La politique et moi - Fanta Berete

  • il y a 8 mois
Fanta Berete, députée Renaissance de Paris.

Rien n'a été simple pour Fanta Berete, dans la vie comme en politique. Née de parents ouvriers immigrés en France dans les années 70, elle a franchi les obstacles un à un pour siéger aujourd'hui à l'Assemblée, dans les rangs du groupe Renaissance.


Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcript
00:00 -Rien n'a été simple pour elle, dans la vie comme en politique,
00:03 mais mon invité a tracé sa route, franchi les obstacles
00:07 un à un pour siéger aujourd'hui à l'Assemblée
00:09 dans les rangs de la majorité.
00:11 Musique intrigante
00:13 ...
00:24 Bonjour, Fanta Berreté. -Bonjour.
00:27 -Si il y a une chose qui vous agace en politique,
00:30 ce sont les caricatures ou les généralités
00:32 que certains font parfois.
00:34 Par exemple, considérez que tous les députés Renaissance,
00:37 dont vous faites partie, sont forcément issus
00:40 de milieux favorisés. On va vous entendre répondre
00:43 à vos collègues de la France insoumise.
00:45 C'était fin 2022.
00:46 -Sur les bancs de la majorité, nous ne sommes pas tous issus
00:50 des classes que vous décrivez ou plutôt que vous haïssez.
00:54 Applaudissements
00:57 -Comme vous aimez les prénoms,
00:59 moi, je suis la fille de Ibrahima et Mariam,
01:02 ouvriers et ouvrières, retraitées,
01:05 avec une faible pension,
01:07 qui a été réévaluée par cette majorité.
01:11 Applaudissements
01:13 J'ai envie de vous dire que vous ne représentez pas
01:16 Ibrahima, Mariam et tous ceux avec qui je grandis.
01:19 Vous êtes une bande de tiktokers qui cherchent le bœuf.
01:23 -Premier point, visiblement,
01:24 vous n'aimez pas les tiktokers. -Si, j'adore TikTok.
01:28 -Bande de tiktokers. -J'adore TikTok.
01:31 -Comme une insulte.
01:32 Ce que vous avez voulu dire ce jour-là,
01:35 c'est que la gauche n'a pas forcément le monopole du coeur,
01:38 le monopole des classes populaires ?
01:40 -Oui, je pense que c'est ça.
01:42 J'ai tracé ma route et je viens de cette classe-là.
01:45 J'estime en plus, parce que mes parents y sont toujours,
01:48 que je les représente dans chacun de mes choix.
01:52 Et je pense que tout ce que nous faisons en politique,
01:55 c'est pour les Français d'une manière générale.
01:58 Selon les textes, effectivement, il va y avoir un angle
02:01 qui va être pris sur parfois une catégorie de personnes,
02:04 mais la gauche aujourd'hui, et surtout la gauche d'aujourd'hui,
02:08 ne peut pas avoir le monopole et n'a pas le monopole, en fait.
02:11 -Dans cette prise de parole, vous évoquez vos parents,
02:15 qui sont nés dans un village en Guinée,
02:17 qui sont venus travailler en France,
02:19 qui ont été ouvriers, qui sont, je crois,
02:22 des plus riches, en fait. Vous avez dit un jour
02:24 qu'ils ont été au RSA, ils ont connu le RSA.
02:27 -Bien sûr. Nous, on a été élevés avec le système d'abatte de sociale,
02:30 finalement, parce que mes parents ont eu des trajectoires compliquées.
02:34 On disait à l'époque qu'aux trêves, c'est vrai qu'ils sont
02:38 des travailleurs handicapés qui ont été exclus du système,
02:41 et c'est grâce, finalement, à tout ce système
02:44 que nous connaissons en France qu'ils ont pu élever quatre enfants.
02:47 -Vous avez une trajectoire assez rare, exceptionnelle,
02:51 on peut le dire. Qu'est-ce qu'il a rendu possible ?
02:53 Du côté de vos parents, ils ont dû faire des sacrifices
02:56 pour que vous, vos frères et sœurs, puissiez faire des études ?
03:00 -Je pense que c'était vraiment important pour eux
03:03 qu'on fasse des études.
03:04 Moi, j'ai pas été une bonne élève au démarrage,
03:07 puisque je fais partie de cette génération
03:10 qui est allée en lycée professionnel,
03:12 et qui est allée en lycée professionnel,
03:14 pas par choix, mais contraint.
03:16 Et finalement, ça m'a amenée aussi à retourner,
03:19 finalement, en lycée... Voilà, dans le lycée général,
03:22 et puis ensuite, à faire mes études et obtenir un bac +5
03:25 et à finir à Sciences Po.
03:27 Néanmoins, depuis que nous étions petits,
03:29 mes parents font partie de ces personnes
03:32 qui ont toujours payé pour des cours supplémentaires,
03:35 pour les mathématiques, pour le français,
03:37 qui ont toujours pris des abonnements...
03:39 Ils payaient des cours du soir,
03:41 et ma mère faisait un chèque à la fin du mois,
03:44 en plus de toutes les charges qu'elle avait à payer,
03:47 et c'est cette ouverture vers la culture
03:49 qui était importante pour eux,
03:51 que ce soit au niveau du sport ou des arts,
03:53 on a toujours pu bénéficier d'un certain nombre d'activités,
03:56 et je les remercie pour ça.
03:58 -Ca représente quoi, pour vous,
04:00 d'être députée de la République française,
04:02 quand vous vous retournez sur ce passé familial ?
04:05 -C'est...
04:07 J'ai toujours les larmes aux yeux,
04:09 parce qu'en fait...
04:11 J'ai envie de vous dire... Je sais pas.
04:14 C'est toujours difficile d'en parler.
04:17 Non, mais parce que ce sont les gens
04:19 qui nous voient comme députées.
04:21 Je reste Fanta Béreté,
04:22 donc voilà, qui a grandi là où elle a grandi,
04:25 mais c'est vrai que les gens,
04:27 même s'ils sont en colère contre les hommes et les femmes politiques,
04:31 quand vous allez quelque part,
04:32 et qu'on dit que vous êtes députée,
04:34 il y a ce regard d'admiration, ce questionnement,
04:37 et c'est là que vous vous rendez compte
04:40 de ce que vous représentez.
04:41 Donc, effectivement, il y en a 577,
04:43 tous les cinq ans,
04:44 donc, en fait, c'est une expérience incroyable,
04:47 mais pour une personne comme moi,
04:49 jamais j'aurais pu penser un jour
04:53 m'asseoir, en fait,
04:55 dans cet hémicycle.
04:57 -Si on parle un peu politique,
04:59 on vous a vu sur le projet de loi immigration,
05:01 signer cette tribune transpartisane
05:03 qui a fait la lune du journal Libération,
05:05 dans laquelle vous réclamiez la régularisation
05:08 des travailleurs sans papier dans les métiers dits "attention".
05:12 C'est votre histoire familiale qui parle sur ce sujet-là précis ?
05:16 -Sur cette tribune, il me paraissait important
05:18 d'arrêter l'hypocrisie.
05:20 Aujourd'hui, dans les grandes villes ou ailleurs,
05:22 on a un certain nombre de personnes
05:24 qui nous accompagnent dans notre quotidien,
05:27 qui font des travaux pour nous,
05:29 qui gardent nos enfants, qui gardent nos aînés.
05:32 Et je pense que le temps est venu
05:33 qu'on les regarde en face et qu'on dise
05:36 "vous allez pouvoir maintenant commencer une vraie vie",
05:39 parce que ce sont des vies empêchées,
05:41 des gens qui travaillent des heures et des heures,
05:44 qui n'ont pas de reconnaissance du système
05:46 et qui ne peuvent pas s'épanouir au sein de notre République
05:49 comme on voudrait qu'ils le puissent.
05:52 -On va s'arrêter sur votre parcours d'engagement politique.
05:55 Vous avez commencé à vous rapprocher de la politique
05:58 en devenant parent d'élève.
06:00 Vous avez fini par vous présenter au municipal à Paris en 2014
06:03 sur une liste citoyenne, mais le coup d'accélérateur,
06:06 pour vous, ça a été 2016, le lancement d'En Marche
06:09 et le projet politique d'Emmanuel Macron.
06:12 -J'étais déçue du quinquennat de François Hollande
06:15 et je me disais...
06:16 -Vous aviez voté socialiste. -Oui, j'avais voté socialiste.
06:20 Mon père nous demandait de voter socialiste.
06:23 -C'était la consigne de votre familial.
06:25 -Et donc, j'ai été happée par son discours,
06:27 son discours à la télé, le jour où il présente En Marche,
06:31 mon ordinateur sur les genoux, je suis dans mon fauteuil rouge
06:34 et je l'écoute au journal.
06:36 C'est cette notion, je pense, de déplacement
06:39 pour chacun d'entre nous... -C'est l'image.
06:42 -Et donc, ouais, effectivement, qui m'a percutée
06:46 et je trouvais qu'il avait vraiment envie
06:49 de transformer notre société
06:51 et donc aussi de vraiment prendre en compte
06:54 les enjeux d'aujourd'hui.
06:56 -Vous vous êtes engagée en parallèle de votre carrière
06:59 professionnelle dans le domaine des ressources humaines.
07:02 Vous êtes devenue la référente d'En Marche
07:05 sur le 15e arrondissement à Paris.
07:07 Vous étiez la structure militante de Paris à l'époque.
07:10 Vous pensiez obtenir l'investiture au législatif,
07:13 sauf que c'est Hugues Rançon qui a été investi,
07:15 qui vous a choisi comme suppléante.
07:18 Ca a été une grosse déception ? -Oui, c'était difficile
07:21 parce que j'étais là au début de l'aventure,
07:23 que j'ai vu ces étoiles s'aligner avec beaucoup de surprises,
07:27 parfois, le 10 décembre 2016,
07:30 la porte de Versailles, c'était incroyable.
07:33 Et effectivement, je pensais avoir cette investiture
07:36 et l'équipe a choisi Hugues Rançon,
07:40 qui est devenu vice-président de l'Assemblée.
07:43 Je pense que l'histoire a montré, 5 ans après,
07:45 que je pouvais y arriver, mais ça n'a pas été simple.
07:48 -Ca n'a pas été simple, effectivement.
07:51 On va regarder ça en détail.
07:52 Hugues Rançon ne se représente pas,
07:54 sauf que cette fois, c'est David Amiel
07:57 qui a été choisi à votre place.
07:59 Comment est-ce que vous expliquez qu'à deux reprises,
08:02 on n'ait pas reconnu et récompensé votre travail sur le terrain ?
08:06 Ca donne le sentiment que vous êtes l'éternelle dauphine,
08:09 toujours en deuxième position. -C'est l'histoire de ma vie.
08:12 -Je dis "dauphine" ou "dauphin",
08:14 parce que vous avez eu cette phrase,
08:16 "j'ai l'impression d'être un petit dauphin au milieu des requins".
08:20 Comme si vous n'arriviez pas à vous imposer,
08:22 à vous placer, à jouer vos réseaux.
08:24 Ca fait partie de la politique ? -Oui.
08:27 J'essaie très bien de me battre pour les autres.
08:29 Là, je ne lâche rien. Donc voilà.
08:31 Mais c'est toujours plus difficile, finalement.
08:34 Quand vous êtes manager dans une entreprise,
08:37 j'ai jamais eu de problème à demander pour l'équipe
08:40 des rémunérations complémentaires, des augmentations de salaire,
08:43 mais c'est toujours plus compliqué.
08:45 Je pense que j'ai eu du mal, finalement,
08:48 à faire passer ce que, moi, je pouvais apporter
08:50 au sein d'une équipe, mais parce que je pense
08:53 que j'ai parfois un manque de confiance en moi
08:56 qui résonne par rapport aussi à mon parcours,
08:59 et je me dis, est-ce que c'est moi qui va faire le meilleur job
09:03 dans cette position de première ?
09:05 -Olivia Grégoire vous a prise comme suppléante
09:08 dans la circonscription à côté,
09:10 qui a cheval sur le 15e et le 7e arrondissement.
09:12 Elle était ministre avant les législatives.
09:15 Vous faites partie de ces suppléants
09:17 qui sont devenus députés quelques semaines après les autres.
09:20 Vous êtes regroupée entre députés suppléants sur Telegram.
09:24 C'est difficile d'être député suppléant ?
09:26 -Je pense qu'on est arrivés un mois après les autres,
09:29 et donc, c'était la folie.
09:31 On est tous placés sur les rangs du fond.
09:34 -Vous êtes les derniers arrivés,
09:36 donc vous prenez les places qui restent.
09:39 -Ce sont de très bonnes places, je vous l'assure.
09:41 Vous avez une vue, je suis au milieu,
09:44 sur l'ensemble de l'hémicycle, et vous ne ratez rien.
09:47 -Vous vous donnez des conseils ? -On se donne des conseils,
09:50 on se motive, il y a des heures qui sont parfois difficiles,
09:53 et puis, surtout, il y a une solidarité.
09:56 C'est important d'avoir l'impression
09:58 de faire partie d'une équipe dans l'équipe.
10:01 -Vous faites partie de l'aile gauche de la majorité,
10:03 Olivia Grégoire, elle était plutôt assimilée à l'aile droite.
10:07 Ca peut créer des tensions ?
10:08 Comment ça se passe si vous prenez des positions différentes
10:12 sur un même sujet ? -C'est quasiment jamais arrivé.
10:15 Avec Olivia, par exemple, au moment où on a su
10:17 qu'on allait faire équipe ensemble, on s'est dit,
10:20 je me souviens, un après-midi,
10:22 on se parlera sur le texte "Fin de vie",
10:25 parce que le président a pris un engagement,
10:28 et il est possible qu'on ait des idées
10:30 qui ne soient pas les mêmes.
10:32 On a une circonscription qui est très partie prenante
10:35 sur ce texte-là.
10:36 Sur le reste, en toute sincérité,
10:38 on s'écrit très régulièrement, tous les deux ou trois jours,
10:41 on échange sur un tas de choses,
10:43 mais pas sur les positions politiques.
10:45 Sur l'immigration, je lui ai dit ce que je pensais,
10:48 et l'important, c'est de la prévenir
10:50 et qu'elle sache aussi se dire,
10:52 "J'ai été prévenue par Fanta,
10:54 "je sais ce que si je suis interrogée,
10:56 "elle fait beaucoup de médias."
10:58 -Quelle est votre position ?
11:00 Un sujet qui vous tient à coeur,
11:02 c'est celui des familles monoparentales.
11:04 Vous avez été maire célibataire
11:06 à un moment où vous repreniez vos études
11:08 tout en travaillant.
11:10 Aujourd'hui, vous avez fait de ce sujet un combat politique.
11:13 Vous pensez pouvoir faire adopter un dispositif d'aide
11:16 d'ici à la fin de la législature sur ce sujet ?
11:19 -Si je reste en place,
11:22 il est certain que je ferai adopter quelque chose,
11:24 quoi qu'il en coûte.
11:26 -Qu'est-ce qui vous aurait le plus aidé à l'époque
11:29 à être maire célibataire ?
11:30 -Tout ce qui concerne le système de garde.
11:33 C'est très difficile.
11:34 C'est le plus dur, parce que si vous voulez faire carrière,
11:37 ça nécessite du temps.
11:39 On est encore dans un pays où on estime qu'à 19h,
11:41 c'est très bien, si à 16h30, vous êtes parti.
11:44 On le voit sur la population des hommes.
11:46 Le système de garde, on peut innover.
11:48 -On va passer à notre quiz.
11:50 Vous allez devoir compléter les phrases que je vais vous proposer.
11:53 "Faire de la politique", c'est Renon Serra.
11:56 -Sa vie de famille.
11:57 -Oui. C'est dur.
11:58 -Il faut s'organiser, mais c'est pas évident.
12:01 On laisse de côté ses amis,
12:03 on commence à ne plus aller au dîner,
12:05 à ne plus aller aux anniversaires,
12:07 et pour les enfants, moi, la mienne est grande,
12:09 mais ça a un impact.
12:11 -Pour mes parents, avoir une fille députée ?
12:13 -Je pense qu'ils sont fiers, encore une fois.
12:18 Ils n'ont pas pu venir, c'est un regret.
12:20 -Ils ne sont pas venus vous voir ? -Non.
12:22 Mon père a été malade juste après, il a fait deux AVC,
12:25 et donc du jour au lendemain,
12:27 et donc j'espère qu'ils vont pouvoir venir,
12:29 ce sera pas évident, mais je sais qu'ils sont fiers,
12:32 mais je crois que je voudrais voir ça dans leurs yeux
12:35 et j'espère vivre ce moment.
12:37 -Si Olivia Grégoire quitte le gouvernement,
12:40 que ferez-vous ?
12:41 -Écoutez, j'ai la chance d'avoir pas mal de choses,
12:46 donc, pour moi,
12:48 donc déjà, je pourrais retourner dans mon ancien job,
12:51 puisque j'ai un contrat qui est suspendu,
12:53 et puis après, il y a plein d'horizons
12:55 qui peuvent s'ouvrir, donc il faut juste
12:58 voir les opportunités et regarder les bonnes étoiles.
13:01 -Merci, Fanta Berreté, d'avoir été l'invitée de La Politique et moi.
13:04 -Merci à vous.
13:06 Générique
13:08 ...

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