on pense tous qu'il faut sortir du franc Cefa pour plusieurs raisons.
00:49:04 Sortons au-delà des raisons "affectives" et du fait que ça s'appelait quand même "franc des colonies françaises d'Afrique"
00:49:10 et que nous sommes en 2024.
00:49:12 Il y a aussi des raisons objectives.
00:49:13 Le nom a changé depuis ?
00:49:14 Oui, en gros, on a gardé le sigle, on a changé les mots.
00:49:17 C'est ce qu'on appelle de la cosmétique.
00:49:19 Maintenant, si on va sur le fond, aujourd'hui, on n'a pas besoin d'être arrimé nécessairement à l'euro.
00:49:26 Il y a plein de pays qui ne sont pas arrimés à l'euro.
00:49:28 La Corée du Sud, le Japon.
00:49:31 Et au dernier, nos valeurs économiques ne sont pas en faillite.
00:49:35 Donc, il faut bien comprendre que l'autonomie monétaire est un point essentiel du développement.
00:49:43 Déjà du point de vue psychologique, parce que ça permet aux nations et aux peuples de s'assumer en tant que réellement indépendants.
00:49:51 Et aussi, ça permet, de mon point de vue, quelque part, de responsabiliser les Africains en les amenant à assumer le fait qu'ils sont maîtres de leur destin.
00:50:02 Parce que le franc CFA crée un prétexte un peu pour certaines personnes.
00:50:06 Le franc CFA crée une alibi.
00:50:08 Le franc CFA permet à certains qui font juste de la malgouvernance, qui ne sont pas en capacité de travailler sur des vrais sujets.
00:50:15 Parce que lorsqu'on parle du franc CFA, qu'on l'agite comme ça, on oublie qu'il y a des questions de pouvoir d'achat des populations.
00:50:21 On oublie qu'il y a des questions technologiques.
00:50:23 On oublie qu'il y a, comme je disais, la cybersécurité, le spatial, la santé.
00:50:28 Donc, ne nous donnons pas l'impression non plus que c'est le franc CFA qui fait qu'il y ait des détournements de fonds partout en Afrique.
00:50:35 Le franc CFA, quand même, pendant le Covid, c'est une des rares monnaies, enfin c'est une monnaie qui est restée stable.
00:50:42 Là où beaucoup de monnaies se sont écroulées, on pense au CDI.
00:50:45 Et là où d'autres ne se sont pas écroulées aussi.
00:50:46 Il y en a beaucoup qui se sont écroulées, justement.
00:50:48 En Afrique de l'Ouest, je parle par exemple.
00:50:50 Si on compare, le franc CFA, ça a permis de garantir à ce que la croissance...
00:50:54 Même au Ghana et au Nigeria, on utilise de plus en plus le franc CFA aussi.
00:50:59 Oui, encore une fois, il faut bien comprendre.
00:51:03 Certes, le franc CFA a apporté une certaine stabilité.
00:51:08 Mais comme je dis, c'est un peu la paix de l'esclave.
00:51:14 Je n'en veux pas de cette paix-là.
00:51:17 Je n'en veux vraiment pas.
00:51:19 C'est-à-dire que si vous me dites que vous me donnez de la stabilité et que vous me mettez un boulet et une chaîne au pied, je n'en veux pas.
00:51:25 Et je pense qu'aujourd'hui, beaucoup de personnes n'en veulent pas.
00:51:27 Maintenant, au-delà de ça, on a présenté le franc CFA comme un outil d'intégration régionale et sous-régionale en Afrique.
00:51:35 Parce que moi, la première fois que je suis allé à Abidjan, j'ai été très surpris.
00:51:39 J'étais très content d'aller à Abidjan. J'avais mes francs CFA dans la poche.
00:51:42 Et puis, j'arrive à Abidjan et je sors 100 000 francs CFA.
00:51:45 Quelle a été ma surprise de découvrir qu'ils ont été dévalués de 10 % à l'époque.
00:51:49 Ça veut dire qu'on vous présente cela comme une monnaie qui serait commune à plusieurs pays.
00:51:54 Mais en réalité, il y a deux francs CFA.
00:51:56 Il y a un franc CFA en Afrique centrale et un franc CFA en Afrique de l'Ouest.
00:51:59 Premier point.
00:52:00 Imaginez que vous aviez 100 euros à Paris et que juste parce que vous avez fait le trajet Paris-Bruxelles,
00:52:06 ces 100 euros deviennent 90 euros.
00:52:08 Mais ce n'est pas un outil d'intégration de développement économique.
00:52:12 C'est un outil de destruction économique.
00:52:14 Et ça, c'est juste le bon sens qui permet de le comprendre.
00:52:17 – Et vous pensez que le Mali, le Niger, le Burkina, cette alliance des États du Sahel,
00:52:21 va pouvoir à court ou à moyen terme créer cette monnaie ?
00:52:26 Ou c'est une annonce politique ?
00:52:30 Ça vous paraît réalisable ?
00:52:32 – Est-ce que c'est réalisable ?
00:52:33 Oui. Est-ce que c'est ce qui va se passer ? J'en doute.
00:52:36 Maintenant, et je pense qu'il y a aussi un peu de populisme.
00:52:39 C'est ce que je disais tout à l'heure.
00:52:41 Le franc CFA donne un alibi parfait.
00:52:43 Le franc CFA donne un alibi pour noyer le sujet.
00:52:46 Noyer le sujet de la bonne gouvernance.
00:52:48 Noyer le sujet des problématiques de fonds de développement.
00:52:51 C'est un peu trop facile.
00:52:53 Donc non, si les Africains voulaient vraiment que le franc CFA s'arrête,
00:53:00 la jeunesse africaine le veut, les gouvernants africains ne le veulent pas.
00:53:03 Et je me rappelle, il y a une interview d'un député français
00:53:07 qui a fait une interview assez intéressante sur le sujet, où il le reprochait.
00:53:12 Il rappelait, à raison pour le coup, qu'en France,
00:53:15 le Parlement s'était déjà saisi de cette question du franc CFA
00:53:17 et avait refilé la patate chaude au Parlement africain.
00:53:20 Et qu'à date, aucun Parlement africain n'a fait une assise pour dire "nous arrêtons".
00:53:27 Il y a une transition vers l'éco en cours, normalement en 2027.
00:53:30 En tout cas une monnaie unique.
00:53:32 C'est ça, l'éco a été évoquée.
00:53:35 Mais même là, plusieurs personnes ont rappelé le côté un peu cosmétique de cette éco-là.
00:53:41 Pour nous, les choses sont, quand je dis pour nous,
00:53:44 en tout cas je parle pour moi, je ne parle pas pour tout le monde,
00:53:47 mais le franc CFA doit s'arrêter.
00:53:50 William Elong, il nous reste encore quelques minutes dans cet entretien,
00:53:54 ce grand invité de l'économie RFI Jeune Afrique.
00:53:58 À propos de cette relation Sud-Nord,
00:54:01 je voudrais que l'on écoute la chef du gouvernement italien, Giorgia Meloni,
00:54:06 qui a parlé des relations entre son pays, l'Italie, et l'Afrique,
00:54:11 qui est séparée seulement d'elle par la Méditerranée.
00:54:14 L'Afrique pour nous est stratégique, et pas seulement parce qu'on est voisin.
00:54:23 Tout ce qui va bien en Afrique va bien aussi chez nous,
00:54:25 et tout ce qui va mal en Afrique se répercute sur nous, d'une certaine manière.
00:54:29 Par ailleurs, contrairement à la perception qu'on en a,
00:54:32 en réalité ce n'est pas un continent pauvre,
00:54:34 c'est un continent qui dans certains cas est exploité,
00:54:37 et qui dans certains cas n'a pas les instruments pour extraire ses richesses.
00:54:41 Mais avec ces richesses, il pourrait très bien vivre, et il pourrait très bien prospérer.
00:54:45 William Elong, l'Afrique et l'Europe interdépendants,
00:54:52 selon Giorgia Meloni, restent à coopérer, y compris sur les sujets migratoires.
00:54:58 Oui, la preuve, je suis là.
00:55:02 Aujourd'hui, il faut bien comprendre que 40% des chercheurs en France sont étrangers.
00:55:09 Il faut bien comprendre que chaque étudiant étranger qui vient en France,
00:55:13 à l'instant où nous sommes en train de parler,
00:55:15 doit bloquer une sorte de caution qui représente un peu plus de 7000 euros,
00:55:20 qu'il devra dépenser en France, donc ça signifie qu'il rapporte de l'argent.
00:55:24 Autre point, il y a des organismes français, comme Business France,
00:55:29 et il y a une campagne qui s'appelle Choose France,
00:55:32 qui vise à attirer les talents et les entrepreneurs étrangers.
00:55:35 Donc, il faut sortir de cette vision un peu caricaturale
00:55:38 qui consiste à laisser croire que tous les immigrés, ou que l'immigré africain,
00:55:43 serait forcément quelqu'un avec une culture douteuse, peu qualifiée,
00:55:46 qui viendra à une barque par des moyens étranges.
00:55:50 Ça existe aussi.
00:55:51 Mais bien sûr, ça existe aussi, mais beaucoup viennent et travaillent.
00:55:54 Beaucoup viennent et font tous les métiers que personne ne veut plus faire en Europe.
00:55:58 Demander aux restaurateurs à Paris s'ils veulent que tous les immigrés rentrent.
00:56:02 Demander dans les hôpitaux en campagne si on veut que tous les médecins béninois rentrent au Bénin.
00:56:08 Demander dans les EHPAD si on a envie que les immigrés repartent tous.
00:56:13 Donc, il y a une réalité, c'est que la population étrangère apporte,
00:56:19 contribue à l'économie française, contribue même,
00:56:22 et je veux sortir de cette vision vraiment de ce qu'on appelle les métiers en tension.
00:56:26 Moi, je veux parler des métiers de science, dans les sciences, dans les arts.
00:56:32 Aujourd'hui, les personnes d'origine étrangère travaillent de manière réelle
00:56:38 au développement et au rayonnement en tout cas de l'Europe.
00:56:41 Regardez Faraday.
00:56:42 Faraday aujourd'hui, c'est une entreprise française
00:56:46 qui travaille avec des entreprises africaines, avec des gouvernements africains,
00:56:51 mais c'est bien une entreprise française.
00:56:53 Lorsqu'on travaille avec les entreprises américaines,
00:56:56 eh bien, on défend la souveraineté européenne face aux géants américains.
00:57:00 Donc, il faut bien comprendre qu'il y a des étrangers qui viennent en France pour créer des emplois.
00:57:04 Moi, je ne suis pas venu, je ne suis pas là pour chercher un travail.
00:57:08 Je viens pour créer des emplois, recruter des Français, recruter des Belges, des Allemands, peu importe.
00:57:15 Donc, il y a bien des étrangers qui viennent pour apporter quelque chose à l'économie,
00:57:20 apporter leur expérience, apporter leur vécu.
00:57:23 Et c'est cela aussi la réalité.
00:57:26 Message aux parlementaires français qui sont en train d'étudier effectivement un texte sur l'immigration.
00:57:31 Aurélie.
00:57:32 Il y a aussi un sujet de formation et de compétence.
00:57:36 Venir en France, étudier et finalement décider d'y créer une entreprise, ça a un sens aussi.
00:57:43 Est-ce que c'est une démarche que vous encouragez,
00:57:47 d'un point de vue représentant de diaspora, comment vous vous positionnez sur ce point-là ?
00:57:53 Déjà, je ne pense pas être représentant de diaspora.
00:57:58 Je ne suis pas très…
00:58:00 À l'aise avec ce terme ?
00:58:01 Non, parce que premièrement, mon entreprise, elle est toujours en Afrique et j'y suis toujours.
00:58:06 Elle est matriculée à Paris ?
00:58:09 Non, j'ai une entreprise, ma première entreprise est matriculée à Douala.
00:58:12 Wilson Plaza ?
00:58:13 Mais justement, c'est très intéressant ce que vous venez de dire.
00:58:15 Quand un entrepreneur américain va vers l'Afrique, on trouve qu'il est ambitieux, c'est la conquête du monde.
00:58:19 Et souvent, les entrepreneurs africains, lorsqu'ils vont vers l'international,
00:58:23 on voudrait donner l'impression qu'ils sont là, déconnectés de l'Afrique.
00:58:27 Donc, non, je ne pense pas.
00:58:29 Ce n'était pas ma question.
00:58:30 Non, c'était par rapport au fait que Bruno évoquait justement le fait qu'il y a une entreprise immatriculée à Paris.
00:58:36 Je soulevais le fait qu'il n'y a pas de contradiction dans le fait d'avoir une entreprise à plusieurs endroits,
00:58:40 de la même manière qu'une entreprise américaine peut avoir des filiales dans plusieurs pays.
00:58:44 Donc, ça, c'était le premier point.
00:58:46 Maintenant, aujourd'hui, est-ce que j'encouragerais des jeunes Africains qui viennent faire leurs études à créer leur entreprise en France ?
00:58:53 Tout dépend du secteur.
00:58:55 Tout dépend du secteur d'activité.
00:58:56 La réponse ne peut pas être biaisée.
00:58:57 C'est-à-dire que si vous voulez aller sur des secteurs que je qualifie de primaires, sur des choses simples,
00:59:03 l'immobilier, l'agriculture, aujourd'hui, les marges que vous faites en Afrique sont infiniment plus grandes que les marges que vous pouvez faire en Europe.
00:59:12 C'est-à-dire que sur tout ce qui est lié au commerce, j'ai envie de dire,
00:59:17 aujourd'hui, l'Afrique est mille fois plus rentable que la Terre entière.
00:59:21 Par contre, si vous êtes sur des sujets de très haute technologie, des sujets, par exemple, si vous êtes sur de la biotechnologie,
00:59:30 si vous êtes sur le spatial, si vous êtes sur l'intelligence artificielle appliquée à certains domaines,
00:59:37 par exemple, les startups, je pense aux startups qui sont dans la e-santé, etc.
00:59:40 C'est triste à admettre, mais la réalité est que vous aurez plus d'opportunités aujourd'hui en Occident
00:59:46 parce que ces réalités-là, qui sont en réalité universelles,
00:59:50 mais semblent pour les Occidentaux plus proches de leurs problèmes et semblent pour les Africains plus éloignés de leur quotidien
00:59:57 parce qu'il y a des problèmes d'eau, d'électricité.
00:59:59 Et pourtant, ces problématiques concernent tout le monde.
01:00:02 Aujourd'hui, si vous développez le spatial en Afrique, dans le continent qui a le plus de problématiques de sécurité,
01:00:07 eh bien, ça signifie moins de Boko Haram, ça signifie moins d'acme, ça signifie moins d'attaques terroristes,
01:00:14 ça signifie moins de piratisme maritime dans le golfe de Guinée, ça signifie moins d'attaques terroristes en Somalie.
01:00:19 Et au fond, ce sujet qui semble si lointain, le spatial, les satellites, eh bien, il a un impact dans le quotidien des gens.
01:00:26 Donc, de mon point de vue, ça dépend du domaine dans lequel vous voulez exercer.
01:00:31 Pour certains domaines, oui, l'Afrique est le continent le plus pertinent, mais pour d'autres, en l'état, en l'état, et j'insiste là-dessus,
01:00:39 non, l'Occident est beaucoup mieux et vous irez beaucoup plus loin parce qu'il y a beaucoup plus de capital,
01:00:44 parce qu'il y a beaucoup plus de personnes qui sont susceptibles de vous payer, de payer vos services.
01:00:50 Donc, il ne faut pas hésiter. Moi, je dis, si vous devez rester, restez. Si vous devez partir, partez.
01:00:56 William Eliong, est-ce que vous-même, vous avez été victime de racisme ?
01:01:01 Rarement. Rarement, et je dirais plus en Afrique qu'en France, d'ailleurs, notamment dans le Maghreb.
01:01:11 C'est l'endroit, en tout cas, en ce qui concerne mon expérience, dans ma vie, où j'ai vécu le plus de racisme.
01:01:17 On a vu récemment les propos du dirigeant tunisien contre les personnes d'Afrique subsaharienne, qui étaient scandaleuses.
01:01:24 Et heureusement, il y a une société civile, que ce soit au Maroc, en Tunisie, qui s'est levée pour rappeler quand même
01:01:31 qu'ils ne représentent pas toute la société tunisienne, toute la société marocaine, et ne pas réduire ces pays à cela.
01:01:38 En Europe, en France, non. Étrangement, même, je dirais l'inverse. Je dirais qu'en France, c'est l'endroit où,
01:01:48 pas qu'en France d'ailleurs, en Europe de manière générale, et aussi aux États-Unis, en Occident même,
01:01:55 c'est la partie du monde où j'ai vécu, où j'ai été le plus respecté de toute ma vie, très sincèrement.
01:02:02 Évidemment, il ne faut pas faire de généralité.
01:02:04 Évidemment, il ne faut pas faire de généralité, mais de mon expérience, il y a du racisme en Occident, il y a du racisme.
01:02:10 Mais ce que j'ai constaté, c'est qu'à partir du moment où vous avez quelque chose à apporter, souvent dans un domaine scientifique ou technique,
01:02:19 en réalité, les pays occidentaux vous donnent un traitement très différent de l'immigré qui n'a pas les mêmes qualifications.
01:02:27 Donc du coup, c'est assez logique que quelqu'un comme moi n'ait quasiment jamais vécu de racisme,
01:02:32 mais plutôt vécu même des facilités mises en place par les pays qui m'accueillaient pour mon intégration, pour mon développement dans le pays.
01:02:40 Mais ça ne change pas la réalité qu'il y a du racisme.
01:02:44 Je pense qu'il ne faut pas tomber dans la victimisation et assumer le fait qu'on est maître de son destin, tout simplement.
01:02:51 On va parler football pour terminer cette émission.
01:02:54 William Elong, à l'occasion de la Cannes en Côte d'Ivoire, les stars du Ballon rond, toujours plus adulés.
01:03:01 On pense à vos lions indomptables cameroonais, votre équipe de cœur.
01:03:06 Est-ce que vous trouvez ça justifié, parfois, cette idolâtrie pour certains footballeurs extrêmement bien payés ?
01:03:15 Il y a Kylian Mbappé, Lionel Messi, Cristiano Ronaldo.
01:03:19 Je pense qu'on dit que le football au Cameroun, c'est une religion.
01:03:24 Est-ce que je trouve que c'est justifié ?
01:03:27 Je trouve que chacun gagne ce qu'il mérite.
01:03:31 Maintenant, mon sujet, c'est plus pourquoi les... même pas pourquoi.
01:03:35 Je trouve que les personnes dans d'autres secteurs d'activité aussi, devraient être tout autant valorisées.
01:03:40 C'est aussi simple que ça.
01:03:41 Je pense que c'est très bien de valoriser des sportifs parce qu'ils font briller le maillot, ils font briller l'honneur du pays.
01:03:47 Mais derrière, il faut faire briller aussi des scientifiques.
01:03:50 On a des Africains qui sont excellents.
01:03:52 D'ailleurs, on a un des deuxièmes meilleurs mathématiciens au monde, c'est un Camerounais.
01:03:58 Vous avez des personnes qui travaillent dans le spatial.
01:04:04 Vous avez des personnes...
01:04:05 Vous dites-nous des noms.
01:04:06 En fait, il y en a tellement.
01:04:08 Et je ne veux pas me mettre à tous les citer, mais ce que je veux que vous compreniez, c'est que dans tous les laboratoires, j'insiste,
01:04:14 dans tous les grands laboratoires occidentaux aujourd'hui, vous avez au moins un Africain.
01:04:20 Vous avez au moins un Africain.
01:04:22 Et cet Africain, souvent, on ne connaît pas son nom.
01:04:25 Et c'est ça qui est dommage.
01:04:26 Mais je pense que ces Africains-là méritent d'être tout autant connus que des footballeurs, que des basketteurs.
01:04:33 Et c'est comme ça qu'on va créer une génération qui va se dire, ah, mais moi aussi, j'ai envie de devenir scientifique.
01:04:39 Moi aussi, j'ai envie d'entreprendre.
01:04:42 Puisqu'on parle des lions indomptables, qu'est-ce que vous pensez de Samuel Eto'o, le président de la Fédération AfricaFoot ?
01:04:49 Qui, on le sait, est parfois critiqué, parfois même mis en cause.
01:04:53 Alors, moi, il y a l'homme et il y a le symbole.
01:04:57 En tout cas, il y a une personnalité qui ne laisse pas indifférent.
01:04:58 C'est une personnalité qui ne laisse pas indifférent.
01:05:00 Il y a l'homme et il y a le symbole.
01:05:02 Je respecte énormément le symbole.
01:05:04 Et je pense qu'aujourd'hui, tout le monde, et même l'individu au fond, c'est-à-dire même en tant qu'homme, on le respecte.
01:05:10 Parce qu'il a fait quelque chose d'extraordinaire dans le sens où il a défendu l'honneur de son pays.
01:05:16 Et dans son domaine, en tout cas, exactement comme Zanga Lewa, que j'évoquais tout à l'heure, il est devenu un des meilleurs au monde.
01:05:23 Il est devenu le meilleur de l'histoire.
01:05:25 Donc, force est de constater, à un moment donné, il faut avoir un regard objectif et avoir l'honnêteté intellectuelle de reconnaître que, dans son domaine, à lui, il a excellé à des niveaux où peu d'Africains ont excellé.
01:05:37 Et en ce sens-là, c'est un modèle pour d'autres secteurs d'activité.
01:05:41 On devrait avoir des Samuel Eto'o, pour moi, de la robotique. On devrait avoir des Samuel Eto'o du spatial. On devrait avoir des Samuel Eto'o de la biotechnologie, qui sont des Africains.
01:05:51 – Des Samuel Eto'o du manga, pourquoi pas ? Puisque vous êtes fan de manga. – Bien sûr !
01:05:57 – Et vous êtes fan notamment de Naruto. – Totalement !
01:06:00 [Musique]
01:06:20 – Naruto, le manga star, à l'échelle mondiale d'ailleurs, qu'est-ce qui vous a amené à ça ?
01:06:26 – C'est l'universel. Je parlais de la mondialisation tout à l'heure.
01:06:31 Eh bien ça, c'est la preuve que, peu importe où vous êtes, peu importe votre origine, votre nationalité, il y a des choses qui nous connectent tous.
01:06:40 Et les mangas, ça en fait partie. Et surtout, les mangas de ce type-ci qu'on appelle les Shônen, qui passent un message de résilience et de détermination.
01:06:47 – C'est ce qu'on disait tout à l'heure, c'est ça, le Otaku ?
01:06:51 – Exactement ! Les Otakus, c'est toute la communauté internationale, intergénérationnelle de fans de manga.
01:06:58 Et je me revendique fièrement de ça. Pourquoi aussi ? Parce que beaucoup d'Otakus sont souvent des petits geeks
01:07:04 et souvent des jeunes qui, parfois, subissent du harcèlement scolaire.
01:07:08 Et j'estimais que c'était bien que ces jeunes qui écoutent sachent que, voilà, tu peux être un geek, tu peux être dans ta salle de classe aujourd'hui et finir chez Jeune Afrique.
01:07:18 Donc c'est un message d'espoir que je veux leur passer.
01:07:22 – Merci à vous, William Elong. – Merci à vous pour l'invitation.
01:07:25 – Merci d'être venu ici dans nos studios pour être le premier grand invité de l'économie RFI Jeune Afrique de cette année 2024.
01:07:33 Merci Aurélie. – Merci Bruno, merci William Elong.
01:07:36 – Votre article avec les meilleurs passages de cet entretien est à lire sur jeuneafrique.com,
01:07:42 la version intégrale en vidéo sur notre chaîne YouTube, rubrique "Les invités de l'économie".
01:07:47 Vous nous suivez sur les réseaux sociaux de RFI et de Jeune Afrique.
01:07:51 Merci à Guillaume Munier, à Robin Cusneau, à Swel Kedir pour la réalisation et la préparation de cette émission.
01:07:58 [Musique]
01:08:03 Écoute ici, écoute ailleurs sur RFI.
01:08:08 [Musique]

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