Emilie Girard, directrice des Musées de Strasbourg

  • il y a 7 mois
Les musées en Alsace ont battu des records de fréquentation en 2023. La directrice des Musées de Strasbourg, Emilie Girard, est l'invitée de France Bleu Alsace ce lundi 15 janvier.
Transcript
00:00 Les chiffres donnent le sourire, les musées en Alsace ont battu des records de fréquentation l'année dernière.
00:05 C'est d'ailleurs la tendance nationale.
00:06 Et ce matin, nous vous écoutons, vous, au 03 88 25 15 15,
00:10 et nous échangeons avec la directrice des musées de Strasbourg.
00:12 Bonjour Émilie Girard.
00:14 Bonjour.
00:14 Vous êtes toute nouvelle directrice, même puisque vous êtes arrivée le 1er janvier.
00:18 Vous venez du Mucem à Marseille, qui est le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée.
00:23 Ces chiffres, ils sont excellents à Strasbourg aussi, qui compte 11 musées municipaux.
00:27 Qu'est-ce qui se passe pour que ça cartonne autant ?
00:30 C'est peut-être un peu trop tôt pour l'analyser encore,
00:33 mais c'est vrai que ce sont des chiffres, vous le disiez, qui sont très représentatifs de ce qui se passe au niveau national.
00:39 Les musées constatent une hausse importante.
00:41 À Strasbourg, 688 000 visiteurs en 2023.
00:44 C'est une hausse de 19 % par rapport à l'année précédente.
00:47 Donc c'est des très, très bons chiffres.
00:49 Strasbourg bat tous ses records de fréquentation d'ailleurs.
00:52 C'est même mieux qu'avant le Covid.
00:53 C'est même mieux qu'avant le Covid.
00:54 Donc il y a une nette reprise.
00:56 On le voit, je le disais, sur le plan national.
00:59 Tous les chiffres qui tombent sont de cet ordre-là.
01:02 Et je crois qu'on assiste aujourd'hui à un retour des gens au musée après le Covid.
01:06 Il y a eu une baisse extrêmement importante, on le sait.
01:10 Et aujourd'hui, les gens reviennent.
01:11 Et les gens reviennent, je pense, avec des attentes différentes.
01:13 C'est ce qui est vraiment intéressant.
01:15 La sociologie des publics est différente aussi.
01:17 - Oui, il y a tous les publics qui reviennent, alors ceux qu'on n'avait pas vus depuis longtemps et qui reviennent au musée.
01:21 - Alors, ce qui est intéressant de voir, c'est qu'on vient moins seul, plus en groupe.
01:26 En famille. Et que les publics rajeunissent.
01:28 Et ce rajeunissement, il n'est pas seulement dû au fait que les personnes les plus âgées viennent moins,
01:33 par crainte de contamination, mais parce qu'il y a plus de jeunes.
01:36 La proportion de jeunes augmente vraiment.
01:38 Ce n'est pas simplement par défaut.
01:40 Et ça, ça nous oblige aussi, nous, les musées, à réinventer nos modes d'adresse au public.
01:44 À pouvoir travailler autrement, de manière à pouvoir répondre aussi à des attentes sociétales qui sont très différentes.
01:50 - Et ce rajeunissement, ce n'est pas uniquement parce qu'il y a plus de groupes scolaires qui permettraient de faire baisser la moyenne ?
01:55 - Non, les visiteurs individuels qui viennent en groupe sont plus jeunes.
01:59 - À Paris notamment, les musées ont dû faire sans les touristes asiatiques qui ont beaucoup manqué.
02:05 Est-ce que les touristes aussi ont manqué en Alsace ?
02:07 - Les touristes ont nécessairement manqué pendant la période de crise.
02:10 Mais là aussi, ils reviennent.
02:11 Et il suffisait de se promener dans le marché de Noël cette année pour voir à quel point ils étaient à nouveau présents.
02:16 Et ça se ressent aussi dans la fréquentation des musées, évidemment.
02:19 Je discutais encore en salle hier avec des agents de surveillance qui me disaient
02:23 qu'on manque d'audio guides dans différentes langues, qu'on a une demande.
02:27 Donc c'est bien la preuve que ce public est aujourd'hui revenu.
02:30 Pour autant, je pense qu'il faut apporter aujourd'hui une attention tout à fait particulière au public loco.
02:35 On l'a vu, le Covid nous l'a révélé.
02:38 Les personnes qui reviennent le plus facilement après des crises, après des épisodes difficiles.
02:42 Donc je crois qu'aujourd'hui, là aussi, ça a changé le regard des musées par rapport à leur public.
02:46 - Justement, c'est d'ailleurs ce que nous disait Thierry Kahn qui s'occupe du musée Unterlinden à Colmar. On va l'écouter.
02:51 - Ce qui est important à voir, c'est qu'en 2022, il y avait 31% de locaux et maintenant il y en a 61%.
02:59 Ce qui veut dire que le Delta est composé beaucoup de gens de l'Est.
03:03 Il y a une vraie volonté de revenir, un besoin de culture en résumé, qui est tout à fait évident.
03:08 Sachant que nous avons aussi ouvert les portes à d'autres manifestations, à d'autres activités telles que la danse, l'opéra du Rhin.
03:15 Les gens viennent pour ceci ou pour cela, mais il faut qu'ils viennent. Ils ont très envie de se déplacer au musée.
03:19 - Plus de locaux au musée Unterlinden notamment, vous le constatez aussi à Strasbourg.
03:24 Le public attend quoi d'une visite au musée aujourd'hui ? Qu'est-ce que ça veut dire, Émilie Girard ?
03:27 - Je crois que le public, aujourd'hui, attend d'une visite au musée une expérience.
03:31 On ne va pas au musée comme on lit un livre. On attend que son corps soit mobilisé.
03:35 On attend de ressortir avec des émotions, avec du contenu, parce que ça, je défends ardemment aussi.
03:40 Le fait que les musées sont des lieux scientifiques où on apporte, où on délivre quelque chose, un contenu, un savoir.
03:45 On explique, mais on attend aussi une émotion. Et ça, une émotion qui peut être transmise,
03:50 évidemment, par l'art, par les questions de société.
03:53 On parlait en début, avec le témoignage de la visiteuse de l'exposition Sida,
03:57 qu'ils sont des questions aussi sociétales importantes, que les musées, aujourd'hui, se doivent de discuter, de mettre sur le débat.
04:05 Donc voilà, c'est une pluralité de choses. Et mon collègue du musée Le Colmar en parlait aussi.
04:09 D'autres formes artistiques au musée, la danse, le spectacle, les interventions, autres,
04:13 les musées s'ouvrent de plus en plus. Et je crois que ça, c'est une tendance vraiment de long terme.
04:16 - Quelle expérience, quelle émotion, vous, avez-vous découvert, peut-être, apprécié, lors d'une récente visite dans un musée alsacien ?
04:25 Vous témoignez ce matin, vous vous faites aussi, tenez, la promotion, si on peut dire, de l'expo que vous avez appréciée.
04:30 Venez nous le dire, nous le raconter, sur France Bleu Alsace.
04:32 C'est votre moment jusqu'à 8h, 03.88, 25.15.
04:36 - Vous avez été nouvellement nommé, Émilie Gérard. Quelles vont être vos priorités dans les prochains mois ?
04:42 - Alors, il y en a beaucoup, mais je dirais que c'est effectivement toujours cette quête des publics.
04:48 On s'en réjouit, les publics viennent de plus en plus nombreux.
04:50 Pour autant, et ça, ça fait plus de 30 ans qu'on le constate, c'est toujours la même catégorie de public qui vient.
04:57 Et je crois que là aussi, aujourd'hui, de manière générale, les musées sont de plus en plus sensibles au fait d'aller chercher ceux qui ne viennent pas.
05:02 - Catégorie sociale, vous voulez dire ?
05:04 - Catégorie sociale, tout à fait. C'est toujours les classes les plus favorisées qui viennent au musée.
05:08 Et donc, on a aujourd'hui, on recherche les moyens de proposer des choses autrement, de sortir des murs du musée,
05:15 de présenter le musée ailleurs, hors de ses murs, de manière à pouvoir inviter aussi à venir et à visiter,
05:23 et à persuader les gens qu'ils y trouveront quelque chose, quelle que soit leur culture,
05:30 quel que soit leur milieu socio-professionnel, quelles que soient leurs attentes.
05:33 Donc, on travaille vraiment une diversification des palettes, de manière à pouvoir faire que les musées soient des vrais lieux d'accueil vivants et conviviaux.
05:41 - Est-ce que la tarification est un sujet, dans ce cas ? Parce qu'on voit le musée du Louvre, qui aujourd'hui passe son tarif d'entrée de 17 à 22 euros.
05:47 Est-ce qu'à Strasbourg, vous gelez les tarifs, ou peut-être essayez de revoir la politique tarifaire pour attirer ?
05:53 - Pour l'instant, le sujet n'est pas sur une hausse des tarifs dans les musées de Strasbourg.
05:58 Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, les musées sont un peu face à des injonctions contradictoires.
06:02 On leur demande d'avoir de plus en plus de moyens, on leur demande d'être de plus en plus accessibles.
06:06 Et donc, il convient de travailler ce sujet de l'équilibre, du juste prix,
06:10 de manière à pouvoir faire que le musée reste un lieu dans lequel on va facilement, sans trop se poser de questions.
06:17 Et d'un autre côté, que les musées puissent avoir les moyens aussi de leurs ambitions,
06:20 c'est-à-dire de pouvoir avoir l'argent nécessaire au développement d'une politique scientifique et culturelle adéquate.
06:25 Donc, c'est des calculs qui sont compliqués, qui se font sur le temps long, qui se font en dialogue, bien sûr, avec les tutelles,
06:30 que ce soit les collectivités locales ou le ministère de la Culture pour les établissements nationaux.
06:35 Mais c'est des vrais sujets, effectivement, de discussion.
06:38 Mais pour l'instant, à Strasbourg, en tout cas, il n'y a pas de question de ce point de vue-là.
06:42 - Un des grands événements qui va arriver à Strasbourg dans les prochains mois
06:46 et qui va vous concerner directement en tant que directrice des musées de la ville,
06:49 c'est Strasbourg, capitale mondiale du livre, à partir du mois d'avril.
06:52 Est-ce qu'il y aura des expositions associées à ce thème de la lecture et du livre ?
06:56 - Bien sûr, c'était inenvisageable que les musées de Strasbourg ne soient pas associés à cet événement culturel majeur.
07:03 Donc, les équipes ont travaillé depuis plusieurs mois, plusieurs années à la préparation d'expositions.
07:08 Dès le mois d'avril, on aura une exposition consacrée à la figure de Gustave Doré,
07:13 le grand illustrateur, évidemment, qu'on ne présente plus.
07:16 Julie Doucet, aussi, dessinatrice, qui sera présente juste à côté de ce studio, au musée Tom Junger.
07:23 Et puis, toute une quirielle d'autres projets de réaccrochage dans les salles
07:28 ou de grandes expositions comme "Place à Guttenberg" au musée d'Histoire,
07:32 un petit peu plus tard dans l'année, qui reviendra sur cette figure majeure
07:35 dont le monument de David d'Angers est tout près du musée.
07:38 Donc voilà, c'est une programmation riche qui va être foisonnante.
07:41 On accueillera évidemment aussi les événements de la grande lecture au moment de la semaine du lancement.
07:45 Donc, venez au musée en avril et tout le long de l'année,
07:48 vous découvrirez toute cette programmation très très riche.
07:50 - Émilie Girard, directrice des musées de Strasbourg, invitée du 6/9 de France Bleue Alsace ce matin.
07:55 L'un des enjeux, c'est aussi de faire des exploits avec des noms qui attirent,
07:58 des noms, on va dire, "bankable", si on peut parler comme ça.
08:01 Est-ce que vous aimeriez faire venir plus de grandes stars de la peinture, par exemple,
08:05 dans les musées alsaciens, strasbourgeois ?
08:07 - Des Picasso, des Matisse, des noms qui font un peu rêver, qui claquent.
08:12 - Des noms qui claquent.
08:13 Oui, alors ça, c'est effectivement...
08:16 On en rêve tous d'avoir des grandes expositions comme ça.
08:18 Après, il y a le principe de réalité sur le budget de tels événements.
08:21 Pour autant, je pense qu'on a à Strasbourg une chance incroyable,
08:25 c'est d'avoir des collections qui sont hyper riches, hyper intéressantes,
08:28 avec des grands noms de la peinture classique, avec des grands artistes contemporains,
08:32 et qu'on peut s'appuyer sur cette richesse-là pour faire effectivement des choses
08:35 qui donnent envie de venir au musée, qui parlent au plus grand nombre,
08:37 je pense que c'est important.
08:38 Pour autant, on a aussi une mission de faire découvrir des artistes un peu moins connus.
08:42 Et ça, j'y crois beaucoup, donc il faut trouver le juste équilibre dans cette programmation.
08:46 Moi, j'ai des idées en tête, mais dont je ne parlerai pas encore,
08:49 parce que ce sont des productions, des propositions qui doivent être nourries avec l'équipe.
08:53 Donc on va commencer à en discuter, de manière à pouvoir là aussi donner envie,
08:57 par ces noms, par ces découvertes, de venir au musée.
09:01 - Une dernière question à propos de la nomination de la nouvelle ministre de la Culture, Rachida Dati,
09:05 qui est peut-être la seule surprise, à ne pas être surprise, de sa nomination.
09:09 Ça vous a surpris, vous ?
09:11 - Oui, ça nous a surpris, parce que ce n'étaient effectivement pas
09:14 les noms qui figuraient dans les listes qu'on entendait.
09:17 Voilà, donc je crois qu'elle va s'atteler au travail.
09:19 Elle a des équipes, elle a une administration qui va pouvoir
09:22 lui transmettre les priorités et les dossiers en œuvre.
09:25 Donc on attend, je crois qu'il y a une grosse attente de ce côté-là,
09:28 de savoir comment les choses vont se passer dans les semaines qui viennent.
09:30 - Vous pensez pouvoir travailler avec elle ?
09:32 - On verra, enfin je veux dire, pour l'instant, on est ouvert.
09:35 Je crois que le monde de la culture a des attentes, clairement.
09:39 A des craintes, peut-être.
09:41 Mais je crois que tout le monde est ouvert à la discussion pour que les choses avancent
09:44 et qu'on puisse porter les projets qui nous tiennent tous à cœur.
09:47 - Merci beaucoup, Émilie Gérard, d'être venue au micro de France Bleu Alsace
09:50 pour nous parler de ces très bons chiffres,
09:52 ces excellents chiffres des musées de Strasbourg et de cette belle année qui s'annonce.
09:55 Bonne journée à vous, merci. - Merci.

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