Loin des lumières de la ville - Un film de Lucie Lemaître du Mesnildot

  • il y a 9 mois
Transcription
00:00 L'histoire commence dans un petit village du Hauvar.
00:03 Non, pas celui-là.
00:04 Ni celui-là, celui-là non plus, non plus, non, non, non, non...
00:09 Ah, voilà ! C'est celui-là.
00:12 Hops ! Petit village du Hauvar.
00:15 Pourquoi celui-là plutôt qu'un autre ?
00:17 On pourrait parler de son climat, de sa douceur de vivre...
00:21 Mais non, ce n'est pas ça du tout.
00:23 Ici, vous êtes dans le village où j'ai grandi.
00:26 Je vous fais visiter ?
00:29 Là, devant vous, la fontaine.
00:31 Un peu plus loin, sur votre gauche, la terrasse du café.
00:35 Il n'est pas rare en été de voir débarquer des floppés de touristes,
00:44 immortalisant les moindres recoins de notre petit village.
00:57 À 11h, les mamies vont à la messe,
00:59 pendant que leurs maris les attendent devant la fontaine.
01:05 Et là, c'est nous, jouant au ballon sur la place.
01:12 Voilà, maintenant vous connaissez le village de mon enfance.
01:27 Et ça, c'est moi, rêvant à autre chose.
01:30 À quoi ?
01:32 Eh bien, à ce qui pouvait se passer ailleurs.
01:35 Je voulais devenir journaliste scientifique en archéologie.
01:41 Bon, finalement, je suis cinéaste.
01:44 Et ça n'est pas mal non plus.
01:46 Aujourd'hui, contre toute attente, je retourne dans mon petit village.
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02:26 Voilà bientôt dix ans que je suis partie.
02:28 Et je suis assez curieuse de savoir ce que je vais trouver
02:32 au bout de cette longue, longue route sinueuse.
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02:47 [Musique]
02:49 Tout est encore là.
02:53 La fontaine, le bar, l'église, les enfants qui jouent.
02:56 Sauf qu'aujourd'hui, ce n'est plus nous.
02:59 Mais que sont devenus les autres ?
03:05 Alexandra, Cédric, Grégory, Wafa, Pierre, Rima, Thibaut, Yannick, Virginie,
03:10 Joël, Aurélie, Karim, Fanny, Charlotte, Diane, Nicolas, Mélie, Gilles, Mathieu, Julien.
03:16 [Bruits de la foule]
03:18 Franck, Benoît, Edith.
03:28 En fait, tout commence avec eux.
03:32 Lui, c'est Benoît. Nous étions à l'école ensemble.
03:39 Et là, on est dans le bar de son père.
03:43 [Bruits de la foule]
03:45 Et là, Benoît, tu reprends le bar de ton père ?
03:49 Début de l'année prochaine, normalement.
03:51 Si tout se passe bien, normalement, fin d'année, début d'année prochaine.
03:54 Et tu n'as jamais pensé à partir ?
03:56 Non, jamais.
03:57 Jamais ?
03:58 Non, non.
03:59 Bonjour.
04:01 Qu'est-ce qu'il vous fallait ?
04:02 Allez.
04:04 Un petit cadeau.
04:08 Allez, 56.
04:10 [Bruits de la foule]
04:12 Aujourd'hui, il a 25 ans et vient d'être papa.
04:17 Michel, tu es allé à la pêche ou pas ?
04:20 Moi, j'attendais une dorade. Ma femme, j'ai dit "Michel, on te mène une dorade".
04:25 Écoute-moi, Benoît. Je suis en train de te dire que j'en ai deux grandes. J'en ai deux grosses, là.
04:30 Et pour lui, le bar, c'est un peu une affaire de famille,
04:33 qui se transmet de génération en génération, de père en fils, de grand-père en petit-fils.
04:40 Voilà.
04:41 Alors, tu nous présentes, Benoît ?
04:43 Je vous présente qui ? Mon grand-père ?
04:45 Oui.
04:46 Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
04:49 Je ne sais pas, c'est ton grand-père ?
04:51 Oui, c'est mon grand-père.
04:52 C'est le père de ton père ?
04:53 C'est le père de mon père, oui.
04:54 Le but de votre…
04:55 De votre…
04:57 De tout ça ?
05:01 De tout ça.
05:02 De votre film, qu'est-ce que c'est ?
05:05 C'est de savoir pourquoi les jeunes, ils restent en campagne, pourquoi ils s'en vont.
05:10 Donc, Benoît, lui, il est resté. Il veut savoir pourquoi il est resté, quels sont ses attachements, qu'est-ce que vous lui avez transmis, plein de choses.
05:17 Mais pour qui vous travaillez ?
05:19 Moi, je travaille, c'est mon film de fin d'études.
05:21 C'est pour les études, oui.
05:22 C'est pour valider mes fins d'études.
05:28 À quelques kilomètres de là, Edith, elle, rêve à tout autre chose.
05:35 Vous l'entendez ?
05:36 Mais si, écoutez bien.
05:41 Je sais faire sa vie comme il veut.
05:44 J'aimerais bien sonner dans la nuit.
05:48 Si je continue, je vais finir mal.
05:52 Si tu continues, tu vas mal finir.
05:55 Il faut bien s'arrêter un jour.
06:01 Seuls ceux qui gagnent leur vie peuvent s'arrêter un jour.
06:04 Seuls ceux qui gagnent leur vie ont bien gagné des vacances.
06:08 J'aimerais sombrer dans la vie.
06:15 Sombrer dans la vie.
06:18 Et ça fait longtemps que tu fais du théâtre ?
06:23 Ça fait... dix ans.
06:26 Et ça fait dix ans que ça te plaît ?
06:28 Ouais.
06:30 J'ai toujours adoré ça.
06:32 Et t'as envie de t'en faire ton métier ?
06:35 Ouais, j'aimerais bien.
06:37 Pas le théâtre, mais plutôt...
06:40 Je m'orienterais peut-être dans le cinéma.
06:43 Parce que c'est ce qui me plaît.
06:45 Et tu crois que le cinéma, le théâtre, ça te permettra de partir d'Ops ?
06:49 Oui.
06:50 Oui, je pense.
06:52 C'est obligé.
06:53 À part le théâtre, je pourrais toujours faire du théâtre à Ops.
06:58 Je pourrais monter un groupe, mais c'est pas ce que j'ai envie de faire.
07:01 Je veux travailler dans le cinéma, et le cinéma, c'est pas possible.
07:04 Quand j'ai quitté le village, je me souviens d'une toute petite fille.
07:17 Aujourd'hui, Edith a 15 ans.
07:19 Et c'est au-dessus de ses cahiers de classe qu'elle rêve de parcourir le monde.
07:26 C'est à deux heures de là que je retrouve Franck dans son nouveau village.
07:29 Belle garde ?
07:32 C'est là, entre Nîmes et Arnes.
07:35 Franck a 27 ans.
07:47 Et comme moi, il a fait le choix de quitter le village.
07:50 Quand je l'ai rencontré, il s'est décrit ainsi.
07:56 Arrivé à Ops à 10 mois, parti à 19 ans, il reste très attaché au village.
08:00 Alors, ça fait longtemps que t'es parti, toi, d'Ops ?
08:06 Ça va faire 9 ans.
08:09 Et pourquoi t'es parti ?
08:11 Pour travailler ici, à Carrefour.
08:13 Pourquoi ici, finalement ?
08:15 Pourquoi ici ? Parce que ma mère m'a devancé, elle est partie un an avant moi.
08:21 Elle est venue ici un an avant moi et ça m'a motivé, en fait, pour avoir un emploi rapidement et un salaire.
08:27 Et toi, aujourd'hui, t'aurais envie de revenir à Ops ?
08:30 Envie, oui. Après, voilà, il y a plein de paramètres qui font que c'est moins faisable qu'il y a quelques années.
08:40 D'accord. Et pourquoi ?
08:43 Parce que j'ai avancé professionnellement et j'ai vécu des choses dans ma vie privée aussi,
08:53 la naissance de mon fils à Nîmes, le fait que ma femme soit bien ici aussi.
08:59 Ça y est, vous les connaissez tous.
09:09 Ils vont maintenant pouvoir vous raconter leur histoire.
09:12 [Musique]
09:22 Depuis la place, en remontant la petite rue du marché et en tournant à droite, oui, oui, juste là, vous arrivez chez Edith.
09:30 C'est ici qu'elle vit avec sa mère et sa sœur.
09:33 On ne peut pas travailler dans le cinéma et rester toute sa vie dans un village, ce n'est pas possible.
09:39 Pour moi, ce n'est pas une idée que je conçois, mais je n'ai pas envie d'être Miss Marple,
09:47 à connaître que son village.
09:54 Il y a un monde entier qui s'étend devant nos pieds.
09:58 Les gens qui vivent toute leur vie dans le village, je n'ai rien contre eux.
10:05 J'ai envie de voyager, j'ai vraiment le goût du voyage, j'ai envie de découvrir des choses,
10:11 j'ai envie de parler plusieurs langues, vraiment, je n'ai pas du tout envie.
10:15 Et puis de vivre à… je peux voyager et vivre ici, mais je n'ai pas du tout envie.
10:20 Pourquoi tu n'as pas envie ?
10:22 Parce que c'est quelque chose que je connais trop bien, en fait.
10:29 On ne vit pas avec ses parents éternellement, c'est pareil, on les quitte.
10:34 Il y a des gens qui viennent revivre avec eux, j'en connais.
10:38 Mais je n'ai pas envie de revenir vivre chez mes parents, moi, c'est pareil,
10:43 je n'ai pas envie de revenir dans mon village.
10:45 On revient voir ses parents, comme on revient voir son village.
10:51 Puis c'est petit, un village qu'on prend, quand on a toujours vécu à Marseille, par exemple,
10:56 on vit à Marseille parce que c'est une ville, il y a plein de choses à découvrir.
11:01 Mais même si j'avais toujours vécu à Marseille, je voudrais partir découvrir vraiment des choses.
11:06 J'ai envie de découvrir le nord aussi, ça me plaît énormément, comme je disais, l'Angleterre.
11:12 J'aime beaucoup la pluie, les trucs comme ça.
11:15 Les trucs comme ça, le froid.
11:18 J'aime bien vivre dans le froid, en manteau, ça me plaît.
11:22 J'aimerais bien vivre dans un pays froid.
11:28 Un peu à l'écart du village se trouve un petit cabanon.
11:31 C'est ici que je retrouve Benoît, loin de l'agitation du bar.
11:35 Et quand tu étais petit à l'école, tu voulais faire quoi ?
11:38 Qu'est-ce que je voulais faire à l'école ?
11:41 Je ne voulais pas trop aller à l'école, je n'étais pas trop motivé par l'école.
11:46 Je voulais plutôt travailler dehors.
11:50 Au départ, je voulais plutôt être… J'ai toujours été amoureux de la nature.
11:56 Du coup, dès que j'avais un petit moment, je passais dehors.
12:00 Donc l'école, c'était plutôt la vie… je ne sais pas moi…
12:10 La vie agricole qui m'intéressait plus.
12:12 Du coup, je suis parti justement de l'école pour faire un CAP agricole.
12:18 Et c'est là que je me suis un peu découvert à m'amuser bien dans la colline.
12:23 Pourquoi tu as arrêté finalement ?
12:25 De l'école ?
12:26 Non, le CAP.
12:28 Parce que j'avais justement un commerce, que mes parents avaient un commerce depuis des dizaines d'années.
12:33 Donc je n'avais pas beaucoup de bagages et c'est des travails qui sont très difficiles.
12:39 Au bout d'un moment donné, il faut faire un choix de vie.
12:44 Ou tu travailles comme un chien pour un mec qui ne te paye pas,
12:48 ou tu travailles pour toi et essayer de faire vivre un peu mieux ta famille.
12:53 Actuellement, je suis plutôt dans une phase de famille,
12:56 donc je veux plutôt penser au futur.
13:00 Plutôt que de penser à maintenant à ce qui va se passer, je pense plutôt à l'avenir.
13:04 Là, on est chez Franck et Marilyn.
13:11 C'est tellement sympa comme village, tellement bonne ambiance.
13:16 Tu y étais déjà allé avant ?
13:18 Non, de passage oui, pour monter au lac avec mes parents plus jeunes.
13:22 Marilyn ? C'est elle, la compagne de Franck.
13:25 Elle a 26 ans et n'est pas obsoise.
13:28 Je n'aurais jamais cru finir avec un obsoir fait.
13:31 C'est vraiment un truc...
13:33 Avec une campagne.
13:36 Avec un vrai campagnard qui me mène à la ville.
13:39 Qui me sort du bar.
13:41 Par contre, tu vois, elle ne pourrait pas y habiter.
13:45 J'aurais du mal, je pense.
13:47 Parce qu'elle se sentirait un petit peu perdue.
13:50 C'est sympa les vacances, je me régale.
13:54 Après, il faudrait que j'y réfléchisse.
13:57 Ce n'est pas un an définitif.
13:59 S'il veut y retourner, je ne suis pas compliquée, je te suivrai.
14:03 C'est vrai que je réfléchirai à deux fois, parce que c'est loin de tout.
14:08 Tu vas à la Draguignan, il y a une demi-heure de virage.
14:11 Je suis tellement habituée aux lignes droites d'ici.
14:15 Ici, les virages se transforment en lignes droites.
14:19 Pour Franck, cela ne vaut pas les vallons de notre petit village.
14:21 Partout, il manque un petit quelque chose.
14:34 Même la ressemblance ne suffit pas.
14:36 Et toi, tu trouves que ça prend beaucoup de place dans sa vie ?
14:41 Oui.
14:43 Trop, de temps en temps ?
14:44 Trop, je ne vais pas dire trop.
14:47 Quand on est à Belgarde, c'est Belgarde.
14:48 Mais quand on descend à Aux, il faut aller au village, voir les copains, tout le monde.
14:54 Quand il descend, il appelle tout le monde.
14:57 Ça prend beaucoup de place quand on va dans le Var, quand on descend.
15:01 Après, à la maison, dans la vie de tous les jours, ça va quand même.
15:04 Non, mais j'essaye de...
15:06 Il y a des choses que je fais des ressentis, que je garde pour moi.
15:10 Quand j'y suis, là-bas, je me donne à fond.
15:15 Je me donne à fond pour essayer de faire le maximum de choses en très peu de temps.
15:18 Moi, je ne lui en veux pas du tout.
15:20 Je comprends vraiment...
15:22 C'est tellement une grande famille, ce village, que je comprends tout à fait ce contexte.
15:25 Je pense que c'est un peu le côté sauvage de ma génération.
15:29 Et bon, comme on peut en dire pas mal, pas tout le monde résonne comme ça.
15:35 Beaucoup sont plus adaptés à la vie de maintenant.
15:39 C'est-à-dire, bouger pour travailler.
15:42 Rayer un petit peu le passé pour pouvoir avancer.
15:45 Moi, ce qui me permet d'avancer, c'est de l'avoir dans la tête
15:48 et de continuer en parallèle à faire des choses avec ces personnes-là.
15:53 Donc, voilà, c'est vital pour moi.
15:56 À l'heure actuelle, c'est vital pour moi toujours.
15:58 A plein avant.
16:00 C'est fort de dire que c'est vital.
16:02 Oui, c'est vital parce que c'est ma santé morale.
16:06 Je dis pas que mon psychologique tienne qu'à ça.
16:12 Il faut être fort dans la vie, mais je veux dire, on me laisse le choix.
16:16 C'est moi qui pars, c'est moi qui vais.
16:19 C'est moi qui prends toutes les responsabilités.
16:22 Et si je suis mieux là-bas, ben...
16:24 Quand la douceur de l'été laisse place à l'hiver,
16:31 le rythme du village se ralentit peu à peu.
16:34 [Musique]
16:53 Et quand t'arrives à Hobs, t'as quoi comme sensation ?
16:55 La sensation qu'il fait boum boum boum ?
16:57 Ouais, ben... content d'arriver, quoi.
17:02 [Musique]
17:04 Hey ! Ça va ou quoi ?
17:06 Tu es à fond, toi ?
17:08 Ça va, dégâble.
17:10 Tu fais le bon tournée ou quoi ?
17:12 Ça va, ça va, je viens d'arriver.
17:14 Famille, infangie, l'année de somme, quoi.
17:16 Voilà, on arrive à... 9h, 9h20.
17:20 [Musique]
17:31 Et l'hiver à Hobs, c'est comment, toi ?
17:32 Ben, je sais pas, c'est...
17:34 Il neige une fois.
17:36 C'est trop bizarre, y'a tout le monde qui dit "ah, il fait super froid", et tout.
17:39 Mais il neige qu'une seule fois dans l'année, c'est...
17:41 C'est nul, quoi.
17:43 A la limite, il fait froid, ça serait bien qu'il neige tout l'hiver, mais là...
17:46 C'est... c'est mort, en fait, l'hiver à Hobs.
17:49 Y'a personne.
17:51 Pas à part le gars du bar et la boulangère, quoi.
17:54 Mais y'a... y'a personne.
17:57 Fait froid, quoi.
18:00 [Musique]
18:10 Y'a un hiver assez, assez, assez, assez rude.
18:13 Donc, en température, en façon de vivre, y'a beaucoup moins de commerces ouverts, y'a beaucoup moins de...
18:18 de...
18:20 de vie dans le village.
18:22 Faut essayer de se trouver un peu d'occupation, donc...
18:24 Je pense que les bonnes occupations, c'est les collègues, quoi.
18:26 Voilà, avant tout.
18:29 C'est moi, ça. C'est moi, ça, c'est David.
18:31 [Voix de l'homme qui parle]
18:34 Beaucoup de gens sont partis.
18:36 Donc, pour retrouver les gens qui sont partis, plus ceux qui sont restés,
18:39 et se rassembler tous, c'est pas évident.
18:41 Mais d'un peu, nous suffit, et je pense qu'on a... on a pas besoin de...
18:46 de faire des soirées en grande pompe pour en passer une bonne.
18:48 [Voix de l'homme qui parle]
18:50 Non, non, c'est pas vrai.
18:52 [Voix de l'homme qui parle]
18:54 Non, non, c'est pas vrai.
18:56 [Voix de l'homme qui parle]
18:58 Non, moi, je les ai rejoints après le match,
18:59 et à 9h, j'ai ramené les sables au livrier, et ils étaient partis.
19:02 [Voix de l'homme qui parle]
19:04 [L'oiseau qui chante]
19:06 [L'oiseau qui chante]
19:08 [L'oiseau qui chante]
19:10 [Voix de l'homme qui parle]
19:12 [Voix de l'homme qui parle]
19:14 [Voix de l'homme qui parle]
19:16 [Voix de l'homme qui parle]
19:18 [Voix de l'homme qui parle]
19:20 C'est sûr que si t'es loin et que t'as pas des nouvelles régulièrement,
19:23 t'as pas ce contact où tu entends la voix de l'autre,
19:25 et donc tu sais comment...
19:27 et l'autre, tu sais un peu mieux comment ça se passe.
19:29 Voici Anne, la mère d'Edith.
19:31 Alice, sa sœur, est assise entre elles deux.
19:34 Elle a 19 ans et va bientôt partir.
19:36 J'ai aucune angoisse sur le fait qu'elle s'en aille, non.
19:39 Non, non.
19:41 Bien au contraire.
19:43 [Rires]
19:45 Oui, bien au contraire, si vous faites une vie où vous êtes heureuse,
19:48 c'est ça qui compte.
19:50 Le reste, c'est annexe.
19:52 [Rires]
19:55 Et vous ? Est-ce que je vous manquerais ?
19:57 Non, pas du tout.
19:59 Moi, tu vois ? C'est bon !
20:01 Ça va, j'ai réussi mon boulot.
20:03 Non, mais non, mais non.
20:05 On dit ça aujourd'hui, mais bon, en grandissant, j'imagine,
20:07 je sais pas, je pense pas que ta mère te manque tout le temps.
20:09 T'aurais toujours besoin de l'appeler pour l'informalité,
20:11 les papiers, la bourse...
20:13 [Rires]
20:15 Mais attends, ça se fait pas encore.
20:17 Aux îles pendant les études, mais c'est vrai.
20:19 Mais un jour, c'est toi qui gères ça toute sa vie.
20:22 Je te détache vraiment, parce que quand tu commences à avoir tes enfants,
20:24 tes parents restent toujours dans ta pensée, dans ce que t'as vécu,
20:28 mais c'est pas forcément...
20:31 Enfin, t'es pas rattachée comme tu l'es quand t'es enfant,
20:35 ou quand t'es vraiment...
20:37 Quand t'es à la charge de tes parents, quoi.
20:40 Parce que t'as vraiment besoin d'eux, déjà, économiquement,
20:43 et puis, sentimentalement aussi, c'est ce qui te...
20:46 Oui, elle fait de s'aimer, ça, c'est sûr.
20:48 Oui, voilà.
20:51 Tu te détaches tout en gardant cet amour pour tes parents,
20:54 mais tu te détaches parce que tu commences à avoir ta propre vie,
20:57 tes propres...
20:59 Enfin, tu t'auto-gères, quoi, si on est auto-gérant.
21:02 Ah, j'ai réussi mon boulot, c'est bien.
21:04 [Rires]
21:06 Ah, on est contentes, alors, hein !
21:08 On est des bons employés.
21:10 Moi, j'aurais toujours besoin de toi, je le sais.
21:12 Tes petites recettes, tes petits machins...
21:14 Oui, mais les e-mails, ça marche, tu sais.
21:16 Comment on fait, lui ?
21:18 Ça, il veut pas nous voir, hein, vraiment !
21:20 [Bourdonnement]
21:22 Et toi, Benoît, ça te plaît, tout ça, les olives ?
21:25 Les oliviers, c'est pas trop mon truc, hein.
21:27 Eh oui, pourtant, ouais.
21:29 Il y en a beaucoup, ils en ont beaucoup plantés, moi, je...
21:32 C'est toujours moi qui les ai plantés.
21:34 Moi, ça me plaît de tailler, ça me plaît,
21:36 mais après, de ramasser les olives, c'est impossible.
21:39 Pour moi, c'est impossible. Mission impossible.
21:42 Tu venais souvent jouer ici, toi, Benoît, quand tu étais petit ?
21:46 Ah ouais, on venait souvent, là, chez mes grands-parents.
21:49 [Rires]
21:50 Quand on était jeunes, ils nous gardaient de temps en temps, hein.
21:54 [Rires]
21:56 On leur faisait la vie de temps en temps.
21:58 Et moi, surtout plus que...
22:00 [Rires]
22:02 Et il était comment, Benoît, quand il était petit ?
22:05 [Rires]
22:07 C'est bien Mario, là, hein !
22:10 [Rires]
22:16 Benoît, vous avez toujours pensé que Benoît reprendrait le bar ?
22:19 Moi, vous savez, je l'ai laissé à un de mes fils,
22:22 c'est à eux de se débrouiller, c'est plus à moi, hein.
22:25 Moi, je suis content qu'il perdure, c'est bien, mais...
22:29 On va essayer de faire pareil, hein.
22:32 Voilà, c'est tout.
22:34 Je l'ai laissé à un de nos fils.
22:36 Faut sauter, après, c'est une affaire qui...
22:38 Qui demande à qui travailler, donc...
22:40 On gagne sa vie, c'est déjà pas mal, hein.
22:43 On gagne sa vie, on...
22:45 Ils ont mis un peu leur trip, alors on peut pas non plus...
22:47 Et toi, tu y mets des tiennes ?
22:49 On va essayer de lui mettre un peu des nôtres, c'est bien.
22:51 C'est viable, quoi.
22:53 En travaillant, bon, il faut travailler.
22:55 Y a pas de secret, c'est comme partout, hein.
22:57 Mais bon, quand tu as ça, tu peux pas aller...
22:59 Tu peux pas passer à côté de ça, tu peux pas faire abstraction de ça, quoi.
23:02 Quand tu vis comme nous, on a toujours grandi ici,
23:06 moi, j'ai grandi avec tout le monde, je peux pas...
23:08 Du jour au lendemain, je peux pas partir de...
23:10 Je peux pas dire...
23:13 Je peux pas dire que le travail, peut-être que j'aurais fait comme mon oncle, qui est parti, mais sinon...
23:15 Étant donné que j'ai du travail et toute ma famille est ici, je vais partir, pourquoi ?
23:19 Pour mieux, non, c'est pas possible.
23:22 Je peux pas être mieux.
23:24 Quand tu as tout ça, c'est pas...
23:26 Je pense que le mieux où je peux être, c'est ici.
23:30 Donc...
23:32 Donc c'est beaucoup pour ça qu'on me fait ça, quoi.
23:35 Tout en haut du village, mon école.
23:42 Et au fond de la cour, tout à droite, ma classe.
23:45 Voici Madame Baratta, mon institutrice de CM2.
24:02 Au village, presque tout le monde l'a vue.
24:04 Ah, on va te retrouver ?
24:06 Eh ben ça y est, c'est ton année ?
24:08 Oui.
24:11 Ah, je te reconnais, ça !
24:12 Que je te retrouve !
24:14 Attends un petit peu.
24:16 Où es-tu ?
24:18 Ah ben vous étiez un bon groupe, hein ?
24:20 Oui.
24:22 Mais non, attends, attends, je ne te reconnais pas, c'est grave.
24:25 Moi, je me suis vue.
24:27 Toi, tu t'es vue chez les Saint-Cyr.
24:29 Oui, au milieu.
24:31 Toute belle, avec tes beaux cheveux.
24:33 Voilà, ça y est, je te vois.
24:35 Et c'est depuis sa classe que les enfants que nous étions rêvaient à leur avenir.
24:40 Au village, après ?
24:41 Ah oui, oui, oui.
24:43 C'est-à-dire qu'ils prenaient la succession des parents.
24:45 La personne qui avait des vignes, le garçon automatiquement allait sur les vignes.
24:52 Pareil pour les éleveurs, c'était la même chose.
24:56 Bon, puis petit à petit, la vie a changé.
25:00 Donc, les jeunes sont partis sur Dragnyan ou dans d'autres villes,
25:06 ou ont embrassé d'autres carrières.
25:09 Un peu comme toi.
25:10 Et finalement, si j'étais restée, je serais peut-être devenue toute autre chose.
25:24 Difficile à imaginer.
25:35 Et quand on avait cet âge-là, on sentait déjà cette envie pour certains de partir d'Ops ?
25:39 Certains avaient déjà la motivation pour une carrière bien déterminée.
25:47 Il y en a qui déjà savaient ce qu'ils allaient faire.
25:51 Et je pense qu'on retrouve.
25:53 Tu as des enfants pour qui c'était très facile,
25:56 et pour qui je pensais, embrasser une carrière...
26:02 Et puis donc, ils se sont contentés de...
26:04 Tu vois, Benoît, jamais je ne me serais imaginée qu'il reste sur le bar.
26:08 Ah oui, j'en pensais qu'il partait.
26:10 Je ne sais pas, je le voyais dans des études plus intellectuelles,
26:17 peut-être justement le barreau, quelque chose où il fallait qu'il parle beaucoup,
26:23 puisque c'est vrai qu'il a un bon bagout.
26:25 Mais je ne pensais pas qu'il reste dans l'affaire familiale.
26:31 Tu as eu besoin d'aller voir ailleurs pour savoir qui t'étais ?
26:33 Oui, c'est un moment d'hésitation, de ne pas trop savoir...
26:36 de me chercher un peu, et je me suis retrouvé dans des endroits
26:40 où on m'a considéré pour ce que j'étais, pas pour ce que je faisais,
26:44 pas pour le fils d'un tel, pas pour le petit-fils d'un tel,
26:47 parce que dans un petit village comme ça, c'est difficile de se faire un nom.
26:51 Quelque part, je n'ai jamais trop voulu me mettre en avant,
26:54 mais il faut quand même un peu prendre le recul avec tout ça.
27:00 Tu étais un peu le fils d'eux ?
27:01 Beaucoup le fils d'eux.
27:03 Celui qui a fait des conneries, c'est le fils d'eux.
27:06 Celui qui ne l'a pas fait, c'est le fils d'eux.
27:08 C'est toujours le fils d'eux, le petit-fils d'eux.
27:10 Donc c'était plus difficile de passer incognito.
27:15 Moi, je voulais arriver dans un endroit où on puisse m'apprécier,
27:19 justement, à ma valeur, pas par rapport à ce qu'il y avait derrière moi ou devant,
27:25 par rapport à qui j'étais plus ou moins.
27:29 Et là, tu es satisfait ?
27:30 Aujourd'hui, je suis pleinement satisfait.
27:32 Aujourd'hui, je suis dans mon élément.
27:35 Tu n'aurais rien voulu faire d'autre ?
27:37 Non. Je n'ai pas l'impression de passer à côté de quelque chose.
27:41 Ne pas passer à côté de son avenir,
27:52 pour certaines, c'est une histoire d'émancipation.
27:56 Carbone et couscous, la jeunesse est dans la rue !
28:04 Moi, c'est peut-être parce que je vis dans le sanctuaire que je le réalise.
28:08 Mais je n'ai pas envie d'être une femme soumise à faire la cuisine.
28:14 Tu trouves que ta mère a été une femme soumise ?
28:17 Non. C'est peut-être pour ça que je parle de ça.
28:20 Ma mère, c'est vraiment le contraire d'une femme soumise.
28:25 Je n'ai pas envie d'être comme ça non plus, d'être féministe à fond.
28:30 Mais je n'ai pas envie d'être une femme au village, comme le cliché qu'on se fait.
28:35 Je vis un peu sur les clichés du village alors que je vis dans un village.
28:38 Pour d'autres, c'est regarder grandir son fils et se demander si un jour il suivra nos traces.
28:43 Ton fils, tu le vois vivre ici, rester ici ?
28:46 Rester ? Mon fils, il fera un peu comme il veut.
28:51 Il se fera justement... Je ne veux surtout pas essayer de convaincre de quoi que ce soit.
28:59 De la meilleure vie, de la meilleure place au travail, de la meilleure école.
29:04 Je veux qu'il fasse comme il sent le mieux.
29:08 Oui, alors ?
29:10 Je ne vais pas saluer.
29:12 Bonne année, Néger. Allez !
29:15 Ah oui, fais la bille.
29:18 Allez, fais la bille.
29:20 Alors ? Oui.
29:27 Tu as donné la bille quand même, bébé.
29:29 Alors ?
29:31 Elle est où la main ?
29:34 Pour d'autres encore, c'est une idée qu'on garde dans un coin de notre tête pour continuer à avancer.
29:39 On va au manège ? On va faire un tour du manège ?
29:42 Non.
29:44 Est-ce que tu as cette certitude qu'un jour tu reviendras ?
29:47 Oui, parce que tôt ou tard, on sera dans le pire des cas à la retraite.
29:55 Donc oui, l'espoir, au fond de moi, je l'ai toujours.
30:00 Maintenant, comme je dis, avec le temps, j'arrive à m'y faire et à vivre comme ça.
30:05 On est pas mal heureux quand même.
30:13 On est bien.
30:15 On est même heureux quand même.
30:17 Un beau matin, je suis retournée dans ce petit village qui restera le mien.
30:22 Avec ma caméra, j'en ai troublé la tranquillité.
30:27 Mais aussi vite que l'hiver sera passé, chacun d'entre nous sera retourné à sa vie.
30:32 Benoît continuera d'ouvrir le bar.
30:38 Edith apprend le bus tous les jours.
30:44 Quant à Franck, il continuera à arpenter les allées de son magasin à Bellegarde.
30:51 Et la vie au village continuera.
31:03 Quant à moi, je m'en vais avec une certitude.
31:19 Aucun de nous n'oubliera jamais vraiment ce petit village.
31:22 Oui, oui, c'est toujours celui-là.
31:24 Ce petit village du Haut-Var, où nous avons grandi.
31:27 Et finalement, heureusement qu'il y en a qui restent.
31:35 Sinon, avec qui on irait boire un verre quand on revient ?
31:39 *Rires*
31:41 Attendez !
32:04 Vous n'êtes pas curieux de savoir ce qu'ils vont devenir ?
32:08 Moi aussi.
32:09 Pour le savoir, il suffit juste d'avancer un peu dans le temps.
32:13 10 ans devraient suffire.
32:14 Et finalement, rien n'a changé.
32:17 Rien, vraiment ?
32:19 Mais regardez bien au fond.
32:22 Cette mamie qui va faire ses courses chez Franck.
32:26 Quant aux touristes, ils ne viennent vraiment plus par hasard.
32:37 Et Benoît, que direz-vous ?
32:38 Si tout cela est vrai, ça, il n'y a que l'avenir qui nous le dira.
32:55 Il n'y a que l'avenir qui nous le dira.
32:58 *Musique*
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